02/2024

Synthèse de l’actualité internationale de février 2024

Par Axelle DEGANS, le 1er mars 2024  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Docteure en Géopolitique de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Membre du Conseil scientifique du Diploweb.com. Agrégée d’histoire, Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Auteure de nombreux ouvrages.

Découvrez la synthèse de l’actualité internationale de février 2024. Résultats électoraux ; Colère des paysans en Europe ; La guerre en Ukraine est une « épreuve de vérité » pour l’UE ; Un peu d’espoir pour l’Arménie ? ; Le temps des révélations ; Le retour de l’espace, etc.

Voici la précieuse synthèse d’Axelle Degans qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique mondiale, voire préparent un concours ou passent un entretien de recrutement. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte X anciennement twitter de veille géopolitique @diploweb. Ce compte de veille géopolitique compte de nombreux followers dont de nombreuses pointures du domaine dans de nombreux pays. Vous serez en bonne compagnie. Et c’est plus important que jamais d’être bien entouré.

Le sort des urnes

Au Salvador, le président sortant Nayib Bukele, qui se présente comme le « dictateur le plus cool du monde » en réponse aux attaques contre son autoritarisme, a remporté en février 2024 les élections présidentielles avec plus de 85% des suffrages exprimés. Il a mené une politique de grande fermeté contre les maras, ces gangs qui terrorisaient le pays : 75 000 arrestations plus tard, le pays est devenu plus sûr. Sa politique pourrait-elle faire des émules en Équateur et en Argentine ?

Au Sénégal, le président Macky Sall a décidé en février 2024 de reporter les élections présidentielles qui devaient se tenir au printemps. Les échauffourées se multiplient dans les rues entre forces de l’ordre et jeunes opposants politiques. Le Sénégal est un pays emblématique de la démocratie en Afrique subsaharienne, à l’image de son premier président Léopold Sédar Senghor qui a décidé de quitter librement le pouvoir. Ce pays n’a pas connu de putsch, à la différence de ses voisins. Le président Macky Sall ne peut pas se présenter pour un troisième mandat, c’est son Premier ministre qui doit faire office de dauphin. Les chances de celui-ci de remporter les élections sont minces, ce qui motive l’actuel président à reporter les élections, le temps de trouver une solution. C’est une entorse à la démocratie, mais ce n’est pas comparable aux putschs du Burkina Faso, du Mali ou du Niger, autres pays du Sahel. Le Conseil constitutionnel invalide la décision du président, un « dialogue national » est désormais à l’œuvre. Il passe par une loi d’amnistie et la libération de nombreux opposants politiques arrêtés arbitrairement.

En Azerbaïdjan, le président sortant Ilham Aliev a été réélu en février 2024, avec environ 90% des suffrages exprimés, une « farce électorale » aux dires de ses opposants très malmenés. Ce sont des élections anticipées – elles auraient dû se tenir en 2025 – pour bénéficier de l’effet de l’annexion du Haut-Karabakh. Au pouvoir depuis 2003, cet autocrate succède à son père Gaidar Aliev, un apparatchik membre du Politburo et général au KGB, qui a su tirer profit de la fin de l’URSS en prenant la tête de l’Azerbaïdjan… et de la manne des hydrocarbures en mer Caspienne. Le nouveau président nomme son épouse, Mehriban Alieva au poste de vice-présidente. Ce n’est que la continuation d’un régime très autoritaire, très corrompu, népotique et agressif.

Synthèse de l'actualité internationale de février 2024
Dr. Axelle Degans
Degans/Diploweb

Toujours la violence

Une attaque de drones a tué en février 2024 trois soldats américains et blessé une trentaine, dans une base militaire en Jordanie, non loin de la guerre qui se déroule toujours dans la bande de Gaza. En mer Rouge, les Houthis ont conduit de multiples attaques. Le président américain a promis une vive réaction face à une attaque revendiquée par ces forces proches de l’Iran. Joe Biden a pour horizon les élections présidentielles de novembre 2024. Il ne peut engager l’Amérique dans une nouvelle guerre, surtout après l’échec de la guerre en Irak et le désastre afghan. Il ne peut rester sans réaction. Il a décidé de mener des frappes aériennes, 85 sur sept sites répartis en Syrie et en Irak, qui ont causé la mort de plusieurs dizaines de personnes. Les forces américaines ont subi plus de 160 attaques dans la région depuis l’attaque du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023. L’Irak a dénoncé une violation de sa souveraineté et l’Iran, qui n’a pas été visé par ces frappes, dénonce les dangers d’une escalade des tensions dans la région. La guerre menée dans la bande de Gaza se poursuit et fait de nombreuses victimes.

Au Burkina Faso, une quinzaine de catholiques ont été assassinés en février 2024 par des djihadistes ainsi que des dizaines de musulmans dans une mosquée. Les pays du Sahel – Mali, Burkina Faso, Niger – dirigés par des juntes militaires n’ont pas retrouvé un semblant de stabilité. Ils annoncent quitter la CEDEAO et vouloir créer une monnaie commune.

Colère des paysans en Europe

La colère paysanne gronde en Europe. Elle rebondit depuis l’été 2022, quand elle avait éclaté aux Pays-Bas. Les paysans désespèrent d’être entendus. Ils manifestent bruyamment en février 2024 dans le quartier administratif « européen » de Bruxelles, à Madrid, bloquent la frontière entre la Pologne et l’Ukraine ou se saisissent du Salon de l’agriculture à Paris pour porter leurs revendications. Ils dénoncent les normes européennes et la démarche de vérification, témoignant d’une certaine défiance de l’Institution vis-à-vis des hommes. Ils dénoncent aussi les pratiques déloyales de nos partenaires commerciaux. Les paysans demandent à ne plus importer dans l’UE des produits agricoles qui ne respectent pas les règles imposées sur le sol européen, ils demandent que des « clauses miroirs » soient négociées lors des accords de libre-échange. Certains réclament l’abandon de l’accord en cours de ratification entre UE et le Mercosur. Bruxelles a déjà annoncé un délai, et reconnait que cet accord aura des conséquences négatives pour la filière bovine.

La guerre en Ukraine est une « épreuve de vérité » pour l’UE

La Suède peut intégrer l’OTAN après la levée du veto hongrois. C’est une révolution pour ce pays attaché à sa neutralité. La France vient de signer un accord bilatéral de sécurité avec l’Ukraine portant sur une aide militaire supplémentaire de près de trois milliards d’euros.

Les troupes ukrainiennes sont en difficulté face à la guerre d’agression menée par la Russie, comme l’avait déclaré l’ancien chef d’Etat-major ukrainien – le général Zaloujny - avant son renvoi par le président qui dénonçait son « défaitisme ». Kiev, qui entame sa troisième année de guerre de haute intensité, réclame les armes promises par les pays européens et qui n’ont pas encore toutes été livrées. Kiev pressent que la prochaine mesure de mobilisation sera difficile à mettre en œuvre auprès des 20-40 ans car le consentement de la population ukrainienne à la mobilisation baisse avec les mauvaises nouvelles militaires. Le président Zelenski accentue donc la pression sur ses partenaires européens pour obtenir plus d’armes et de munitions, car l’aide américaine est quasi-gelée. En fait, trente années de démilitarisation du continent européen laissent des traces. L’industrie d’armement ne produit pas assez pour les besoins d’une guerre de haute intensité qui consomme de très grandes quantités d’armes et de munitions, et les achats d’armes doivent être réglés. L’exécutif tchèque propose d’acheter des armes à des industries de pays tiers, ce qui endettera les Européens et fragilisera en retour les industries européennes d’armement. Par ailleurs, trois décennies de désarmement mental et cognitif quant à la menace russe laissent des traces.

Le président Emmanuel Macron multiplie les annonces lors de la réunion pour apporter un soutien militaire à l’Ukraine rassemblant une vingtaine de pays européens à l’Elysée : « Tout doit être fait pour éviter que la Russie ne gagne la guerre ». Il ajoute en réponse à une question : « l’envoi de troupes en Ukraine ne doit pas être exclu ». Les exécutifs des autres pays européens prennent du recul sur ce dernier point, le chancelier Olaf Scholz annonce qu’il n’y aura pas de soldat envoyé sur le sol ukrainien, même dénégation du néerlandais Mark Rutte, que Washington soutient pour prendre prochainement la direction de l’OTAN. Les États-Unis de Joe Biden annoncent qu’ils n’enverront pas de troupe militaire pour combattre en Ukraine. Ce qui devait être un discours de fermeté vis-à-vis de Moscou montre en fait certaines maladresses ou dissensions parmi les soutiens de Kiev. Le candidat Donald Trump laisse clairement entendre que l’aide américaine à l’Ukraine pourrait considérablement décroître. L’Allemagne ne veut pas envoyer ses Taurus pour éviter des frappes sur le territoire russe qui enclencherait une escalade mortifère. Thierry de Montbrial met en garde contre un dérapage « engageant la dissuasion nucléaire » et pose les questions suivantes : « jusqu’où soutenir l’Ukraine ? » et « avec quels outils » ?

« Il faut s’apprêter à ce que la Russie attaque » alerte le président Emmanuel Macron. La Russie multiplie les attaques informationnelles – le sharp power - la DGSI lance une alerte en France contre les ingérences et actions subversives russes. Viginum a mis à jour plusieurs très grosses opérations de désinformation russes.

Comment les pays européens aussi endettés peuvent-ils renforcer leur défense ? 120 000 hommes américains sont sur le sol européen. Moscou , en fait, ne craint que la force militaire américaine. « C’est l’heure de vérité pour l’Europe qui n’est pas une puissance militaire » déclare le général (2S) Gomart. Le monde est à l’heure de la reconstitution de logiques impériales en Chine, en Russie, or les Européens prennent douloureusement conscience de leur une addiction à la protection américaine. Que feront les Européens ? Sont-ils capables de mettre en œuvre des solutions durables avant d’avoir été poussés dans les cordes et de mettre un genoux à terre ?


Plus Le Club Le Figaro International. « Troupes au sol en Ukraine » : qu’a voulu dire Emmanuel Macron ?

Retrouvez Le Club Le Figaro International présenté le 27 février 2024 par Philippe Gélie, avec Nicole Gnesotto, Pierre Verluise, Véronique Guillermard, Nicolas Barotte.

Club international Le Figaro, 27 février 2024
Le Figaro

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Un peu d’espoir pour l’Arménie ?

A l’heure où la France fait entrer au Panthéon Missak Manouchian (résistant communiste des FTP-MOI) - et son épouse Melinée, le Ministre des Armées – Sébastien Lecornu – s’est rendu en Arménie. La France va fournir des armes (fusils de précision, jumelles de vision nocturne…) pour équiper une armée arménienne en butte à l’expansionnisme azerbaidjanais qui a déjà provoqué l’exil de 120 000 Arméniens du plateau du Haut Karabakh et menace aujourd’hui la partie sud du pays [1]. Une situation qui laisse l’Union européenne et nombre de ses membres dans une certaine indifférence. Après avoir longtemps misé sur la Russie, l’Arménie réalise que ce pays-continent ne lui apporte pas les garanties prévues. Ce qui oblige l’Arménie à tenter de repenser ses relations avec l’UE.

Le temps des révélations

L’opposant russe Alexeï Navalny est décédé en février 2024 à seulement 47 ans. Il était en détention dans une prison du cercle polaire. Les autorités russes refusent pendant une dizaine de jours de rendre son corps à la famille. Les services ukrainiens de renseignement révèlent qu’il serait décédé de « mort naturelle », probablement liée à des conditions déplorables de détention alors que sa santé était déjà fortement fragilisée par un empoisonnement par les services russes. Des tractations pour échanger Navalny contre un prisonnier russe détenu en Allemagne auraient été en cours.

Le président ukrainien Zelenski déclare que Moscou détenait les plans de la contre-offensive ukrainienne de l’été 2023. Il explique ainsi l’échec de cette opération militaire.

Le journal américain New York Times révèle que la CIA a établi, depuis 2014, une dizaine de bases secrètes en Ukraine près de la frontière russe et a aussi formé les services de renseignement ukrainiens.

La BCE enregistre une perte de 1,3 milliard d’euros en 2023, une première depuis 2004. La politique de lutte contre l’inflation et le relèvement des taux d’intérêts y sont pour beaucoup.

Au Royaume-Uni, la Royal Navy a perdu de son lustre. Le porte-avions Queen Elizabeth ne peut participer en février 2024, pour des raisons techniques, aux manœuvres organisées par l’OTAN au large des eaux norvégiennes. Un nombre trop faible de marins avait déjà empêché Londres de déployer ce porte-avions en mer Rouge en réponse aux attaques houthies. Les Britanniques échouent à tirer un missile balistique Trident, central dans la dissuasion nucléaire britannique. Londres a choisi le « grand large », le « global Britain » et la Royal Navy est au cœur de cette stratégie… mais l’ensemble de ces camouflets est cinglant. Un récent rapport de la Commission de la défense à la Chambre des Communes alerte sur l’état des forces britanniques incapables de mener une guerre de haute intensité. C’est fâcheux quand la guerre de haute intensité est de retour depuis maintenant plus de deux ans en Europe géographique.

Le retour de l’espace

Les Etats-Unis reviennent sur la Lune, promesse faite par Donald Trump après que la Chine ait réussi à faire alunir son Lapin de jade. Cette réussite de février 2024, saluée par Joe Biden, est basée sur un partenariat public-privé entre la NASA et la firme Intuitive Machines qui a conçu la sonde Odysseus lancé par une fusée Falcon 9 de Space X. C’est une illustration du projet Artemis qui doit permettre à Washington D.C. de reprendre pied sur la Lune d’ici 2026. Les Américains sont intéressés par le pôle sud de la Lune où de la glace laisse entrevoir un accès à de l’eau, de l’hydrogène et de l’oxygène.

Cette zone intéresse aussi vivement les Chinois qui veulent y développer, en collaboration avec les Russes, une installation lunaire habitée. En août 2023, Moscou a essayé d’y faire alunir une sonde. L’Inde et le Japon y sont récemment parvenus. En mal de capitaux, New Delhi ouvre davantage son secteur spatial aux investissements étrangers (IDE) pour permettre à l’Inde d’avoir les moyens de ses ambitions : être une puissance spatiale de premier plan.

Un Proche-Orient en recomposition

La guerre continue en février 2023 dans la bande de Gaza, et les Gazaouis peinent à accéder à l’aide humanitaire. L’ONU craint une famine. La question d’une trêve est de nouveau d’actualité : Israël propose une trêve de deux mois contre la libération de la centaine d’otages détenus par le Hamas et ses alliés. Paris accueille des négociations qui vont dans ce sens en recevant l’émir du Qatar, pays où sont par ailleurs réfugiés les dirigeants du Hamas.

Washington fait pression pour obtenir la démission du gouvernement de l’Autorité palestinienne. Il s’agit probablement d’une manœuvre pour que le Fatah de Mahmoud Abbas – l’héritier de l’historique OLP de Yasser Arafat – puisse non seulement diriger la Cisjordanie mais aussi la bande Gaza aux mains du Hamas depuis leur coup de force de 2007. Les Etats-Unis souhaitent une « Autorité palestinienne revitalisée » (donc sans le vieillissant Mahmoud Abbas qui incarne davantage le passé que l’avenir), préalable à un possible Etat palestinien. Une manière de préparer le « jour d’après » ? Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ne l’envisage pas ainsi, préférant un contrôle militaire de la bande de Gaza, ce que ne souhaite pas l’Egypte. Quelle place pour le Hamas qui se fond parmi les civils gazaouis pour se protéger des frappes israéliennes ? La bande de Gaza est en ruine. Le silence des Européens est assourdissant.

L’Egypte du maréchal al Sissi est exsangue. La guerre dans la bande de Gaza et les attaques houthies en mer Rouge ont dérouté une partie du commerce mondial réalisé par voie maritime. Voilà qui démontre combien la thalassopolitique gagnerait à disposer des moyens nécessaires à son développement, à moins qu’on préfère attendre qu’il soit trop tard. Les revenus tirés du canal de Suez ont beaucoup diminué, ce qui fait cruellement défaut au Caire. L’Egypte bénéficie du soutien saoudien, car ils mènent une lutte commune contre les Frères musulmans. Les Emirats arabes Unis s’engagent désormais aussi aux côtés du Caire grâce à leur fonds souverain ADQ qui annonce y investir une trentaine de milliards de dollars.

Bonnes nouvelles

Stephen Rostain, un archéologue français a découvert en février 2024 une civilisation précolombienne méconnue dans la jungle amazonienne de l’actuel Equateur. Sise dans la vallée de l‘Upano – nom donné à cette civilisation – elle serait apparue il y a trois mille ans, a prospéré jusqu’au septième siècle de notre ère. Elle serait donc contemporaine d’autres civilisations amérindiennes comme celle des Mayas.

Les athlètes françaises ont remporté en février 2024 une moisson de belles médailles aux championnats du monde de biathlon organisé à Nove Mesto en république tchèque. Bravo à elles !

A l’instar de l’équipe féminine de handball en décembre 2023, l’équipe de France de handball est sacrée championne du monde en février 2024, reprenant dignement l’héritage des « Barjots ».

Il pleut dans les Pyrénées orientales en février 2024, jusque-là très marquées par un épisode de sécheresse aggravé par la faiblesse du manteau neigeux en haute altitude.

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Voir les synthèses d’octobre 2023, novembre 2023, décembre 2023, janvier 2024, février 2024, mars 2024, avril 2024, mai 2024


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[1Lire Gaïdz Minassian, « Arménie-Azerbaïdjan, une guerre sans fin ? Anatomie des guerres post-soviétiques », éd. Passé composé, 2024.


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| Dernière mise à jour le dimanche 13 octobre 2024 |