Docteure en Géopolitique de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Membre du Conseil scientifique du Diploweb.com. Agrégée d’histoire, Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Auteure de nombreux ouvrages.
Découvrez la synthèse de l’actualité internationale d’avril 2024 : Elections ; Proche et Moyen-Orient ; Les Etats-Unis et l’Ukraine ; Washington et Tokyo ; Quelle transition écologique dans l’UE ? ; Les guerres peu visibles ; Le Rwanda ; Le temps des espions…
Voici la précieuse synthèse d’Axelle Degans qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique mondiale, voire attendent les résultats d’admissibilité d’un concours ou passent un entretien de recrutement. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte X anciennement twitter de veille géopolitique @diploweb. Ce compte de veille géopolitique compte de nombreux followers dont de nombreuses pointures du domaine dans de nombreux pays. Vous serez en bonne compagnie. Et c’est plus important que jamais d’être bien entouré.
En Slovaquie, Peter Pellegrini remporte en avril 2024 les élections présidentielles avec plus de 53% des suffrages exprimés et une forte mobilisation, la plus élevée depuis les années 1990. Il a remporté ces élections en affichant sa volonté de ne pas envoyer de soldat combattre en Ukraine. Autrement dit, après la Hongrie de V. Orban (2010 - ), cela fait un second pays de l’UE sensible aux discours du Kremlin.
A Singapour, le Premier ministre Lee Hsien Loong (fils de Lee Kwang Yew, au pouvoir entre 1959 et 1990) cède en avril 2024 son poste à Lawrence Wong, une transition « en douceur » mais sans élection. Il est son adjoint, a été à plusieurs reprises ministre, et membre, comme tous ses prédécesseurs, du People’s Action Party (PAP).
L’opération militaire menée par Tsahal depuis plusieurs mois n’a pas vraiment permis de libérer la centaine d’otages aux mains des différentes factions terroristes dans la bande de Gaza. Celle-ci est un champ de bataille jalonnée de ruines où la situation sanitaire est épouvantable, mais le Hamas et ses alliés ne libèrent pas les otages laissant la population civile dans un étau qui inquiète l’ONU. La situation se tend en Cisjordanie voisine. Le Hezbollah – mouvement chiite libanais – envoie en avril 2024 de nombreuses roquettes sur la partie septentrionale d’Israël, ce qui alimente à la hausse le niveau de conflictualité régionale.
Bonus. Vidéo et synthèse rédigée. Proche-Orient : la paix a-t-elle encore un avenir ? Ambassadeur E. Danon
Voir la synthèse rédigée de la conférence, par M-C Reynier, validée par E. Danon.
L’ambassade iranienne en Syrie est bombardée en avril 2024, bombardement attribué à Israël, onze personnes sont tuées dont le général Mohammad Reza Zahedi, commandant de la Force Al-Qods pour la Syrie et le Liban. En mesure de rétorsion, Téhéran prévient d’une attaque sur Israël et lance environ trois cents missiles et drones. Cette action militaire iranienne est un échec mais une fillette a été blessée. En revanche, le "dôme de fer" a bien démontré son efficacité. Cette action est contre-productive pour Téhéran : Israël retrouve des soutiens internationaux (Etats-Unis, Royaume-Uni, France) qui semblaient lui faire un peu défaut depuis quelques mois, et des soutiens y compris dans son environnement régional : Irak et Jordanie n’ont pas apprécié la violation de leur espace aérien par les Iraniens, les pétromonarchies portent un soutien discret à Israël… qui est une puissance nucléaire. Joe Biden et Vladimir Poutine appellent à une accalmie et demandent à Israël d’éviter une nouvelle escalade. La réponse consiste en une frappe d’une base militaire iranienne, une riposte a minima qui n’enflamme pas davantage l’une des plus importantes régions pétrolifères de la planète... Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, affirme craindre un « conflit régional généralisé » au Moyen-Orient qui aurait d’inévitables conséquences mondiales.
L’aide américaine pour l’Ukraine est bloquée depuis décembre 2023, malgré les appels du président ukrainien Zelenski. Le directeur de la CIA, William J. Burns, alerte sur la possible défaite de Kiev si les Etats-Unis n’aident pas davantage les Ukrainiens. Le contexte, des troupes russes grignotant du terrain dans le Donbass et un abaissement de l’âge de la conscription des Ukrainiens de 27 à 25 ans provoquant nombre de départs à l’étranger, inquiète. Quelques jours plus tard, la Chambre des représentants des Etats-Unis vote fin avril 2024 une enveloppe de 95 milliards de dollars pour aider plusieurs pays. L’Ukraine devrait toucher 61 milliards de dollars (dont un tiers pour l’armement et les munitions), Israël 26 et 8 sont prévus pour l’Indo-Pacifique, donc Taïwan. Cette décision doit encore être entérinée par le Sénat américain. L’aide américaine devrait pouvoir permettre à Kiev d’acheter des missiles longue portée, ce qui pourrait changer le cours de la guerre. Le président V. Zelenski promet que l’Ukraine ne « sera pas un deuxième Afghanistan ».
Les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 6,8% en 2023 et atteignent des sommes records, près de 2 500 milliards de dollars.
Washington et Tokyo sont liés de longue date, par le traité de San Francisco de 1951. La montée des tensions régionales autour de la Corée du Nord et de la Chine incite ces deux pays à se rapprocher. Ils appartiennent tous deux aux QUAD qui unit les Etats-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie. Le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, en visite à Washington en profite en avril 2024 pour resserrer les liens avant une possible arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche à l’hiver 2024-2025. Le Japon craint une augmentation du protectionnisme en cas de changement de majorité politique aux Etats-Unis. Le Japon cherche aussi avoir des liens plus forts face à l’agressivité de la Chine. Une plus étroite coopération en matière de Défense a été annoncée pour parvenir à une « architecture de défense commune » entre Etats-Unis, Japon et Australie.
En 2023, les ventes de voitures neuves électriques ont baissé de plus de 11%. Le contexte économique morose a conduit plus d’un gouvernement à limiter les aides à l’achat de voitures électriques dont le prix reste bien plus élevé que celui des voitures thermiques. En 2023, la Chine est devenue le premier exportateur mondial de voitures, y compris électriques. La filière automobile en Europe tremble sur ses fondements car elle produit des voitures moins compétitives que les voitures chinoises, les constructeurs Chery et BYD s’installent, le premier en Espagne, le second en Hongrie, pour conquérir le marché communautaire. Ces deux marques chinoises unissent les candidats Biden et Trump contre leurs importations depuis le Mexique. La Cour des comptes européenne estime, dans un rapport, que la décision de la fin de la vente des voitures neuves thermiques « risque d’entrer en conflit avec la politique industrielle et la souveraineté économique de l’Union européenne, et de se heurter à des problèmes d’acceptabilité sociale et financière du côté du grand public ».
La jaquerie qui a enflammé plusieurs pays européens, et la pression de plusieurs gouvernements inquiets dans la perspective des prochaines élections européennes de juin 2024, conduit la Commission européenne à mettre entre parenthèses courant avril 2024 une partie du Pacte vert (« Green deal ») défini en 2019. La colère gronde contre une UE très normative avec ses producteurs mais bien moins avec ses partenaires commerciaux avec lesquels elle négocie des accords de libre-échange.
L’industrie de l’UE a tiré le signal d’alarme dans un contexte de concurrence âpre à l’échelle mondiale.
Bonus cartographique Diploweb
Bruxelles annonce lancer des enquêtes anti-dumping concernant les panneaux photovoltaïques fabriqués par des filiales chinoises. Le marché européen est en avril 2024 largement dominé par des sociétés liées à la Chine, qui sont soupçonnées de toucher des subventions de Pékin, en plus de conquérir des marchés alimentés par des capitaux publics en Europe. La même question pourrait bientôt se poser pour les sociétés fabriquant les éoliennes.
Le Parlement européen vote courant avril 2024 à une courte majorité un Pacte migration et asile. Il s’agit d’encadrer davantage les demandes d’asile toujours plus nombreuses (1,14 million en 2023) et d’avoir une position plus commune face aux arrivées illégales sur le sol communautaire. Le chancelier autrichien Karl Nehammer appelle à une réaction forte contre l’immigration clandestine, en multipliant les accords avec des pays tiers (ce qui est déjà fait avec le Maroc, la Turquie, l’Egypte…). Ce vote était sous haute tension à quelques semaines des élections européennes. La thématique des migrations est une préoccupation vraiment forte en Allemagne et aux Pays-Bas, moins en France, et secondaire dans des pays comme la Roumanie selon l’Eurobaromètre de la Commission en 2023. Formidable non-dit européen, c’est le taux de solde migratoire positif qui depuis une décennie permet de garder un taux de variation de la population légèrement positif. Effectivement, faute d’une natalité supérieure aux décès, l’UE maintient une croissance totale légèrement positive grâce à l’immigration.
En Birmanie, la junte militaire du général Min Aung Hilaing est au pouvoir depuis le putsch de février 2021 qui a renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi démocratiquement élu. Le pays connait une guerre de basse intensité, menée à bas bruit, entre les militaires au pouvoir et un ensemble hétéroclite de résistance. La Karen Nationale Union (KNU) a pris en avril 2024 la ville de Myawaddy, à la frontière avec la Thaïlande. Il s’agit d’une défaite humiliante pour la junte qui perd une ville de plus de 200 000 habitants, point névralgique commercial entre les deux pays. Le pouvoir ne maitrise plus les frontières extérieures du pays et seulement la moitié du pays.
Le Soudan est miné par une nouvelle guerre, après celle qui a mené à la partition du Soudan du Sud en juillet 2011, et l’espoir de transition démocratique après le renversement d’Omar El Bechir au pouvoir pendant trente ans. Depuis maintenant une année, deux clans s’affrontent pour le pouvoir – d’un côté Abdel Fattah Al Burhan (chef de de l’armée) et de l’autre Mohamed Hamdan Daglo commandant des forces paramilitaires - au désespoir d’une population d’environ 47 millions de personnes. Un tiers des Soudanais souffriraient de malnutrition du fait du conflit. Ce qui a motivé l’organisation d’une conférence internationale à Paris à financer une aide humanitaire évaluée par les Nations Unies à 2,7 milliards de dollars. Le pays est livré en avril 2024 au pillage par les deux camps, l’ONU s’inquiète aussi « des enlèvements, des mariages forcés et violences sexuelles » subies par les femmes. Les épidémies frappent le pays, cortège des malheurs de la guerre : choléra, rougeole… Les Soudanais qui le peuvent s’enfuient, près de 500 000 d’entre eux vivraient réfugiés dans l’Egypte voisine, beaucoup voient dans le continent européen leur sésame.
L’Arménie commémore le génocide de 1915 qui a fait 1,2 millions de victimes. Un anniversaire d’autant plus triste que l’Arménie vient de connaitre la guerre des quarante-quatre jours en 2020 puis la perte et le "nettoyage ethnique" du Haut-Karabakh en 2023, que les troupes russes viennent de quitter, dans une très grande indifférence internationale.
Cela fait trente ans que le Rwanda a connu la terrible tragédie du génocide des Tutsis par les Hutus, génocide commencé le 7 avril 1994 avec l’attentat contre l’avion transportant les présidents rwandais et burundais. Ce génocide de 100 jours a fait près d’un million de victimes (Tutsis mais aussi Hutus modérés, essentiellement des civils) et plus de 250 000 viols selon les Nations Unies , génocide encadré par la radio des Mille collines. Un long et douloureux travail de réconciliation est à l’œuvre. Paul Kagamé, du Front patriotique rwandais, est au pouvoir depuis l’été 1994. Il est en avril 2024 à la tête d’un pays qui affiche une forte croissance économique, mais il est accusé de soutenir des groupes armés sanguinaires comme le M23 qui terrorise la région de l’autre côté de la frontière en République démocratique du Congo (RDC), et la spolie de ses richesses.
Le Royaume-Uni adopte en avril 2024 un accord avec le Rwanda visant à y envoyer les immigrants illégaux le temps de l’analyse de leur dossier. Cette décision politique a suscité de nombreuses oppositions et critiques. Elle appartient à la problématique commune à de nombreux pays qui font face à une augmentation très sensible des flux migratoires illégaux. Les Etats-Unis ont choisi de construire un mur sur leur frontière sud avec le Mexique, comme le fait aussi l’Inde avec le Bangladesh, l’Australie relocalise ces immigrants illégaux sur des iles au large, l’Union européenne paie des pays tiers pour retenir en partie ces flux. Londres a choisi de décourager ces flux qui traversent pour beaucoup la Méditerranée pour gagner le territoire britannique et traversant différents pays européens, dont la France. L’Italie signe un accord avec l’Albanie pour construire des camps d’accueil pour les immigrants clandestins. L’Allemagne, l’Autriche et le Danemark réfléchissent à des mesures similaires.
Londres annonce avoir procédé à l’arrestation et à l’inculpation de deux personnes pour espionnage au profit de la Chine. Les faits se seraient déroulés entre 2021 et 2023. Ces hommes avaient accès à des membres du Parlement et du gouvernement britannique.
Berlin annonce en avril 2024 avoir arrêté trois personnes soupçonnées d’avoir transmis des technologies sensibles à Pékin. Des technologies pouvant avoir des applications militaires.
Pékin nie, dans les deux cas, toute implication. La concomitance de ces arrestations n’en est pas moins surprenante.
Le « Qatargate » a révélé la corruption au sein du Parlement européen de plusieurs eurodéputés par Doha, ainsi qu’un Haut fonctionnaire de la Commission qui a ouvert, contre une série de largesses, le ciel européen à des compagnies comme Qatar Airways. Le gouvernement tchèque révèle que Moscou use de techniques d’influence pour discréditer l’Ukraine, y compris en achetant des eurodéputés. Nathalie Loiseau (présidente de la sous-commission Défense du Parlement européen) qualifie ces faits d’ « une affaire très grave ». Des institutions européennes sous influence ? Avoir durant plusieurs décennies laissé le champ libre à des milliers de lobbyistes au service du plus offrant reste une honte sur le fronton des institutions européennes. Le Diploweb.com attire l’attention sur cette faille depuis 2003. Au-delà de la morale, le boulevard offert aux lobbyistes et à leurs commanditaires est un facteur d’impuissance de l’UE.
Bonus. Vidéo et texte. Comment définir la puissance ? P. Verluise
Voir cet extrait sur youtube.
Après le « Qatargate », le « Piepergate » qui prend aussi la suite du choix d’une économiste américaine pour travailler pour les institutions européennes. Le Parlement européen s’est opposé à la nomination de Markus Pieper comme envoyé de l’Union pour les PME, Ursula von der Leyen étant soupçonnée de pratiquer le favoritisme. Cela s’inscrit dans un mécano politique qui aboutira à la nomination d’une nouvelle Commission à l’issue des élections européennes et d’une nouvelle présidence de la Commission européenne... et à une nouvelle présidence du Conseil européen.
Le 24 avril 2024, l’ESA (Agence Spatiale Européenne) a réussi à ériger le corps central d’Ariane 6 à la verticale, une étape clé avant son premier vol, d’ici fin juillet 2024, marquant une avancée dans la technologie spatiale. Ariane 6 promet une efficacité opérationnelle accrue et une réduction des débris spatiaux, renforçant le leadership européen dans l’espace.
Copyright Mai 2024-Degans/Diploweb.com
Voir les synthèses d’octobre 2023, novembre 2023, décembre 2023, janvier 2024, février 2024, mars 2024, avril 2024, mai 2024
Plus encore avec le Diploweb
Le Diploweb.com vous propose des Masterclass géopolitiques pour faire la différence, au sujet de la puissance (P. Verluise), de l’URSS (J-R Raviot) et des données numériques (K. Limonier) :
. Pierre Verluise, Quels sont les fondamentaux de la puissance ?
. Jean-Robert Raviot, C’était quoi l’URSS ?
. Kevin Limonier, Pourquoi les données numériques sont-elles géopolitiques ?
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