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Quels défis géopolitiques pour l'Union européenne élargie à 25 ? 

par Pierre Verluise, spécialiste de géopolitique 

Pour que l’Union européenne devienne adulte, il devient plus que jamais indispensable d’en développer une approche géopolitique. Parce qu’il devient vital de connaître les représentations, les craintes et les projets de nos partenaires. Il importe tout autant d’être au clair avec nous-mêmes. Pour négocier au mieux et construire ensemble une Union européenne fidèle à ses valeurs. (Voir une carte de l'UE25 et une carte de la participation aux élections pour le Parlement européen en juin 2004)

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Mots clés - key words: élargissement de l’union européenne aux pays d’europe centrale et orientale, élargissement de l’organisation du traité de l’atlantique nord en 1999 et 2004, lettonie, estonie, lituanie, pologne, république tchèque, slovaquie, hongrie, slovénie, roumanie, bulgarie, chypre, malte, géopolitique, géostratégie, analyse, prospective, réunification de l’europe, démographie, politique migratoire, politique familiale, souveraineté, solidarité, programmes communautaires, criminalité, corruption, démocratie, citoyenneté, déficit démocratique de l’ue, candidature de la turquie, institutions, convention, présidence de l’union européenne, russie, kgb,fsb, relations euro-atlantiques, otan, nato, états-unis, partenariat pour la paix, ppp, partnership for peace, information, propagande, pluralisme.

Si  la chute du Rideau de fer en 1989 marque une rupture historique majeure, l’année 2004 est une étape décisive de la construction européenne. L’intégration de dix nouveaux pays – dont huit pays marqués par le communisme – place l’Union européenne devant de multiples défis. Sans prétendre à l’exhaustivité, en voici trois.

Inventer une politique démographique 

Premièrement, l’UE élargie se caractérise par un enrichissement culturel mais aussi par un net ralentissement de la croissance démographique de cet ensemble. En effet, la plupart des nouveaux membres sont dans une dynamique de dépopulation. L’Union européenne sera-t-elle enfin capable de prendre conscience de l’urgence d’une politique démographique ? Celle-ci comprendrait au moins deux volets : d’abord une politique de la famille, ensuite une politique migratoire concertée. Le « chacun pour soi » a trouvé depuis longtemps ses limites.

Contribuer à un développement porteur 

Deuxièmement, comment mettre en œuvre une solidarité constructive avec des pays qui – en moyenne - n’atteignent même pas 50 % du PIB par habitant en standards de pouvoir d’achat de l’UE15 ? Quels moyens seront les plus efficaces pour contribuer à un développement porteur ? Alors que les délais envisagés pour le « rattrapage » se comptent en décennies, comment surmonter les crises sociales, budgétaires et politiques qui ne manqueront pas de survenir ? Comment éviter, de surcroît, d’enrichir et de consolider encore les mafias par le détournement d’aides payées par les contribuables des pays les plus riches ? Comment lutter plus efficacement contre l’essor de la criminalité économique et de la corruption ?

Mettre en oeuvre des institutions efficaces 

Troisièmement, l’UE élargie sera-t-elle capable de faire une meilleure place aux citoyens, par exemple au sujet de la candidature de la Turquie ? Ces derniers sauront-ils faire l’effort de comprendre les nouvelles règles du jeu ? Les 25 pourront-ils faire fonctionner les institutions issues du traité de Nice (2000) et des traités d’adhésion (2003) ? Dans une certaine mesure, les 15 – qui abandonnent aux entrants une part conséquente de leurs voix au Conseil européen – n’ont guère le choix.

A quelle date seront effectifs les compromis issus des travaux de la Convention ? Avec quels résultats ?  Verrons-nous se multiplier les coopérations renforcées entre quelques pays ?  Si oui, cela est-il compatible avec l’espoir de faire de l’UE un acteur géopolitique autonome ?  

La réponse importe pour faire face à trois autres difficultés majeures.

Parler à la Russie le langage qu'elle comprend

Premièrement, comment ne pas se faire instrumenter par la Russie ? Comme l’a démontré l’ouvrage d’Hélène Blanc « KGB Connexion. Le système Poutine »[1], le Kremlin compte des réseaux forts actifs, dans les anciens comme dans les nouveaux pays membres. Leur objectif est de présenter au mieux l’idée d’un rapprochement institutionnel entre l’UE et la Russie. Alors que cette dernière ne partage pas les valeurs fondatrices de l’Union européenne, à commencer par la démocratie et le respect des droits de l’Homme. Du fait de l’intégration de la Pologne et de la Lituanie, la Russie est déjà « dans » l’UE, via l’enclave de Kaliningrad. Le Kremlin en fait déjà un outil de pression. Les 25 sauront-ils faire face de manière adaptée ?  

Construire l'Europe de la défense

Deuxièmement, comment repenser intelligemment les relations euro-atlantiques ? Pour faire monter les enchères avec le seul partenaire qui l’intéresse vraiment à l'échelle mondiale – Washington – Moscou recrute des « coqs de combat » qui y perdront sûrement des plumes, voire davantage. Il importe d’abandonner enfin des réflexes contre-productifs.  Encore faut-il trouver aux Etats-Unis des interlocuteurs capables d’entendre les préoccupations européennes. L’avenir de l’Europe de la défense en dépend. Comment penser l’élargissement de l’UE et  l’élargissement de l’OTAN ? 8 des 10 pays entrants dans l’UE sont aussi – voire surtout – membres de l’OTAN. En cas de crise transatlantique, quels arbitrages rendront-ils ? Apporteront-ils des nouvelles approches ? Comment la Roumanie et la Bulgarie, déjà membres de l’OTAN mais en attente d’intégration pour l’UE, vont-elles négocier les années qui les séparent de l’adhésion aux institutions communautaires ?

Mars 2004: Colin Powell souhaite la bienvenue aux 7 nouveaux membres de l'OTAN. Crédits: OTAN

Au-delà de l’OTAN stricto sensu, quelles sont les fonctions géostratégiques du Partenariat pour la Paix (PPP) mis en œuvre par l’OTAN avec de nombreux pays de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) ? Comment ne pas faire les frais des points de convergence – qui n’empêchent pas des divergences -  entre Washington et Moscou, voire Pékin ?

Apprendre à se connaître 

Enfin, comment développer une connaissance mutuelle entre pays membres ? Les années 1990 ont été marquées par un faible intérêt de la presse française pour les pays candidats, dont l’histoire et les sensibilités restent méconnues. Depuis 2002, la Commission européenne et les gouvernements des pays membres ont financé quelques opérations de marketing, mais cela n’a pas convaincu grand monde. Peut-être parce que l’approche s’inspirait davantage de la propagande que de l’information. L’Union européenne ne sera efficace qu’en respectant ses propres valeurs : la démocratie et le pluralisme. Depuis trop longtemps, le débat a été évité. Résultat, les discussions politiques qui n’ont pas eu lieu ont produit des crises majeures en 2003. Les 25 pays  membres doivent apprendre à se connaître et à se respecter. Qu’on ne se fasse plus d’illusion : aucun des entrants n’a l’intention de « se taire ».

Pologne 2004, Cracovie: tag. Crédits: Pierre Verluise

Développer une approche géopolitique de l'UE 

Pour que l’Union européenne devienne adulte, il devient plus que jamais indispensable d’en développer une approche géopolitique. Parce qu’il devient vital de connaître les représentations, les craintes, les projets, voire les fantasmes de nos partenaires. Il importe tout autant d’être au clair avec les notres. Pour négocier au mieux et construire ensemble une Union européenne fidèle à ses valeurs.

Pierre Verluise 

Note: 

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