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www.diploweb.com Géopolitique des relations sino-européennes

 

Les relations entre la Chine et l’Union européenne:

vers un rapprochement géopolitique ? 

par le Commandant Benoît Aufrère,

(Armée de Terre, France, 13 e promotion du CID)

 

Depuis trente ans, la Chine et l’Union européenne ont développé des relations très étroites. Ces relations ont connu un essor considérable faisant d’eux des partenaires économiques majeurs. Mais au niveau politique, les partenariats sont restés limités malgré les convergences de vue sur le mode de gouvernance mondiale et de gestion des conflits. La Chine ne considère pas encore l’Europe communautaire comme une réelle entité politique et lui confère donc un rôle secondaire sur la scène internationale. Néanmoins, on observe aujourd’hui une certaine inflexion de la politique européenne vis-à-vis de son partenaire chinois. Considérant comme légitime son ambition stratégique globale, l’Union européenne s’affirme comme une alternative à l’unilatéralisme américain. Dans ce cadre, son discours en direction de la Chine devient plus ferme et plus exigeant dans sa relation avec elle.

 

Ce mémoire de géopolitique a été rédigé au Collège Interarmées de Défense dans le cadre du séminaire "Géopolitique de la Chine", dirigé par Valérie Niquet

Bibliographie de l'étude en bas de cette page.

Mots clés et sommaire: Les relations entre la Chine et l’Union européenne : se dirige-t-on vers un rapprochement géopolitique ? Commandant Benoît AUFRERE, Collège interarmées de défense, 2006. Sous la direction de Valérie Niquet. Chine, Union européenne, Asie du sud-est, partenariat global, stratégie de sécurité.  

PREMIÈRE PARTIE : L’ESSOR DES RELATIONS AU XX° SIECLE. Le retour de l’Europe en Chine. Un partenariat économique et commercial puissant. Le rapprochement stratégique entre la Chine et l’Union européenne.  

DEUXIÈME PARTIE: LE POIDS REEL DE L’EUROPE EN CHINE. Les faiblesses de l’Europe communautaire. Persistance de difficultés dans les relations sino-européennes. Les handicaps et les pesanteurs.   

TROISIEME PARTIE: QUEL PARTENARIAT POUR L’AVENIR ? L’Union européenne comme partenaire stratégique global. Un nouveau rôle pour l’union européenne en Chine ? L’influence de l’Union européenne aujourd’hui : forces et faiblesses.

 

Au cours du sommet réunissant la Chine et l’Union européenne qui s’est déroulé à Pékin le 5 septembre 2005, les deux partenaires ont célébré le 30ème anniversaire de leurs relations diplomatiques. Ils ont affiché à cette occasion leur satisfaction devant les grands changements qu’elles leur ont apportés au cours de cette période. Ils se sont aussi félicités de l’approfondissement actuel de leurs relations : celles-ci évoluent vers l’affirmation d’un partenariat stratégique global.

         Si le discours est convenu et consensuel, il n’en demeure pas moins qu’une telle évolution existe réellement entre la Chine et l’Europe : leurs relations s’élaborent aujourd’hui explicitement autour d’un objectif politique commun dans le cadre de liens étroits prenant en compte l’ensemble de leurs domaines d’influence.

         On est alors en droit de se demander quelles raisons poussent deux partenaires que tout semble opposer à de telles relations. La Chine est, en effet, un pays à l’histoire millénaire de plus d’un milliard d’habitants. C’est un pays en voie de développement dont le régime communiste est l’un des rares à avoir survécu à la chute de l’Union soviétique. L’Union européenne, quant à elle, est une création du XXe siècle. C’est une organisation régionale qui regroupe 25 pays parmi lesquels les plus riches du monde. Son PIB est sept fois supérieur à celui de la Chine.

         Malgré les différences qui existent entre l’UE et la Chine, ce partenariat a connu des progrès incessants pendant 30 ans. L’UE et la Chine  cherchent aujourd’hui encore à approfondir leurs relations en affichant la volonté commune de construire des relations stratégiques globales. Ainsi, il semble que les relations sino-européennes doivent aboutir à un rapprochement géopolitique de la Chine et de l’UE. Ce rapprochement est cependant incertain. En effet, si les relations économiques et commerciales ont été à la base de l’essor considérable du dialogue sino-européen, on constate que la mise en place de relations politiques et stratégiques semble plus difficile à développer et ce, malgré une convergence des ambitions et une communauté des intérêts de l’UE et de la Chine.

         Après avoir présenté les développements successifs qu’ont connus les relations sino-européennes, nous montrerons que l’UE est limitée dans ses ambitions par des faiblesses, des difficultés et des handicaps qui la gênent dans sa quête d’influence en Chine. Ensuite nous nous efforcerons de tracer les perspectives de partenariats que l’UE peut développer dans cette zone.

 

PREMIERE PARTIE : L’ESSOR DES RELATIONS ENTRE LA CHINE ET L’EUROPE AU XX° SIECLE 

         Déjà super-puissance démographique, la Chine est devenue à partir des années 1980, en seulement deux décennies, une super-puissance économique et commerciale. Forte d’une main d’œuvre pléthorique et d’un marché intérieur de plus d’un milliard de consommateurs, elle attise les convoitises. Aussi l’Union européenne, géant économique et puissance politique en devenir souhaite-t-elle développer des relations privilégiées avec la Chine.

         Nous étudierons dans cette partie le véritable essor qu’ont connu les relations entre l’Europe et la Chine au XXe siècle. Alors qu’elles avaient quasiment disparues, elles se sont rétablies assez tardivement et connaissent depuis lors des progrès incessants.

 

1. Le retour de l’Europe en Chine

En observant la Chine aujourd’hui, il est difficile de croire qu’au début du XXe siècle, l’Europe y exerçait une influence si grande qu’elle est encore ressentie de nos jours comme une profonde humiliation par les Chinois. Pourtant les pays européens avaient imposé à l’Empire du Milieu une véritable hégémonie économique et technique avant de se faire chasser à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ce n’est que tardivement que les relations sino-européennes se rétablissent pour connaître alors un véritable essor.

 

111. La fin de l’influence coloniale de l’Europe en Chine

Si la Chine et l’Europe avaient établi depuis longtemps des relations commerciales, la confrontation de l’Empire chinois avec la civilisation occidentale fut particulièrement traumatisante au XIXe siècle. En effet, la supériorité économique et technique des pays européens était considérable alors même que la Chine connaissait une période de repli sur elle-même. Cette supériorité européenne s’est traduite par une « prédation »[i] occidentale vis-à-vis de la Chine et de ses richesses, notamment après les guerres de l’opium où la Chine se fait imposer des traités qui lui sont très défavorables[ii] : les pays européens acquièrent des concessions dans la plupart des grands ports chinois où ils bénéficient de privilèges exorbitants (l’extraterritorialité, par exemple, permet aux étrangers d’échapper aux lois chinoises ; les droits de douane pour les produits européens sont limités à 5%).  

Si ces concessions ne constitueront toujours qu’une colonisation de position[iii] faites à travers l’ouverture de comptoirs commerciaux sur les côtes de la mer de Chine, les Chinois gardent en mémoire les « traités inégaux » qui leur ont été imposés par les Européens. De nos jours encore, l’occupation occidentale s’apparente à un véritable traumatisme. Celui-ci tient une grande part dans l’imaginaire chinois et explique en partie la méfiance, voire la défiance, des Chinois dans leurs relations avec les Occidentaux ainsi que la forte volonté de garder leur indépendance vis-à-vis de l’influence occidentale.

Mais des crises successives vont se dérouler en Chine dès le début du XXe siècle qui seront la cause du départ des Européens de Chine. Ainsi la poussée nationaliste[iv] et les émeutes xénophobes contraignent les Européens à revenir sur l’autonomie douanière des concessions (années 1920). Puis c’est la question de l’extraterritorialité qui est remise en cause. Avec elle, est remise en cause la subsistance de la plupart des concessions européennes en Chine. Au début des années 1930, les Européens abandonnent leurs concessions. En 1946, les concessions de Shanghai sont supprimées. Il ne reste plus que Hong Kong, restitué aux Britanniques après le départ des Japonais et Macao qui demeure portugais.

         Mais au-delà la présence européenne en Chine, c’est plus largement la fin de l’influence européenne en Extrême-Orient puisque les grands empires coloniaux tombent les uns après les autres après la Deuxième Guerre mondiale : les Pays-Bas quittent l’Indonésie en 1945, la Grande-Bretagne perd son empire des Indes en 1947, la France perd l’Indochine en 1954, Singapour devient indépendant en 1965.

 

112. Un retour tardif des relations

         La Guerre froide explique pour une large part l’absence de relations entre les pays européens et la Chine après la fin de la Deuxième Guerre mondiale[v]. Mais c’est à la faveur d’une évolution du contexte politico-économique qu’elles vont pouvoir se renouer au début des années 1970.

         Tout d’abord on peut noter que la Chine engage à partir de 1971 une véritable politique d’ouverture en direction des Etats-Unis. Après une longue période de repli autarcique de la Chine, Mao Zedong change d’attitude dans ses relations avec les deux superpuissances : l’URSS est considérée comme une menace immédiate bien plus dangereuse que les Etats-Unis[vi]. Aussi observe-t-on un véritable retournement des représentations géopolitiques : la Chine maoïste s’ouvre progressivement au monde occidental et offre l’image d’une certaine respectabilité[vii].

         Ensuite la stratégie de la Chine évolue avec l’élaboration de la « théorie des trois mondes » que Deng Xiaoping présenta à l’ONU en 1974. La Chine divisait le monde en trois pôles : le premier monde était constitué des deux superpuissances ; le deuxième monde était composé des pays développés, soumis aux superpuissances et moins impérialistes que par le passé ; le troisième monde, dont la Chine faisait partie, était composé des pays en voie de développement. Cette conception nouvelle du monde représentait une alternative à la confrontation des deux blocs et traduisait l’idée que les dirigeants chinois se faisaient de la hiérarchisation des menaces et des alliances potentielles : des alliances entre pays de mondes différents pouvaient avoir lieu pour faire face à une menace commune.

         Dans ce contexte, les pays européens deviennent alors des alliés potentiels. De plus, ils ont eux aussi entamé un processus de détente avec les pays du bloc de l’Est en Europe. En 1972, la Communauté économique européenne (CEE) accepte d’organiser une conférence européenne sur les questions de sécurité et de coopération. La CSCE (conférence sur la sécurité et la coopération en Europe) se déroule en juillet 1975 à Helsinki[viii] et affirme des principes de paix et de détente entre l’Est et l’Ouest sur des bases durables d’une plus large coopération économique et humanitaire. Le dialogue Est-Ouest est ouvert en Europe et la Chine pourra en profiter pour se rapprocher de la CEE. C’est d’ailleurs à partir de mai 1975 que les relations sont officiellement rétablies entre la communauté européenne et la Chine[ix].

 

113. Premiers développements

         La communauté européenne est une construction économique et commerciale en plein développement[x]. C’est pourquoi les premières relations sino-européennes ont été essentiellement fondées sur des bases économiques et commerciales. Le premier accord entre la CEE et la Chine est signé en avril 1978. Il s’agit d’un traité commercial (« trade agreement »).

Les relations commerciales entre la Chine et les pays de la CEE se développent rapidement. Elles sont d’ailleurs encouragées par la nouvelle politique des dirigeants chinois après la mort de Mao. En effet, à partir de 1978, Deng Xiaoping met en œuvre une politique de réformes dont la problématique dominante est la modernisation rapide. La « politique des quatre modernisations » identifie d’abord quatre secteurs prioritaires : l’agriculture, l’industrie, les sciences et technologies et le domaine militaire. Il envisage ensuite d’accélérer l’ouverture sur le monde extérieur ainsi qu’une décentralisation de l’économie chinoise. Ainsi, à partir de 1979 une ouverture économique progressive est mise en œuvre pour remplacer le système collectiviste chinois qui n’est pas en mesure de répondre aux exigences de la politique des quatre modernisations.

         L’accord de 1978 se révèle vite insuffisant pour prendre en compte tous les échanges qui se développent depuis 1978. Dès 1980, la Chine bénéficie de la préférence communautaire. De plus, un nouvel accord plus large est signé en 1985. Il s’agit d’un accord de coopération économique et commerciale qui vise à encourager, d’un côté, le progrès scientifique et technique de la Chine et, de l’autre côté, d’accorder à la Chine la clause de la nation la plus favorisée[xi]. Les objectifs sont principalement commerciaux : promotion et intensification des échanges, renforcement de la coopération économique et encouragement des investissements. Cet accord prévoit aussi de développer la coopération économique afin de favoriser le développement de l’industrie et de l’agriculture (promotion de la coproduction, des coentreprises, des transferts de technologie, etc.).

         Les relations entre la Chine et la CEE continuent de se développer et enregistrent des progrès constants. Ainsi, en 1987, un accord sur la création d’un centre d’application de la biotechnologie à l’agriculture et à la médecine est signé. En octobre 1988, la CEE ouvre une délégation à Pékin. C’est à partir de cette date que les relations politiques entre la Chine et l’Europe ont commencé. Les rencontres entre les dirigeants chinois et les ministres européens se font plus nombreuses. Le rapprochement géopolitique entre la Chine et l’Europe semble bien amorcé en 1989 quand les relations vont être brutalement interrompues après les évènements qui se sont déroulés sur la place de Tien An Men.

 

2. Des relations avant tout économiques et commerciales

         Entre 1975 et 1989, la Communauté européenne et la Chine vont développer avant tout des liens économiques et commerciaux. Mais en même temps que les relations économiques connaissent un essor rapide, les relations politiques restent distantes. Cette situation est révélatrice de l’ambition de la Chine dans le monde. Avec une puissance économique montante, la Chine, pays en voie de développement, souhaite mettre en place de fortes coopérations, conditions de développement de sa propre économie. Mais elle réserve ses relations politiques avec les deux superpuissances (Etats-Unis et URSS) avec lesquelles elle prétend participer à la gouvernance mondiale.

 

121. Prépondérance des relations économiques et commerciales

         La Chine est devenue un partenaire essentiel de la CEE et les relations économiques et commerciales sont devenues indispensables pour le propre développement de l’Europe. Les accords commerciaux signés en 1978 ont permis l’échange de plus de 175 billions d’euros de marchandises. Du côté de l’Europe comme du côté de la Chine, ils ont eu un impact fondamental pour leur croissance économique mutuelle.

         La Chine voit, en effet, dans le marché européen la meilleure opportunité pour développer sa propre économie. La complémentarité économique est forte entre les deux entités, la CEE pouvant fournir des technologies et des produits de haute technologie tandis que la Chine met à disposition sa main d’œuvre pour exporter des produits manufacturés à bas prix et en grande quantité vers l’Europe, marché de consommation à fortes potentialités.

         Ainsi le développement des relations économiques entre la CEE et la Chine a participé au formidable essor que connaît la Chine à partir des années 1980. Depuis 1980, le PIB chinois augmente de 9% par an. La Chine tourne le dos à la collectivisation de l’économie : plus de 40% des produits de l’industrie viennent des entreprises privées.

         Dans un premier temps, le développement des relations commerciales avec la Chine permet d’ouvrir l’immense marché chinois aux entreprises européennes. Les coopérations entre entreprises chinoises et européennes ont été formalisées par de nombreuses joint-ventures[xii] : implantations d’Alcatel à Dongfeng, de Citroën à Wuhan, ou de nombreuses PME allemandes dans la région du Guangdong, notamment. D’autre part, la coopération technologique a permis de réaliser en Chine d’ambitieux programmes d’équipement comme le programme électronucléaire chinois (réalisation de la centrale de Daya Bay).

         Le marché chinois est, en effet, l’objet de beaucoup de fantasmes et de convoitises de la part des Occidentaux : la masse de sa population laisse imaginer les opportunités de main d’œuvre comme de consommation ; l’étendue des besoins chinois en ressources, en biens et services attire les investisseurs qui voient dans la Chine l’émergence d’un nouvel eldorado. Il est à noter cependant que les entreprises européennes ne sont pas les premières ni les plus nombreuses à investir en Chine[xiii]. Cette situation est due notamment à la crise structurelle que connaissent les pays de la CEE dans les années 1980 mais aussi à la primauté du commerce entre membres de la CEE que les rapprochements liés à l’instauration du Marché commun ont favorisé. Les IDE européens (investissements directs à l’étranger) restent donc assez faibles en Chine mais la complémentarité des marchés des deux entités ainsi que les dispositions mises en place grâce à l’accord de 1985 permettent de développer fortement les échanges commerciaux entre la Chine et l’Europe. Ainsi, la Chine est devenue le deuxième partenaire de la CEE après les Etats-Unis[xiv].

 

122. Un rôle politique et diplomatique secondaire

         Les relations politiques et diplomatiques restent cependant en retrait tout au long de cette période : ce n’est d’ailleurs qu’en 1988 que la CEE installe une délégation diplomatique à Pékin. Deux grandes raisons peuvent être avancées pour expliquer ce retrait politique de la communauté européenne. Il est d’abord lié à la nature même de la construction européenne fondée principalement sur des bases économiques et commerciales mais il est aussi lié à la diversité des relations bilatérales qu’entretient chaque pays européen avec la Chine.

         En premier lieu, la communauté européenne s’est avant tout constituée comme une entité économique. En effet, les grandes avancées qu’a connues la CEE depuis sa création ont tendu vers l’intégration des pays membres au sein d’un grand marché commun. Or, les évolutions vers une Europe politique se heurtent sans cesse à la souveraineté des Etats. Ainsi en est-il au début des années 1980 quand la Grande-Bretagne de Mme Thatcher s’oppose seule à l’ensemble de la Communauté européenne et la contraint au compromis[xv]. Aux marges de la CEE, les instances politiques sont essentiellement des instances de concertations sans réel pouvoir de décision : la CSCE n’est qu’une conférence qui suit les évolutions politiques, économiques, militaires, humanitaires, etc. sans pouvoir influer dessus ; le Conseil de l’Europe constitue certes une tribune politique où sont débattus les problèmes internationaux mais il n’a aucun pouvoir supranational permettant d’unifier les politiques européennes.

         De même la mise en place d’une politique communautaire, même d’ordre économique ou financière, est vouée à l’échec dès qu’elle va à l’encontre des intérêts particuliers des Etats. Par exemple, l’intégration financière demeure insuffisante devant les divergences de vue des pays européens[xvi]. Ainsi on constate que la rivalité entre pays européens l’emporte encore sur la volonté de coopération. Les associations entre firmes européennes sont peu nombreuses et parfois peu viables (échec de la coopération entre Dunlop et Pirelli en 1981). Celles-ci préfèrent coopérer avec des firmes non européennes pour accroître leur part de marché européen (coopérations entre Rover et Honda et entre Ford et Volkswagen en 1989).

         En second lieu, les pays européens n’appréhendent pas les relations avec la Chine de la même façon. Cette situation est d’abord due à l’héritage que chaque pays a avec la Chine. Les pays tels que la Grande-Bretagne et le Portugal qui ont encore des possessions en Chine (Hong Kong pour la Grande-Bretagne et Macao pour le Portugal) ont des relations politiques étroites néanmoins dictées par leur volonté de régler dans de bonnes conditions le statut de ces possessions[xvii]. D’autres pays anciennement présents en Chine et en Asie du sud-est (la France, les Pays-Bas) ont mené des politiques de rapprochement et de coopération avec la Chine. Leur volonté de retrouver une influence en Asie les incite à multiplier des liens bilatéraux avec la Chine : ainsi la France développe une importante coopération culturelle et technique avec la Chine jusqu’en 1989. Les autres pays n’ont pas eu de relations soutenues par le passé avec la Chine. Ils considèrent donc leur nouveau lien avec Pékin uniquement sous l’angle des relations commerciales. Ainsi, l’Allemagne voit-elle avant tout un partenaire économique complémentaire, particulièrement attractif et de nombreuses entreprises allemandes signent des contrats très importants avec la Chine (Volkswagen et BMW pour le secteur automobile, BASF et Bayer pour la chimie ainsi que de nombreuses PME dans le secteur des machines-outils)[xviii].

         Face à une Europe qui arrive en ordre dispersé, à la lisibilité politique encore floue, la Chine a donc tendance à privilégier les relations bilatérales avec des nations qui, sur le plan international, ne peuvent représenter une alternative à l’influence politique qu’exercent à l’époque les deux superpuissances que sont les Etats-Unis et l’URSS. Fidèle à sa stratégie multipolaire, la Chine n’est cependant pas hostile à ouvrir un dialogue avec l’Europe mais les relations politiques qu’elle entretient sont considérées comme des relations de deuxième ordre.

 

123. Tien Anmen : un coup de frein dans les relations entre la Chine et l’Europe

         Une période brutale de refroidissement entre la Chine et l’Europe vient stopper la progression de relations en 1989. En effet les évènements qui surviennent sur la place Tien An Men à Pékin[xix] conduisent à une réaction forte de la CEE. Elle condamne la Chine immédiatement : dès le Conseil européen qui a lieu à Madrid les 26 et 27 juin 1989, elle décide la suspension des contacts bilatéraux à haut niveau et l’ajournement des nouveaux projets de coopération. Par ailleurs, l’ONU décide d’un embargo international sur les ventes d'armes à la Chine auquel tous les pays de la CEE participent. L’embargo sur les ventes d’armes et sur la coopération militaire a un retentissement très fort en Chine pour qui le développement militaire est l’une des priorités (c’est l’une des quatre modernisations de Deng Xiaoping) afin de rendre son armée moderne et crédible, étape nécessaire dans le cadre de la défense de son indépendance politique dans la région.

         Mais les intérêts de relations durables avec la Chine sont en jeu, particulièrement dans une période où l’économie européenne connaît une nouvelle période de crise économique. Les conséquences du refroidissement des relations sino-européennes sur le commerce sont, en effet, significatives, du fait de la part importante prise par les échanges avec la Chine dans le revenu du commerce extérieur des pays européens. En France, par exemple, la croissance des échanges commerciaux était de 3% en 1989, elle n’est plus que de 1,6% en 1993.

         Par ailleurs, certains pays membres de la CEE – la Grande-Bretagne et le Portugal –ont engagé des relations politiques bilatérales avec la Chine dans le cadre de la rétrocession de Hong Kong et de Macao. Ils n’ont pas intérêt à suspendre complètement leurs relations avec la Chine. Aussi ces deux pays ne signent-ils pas la décision de Madrid et continuent-ils d’avoir des relations diplomatiques et politiques avec la Chine.

         Ainsi, face aux enjeux politiques de certains pays et aux intérêts économiques de tous, la suspension des relations sino-européennes ne va pas durer. La France est le premier pays à renouer des liens[xx]. Elle est suivie de l’Allemagne, de l’Italie puis de l’Espagne. Ces pays que l’on a surnommés « le groupe Airbus » prouvent que les intérêts économiques sont plus importants que la posture politique vis-à-vis de la Chine. Ce comportement conforte la Chine dans son idée de considérer l’Europe comme un partenaire politique de deuxième ordre. Jusqu’en 2001, elle se méfiera des relations politiques avec ses partenaires européens.

         Face aux manœuvres diplomatiques des Etats, les instances politiques de la CEE sont mises devant le fait accompli : les pays, en renouant de façon bilatérale leurs relations avec la Chine, vide de sa substance les intentions énoncées à Madrid en 1989. Elle se résout donc à déclarer officiellement le rétablissement du dialogue avec la Chine en juin 1994.

 

3. Le rapprochement stratégique de la Chine et de l’Europe (années 1990)

         Avec la création de l’Union européenne, les ambitions politiques européennes sont plus affirmées : dotée de nouveaux champs d’application, la politique européenne prétend faire de l’UE un acteur global qui pourrait représenter une alternative aux Etats-Unis sur la scène internationale. La Chine quant à elle saisit cette opportunité pour diversifier ses partenariats, suivant toujours une stratégie de promotion de la multipolarité. Ainsi, les relations sino-européennes vont donc connaître un deuxième développement à partir du milieu des années 1990.

 

131. Les enjeux d’un rapprochement politique entre la Chine et l’Union européenne

         Ce qui caractérise ce nouvel essor des relations sino-européennes, après la rupture brutale de 1989, est le développement des relations politiques et stratégiques qui n’avaient connu que des avancées limitées jusque là. Ce nouvel essor des relations politiques entre la Chine et l’Europe est le fruit de deux facteurs convergents : tout d’abord, une évolution géopolitique majeure avec la chute de l’URSS en 1991 et de tout le bloc socialiste ; ensuite, une ambition politique de l’Europe affirmée par la mise en œuvre d’une Politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

         Tout d’abord la Guerre froide est la signification de l’échec du modèle socio-économique des démocraties populaires et l’effondrement des systèmes communistes en Europe et en Union soviétique. Si les menaces sur la stabilité en Europe sont réelles, la cristallisation bipolaire y disparaît laissant la Chine face aux Etats-Unis devenus l’unique superpuissance mondiale. Pékin ressent ces bouleversements comme autant de menaces pour son indépendance : d’ailleurs les Chinois craignent autant l’encerclement géographique et l’isolement idéologique que la pénétration des idées occidentales dans le pays. Par ailleurs, en raison de la disparition de l’URSS, la Chine se révèle moins utile dans le jeu stratégique mondial. Craignant d’être marginalisée et d’être ramenée au rang de puissance moyenne et régionale, la Chine doit établir des liens politiques et stratégiques forts à l’extérieur de la zone asiatique. Aussi cherche-t-elle de nouvelles alliances pour contrebalancer le poids des Etats-Unis et éviter l’isolement politique. La Chine a donc intérêt au rapprochement politique avec l’Europe.

         De plus, elle est en pleine mutation économique. Or, l’éclatement du bloc socialiste la contraint à s’adapter rapidement aux règles du capitalisme. C’est pourquoi Deng Xiaoping accélère le mouvement et dès janvier 1992, évoque le concept novateur « d’économie socialiste de marché ». Mais, pour soutenir le rythme du changement, la Chine a besoin de partenaires économiques puissants qui la soutiennent politiquement dans son entrée dans le marché. L’Europe, avec qui elle a des relations économiques et commerciales importantes, peut lui offrir ce soutien. On constate ainsi que le rapprochement stratégique de la Chine est encore dicté par une vision utilitariste de l’Europe, comme pour le développement des coopérations économiques et scientifiques.

         Le deuxième facteur du rapprochement stratégique entre l’Europe et la Chine est lié à de nouveaux développements politiques de la construction européenne. Les années 1990 sont, en effet, pour l’Europe une période décisive de son histoire. Le 1er janvier 1993, le traité de Maastricht entre en vigueur et fonde l’Union européenne. Avec lui, l’Europe se dote d’un cadre institutionnel unique au monde : pour la première fois, des pays abandonnent une part de leur souveraineté au profit d’une organisation supranationale. C’est le cas notamment dans le domaine monétaire où l’Europe se dote d’une monnaie unique, l’euro (mis en circulation le 1er janvier 2000) ainsi que de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC)[xxi]. Depuis, la plupart des avancées de l’UE se feront dans le domaine politique. Le traité d’Amsterdam (octobre 1997) crée un Haut représentant pour la PESC (en 2006, M.  Javier Solana). En février 2001, le traité de Nice crée un Comité politique et de sécurité (COPS) chargé de définir les orientations politiques de l’UE. C’est au traité de Nice qu’est aussi annexée une déclaration sur l’avenir de l’Europe qui prévoit la rédaction d’une Constitution européenne. Ce projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe est finalisé en 2003 et proposé à la ratification des Etats[xxii].

         Ainsi, au milieu des années 1990, la Chine et l’Europe prennent conscience de leurs intérêts respectifs à un rapprochement politique. Celui-ci se concrétise par l’établissement d’un partenariat global en 1998.

 

132. L’essor rapide des relations politiques et diplomatiques entre la Chine et l’Union européenne

         Dès la fin des années 1990, les relations politiques entre la Chine et l’Europe connaissent un nouveau départ : les relations sino-européennes ont pris un tournant plus stratégique et les échanges politiques et diplomatiques se multiplient. En juin 1994, un cadre ambitieux est mis en place pour organiser le dialogue politique. Dans ce cadre, des réunions régulières entre ministres de l’Union européenne et la Chine sont prévues, deux réunions annuelles doivent avoir lieu entre l’ambassadeur de l’UE en Chine et le ministre chinois des Affaires étrangères ainsi que deux autres entre le ministre des Affaires étrangères du pays européen exerçant la présidence européenne et l’ambassadeur de Chine dans ce pays. C’est sous présidence britannique qu’est signé en 1998 un document politique intitulé « établissement d’un partenariat global avec la Chine ». Ce document d’intention proclame l’ambition de l’UE d’élever ses relations avec la Chine au même niveau que celles avec les Etats-Unis, la Russie et le Japon.

         C’est aussi sous l’impulsion britannique qu’est décidée la mise en place de mécanismes de rencontre de dirigeants européens et chinois. En avril 1998, Zhu Rongji, Premier ministre chinois, et Tony Blair inaugurent le premier sommet politique UE-Chine à Londres. Un deuxième sommet a lieu en décembre 1999 à Pékin avec la venue de Romano Prodi, président de la Commission européenne. Un troisième sommet a lieu aussi à Pékin en octobre 2000 et permet de renforcer et d’intensifier la coopération existante entre l’UE et la Chine. Ces rencontres solennelles sont depuis lors systématisées et sont moteurs d’un véritable essor des relations européennes dans tous les domaines.

         En mai 2001, la stratégie de l’Union européenne vis-à-vis de la Chine est formulée dans une communication de la Commission européenne. Celle-ci définit cinq objectifs politiques : intégrer davantage la Chine dans la communauté internationale ; appuyer le développement d’une société fondée sur l’Etat de droit, le respect des droits de l’homme et la démocratie ; favoriser l’intégration de la Chine dans l’économie mondiale ; améliorer l’utilisation des financements européens communautaires et améliorer l’image de l’Europe en Chine.

         Ainsi l’Union européenne s’implique de plus en plus dans les affaires politiques concernant la Chine. Conformément au cadre des relations sino-européennes qui a été construit depuis 1998, les sujets abordés portent essentiellement sur les problématiques liées au développement économique de la Chine et les avancées politiques relatives à la démocratie et aux droits de l’homme. La question des droits de l’homme est notamment incessamment soulevée dans les réunions sino-européennes, l’UE rappelant la Chine au respect des libertés fondamentales et à la garantie de la démocratie[xxiii].

 

133. Les perspectives d’un partenariat global

         Au niveau politique, l’Union européenne et la Chine ont établi depuis 1998 des liens étroits autour de rendez-vous réguliers dont les plus importants sont les sommets UE-Chine. Ces rendez-vous sont l’occasion, dans un premier temps, de faire des déclarations communes. L’Europe et la Chine prennent ainsi des positions conjointes sur de nombreux sujets dont la portée se veut mondiale. Ainsi le sommet de Copenhague (septembre 2002) aborde de façon concrète des problèmes tels que la résolution pacifique de la question taiwanaise, le respect des droits de l’homme et la non prolifération d’armes. Dans un deuxième temps, ils permettent de développer encore la coopération entre l’Union européenne et la Chine. Par exemple, lors du sommet de Bruxelles (septembre 2001), des accords sont proposés dans la coopération dans la lutte contre l’immigration illicite.

         Les relations UE-Chine se développent alors autour d’un partenariat complet. C’est, en effet, au travers de nombreuses coopérations que les relations sino-européennes connaissent un essor remarquable. L’UE soutient le développement de la Chine dans de multiples domaines (culture, éducation mais aussi économie, technologies, justice[xxiv], etc.). Ce soutien se fait le plus souvent par l’apport de fonds européens. Ainsi l’UE met en place un budget de plus de 7 millions d’euros pour aider à un projet de développement rural dans la région de Panam, au Tibet. De même, elle étend à la Chine le programme ECHO (programme d’aide humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles). Celle-ci en est bénéficiaire en 1996 lors d’un tremblement de terre au Yunnan.

         La coopération ne signifie pas seulement des mises à disposition de fonds. De nombreux organismes sont créés par l’Europe pour accompagner le développement de l’économie chinoise. Ainsi la coopération économique signifie souvent une mise à disposition de technologie et de savoir-faire européen. Un accord signé en 1999 permet des échanges scientifiques et technologiques entre la Chine et l’Europe qui permet à la Chine de bénéficier des avancées technologiques de l’Europe dans de nombreux domaines (industrie, mines, énergie, transports, etc.). Si pour l’Europe ces transferts de technologies ont pu paraître positifs dans le cadre d’un développement harmonieux et social de l’économie chinoise, pour la Chine, ils représentent une chance, la possibilité d’un bond technologique au moindre coût.

         Les relations entre l’Union européenne et la Chine ont connu un grand succès en 2001 au moment des négociations pour l’entrée de la Chine au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En mai 2000, l’UE et la Chine signent un accord ouvrant la voie à l’adhésion de la Chine à cette organisation. Un an de négociations fut nécessaire pour arriver à ce résultat. En effet, la Chine ne remplissait pas les conditions nécessaires : premièrement, il subsistait de nombreuses contraintes issues de l’économie d’Etat socialiste dans le management des firmes ainsi que, deuxièmement, de nombreuses règles protectionnistes (subventions à l’exportation de secteurs entiers comme l’agroalimentaire, droits de douanes prohibitifs). De plus, son économie n’était pas compétitive dans le cadre d’un marché ouvert, les entreprises d’Etat chinoises étant très demandeuses de capital pour s’adapter à la concurrence internationale. L’entrée de la Chine dans une économie de marché représentait pour l’Europe un avantage fondamental : l’immense marché de consommation chinois s’ouvrait aux entreprises européennes. Elle usa de tout son poids pour permettre à la Chine de satisfaire aux exigences de l’OMC. D’un point de vue politique, l’UE – avec les Etats-Unis – proposa certains aménagements des règles de l’OMC pendant une phase de transition non déterminée. D’autre part, elle débloqua plus de 20 millions d’euros pour aider le gouvernement chinois à concrétiser les engagements prévus par l’OMC (par exemple, aide aux producteurs céréaliers chinois). Grâce au soutien de l’UE, la Chine put ainsi, fin 2001, adhérer à l’OMC avec des coûts d’engagement limités au maximum mais avec des possibilités économiques accrues.
 

DEUXIEME PARTIE : LE POIDS REEL DE L’EUROPE EN CHINE

         Si l’essor des relations sino-européennes est remarquable, il faut cependant relever que le poids géopolitique de l’Europe communautaire en Chine reste plus faible que l’ensemble de ses concurrents dans la région. En effet si, comme nous venons de le voir, l’Union européenne cherche à s’impliquer davantage en Chine en nouant des relations politiques et diplomatiques plus étroites, elle a de nombreux handicaps et connaît encore plusieurs difficultés.

         Dans cette deuxième partie nous étudierons tout d’abord les facteurs expliquant les faiblesses endogènes et exogènes de l’Europe communautaire dans ses relations avec la Chine. Ensuite nous évoquerons les difficultés et les problèmes encore non résolus qui affectent de façon récurrente les relations entre l’UE et la Chine. Enfin, il existe encore des handicaps importants diminuant la portée des relations sino-européennes. Ces handicaps sont autant le fait d’une Union européenne insuffisamment cohérente que d’une Chine pragmatique et opportuniste dans ses relations.

 

1. Les faiblesses de l’Europe communautaire

         Les faiblesses de l’UE à s’imposer comme un partenaire de premier ordre pour la Chine sont de deux natures différentes. Elles sont liées, d’une part, à une faible présence géopolitique et, d’autre part, à une domination quasiment sans partage des Etats-Unis dans la région.

 

211. Facteurs géopolitiques

         L’UE connaît de fortes contraintes géopolitiques : absente physiquement d’Asie et trop éloignée historiquement et culturellement, elle a du mal à faire le poids face à ses concurrents directs qui ne connaissent pas ces faiblesses géopolitiques.

         La géographie représente, en premier lieu, un facteur important. Mais au-delà de l’éloignement entre la Chine et l’Europe (plus de 8 000 km de distance entre Bruxelles et Pékin) et de l’absence physique de l’Europe en Asie[xxv], les dynamiques géopolitiques de l’Europe l’ont sans cesse amené, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, à tourner le dos à l’Asie. La Guerre froide fait entrer l’Europe occidentale dans l’alliance avec les Etats-Unis. Le lien atlantique devient vital pour sa sauvegarde face à l’URSS. Il est vite formalisé par le traité de l’Atlantique Nord (avril 1949) qui consolide les ponts entre l’Amérique et l’Europe face à un ennemi eurasiatique. La construction européenne, ensuite, centre les actions et focalise les énergies des pays européens sur leur propre devenir. Les créations successives de la CECA (avril 1951), de l’UEO (octobre 1954) puis de la CEE (mars 1957) ont établi en Europe les bases de nouvelles relations politiques et économiques entre les pays européens. Les enjeux principaux de l’Europe communautaire seront alors essentiellement liés à sa propre évolution. Les élargissements et approfondissements successifs des politiques communautaires[xxvi] et les développements économiques et commerciaux qu’ils ont entraînés détournent progressivement l’Europe de la dimension géopolitique globale qu’elle avait avant la deuxième guerre mondiale. Par ailleurs, les insuffisances dans la construction politique de l’Europe ont longtemps favorisé les relations bilatérales de chaque pays européen. Aussi seules les puissances ayant une vocation politique internationale (essentiellement la France et la Grande-Bretagne) ont pu développer des relations politiques complètes avec la Chine[xxvii]. La faiblesse géopolitique de l’Union européenne au niveau international a longtemps été un handicap dans ses relations avec la Chine qui la considérait comme un acteur secondaire, à l’influence politique limitée.

         Cette relative absence géographique et politique de l’Europe est d’autant plus une faiblesse que ses principaux concurrents en Chine ne connaissent pas ces fragilités. En effet chacun – la Russie, le Japon et les Etats-Unis – sont présents d’une façon ou d’une autre en Chine. La Russie, tout d’abord, possède une frontière commune avec la Chine de 4 370 km. Les relations entre la Chine et l’URSS ont influencé la géopolitique de l’ensemble de l’Asie pendant toute la Guerre froide. Si les deux pays s’étaient tourné le dos à partir des années 1970, depuis la chute du « grand frère » soviétique, les relations sino-russes n’ont fait que progresser. Ce regain peut s’expliquer par deux raisons. D’un côté, la Russie a gardé une grande influence chez les républiques d’Asie centrale qui sont devenues autant de partenaires pour la Chine[xxviii]. Elle a donc intérêt à développer des accords politiques susceptibles de préserver la stabilité régionale ainsi que de préserver la Chine d’une menace venant du nord[xxix]. D’un autre côté, la Russie est un partenaire privilégié pour ce qui concerne la coopération économique et technique. Ainsi, huit accords techniques sont signés dès 1998. Par ailleurs, le traité d’amitié et de coopération de juin 2001 prévoit une coopération militaro-technique.

         Le Japon, ensuite, est depuis longtemps le rival géopolitique de la Chine en Extrême Orient. Les deux pays ne sont pas seulement des voisins géographiques, ils ont aussi des liens culturels importants : le Japon fait partie du monde « sinisé » qui a subi pendant des siècles l’influence culturelle et géopolitique de la Chine. Les relations entre les deux pays sont ainsi complexes et tumultueuses, la Chine faisant preuve d’un complexe de supériorité vis-à-vis du Japon auquel répond de la part de celui-ci un complexe d’infériorité. Aujourd’hui, les deux pays se livrent une concurrence acharnée. Au niveau économique, si la Chine a connu un formidable essor, ce n’est pas au détriment du Japon qui reste la deuxième puissance économique mondiale et qui est d’ailleurs l’un des principaux bénéficiaires de cet essor économique chinois[xxx]. Au niveau politique, le Japon reste le partenaire stratégique principal des Etats-Unis en Asie. Cette situation alimente les rancoeurs chinoises qu’exprime régulièrement son mécontentement (sa façon récurrente d’exiger les « excuses » du Japon pour ses crimes commis pendant la deuxième guerre mondiale en est un exemple[xxxi]). Les relations sino-japonaises s’apparentent donc à une lutte d’influence pour la domination régionale de l’Asie.

 

212. La domination géopolitique des Etats-Unis

         Mais l’importance accordée à l’Union européenne par la Chine est aussi liée à l’influence et au rôle qu’elle peut avoir en Asie. Or, l’UE est confrontée à une domination géopolitique ancienne des Etats-Unis qui s’est encore renforcée depuis les attentats terroristes de 2001. Cette domination rend problématique l’influence de l’UE en Chine. La domination américaine est née sous la Guerre froide quand, seule grande puissance occidentale capable d’avoir une influence mondiale, elle était confrontée à l’URSS ainsi qu’à la Chine de Mao qui souhaitait jouer un rôle dans le grand jeu diplomatique entre les deux superpuissances. Elle est née au moment où la Chine se désolidarisait de l’URSS : Henry Kissinger (chef du Conseil national de sécurité américain de Richard Nixon) profite de cette faille pour inaugurer un rapprochement avec la Chine (1972). D’abord conçues comme un contournement de l’URSS, ces relations particulières et pragmatiques n’ont plus lieu d’être après la chute de l’Union soviétique. Mais pour les Etats-Unis, maintenir leur influence en Asie est nécessaire : ils adaptent les théories du containment à la Chine qu’ils considèrent comme une menace pour la stabilité régionale. Par ailleurs les intérêts américains sont nombreux en Asie du sud-est : depuis les héritages du passé[xxxii] jusqu’à la préservation de la stabilité d’une zone économique majeure pour eux avec la présence du Japon et de pays émergents avec qui le commerce est florissant, les Américains ont mis sous tutelle l’Asie du sud-est. Cette tutelle s’exerce de deux manières très dissuasives : d’une part, les Etats-Unis ont multiplié les accords bilatéraux avec les pays de la région, d’autre part, ils assurent une présence militaire permanente comme le montre la carte publiée dans la n° 6 de la revue Questions internationales (documentation Française, 2004).  

         La période qui s’étend de 1991 à 2001 est une période de tensions entre les Etats-Unis et la Chine. Cette dernière accepte mal la pression de l’influence américaine dans la région et se sent menacée. Ainsi plusieurs incidents entre les deux pays émaillent les relations sino-américaines[xxxiii].

         Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis inaugurent une nouvelle politique américaine en Asie. Tout d’abord les alliances traditionnelles sont renforcées, notamment avec le Japon et l’Australie qui encouragent une présence accrue des Etats-Unis sous couvert de lutte anti-terroriste. Ensuite l’intervention en Afghanistan pour combattre le régime taliban (2001) installe les Etats-Unis en Asie Centrale : les troupes américaines sont en Afghanistan, en Ouzbékistan, au Pakistan. Elles sont aussi intervenues aux Philippines en 2003.

 

2. Persistance de difficultés dans les relations sino-européennes

         A côté des faiblesses géopolitiques de l’Europe communautaire dans la région, il faut aussi constater que les relations sino-européennes sont perturbées par des difficultés récurrentes qui ont longtemps nui à l’établissement de liens de confiance durables.

 

221. Des problèmes non résolus

         Certaines de ces difficultés viennent de problèmes encore non résolus : la question des droits de l’homme, du Tibet ou de l’embargo sur les armes sont toujours des pierres d’achoppement entre l’UE et la Chine.

         La question des droits de l’homme a été pendant longtemps un sujet de tensions entre la Chine et les différents pays européens et, même si elle connaît aujourd’hui un apaisement, les rancoeurs européennes sont toujours présentes, notamment à cause de l’absence de progrès effectif sur ce sujet. La Chine, consciente de cet état de fait, n’est jamais à l’aise et a tendance à réagir durement quand le sujet réapparaît. La tactique employée a déjà marché par le passé : elle joue sur les intérêts économiques des relations commerciales bilatérales pour éluder la question[xxxiv].

         Il en est de même pour la question du Tibet. Longtemps la Chine a reproché aux Européens leurs relations avec le Dalaï Lama. Mais la sensibilité de cette question dans les opinions publiques européennes incite l’UE à réagir régulièrement en faveur du Tibet. Les résolutions de l’Union européenne en vue d’un règlement du problème de l’autonomie tibétaine sont toujours restées sans réponse de la part de Pékin. En 2006, l’UE semble se résigner à des relations apaisées sur le Tibet devant l’absence réelle d’alternative et devant l’apaisement des esprits dans la région.

         La question de l’embargo sur les armes reste la seule sanction européenne édictée lors des évènements de 1989. La Chine, considérant cette sanction comme une humiliation, surtout après les rapprochements successifs qui ont été instaurés entre elle et l’UE, réclame régulièrement la levée de cet embargo. Si la France s’est déclarée favorable à la reprise des ventes d’armes dès 1997[xxxv], cette idée est loin de faire l’unanimité. La question est donc une source de tensions supplémentaire que l’UE souhaite voir lever dans le cadre de la mise en place d’un partenariat stratégique avec la Chine. Si les Européens arrivent peu à peu à un consensus, ils se trouvent alors confrontés à la ferme opposition des Etats-Unis : la levée de l’embargo sur la vente d’armes renforcerait le potentiel militaire chinois donnant ainsi à Pékin un avantage par rapport à Taiwan. Elle lui donnerait par ailleurs une influence affermie dans les diverses rivalités qui l’oppose à ses voisins en Asie du sud-est[xxxvi]. Fin 2004, les Européens étaient ainsi arrivés à un accord sur la levée de l’embargo pour l’été 2005 mais les pressions exercées par Washington ont retourné la position de la Grande-Bretagne qui s’oppose alors à la reprise des ventes d’armes à la Chine (mars 2005). De plus, le vote de la loi anti-sécession légalisant la possibilité d’un règlement non pacifique de la question de Taiwan (mars 2005) rend les Européens plus hésitants sur cette question.

 

222. Les questions économiques

         D’autres difficultés, dans le domaine économique, apparaissent aujourd’hui au grand jour. La Chine est un partenaire économique majeur pour l’UE, cependant les Européens estiment que leurs relations économiques avec elle ne sont pas satisfaisantes.

         Le premier grief des Européens concerne le creusement du déficit commercial entre la Chine et l’Europe. Celui-ci n’a cessé de grandir durant les années 1990 alors que les échanges Chine-CEE étaient excédentaires en faveur de la CEE au début de leurs relations commerciales. Les tableaux ci-dessous retracent ce creusement inexorable du déficit commercial de l’Union européenne:

Echanges UE-Chine (milliards d’euros)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Importations

21,11

24,62

26,34

29,98

37,32

41,97

49,65

Exportations

12,36

14,01

14,69

14,72

16,43

17,42

19,35

Solde pour l’UE

8,76

10,60

-11,65

-15,27

-20,89

-24,55

-30,30

 

Echanges UE-Chine (milliards d’euros)

2000

2001

2002

2003

2004

Croissance moyenne 2000-2004

(en %)

Importations

74,36

81,61

89,60

105,39

126,73

+14,3

Exportations

25,75

30,55

34,86

41,16

48,03

+16,9

Solde pour l’UE

-48,61

-51,06

-54,73

-64,22

-78,69

 

(Source: EUROSTAT)

         Ce déficit résulte d’une progression très rapide des importations européennes (elles sont multipliées par 2,65 de 1995 à 2000) tandis que les exportations progressent à un rythme beaucoup plus faible (elles sont multipliées par 1,72 sur la même période). Si les Européens dénoncent l’ouverture insuffisante du marché chinois et un climat peu favorable aux investissements, ces résultats sont aussi le reflet des faiblesses européennes face à la Chine en matière économique et commerciale : faiblesse de l’investissement[xxxvii], des exportations et de l’attractivité des produits européens.

         Le deuxième grief des Européens concerne la concurrence que les produits chinois commencent à exercer sur les produits européens. La crise du textile qui a occupé la plupart des relations sino-européennes en 2005 vient de révéler à l’UE ce fait : la combinaison d’un capitalisme agressif avec un droit  du travail très libéral associé à de faibles salaires font de la Chine un concurrent redoutable, capable de fournir l’ensemble du marché européen en produits manufacturés à des prix sur lesquels les entreprises européennes ne peuvent pas s’aligner[xxxviii].

         Les problèmes et différends économiques entraînent actuellement une aggravation des tensions économiques qui alimentent de nombreuses craintes et rancoeurs en Europe. Ils contribuent aussi à sortir les Européens de leur « angélisme » face à la Chine. Ceux-ci prennent alors conscience que l’agressivité économique de la Chine représente une menace sérieuse pour l’ensemble de l’économie européenne, notamment au travers de techniques d’intelligence économique éprouvées[xxxix].

 

3. Les handicaps et les pesanteurs

         Le poids réel de l’UE en Chine dépend aussi de la perception que Pékin a de l’influence européenne sur les relations sino-européennes. Or celles-ci sont amoindries du fait de l’influence parasite des relations bilatérales : les relations privilégiées qu’entretient la Chine avec certains pays de l’Union européenne peuvent parfois entrer en contradiction avec la cohérence d’une politique commune vis-à-vis de la Chine. Par ailleurs, les ambitions géopolitiques de la Chine pèsent sur les relations avec l’UE car elles sont de plus en plus perçues comme des relations utilitaires plutôt que des relations véritablement stratégiques.

 

231. Des intérêts et des perceptions opposés

         Comme nous l’avons vu (voir 122), les pays européens ont des perceptions différentes de leur relation avec la Chine. En fonction de l’histoire de leurs relations bilatérales, les pays européens ont donc des politiques plus ou moins privilégiées avec la Chine. La France et la Grande-Bretagne sont certainement les pays européens ayant liés les relations bilatérales avec la Chine les plus abouties. Ainsi la France a-t-elle développé un partenariat particulier, en marge des partenariats de l’UE : le 16 mai 1997, la France et la Chine signent une déclaration conjointe pour un partenariat global. Sur cette base, les relations franco-chinoises se sont développées autour de nombreuses rencontres politiques économiques ou culturelles. Ce dialogue franco-chinois se construit autour de deux concepts phares : la promotion de la multipolarité et de la pluralité culturelle[xl].

         Pourtant l’UE et ses Etats membres partagent des objectifs communs qui sont les fondements des divers accords de partenariat signés avec la Chine depuis 1985 : aider la Chine à progresser dans la voie des réformes politiques et économiques, promouvoir le respect des droits de l’homme, régler les différends par des voies exclusivement pacifiques, s’insérer dans la société internationale en en respectant les règles, ouvrir son marché, etc. Mais ce socle commun bien trop général n’élimine pas pour autant les relations bilatérales. Si, souvent, les Etats européens ne poursuivent pas les mêmes objectifs (la France et la Chine partagent la même vision d’un monde multipolaire, elle cherche donc à développer des relations politiques privilégiées avec elle, tandis que l’Allemagne privilégie les relations économiques et commerciales principalement), il arrive, parfois, qu’ils s’opposent. Ainsi l’impossibilité de l’UE pour arriver à une position commune sur la question du Kosovo en 1999 ou de l’Irak en 2002 a mis en lumière les limites de la construction politique de l’Europe. Celle-ci reste, en effet, subordonnée à des intérêts d’Etats souverains qui souvent s’opposaient.

         La Chine a longtemps joué des divergences entre les Etats membres. Traitant en priorité avec les Etats qui lui étaient favorables[xli], elle les oppose même parfois pour obtenir de l’UE ce qu’elle désire. Ainsi, lors des négociations en 2002 pour reconnaître à l’Europe le statut de destination touristique agréée, la Chine s’est adressée à la Commission européenne mais elle n’a pas eu de réponse satisfaisante. Elle s’est alors tournée vers les Etats membres, dont certains y ont vu l’opportunité du gain économique de devenir une destination touristique privilégiée de la Chine. L’Allemagne et l’Espagne étaient prêtes à signer des accords bilatéraux quand, conscients des inconvénients de cette approche en ordre dispersé, les États membres ont fini par trouver une position commune.

 

232. L’opportunisme chinois

         On peut constater que la politique chinoise vis-à-vis de l’Europe est surtout faite de pragmatisme et d’opportunisme. Elle semble, en effet, avoir porté sur les relations sino-européennes un regard utilitariste. Ainsi, dans les années 1970-1980, elles s’inscrivaient dans un rapprochement plus global avec le bloc occidental pour faire contrepoids à la puissance soviétique avec qui elle avait pris ses distances. Mais, dans le contexte de la Guerre froide, il s’agissait surtout pour la Chine de s’immiscer dans la relation entre Washington et Moscou afin de créer des relations triangulaires qui intégreraient Pékin[xlii]. L’Europe communautaire n’avait pas sa place dans ce triangle, il n’était donc pas utile d’élaborer de partenariat politique avec elle. En revanche, il n’y a aucun conflit d’intérêts directs entre elles et la Chine partage même des intérêts communs, notamment dans le domaine des relations économiques : le développement de relations avec l’UE sur des bases économiques et commerciales ne peuvent être que mutuellement profitables.

         Après la chute de l’URSS, la Chine se retrouve face à la superpuissance américaine et elle  cherche à développer des liens politiques avec l’UE pour faire contrepoids aux Etats-Unis dans le cadre de la promotion de la multipolarité. Si la Chine a développé ses relations avec l’UE pour contrebalancer l’influence américaine, elle a aussi utilisé son partenaire européen en fonction des relations qu’elle avait avec les Etats-Unis. Ainsi, dans les périodes de tension, elle se rapprochait de l’UE[xliii] alors que dans les périodes de détente, elle se détournait des Européens privilégiant toujours Washington au détriment de Bruxelles. C’est le cas après les attentats du 11 septembre 2001 où la Chine inaugure une nouvelle stratégie de quasi-alliance avec les Etats-Unis qui s’apparente parfois à une nouvelle bipolarité sino-américaine[xliv].

         Pragmatique, la Chine sait aussi jouer sur les convoitises qu’elle excite chez les Européens : la signature de contrats commerciaux avec des grands groupes européens à la portée médiatique importante (Airbus, Alsthom, Carrefour) lui sont utiles pour obtenir des gestes politiques en sa faveur : le dialogue constructif sur les droits de l’homme en Chine a été lancé notamment pour que le discours politique ne nuise pas aux grands contrats commerciaux que la Chine s’apprêtait à signer.

         Enfin, nous l’avons vu, les coopérations sino-européennes que la Chine a encouragées sont celles qui peuvent lui permettre de faire un bond technologique au moindre coût (voir 132) : ainsi elle privilégie les partenariats scientifiques et techniques pour bénéficier de l’avancée technologique européenne et l’adapter à ses industries. Les Etats-Unis, beaucoup plus méfiants et beaucoup plus pragmatiques dans leur approche de l’économie chinoise, n’exportent pas de technologies ou de savoir-faire en installant des joint-ventures : soit elles implantent directement des entreprises américaines si le gouvernement chinois l’accepte et les transferts de savoir-faire se font dans des secteurs peu stratégiques (c’est notamment le cas dans le secteur des services où Wall mart, par exemple, a établi une coopération avec la Chine dans le domaine de la formation des collaborateurs), soit elles exportent directement les produits manufacturés des Etats-Unis. Seule l’UE semble prête à associer la Chine à de nombreuses coopérations scientifiques y compris dans des domaines stratégiques.
 

TROISIEME PARTIE : QUEL PARTENARIAT POUR DEMAIN ?

         Les relations sino-européennes sont marquées par l’ambivalence. D’un côté, chacun perçoit les intérêts qu’il peut retirer d’une relation stable et équilibrée. Mais d’un autre côté, chacun considère l’autre comme un partenaire occasionnel duquel on se rapproche au gré des opportunités économiques ou politiques du moment. Or ces deux puissances politiques montantes ont chacune l’ambition de jouer un rôle dans la gouvernance mondiale. Chacune de ces puissances régionales a d’ailleurs vocation à devenir un acteur global sur la scène internationale. Elles sont donc vouées à devenir des partenaires stratégiques.

         Nous étudierons dans la troisième partie les perspectives et les réflexions autour de l’élaboration d’un partenariat global entre l’Union européenne et la Chine. Tout d’abord, nous montrerons en quoi l’UE est aujourd’hui un partenaire stratégique global sur la scène internationale. Ensuite, nous présenterons quel rôle l’UE peut jouer aujourd’hui en Chine. Enfin, nous envisagerons quelques pistes de réflexions sur les points de convergence et les faiblesses des relations sino-européennes.

 

1. L’Union européenne comme partenaire stratégique global

         Depuis la fin des années 1990, l’Union européenne est en passe de devenir un acteur global : à côté de ses compétences économiques et financières, on lui reconnaît maintenant une compétence politique et stratégique. Elle est en train de devenir une puissance géopolitique mondiale dont l’influence ne cesse de se développer. Et la Chine en a pris conscience et considère dès lors l’UE sous un nouvel angle, plus stratégique.

 

311. Développement de la stratégie européenne de sécurité

         La volonté de l’Union européenne de participer à la sécurité dans le monde remonte à Juin 1992 lors de la réunion de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) à Petersberg. L’Europe communautaire déclare à cette occasion sa volonté de participer à la prévention des conflits et à la gestion des crises. La déclaration de Petersberg est à l’origine des missions dites de Petersberg que l’UEO souhaite pouvoir remplir sans avoir à faire appel à l’OTAN[xlv].

         Première émancipation de l’Europe communautaire par rapport au lien atlantiste, Petersberg devait voir se confirmer l’élaboration d’une véritable stratégie européenne de sécurité avec la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Celle-ci repose sur trois grands principes. Tout d’abord, la PESD n’a pas comme rôle de déployer une puissance militaire globale. C’est une politique de stabilisation et de sécurité internationale qui a pour objectif de maintenir voire rétablir la paix. Dans ce cadre, seules, les missions de Petersberg ne suffisent pas. Les forces de l’UE doivent être en mesure d’intervenir sur un champ plus large incluant les missions de désarmement, de soutien à la lutte antiterroriste, etc. La PESD représente donc un nouvel outil politique et militaire pouvant répondre aux nouvelles ambitions d’influence de l’UE.

         Le deuxième principe est le multilatéralisme. L’UE n’intervient que sous l’égide de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce principe a conduit, en juin 2004, à un accord entre l’UE et l’ONU. Cet accord définissait les conditions selon laquelle l’ONU pouvait faire appel à l’UE pour conduire des opérations de maintien ou de rétablissement de la paix : premièrement, l’UE pouvait intervenir pour coordonner les missions de plusieurs de ses Etats-membres (c’est le cas des missions de monitoring[xlvi]) ; deuxièmement, elle pouvait elle-même conduire des opérations sur demande de l’ONU. C’était le cas de l’opération Artémis en République démocratique du Congo (2003).

         Le troisième principe stipule que l’UE mène une stratégie de sécurité sur plusieurs dimensions et pas uniquement sur la dimension militaire. Ceci représente réellement l’originalité de la stratégie de sécurité européenne. Conçue d’abord comme une puissance civile, l’UE envisage le rôle de l’intervention militaire comme secondaire. L’action militaire vient en complément d’une action complète, prenant en compte tous les domaines permettant la stabilisation et le rétablissement de la sécurité dans la zone où elle intervient. Ainsi, la réponse peut être, en fonction des nécessités, économique, politique, environnementale, humanitaire, sociale, judiciaire, etc. Par exemple, en Bosnie-Herzégovine, l’UE met en place une force militaire de maintien de la paix (l’EUFOR de l’opération Althéa), une mission de monitoring politique (l’EUMM[xlvii]), une mission de police (l’EUPM[xlviii]) ainsi que des outils d’assistance technique (par exemple, la CAFA, un bureau d’assistance douanière et fiscale).

 

312. L’Union européenne comme acteur global

         Si l’Union européenne a développé une nouvelle stratégie de sécurité, c’est parce qu’elle se considère dorénavant comme un acteur global. L’UE représente une entité politique qui a pour ambition de proposer une alternative à la politique américaine sur la scène internationale : elle doit avoir une influence globale pour proposer sa vision spécifique de la gouvernance mondiale. C’est dans ce cadre qu’elle s’est rapprochée de puissances émergentes comme la Chine qui auront, comme elle, un rôle futur à jouer sur la scène internationale. L’UE et la Chine ont en effet intérêt à agir en partenaires stratégiques puisque d’une part, ce sont toutes les deux des puissances politiques montantes et que, d’autre part, elles ont des positions convergentes, notamment sur le rôle des organisations internationales et des systèmes multilatéraux.

         En tant qu’acteur global, l’UE se différencie des autres puissances, et notamment des Etats-Unis, par un certain nombre d’aspects. On peut ainsi définir cet acteur selon trois critères. C’est d’abord une puissance civile. Cette notion implique que les moyens pour mener sa politique sont avant tout des moyens civils. C’est le cas notamment avec la mise en place de nombreux systèmes de coopération et d’aides. C’est ensuite une puissance normative. On peut le constater ainsi au travers de sa politique de promotion d’une mondialisation encadrée. Ce concept vise à réguler la mondialisation pour favoriser un développement équitable et respectueux de l’environnement. Il en est de même pour la promotion de la démocratie et des droits fondamentaux. C’est enfin une puissance géopolitique « douce » dont le poids économique lui confère une influence mondiale importante. Mais, plutôt que d’obliger par la coercition, l’UE préfère utiliser l’incitation (souvent au travers d’un système d’incitations financières). L’UE est ainsi le plus important pourvoyeur d’aide au développement dans le monde[xlix].

         Ainsi en est-il de la politique de l’Union européenne vis-à-vis de la Chine : elle adopte une stratégie globale dans laquelle elle souhaite renforcer son dialogue avec la Chine sur trois niveaux. Au niveau bilatéral, l’UE poursuit sa politique de promotion du respect des droits fondamentaux et de la démocratie. Au niveau régional, l’UE en tant qu’acteur stratégique se rapproche de l’ASEM (Asian-European Meeting) en vue d’une coopération dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité dans la région. Enfin, au niveau mondial, l’UE cherche à développer un dialogue plus fréquent avec la Chine sur les questions de gouvernance mondiale en favorisant une approche coordonnée UE-Chine, en appuyant le concept de multilatéralisme, en traitant de façon conjointe la sécurité, la non prolifération d’armes, la lutte contre le terrorisme et les nouveaux défis environnementaux.

 

313. Les nouveaux atouts de l’Union européenne

Assurément, l’UE garde toujours un attrait économique pour la Chine : avec 200 milliards de dollars, elle est son premier partenaire commercial devant le Japon. Cet attrait économique est aussi dû au fait que l’UE est un partenaire complémentaire de la Chine. D’un côté, le marché européen représente une forte demande pour les produits manufacturés chinois. De l’autre côté, par le biais des nombreuses coopérations scientifiques et technologiques, l’UE participe au développement de l’économie chinoise. Mais, par ailleurs, l’UE peut accroître son influence économique grâce à la mise en place de l’euro qui peut, à terme, concurrencer le dollar. La motivation politique qui a prévalu à la mise en place d’une monnaie unique est, en effet, d’établir un équilibre des « pouvoirs monétaires ». La Chine peut être tentée de jouer sur ce registre pour contrebalancer l’influence économique américaine comme l’a déjà envisagé la Russie.

         Le deuxième atout de l’UE réside dans la crédibilité de sa Politique étrangère et de sécurité commune. En effet, elle a commencé à se forger une identité géopolitique grâce aux interventions militaires qu’elle a effectuées. Les troupes européennes ont déjà repris le contrôle de trois opérations de maintien de la paix en Macédoine (2003), en République démocratique du Congo (2003) puis en Bosnie (2004). De plus, les premiers bataillons européens sont opérationnels depuis 2005[l]. Enfin, l’UE a créé l’Agence européenne de défense dont le but est de coordonner les politiques des Etats membres en matière d’acquisition d’armes et d’équipements[li].

         Le dernier atout de l’UE réside dans son émergence politique sur la scène internationale. Elle peut désormais représenter une alternative crédible à la politique américaine derrière laquelle la Chine, en lui apportant son soutien, peut s’opposer à l’unilatéralisme de Washington. L’image de l’UE est, en effet, bien souvent tracée comme étant une anti-Amérique[lii]. L’héritage historique, le passé culturel, les liens politiques et économiques sont autant de valeurs communes qui fondent la spécificité de l’Europe par rapport aux Etats-Unis. Pour un non-européen, l’Europe se distingue de l’Amérique par bien des aspects et c’est ce qu’il recherche dans ses relations avec elle. Même si l’échec actuel du projet de Constitution européenne montre les divergences et les difficultés d’une définition commune de ce qu’est un Européen, de ce qui les unit (les valeurs communes), les observateurs étrangers voient l’émergence d’une identité commune européenne qui se définit (ou qu’ils définissent) par opposition aux valeurs américaines.

 

2. Un nouveau rôle pour l’Union européenne en Chine ?

         Face à une pression toujours plus forte des Etats-Unis après les attentats de 2001, la Chine se tourne vers l’Union européenne dont elle finit par prendre conscience du rôle politique et stratégique. Cette nouvelle attitude vis-à-vis de l’UE est formalisée en 2003 dans un partenariat stratégique global.

 

321. Une nouvelle donne géopolitique

         2001 représente une rupture dans les relations chaotiques qu’entretiennent la Chine avec les Etats-Unis depuis la chute du bloc soviétique. Avec l’arrivée au pouvoir de George W. Bush, on pouvait s’attendre à des relations plus tendues[liii]. Mais les dirigeants chinois n’ayant pas intérêt à une crise avec les Etats-Unis[liv], elle privilégie une attitude diplomatique modérée. Par ailleurs, immédiatement après les attentats du 11 septembre 2001, Jiang Zemin apporte son soutien à la politique anti-terroriste des Etats-Unis. La Chine est bien consciente que le choc qu’avaient reçus les Etats-Unis les ferait réagir durement. Son alignement aux côtés des Américains apparaît donc plus comme une façon de contenir l’unilatéralisme américain. D’autre part, l’opposition frontale avec les Etats-Unis n’est pas envisageable puisque son émergence sur la scène internationale n’est pas possible dans le cadre d’une rivalité bipolaire avec les Etats-Unis.

La Chine approuve donc la campagne afghane contre Ben Laden et entre alors dans la grande alliance des pays contre le terrorisme international. Elle semble ouvrir une nouvelle ère dans les relations sino-américaines : Pékin se lie un peu plus aux Etats-Unis, discrètement reconnus comme la puissance mondiale dominante. Ceci doit impliquer, outre la volonté confirmée d'éviter un affrontement entre les deux pays et une coopération accrue dans le domaine du renseignement, une attitude chinoise assez neutre face à toutes les initiatives de l'administration Bush justifiées par la lutte contre le terrorisme international.

         Certes, la Chine et les Etats-Unis entretiennent depuis 2001 les meilleurs rapports depuis longtemps[lv]. Mais peut-on pourtant parler d’une nouvelle alliance entre les deux puissances ? L’attitude conciliante de la Chine au lendemain des attentas du 11 septembre semble plus dictée par le souhait de ne pas être marginalisée[lvi]. Mais elle n’abandonne pas sa stratégie visant à promouvoir un monde multipolaire. Sa position aux côtés de la France et de la Russie contre les Etats-Unis sur l’intervention en Irak (2003) illustre cette stratégie. Seule, elle ne se serait sans doute pas opposée aux Américains mais, en deuxième rideau d’un front anti-guerre derrière deux autres partisans du multilatéralisme, elle peut agir et affirmer son opposition traditionnelle à la domination de sa politique par une autre nation.

         C’est ainsi, dans le cadre du contournement américain par les instances de concertation que la Chine a, depuis 2001, mené une diplomatie d’influence au sein d’organisations internationales de nature à contenir la puissance américaine de l’intérieur (APEC, ASEAN, Asian Regional Forum, ASEM, organisation de Shanghai). La Chine, en agissant comme intermédiaire entre les Etats-Unis et la Corée du nord illustre ce changement de diplomatie destiné à empêcher les Etats-Unis de se retrouver seuls à prendre des décisions de façon unilatérale.

 

322. Une prise de conscience du nouveau rôle politique de l’Union européenne

         Les évolutions de l’Europe depuis le traité de Maastricht (1992) sont étudiées avec attention par les Chinois qui prennent alors la mesure de la construction européenne. Leur perception d’une Europe qui s’émancipe des Etats-Unis, qui sait s’organiser autour de projets communs et qui représente une puissance économique internationale dotée maintenant d’une monnaie internationale en mesure de rivaliser le dollar leur fait prendre conscience du caractère profond et irréversible de la construction européenne.

         L’intérêt de la Chine pour l’Union européenne est d’autant plus fort que les liens économiques et commerciaux sont déjà très forts. Voir un partenaire économique si important se doter d’une vision stratégique et d’une politique globale va dans le sens de la promotion du multilatéralisme.

         Cet intérêt croissant pour la construction européenne peut se mesurer notamment au travers des rencontres officielles qui ont lieu entre la Chine et les représentants européens. Le discours semble plus direct, alors qu’avant, les Chinois essayaient toujours de mettre en concurrence l’Europe avec les Etats-Unis. Par ailleurs, la construction européenne est aussi considérée comme un modèle par la Chine qui a mis en place un concept de développement inédit : « l’émergence pacifique ». Lancée fin 2003 à la demande de Hu Jintao, le concept d’émergence pacifique consiste à concilier le développement chinois dans un environnement pacifique, une meilleure sécurité et une plus grande influence régionale avec un multilatéralisme au niveau international permettant à la Chine de devenir une véritable puissance qui compte au niveau mondial. La construction européenne a réussi, grâce à un développement économique et technologique rapide, à fédérer des Etats autrefois antagonistes autour d’un projet. Et récemment, en intégrant les pays de l’ex-pacte de Varsovie malgré leur déficit économique et technologique, elle a réussi à éviter à l’Europe une longue période d’instabilité. Les vertus stabilisatrices et de croissance de l’Europe sont maintenant reconnues en Chine et tendent à servir de modèle à l’émergence pacifique.

 

323. Un nouveau partenariat stratégique global

         Le nouveau rapprochement stratégique de l’Union européenne avec la Chine a été formalisé le 10 septembre 2003 au travers d’un document intitulé « Intérêts communs et défis de la relation UE-Chine : vers un partenariat mature ». Il fait la synthèse de l’ensemble des partenariats, accords et coopérations développés depuis 1998 et présente ainsi la diversité de ces relations comme convergentes au sein d’un partenariat global. Cinq principes devant guider ce partenariat global sont ainsi énoncés :

-          améliorer l’image de l’UE en Chine ;

-          soutenir la transition de la Chine vers une société ouverte ;

-          promouvoir l’ouverture économique de la Chine à l’intérieur et à l’étranger ;

-          concevoir la coopération sino-européenne comme mutuellement profitable ;

-          affirmer une responsabilité partagée dans la promotion de la gouvernance mondiale.

         Parmi ces cinq principes de partenariat, les deux derniers sont particulièrement significatifs du nouvel état d’esprit dans lequel doivent se construire les relations UE-Chine. Il s’agit, d’une part, d’instaurer un partenariat économique sur le mode du donnant-donnant ou du gagnant-gagnant. Comme les deux marchés sont complémentaires, les coopérations techniques et commerciales sont réaffirmées mais, comme l’agressivité chinoise peut nuire dès le court terme à l’économie européenne, l’UE ne souhaite plus prolonger les partenariats où elle est perdante. D’autre part, le dialogue politique est renforcé. Il porte sur la convergence des politiques européennes et chinoises vers la promotion d’une gouvernance mondiale soucieuse de la sécurité internationale (lutte contre la prolifération des armements, lutte anti-terroriste) mais aussi soucieuse des problématiques environnementales (collaboration face aux défis environnementaux mondiaux, travaux communs sur le SARS). Enfin, il présente une vision commune du mode de gouvernance mondiale : celle-ci doit être orientée dans une approche multilatéraliste des relations internationales.

         La coordination plus étroite des deux acteurs sur la scène internationale, leurs positions convergentes et l’impact de leurs initiatives conjointes permettent de concevoir des actions stratégiques de portée globale servant les intérêts de chacun. Ainsi au niveau technologique, la Chine s’est associée au projet Galiléo qui doit concurrencer à terme le GPS américain[lvii] (Avril 2004). De même en juin 2004, elle soutient le site de Cadarache en France pour l’implantation du réacteur de recherche sur la fission nucléaire (projet Iter). Ce soutien marque pour la Chine le début d’une nouvelle coopération technologique dans un secteur hautement stratégique : l’énergie.

 

3. L’influence de l’UE en Chine aujourd’hui : forces et faiblesses

         Dans ces nouvelles relations devenues globales, on peut constater que l’Union européenne s’est affirmée par rapport à la Chine. Moins naïve sur le plan économique, plus vigilante et plus exigeante dans son partenariat, elle alimente une certaine insatisfaction et un certain mécontentement de la part de la Chine qui accepte mal l’attitude plus mature de l’UE.

 

331. L’influence de l’Union européenne élargie à la zone asiatique

         L’UE adopte aussi une stratégie d’influence dans la zone asiatique. Cette stratégie vise à pallier les faiblesses géopolitiques de l’Europe communautaire dans cette partie du monde où elle est absente. Sans avoir les moyens de concurrencer l’influence américaine, elle cherche néanmoins à faire entendre une voie alternative en espérant qu’elle sera relayée par la Chine.

         Pour développer une politique européenne en direction de l’Asie du sud-est, l’UE cherche à se rapprocher des organisations régionales asiatiques et tisser des liens entre organisations régionales. C’est dans ce but qu’est créée l’ASEM (Asian-European Meeting) en mars 1996 au sommet de Bangkok. Cette association réunit l’Europe des quinze et l’ASEAN à laquelle se joignent la Corée du sud, le Japon et la Chine. L’ASEM est mise en place au départ dans un but commercial[lviii] : il définit un cadre pour la coopération économique entre l’Europe et l’Asie du sud-est dans le but de développer les investissements européens qui sont très faibles dans la région. Mais si l’ASEM tente de libéraliser les échanges, elle propose aussi un cadre de coopération élargi en y introduisant une coopération dans les domaines de l’éducation, de la culture, du développement technologique et du dialogue politique.

         L’UE, dans un premier temps, tente de s’imposer en Asie comme un acteur humanitaire et social incontournable en aidant ces pays. L’Asie regroupe deux tiers des personnes les plus pauvres sur terre (800 millions de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour). Les problèmes de sécurité alimentaire, de santé et d’accès aux soins de base sont particulièrement importants et l’UE souhaite jouer un rôle dans l’aide apportée aux pays pour les résoudre : 30% de l’aide totale envoyée pour développer l’Asie vient de l’Union européenne.

         Dans un deuxième temps, l’Europe veut apparaître comme un acteur de la sécurité internationale. Ce problème est particulièrement important en Asie, région qui est, en effet, une source majeure de tensions ou de conflits[lix]. L’ASEM devient, pour l’UE, une tribune en Asie pour promouvoir sa vision de la gouvernance mondiale. Ainsi le dernier sommet Europe-Asie qui a eu lieu les 6 et 7 mai 2005 à Kyoto est dominé par des discussions sur le renforcement du multilatéralisme, la réforme des Nations unies et les défis sécuritaires, notamment le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et le crime international organisé

 

332. La promotion d’une gouvernance globale

         Un des objectifs principaux est aussi de faire converger les deux puissances vers une position commune sur la gouvernance mondiale pour laquelle elles ont une responsabilité partagée. Cette position s’appuie sur l’affirmation de principes communs à l’UE et à la Chine, particulièrement en ce qui concerne le rôle des organisations et des systèmes multilatéraux. Dans ce cadre, plusieurs facteurs sont autant de points de convergence pour les politiques de la Chine et de l’UE. Chacune a intérêt à développer son influence dans un monde multipolaire : la Chine y trouve un moyen de contrebalancer l’influence américaine ; l’UE y voit l’opportunité de représenter une alternative crédible aux Etats-Unis. Ensuite, chacune a une conception analogue de son influence dans le cadre de la gouvernance mondiale : que ce soit par le biais de la stratégie européenne de sécurité ou de l’émergence pacifique chinoise, elles privilégient le développement dans la stabilité et la paix. Par les caractéristiques indirectes de leur influence, on peut même les considérer toutes les deux comme des puissances géopolitiques « douces ».

         Il existe cependant des limites majeures à l’établissement d’une responsabilité partagée dans la gouvernance mondiale. L’UE ouvre sa politique sur la zone asiatique où elle compte y développer son influence et a donc intérêt à une convergence de vue avec l’un des acteurs asiatiques les plus influents. En revanche, ce n’est pas forcément le cas pour la Chine dont les préoccupations sont principalement orientées en direction de ses propres problématiques (en premier lieu, le développement harmonieux de son économie mais aussi la question de Taiwan, de son influence en mer de Chine pour contrôler ses approvisionnements énergétiques, la conservation du régime communiste, etc.). Aussi peut-on noter que la Chine reste un partenaire assez volatile qui est aux côtés de l’UE pour des questions ne soulevant que peu de problèmes au niveau de la gouvernance mondiale et qui ne la suit plus quand l’enjeu politique est important. Ainsi, elle ne s’implique pas dans les pressions exercées sur l’Iran dans sa volonté de devenir une puissance nucléaire. Elle ne signe pas le protocole de Kyoto adopté en 1997 à propos de la maîtrise des gaz à effets de serre pour ne pas entraver ses entreprises, très polluantes.

         Par ailleurs, les difficultés de la construction politique de l’Europe depuis le gel de la ratification du projet de Constitution en 2005 risquent de voir réapparaître les réflexes opportunistes des Chinois. Ainsi, quand l’UE paraît divisée, la Chine peut être tentée par un retour aux relations bilatérales avec les Etats membres de l’UE. En outre, par pragmatisme, elle peut se rapprocher d’autres partenaires. Actuellement, on peut observer d’ailleurs un rapprochement sensible de Pékin et de Moscou. Elles construisent leurs relations sur les besoins en ressources énergétiques, d’une part, et sur la gouvernance en Asie Centrale, d’autre part. Enfin, la Chine poursuit une politique de complaisance vis-à-vis des Etats-Unis comme le prouve son soutien sans condition à l’intervention américaine en Afghanistan ainsi qu’une position beaucoup plus modérée sur l’intervention en Irak aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2002.

         Ainsi, on peut constater que les relations sino-européennes manquent de constance. Or dans le cadre ambitieux d’une promotion conjointe de la gouvernance mondiale, des relations régulières et soutenues sont nécessaires à la crédibilité du partenariat. 

 

333. Vers un co-développement équilibré ?

         Enfin, une autre piste de réflexion sur l’avenir des relations UE-Chine concerne le co-développement des deux partenaires. Nous avons vu que les Européens, sur le thème du développement, avaient pris conscience de son caractère déséquilibré, les Chinois tirant plus de bénéfices de la relation avec l’Europe et aggravant par là même la situation des Etats membres de l’UE. Ils adoptent depuis une position moins candide : conscients d’un déséquilibre qui se creuse, ils sont devenus plus vigilants. Ils usent de tous les moyens pour surveiller les agissements de la Chine. Ils ont ainsi imposé une régulation à la Chine dans la crise du textile[lx]. Par ailleurs, des réflexions sont en cours sur l’opportunité de garder pour la Chine la clause de la nation la plus favorisée. De même, on étudie dans quelle mesure certaines barrières protectionnistes ne pourraient pas être réactivées[lxi].

         En adoptant une attitude plus exigeante vis-à-vis de la Chine, l’UE se trouve en position plus favorable pour négocier avec son partenaire. Ainsi elle a imposé un nouveau marché à la Chine : elle met en balance les échanges commerciaux et les coopérations, notamment économiques et scientifiques avec un développement social et environnemental plus affirmé de la part de la Chine. D’autre part, elle n’hésite pas à user de son influence mondiale pour peser dans les négociations : ainsi met-elle de plus en plus souvent la Chine en concurrence avec l’Inde. D’un certain point de vue, on peut même considérer que le maintien de l’embargo sur les armes est une chance car il permet à l’Europe de garder un argument de poids dans les négociations.

         La Chine est, par conséquent, de moins en moins satisfaite de ses relations avec l’UE. On observe un durcissement des relations. Ainsi, le discours de l’UE devient plus dur : dans la crise du textile, par exemple, elle n’hésite pas à menacer de se retirer de la coopération agroalimentaire par laquelle la Chine reçoit de nombreux transferts de technologies. Les nouvelles exigences de l’UE impose à la Chine des efforts qu’elle n’était pas prête à fournir : ainsi, dans le domaine environnemental, les pressions européennes sont fortes pour que la Chine adopte des pratiques de développement durable.

         L’UE tend ainsi vers un co-développement plus équilibré que la Chine a du mal à accepter. Mais si cette politique a encore des limites liées à l’effet nombre que le marché chinois produit sur les entreprises européennes, elle tend à s’imposer dans l’esprit des Européens. La Chine réagit mal à la nouvelle méfiance des Européens mais elle les ménage et privilégie des relations positives car elle a besoin de l’Europe pour optimiser son développement économique par l’acquisition de savoir-faire et de technologies modernes.

 

CONCLUSION

         En remettant en perspective les relations entre la Chine et l’Union européenne, il apparaît qu’elles sont loin d’avoir la portée des relations que la Chine peut entretenir avec d’autres acteurs globaux comme les Etats-Unis, le Japon ou la Russie. Elles sont même plus modestes que les relations qu’elle entretient avec des acteurs régionaux comme les pays d’Asie du sud-est, d’Asie Centrale ou l’Inde.

         L’essor qu’ont connu pendant trente ans les relations économiques et commerciales entre la Chine et l’Europe communautaire cache mal les faiblesses et les limites d’un partenariat politique et stratégique resté au second plan. Alors qu’elle s’affirme aujourd’hui comme un acteur global sur la scène internationale, l’UE ne dispose que d’une influence réduite en Chine. Il semble qu’elle éprouve beaucoup de difficultés à dépasser ses limites et ses handicaps géopolitiques dans la région. Par ailleurs, la construction politique de l’Europe est marquée par de nombreux soubresauts, le dernier étant le gel de la ratification du projet de Constitution européenne.

         Cette construction chaotique peut rendre perplexe la Chine qui est un pays émergent et qui a besoin de certitudes. Par conséquent, même si elle a conscience que l’Union européenne est en passe de devenir un acteur global dans la gouvernance mondiale, la Chine se tourne vers sa culture stratégique traditionnelle : défendant la vision d’un monde multipolaire, elle a le souci de préserver son intégrité économique et politique face à ceux qui la menaceraient. Sans réelle consistance, l’influence européenne ne semble pas en mesure de menacer, à terme, la Chine.

         On peut donc se demander quel avenir peut être réservé au partenariat global que l’Union européenne a signé avec la Chine en 2003. Si une réelle volonté d’équilibre au sein des relations est aujourd’hui clairement affiché par l’Europe, il paraît peu vraisemblable qu’un co-développement équilibré puisse perdurer sur le long terme au niveau des relations bilatérales. Aussi, l’approfondissement des relations inter-régionales dans le cadre de l’ASEM semble une piste d’évolution intéressante pour l’Europe. Les besoins et les attentes sont très fortes dans la région et l’UE, puissance civile, est en mesure d’y répondre. Par ailleurs, des partenariats avec d’autres pays émergents de la région comme l’Inde peuvent être envisagés pour asseoir de façon plus large l’influence de l’Europe en Asie du sud-est.

Commandant Benoît Aufrère, armée de Terre, France. CID, 13 e promotion

Manuscrit clos en avril 2006.  Bibliographie de l'étude en bas de cette page.

Notes :


[i] DOMENACH J-L, Où va la Chine ?, Paris, Fayard, 2002.

[ii] La 1ère guerre de l’opium (1839-1942) opposa la Chine à la Grande-Bretagne. Elle aboutit au traité de Nankin qui ouvrait aux Anglais le commerce avec plusieurs ports chinois. La 2ème guerre de l’opium se déroula de 1856 à 1860. Le traité de Tianjin ouvre alors 11 ports chinois à la Grande-Bretagne, la France, la Russie et aux Etats-Unis. Ces « traités inégaux » sont à l’origine d’une profonde humiliation chinoise.

[iii] On distingue plusieurs formes de colonisation : la colonisation de position consiste soit à ouvrir des comptoirs commerciaux, destinés seulement à l'échange de ressources et de produits, soit en l'ouverture de bases navales ou militaires servant d'escales (Aden, Djibouti) ou de points de contrôle du trafic maritime international (Gibraltar, Singapour) ; la colonie de peuplement vise à établir une population originaire de la métropole sur un territoire (les Indes britanniques, l’Indochine française) ; la colonie de plantation utilise la population indigène pour produire les richesses qui seront importées en métropole (Antilles, Brésil).

[iv] Le réveil de la Chine a lieu dès 1911 avec la révolution nationaliste de Sun Yat-sen. Le « mouvement du 4 mai 1919 » traduit la volonté de rompre avec la culture traditionnelle, considérée comme responsable de l’affaiblissement de la Chine.

[v] Le 1er octobre 1949, la République Populaire de Chine est proclamée faisant basculer la Chine dans le bloc soviétique (alliance conclue entre la RPC et l’URSS le 14 février 1950).

[vi] La rivalité entre la Chine et l’URSS dans le monde communiste penchait de plus en plus en faveur de l’URSS qui commençait à exercer une influence rampante en Chine même. Cette influence était insupportable à Mao qui tirait tout son prestige d’avoir effacé les humiliations des impérialismes passés.

[vii] La Chine récupère son siège à l’ONU en octobre 1971 et devient membre permanent du Conseil de sécurité ; elle est successivement reconnue par la plupart des pays occidentaux et reprend ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis en 1972.

[viii] L’acte final d’Helsinki est signé le 1er août 1975.

[ix] Le 6 mai 1975, la Chine et la Communauté économique européenne rétablissent officiellement leurs relations diplomatiques.

[x] En 1972, l’Europe des six s’élargit à trois nouveaux pays : la Grande-Bretagne, l’Irlande et le Danemark.

[xi] Le traitement de la nation la plus favorisée est accordé mutuellement pour tout ce qui concerne les droits de douane, les règlementations et les formalités lors de l’exportation ou de l’importation de produits, les taxes et autres impositions intérieures et les formalités administratives lors de l’octroi des licences d’importation ou d’exportation. Cette clause est notamment attribuée aux pays africains partenaires de la CEE.

[xii] Le contrat type des joint-ventures en Chine offre la majorité des actions à la partie chinoise. Les partenaires occidentaux fournissent les capitaux et l’appareillage moderne, les savoir-faire technique et l’encadrement.

[xiii] L’Allemagne qui est le premier pays européen investisseur en Chine n’arrive qu’en neuvième place, loin derrière Hong Kong, les Etats-Unis, Taiwan et la Corée.

[xiv] Hors échanges internes à ses membres.

[xv] La Grande-Bretagne critique l’écart entre ce qu’elle verse dans le cadre de la CEE et ce qu’elle en reçoit. Malgré plusieurs propositions d’aménagements, l’intransigeance britannique mène la CEE dans l’impasse. Par deux fois (1981 et 1984), l’Europe cède et réduit la contribution britannique.

[xvi] Devant la crise économique des années 1980, il est devenu nécessaire d’harmoniser la fiscalité et le contrôle de l’épargne. Mais cette harmonisation se heurte à l’opposition farouche du Luxembourg qui ne veut pas perdre ses privilèges de « paradis fiscal ». De même, l’harmonisation des services financiers se heurte à la divergence de vue entre les Britanniques et les Allemands, favorables à un espace boursier libéralisé et les pays latins favorables à un espace boursier réglementé.

[xvii] Pour s’assurer la coopération de la Chine jusqu’à la rétrocession de Macao, le Portugal a adopté une politique conciliante vis-à-vis de Pékin, particulièrement concernant les droits de l’homme. Inversement, la préparation de la rétrocession de Hong-Kong par la Grande-Bretagne a pris un tour conflictuel avant la conclusion de la déclaration conjointe de 1984, puis pendant les « années Patten » (1992-1997). Les tensions sino-britanniques qui en sont résultées ont parfois conduit le Royaume-Uni à adopter des positions dures, par exemple sur le dossier des droits de l’homme, en 1997.

[xviii] Les échanges sino-allemands ont été multipliés par 100passant de 445 millions d’euros en 1972 à 43,9 milliards en 2003.

[xix] En mai-juin 1989, d’impressionnantes manifestations étudiantes ont lieu sur la place Tien An Men de Pékin. La jeunesse chinoise dénonce la corruption en République populaire de Chine et exige des réformes du système politique. Le 4 juin 1989, les autorités chinoises ordonnent la répression : l'armée populaire envahit la place appuyée par des chars en faisant de nombreuses victimes. Le déroulement des manifestations qui s’achèvent dans le sang est largement retransmis par la télévision, ce qui contribue à des réactions rapides et vives de la part de la communauté internationale.

[xx] En avril 1994, le premier ministre français, Edouard Balladur, se rend en visite à Pékin avec comme mission de normaliser les relations franco-chinoises. L’accueil qu’il reçoit fait comprendre aux autres pays européens que la Chine est pleinement disposée à rétablir le mécanisme des relations bilatérales.

[xxi] 2ème pilier du traité de Maastricht

[xxii] Même si le processus de ratification est actuellement bloqué à la suite des rejets du projet par la France et les Pays-Bas en mai-juin 2005, le projet d’Europe politique n’est pas abandonné.

[xxiii] Ce fut notamment le cas lors de la rétrocession de Hong Kong et de Macao où l’UE demanda des garanties sur la question des droits de l’homme.

[xxiv] Un programme de coopération juridique est lancé à partir de Mars 2000. Doté d’un budget de 13 millions d’euros, il vise à instaurer une meilleure compréhension de la notion de l’Etat de droit en Chine.

[xxv] Les dernières traces de la présence européenne en Asie ont disparu en 1999 avec la rétrocession à la Chine de Hong Kong (1997) et de Macao (1999).

[xxvi] 1973 : adhésion du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark ; 1981 : adhésion de la Grèce ; 1986 : adhésion de l’Espagne et du Portugal ; 1990 : unification de l’Allemagne ; 1995 : adhésion de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède ; 2004 : entrée de la Pologne, de la Hongrie, de la République Tchèque, de la Slovaquie, de la Slovénie, de Chypre, de Malte, de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie.

[xxvii] La France, notamment, a longtemps eu des relations bilatérales privilégiées avec la Chine. Elle est le premier grand pays occidental à reconnaître la Chine communiste, le 27 janvier 1964. A partir de cette date, elle bénéficie d’un capital sympathie à Pékin qui encourage la spécificité du rôle que la France compte jouer entre les deux grands (les Etats-Unis et l’URSS). Elle y développe des liens au travers notamment de rapprochements culturels et intellectuels. Cette position lui permet de jouer un rôle important dans la conclusion de la guerre du Vietnam (1975). Mais la spécificité des relations franco-chinoises est depuis la fin des années 1970 souvent ébranlée : en 1976, la fin de la Révolution Culturelle en Chine marque son rapprochement avec les Etats-Unis ; la réaction française particulièrement virulente aux répressions des manifestations sur la place de Tien An Men (1989) contribue à refroidir encore les relations entre les deux pays.

[xxviii] Ce sont notamment des routes commerciales stratégiques qui sont autant de possibilités pour approvisionner la Chine en matériel militaire (entre 1990 et 1999, la Chine a acheté près de 8 milliards de dollars de matériel militaire à la Russie) et en énergie.

[xxix] En avril 1997, la Russie et la Chine signent une déclaration « sur un monde multipolaire et la formation d’un nouvel ordre mondial ». En juin 2001, les deux pays signent un « traité d’amitié et de coopération pour vingt ans ».

[xxx] Le commerce entre la Chine et le Japon a augmenté de 10 milliards de dollars en 1981, de 20 milliards de dollars en 1991 et de 85 milliards de dollars en 2000 ; la Chine est désormais le deuxième partenaire du Japon.

[xxxi] La Chine qui se construit un nouveau modèle de puissance fait appel aux gloires passées : elle développe actuellement un nationalisme affirmé qui se fonde sur un Etat fort et une puissante économie qui compte dans le monde. Ce nationalisme implique une position dure vis-à-vis d’un rival régional qui l’a humilié il y a cinquante ans par une occupation considérée comme une inféodation de la Chine au Japon.

[xxxii] Les Américains ont mené deux guerres en Asie depuis la Deuxième Guerre mondiale (Corée et Viet Nam) ; par ailleurs, ils soutiennent le régime anticommuniste de Taiwan face à la menace chinoise.

[xxxiii] 1994 : chasse entre un porte-avions américain et un sous-marin chinois s’étant rapproché de Taiwan ; 1996 : envoi de deux porte-avions américains au large de Taiwan ; 1999 : bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade ; 2001 : avion espion américain abattu par la Chine au dessus de la mer de Chine.

[xxxiv] C’est le cas en 1997, lorsque le Danemark et les Pays-Bas déposent une résolution contre la Chine à la Commission des droits de l’homme de l’ONU.

[xxxv] Elle était poussée dans cette voie par l’industrie militaire française en crise qui voulait profiter des fortes demandes chinoises en matériels modernes pour améliorer sa propre situation économique.

[xxxvi] On peut citer notamment les rivalités entre la Chine, le Viet Nam et les Philippines pour la souveraineté sur les îles Spratley et Paracels en mer de Chine.

[xxxvii] Les IDE sont faibles et ont même tendance à baisser : s’ils étaient de 2,2 milliards d’euros en 2000, ils reculent à 1,6 milliards d’euros en 2001.

[xxxviii] La crise du textile a été le révélateur mais la concurrence chinoise peut toucher de nombreux secteurs : mécanique, automobile, électronique, biens de consommation, équipements ménagers, etc.

[xxxix] Le cas d’investisseurs chinois ayant rachetés les deux seules entreprises agroalimentaires françaises possédant la technologie permettant une longue conservation des tomates est emblématique de la capacité d’intelligence économique de la Chine.

[xl] La coopération culturelle est l’une des originalités des relations franco-chinoises au travers du financement de nombreuses manifestations en Chine de promotion de la culture française (2005 était l’année de la France en Chine) ou de promotion de la culture chinoise en France (2003 a été l’année de la Chine en France).

[xli] Du fait de la position ferme de la France après 1989, la Chine a privilégié ses relations avec la Grande-Bretagne, jugée plus conciliante. De même, elle s’est détournée des Pays-Bas et du Danemark en 1997 à la suite de leur condamnation de Pékin dans sa politique des droits de l’homme et s’est rapprochée de la France qui prônait alors un dialogue constructif.

[xlii] La Chine avait l’ambition de mener une « diplomatie de grande puissance ».

[xliii] Par exemple, au moment des négociations pour l’adhésion de la Chine à l’OMC où elle s’est appuyée sur la diplomatie européenne tout en apaisant les tensions qui existaient avec Washington.

[xliv] Les négociations sur le problème nord-coréen se déroulent souvent à trois, avec la Chine comme intermédiaire entre les Etats-Unis et la Corée du nord.

[xlv] Les missions de Petersberg sont de trois types : des missions humanitaires et d’évacuation, des missions de maintien de la paix, des missions de combat dans le cadre de la gestion d’une crise.

[xlvi] Monitoring : missions de contrôle, de supervision et de conseil d’une administration ou d’un service d’un pays sortant de crise par des équipes de la même administration ou service d’un pays intervenant à son profit (par exemple police, justice, déminage, etc.)

[xlvii] European Union Monitoring Mission.

[xlviii] European Union Police Mission.

[xlix] En 2003, 35 milliards d’euros ont été distribués aux pays les plus pauvres. C’est presque trois fois plus que les Etats-Unis.

[l] Composés de 1 500 hommes, les bataillons européens sont en mesure de venir s’interposer dans une zone de conflit située jusqu’à 6 000 Km d’Europe, en 5 à 10 jours.

[li] C’est sous l’égide de l’AED que l’UE est en train de se doter d’une capacité de transport stratégique avec la construction de l’A 400M.

[lii] SCHNABEL R. A., Europe Etats-Unis : un avenir commun, Paris, Alvik, 2005, p. 143

[liii] Le discours de l’administration Bush se fait plus dur : les néo-conservateurs parlent de la Chine comme d’un « strategic competitor » alors que l’ère Clinton avait inauguré des relations fondées sur un « strategic partnership ». De même, le statu quo de la situation à Taiwan était réaffirmé : en mai 2001, les Etats-Unis décidaient d'accorder à Taipei d'importantes livraisons d'armements navals.

[liv] La Chine vient d’adhérer à l’OMC, elle souhaite maintenir un bon climat avant le premier sommet de l’APEC (Asian-Pacific Economic Cooperation) qui est prévu de se tenir à Shanghai en octobre 2001.

[lv] Le FBI ouvre d’ailleurs un bureau de liaison à Pékin ; depuis juillet 2003, un accord sino-américain permet à des inspecteurs des Douanes américaines de vérifier, avant leur départ, le contenu des containers à destination des ports américains.

[lvi] La diplomatie russe avait elle aussi adopté une position pro américaine et le rapprochement entre Moscou et Washington risquait de mettre la Chine en dehors des grandes décisions stratégiques qui allaient se prendre dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.

[lvii] GPS : Global Positioning System : système de navigation par satellite conçu par les Américains. Ce système est utilisé aussi bien par les civils que par les militaires. Les Etats-Unis contrôlent les satellites chargés de recevoir et d’émettre les données de navigation. Le contrôle des satellites revêt une importance capitale pour élaborer une politique de défense indépendante.

[lviii] Les relations économiques et commerciales avec la Chine revêtent une importance capitale pour l’UE : l’Asie représente 21% des exportations de l’Union ; c’est son troisième partenaire commercial tandis que les pays asiatiques sont d’importants investisseurs sur le marché européen.

[lix] On peut citer, par exemple, le Kashmir, l’Afghanistan, l’Indonésie, La mer de Chine du sud, la Corée du nord.

[lx] Suite à une procédure d'urgence lancée par l'Union européenne le 25 mai 2005, la Chine s'engage, aux termes de cet accord, à réduire entre 8% et 12,5% par an ses exportations pour dix produits jusqu'à fin 2007. Il s'agit notamment des tee-shirts, des pull-overs, des produits de lin et des pantalons pour homme. En juillet, elle prévoit de bloquer les importations de textiles chinois aux frontières de l'Europe.

[lxi] Pour protéger leur industrie métallurgique, les Etats-Unis n’ont pas hésité à augmenter ses barrières douanières sans concertation.

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Date de la mise en ligne: septembre 2006

 

 

 

Bibliographie de l'étude

   

 

 

TEXTES DE REFERENCE

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Communication de la Commission du 25 mars 1998, « Vers un partenariat global avec la Chine ».

Décision 2000/16/CE du Conseil du 2 décembre 1999 portant conclusion de l’accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et le gouvernement de la République populaire de Chine.

Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 15 mai 2001, « Stratégie de l’UE vis-à-vis de la Chine : mise en oeuvre de la communication de 1998 et mesures à prendre pour renforcer la politique communautaire ».

Document de stratégie pour la Chine 2002-2006 du 1er mars 2002.

Document d’orientation de la Commission européenne du 10 septembre 2003, « Intérêts communs et défis de la relation UE-Chine – vers un partenariat mature ».

 

OUVRAGES

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MILZA P., Les relations internationales de 1871 à 1914, Paris, Armand Collin (coll. Cursus), 1995, 167 p.

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ARTICLES DE PRESSE

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DANA T., « La Chine vue de la France et de l’Europe », Les cahiers de Mars, n° 183, 1er trimestre 2005, pp. 152-154

DUMOULIN A., « PESD : fenêtre d’opportunité ou belle au bois dormant bis ? », Agir, n° 13, Hiver 2003, pp. 107-113

FAYARD P., « Le mandarin et le samouraï, figures emblématiques des cultures stratégiques chinoise et japonaise », Agir, n° 14, Printemps 2003, pp. 69-75

GODEMENT F., « Chine, la puissance et ses limites », Les études de la documentation française, Edition 2004-2005, pp. 15-34

NIQUET V., « La Chine et la puissance », Les cahiers de Mars, n° 183, 1er trimestre 2005, pp. 11-19

POMONTI J-C., « Une région sous influence », Le Monde diplomatique (Manière de voir), n° 85, Février-mars 2006, pp. 33-35

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SITES INTERNET

http://epp.eurostat.cec.eu.int

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www.latribune.fr

www.lesechos.fr

www.missioneco.org/chine/infopays.asp

www.monde-diplomatique.fr

www.oecd.org/

 

AUTRES SOURCES

Séminaire international de l’IFRI sur « China’s peaceful rise and sino-european relations », le 6 décembre 2005. 

   

 

 

 

   

 

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