Docteure en Géopolitique de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Membre du Conseil scientifique du Diploweb.com. Agrégée d’histoire, Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Auteure de nombreux ouvrages.
Les faits internationaux les plus marquants : Résultats électoraux, Sommets européens, Crises au Proche-Orient et répercussions mondiales ; Sous-marins ; etc.
Voici la précieuse synthèse d’Axelle Degans qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique mondiale, voire préparent un concours ou passent un entretien de recrutement. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte X anciennement twitter de veille géopolitique @diploweb. Ce compte de veille géopolitique dépasse le seuil de 21000 followers dont de nombreuses pointures du domaine dans de nombreux pays. Vous serez en bonne compagnie. Et c’est plus important que jamais d’être bien entouré.
En Slovaquie, Robert Fico a remporté en octobre 2023 presque le quart des suffrages des élections législatives, il n’a donc pas la majorité absolue. Des interrogations existent quant à des interventions étrangères sur le processus électoral durant les dernières semaines de la campagne. Cet ancien ministre identifié comme pro-russe devra donc composer un gouvernement de coalition. Le Hongrois Viktor Orban a félicité celui qui partage ses vues, notamment pour réduire la cohésion de l’UE dans son soutien à l’Ukraine.
En Pologne, les élections législatives ont été remportées en octobre 2023 par l’opposition.
Ce sommet d’octobre 2023 de la Communauté politique européenne (CPE) en est à sa troisième édition [1], il se tient à Grenade (Espagne) dans un contexte particulièrement lourd. La CPE - 47 pays - et l’UE – 27 pays - sont deux organisations différentes mais en interactions, notamment au sujet de la guerre russe en Ukraine.
Les pays de l’UE se sont par ailleurs penchés sur la question migratoire. L’Union européenne fait face au début d’une crise migratoire, comme l’a montré en septembre 2023 l’arrivée de plus de 8 000 migrants sur la petite ile italienne de Lampedusa. Il est urgent de revoir la politique migratoire européenne qui laisse bien seuls les pays d’arrivée des clandestins. Un accord a été trouvé sur un texte du Pacte d’asile et migrations, il doit être soumis au Parlement européen. Faiblesse de ce texte, il ne s’intéresse qu’à la gestion de ces flux à l’arrivée, sans envisager la totalité des filières des trafics d’êtres humains, souvent criminelles.
Cette réunion doit aussi préparer le futur élargissement de l’Union européenne annoncé par Charles Michel. Il concerne les Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, République de Macédoine du Nord, Serbie) ainsi que la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine qui pourraient rejoindre l’Union d’ici 2030, voire avant cette date. Ce sommet vient d’estimer la facture de l’intégration de la seule Ukraine à 186 milliards d’euros sur une première période de sept années, dont un peu moins de cent milliards au titre de la Politique agricole commune (PAC). A l’évidence, presque tous les membres de l’actuelle Union européenne deviendraient des contributeurs nets, et les aides de la PAC se déplaceraient à l’Est. L’estimation donnée est une diminution de 20% des aides à l’hectare pour les autres bénéficiaires de la PAC. L’intégration des autres pays candidats alourdirait nécessairement la facture de l’élargissement du fait de leur réelle pauvreté.
Cet élargissement augmenterait la population de l’Union de 14%, et élargirait le marché des consommateurs. Une Europe des marchands ? Une Europe de la paix ? Dans quelle mesure serait-ce compatible ou contradictoire avec la nécessité avérée d’une UE puissance ? Si l’UE en était fragilisée, cela ferait-il le jeu de la Russie qui vise depuis longtemps à empêcher l’UE de devenir une puissance ?
Au sommet de Grenade d’octobre 2023, les Européens ont assuré Kiev d’un soutien pour son armée à hauteur de vingt milliards d’euros sur quatre années, en plus d’une aide de cinquante milliards d’euros. L’Ukraine accepte de mettre fin à la plainte qu’elle a déposé à l’OMC à l’encontre de trois membres de l’Union européenne (Pologne, Hongrie, Slovaquie) concernant le dossier des céréales. Toutes ces mesures se comprennent dans le contexte de la guerre menée en Ukraine par la Russie.
La Communauté politique européenne (CPE) annonce dans le même temps qu’il n’y aura pas de sanction contre l’Azerbaïdjan qui vient de remporter une victoire sur les Arméniens et à l’origine d’une épuration ethnique du plateau du Haut-Karabakh.
Le 7 octobre 2023, le Hamas a lancé environ cinq mille roquettes depuis la bande de Gaza vers Israël, mettant ainsi fin à une trêve qui a duré à peine cinq mois. Le Hamas s’est attaqué à des communes israéliennes non loin de la frontière, comme les communes de Kfar Aza et aussi aux participants d’une rave party organisée près du Kibboutz Reim où près de 260 personnes ont été assassinées. Cette attaque est d’une brutalité qui fait écho aux pires heures de l’histoire : 1 300 morts, essentiellement civils, des exécutions sommaires de familles entières des grands-parents aux bébés. L’offensive du Hamas a tué au moins trente Français. Le Hamas est reparti avec un « butin » convoité : plus de 200 otages. Ces otages ont différentes nationalités : Israéliens, Américains, Français, mais aussi Laotiens ou Thaïlandais.
Comment comprendre ce retour à un « état de barbarie » (expression de Georges Seurat, otage français au Liban, assassiné par le jihad islamique en 1986) ? Une analyse géopolitique est ici bien utile. A l’échelle régionale, Israël sort de son isolement diplomatique depuis les accords d’Abraham négociés sous l’administration américaine de Donald Trump (Emirats arabes unis, Maroc…) et l’Arabie saoudite était sur le point d’opérer un rapprochement historique avec Israël, qui lui aurait probablement donné accès à des technologies très sensibles, un immense avantage face à l’Iran qui mène un programme nucléaire qui lui vaut des sanctions occidentales. L’Iran principale puissance chiite de la région ne veut pas de ce rapprochement et charge ses affidés – le Hezbollah (chiite) libanais et le Hamas palestinien ( lié aux Frères musulmans) d’y mettre fin. Les lance-grenades aux têtes thermobariques utilisés par le Hamas peuvent indiquer un lien avec l’Iran.
Les accords d’Oslo sont au point mort, et les Palestiniens ne jouissent toujours pas d’un Etat indépendant. Il n’existe pas de continuité territoriale entre la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Au niveau local le Hamas a pris le pouvoir dans la bande de Gaza en 2007 après une guerre civile menée contre le Fatah – héritier de l’Organisation de libération de la Palestine – au pouvoir à Ramallah, capitale de l’Autorité palestinienne. Le Hamas s’en distingue en affirmant son projet de « faire disparaitre Israël de la carte ». Il s’agit donc d’une concurrence politique interne qui pousse à la radicalité. Les conditions de vie très dégradées dans la bande de Gaza ne plaident pas en faveur du Hamas, concurrencé dans son « fief » par d’autres mouvements.
Il n’en demeure pas moins que l’opération menée par le Hamas le 7 octobre 2023 relève d’une logique terroriste – qui sème la terreur – et profite d’un pouvoir israélien qui a montré ses lacunes et sa grande légèreté dans la gestion des renseignements. En ramenant les otages dans la bande de Gaza, le Hamas prend en otage la population gazaouie en misant sur une opération militaire de Tsahal sanglante et donc contreproductive à l’échelle internationale. Israël demande aux Gazaouis de quitter Gaza avant l’opération militaire, ce à quoi s’oppose le Hamas : la population civile est prise entre l’enclume et le marteau, les bombardements israéliens ont fait plus de 2000 victimes.
Le Hamas a initié une stratégie du pire qui fait revenir la question palestinienne sur les devants de la scène internationale, après que Daech l’ait éclipsé. L’utilisation des images, des réseaux sociaux montre à quel point le « sharp power » est un outil de cette guerre pour que la stratégie du choc et de l’effroi entre dans le cœur des populations. Les images insoutenables sont au cœur de cette propagande, la confusion entre la cause palestinienne et le Hamas est entretenue à dessein, pour que la radicalité l’emporte sur ceux qui désespèrent de pouvoir vivre tranquillement. Une solution politique est-elle encore possible ? Qui la veut ? Une libération des otages serait un préalable… Un règlement politique du contentieux israélo-palestinien s’éloigne toujours plus.
L’offensive de Tsahal a commencé fin octobre 2023 dans la bande de Gaza, les premiers chars y sont entrés, l’opération ne peut être que sanglante.
Le rapprochement entre Riyad et Tel-Aviv, sous l’égide de Washington, était insupportable pour Téhéran car il aurait déséquilibré le rapport de force de part et d’autre du Golfe persique au profit de la monarchie saoudienne. L’Iran finance des mouvements chiites (Hezbollah) mais aussi sunnites en opposition avec les saoudiens wahhabites : les Frères musulmans auxquels est lié le Hamas, d’ailleurs soutenu par les régimes fréristes au pouvoir en Turquie et au Qatar. L’Egypte n’a pas l’intention d’accueillir des Palestiniens aux sympathies fréristes alors que le maréchal al-Sissi combat les Frères musulmans. Le Qatar accueille le chef du Hamas lors de l’opération du 7 octobre 2023, de quoi rafraichir les relations avec l’Arabie saoudite, relations qui s’étaient détendues lors de la coupe du monde de football. Un fossé se creuse entre les pouvoirs qui ont signé les accords d’Abraham et leur population travaillée par les réseaux sociaux qui font l’amalgame entre cause palestinienne et Hamas.
Le Fatah est dépassé. Les Européens, très importants bailleurs de fonds des Palestiniens, sont marginalisés sur la scène diplomatique moyen-orientale. La diplomatie du chéquier se trouve mise en échec.
L’attaque du Hamas a été condamnée au niveau international. Elle l’est par les pays de l’Union européenne, les Etats-Unis, le Canada, le Pérou, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay, l’Inde, l’Australie, le Sénégal, le Ghana… D’autres pays appellent à la désescalade comme le Mexique, le Brésil, la Colombie, l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Russie ou encore la Chine. Mais certains pays affichent leur soutien à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 comme Cuba, le Venezuela, le Nicaragua, l’Algérie, la Tunisie, le Soudan, le Yémen, l’Iran, l’Irak , l’Afghanistan, ou encore la Malaisie. Cette carte est très révélatrice des lignes de fractures qui existent à l’échelle mondiale.
La guerre au Proche-Orient n’est pas sans inquiéter sur l’évolution des hydrocarbures, dont le prix est plus élevé depuis le début de la relance de la guerre en Ukraine (24 février 2022). Les tensions inflationnistes restent préoccupantes et sous surveillance.
Ce conflit contribue à installer l’Arabie saoudite et le Qatar comme nouveau médiateurs internationaux. Actifs sur la scène du Proche-Orient, Doha a un rôle crucial dans la libération de quatre otages détenus par le Hamas. Riyad exerce sa médiation dans ce conflit, comme dans le conflit interne au Soudan.
Le président français Emmanuel Macron propose de créer une vaste coalition mondiale pour combattre le Hamas dont les exactions rappellent celles commises par Daech il y a peu.
Bonus vidéo. Comment les États mettent-ils en œuvre la guerre de l’information ? D. Colon
Cette vidéo peut être diffusée en amphi pour nourrir un cours et un débat. Voir sur youtube/Diploweb
Voir la synthèse écrite, rédigée par M-C Reynier, validée par D. Colon
Les risques d’attentats restent à considérer en France, toujours sous la menace djihadiste. Trois ans après Samuel Paty, un professeur, Dominique Bernard, a été assassiné en octobre 2023 pour ce qu’il était : un homme de culture, qui ouvre les esprits faisant ainsi reculer l’obscurantisme.
A Bruxelles, deux Suédois ont été assassinés par un clandestin tunisien radicalisé. Le Ministre belge de la justice a démissionné au regard des dysfonctionnements. Ces deux attentats sont perpétrés après l’offensive du Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, et la mobilisation de Tsahal.
Un attentat a eu lieu à Ankara, non loin du Parlement. Il est revendiqué par le PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan) mais n’a pas fait de victimes autres que les deux personnes qui y ont participé. La Turquie a mené des frappes meurtrières dans le Kurdistan irakien.
En Syrie, à Homs, un attentat a fait une centaine de victimes dans une académie militaire, lors d’une remise des diplômes. Le pouvoir attribue cet attentat aux drones piégés à des djihadistes du nord du pays.
A Chypre, une bombe explose non loin de l’ambassade d’Israël à Nicosie.
L’actualité des sous-marins met en avant la Russie qui a sorti un nouveau modèle, Belgorod, et Taiwan qui présente son premier sous-marin, le Hai Kun. Le Hai Kun aurait bénéficié de certains transferts de technologie, et il appartient à une politique plus vaste de renforcement des crédits que Taipei consacre à l’armement. Pékin ne fait pas mystère de sa volonté d’intégrer l’ile avant 2049, centenaire de la proclamation de la République populaire de Chine.
Taiwan compte sur ses futurs sous-marins pour éviter un encerclement de l’ile par les forces de la RPC. Un sous-marin est aussi un vecteur de projection de puissance dont sont dotés tous les « grands » pays. Ils sont un dispositif des politiques de puissances qui ont fait leur retour explicite depuis une décennie.
La partie orientale de la République démocratique du Congo (RDC) est de nouveau en proie à des violences attisées par le mouvement paramilitaire du M23. Celui menace la région de Goma. Le voisin rwandais est fortement soupçonné de soutenir ce mouvement qui vient encore de tuer.
Les Etats-Unis annoncent en octobre 2023 suspendre leur aide au Gabon qui a connu un coup d’État qui a mis fin au règne d’Ali Bongo, successeur de son père Omar Bongo.
L’ Amérique latine est toujours tiraillée par le populisme. En octobre 2023, le premier tour des élections présidentielles en Argentine laisse un face à face entre le ministre de l’Economie sortant, Sergio Massa, péroniste au bilan peu flatteur et Javier Milei, un candidat antisystème et ultra-libéral. Ce deuxième tour – Massa est en tête – est symptomatique d’un continent en grande difficulté depuis le Covid-19. En Argentine, le désespoir est palpable, l’inflation se situe aux alentours de 140%, l’avenir semble bien sombre, à la mesure de Miliei qui veut dollariser l’économie argentine et fanfaronne avec un tronçonneuse censée représenter sa politique de découpage de l’Etat…
En Iran, un an après le décès de Mahsa Amini, la jeune Armita Garavand, 16 ans vient de mourir après presque un mois de coma. Elle a été agressée dans le métro de Téhéran, probablement par des femmes appartenant à la police des mœurs, lui reprochant de mal porter son voile. Comment des femmes peuvent se faire l’instrument de l’oppression d’autres femmes ? L’émotion est immense en Iran. L’ONG Iran Human Rights (IHR) réclame "une enquête internationale indépendante" .
La Suède a perdu sa quiétude, une guerre des gangs sévit et a fait une soixantaine de morts depuis 2022, et pas moins de douze personnes ont trouvé la mort au mois de septembre 2023 lors de fusillades et d’attaques à la bombe. Cette violence est alimentée par le trafic de drogues et concerne essentiellement des mineurs choisis par les trafiquants car leur jeune âge les protège de lourdes condamnations. La cohésion sociétale se délite en Suède. Au Mexique, le niveau de violence reste élevé. Plusieurs attaques armées se sont soldées par au moins 24 morts (dont 10 policiers) dans la partie sud du pays. Ces tueries sont liées au trafic de drogues.
La Chine développe plus rapidement ses capacités nucléaires militaires. Le Pentagone estime que Pékin détiendrait aujourd’hui au moins 500 têtes nucléaires, soit davantage que la France.
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Pierre Verluise : Comment préparer et réussir un oral de Géographie ou Géopolitique ?
1ère partie : la préparation
2e partie : la prestation
Dans la course mondiale à l’intelligence, la France a de beaux atouts grâce à des formations de grande qualité. Anne L’Huillier et Pierre Agostini ont reçu en octobre 2023 le prix Nobel de physique avec Ferenc Krausz pour leurs recherches sur l’attoseconde, un intervalle d’un milliardième de seconde ce qui conduit à l’étude des atomes.
Le prix Nobel de la paix a été décerné à Narges Mohammadi. Elle est une militante iranienne des droits de l’Homme, engagée contre le port du voile.
Villers-Cotterêts, donne son nom à l’ordonnance de 1539 qui instaure la langue française comme langue officielle, utilisée pour les actes juridiques et administratifs. François 1er décide ainsi que le Français remplace le latin. Fin octobre 2023, le président Emmanuel Macron inaugure au château de Villers-Cotterêts le siège de la cité internationale de la langue française, un choix éminemment symbolique à l’heure où la langue française est érodée par l’usage croissante du « franglais » et de l’écriture inclusive. Avec plus de 321 millions de locuteurs dans le monde (2022) le Français est la cinquième langue la plus parlée dans le monde. Si ce projet est évidemment culturel, il est aussi politique et géopolitique.
L’Union européenne a décerné le prix Andrei Sakharov, pour la liberté d’esprit, à la jeune Mahsa Amini tuée par la police iranienne des mœurs pour avoir mal ajusté son voile. Sa mort a entrainé de puissantes émeutes en Iran où la jeunesse rêve de liberté.
L’Iran a libéré en octobre 2023 la française Fariba Adelkhah, une anthropologue spécialiste reconnue du chiisme et de l’Iran post-révolutionnaire. La communauté de Sciences Po a fait preuve d’une belle cohésion pour la soutenir pendant trois ans.
Copyright 1er novembre 2023-Degans/Diploweb.com
Voir les synthèses d’octobre 2023, novembre 2023, décembre 2023, janvier 2024, février 2024, mars 2024, mai 2024
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Pierre Verluise (P. V.) : A Arras, dans le nord de la France, le 13 octobre 2023, le professeur de français Dominique Bernard a été tué au couteau dans son lycée par un homme qui avait précédemment revendiqué cet attentat au nom de l’État islamique. Le 16 octobre 2023, un autre attentat revendiqué par l’État islamique a eu lieu en Belgique, à Bruxelles, a provoqué la mort de deux Suédois. Au regard de vos recherches et de la publication de votre livre, « L’État islamique est-il défait ? » (CNRS éditions), que vous inspirent ces faits ?
Myriam Benraad (M. B.) : Tragiquement, ces deux nouveaux attentats viennent confirmer à mes yeux plusieurs aspects mis en exergue dans mes travaux passés comme plus récents. Le premier renvoie aux sources foncièrement géopolitiques de la violence terroriste qui nous touche depuis de longues années. Dans les deux cas de figure, à Arras (13 octobre 2023) comme à Bruxelles (16 octobre 2023), les assaillants ont en effet échangé sur la question du Proche-Orient, tenu des propos vindicatifs en amont de leur passage à l’acte, discuté de manière véhémente et hostile de la nouvelle conflagration qui se déploie depuis le 7 octobre 2023 dans la région entre Israéliens et Palestiniens. Tous deux ont par ailleurs fait part, en rapport avec le sort des Palestiniens, de leur volonté de « venger » l’ensemble des musulmans, de même que l’humiliation et l’injustice prétendument faites à l’islam.
On touche ici au second aspect crucial que j’ai longuement abordé, à savoir les dispositifs de propagande jihadiste développés de longue date par l’État islamique et d’autres mouvances terroristes, et dans les cadres desquels s’insère ce grand récit d’une humiliation et d’une injustice subies par le monde musulman et qui appelleraient une vengeance sans retenue contre ses adversaires supposés. Ce métarécit est suffisamment général dans son énonciation pour se trouver transposé sur différentes configurations, différents environnements sociaux et politiques, et pour conserver toute sa résonance dans de multiples contextes géopolitiques de crises et conflits qui viennent en quelque sorte à chaque fois le réactiver et le raviver.
Ce métarécit de l’humiliation, de l’injustice et de la vengeance est également très ample quant à la désignation des cibles de la violence jihadiste – « Juifs », « Occident », « mécréants », « apostats », ... Voici comment des innocents, de tous horizons, principalement des civils qui n’ont absolument rien à voir avec les événements et torts qui leur sont reprochés par leurs bourreaux, sont brutalement assassinés par ces individus intoxiqués par l’idéologie de l’État islamique et d’autres groupes. Alors que faire ?
À chaque nouvel attentat, il ressort distinctement que les espaces numériques ont joué un rôle central et terrifiant dans les passages à l’acte, en ce que ces espaces favorisent les contacts entre individus adhérant à une même idéologie délétère, et surtout en permettant une diffusion virale des contenus de propagande, et donc leur accessibilité au plus grand nombre. Cette situation est intolérable lorsque l’on sait combien de victimes cette contagion numérique, sous forme de véritables métastases, a déjà causées. De leur côté, réseaux sociaux et plateformes semblent continuer d’évoluer dans une parfaite indifférence face à cette situation en promettant toujours plus de modération alors qu’en réalité, leurs environnements interactifs ne cessent de se dégrader.
Les nations frappées par le terrorisme ne peuvent plus guère se contenter de vagues promesses sur ce front de la lutte anti-terroriste et doivent agir dans l’urgence pour renvoyer à la marge l’idéologie de l’État islamique et d’Al-Qaïda, entre autres organisations de premier plan, notamment sur Internet.
Voir l’entretien complet : L’État islamique est-il défait ? Entretien avec M. Benraad
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Le Diploweb.com vous propose des Masterclass géopolitiques pour faire la différence, au sujet de la puissance (P. Verluise), de l’URSS (J-R Raviot) et des données numériques (K. Limonier) :
. Pierre Verluise, Quels sont les fondamentaux de la puissance ?
. Jean-Robert Raviot, C’était quoi l’URSS ?
. Kevin Limonier, Pourquoi les données numériques sont-elles géopolitiques ?
[1] La première réunion de la Communauté politique européenne a rassemblé des dirigeants de tout le sous-continent européen – sauf la Russie et la Biélorussie - le 6 octobre 2022 à Prague, en République tchèque. La deuxième réunion a rassemblé 45 pays à Chisinau, en Moldavie, le 1er juin 2023.
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