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www.diploweb.com Géopolitique du renseignement

La fin d'une époque,

par Pierre Conesa,

directeur général de la Compagnie européenne d’Intelligence Stratégique

 

Terrorisme et prolifération des armes de destruction massive, les menaces d’aujourd’hui sont devenues transverses, de dimension supranationale par leur organisation, leurs filières et leurs objectifs et bouleversent les méthodes traditionnelles. La distinction renseignement extérieur / renseignement intérieur ici aussi est dépassée. Le terrorisme d’Etat des années 70-80 a laissé la place au « terrorisme sans frontières ». Les moyens techniques perdent en partie leur intérêt.

Le renseignement de sécurité naît de la synthèse de nouvelles approches. Il suppose un gros travail d’évaluation des crises et de la stratégie des acteurs et se fonde sur des évaluations et des synthèses plutôt que sur des images satellites et des données pointues. Il s’obtient peut-être plus par contact direct humain que par moyens techniques. Le renseignement de sécurité est devenu un continuum synthétisant la surveillance de groupes à l’intérieur des frontières et leurs contacts avec d’autres groupes à l’étranger. Face à ces ennemis nouveaux, la géopolitique du renseignement change.

 

Dans le cadre de ses synergies géopolitiques, le site www.diploweb.com vous présente  sur Internet un article de Pierre Conesa publié dans le numéro 25 de la revue AGIR, en mars 2006. Nous remercions la direction de la revue AGIR, revue générale de stratégie, publiée par la Société de Stratégie, 21 rue Henri Barbusse, 75005,  Paris, France. Nous vous invitons à visiter son site web : www.societe-de-strategie.asso.fr

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« Entre 1998 et 2001, rien n’est venu perturber les préparatifs des attentats par Al Qaida » conclut le rapport de la Commission d’enquête du Congrès sur le 11 septembre[i] : peu d’évènements auront déclenché des procès aussi sévères[ii] à l’encontre des services de renseignements. Il faut dire aussi que peu d’activité publique était porteuse d’autant de mythes. Les signes annonciateurs de la crise se multipliaient pourtant sans alerter les autorités politiques.

 

Des services nés pour la guerre entre Etats

Nés lors des conflits du XX° siècle, les « services » étaient originellement conçus comme une fonction de Défense tournée d’abord vers l’étranger, pour préparer l’affrontement militaire. La fonction s’est développée avec  la guerre froide, à partir d’une géopolitique assez stable : Union soviétique, pays satellites, et zones de confrontation Est-Ouest. Pour accumuler des données quantifiées sur les matériels, les forces et les infrastructures militaires adverses, les grandes puissances ont investi dans des technologies permettant de contourner les difficultés du recrutement humain : observation satellite de toutes sortes, cryptologie, interceptions, écoutes… Le renseignement de guerre se recueille dans la capitale adverse où se trouvent les militaires, les ambassades et les pouvoirs. C’est un face à face du secret d’Etat. Il vise la précision et délaisse la connaissance politique globale plutôt dévolue aux diplomates. Univers du secret, il s’impose des règles de sécurité qui ont peu à peu homogénéisé et affaibli le recrutement des personnels. « Les renseignements étaient faux…excessifs…pas étayés… La plupart des problèmes proviennent d’une culture défaillante et de la faiblesse de la direction de la CIA » conclut le rapport du Congrès.

Les systèmes de renseignement sont devenus énormes : 40 milliards de dollars partagés entre quatorze agences américaines, soit le PIB de la Roumanie ou du Nigeria. Le seul réseau d’écoutes Echelon unissant le Canada, la Nouvelle Zélande, le Royaume Uni et la NSA américaine emploie quelques 47 000 personnes. 

La philosophie en était binaire : « les ennemis de nos ennemis sont nos amis ». Une grande importance est attribuée aux transfuges et aux partis politiques d’opposition aux dictatures ennemies : Chalabi pour la CIA, Radjavi et les Moudjahidin du peuple iraniens pour la France des années 80. On forme aussi des « Combattants de la liberté » pour lutter contre les Soviétiques comme des islamistes pour lutter contre les mouvements de gauche : Ben Laden ou Gulbuddin Hekmatyar recrutés en Afghanistan pour lutter contre les Soviétiques, le Hezbollah turc pour lutter contre le PKK…

Dans les systèmes qui se font face, l’espion a un statut. Sous couverture diplomatique, en cas de crise, il est expulsé et des mesures parallèles permettent à chacun des deux pays de faire match nul. L’espion s’échange, il est rarement assassiné. La rétorsion est toujours proportionnée à l’agression.

L’emploi de moyens de plus en plus techniques et la méfiance du pouvoir politique à l’égard de ces services « spéciaux » ont donné naissance à des organisations spécialisées pour éviter un trop grand pouvoir. Les Etats-Unis ont quatorze services de renseignement ou de police spécialisés, la France seulement six comme le Japon. Cette parcellisation rend nécessaire des mécanismes de coordination toujours difficiles à faire fonctionner entre des services concurrents au culte parfois excessif du secret (Conseil national de Sécurité aux USA, Comité Interministériel du Renseignement en France)[iii].

Mais dans les Etats de droit, les services à compétence intérieure, astreints au respect des libertés publiques, agissent sous le contrôle du juge. Les services extérieurs par contre sont légalement autorisés à agir dans l’illégalité. La crise traversée par tous les services de renseignement des pays occidentaux dans les années 70-80 a commencé avec l’usage de moyens illégaux des services contre des citoyens de régimes démocratiques (Watergate, Opération Chaos, cellule d’écoutes de l’Elysée…), puis contre des mouvements démocratiques : Opération Condor de la CIA en Amérique latine, Irangate pour livrer des armes aux Contras, action contre le Rainbow Warrior de Greenpeace en France…Ce sont des services en crise qui vont affronter les nouvelles menaces. 

 

Les bouleversements des vingt dernières années

La nouvelle mission des services de « guerre économique »  inventée aux Etats-Unis dans l’après-guerre froide doit transposer les méthodes du renseignement dans le domaine économique[iv] au bénéfice d’entreprises privées. Les anciens alliés deviennent des adversaires économiques contre lesquels on utilise les moyens de l’espionnage pour écouter les hommes d’affaires et dévoiler les affaires de corruption[v]. Des services privés se développent dans cette nouvelle mission. Kroll-Marsh Mac Lennan depuis 2005 est le plus important service de renseignement privé de la planète : 11 milliards de dollars  de chiffre d’affaires et 60 000 employés dans une centaine de pays.

Les services, en s’occupant des affaires, découvrent les « affaires ». Missionnés, entre autres, pour dévoiler les pratiques de corruption des entreprises étrangères concurrentes, les services découvrent aussi les rétro-commissions versées à des responsables de leur propre pays à l’occasion de gros marchés d’exportation[vi]. Le phénomène est général et l’implication des élites nationales peut aller jusqu’à la crise politique : Carlos Menem en Argentine, Fujimori le Président et Montesinos le Chef des services secrets au Pérou, le Premier ministre Bettino Craxi en Italie, l’affaire Elf, les arrestations en Allemagne de Holger Pfahls, ancien secrétaire d’Etat, Chef des services de renseignement à la fin du gouvernement Kohl ou du fils de Franz Joseph Strauss[vii]. Peu à peu, les services de renseignement sont conduits à mener des enquêtes de police sur des intermédiaires véreux[viii] mêlant habilement relations d’affaires et relations politiques. Les Etats se retranchent derrière le « secret défense » pour refuser de communiquer au juge la liste des commissions illicites.

Le trafic de drogue et le crime organisé  étaient depuis longtemps des sujets de sécurité intérieure qui appelaient de nouvelles formes d’action de renseignement. La création de la Drug Enforcement Authority aux Etats-Unis ou de Tracfin, organisme français de coordination des services financiers, en était la preuve. Mais pendant la guerre froide, la priorité était militaire et les services extérieurs avaient la primauté. En Afghanistan, la CIA l’emporte contre la DEA qui lutte contre le trafic de drogue et laisse les chefs de guerre trafiquer l’opium librement ; le FBI de Edgar Hoover pourchasse les communistes américains au lieu de s’occuper de la mafia italo-américaine… 

La nouvelle mission, donnée aux services spéciaux, de lutte contre l’argent sale du crime organisé, va vite rencontrer ses limites. La géopolitique du grand banditisme et de l’argent sale est celle des paradis fiscaux, des grandes places financières et des activités bancaires informatisées : changement d’objets, de géographie et de méthodes pour un système peu préparé à cette nouvelle tâche…La recherche sur les aspects financiers des trafics se heurte aussi aux pratiques du monde des affaires qui utilise les mêmes réseaux que ceux du blanchiment[ix]. En 1999, le gouvernement américain s’oppose à une Convention dans le cadre de l’OCDE destinée à imposer la transparence aux paradis fiscaux pour ne pas gêner l’activité de ses businessmen. Si bien que la déclaration de « guerre globale contre l’argent du terrorisme » trouve des services dépourvus de moyens adéquats pour traquer les flux financiers de Ben Laden. Selon le Congrès américain, à peine 140 millions de dollars provenant des réseaux du terrorisme auraient été bloqués en 2005.

Dans ces nouvelles missions, les règles des services étatiques ne sont plus d’actualité et peuvent devenir très violentes : un certain nombre de morts français et taïwanais[x] dans l’affaire des frégates de Taiwan montre que l’agent secret a perdu son statut protecteur. Idem pour le général Dalla Chiesa en Italie, rendu célèbre par ses succès dans la lutte contre le terrorisme d’extrême gauche, mais assassiné par la Mafia quand il voulut appliquer les mêmes méthodes à la lutte contre la « pieuvre ». Les services tournés vers la guerre économique affichent un certain dédain pour les « zones grises » dans lesquelles se pérennisent des crises devenues sans enjeu comme en Afghanistan ou au Soudan [xi].

Terrorisme et prolifération des armes de destruction massive, les menaces d’aujourd’hui sont devenues transverses, de dimension supranationale par leur organisation, leurs filières et leurs objectifs et bouleversent les méthodes traditionnelles. La distinction renseignement extérieur / renseignement intérieur ici aussi est dépassée. Le terrorisme d’Etat des années 70-80 a laissé la place au « terrorisme sans frontières ». Les moyens techniques perdent en partie leur intérêt. Les réseaux terroristes sont des milieux humains qu’il faut pénétrer, sans logistique lourde pour lesquelles photos satellites et interceptions téléphoniques sont souvent de peu d’usage. « Nous n’avons aucune confirmation photo » s’entend dire Robert Baer par un fonctionnaire suspicieux de la CIA, quand il informe Washington de combats en Irak auxquels il a personnellement assisté[xii]. « L’intelligence » stratégique des organisateurs des attentats du 11 septembre résidait dans la rusticité des moyens utilisés contournant ainsi tous les indicateurs d’alertes usuels : moyens civils, cibles civiles, objets usuels et aucune arme, des militants sans passé politique connu. A partir d’un réseau logistique à cheval sur plusieurs frontières, Ben Laden a pris les services trop spécialisés et mal coordonnés à contre pied. Khalid Al Mahar et Nawaq al-Hamzi, deux terroristes recherchés pour l’attentat contre l’USS Cole d’août 2000, vivaient tranquillement à San Diego et participèrent à la préparation des attaques du 11 septembre.

Même difficulté pour la prolifération. Si le nucléaire nécessite des infrastructures lourdes facilement décelables par moyens techniques, les proliférations chimique, bactériologique et biologique peuvent se développer dans des conditions techniquement indétectables. Le précédent irakien avait déjà valeur d’exemple. Les premières missions onusiennes d’inspection travaillant sur images satellites américaines croyaient, en 1995, avoir fait le tour des programmes d’armes de destruction massives de Saddam. La fuite de Kamel Hassan, le gendre du dictateur permit de découvrir qu’on ne savait presque rien de ce qui n’était pas le nucléaire et qui pouvait se dissimuler dans des contextes banals comme des hôpitaux ou des usines chimiques.

 

Une réforme impossible sans remise en question des principes fondateurs

Aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et en Espagne, la crise des services de renseignement consécutive aux attentats s’est doublée d’une crise politique. C’est donc au moment où les démocraties confrontées à des graves menaces contre lesquelles les services de renseignement sont indispensables, que le dégât est le plus profond. C’est la fin d’une époque du renseignement. La réforme supposerait une remise en question de certains principes de base : nouvel objet, nouvelles méthodes, nouveaux contrôles démocratiques.

Depuis quinze ans, les grandes démocraties ont affronté une variété imprévisible de crises dispersées à travers le globe : première guerre contre l’Irak, puis les Balkans, la Somalie et le Rwanda, le Timor et Haïti avant de revenir vers l’Afghanistan et l’Irak ou la République Démocratique du Congo et la Côte d’Ivoire (l’Iran et la Corée du Nord restant toujours en veille ; de même que l’Afrique francophone). Aucun réseau permanent et fixe ne pouvait couvrir totalement la nouvelle géopolitique des crises et des nouvelles actions internationales. Le renseignement de crise et de sécurité, demandé maintenant, obéit à des contraintes nouvelles : comprendre la multiplicité des acteurs, parfois alliés parfois rivaux ; couvrir la diversité des crises ; s’adapter aux nouvelles formes d’actions du pouvoir politique qui peut décider d’intervenir sans préavis dans des zones sans réel enjeu (Timor, Somalie), parfois seul (Rwanda), parfois en coalition (Afghanistan). De donnée stratégique militaire, le renseignement est devenu paramètre d’une décision politique imprévisible. Le pouvoir n’a pas fait de choix véritables exigeant toujours plus des services pour anticiper, sans éviter les contradictions structurelles entre les différentes missions nouvelles[xiii].

La sécurité internationale ne se joue plus aujourd’hui dans la suprématie militaire mais dans l’évaluation des crises et des menaces dont les acteurs ne sont pas seulement des Etats, mais aussi des groupes unis par des solidarités nouvelles, des « e-communautés », avec des stratégies mondiales et multisectorielles. « Je ne combats pas le communisme en oubliant le péril venu d’Occident » disait déjà Ben Laden en 1995 dans une interview. Ils utilisent souvent des moyens de communication banalisés (Internet, portables) parfois à partir de zones sans Etat et travaillent indifféremment à travers les frontières. Le renseignement de sécurité naît de la synthèse d’approches différentes, suppose un gros travail d’évaluation des crises et de la stratégie des acteurs et se fonde sur des évaluations et des synthèses plutôt que sur des images satellites et des données pointues. Il s’obtient peut-être plus par contact direct humain que par moyens techniques. Le renseignement de sécurité est devenu un continuum synthétisant la surveillance de groupes à l’intérieur des frontières et leurs contacts avec d’autres groupes à l’étranger. Face à ces ennemis nouveaux, la géopolitique du renseignement change.  Longtemps, la CIA n’avait pas le droit d’enquêter en Arabie saoudite, grande alliée américaine, comme sur l’Iran du Shah avant la révolution islamique. Aujourd’hui, il faut collaborer avec des pays ou des services aux comportements troubles à divers titres : Indonésiens et Pakistanais vis-à-vis des islamistes, Pakistanais vis-à-vis du trafic de drogue et de la prolifération nucléaire…

L’explosion de la société de l’information a également bouleversé le travail du renseignement. Il était auparavant aisé de faire le tour des connaissances ouvertes sur l’Union soviétique et de qualifier de « renseignement » tout ce qu’on trouvait sur le sujet. Le recensement exhaustif de l’information ouverte est aujourd’hui indispensable avant de consacrer les moyens propres du renseignement[xiv]. Le Sénat américain a fait l’expérience de recenser l’information disponible sur Internet dans une simulation de crise et l’étude montre que 90 % de l’information utile est accessible sur le web[xv]. Les Etats-Unis veulent constituer un grand service de documentation à vocation interministérielle travaillant à la commande pour toutes les administrations pour mener une analyse systématique et cohérente des sources ouvertes. Le renseignement devient une activité humaine proche de l’intelligence économique avec l’importance des experts extérieurs au milieu du renseignement qui connaissent bien et mieux les zones et se déplacent facilement.

D’autre part, certains moyens du renseignement se sont privatisés, mettant fin en partie aux monopoles étatiques. La commercialisation d’images satellitaires permet ainsi un accès incontestable à des données autrefois qualifiées de « renseignement ». La Commission de Bruxelles a demandé une étude sur le potentiel nucléaire iranien à un institut privé d’études spécialisé dans l’analyse d’images satellites. La finesse et la précision du rapport sont aussi grandes que celles de la CIA ou du MI6.

Enfin, de nouveaux contrôles démocratiques sont devenus indispensables. La communauté du renseignement doit progressivement inclure les services des Douanes et du Trésor. La collaboration entre diverses administrations est encore faible. Depuis le 11 septembre, la priorité de sécurité fait que le renseignement interne oriente l’externe. Mais cela crée un risque certain pour les principes démocratiques. La loi américaine dite « Patriot Act » votée pour accroître la sécurité du territoire américain permet le rapprochement de renseignements collectés à cette fin à l’étranger (données individuelles biographiques, financières et biométriques, données marchandes) sur tout individu, qu’il soit américain ou pas. Le (ou les) directeur du service de renseignement rend toujours compte au plus haut niveau de l’Etat. Le risque de « politisation » des services est alors grand comme le montrent les manipulations qui ont précédé l’invasion de l’Irak et les démissions qui ont frappé la CIA après l’arrivée de Peter Gross, nommé par George Bush. L’organisation actuelle présente deux défauts : l’absence d’évaluation réelle des prestations, et surtout de contrôle démocratique. Les  rapports parlementaires proposent tous une meilleure coordination entre services. Idée ancienne qui n’a jamais fonctionné réellement. Seules,  des procédures d’évaluation externes et de préférence parlementaires permettraient de juger de l’efficacité réelle des dispositifs. Certains parlementaires, comme Paul Quilès ou Edouard Balladur, s’en sont émus mais sans grand résultat. Il est vrai qu’un contrôle parlementaire mal conçu peut aussi susciter des difficultés très sérieuses comme ce fut le cas dans les années 80 aux Etats-Unis. Cela ne semble cependant pas suffisant pour en refuser le principe.

 

Conclusion

Le sénateur Pat Roberts avait  proposé de faire éclater la CIA en différents services. Certaines démocraties comme les Pays-Bas ont un  temps considéré que la fin de la guerre froide rendait inutiles les services. Le débat a été clos par l’assassinat de Théo Van Gogh.

Le président Bush, en mentant sciemment sous le couvert de rapports tronqués prétendument issus de la CIA, a pris le risque de décrédibiliser ses propres services sur le plan international. Même le Coréen Kim Jong Il pourra légitimement contester les affirmations américaines. Le roi est nu. Il faut regretter que l’Europe, puissance sans ambition impériale, reste un nain politique en la matière.

Pierre Conesa, directeur général de la Compagnie européenne d’Intelligence Stratégique (CEIS) 

NDLR: Cet article de Pierre Conesa a été initialement publié dans le numéro 25 de la revue AGIR, en mars 2006. Nous remercions la direction de la revue AGIR, revue générale de stratégie, publiée par la Société de Stratégie, 21 rue Henri Barbusse, 75005,  Paris, France. Nous vous invitons à visiter son site web : www.societe-de-strategie.asso.fr

Notes :


[i] -« Report on the US intelligence community’s prewar intelligence assessments on Iraq », Selected committee on Intellligence du Sénat, Président Pat Roberts, 7 juillet 2004, site : www.Intelligence.senate.gov

[ii] Aux Etats-Unis mais aussi en Grande Bretagne et en Australie après Bali, en Espagne après le 11 mars. Voir en particulier les rapports américains et britanniques sur la préparation à la guerre en Irak :

- “Rapport Hutton : investigation into the circumstances of the death of David Kelly” (www.the-hutton-inquiry.org)

-   Review on Intelligence on Weapons of Mass destruction”. Report of a Committee of Privy cousellors, Chairman Lord Butler 2004.

- “ the 9/11 commission report, final report of the national commission on terrorist attacks, upon the USA”.(www. 9/11commission.gov)

[iii] Dix occasions d’actions coordonnées ratées de nature à empêcher les attentats du 11 septembre selon le rapport du Congrès américain sur le 11 septembre.

[iv] Voir Szilberzhan - Guisnel : Au cœur du secret, Fayard 1995.

[v] L’accord Szilbershan - Casey met fin (au moins facialement pour ce qui concerne les Etats-Unis) aux espionnages réciproques.

[vi]   Voir Robert Baer, La chute de la CIA, JC Lattès, février 2002 : pages 337-338, et 356-61

[vii] Sur un marché entre l’Allemagne et le Canada !

[viii]   Voir Karl Laske, Des coffres si bien garnis, Denoel, 2004 et les notes de la DGSE citées p 132 et 133. 

[ix] Voir le rapport de novembre 1999 fait par les services spéciaux allemands sur le Liechtenstein, dévoilé par Der Spiegel et cité par le Monde du 26 février 2000.

[x]  Mort de Thierry Imbot et du colonel taiwanais Yin Chin Feng par exemple.

[xi] Un seul agent dans la CIA parlait pashtoune quand George Bush décide de la guerre contre ce pays et quatre agents doubles en Irak avant la guerre selon le rapport du Congrès « assessing …. »

[xii]  R Baer, op. cit. p 303.

[xiii] Dans le fonds Carlyle, entreprise de guerre économique créée par la CIA pour prendre des participations dans des entreprises étrangères de technologies critiques, un des membres de la riche famille Ben Laden était actionnaire.

[xiv]  Voir en particulier les rapports faits par l’OTAN (Nato open source intelligence, novembre et  février 2002) et à l’initiative des Américains (Intelligence exploitaiton of the Internet, oct 2002), www.osint.net.

[xv] Rapport  Aspin-Brown : « Burundi exercise », www.osint.net.

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Date de la mise en ligne: novembre 2006

 

 

 

   

 

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