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2003-2004 : La quasi-alliance sino-américaine,

par le général de division (CR) Henri Eyraud, Président de GEOPOLASIE

 

Editeur de www.questionchine.net , Henri Eyraud est un observateur attentif de la Chine depuis quarante-cinq ans. Il met ici à jour un paramètre nouveau des relations internationales. L'administration Bush a obtenu la coopération de Pékin pour la lutte contre le terrorisme international, sa neutralité de facto dans l'affaire irakienne et finalement son aide pour dénouer, si c'est possible, la crise nucléaire en Corée du nord. Les deux grands pays ont ainsi scellé une quasi-alliance informelle.

La clé de cette entente sino-américaine est l'état actuel de la question de Taiwan. L'administration Bush a réussi à convaincre Pékin de sa volonté de s'opposer à la fois à un éventuel usage de la force par la Chine  et à l'évolution de Taiwan vers l'indépendance. Les dirigeants chinois ont intégré cette double conviction parce qu'ils savent que l'administration Bush a besoin d'eux dans l'affaire coréenne et dans ses entreprises aventureuses au Moyen-Orient et en Asie centrale. Tant que l'Amérique ne cherchera pas sérieusement à toucher au régime politique chinois, à forcer le pouvoir chinois à se réformer, d'importantes relations non-antagonistes peuvent se développer sur une base de donnant-donnant. Henry Eyraud offre ici aux lecteurs du site géopolitique www.diploweb.com un inédit remarquablement informé et une analyse novatrice des relations sino-américaines.

Pour mettre en perspective cette analyse, vous trouverez à la fin de cet article une présentation de l'histoire des relations sino-américaines de 1941 à 1992.

Présentation de GEOPOLASIE et biographie du général Henri Eyraud en bas de page.

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Un paradoxe s'est peu à peu  dégagé en 2003 : sous l'administration Bush, les Etats-Unis ont aujourd'hui de meilleurs rapports avec Pékin qu'avec Taipei. La réalité est évidemment plus complexe que cette formule un peu trop simple. Taiwan a une société ouverte et un régime politique démocratique. Les forces américaines garantissent encore la sécurité de Taiwan. Mais dans certains domaines essentiels aujourd'hui, Washington a besoin en priorité de la coopération, ou du moins de l'acceptation, de Pékin.  Les Taiwanais, enfermés dans un statu quo inconfortable, souffrent d'une sorte de subordination stratégique, tandis que leurs forces vives économiques sont de plus en plus aspirées vers la Chine populaire.

Certes, un reliquat d'incompréhension et de méfiance mutuelle subsiste entre Pékin et Washington. Mais le parti communiste chinois au pouvoir a souvent eu de meilleurs rapports avec les Républicains qu'avec les Démocrates, avec Richard Nixon, Ronald Reagan ou George Bush senior, plutôt qu'avec Kennedy, Johnson ou Carter. Depuis dix ans, en outre, la  croissance vigoureuse des investissements américains en Chine et des échanges commerciaux avec le continent chinois a créé des intérêts communs et de nouveaux liens entre les Etats-Unis et la Chine populaire.

Le risque de crise dans le détroit de Taïwan a diminué

La question de la "réunification" de Taiwan, de son autonomie ou de son indépendance, en est modifiée. Avec ses grandes ambitions mondiales, l'administration Bush a des priorités stratégiques qui la mènent à négocier et à coopérer avec la Chine populaire. Si Taiwan bénéficie toujours du soutien américain et d'une certaine garantie de sécurité en cas de crise, Washington lui demande aussi de bien vouloir rester à sa place et de ne pas compliquer les relations sino-américaines qui lui semblent prioritaires.  

Les dirigeants chinois en sont rassurés. Jusqu'à 2010 au moins, la Chine s'est donné des objectifs de modernisation et de prestige qui excluent, sauf provocation externe, l'usage de la force contre Taiwan [i].  En attendant, la situation murit en sa faveur, tant sur le plan économique que dans le rapport des forces militaro-techniques.

Pékin semble avoir renoncé à jeter de l'huile sur le feu depuis les démonstrations de force contre-productives de 1995 et 1996 [ii]. JIANG Zemin - rhétorique mise à part - a toujours su calmer ses chefs militaires et ses diplomates trop offensifs pour orienter leurs énergies vers la préparation d'une balance des forces plus favorable à moyen terme, ce qui face aux Etats-Unis est une autre affaire.

Plus récemment, en juin 2003, le nouveau chef d'Etat et Secrétaire général du parti HU Jintao a défini une ligne comparable lors de la première réunion du nouveau Groupe central dirigeant du parti pour les Affaires de Taiwan [iii]. Cinq membres sur neuf sont nouveaux et la composition du Groupe semble mener aux moyens politiques, subversifs et diplomatiques plutôt qu'à l'emploi de  la force militaire [iv].

Trois axes 

Le président chinois aurait défini trois axes d'effort principaux : (1) "Réduire l'influence et l'engagement américain", surtout par la vigilance diplomatique, si l'on comprend bien ; (2) développer les échanges (économiques) entre Taiwan et le Continent, en contournant les autorités politiques ; (3) moderniser les forces armées en leur donnant pour priorité d'être prêtes à un éventuel affrontement au sujet de Taiwan. Le premier axe est énoncé en termes très pacifiques. Le deuxième est sans doute le plus important et actuellement le plus efficace dans les vues de Pékin. Le troisième n'a rien de nouveau : le renforcement de l'APL face à Taiwan est un effort "high tech" à assez long terme et la menace d'un usage éventuel de la force est un argument diplomatique considéré comme important à Pékin.

De son coté, le président taiwanais tient à jumeler un référendum (sur la construction de la 4è centrale nucléaire civile et sur l'entrée à l'OMS [v]) avec l'élection présidentielle de mars 2004, en vue d'en améliorer les perspectives. La Chine est résolument hostile à tout référendum à Taiwan, considérant que ce serait ouvrir la possibilité d'un autre vote populaire sur l'indépendance. En l'occurrence toutefois, Pékin ne réagit qu'indirectement en encourageant l'opposition de l'administration Bush au projet du  DPP.

A plusieurs reprises en effet, les Etats-Unis ont exprimé leur non-soutien, voire leur opposition, aux initiatives indépendantistes du président CHEN Shui-Bian : lors des déclarations de ce dernier en août 2002 [vi] et, plus récemment, à propos de ce projet de référendum. Fin juillet 2003, CHEN Yunlin, directeur du Bureau des Affaires de Taiwan du gouvernement de Pékin et un de ses adjoints étaient en mission à Washington dans ce but. C'était un exemple de diplomatie tranquille sino-américaine pour éviter que la question taiwanaise ne viennent perturber d'autres priorités des deux grands pays.

La patience chinoise et la modération américaine

Ce que Thomas Christensen appelle "la patience chinoise et la modération américaine" [vii] ne laisse donc qu'une faible probabilité à une crise dans le détroit de Taiwan. L'administration Bush a obtenu la coopération de Pékin pour la lutte contre le terrorisme international, sa neutralité de facto dans l'affaire irakienne et finalement son aide pour dénouer, si c'est possible, la crise nucléaire en Corée du nord. Les deux grands pays ont ainsi scellé une quasi-alliance informelle - plus solide que celle de 1981  [viii] - et ils ont la situation bien en main.

Comme le fait remarquer Christensen, la clé de cette entente sino-américaine est l'état actuel de la question de Taiwan. L'administration Bush a réussi à convaincre Pékin de sa volonté de s'opposer à la fois à un éventuel usage de la force par la Chine  et à l'évolution de Taiwan vers l'indépendance. Les dirigeants chinois ont intégré cette double conviction parce qu'ils savent que l'administration Bush a besoin d'eux dans l'affaire coréenne et dans ses entreprises aventureuses au Moyen-Orient et en Asie centrale.

 C'est dire que l'accord partiel et l'esprit de coopération qui caractérisent les rapports sino-américains actuels peuvent être momentanés, comme on l'a déjà vu dans le passé. L'impossibilité de trouver une solution pacifique à la crise nucléaire coréenne serait le risque le plus évident. Un changement de la stratégie américaine à la suite des élections de 2004 ou de 2008 pourrait aussi avoir son importance.

La Chine monte en puissance depuis vingt-cinq ans (décembre 1978)

Elargissons le sujet dans le temps et dans l'espace. En Chine, les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix (et au moins jusqu'en mars 2003) sont dominées par des réformateurs de l'économie planifiée : DENG Xiaoping d'abord, le père de la "réforme-ouverture", de 1979 à 1994-97, puis JIANG Zemin, numéro un du parti, des armées et de l'Etat de 1989 à 2002 et le réformateur macro-économique ZHU Rongji, vice-premier ministre chargé de la modernisation depuis 1991 et premier ministre de 1998 à 2003. A partir de cette dernière année, une relève dans la continuité est assurée sous la direction de HU Jintao (chef de l'Etat et du parti) et de WEN Jiabao (premier ministre) [ix]. La nouvelle direction HU-WEN compose néanmoins beaucoup avec les dirigeants associés à l'ancien président JIANG Zemin qui restent majoritaires au sommet de l'appareil du parti communiste.

Dans les rapports avec les Etats-Unis, Jiang Zemin a toujours esquivé ou limité le plus possible les affrontements. Il a préféré une "diplomatie de grande puissance" posant la Chine en pays responsable discutant d'égal à égal avec la superpuissance américaine. Dans la direction du parti communiste chinois, le courant de gauche opposé à ces attitudes est resté minoritaire. Le premier ministre Zhu, pour sa part, a favorisé indirectement les relations sino-américaines par son réalisme économique et sa volonté réformatrice. C'est lui notamment qui a le plus voulu l'adhésion (2001) de la Chine à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), conçue à la fois comme l'entrée dans la cour des grands et le moyen le plus sûr de forcer les structures bureaucratiques et économiques chinoises à accepter des réformes indispensables.

Trois temps forts 

La réorientation de l'économie chinoise a connu trois temps forts depuis décembre 1978. Le premier, sept ans avant Gorbachev, était la ligne de "réforme-ouverture" qui a occupé toutes les années 1980 et 1990. Il s'agissait d'une part d'assouplir et de déconcentrer l'économie planifiée, dont l'échec était patent dans tout le Camp socialiste, et de l'autre de développer les rapports économiques avec les pays riches dans l'intérêt de la Chine. 

Le deuxième, à partir de 1992, était lié à l'éclatement de l'Union soviétique et du Camp socialiste, officialisé en décembre 1991. Dès janvier 1992,  Deng Xiaoping provoqua une accélération du changement en imposant le concept - tout à fait hérétique à l'époque - "d'économie socialiste de marché". Bien obligée de tenir compte de l'héritage socialiste, la Chine devait évoluer vers l'économie de marché. En même temps, DENG poussait à la croissance maximum par tous les moyens et quels que soient les effets pervers. "Devenir riche", "accepter des inégalités" étaient des slogans de cette époque.

Le troisième temps fort de la politique de réforme se situa après la mort de Deng Xiaoping (jan.1997). Il s'agissait, à partir de 1998, de réformer les entreprises d'Etat (industrie et services, plus de 100 millions de salariés) et d'intégrer la Chine à l'économie mondiale la plus avancée, notamment par l'adhésion à l'OMC. Il fallait en même temps s'attaquer à d'autres problèmes de grande taille : débarrasser les quatre principales Banques d'Etat de leurs créances douteuses, organiser un nouveau système de protection sociale, limiter la disparité de croissance entre les provinces côtières et l'intérieur de la Chine, sauver l'environnement et maitriser la pénurie d'eau dans le nord du pays. Le coût social des restructurations fut - et reste -  à la dimension de la population chinoise : des dizaines de millions de salariés licenciés, dans les villes, misère et déracinement de nombreux ruraux et montée rapide des inégalités sociales et régionales de revenus. La croissance enviable d'une partie de la Chine est donc accompagnée par des incidents sociaux et une inquiétante détérioration de l'environnement, auxquels la nouvelle direction HU-WEN accorde d'ailleurs maintenant une priorité accrue.

Entre la France et l'Italie

Bien qu'inégal, le progrès économique de la Chine est impressionnant. Le Produit intérieur brut (PIB) plaçait la Chine au 10è rang mondial en 1990, alors qu'elle est aujourd'hui au 6ème rang, entre l'Italie et la France. Le PIB actuel est plus du double de celui d'il y a treize ans. Les échanges extérieurs de la Chine (import et export) sont passés de 115,4 à 509,8 milliards d'USD (1990-2002). Les réserves en devises, de 5,5 milliards (1990) à probablement plus de 350 milliards en 2003. Le total des investissements étrangers de cette période s'est monté à 510,8 milliards de dollars. Ils assureraient environ 40 % de la croissance officielle du PIB. Tous les pays riches investissent en Chine, seule grande zone de croissance mondiale de 2000 à 2003. L'offre de main d'œuvre à bas salaires (environ 200 millions de personnes) y est égale à la demande d'équipements individuels et collectifs, très vigoureuse dans un volume de population comparable.  

Malgré des limites visibles (masse de la Chine, destruction de l'environnement, pénurie d'eau dans le nord, difficulté à contrôler les cadres locaux, limites de l'adhésion populaire, etc.) et des effets pervers importants, (détournements et corruption sous diverses formes,  délinquance et criminalité, flux migratoires massifs, disparités et inégalités), le dynamisme économique et technique est au rendez-vous jusqu'ici, au moins pour une part importante de la population chinoise. L'émergence de cette Chine est une donnée géopolitique majeure en ce début de XXIè siècle. Et la poursuite de sa croissance et de sa modernisation exige une coopération importante des Etats-Unis.

Le premier mandat de Bill Clinton (1993-1996): maladresses et tensions [x]  

En Chine, la réaction immédiate de Deng Xiaoping à la dissolution de l’Union soviétique (décembre 1991) avait été triple : choix de l’économie (socialiste) de marché, recherche du taux de croissance le plus élevé possible et décision de maintenir le monopole de pouvoir du parti communiste le plus longtemps possible. Les rapports sino-américains allaient s’inscrire dans ce schéma nouveau, créé à la fois par l’effondrement du Camp socialiste, la réussite des économies ouvertes en Asie orientale, et par la détermination chinoise à passer rapidement d’un système économique à l’autre.

Bill Clinton lui aussi est devenu président des Etats-Unis (janvier 1993) dans la perspective d’après-guerre froide. L’éclatement du Camp socialiste et la dissolution de l’Union soviétique s'étaient déroulés en trois ans, de 1989 à 1991. Beaucoup d’Occidentaux croyaient alors à un triomphe immédiat et universel de leurs valeurs : économie de marché, démocratie pluraliste et droits de l’homme. C’était oublier le poids des cultures, les différences de l’histoire et la nécéssité de transitions. L’ex-monde socialiste et l’ex-tiers monde allaient s’aligner tant bien que mal, par nécéssité, sur l’économie de marché. Mais la démocratie et les droits de l’homme mettaient très vite en jeu les structures sociales et les pouvoirs et c’était une autre affaire. De fortes réactions allaient s’organiser, notamment en Asie en 1993, en s’appuyant sur le nationalisme et le concept de “valeurs asiatiques".[xi]

La pression des lobbies

Ainsi, lorsque Bill Clinton arrive au pouvoir, l'envolée économique chinoise, déjà sensible depuis une douzaine d’années, s’accélère de façon spectaculaire, mais sans évolution des institutions politiques. Or le candidat Clinton s’intéressait peu à la politique étrangère et n’avait pas de politique chinoise bien définie. Il  promettait seulement de donner priorité aux droits de l’homme sur les intérêts économiques américains en Chine en jouant de la remise en question annuelle, pour la Chine, de la clause de la nation la plus favorisée. En réalité, la pression des lobbies industriels, les attaques du Congrès et la rudesse du partenaire chinois allaient l'obliger à changer de cap. 

Il ne fallut qu'un an et demi au nouveau président américain pour renier sa principale promesse électorale concernant la Chine : le 1er juin 1994, l’administration démocrate renouvelait sans conditions la clause de la nation la plus favorisée en faveur de la Chine (clause dite MFN, ou aujourd'hui NTR [xii]), reléguant en fait la défense des droits de l’homme dans ce pays à un rang modeste. Les nouvelles priorités étaient le sommet de l’APEC [xiii]  à Seattle (première rencontre avec JIANG Zemin) et la pénétration industrielle et commerciale du marché chinois. L’heure était à d’ambitieux contacts entre le Secrétaire à la defense William Perry et les industriels américains intéressés, avec les chefs militaires chinois. En octobre 1994, on installa la “Commission mixte sino-américaine pour la reconversion de l’industrie de défense en Chine”, sous la co-présidence du Secrétaire à la Défense William Perry et du président de la COSTIND [xiv], DING Henggao. Les industriels américains de défense connaissaient l’intérêt de ce type de structure favorisant des rencontres et des échanges périodiques sur les transferts de  technologies. Ils en avaient fait l’expérience depuis longtemps, sous des formes voisines, au Japon et en Corée. 

Cette avancée prometteuse ne devait cependant pas résister bien longtemps aux attaques des adversaires de Clinton. Au lendemain de la victoire républicaine aux élections de mi-terme (en novembre 1994), l’administration Clinton est sur la défensive. Il lui faut composer avec les initiatives anti-Pékin du nouveau Congrès : amendement favorable à l’indépendance du Tibet, critiques sur le manque de contrôle des transferts de technologies sensibles vers la Chine, visa accordé au président taiwanais LEE Teng-Hui en juin 1995, et autres mesures hostiles.

Voir une carte de la Chine et de Taïwan

 

La question de Taïwan 

La question de Taiwan était depuis longtemps au centre des relations stratégiques sino-américaines. Les dirigeants communistes étaient alarmés par les progrès du parti "indépendantiste" DPP [xv], ainsi que par la diplomatie officieuse de Taipei et sa recherche d’un statut international. Il en résulta une tension durable, avec plusieurs démonstrations de force par l’Armée populaire de libération (APL) chinoise : exercices interarmées dans le détroit de Taiwan et tirs de missiles balistiques (à tête inerte) en juillet et septembre 1995 ; reprise, plus menaçante encore, de ces démonstrations en mars 1996, lors des premières élections présidentielles au suffrage direct organisées à Taiwan. La tension devint assez sérieuse en cette dernière occasion pour que le président Clinton ordonne l’envoi dans les parages de deux groupes aéronavals, autour des porte-avions Independence et Nimitz . Il faisait ainsi, à son corps défendant,  une belle démonstration de “containment” de la Chine.  

Les relations sino-américaines se détérioraient sur divers sujets. Les désaccords sur les droits de propriété intellectuelle ("copyrights") et sur les “textiles”[xvi] rebondissaient, aboutissant à des menaces de sanctions douanières et de représailles qui auraient fait mal aux deux parties.Le Congrès, à majorité républicaine, multipliait alors ses attaques contre la politique chinoise de Bill Clinton. Six mois avant les élections de novembre 1996, le Secrétaire à la Défense William Perry était contraint de mettre fin à la Commission mixte sino-américaine pour la reconversion de l'industrie de défense chinoise.

Deuxième mandat de Bill Clinton (1997-2000) : le "constructive engagement" et son échec

Soudain, en mai et juin 1996, les rapports sino-américains revinrent pourtant au calme, avec le concept clintonien de "constructive engagement" [xvii]. Les deux capitales mirent temporairement en veilleuse leurs différends. Bill Clinton et Jiang Zemin avaient tous deux besoin, pour des raisons intérieures, de calmer les frictions sino-américaines. L’un était en campagne à six mois de sa réélection, l’autre manoeuvrait entre des écueils pour confirmer sa primauté après la mort de Deng Xiaoping.

Le président américain prit l’initiative.  Début juillet, le conseiller à la Sécurité Nationale Anthony Lake, porteur d'une lettre présidentielle, se rendit dans la capitale chinoise afin de repousser à plus tard toutes les difficultés et toutes les échéances bilatérales.La mission d’Anthony Lake était de proposer à Pékin deux développements positifs : (1) tous les sujets de désaccords (Taiwan, prolifération, excédent commercial, droits de propriété intellectuelle et artistique, respect des engagements à Hong Kong, droits de l’homme, etc.) feraient l’objet de négociations patientes, évitant tensions et menaces ; (2) les deux parties établiraient un programme d’échange de visites à tous niveaux et dans tous les domaines.

La direction chinoise ne pouvait qu’accepter d’emblée ces deux développements. Le premier élargirait sa marge de manoeuvre dans les négociations sino-américaines. Le second conforterait la position personnelle de Jiang Zemin en politique intérieure et ferait de la Chine un partenaire privilégié des Etats-Unis. Chinois et Américains tombèrent donc d’accord sur un plan de visites majeures, autour duquel s’ordonnerait leur dialogue stratégique : invitation à Pékin du Secrétaire d’Etat Warren Christopher, visite aux Etats-Unis du ministre de la défense Chi Haotian, visite du vice-président Al Gore en Chine, au début de 1997 ; visites d’Etat du président Jiang Zemin aux Etats-Unis en  1997 et du président Bill Clinton en Chine en 1998, échanges de nombreuses visites d'officiers généraux et de hauts fonctionnnaires en charge de responsabilités.

Dialogue multiformes

De fait, le dialogue sino-américain allait se développer sous de multiples formes au cours du dernier trimestre 1996 et du premier trimestre 1997. Du point de vue militaro-stratégique, le contact le plus important de cette période semble bien avoir été la tournée de deux semaines faite aux Etats-Unis par le vice-président de la Commission Militaire Centrale (CMC) et ministre de la défense chinois Chi Haotian, du 3 au 18 décembre 1996. Il était accompagné par les principaux responsables militaires concernés en cas de menace américaine  [xviii]. Leur appréciation de l'avance militaire et technologique des Etats-Unis et des efforts restant à faire pour moderniser l'Armée populaire de Libération (APL) devait s'en ressentir.  

La politique de “constructive engagement”, avec ses deux aspects (volonté de non-affrontement des Etats-Unis envers  la Chine et échanges de visites à tous niveaux) apportait quelques bénéfices, assez limités, aux deux parties. La non-prolifération allait peu progresser, Pékin ne renonçait pas à un éventuel usage de  la force dans le détroit de Taiwan. Mais le domaine économique progressait mieux, avec des déclarations d'intention sur le respect des "copyrights" ou le textile-habillement.

Concessions

L'administration Clinton faisait beaucoup de concessions en affichant une volonté systématique de non-affrontement. En novembre 1996, Washington décidait d'alléger le contrôle des transferts de technologies sensibles à double usage. Le président Clinton avait déjà libéré de tout contrôle l'exportation des ordinateurs de grande puissance dès lors que l'acheteur présentait une carte de visite civile. Le Congrès devait s'en alarmer en 1997, la Chine ayant rapidement acquis plusieurs dizaines de gros ordinateurs et 46 "supercomputers" pour leurs services scientifiques et techniques d'Etat. Fin 1996, les technologies d'origine militaire utilisées pour les satellites commerciaux et les moteurs d'avions étaient rendues pratiquement libres à l'export vers la Chine.

Jiang Zemin. Crédits: Ministère des Affaires étrangères, F. de la Mure

Avec la visite officielle de Jiang Zemin aux Etats-Unis en 1997 et celle de Bill Clinton en Chine en 1998, on pouvait croire que le nouveau cours des relations sino-américaines se développait facilement. Il n'en était rien. Le bombardement de l'ambassade chinoise à Belgrade en 1999, pendant la guerre du Kosovo, fut ressentie en Chine comme une véritable agression. Dès lors, les dirigeants chinois reprochaient à la politique chinoise de Bill Clinton "d'avoir une double face" : d'une part la nécessité d'avoir des relations stratégiques et économiques avec la Chine était impérieuse, d'autre part l'Amérique cherchait toujours à freiner ou à s'opposer à la montée de la puissance chinoise.

B. Clinton. Crédits: Ministère des Affaires étrangères, F. de la Mure

Aux Etats-Unis même, la politique chinoise de Bill Clinton se heurtait également à beaucoup de réticences, d'oppositions et de contre-attaques. L'opinion et les grands journaux restaient, eux aussi, méfiants envers la Chine. La majorité voulait, au minimum, voir les résultats concrets de ce qui était souvent perçu comme une politique de concessions généreuses et unilatérales de la part des Etats-Unis. Pour beaucoup d'Américains, l'abandon des promesses électorales du candidat Clinton et une diplomatie américaine trop compréhensive envers Pékin avaient abouti à une série de rebuffades, voire de tricheries, de la part de la Chine.

(2001-2003) : un nouveau chapitre dans les relations bilatérales 

Les Chinois, on le sait, ont un préjugé favorable pour les vieilles relations ("lao pengyou") … et aussi pour le fils d'un vieil ami. George Bush père - ex-haut représentant des Etats-Unis à Pékin et ancien vice-président puis président américain -  avait une image plutôt bonne en Chine. George "W." son fils, en bénéficiait et devint familièrement dans les conversations chinoises, "xiao bushi", le "petit Bush" ou Bush junior.  

Après huit années de relations heurtées entre Pékin et Washington, allait-on vers de nouvelles tensions ? Les néo-conservateurs ("neo-cons" en anglo-américain abrégé) étaient prédominants autour du nouveau président américain, de même que les dirigeants du "Groupe de Shanghai" [xix] autour de HU Jintao. Le discours de Washington devenait plus ferme, mais aussi plus clair. On sortait du prétendu "strategic partnership" de Bill Clinton : la Chine était désormais un "strategic competitor". Et le président Bush junior affichait sa volonté de protéger le statu quo à Taiwan "en faisant tout ce qu'il faut" pour protéger l'île. En mai 2001, il décidait d'accorder à Taipei d'importantes livraisons d'armements navals (qui ne sont pas encore toutes exécutées au milieu de 2003 en raison de plusieurs désaccords taiwanais). Mais en avril, l'incident de l'avion de surveillance EP-3 E au large de l'île de Hainan (collision et saisie de l'appareil et de son équipage) avait rappelé, de part et d'autre, les risques et l'absence de perspectives d'une politique d'affrontement [xx].

W 

En réalité, la Chine et le président Jiang Zemin lui-même souhaitaient dès l'installation de "W." Bush une amélioration des rapports avec les Etats-Unis, pour toutes les raisons mentionnées plus haut. La fierté et la volonté des Chinois de tous bords de développer leur pays, d'effacer les retards et d'apparaître comme une des plus grandes nations du monde, tout cela serait incompatible avec une crise permanente dans les relations sino-américaines ; encore plus avec des menaces et de la gesticulation militaires, ou des tensions répétées dans le détroit de Taiwan.  

Chaque fois que Jiang Zemin a été contraint de choisir entre la modernisation de son pays et la "réunification" (de Taiwan), il a tranché en faveur de la première, et encore plus depuis 1996-1997. A court terme en outre, JIANG voulait créer un bon climat pour le premier Sommet de l'APEC qui se tiendrait à Shanghai en octobre 2001 : la ville devait en effet recevoir à cette occasion une réunion de chefs d'Etat ou de gouvernement sans précédent en Chine. Celle-ci devait être suivie par la visite d'Etat du président Bush, une occasion de première importance pour la diplomatie de Pékin. Tout nouveau président américain passe, en effet, par une telle phase initiale de séduction et d'influence au contact de la Chine.  Le numéro un chinois avait aussi en tête le futur XVIè Congrès de son parti, fin 2002, qui devait régler une relève de dirigeants très délicate. Tout cela poussait à créer un climat harmonieux à l'extérieur et d'abord dans les rapports sino-américains. Aussi, malgré l'incident de l'avion EP-3 E au printemps 2001, Pékin s'en tenait à une attitude diplomatique et modérée.

Fin octobre, Bush fut contraint, par le l'attentat du 11 septembre 2001 et ses suites en Afghanistan, d'écourter son passage en Chine et de reporter sa visite officielle à février 2002 (trentième anniversaire du "Communiqué de Shanghai", marquant la reprise de contacts officiels entre les deux pays). La courte rencontre Bush-Jiang à Shanghai, en marge du Sommet de l'APEC [xxi], porta uniquement sur la coopération bilatérale dans la lutte contre le terrorisme international. Bush voyant tout sous cet angle absolument prioritaire, les points de frictions en cours entre les deux pays devenaient secondaires. Le président américain était en position de demandeur et Jiang Zemin était comblé. Mais il fallait, dans l'instant, répondre par oui ou par non à l'offre américaine d'alliance mondiale contre "Al Qaeda". La direction chinoise sut s'engager dans ce choix aux conséquences géopolitiques importantes.

Contre le terrorisme

La Chine est donc entrée dans la grande alliance des Etats contre le terrorisme international menée par les Etat-Unis. Un refus l'aurait isolée et marginalisée, alors que l'adhésion au contraire mettrait Pékin dans le courant principal et faciliterait beaucoup ses rapports avec Washington. Il faut dire qu'à  Moscou Vladimir Poutine, le premier, avait pris une décision analogue de rapprochement avec l'Amérique, sans grande concertation avec Pékin. Les Chinois surpris voulaient aussi sauver, si possible l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), une alliance encore récente et peut-être déjà dépassée [xxii]

Cet épisode ouvrait en réalité un nouveau chapitre dans les relations sino-américaines. Pékin se liait un peu plus à l'Amérique, discrètement reconnue comme la puissance mondiale dominante, probablement pour les dix ou vingt prochaines années au minimum. Ceci impliquait, outre la volonté confirmée d'éviter un affrontement armé entre les deux pays et une coopération accrue dans le domaine du renseignement, une attitude chinoise assez neutre face à toutes les initiatives de l'administration Bush justifiées par la lutte contre le terrorisme international et la prolifération des armes NBC [xxiii] : en Afghanistan, Irak, Asie centrale et du sud, en particulier. La crainte traditionnelle d'un "encerclement" de la Chine était refoulée pour un certain temps.

Ce rapprochement ne faisait toutefois pas disparaître les préventions mutuelles. Les analystes américains considèrent toujours, à moyen et long terme, la Chine comme une menace montante. Et les stratèges chinois s'inquiètent quand même du nouvel "encerclement" de leur pays : l'Amérique a aujourd'hui, en effet, des alliances, des accords opérationnels, ou des forces déployées, en Corée, au Japon et à Okinawa, à Taiwan, aux Philippines, en Inde et au Pakistan, en Russie et en Asie centrale, sans parler de la maitrise des mers, des airs et de l'espace.

 

Les anciens sujets de friction passent au second rang

La répression chinoise au Xinjiang et au Tibet

Pékin espérait en revanche faire cesser la condamnation, par le monde occidental, de sa répression énergique du séparatisme ouighour dans la Région autonome du Xinjiang, l'ex-Turkestan chinois. Ce fut chose faite lors de la visite à Pékin (25 -27 aout 2002) de Richard Armitage, Secrétaire d'Etat adjoint, venu préparer la rencontre Bush-Jiang au Texas en octobre. M.Armitage annonça à cette occasion la décision de Washington de mettre le "Mouvement islamique du Turkestan oriental" sur la liste des organisations terroristes ayant des connections avec Al Qaida. L'Amérique avait écarté jusque là cette demande chinoise pressante. Elle allait désormais geler les avoirs des membres de ce groupe Ouighour indépendantiste.  

L'élimination sans état d'âme de ce différend sino-américain sur un point particulier était cohérent avec la quasi-alliance stratégique entre les deux pays qu'elle consolidait. Assisterait-on à un semblable arrangement sur le Tibet ? Non, car le retentissement serait bien plus fort dans l'opinion publique américaine : le Dalaï Lama, prix Nobel de la paix, est très médiatisé, le Boudhisme est aussi une religion implantée aux Etats-Unis, la liberté religieuse a de forts soutiens politiques à Washington.

Mais la voie diplomatique restait ouverte et l'équipe de George Bush s'efforce, bien que sans grand succès jusqu'ici, de convaincre Pékin d'aller vers un arrangement avec le Dalaï Lama. A deux reprises, en 2002 et en 2003, une délégation tibétaine s'est rendue en Chine pendant deux à trois semaines. En août 2003, un projet de visite à Pékin d'une délégation du "gouvernement en exil" de Dharamsala aurait été annulée in extremis sous la pression des éléments conservateurs de la direction chinoise. Le Dalaï Lama s'est rendu aux Etats-Unis en septembre 2003, où il a été reçu au plus haut niveau, par le président et le Secrétaire d'Etat, en dépit des protestations rituelles de Pékin. Une troisième visite en Chine de ses "envoyés", génératrice d'un rapprochement, reste malgré tout possible.

Droits de l'homme, réforme politique 

Ce sont des domaines dans lesquels l'administration américaine n'insiste plus beaucoup, hormis le secours périodique à quelques cas individuels et de rares sessions d'échanges de points de vue officiels. Sur le plan de la liberté religieuse, une Commission fédérale américaine avait négocié pendant six mois sa visite en Chine au mois d'août 2003. Elle a tout annulé au dernier moment, les autorités chinoises ayant exigé qu'elle renonce à se rendre à Hong Kong en pleine crise politique.

La Chine, en revanche, a fait des efforts depuis quelques années pour avoir un système judiciaire mieux formé et plus respectueux du droit. En août et septembre 2003, de nouveaux règlements de police ont également été publiés : ils visent, au moins en théorie, à lutter contre les détentions arbitraires, la torture et les brutalités en prison et autres abus assez courants en Chine, surtout dans les centres de "réforme par le travail" et au niveau des polices locales. Justice et police sont des domaines où les mauvaises habitudes sont difficiles à changer. Il faut bien commencer par modifier les lois et règlements. Ce faisant, en outre Pékin se donne des arguments pour contrer des critiques venant de l'extérieur.

La prolifération nucléaire et missiles

La prolifération, reprochée à la Chine par Washington, était un autre grand sujet de friction. L'administration Clinton n'avait pas avancé beaucoup sur ce sujet. Les Chinois avaient-ils promis verbalement de mettre fin à leur prolifération nucléaire et balistique en Iran et au Pakistan? Pas tout à fait, semble-t-il. Les Américains n'avaient obtenu là que des résultats limités. Pékin envisageait quelques demi-engagements. En matière de prolifération balistique, en outre, la Chine restait sur des positions plus rigides : la fourniture au Pakistan des missiles chinois M-11 de moyenne portée restait en balance avec les ventes américaines d'avions F-16 et de missiles sol-air à Taiwan. Or l'esprit du "Taiwan Relations Act" de 1979 écartait tout marchandage de ce genre.  

En 2002 pourtant, le climat change et c'est donnant, donnant : en août, à la veille de la visite de Richard Armitage, la Chine avait publié une réglementation des exportations de technologies relatives aux missiles que Washington demandait en vain depuis longtemps. Elle s'était engagée à le faire depuis novembre 2000, en signant les accords internationaux MTCR (Missile technology control regime). Mais Pékin s'abritait depuis lors derrière la responsabilité de ses sociétés exportatrices, que Washington avait fini par sanctionner dans l'été 2002, en les coupant du marché américain. Les nouvelles règles chinoises, en 24 articles, n'interdisaient pas totalement les exportations en question, mais les soumettent désormais à l'autorisation préalable et au contrôle de l'administration chinoise. Pékin prend donc la responsabilité de ces exportations sensibles. "C'est potentiellement un pas important" ont fait savoir les Américains, qui ont quand même attendu d'en constater les effets sur le terrain pour lever leurs sanctions.

"Copyrights"

Les négociations interminables sur les "copyrights", droits de propriété intellectuelle, artistique et industrielle, industries de contrefaçons avaient fini par progresser à mi-chemin, du moins au niveau des administrations. Le problème était que les lois et règlements du gouvernement central ne sont pas toujours appliqués dans certaines provinces côtières lorsqu'il y a beaucoup  d'argent en jeu. Le facteur le plus efficace dans ce domaine s'est avéré être le développement industriel et commercial en Chine même : l'administration chinoise a fait état à plusieurs reprises d'opérations importantes de saisie et de destruction de CD en informatique, en musique ou en pharmacie, dans la mesure où une industrie chinoise de fabrication légale commence à émerger. Ces annonces spectaculaires masquent mal la difficulté d'éliminer des habitudes massives de copie et de contrefaçon; question de profit facile, mais aussi de culture séculaire.

Respect du statut de Hong Kong

A Hong Kong, le texte du futur Article 23 de la "Basic Law" (constitution de HK) devait être présenté le 9 juillet 2003 à l'assemblée ("Legco"), dont la majorité n'est pas élue au suffrage universel. Il contenait des provisions identiques aux lois du Continent qui permettent de réprimer la liberté d'expression et d'information. Les motifs d'accusation tels que trahison, sédition, sécession, subversion, secrets d'Etat, qui donnent lieu à beaucoup d'abus en Chine, risquaient d'entrer dans la Constitution de Hong Kong.  Les sondages montraient que la  majorité des résidents de Hong Kong y étaient opposés. Ce projet avait motivé des protestations officielles de la part des Etats-Unis et de plusieurs pays occidentaux.

Le 1er juillet, au lendemain d'une visite réussie du premier ministre WEN Jiabao, une grande manifestation de protestation contre "l'Article 23" a rassemblé 500 000 personnes selon les organisateurs, 350 000 selon la police. C'était le rassemblement d'opposition le plus important depuis le rattachement du Territoire à la Chine en 1997. Quelques jours plus tard, deux compagnons de route du "Chief Executive" TUNG Chee-Hwa faisaient défection. Sans l'appui de ces deux petites formations pro-Pékin,  l'article 23 n'avait plus la majorité requise au Legco. Le report sine die du projet devenait inévitable. Critiqué de toutes parts, TUNG Chee-Hwa allait conférer à Pékin tandis que le gouvernement central envoyait sur place une discrète mission de contact et d'évaluation.

Finalement, Pékin se voyait contraint de soutenir le "Chief Executive", mais changeait quelques uns de ses représentants sur place. Deux membres du gouvernement de Hong Kong ("Exco") étaient démissionnés : la Secrétaire à la Sécurité, première responsable de cette montée de l'opposition, et le Secrétaire aux Finances, attaqué depuis trois mois pour un délit d'initié.

Hong Kong était entré dans une crise grave, avec un gouvernement affaibli par l'échec d'une manipulation politique maladroite. Encouragée par son succès, l'opposition démocratique locale réclamait la démission de TUNG Chee-Hwa et l'élection au suffrage universel de son successeur. Pékin refusait fermement, mais choisissait finalement de retirer le projet de Loi de Sécurité et d'apporter un fort soutien à l'économie de Hong Kong par un accord de libre-échange et en facilitant l'entrée de ses citoyens, pour affaires ou tourisme, dans la zone administrative spéciale. Tout au long de cet épisode, Washington était resté remarquablement neutre.

Percée commerciale de la Chine et sous-évaluation du Yuan

L'économie chinoise connaît une croissance forte et régulière depuis 1992. Depuis 1999 et au moins jusqu'à 2003-2004, ce grand pays a été et reste la seule zone importante de croissance dans un monde en stagnation, ce qui a accéléré le rattrappage chinois. Les besoins de la population chinoise sont immenses et les réserves de main d'œuvre à bon marché aussi. La moitié environ des investissements du monde riche dans les pays en voie de développement va en Chine depuis douze ans. Le PIB chinois, aujourd'hui le sixième du monde, pourrait dépasser dans quelques années ceux de la France et du Royaume-Uni. Dans ses échanges commerciaux courants, la Chine a fait en 2002 un excédent de plus de cent milliards de dollars sur les Etats-Unis, bien qu'elle n'en reconnaisse qu'un tiers en jouant sur le statut de Hong Kong. Elle accumule des réserves en devises probablement supérieures à 360 milliards en 2003.

Il est donc naturel que les milieux économiques américains, japonais, européens et d'autres partenaires importants dénoncent une sous-évaluation du yuan (ou renminbi), qui est maintenu artificiellement par le gouvernement chinois à proximité de 8,28 yuan pour 1 dollar US. Une vague de réclamation sur ce thème s'est déclenchée à nouveau en septembre 2003, à la suite d'une offensive des industriels américains au début de la campagne présidentielle pour novembre 2004.

Pour calmer les esprits, aux Etats-Unis, le Secrétaire au Trésor a fait une démarche à Pékin les 2 et 3 septembre où il a parlé de ces questions avec son homologue chinois. Mais Mr. John SNOW s'est trop vite déclaré "encouragé" d'apprendre que les Chinois auraient l'intention à long terme de laisser flotter leur monnaie et à moyen terme de réajuster si nécessaire son taux d'échange artificiel contre le dollar. La presse, puis les autorités chinoises, ont confirmé que Pékin n'a pas l'intention de modifier les rapports actuels qu'ils trouvent très avantageux. L'administration Bush ne veut pas se disputer avec Pékin sur ce sujet, mais elle se sent déjà tenue d'obtenir quelques petites concessions de la Chine. La pression internationale sur Pékin pourrait s'accentuer.

Les fondements de la quasi-alliance sino-américaine

Dans cette nouvelle phase, en revanche, les rapports entre la Chine et les Etats-Unis sont fondés sur un petit nombre de questions prioritaires, sur lesquelles les deux pays ont des intérêts convergents ou conciliables. Rappelons-les par ordre d'importance.

L'alliance contre le terrorisme international

Le premier de ces domaines est l'accord des deux gouvernements pour lutter contre les organisations terroristes internationales, c'est-à-dire dans une assez large mesure contre le radicalisme islamique et contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM) dans tel ou tel pays. Sur ce sujet toutefois l'intérêt stratégique des Etats-Unis est plus large que celui de la Chine. Les Américains sont en guerre contre toutes les organisations dans le monde, classées par eux-mêmes comme terroristes. Les Chinois ont des visées plus régionales, concernant pour l'essentiel le Xinjiang, l'Asie centrale et le monde turcophone, ainsi que, bien sûr, la Chine elle-même, son environnement et ses prolongements extérieurs.

Cette différence n'interdit pas une large coopération sino-américaine dans le champ du renseignement anti-terroriste. La CIA a des contacts réguliers avec le ministère chinois de la Sécurité d'Etat. Le FBI a pu ouvrir un bureau de liaison à Pékin. Selon un accord sino-américain signé le 29 juillet 2003, de petites équipes d'inspecteurs des Douanes américaines coopèrent désormais avec les contrôleurs chinois à Shanghai et à Shenzhen pour vérifier, avant leur départ, le contenu des containers à destination des ports américains. Les Etats-Unis ont d'ailleurs déjà signé ce genre d'accord avec un assez grand nombre de pays étrangers.

Pour ce qui touche à la prolifération des ADM, les choses sont moins nettes. Du côté américain, on sait depuis le discours sur l'état de l'Union de janvier 2002 que l'administration Bush visait en priorité les trois "rogue States" de "l'axe du mal", l'Irak, l'Iran et la Corée du nord. Du coté chinois, la dénucléarisation (pacifique) de la Corée est aussi un intérêt majeur, mais le sort de l'Irak a évolué comme on sait sans qu'on y trouve trace d'ADM et Pékin est, au minimum, neutre sur la limitation des programmes nucléaires iraniens. Pour sa part, Washington ne peut pas employer la force contre la Corée du nord tant que les opérations lancées en Afghanistan et en Irak tournent à l'enlisement.

Corée du Nord: la crise rapproche Américains et Chinois 

Le besoin que les Américains ont de la Chine dans l'affaire nord-coréenne et le ferme engagement diplomatique que Pékin a accepté créent actuellement un lien fort entre les deux capitales. Le grand événement de l'été 2003,  le retournement de la position de Pyong Yang le 31 juillet, est dû en grande partie à la Chine.. La Corée du nord exigeait jusque là une négociation bilatérale avec les Etats-Unis et refusait toute rencontre multilatérale, alors que Washington s'en tenait à la conception inverse : pas de négociation bilatérale, mais une conférence régionale, tous les pays voisins de la Corée du nord étant intéressés à une solution pacifique de la crise.

Le jeudi 31 juillet 2003, les représentants de la Corée du nord ont fait savoir aux Etats-Unis (à New York), à la Corée du sud et à la Russie, que leur pays donnait son accord à une négociation à six sur la crise nucléaire, incluant des pourparlers directs entre Washington et Pyong Yang. Les six sont les deux Corées, la Chine, les Etats-Unis, le Japon et la Russie. Ce retournement de la position officielle de Pyong Yang faisait suite aux efforts diplomatiques de la Chine depuis plusieurs semaines et, dans une moindre mesure, aux contacts peu à peu convergents entre les cinq interlocuteurs de Pyong Yang, à un resserrement du blocus des exportations illégales de la Corée du nord (drogue, fausse monnaie et armes), à une menace américaine de retrait du KEDO fin août et aux manœuvres de Moscou pour s'introduire dans le processus. 

L'Empereur du Japon. Crédits : Ministère des Affaires étrangères, F. de la Mure

Sur le fond, on savait - en particulier depuis la brève rencontre Etats-Unis/Corée du nord/Chine des 23-25 avril (organisée par Pékin) - que Pyong Yang pourrait peut-être renoncer à ses programmes proliférants d'armement nucléaire et de missiles balistiques, en échange d'un solide engagement américain de non-agression, ainsi que d'une assistance alimentaire et énergétique probablement plus élevée que dans l'accord-cadre de 1994. Mais cette possibilité reste très théorique étant donnée la méfiance profonde qui sépare Nord-Coréens, Américains et Japonais, pour ne pas parler des autres partenaires. Empêtrés dans  les affaires du Proche et Moyen-Orient, les Américains sont bien obligés, pour l'instant, de suivre ce cheminement diplomatique en Asie du Nord-Est. Mais l'équipe du président Bush reste divisée sur la voie à suivre et toutes les options restent ouvertes.

Les satellites de la CIA

Une série de rencontres et de signaux d'alarme avait marqué le mois de juillet 2003. Au début du mois, la CIA évoquait la découverte par ses satellites d'un probable site d'essai d'armes atomiques de petite puissance à Youngdoktong. L'agence officielle KCNA menaçait d'abandonner l'accord d'armistice de 1953 et de se lancer dans "des mesures de représailles impitoyables". Le 7, les présidents sud-coréen (ROH Moo-Hyun) et chinois (HU Jintao) se rencontraient en Chine et s'engageaient à coopérer pour une solution diplomatique. Le 12, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères DAI bingguo, effectuait à Pyong Yang une mission décisive de quatre jours pour imposer la formule combinant des pourparlers bilatéraux et multilatéraux. Il enchainait sur une mission à Washington pour informer la partie américaine des conditions d'acceptation  des Coréens du nord.  

En même temps, Pyong Yang informait Washington que le retraitement des 8 000 barres usagées en sa possession s'achevait. Un nouvel épisode de tension se produisit fin juillet 2003. Les Etats-Unis, considérant que Pyong Yang n'avait pas dit clairement oui à une négociation multilatérale, acceptaient une nouvelle rencontre à trois à Pékin, mais dans le seul but  d'éclaircir ce point. Les Nord-Coréens menaçaient alors de "se déclarer Etat nucléaire" le 9 septembre, date anniversaire du régime. La pression exercée par Pékin semble bien avoir été la contrainte qui a le plus contribué au changement d'attitude de Pyong Yang. L'affaiblissement calculé, coté chinois, du traité d'alliance sino-nord coréen de 1961, alors que les forces militaires américaines ont chassé Saddam Hussein du pouvoir en trois semaines en mars dernier, semble avoir convaincu KIM Rong-Il de lâcher un peu de lest.  

Le Département d'Etat ne prévoyait pas de percée spectaculaire pendant les pourparlers à six des 27-29 août 2003 dans la capitale chinoise. Cette session serait au mieux la première d'une longue série de rencontres. Pyong Yang écartait en effet dans l'immédiat toute procédure de vérification (ce qui interdirait un accord). De son coté, l'administration Bush ne veut pas accorder de garanties définitives avant l'arrêt des programmes NBC (nucléaire-chimique-biologique) nord-coréens et de premières vérifications. Pour la suite, les Américains écartaient l'idée d'un traité formel, mais acceptaient de donner une assurance écrite, par exemple en signant à Pékin un communiqué contenant une clause de sécurité pour Pyong Yang. Les Sud-Coréens, de leur coté, envisagent d'accorder au Nord une aide économique sans contrepartie, alors qu'Américains et Japonais ne veulent le faire qu'après des concessions importantes.

La Chine peut donc considérer comme un succès de sa diplomatie d'avoir réuni à Pékin pendant trois jours les représentants des six pays, pour présenter chacun leur  position sur le développement d'armes de destruction massive par la Coree du nord. Washington a apprécié.  Deux points soulignaient pourtant la difficulté de l'exercice : aucun communiqué ou déclaration commune n'a été publié et la date d'une prochaine rencontre n'a pas pu être fixée (elle doit être négociée par les voies diplomatiques habituelles).

En revanche, le ministre adjoint chinois des AE WANG Yi a pu faire état d'un consensus sur six principes [xxiv] . Pyong Yang a, d'autre part, proposé un plan en quatre étapes pour s'assurer que les Etats-Unis feraient les concessions demandées avant la Corée du nord [xxv] . Aux Etats-Unis, l'administration Bush restait divisée entre les partisans de méthodes fortes et ceux d'une solution négociée avec Pyong Yang. Mais, malgré plusieurs provocations verbales de la Corée du nord,  la diplomatie américaine se montrait relativement satisfaite de ces trois jours de pourparlers à Pékin fin août.

La Corée du nord posséderait bien un armement nucléaire

On soulignait en particulier à Washington que la délégation nord-coréenne a été amenée à répéter en séance plénière, le 28 août 2003, ce qu'elle réservait jusque là aux seuls délégués américains : la Corée du nord posséderait bien un armement nucléaire, elle évoque la possibilité de faire un essai nucléaire pour le prouver et de démontrer qu'elle a les vecteurs nécessaires. Les Américains estiment que cette déclaration a impressionné les autres délégations qui considérent désormais que la crise nucléaire en Corée est un problème commun et non plus limité seulement à Pyong Yang et Washington. Une deuxième session de ces pourparlers à six pays est probable avant la fin de l'année 2003.

Un sujet sensible: le projet américain de "bouclier anti-missiles"

Tout se tient. Le rapprochement sino-américain dans le traitement de la crise nucléaire coréenne a facilité la tolérance chinoise, temporaire, du statu quo à Taiwan, avec la "double garantie" américaine : d'intervention en cas d'usage de la force par Pékin et d'opposition à une évolution de Taiwan vers l'indépendance.

Mais aussi tout est mouvant. L'Armée populaire de libération (APL) chinoise augmente chaque année le nombre de ses missiles balistiques de courte ou moyenne portée, à bonne distance de Taiwan, d'Okinawa et des eaux environnantes. Le dernier rapport annuel de la DIA au Congrès (juillet 2003) estimait leur nombre à 450, en augmentation de 75 par an. Ce à quoi s'ajoutent les croiseurs de type Sovremennye, acquis en Russie, avec leurs missiles anti-navires supersoniques de type Sunburn, fort capables de tenir à distance les porte-avions géants de l'US Navy lors d'une prochaine crise dans le sud. Il y a, sur ce plan, une course aux armements modernes en Asie Orientale.

Contre ces déploiements du coté chinois, les Etats-Unis développent depuis plusieurs années un système de défense anti-missiles de théatre ("Theatre missile defense", TMD). Réticents au début, les Japonais se sont maintenant ralliés à ce projet techniquement difficile et long à mettre au point. La grande crainte des dirigeants chinois est que Taiwan soit couvert par ce système futur et même que l'île participe ouvertement à son déploiement : la pression exercée par les missiles balistiques du continent en serait réduite, la défense de Taiwan pourrait même être  intégrée au réseau de détection et de tir anti-missiles américano-japonais. L'effort de la Corée du nord pour se doter d'un armement nucléaire et de missiles balistiques est donc particulièrement malencontreux pour Pékin. La stratégie nucléaire nord-coréenne dope, bien sûr, la remilitarisation du Japon. Elle renforce le besoin d'un "bouclier anti-missiles" régional, qui ne peut être que le TMD américain, couvrant le Japon, les bases américaines, la Corée du sud et Taiwan. Entre ces partenaires, le sujet est hypersensible. Les difficultés techniques viennent heureusement au secours de la politique, le bouclier anti-missiles ne pouvant guère être concrètement en place avant 2010.  

Les meilleurs rapports depuis.... bien longtemps 

Washington a discrètement cessé en 2003 de qualifier la Chine de "strategic competitor", alors que cette expression avait servi en 2002 au président Bush et à son Conseil National de Sécurité à caractériser la différence de leur politique chinoise avec celle de l'administration Clinton. Mais peut-on vraiment parler de quasi-alliance entre la Chine et les Etats-Unis ?

Du coté chinois, la perspective à long terme pourrait passer de la coopération et de l'alliance partielle avec Washington à une  confrontation croissante sur la prédominance en Asie Orientale et à la  recherche d'un "monde multipolaire". Quels seront d'ailleurs demain, dans cette équation, les positions et le poids du Japon, de la Russie et de l'Union Européenne dans un contexte de 20 à 30 ans ?

Du coté américain, c'est la stratégie des néo-conservateurs (lutte contre le terrorisme international et les "rogue States", tentation de remodeler le monde en fonction de leurs propres vues) qui pèse le plus sur les capacités américaines en Asie Orientale et sur les relations sino-américaines. Les perspectives de l'opération américaine en Irak commandent non seulement les possibilités de réaménagement du Proche et Moyen-Orient, mais aussi la manière de traiter la crise nucléaire en Asie du NE.

Un compromis sur les relations commerciales sino-américaines et la réévaluation prudente de la monnaie chinoise est possible et probable. Le plus sensible est ailleurs. Tant que l'Amérique ne cherchera pas sérieusement à toucher au régime politique chinois, à forcer le pouvoir chinois à se réformer, d'importantes relations non-antagonistes peuvent se développer sur une base de donnant-donnant.

Le Secrétaire d' Etat Colin Powell

Le 5 septembre 2003, parlant à l'université George Washington, dans la capitale américaine, le Secrétaire d' Etat Colin Powell a déclaré que les relations bilatérales prospéraient en dépit des différends qui subsistent, en particulier sur les droits de l'homme, les activités proliférantes de la Chine et l'absence de toute réforme politique dans ce pays. Mais, a-t-il ajouté, "…nos relations se sont améliorées pour des raisons qui transcendent tous ces points particuliers … Ni les dirigeants chinois ni nous-mêmes ne croyons qu'il y ait quoi que ce soit d'inévitable dans nos rapports, rien d'inévitable, ni en mal ni en bien…".  

Soulignant que leurs vues identiques sur la Corée du nord avaient aidé à rapprocher les deux parties, Colin Powell a cité en particulier l'opposition commune à la possession d'armes nucléaires par Pyong Yang, ainsi qu'à la pratique par ce pays de trafics de drogues, de contrebande d'armes et de fausse monnaie. Le Secrétaire d'Etat américain a conclu "…aujourd'hui, je dirais que les rapports des Etats-Unis avec la Chine sont les meilleurs que nous ayions eus depuis la première visite là-bas du président Nixon en février 1972". Les meilleurs rapports depuis trente ans. Au vu de l'histoire, le Secrétaire d'Etat américain aurait même pu dire : depuis 1945. Le long terme ne doit donc pas forcément inspirer le pessimisme.

Henri Eyraud, général de division (CR)

Manuscrit clos le 22 septembre 2003

Copyright 20 octobre 2003-Eyraud/www.diploweb.com

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L'histoire des relations sino-américaines

Au XIXè siècle et au début du XXè, les Etats-Unis avaient forcé l'ouverture du Japon (en 1854) et s'étaient installés aux Philippines (en 1898), tout en restant, jusqu'à la deuxième Guerre mondiale, plus réservés que les Européens vis-à-vis du continent chinois. Très présents pourtant en Chine, ils ont souvent préféré à cette époque s'aligner derrière la Grande-Bretagne, en particulier dans les Concessions internationales, plutôt que d'afficher leur puissance croissante.

Mais l'histoire est riche en surprises. L'Amérique avait contraint le Japon à s'ouvrir : il allait revenir au Japon de forcer les Etats-Unis à s'engager fortement en Asie. Depuis Pearl Harbour (décembre 1941), Washington est militairement actif en Extrême-Orient, et  y joue les premiers rôles. Devenus maîtres du Pacifique et de l'Asie insulaire à  l'issue de la deuxième guerre mondiale, les Américains ont voulu, tout au long de la seconde moitié du XXè siècle jouer en même temps les arbitres entre les camps nationalistes et communistes et les garants du statu quo, dans toute l'Asie Orientale. Cette politique les a menés à des revers en Chine et au Viet Nam, mais a assuré la sécurité du Japon et de la Corée du sud depuis 1945.

De 1941 à 1950

Washington veut à la fois soutenir le Kuomintang de Ch'iang Kai-shek et s'imposer comme médiateur entre ce dernier et l'armée-parti communiste de Mao Zedong. Mais on ne peut guère être à la fois l'arbitre et l'allié puissant d'une des parties. Le régime du Kuomintang, alors corrompu et déconsidéré, est vaincu dans la guerre civile de 1946-1949. Cette phase, défensive, se terminera par un échec. La Chine continentale tombe entre les mains de Mao, alors que Ch'iang et le KMT se réfugient à Taiwan.

De 1950 à 1972

Il s'ensuivra une rupture presque complète des relations entre les Etats-Unis et la Chine continentale. C'est l'époque de l'endiguement ("containment") et des guerres en Asie de l'Est. Dans la péninsule coréenne (1950-1953), l'attaque du Nord contre le Sud, suscitée par Staline et soutenue à grand prix par la Chine populaire, aboutit au rétablissement  de la frontière antérieure, divisant pour longtemps les deux Corées détruites. Aussi désastreuse, la guerre du Viet Nam (1965-1975) amènera Nixon à choisir finalement le retrait des forces américaines sur leurs positions insulaires et péninsulaires, Japon, Philippines, Australie, Pacifique.

Pendant vingt-deux ans, les diplomates américains et chinois ne se parlent qu'épisodiquement et sur des sujets mineurs, à Genève d'abord, à Varsovie ensuite. Ces contacts excluent toute vision d'avenir, toute négociation importante entre Washington et Pékin. Pendant une quinzaine d'années, en revanche, l'aide économique et technique américaine, ainsi que la protection de la VIIè Flotte, permettent le décollage de Taiwan.

Entre 1972 et 1991

La guerre froide, et la réflexion stratégique, amènent un rapprochement sino-américain face à l'Union soviétique. La "doctrine de Guam"[xxvi] [xxvii]énoncée par le président Nixon en Juillet 1969, s'appuie sur une reprise de relations normales avec l'immense Chine. En 1969 aussi, la querelle sino-soviétique a provoqué six mois de combats frontaliers. Mao et Zhou Enlai considèrent alors l'URSS comme l'adversaire principal et "l'impérialisme américain" comme beaucoup moins menaçant à court terme. Plusieurs émissaires de Mao (dont Edgar Snow en déc. 1970) font savoir à Nixon que l'on veut parler sérieusement. Le voyage secret d'Henry Kissinger à Pékin (juillet 1971) ouvre la voie. Nixon se rend en Chine en février 1972 et signe le "Communiqué de Shanghai", rétablissant des relations diplomatiques partielles, qui deviendront complètes en janvier 1979.

C'est un coup de tonnerre dans la région, en particulier pour Moscou et pour Taipei, mais aussi pour le Japon, la Corée, l'Inde et bien d'autres pays. Les relations américano-taiwanaises vont bien sûr en souffrir, malgré l'adoption en 1979 par le Congrès du "Taiwan Relations Act", qui conforte la sécurité de l'île. Pékin, pour sa part, cherchera longtemps à enfermer Washington dans ses engagements des "Trois Communiqués" (de 1972, 1978-79 et de 1982)[xxviii] Pionnière sur ce terrain, la France du général de Gaulle avait montré le chemin en janvier 1964, sans toutefois en tirer un bénéfice autre que global. L'antagonisme sino-soviétique apparu en 1960 et porté à son maximum d'intensité dans ces années-là (1966-1972), déclinera ensuite pour prendre fin en 1985-1986, dès l'arrivée au pouvoir à Moscou de Mikhaïl Gorbachev.

Avec la fin de la Guerre froide, depuis 1985-1989, et encore plus depuis 1992

Une phase nouvelle devait évidemment s'ouvrir avec la disparition de la menace soviétique ressentie simultanément à l'Ouest et à l'Est. Les Etats-Unis et la Chine populaire n'ont plus d'ennemi commun. L'effondrement de l'URSS - remplacée en Asie par une Russie provisoirement très affaiblie, une Mongolie abandonnée à elle-même et les nouveaux Etats d'Asie centrale - change les données stratégiques. A la fin de 1978 en outre, la Chine de Deng Xiaoping se lance dans une politique de réforme et d'ouverture : la réforme de l'économie administrée et l'ouverture (économique) vers les Etats-Unis, le Japon et l'Europe occidentale vont favoriser les relations. Entre l'Amérique et la Chine, certains intérêts restent conflictuels, d'autres désormais convergent. Les deux pays progressent dès lors entre incidents et négociations, crises et compromis, "engagement" et "containment". Des deux cotés, comme il est normal, existe une tendance méfiante et hostile à l'égard de l'autre, critiquant les responsables gouvernementaux contraints à plus de modération.

A partir de 1992, la Chine confirme une orientation résolue vers l'économie de marché, tout en conservant son régime de parti unique. Les dirigeants de Pékin font ainsi, consciemment, l'inverse de ce qu'avait fait Gorbatchev. Cette stratégie de développement semble peu à peu acceptée par l'Occident, favorisant ainsi des rapports sino-américains plus maîtrisables.

Henri Eyraud, général de division (CR)

Manuscrit clos le 22 septembre 2003.

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Notes: 

[i]   Objectifs prioritaires : l'adaptation de l'économie chinoise aux engagements envers l'OMC,

la réduction des risques sociaux, la réussite mondiale des JO-2008 et de l'Exposition universelle

de 2010 à Shanghai.

[ii]  Voir ci-dessous à l'avant-dernier paragraphe de la partie PREMIER MANDAT DE BILL CLINTON : MALADRESSES ET TENSIONS

[iii]  Dans chaque domaine politico-stratégique et économique important, l'orientation générale et la

supervision de la politique chinoise sont confiées à un GROUPE CENTRAL DIRIGEANT ad hoc du PCC.

[iv]  La composition du nouveau GCD/Taiwan serait la suivante :

Président :  Hu Jintao, president de la République et SG du PCC

Vice-président : Jia Qinglin président de la 2è Assemblée (la CCPPC)

Secrétaire :  Tang Jiaxuan ex-ministre des AE et Conseiller d'Etat

Membres :  Wang Daohan, (ex-mentor de Jiang Zemin) président de l'ARAPS.

General Guo Boxiong (Vice-président de la Commission Centrale Militaire (CMC)

General Xiong Guangkai,Chef d'EM adjoint, (relations stratégiques internationales)

 Liu Yandong Vice-président de la 2è Assemblée (CCPPC)

Xu Yongyue, ministre de la Sécurité nationale

Chen Yunlin, directeur du Bureau des Affaires de Taiwan du gouvernement.

[v]  OMS : Organisation Mondiale de la Santé, dont Taiwan est exclu, même à titre d'observateur par la volonté de Pékin.

[vi]   Le président taiwanais avait évoqué l'éventualité d'un référendum sur l'indépendance. Il devait aussi reprendre en plusieurs occasions par la suite l'expression "Taiwan, la Chine, deux pays de part et d'autre du détroit", qui choque à Pékin.

[vii] Thomas J.Christensen, "Optimistic trends and near term challenges : Sino-American Security Relations in early 2003", in China Leadership Monitor N° 7 (summer 2003) et  "PRC Security Relations with the United States : Why Things Are Going So Well" China Leadership Monitor,    No.8  (Autumn  2003)

[viii]   Nixon s'était rendu en Chine en février 1972 pour signer le "Communiqué de Shanghai", rétablissant des relations diplomatiques partielles, qui deviendront complètes en janvier 1979. Ce fut un coup de tonnerre dans la région, en particulier pour Moscou et pour Taipei, mais aussi pour le Japon, la Corée, l'Inde et bien d'autres pays. Le rapprochement entre Washington et Pékin évolua en 1981 jusqu'à une brève "quasi-alliance". Les relations américano-taiwanaises devaient bien sûr en souffrir, malgré l'adoption en 1979 par le Congrès du "Taiwan Relations Act", qui conforte la sécurité de l'île.

[ix]   cf;  Henri Eyraud, "CHINE : LA REFORME AUTORITAIRE. JIANG Zemin et ZHU Rongji",     Editions BLEU DE CHINE, Paris - 2001, 248 pages.

[x]   Les deux développements suivants sur l'évolution des rapports sino-américains sous la présidence de Bill Clinton (1er et 2è mandats, de 1993 à 2000 inclus), sont inspirés de l'article de l'auteur "Les rapports sino-américains, passé, présent, futur", dans la revue HERODOTE N°108 (1er Trimestre 2003), pp. 69 à 90. (HERODOTE, Editions Masson, 120 Bd. St-Germain, 75 272 PARIS Cedex-06, FRANCE)

[xi] Conférences de Bangkok en avril et de Vienne en juin 1993 - cette dernière organisée par l'ONU sur les droits de l'homme. Une cinquantaine de gouvernements asiatiques firent front avec un certain succès en contestant l’universalité  des “valeurs occidentales”. 

[xii] "Most Favored Nation", ou "Normal Trade Relations", clause qui garantit à un pays partenaire les meilleures conditions commerciales accordées à d'autres. Exceptionnellement vis-à-vis de la Chine, le Congrès imposait alors le renouvellement de cet avantage commercial chaque année.

[xiii] APEC : "Asia Pacific Economic Cooperation", groupement souple des pays riverains de l'Océan Pacifique, favorisant les échanges économiques entre eux.

[xiv] COSTIND : "Commission scientifique, technique et industrielle de la Défense Nationale", dirigeant l'industrie de défense chinoise.  

[xv]   Le "Democratic Progressive Party" (DPP) prône l'indépendance de Taiwan.

[xvi] Vaste catégorie recouvrant les tissus, vêtements, tapis, cuirs, etc.

[xvii]   L'expression "constructive engagement" désigne une politique active de contacts constructifs.

[xviii] La délégation chinoise comprenait en particulier le chef d’état-major général-adjoint Xiong Guangkai (affaires stratégiques, Taiwan, renseignement militaire), le nouveau commandant de l’armée de l’air Liu Shunyao, le commandant de la Région militaire sud (Canton) Tao Bojun, le directeur-adjoint du Département général logistique Wang Tailan, le commandant-adjoint de la Marine (et ex-chef du Département équipement de l’EMG) He Pengfei, le commandant-adjoint de la Seconde artillerie (missiles balistiques stratégiques et tactiques) Zhao Xijun, ainsi qu’un assistant du ministre des affaires étrangères, Yang Jiechi, et un du Bureau des affaires extérieures de la Défense, Zhang Maohai.

[xix]   Mais il s'agit d'une fausse symétrie. Le "Groupe de Shanghai" fidèle à l'ancien président JIANG Zemin, majoritaire dans la nouvelle direction chinoise, est conservateur en politique étrangère. Au contraire, les "néo-conservateurs", majoritaires autour du président Bush,  exercent une influence stratégique de droite, nouvelle et radicale.

[xx]  Depuis longtemps, des avions américains bourrés de senseurs, de radars, d'appareils de prises de vues et de moyens d'écoute, patrouillaient le long des côtes chinoises, mais dans l'espace aérien international, avec des missions de surveillance d'objectifs situés en Chine. L' EP-3 E est un avion de ce type.

[xxi]   APEC : voir note 13 ci-dessus

[xxii]   Signé en 1996, l'accord de Shanghai rassemblait la Russie, la Chine, le Kazakstan, le Kirgyzstan et le Tadjikistan, auxquels s'est joint plus récemment l'Ouzbekistan. Il prit le nom d'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), mais l'objet reste d'abord de réprimer les mouvements indépendantistes islamiques en Asie centrale ex-soviétique et chinoise. La coopération doit s'élargir progressivement. La coalition autour de l'Amérique contre le terrorisme international concurrençait dangereusement l'OCS. Cette dernière s'est manifestée dans l'été 2003, par un exercice des forces militaires de 5 des 6 pays, en opérations conjointes contre des installations terroristes fictives au Kazakstan et au Xinjiang.

[xxiii]  Armes NBC = armes nucléaires, biologiques et chimiques.

[xxiv]   Les six points de consensus atteints en séance (selon M. WANG Yi)

(RPDC = République Populaire Démocratique de Corée = Corée Nord)

(1) - résolution de la crise actuelle par des moyens pacifiques.

(2) - dénucléarisation de la péninsule coréenne un liée à une garantie de sécurité pour la Corée du nord.

(3) - Approche de la solution "par étapes et synchronisée" (entre la RPDC et les USA)

(4) -  Renonciation à toute action susceptible d'aggraver la crise.

(5) - Dialogue pour établir la confiance et réduire les différends.

(6) - Poursuite des pourparlers à six, date et lieu à décider dès que possible.

Si ce consensus tient, ces six points représentent déjà une avancée appréciable.

[xxv]    Le plan en quatre étapes avancé par la délégation nord-coréenne

Etape 1 : la RPDC déclarera son intention d'abandonner ses programmes d'armement nucléaire, après la reprise des livraisons de produits pétroliers par les Etats-Unis

Etape 2 : la RPDC acceptera l'inspection de ses installations nucléaires, après la signature d'un pacte de non-agression avec les Etats-Unis

Etape 3 : les questions liées au développement de missiles nord-coréens seront réglées après la normalisation des relations avec les Etats-Unis et le Japon

Etape 4 : la RPDC abandonnera ses programmes d'armement nucléaire, après l'installation complète des réacteurs à eau légère prévus par l'accord-cadre de 1994 avec les Etats-Unis.

Ces quatre points sont évidemment inacceptables tels quels par Washington, mais ils pourraient justement faire l'objet d'une négociation à venir sur le point N°3 du "consensus" (approche de la solution "par étapes et synchronisée",entre la RPDC et les USA).

[xxvi] Dans un discours prononcé à la base américaine de Guam, le président Nixon annonçait une nouvelle stratégie en Asie Orientale : retrait sauf exception hors du continent, sur les bases insulaires et en Corée. Cette stratégie allait mener à la fin de la guerre du Viet Nam et à un rapprochement avec la Chine populaire.

 [xxviii] Les "Trois Communiqués" sont celui de Shanghai (février 1972) sur le rétablissement partiel de relations diplomatiques, celui de décembre 1978 sur les relations diplomatiques complètes à partir du 1er janvier 1979, et celui d'août 1982 sur la réduction progressive et conditionnelle des ventes d'armes américaines à Taiwan.

 

Manuscrit clos le 22 septembre 2003.

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Date de la mise en ligne: novembre 2003

 

 

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Biographie du général de division (CR) Henri Eyraud

   

 

 

Editeur de "questionchine" à l'adresse www.questionchine.net , Henri Eyraud est un observateur attentif de la Chine depuis quarante-cinq ans. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages.
 
Ancien élève de l'Ecole Spéciale Militaire de St Cyr/Coëtquidan .
Seize années de fonctions hors de France, en particulier en Indochine, à Hong Kong et à Pékin.
Ecole supérieure de Guerre, Paris - Auditeur IHEDN - Licencié ès-Lettres (Sorbonne).
Diplômé en chinois des Langues Orientales Paris et de Hong Kong University.

Auteur notamment de:
"Chine, 25 ans, 25 siècles", Le Seuil (1974).
"La Fin de la Guerre froide. Perspectives", P.U.L. (déc.1992).
"China, thinking the possible futures" (AEI - Washington - 1994).  
"Chine, la réforme autoritaire" - Ed.Bleu de Chine / Acte Sud (2001).

   

 

 

 

   

 

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