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GALILEO et l'avenir de la navigation par satellites, 

par le Commandant Markus Bungert,

(Armée de l'air, Allemagne, 12 e promotion du CID)   

 

Quels sont les domaines d'application des systèmes de navigation par satellites ? Quelles sont les caractéristiques du système GALILEO ? Quels en sont les enjeux ? L'intérêt majeur du système européen réside dans la possibilité d’exercer une influence à travers la co-exploitation du système, la fiabilité légèrement supérieure au GPS, la meilleure couverture des régions polaires du Nord et du Sud, la réduction des coûts à longue échéance et dans une possibilité de navigation affranchie du GPS.

Biographie de l'auteur en bas de page.

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Le 26 mai 2003, est adopté par les ministres de la recherche de l’Union européenne le projet  le plus important jusqu’à cette date sur le plan financier : l’Europe développera et exploitera d’ici 2008 un système de navigation par satellites autonome : « GALILEO ».

Contrairement aux autres systèmes de navigation par satellites existants, GALILEO est un projet purement civil. Cependant, ces technologies de l’information « duales » par nature, peuvent être utilisées aussi bien dans les domaines civil et militaire.

Les forces armées de l’OTAN ont recouru jusqu’à présent au système américain de navigation par satellites "NAVSTAR GPS" dans des buts les plus divers.

Passés en  revue les domaines d’application de la navigation par satellites, et une fois décrites précisément les caractéristiques du système GALILEO tel qu’il est prévu, nous évoquerons enfin les problèmes qui demeurent et les enjeux.

 

Domaines d’application des systèmes de navigation par satellites

Domaine militaire

Les systèmes de la navigation par satellites (GNSS[i]) existants ont été initialement développés et exploités à des fins militaires. Ces systèmes sont d’ores et déjà un facteur clé conditionnant la réussite des opérations militaires : les récepteurs, passifs, peuvent être utilisés en nombre illimité sans risque de saturer le système de navigation.

L’éventail d’utilisation militaire est très large.

Les unités des forces terrestres, navales et aériennes (systèmes d’armes, équipements majeurs, armes, ravitaillement logistique et personnels pris individuellement) peuvent déterminer sans délai leur propre position indépendamment des conditions météorologiques, de l’heure et des conditions de visibilité. La direction et vitesse des déplacements peuvent également être déterminées. Cette technologie permet, avec exactitude et en temps réel, de visualiser la situation des forces amies et de déterminer, par le renseignement, les positions ennemies. Elle contribue à coordonner les mouvements terrestres, navals et aériens des unités les plus  diverses, notamment dans le cadre d'opérations interarmées.  

L’introduction de récepteurs dans des systèmes sans pilote ou dans des armes confère la capacité d’opérer par tous les temps, de manière très précise et à distance. Les pertes amies sont ainsi limitées.

La mise en œuvre de ces armes devient par conséquence plus efficace, moins dépendante des conditions climatiques et plus précise, réduisant dès lors les dommages collatéraux. Grâce à la plus grande efficacité des explosifs, le poids des charges militaires peut être également réduit, permettant ainsi d’augmenter le nombre de munitions emportées par système d’arme, ou d’adjoindre un système d’aide électronique à la pénétration. Les plates-formes peuvent être aussi miniaturisées.

Par ailleurs, les opérations militaires exigent une synchronisation des réseaux les plus divers. C’est la condition préalable à la conduite « d’opérations infocentrées » et à la supériorité informationnelle qui y est associée.

Les partenaires de l’Alliance doivent ainsi utiliser des systèmes de navigation interopérables pour tirer profit de ces avantages. Pour que ces possibilités soient à la seule disposition des partenaires d’une alliance, des mesures doivent être prises pour interdire à l’ennemi l’utilisation du système ami. Dans le même temps, il faut empêcher l’adversaire d’utiliser son propre système en le brouillant.

 

Domaine civil

Bien que le premier système de navigation NAVSTAR GPS soit à l’origine un système purement militaire, 90 % des récepteurs sont civils. Pour la seule Europe, 6 millions de récepteurs GPS étaient en service en l’an 2001. Avec 5 %, la part du secteur aéronautique et spatial abonné à ce système de navigation est réduite. Les plus grands utilisateurs sont les transporteurs routiers et ferroviaires.

Les domaines d’application des technologies de positionnement dans l'espace et dans le temps sont très vastes, mais cela n’a guère été perçu jusqu’à maintenant. L’accès à l’information et la communication  de ces données ouvre à l’avenir des possibilités tout à fait nouvelles. Aussi part-on du principe que dans un futur proche, l’importance des systèmes de navigation sera décuplée, à l’instar du succès enregistré par les téléphones portables au cours des dix dernières années.

Il existe diverses études consacrées au développement du nombre des récepteurs civils. Les estimations varient considérablement mais, quoi qu’il en soit, la panne d’un GNSS engendrerait d’énormes pertes sur le plan économique dans la mesure où l’économie sera de plus en plus dépendante de ces systèmes.

 

Le système de navigation par satellites GALILEO

L'architecture prévue

L’argument principal avancé par la Commission Européenne pour développer un système européen de navigation par satellites est la situation de monopôle du GPS américain, s’agissant d’une technologie dans un domaine économiquement important pour l'avenir. La Commission considère donc qu’un système purement européen est essentiel. Ce dernier aspect ne sera toutefois pas développé ici.

Il est prévu que la précision de GALILEO sera plus grande que celle du GPS, notamment dans les latitudes moyennes et septentrionales. Grâce à une meilleure structure de signal et à la compatibilité avec le système GPS, la précision de positionnement en milieu urbain passera de 50 % à 95 %. Fiabilité et sécurité informationnelle des prestations de GALILEO seront garanties à tout moment par ses exploitants civils, y compris en temps de crise.

La structure de signal de GALILEO, qui doit être compatible avec les systèmes GPS et GLONASS, est prévue de la manière suivante.

Les satellites émettront chacun 10 signaux différents : 6 sont prévus pour des applications civiles, 2 pour des applications commerciales et 2 pour les services de l’Etat. Six services  de meilleure qualité que le Standard Positioning Service du GPS sont prévus: l’ « Open Service » sera disponible gratuitement. Le « Commercial Service » sera payant et le positionnement sera plus exact, plus fiable et la garantie de précision sera plus élevée. Le service « Safety of Life » offrira une précision égale au « Commercial Service », avec cependant une sécurité de l’information plus élevée, telle que l’exige par exemple la navigation aérienne et maritime. Le service «Search and Rescue»[ii] transmettra en temps réel, en relation avec les satellites COSPAS/SARSAT, la position des victimes d’accidents aériens, nautiques ou terrestres. Le « Public Regulated Service » (PRS) sera réservé aux organes étatiques.

Un accord de coopération a été conclu avec la Chine le 30 octobre 2003, avec cependant la restriction que celle-ci n’aura pas accès au service PRS. L’Inde et Israël ont manifesté leur intention de coopérer à GALILEO.

 

Le Public Regulated Service (PRS)

Le « Public Regulated Service » sera composé de signaux codés propres grâce auxquels le positionnement sera effectué indépendamment des autres signaux des services « civils » de GALILEO. Ces signaux sont conçus spécialement pour échapper aux manœuvres de brouillage et de déception et possèderont une confirmation d’intégrité. Ils ne seront mis qu’à la seule disposition des Etats membres de l’Union Européenne. Les utilisateurs seront prioritairement des services étatiques, tels que la police, les unités de protection des frontières, les douanes, les sapeurs-pompiers et les organismes stratégiques comme les réseaux d’électricité et de télécommunications : l’utilisation de ce Service par les armées tombe donc sous le sens, même si l’ESA et la Commission Européenne évitent d’évoquer une éventuelle application militaire.

Les objectifs techniques du service sont ambitieux. Il est prévu d’obtenir dans 95% des cas une précision de 6,5 m en horizontal et de 12 m en vertical. La disponibilité du service doit atteindre 99,5 % et la précision horaire 100 ns. Tous les segments doivent être protégés contre les émetteurs de brouillage et de déception. A l’instar de ce qui est prévu pour le GPS, les usagers seront répartis en groupes d’utilisateurs, chacun d’entre eux se voyant attribué un code d’accès en propre. Le code de cryptage doit également être distribué par satellites (OTAR [iii]).

Tous les signaux de GALILEO ont été enregistrés en mai 2002 à la World Radio Conference à Istanbul. D’ici le 13 juin 2006, ces signaux devront être émis au moins une fois par un satellite afin de conserver l’attribution des fréquences correspondantes, convoitée par d’autres acteurs comme la Chine.

 

Les craintes des Etats-Unis envers GALILEO

Les Etats-Unis s’opposent à un chevauchement prévu de leur futur signal GPS (M-Code) par au moins un signal du « Public Regulated Service » devant être mis en place à l’avenir dans le cadre de GALILEO.

Ils exigent que le GPS ne soit entravé dans son fonctionnement par aucun autre système. Du point de vue des Etats-Unis, un système de navigation par satellites doit prévoir de pouvoir en interdire l’utilisation à un adversaire. Lors d’un engagement dans le cadre d’une crise ou d’une guerre, le « brouillage du théatre[iv]» conduirait les Etats-Unis à bloquer l’accès libre aux signaux de navigation par satellites. Le service PRS de GALILEO, lui, continuerait à fonctionner. Il pourrait certes également être brouillé, mais le M-Code du GPS américain serait également inutilisable. En outre, les Etats-Unis craignent que le cryptage du  PRS ne soit pas sûr.

L’Europe a prouvé que le Signal PRS ne pouvait pas interférer avec les signaux GPS. De plus, les Etats-Unis, conformément au droit international, ne peuvent revendiquer cette fréquence pour leur seule utilisation.

Une agence européenne civile, qui reste encore à créer, se chargera de la gestion des clés de cryptage, de leur attribution et des autorisations d’accès. La crainte des Etats-Unis est que les codes d’accès puissent tomber dans de mauvaises mains. Ainsi, il est critiqué qu’entre autres, les utilisateurs extérieurs à l’armée pourront  avoir accès aux récepteurs, ceci pouvant entraîner, de l’avis des Américains, une  menace pour leurs hommes et l’ensemble de l’OTAN. Les Etats-Unis expriment des réserves, compte tenu notamment du commandement supranational de GALILEO qui les empêche de s’adresser à un interlocuteur national. L’existence d’Etats associés à la coopération, mais non membres de l’OTAN, tels que la Chine, complique le problème. Les décisions concernant GALILEO, comme par exemple la limitation temporaire de la libre utilisation, demanderont probablement un peu plus de temps.

La Commission Européenne rétorque que les mesures nécessaires de protection cryptographique sont prises et que la possibilité existera de bloquer l’accès à certains utilisateurs ou groupes d’utilisateurs. D’ailleurs le signal militaire du GPS est d’ores et déjà utilisé par des usagers civils sur un mode analogique.

 

Le choix du système de la navigation par satellites pour l’Europe

Le système

GALILEO, à l’avenir, disposera, à de rares exceptions près, au moins des mêmes capacités que l’actuel système GPS. Dans certains domaines, il lui sera même supérieur. L'intérêt majeur du système européen réside dans la possibilité d’exercer une influence à travers la co-exploitation du système, la fiabilité légèrement supérieure au GPS, la meilleure couverture des régions polaires du Nord et du Sud, la réduction des coûts à longue échéance et dans une possibilité de navigation affranchie du GPS.

Le GPS offre une plus grande protection contre les interférences, une moindre vulnérabilité, et présente l’avantage d’un système « standard » utilisé sur une large échelle au sein de l’OTAN, garant en cela de l’interopérabilité. Aussi, en ne tenant compte que du seul critère d’interopérabilité, GALILEO ne constituerait pas une alternative au GPS existant.

Il apparaît pourtant que l’utilisation des deux systèmes d’une manière combinée représenterait de loin la meilleure alternative, en raison de l’augmentation considérable des redondances et des effets de synergie. La disponibilité en serait fortement accrue, notamment dans les zones urbaines.

 

Les récepteurs

La plupart des récepteurs GPS militaires en service hors des Etats-Unis n’ayant pas encore été adaptés aux nouveaux standards[v], les forces qui en sont dotées ne peuvent être engagées dans une zone dans laquelle sont mis en œuvre des émetteurs-brouilleurs GPS actifs, ou dans une zone dans laquelle un signal GPS civil a été coupé ou qui est la proie du «brouillage du théatre[vi]». Plus les opérations militaires s’appuieront sur la navigation par satellites (opérations infocentrées), plus les forces armées devront se doter de récepteurs GPS équipés des nouvelles technologies de réception. C’est une condition sine qua non pour qu’elles soient compatibles sur le plan international.

Cette nécessaire acquisition de nouveaux récepteurs, et surtout leur intégration dans les systèmes d’armes, poseront aux forces armées des problèmes considérables d’investissement.

La phase d’acquisition de GALILEO coïncidant avec la phase de modernisation des  récepteurs GPS, l’équipement en récepteurs combinant GPS et GALILEO constitue pour des raisons financières et opérationnelles la seule option opportune. Ceci peut être réalisé en raison de la compatibilité des deux systèmes. 

La capacité autonome européenne de navigation par satellites est une nécessité stratégique impérative.

Il n’est pas impossible que l’Europe mène dans l’avenir des opérations contre la volonté des Etats-Unis. Il n’est donc guère judicieux de dépendre du seul système américain GPS.

A l’avenir, des utilisateurs pris individuellement pourront à tout instant être exclus en temps réel de la réception du signal de réception militaire (M-Code GPS). Cela concerne également les biens d’armement exportés hors d’Europe et devant être équipés d’un système de navigation par satellites.

Aussi, la mise en service du système GALILEO et de sa composante PRS au sein des forces armées européennes est nécessaire tant pour des raisons de politique militaire que des motifs techniques, les deux dispositifs demeurent par ailleurs complémentaires.

Hormis le critère d’interopérabilité, GALILEO ne peut constituer un substitut absolu du GPS, les Etats-Unis étant toujours considérés comme un allié très important.

Finalement, l’ensemble du projet GALILEO, encore en phase de développement, est jusqu’à présent seulement placé sous responsabilité civile.

La décision fondamentale concernant l’utilisation militaire de GALILEO doit être prise au plus tôt au sein de toutes les forces armées européennes et y être mise en oeuvre pour  assurer l’utilisation future de cette technologie clé pour les opérations infocentrées. Cela représente un vrai choix stratégique. Ne pas saisir la chance que nous offre cette décision importante , c’est obérer l’avenir des forces armées européennes en matière d’interopérabilité et d’autonomie dans le domaine de la navigation par satellites. 

Commandant Markus Bungert

Manuscrit clos au 1er semestre 2005.

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Notes:

[i] Global Navigation Satellite System.

[ii] Recherche et sauvetage.

[iii] over the air rekeying.

[iv] local theatre jamming.

[v] GPS de nouvelle génération – récepteurs militaires avec le module SAASM.

[vi] local theatre jamming.

 

Date de la mise en ligne: 26 janvier  2006

     

Biographie du Commandant Markus Bungert

   
   

Officier de l’armée de l’air allemande (Luftwaffe – promotion 1988). Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur en aéronautique. Jusqu’en 2002, il a servi dans différentes fonctions comme officier mécanicien, officier de marque Eurofighter et chef d’escadron avant de rejoindre la 47e promotion de la Luftwaffe à la Führungsakademie de la Bundeswehr à Hambourg. En 2004/2005, il faisait partie de la 12e promotion du Collège Interarmées de Défense à Paris.

   
         

 

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