Synthèses rédigées par Marie-Caroline Reynier en Master à Sciences Po Paris ; Anna Monti, en Master à l’ILERI ; Alix Delorme en communication multilingue et les Relations Internationales à l’ISIT (Paris) ; Jeanne Durieux en Master "Métiers de l’information" à Science Po Aix ; Josué Chaussuée en Hypokhâgne à la Prépa ENC Blomet (Paris), en Khâgne au lycée Chaptal (Paris). Secrétariat de rédaction : Anna Monti, contributrice au Diploweb depuis novembre 2020, elle produit des synthèses de conférences et a également effectué des missions de rédaction.
Voici les précieuses synthèses de 11 conférences ou visioconférences de référence retraçant les contours de grands questionnements géopolitiques et internationaux. Trois thèmes majeurs sont abordés : Entre puissance, indépendance et souveraineté (I) ; Les enjeux de la terre, de la mer et du spatial (II) ; Gouvernance, influence et conflit : les risques (III).
Le Diploweb.com publie cette quatorzième édition dans l’intention d’étendre dans l’espace et le temps le bénéfice de ces moments d’intelligence du monde. Faire rayonner l’intelligence du monde, c’est dans l’ADN du Diploweb.com. Bonne lecture.
L’autonomie stratégique européenne (A) ; La construction d’une Union européenne de la Santé (B) ; Reconquérir une indépendance stratégique dans les secteurs d’activités d’importance vitale (C).
Visioconférence organisée par l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN), le 31 mai 2021. Intervenant : Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères (1997-2002, France). Synthèse par Anna Monti.
Hubert Védrine introduit cette conférence en mettant en lumière la complexité du terme « autonomie ». En effet, il est construit dans une approche franco-française qui n’est pas forcément claire pour la communauté internationale ni même pour les partenaires européens. Il poursuit en rappelant la forte corrélation entre stratégie et défense et il offre une définition de l’autonomie stratégique, concept très souvent abordé depuis quelques mois. Selon lui, celle-ci touche tous les domaines : le numérique, l’économie, les technologies…
L’autonomie stratégique
Pourtant, cette autonomie stratégique n’est pas réalisable à tous les niveaux. Si la société prend aujourd’hui conscience de notre dépendance dans les milieux spécialisés, elle n’est pas pour autant nouvelle, notamment dans les domaines de la sécurité et de la défense. L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), créée en 1949, assure la responsabilité de ce segment. Bien que contraire à la doctrine américaine, tous les aspects fondamentaux de la construction européenne ont été pensés par des Américains.
Aujourd’hui, la France aimerait que cette autonomie stratégique possède une dimension militaire. Quasiment l’ensemble des partenaires européens s’est montré défavorable à cette idée car elle leur paraît illusoire voire dangereuse. Irréaliste car face à une menace classique, aucun pays européen ne pense que l’Union européenne (UE) est capable de se défendre et dangereuse puisque cela inciterait les États-Unis (EU) à se retirer.
Il serait plus pertinent de ne pas placer cette ambition en tête de liste pour se concentrer davantage sur le développement de coopérations, d’actions collectives à l’extérieur et de rapprochements industriels et technologiques. Hubert Védrine recommande finalement plus de pragmatisme sur ce concept. Effectivement, préserver l’autonomie stratégique dans des domaines où elle n’existe plus n’est pas réaliste. L’UE a mis très longtemps à comprendre dans quel monde elle se construisait, elle n’a plus la même position et doit par exemple conjuguer dans un monde où les EU et la Chine dominent. Un autre exemple est celui de la bataille du numérique qui a été perdue par les Européens jusqu’à présent. Cependant, il n’est pas trop tard, il faut penser à l’après 5G, se projeter, mettre en place une stratégie pour revenir dans la course. Ainsi, acquérir une autonomie stratégique est encore envisageable dans certains secteurs mais pas dans le domaine militaire.
La souveraineté européenne
M. Védrine propose alors de se focaliser sur la notion de souveraineté, moins dangereuse, plus adaptée à la situation européenne et plus soucieuse du contexte américain. Les Américains reviennent dans le jeu multilatéral et ce n’est pas pour soutenir l’autonomie stratégique européenne. Par exemple, dans la bataille que se mènent les EU et la Chine, l’UE doit trouver sa place, conserver une marge de manœuvre. Voilà pourquoi, il serait plus pertinent de reformuler l’autonomie stratégique autour de l’objectif de souveraineté et de réduction des dépendances.
En effet, la crise de la COVID-19 a mis en lumière nos dépendances excessives et la dangerosité de vivre dans une économie à flux tendu. Un thème très souvent abordé actuellement est celui de la relocalisation pourtant, selon lui, elle sera très minime. La vraie question porte sur la diminution des dépendances notamment pour les développements nouveaux, les technologies, le numérique, « l’écologisation », qui sont des domaines très stratégiques et essentiels. Il pense aux batteries, aux énergies renouvelables, à la fusion nucléaire ou encore à l’avion à hydrogène. Pour ce faire, il serait judicieux d’entreprendre une diversification des fournisseurs, afin de diminuer les risques. Un autre élément va être pris en compte dans le monde de demain, il s’agit des coûts écologiques qui ne seront plus externalisés. Les traités commerciaux ne seront plus ratifiables par les Européens s’ils ne disposent pas d’une dimension écologique, explique-t-il. La politique commerciale à outrance qui consistait à séparer l’aspect commercial de tout le reste ne fonctionne plus, néanmoins cela ne signifie pas que plus aucun accord ne sera signé.
Ensuite, il se pose en Europe, un problème d’acceptabilité de la puissance européenne. Il y a eu un tournant mental suite aux deux guerres mondiales et à la période coloniale. Le concept de puissance a été pensé très négativement, comme quelque chose dont il fallait s’éloigner. L’UE doit redevenir une puissance qui défend ses intérêts, mais cela n’est pas évident. La France doit notamment laisser de l’espace aux autres pays européens. Néanmoins, la puissance nucléaire européenne reste assurée par la France. Sur ce sujet, elle ne doit pas céder, car en partageant cette puissance elle risquerait de ne plus avoir ce pouvoir de dissuasion qui fait tout l’intérêt de l’arme nucléaire.
Concernant la relation triangulaire UE-EU-Chine, autre facteur potentiel de puissance, H. Védrine propose d’apporter son éclairage. Selon lui, les Européens ne souhaitent pas forcément devenir une vraie puissance, cela les effraie, de plus, c’est cher et compliqué. Il n’y a pas la dynamique générale et nécessaire pour atteindre cet objectif. Il est peut-être davantage question d’une recherche de puissance dans certains domaines économiques. Ainsi, si une certaine marge de manœuvre est possible avec la Chine, ce sont avec les EU que les Européens partagent leur modèle, d’où la stratégie Indo-Pacifique. L’UE peut donc jouer un rôle de régulateur auprès de la Chine. Joe Biden ne mène pas une stratégie à la Obama mais plutôt à la Clinton. Il espère que les Européens vont réussir à dialoguer avec la Chine, l’avertir, la dissuader et la contrebalancer.
Enfin, deux directions de la défense sont à étudier. Celle de l’OTAN, principalement focalisée sur la Russie et la Chine et celle de l’UE en Méditerranée. Le discours envers la Russie doit être ferme tout en restant ouvert au dialogue, l’idée n’est pas de ne plus échanger avec elle. Globalement, l’OTAN doit se préoccuper de toutes les menaces, quelques soient leur nature ou leur provenance. H. Védrine fait ici référence à la Chine. Pour autant, l’alliance ne doit pas se transformer en machine militaire et opérationnelle, d’après lui. Au Sud, il y a également une machinerie de l’OTAN qui n’est pas forcément demandée. Dans cette région, il est davantage question de faire du cas par cas, en fonction de telle ou telle crise, les questions et les solutions diffèrent. Le Sahel est par contre une zone où seule la France a vraiment de l’impact. À terme, il n’y aura pas une réponse unique mais plusieurs décisions prises pour savoir si cela revient à l’OTAN ou à l’Union européenne de s’en occuper.
Visioconférence organisée par Confrontations Europe, la Maison de l’Europe de Paris et Hebdomadaire Santé, le 3 mars 2021. Intervenants : Olivier Bogillot, Président de Sanofi France ; Anne Bucher, DG santé de la Commission européenne d’octobre 2018 à octobre 2020 ; Jean-Marc Cavaillon, Professeur honoraire – Institut Pasteur ; Nathalie Colin-Oesterlé, Députée européenne ; Philippe Juvin, Professeur de médecine et Président du Mouvement européen des Hauts de Seine et Jérôme Descheirder, partenaire et associé chez MEDEVICE Capital. Modérateur : Thuy-Diep Nguyen, Rédactrice en chef adjointe, Challenges. L’objet de cette conférence est d’interroger de manière constructive le concept d’une Union européenne (UE) de la Santé. Synthèse rédigée par Jeanne Durieux.
Ce concept d’Union européenne de la santé, abordé par Ursula Von Der Leyen l’été 2020, implique le développement d’une politique d’achat de vaccins, pourtant jusqu’à aujourd’hui la santé ne faisait pas partie des compétences de l’UE. Un changement de paradigme s’opère, la santé devient un sujet d’autonomie stratégique évident.
L’Europe a-t-elle failli ?
Jean-Marc Cavaillon affirme que c’est la suffisance des humains, et non l’UE, qui est coupable. Olivier Bogillot, lui, ajoute que l’UE, contrairement à d’autres pays, n’était pas la zone la plus préparée. La crise de la Covid-19 est à l’origine d’une forme d’accélération dans le développement de structures. En effet, en quelques semaines, une structure attitrée à la santé a été créée afin de procéder à une commande simultanée de vaccins. À présent, il faut la maintenir. Anne Bucher souligne à son tour que l’UE n’a pas été historiquement construite pour gérer une Union de la santé. Si au début de la pandémie la gestion a été très chaotique, dès mars 2020, les pays membres ont reconnu qu’une coopération aiderait. Enfin, Jérôme Descheirder rappelle qu’on a parlé d’effort de guerre. Or, nous n’avons pas assisté à une réquisition des moyens industriels, à un investissement massif dans la recherche ou à une gestion des données personnelles pour tracer, tester et isoler et garantir plus de liberté.
On dit souvent, à juste titre, que la France excelle dans le domaine de la recherche mais qu’elle est obligée d’aller se financer ailleurs. Nous faut-il une BARDA [1] européenne ?
Selon O. Bogillot, une BARDA européenne est effectivement nécessaire. En période de crise, la capacité de libérer des fonds et de progresser rapidement est essentielle. L’UE est bel et bien en retard, c’est pourquoi U. Von Der Leyen a annoncé la création de HERA [2], un équivalent de BARDA. Il faut un choix politique assumé, faire des sciences pharmaceutiques un secteur stratégique et produire des vaccins européens exportés en Europe. Pour J. Descheirder, le problème est que les sachants ne sont pas accompagnés et que les finançants ont peur du risque. Le tissu industriel existe bien mais il faut qu’il émerge de l’industrie de la santé des exemples de projets, trouvant leurs sources et leurs débouchés au niveau européen. J-M Cavaillon prône, quant à lui, une approche intégrée associant la recherche, les essais cliniques et le développement.
Au niveau général, quel est le rôle de l’industriel dans la construction européenne ?
Trois intervenants proposent d’apporter leur éclairage sur son rôle. D’abord, O. Bogillot définit l’industriel comme un acteur avec de grandes capacités de production dont le rôle serait de garder ces capacités en Europe. Ensuite, Nathalie Colin-Oesterlé, en raison des pénuries européennes de médicaments, multipliées par 20 entre 2000 et 2018, souhaite encourager la stratégie pharmaceutique européenne et faire de la sécurité de l’approvisionnement, un critère aussi prioritaire que le prix dans les appels d’offres. Cette vision implique que l’industriel doive privilégier le territoire européen pour sa production, néanmoins cette relocalisation nécessite alors forcément des aides financières. Philippe Juvin partage cette idée, il considère que le marché intérieur est ce qui marche le mieux dans l’UE. Cependant, une des grandes difficultés de l’UE réside dans le comportement des États membres qui continuent à défendre en permanence des opt-out et à refuser l’homogénéisation. Quelque part, il faut davantage fédérer.
Quels seraient les éléments prioritaires dans la construction européenne ?
Pour Anne Bucher, les essais cliniques sont un élément important mais la transparence du marché des médicaments l’est tout autant. Les systèmes de santé doivent indiquer leurs besoins essentiels pour s’accorder avec l’industrie pharmaceutique.
Olivier Bogillot, opte pour l’investissement massif des pouvoirs publics dans les institutions de recherche, afin de développer des clusters. La transparence des prix doit également être étudiée face au danger d’aller voir ailleurs : les marchés chinois proposent des prix impossibles à concurrencer. Enfin, la croissance est à surveiller puisque sans croissance, il ne peut y avoir d’investissement. P. Juvin souligne une absence significative du secteur de la science et de facto des scientifiques dans les instances gouvernementales. Le développement d’un écosystème intellectuel est essentiel pour rester attractif. Jérôme Descheirder affirme quant à lui qu’il faut penser la stratégie de l’offre et de la demande. Il est compliqué pour un industriel de savoir si son dispositif saura s’intégrer dans le flux financier. Il propose que les ajustements budgétaires proposés par la France aient plutôt lieu sur le plan européen. Enfin, la gestion des données est essentielle.
Pour N. Colin-Oesterlé, il faut apprendre à de nouveau produire des substances actives en Europe.
L’UE doit-elle faire un saut fédéral ?
J. Descheirder pense que ce serait une perte de temps d’harmoniser les systèmes existants, il penche pour une construction étape par étape du prochain système de santé.
Alors que P. Juvin considère qu’un des défauts de la construction européenne réside dans le fait qu’elle ne se vit pas comme une puissance mais comme un marché intérieur. Il conseille donc de mettre en place une géostratégie pour retrouver son indépendance.
Que peut faire la présidence française (du Conseil des ministres) de l’UE (PFUE) à venir au premier semestre 2022 pour la construction d’une UE de la santé ?
Anne Bucher propose un renforcement du mandat de l’Institut de surveillance épidémiologique et l’attribution de plus de compétences à l’Agence européenne des médicaments (EMA). Une grande réflexion sur l’industrie pharmaceutique s’avère nécessaire.
J. Descheirder, lui, trouve nécessaire de s’interroger sur le rôle du vaccin comme bien public mondial, alors que pour certains pays le vaccin est devenu un enjeu géopolitique.
O. Bogillot rejoint J. Descheirder et souligne qu’il faut rester vigilant face au risque de retomber dans nos vieux travers de suradministration et de contrôle quand les crises se terminent.
Visioconférence organisée par la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, le 11 mars 2021. Intervenants de la première table : Xavier Pasco, Directeur de la FRS ; Frédéric Coste, Maître de recherche à la FRS ; Joffrey Célestin-Urbain, chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économique industrielle et technologique au Ministère de l’Économie et des Finances et de la Relance et Adorine Toumon, déléguée à l’information stratégique et à la sécurité économiques à la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi à la Réunion. Modératrice : Elisande Nexon, maître de recherche à la FRS.
Intervenants de la seconde table : Isabelle Tisserand, coordinatrice défense et sécurité à la Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) ; Guillaume Adam, Directeur des Affaires européennes et numériques de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication ; Luca del Monte, responsable du pôle politique industrielle et PME à l’Agence spatiale européenne ; Franck Mouthon, président de France biotech et directeur général de Theranexus et Marie-Pierre Van Hoecke, membre du conseil d’administration de la FRS. Modérateur : Frédéric Coste. Synthèse par Josué Chaussée.
Dans un contexte de fortes tensions géopolitiques et de guerre commerciale sino-américaine, la crise de la Covid-19 et ses répercussions sanitaires, économiques, sociales et politiques ont amplifié l’impact des phénomènes d’interdépendance. Elles ont fait prendre conscience des vulnérabilités qui fragilisent certains secteurs d’activités concourant directement à la satisfaction des besoins essentiels, à la sécurité et à la capacité de résilience de notre pays. L’objectif de ces deux tables d’étude est d’explorer les défis et les perspectives d’évolution vers une plus grande indépendance stratégique nationale, voire européenne dans des domaines d’activités clés tels que la santé, la recherche et les communications électroniques.
Les origines et les évolutions du concept de souveraineté stratégique
Selon Frédérique Coste, le concept de souveraineté stratégique peut s’illustrer par l’image d’une fusée à deux étages. En effet, il s’agit dans un premier temps d’identifier les secteurs clés où l’on a besoin de cette autonomie pour ensuite, dans un second temps, pouvoir assurer cette indépendance stratégique. Cela nécessite de construire une relation étroite entre le privé et le public à l’échelle nationale aussi bien qu’à l’échelle internationale ou européenne. L’expression « souveraineté technologique [3] » a été intégrée au lexique institutionnel européen. Une collaboration profonde entre les pays de l’UE est donc primordiale pour garantir à l’échelle du continent la souveraineté stratégique.
Par ailleurs, l’importance de la vision politique est aussi un enjeu de taille dans la définition d’une stratégie d’indépendance souveraine. La vision politique constitue une composante de l’identité européenne à venir. L’approche conceptuelle est donc décisive pour compléter les visions qui sont en générales plus sectorielles.
À l’échelle de l’Union européenne
La Commission européenne ajoute deux dimensions à la politique de souveraineté technologique.
La première est interne et concerne le développement des filières technologiques européennes dans un souci de collaboration renforcée, à condition qu’il n’y ait pas de dépendance unilatérale. Cette notion a d’ores et déjà été mise en œuvre dans des programmes militaires, de cybersécurité ou de stockage de données. La Commission injecte des fonds et essaye de coordonner ces sujets.
La deuxième est externe et a pour objectif de se protéger de la concurrence déloyale. Elle lutte contre les investissements directs à l’étranger (IDE) qui permettent des prédations dans les secteurs stratégiques européens mais favorisent les partenariats lorsque les acteurs sollicités partagent les valeurs européennes. L’UE doit se voir comme une fédération d’États stratèges dont l’indépendance stratégique relative de chacun doit constituer un des fondements de son équilibre général.
L’Union européenne à l’heure du défi spatial
Dans le domaine du spatial, il s’agit d’aboutir à une convergence de l’économie spatiale avec celle du digital. Alors que le spatial est un secteur conservateur dans le domaine technologique, la culture digitale, elle, est déjà prête à l’innovation. Le premier nécessite une plus grande coopération interétatique et une globalisation de ses activités. Mais alors, quels sont les risques potentiels dans ces deux secteurs ?
Le spatial est aujourd’hui devenu un secteur commercial à fort potentiel lucratif. Les milliardaires de la Silicon Valley l’ont bien compris et investissent en masse dans ce domaine-là. Le business de l’internet et des données occupe également toutes les attentions. L’enjeu est maintenant de développer des constellations pour l’internet satellitaire. Si toutes les données sont stockées dans le cloud d’un acteur privé, quelle liberté nous restera-t-il ? C’est face à ce défi nouveau de la protection des données digitales que l’UE doit trouver des solutions pour garantir à ses citoyens une indépendance stratégique, bénéfique à ses marchés et à l’abri de tout prédateur potentiel.
Le cas de la France
La souveraineté technologique a été longtemps considérée comme une approche colbertiste et protectionniste face à une mondialisation qui met en danger la souveraineté. Nous avons assisté à une rupture ces dernières années ainsi qu’à une intégration du terme de souveraineté dans notre vocabulaire courant. La 5G n’a fait que renforcer les enjeux de la souveraineté technologique. Elle rebat les cartes de la puissance. En effet, les Américains ne sont plus vraiment les leaders de la 5G.
La France est confrontée au défi de reconquête d’une forme d’autonomie stratégique. La crise de la Covid-19 a fortement mis en évidence les problèmes d’approvisionnement en biens et services de première nécessité et de facto de leurs composants. Le pays n’est pas en proie à un danger de souveraineté technologique majeur mais il est soumis à un fort risque de de dépendance dans le domaine de la santé et lors d’épisodes de tensions extrêmes. Il doit trouver un équilibre entre dépendance et indépendance car dans un monde mondialisé et interconnecté, une souveraineté totale n’est pas possible.
Le pays doit rechercher une interdépendance raisonnée et intelligente, soit redevenir indépendante tout en continuant à se promouvoir et à faire preuve d’intelligence économique opérationnelle. C’est pourquoi sa relation avec l’UE doit constituer un fort levier de soutien, afin d’éviter des phénomènes absurdes de concurrence entre États. La France doit ensuite identifier un certain nombre de marchés clés et les filières émergentes à fort contenu technologique pour se repositionner parmi les pays les plus compétitifs. Cela nécessite la construction d’une stratégie d’accélération, volontariste et collaboratrice. L’identification d’une liste confidentielle de technologies critiques est requise pour éviter les tentatives de prédation et compléter le dispositif de protection économique. Pour lutter contre les ingérences étrangères, le pays doit identifier les acteurs publics sensibles du monde de la recherche, établir des alertes et bloquer certains partenariats de recherche et rachats d’entreprises stratégiques.
La logique d’indépendance stratégique s’applique désormais aussi à de nouveaux domaines de conflictualité tels que le cyberespace. La création en 2009 de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information en est la preuve. Dans le domaine des biotechnologies, les entreprises françaises sont structurées en deux niveaux. Il y a les petites et moyennes entreprises (PME) et les grands groupes qui produisent. Il y a de vraies faiblesses concernant les modes de financement des petites structures. La France fait, par ailleurs, face à des contraintes règlementaires importantes autour de ces structures. Il y a donc beaucoup de freins à lever.
Dans le domaine public, il y a une nécessité d’alignement étroit des différentes politiques publiques, nationales et territoriales. Les tensions se résolvent aujourd’hui au cas par cas. La loi de blocage de 1968 interdit par exemple la diffusion de données ou d’informations économiquement sensibles. L’État possède aussi la capacité d’incitation ou de contrainte à l’investissement face au secteur privé. Les politiques incitatives d’aides à la startup en sont un exemple. Au niveau local, il existe encore un frein étatique. Pour y remédier, l’État déploie des acteurs locaux dont la fonction est d’aider au décollage des entreprises et des startups afin de transformer ces zones en pôles compétitifs. Des dispositifs multiscalaires sont ainsi mis en place entre le niveau local et étatique. Cela souligne le rôle du maillon territorial dans la politique de sécurité économique.
Enfin, la relation entre l’État et les acteurs privés doit être holistique [4]. Dans le cadre d’une interdépendance raisonnée, la présence d’un renseignement économique fort et d’un système de veille puissant sont obligatoires. La France doit adopter une approche stratégique de l’innovation à l’exportation et viser un niveau d’autonomie élevé. L’atout français est d’être performant en amont. Cependant, il faut un tissu économique épais et large pour porter ces innovations sur le marché en France et en Europe. Cela nécessite par ailleurs de relever d’importants enjeux d’industrialisation et de financement à toutes les échelles. L’UE doit donc se réinventer, réinternaliser ses chaînes de valeurs complètes et rebâtir ses capacités de production.
La France est un des principaux moteur du changement de paradigme en cours à Bruxelles. Le choix de l’indépendance stratégique est aussi un choix de société nécessitant une mobilisation à tous les niveaux et échelles dans une perspective à la fois de court terme et de long terme.
Les frontières dans un monde global : le cas du Moyen-Orient (A) ; Contexte géostratégique et enjeux maritimes en 2021 (B) ; La Marine française au défi de l’Indo-Pacifique (C) ; L’évolution des enjeux stratégiques dans le domaine spatial (D)
Visioconférence en anglais organisée par Sciences Po Grenoble et Diplomatie, le 26 mai 2021. Intervenants : Daniel Meier, chercheur associé au laboratoire Pacte CNRS, enseignant à Sciences Po Grenoble au sein du master MMO et Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble, chercheur associé à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul. Synthèse réalisée par Marie-Caroline Reynier. Revue et validée par Daniel Meier et Jean Marcou.
D. Meier analyse la crise du COVID-19 comme une opportunité de repenser les frontières tant il est devenu moins aisé de les franchir. À la lumière de ce processus de « refrontérisation », comment penser les frontières dans un monde global ? À travers le cas du Moyen Orient, il s’agit également de se référer au domaine des border studies.
Point de vue historique sur l’émergence des frontières au Moyen-Orient
D. Meier rappelle l’existence d’un référentiel commun concernant l’émergence des frontières en Occident et au Moyen-Orient (M-O). Le traité de Westphalie en 1648 marque un tournant car les frontières deviennent des marqueurs de la souveraineté entre les États. Par la suite, la colonisation ainsi que le nationalisme contribuent à globaliser cette norme géographique. La France et le Royaume-Uni jouent un rôle important dans l’émergence des frontières en imposant 39% des frontières étatiques mondiales. Cette action unilatérale est la cause de tensions et conflits, pour certains toujours en cours, dans de nombreuses régions du monde. Les frontières du M-O en sont l’exemple.
La conceptualisation des frontières par les border studies
En premier lieu, les border studies ont émergé en tant que champ d’études interdisciplinaire centré sur la frontière États-Unis/Mexique. Géographes, anthropologues, politistes étudient les effets de la frontière sur la population locale de part et d’autre. Par la suite, la chute du mur de Berlin en 1989 modifie les représentations, en contribuant à diffuser l’illusion de la fin des frontières dans le monde au cours des années 1990. Cependant, la mondialisation soulève de nombreuses questions quant à la disparition ou non des frontières. La thèse d’Etienne Balibar selon laquelle « les frontières sont partout » souligne l’essor de différents types de frontières au moment où les frontières semblaient disparaître. En effet, la mondialisation est un processus de digitalisation, de diffusion des ressources techniques et des informations, ce qui transforme la gestion des frontières.
La réflexion sur les frontières est influencée par les attentats du 11 septembre 2001 qui renforcent les enjeux sécuritaires et engendrent l’érection de murs, comme le souligne l’exemple du M-O. Sur le plan théorique, le spatial turn permet de concevoir les frontières aussi bien comme des constructions sociales que comme des représentations. Ainsi, les frontières sont appréhendées par le biais de l’intervention d’acteurs variés et non plus seulement par les États.
De ce fait, cette perception de la frontière comme un processus a transformé la manière de désigner les frontières, tout particulièrement dans la langue anglaise, de border (frontière physique) à boundary (frontière symbolique). Le terme bordering (frontiérisation) a également fait son apparition pour évoquer la construction identitaire liée aux frontières à travers un processus d’identification ou de différenciation.
Trois notions clés permettent ainsi de conceptualiser la frontière.
Borderline (frontière physique) : les lignes frontalières ne cessent d’être renforcées depuis le regain des enjeux sécuritaires. Néanmoins, elles se révèlent parfois inexactes, telles que la frontière entre le Liban et la Syrie. De plus, elles peuvent ne pas être matérialisées tout particulièrement dans des espaces à faible densité de population et leur délimitation est encore vectrice de conflits notamment en ce qui concerne les frontières maritimes.
Borderland (région frontalière) : ces régions d’interconnexion constituent des zones de pouvoir éloignées du centre. Cela permet d’adopter une autre lecture de la dynamique centre/périphérie tout particulièrement au M-O. Ces régions permettent d’appréhender des réalités différentes des deux côtés de la frontière et soulèvent l’enjeu de la mémoire de zones transfrontalières.
Networked border (frontière réseau) : ce terme illustre l’impact des progrès technologiques et de la mondialisation sur les frontières. Grâce à la mise en place d’importantes banques de donnés partagées entre les États, les frontières sont dématérialisées. On parle ainsi de pixellisation de la frontière dans la mesure où la frontière est mobile et n’est plus exclusivement rattachée aux territoires. Ce processus est lié à une dynamique d’individualisation de la frontière : chacun porte la frontière avec soi en fonction de son identité. Au M-O, les frontières réseaux s’illustrent comme outil de contrôle des réfugiés. L’absence de dématérialisation et la porosité de certaines frontières constituent néanmoins des limites à ce processus.
Le cas des in-between spaces : des zones tampons aux réalités multiples
Ces espaces peuvent être caractérisés comme des zones tampons relevant de la médiation internationale ou de politiques unilatérales. Ils soulèvent des enjeux de gouvernance mais aussi juridiques concernant le respect des droits des populations. Ils sont également instrumentalisés par certains États notamment au M-O qui choisissent d’étendre leur influence sur un État voisin faible afin de mieux contrôler leurs frontières.
Le cas du Sud-Liban est particulièrement signifiant. En 1978, Israël entame l’occupation de cette zone à la suite d’attaques de commandos palestiniens fedayin contre des populations juives. La résolution 425 des Nations Unies instaure le déploiement de la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL). La mise en place d’une zone tampon par Israël en fait une zone déconnectée de l’État libanais au vu des échanges économiques entre la zone tampon et Israël. Cette zone est également une zone blanche sur le plan juridique comme l’illustre la prison de Khiam, lieu de torture hors de la législation internationale, découverte en 2000.
Jean Marcou prend l’exemple de la politique turque concernant le in-between space en Syrie, espace né des recompositions faisant suite à la défaite de l’Empire Ottoman lors de la Première guerre mondiale. La frontière syro-turque résulte de l’accord Franklin Bouillon négocié par la France (disposant du mandat sur la Syrie) avec le gouvernement provisoire de la Grande Assemblée Nationale de Turquie (avant la création de la République de Turquie) en 1921. En 1938, la France accepte la création de l’État indépendant du Hatay en Syrie, ensuite inclus dans le territoire turc et désormais une province turque.
Face à la porosité de sa frontière et sa difficulté à contrôler les afflux de migrants et de combattants, la Turquie tente de reprendre le contrôle de sa frontière notamment par la construction d’un mur. Elle intervient également militairement en 2016 avec l’opération « Bouclier de l’Euphrate », en 2018 avec l’opération « Rameau d’Olivier », en 2019 avec l’opération « Source de Paix » et en 2020 à Idlib.
Ainsi, la Turquie a créé ce qui peut s’apparenter à une « zone turque » au nord de la Syrie dans la région d’Afrine dans la mesure où la Turquie finance et administre cette zone en dépit de l’existence d’une administration locale. Si elle assure ne pas revendiquer cette zone, elle cherche en réalité à protéger ses intérêts à travers le contrôle de ce territoire.
Pour aller plus loin : Géopolitique des frontières, n°109, Aréion.
Visioconférence organisée par la Fondation Robert Schuman en partenariat avec la Fondation de la Mer, le 19 mai 2021, à propos du contexte géostratégique et des enjeux maritimes actuels. Modérateur : Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman et l’intervenant était l’Amiral (2S) Bernard Rogel, Chef d’État-Major particulier du Président de la République de 2016 à 2020 et Chef d’État-Major de la Marine de 2011 à 2016. Synthèse par Alix Delorme.
Afin d’établir un comparatif, l’Amiral Bernard Rogel a souhaité souligner dans un premier temps que durant la Guerre froide, la situation stratégique était relativement simple : nous avions deux blocs face à face et chaque pays savait dans quel camp il se situait. Dans les années 1990, suite à la dislocation de l’empire soviétique, le monde a connu un grand changement géostratégique : la menace russe semblait enterrée et certains pays de l’ex-pacte de Varsovie ont progressivement rejoints l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). La puissance dominante des États-Unis (EU) n’était alors contestée par personne et la plupart de leurs alliés se contentaient de la protection que les EU se proposaient d’assurer. Le monde connaissait alors un changement de paradigme : le passage d’un monde statique à un monde très dynamique avec une multiplication des crises.
Aujourd’hui, en 2021, nous sommes entrés dans une nouvelle ère stratégique marquée par de profondes ruptures. Le monde est en recomposition stratégique et celle-ci doit, à l’échelle européenne, nous amener à une grande réflexion prospective. Ce sont ces ruptures que Bernard Rogel s’est proposé de nous exposer dans cette visioconférence. Il y a, selon l’Amiral, cinq ruptures stratégiques importantes :
Le retour des politiques de puissance et leur redistribution à l’échelle planétaire : aujourd’hui pour la première fois de notre Histoire, les plaques stratégiques Euratlantiques et Indopacifiques se rejoignent. Il y a également le retour des stratégies d’influence issues des anciens empires. Cette première rupture est doublée d’une fragilisation du multilatéralisme, en effet le rapport de force domine face au dialogue. Beaucoup tentent d’appliquer la stratégie du fait accompli plutôt que de se rendre devant les instances d’arbitrage internationales.
Les conséquences de la mondialisation représentent la seconde rupture. En effet, les flux maritimes ont quadruplé en 40 ans et aujourd’hui plus de 80% de ce que nous consommons au quotidien transite par l’espace maritime. C’est un effet de la mondialisation. B. Rogel explique qu’il faut que nous arrivions à garantir la sécurité de ces flux maritimes, notamment en agissant contre les menaces terroristes, contre la piraterie mais aussi en faisant respecter le principe de libre circulation des navires. Paradoxalement, nous assistons à un retour des frontières maritimes. Cela s’explique par le fait que nous allons de plus en plus vers une industrialisation de la mer : la maîtrise de ressources maritimes constitue ainsi le ferment de nouvelles stratégies de puissance. Certains États se dotent déjà de stratégies maritimes très intrusives et peu en accord avec le droit international. Ça se traduit par une multiplication des zones de friction entre des pays qui se livrent à des activités de démonstration tournant régulièrement à l’épreuve de force.
La troisième rupture est incarnée par une sorte de contraction des temps politiques, militaires et médiatiques. B. Rogel souligne qu’aujourd’hui il faut que les États soient des spécialistes de l’anticipation et de la réaction. Il faut savoir conjuguer sa capacité à aller vite, afin de pouvoir donner une première réponse à un évènement et à sa capacité à garder conscience du temps long.
La quatrième rupture est technologique. Il y a 15 ans, tout le monde parlait de révolution dans les affaires militaires. C’est une idée qu’il faut relativiser : la technologie est un élément important en ce qui concerne les marines cependant en réalité la vulgarisation de la technologie a complètement écrasé cet avantage technologique. Par exemple, aujourd’hui, dans le domaine de la sécurité, la vulgarisation technologique a amené nos adversaires à avoir accès à des technologies comme les messages cryptés, les drones, et ce de manière assez simple. Ensuite, il faut aussi rester vigilant quant à la prolifération : cette vulgarisation technologique a pour conséquence d’amener nombre de pays et d’organisations à un certain niveau technologique. En ce qui concerne les armées il faut éviter le piège du tout technologique : la technologie est importante mais il faut trouver la juste balance entre haute technologie et format. Le coût de la technologie étant tellement prohibitif que ça réduit considérablement les formats.
La dernière rupture concerne le changement de nature des conflits. La vision que nous avons des conflits doit évoluer : ils étaient majoritairement militaires dans le passé, aujourd’hui ils sont hybrides et regroupent beaucoup d’autres choses, ils sont devenus plus complexes que par le passé.
Parmi ces grandes ruptures, la partie maritime sera importante, il suffit d’observer l’importance de l’Indo-Pacifique pour se rendre compte que l’accent est mis sur le cyber et sur le maritime. La question qu’il faut se poser désormais concerne aussi la souveraineté : il faut que l’on ait une réflexion stratégique au niveau français et européen pour savoir ce que l’on veut conserver, ce que l’on veut déléguer et ce que l’on peut abandonner. Si nous ne procédons pas à cette réflexion, nous courons le risque de laisser les autres États prendre de l’avance sur nous. Le dernier point sur lequel Bernard Rogel a souhaité insister est celui de l’Europe de la défense : il insiste sur la nécessité de se poser la question de l’harmonisation de nos politiques étrangères.
Visio-conférence organisée par l’Institut français des relations internationales (IFRI), le 17 juin 2021. Intervenant : Amiral Pierre Vandier, Chef d’État-Major de la Marine Nationale. Synthèse réalisée par Marie-Caroline Reynier.
En préambule, l’Amiral P. Vandier souligne l’importance prise par la thématique de l’Indo-Pacifique comme l’illustre sa forte présence médiatique mais également la mission d’information parlementaire sur les enjeux de la défense en Indo-Pacifique dont les co-rapportrices sont Mme Michel-Brassart et Mme Trastour-Isnart.
Pourquoi l’Indo-Pacifique est-il en train de passer sur le devant de la scène ? L’Indo-Pacifique n’est pas un sujet nouveau puisque la zone était au centre des préoccupations européennes au XVIème siècle à travers les expéditions maritimes portugaises, espagnoles, hollandaises, françaises, anglaises. Aujourd’hui, l’Indo-Pacifique représente 60% de la population mondiale, 1/3 du commerce international et revêt des préoccupations sécuritaires majeures. Le glissement progressif de l’attention vers l’Asie depuis les années 2010 fait de l’Indo-Pacifique un sujet stratégique essentiel. Le « pivot » asiatique (rééquilibrage souhaité de la diplomatie américaine vers l’Asie-Pacifique) du président américain Barack Obama en a été un élément clé.
L’importance prise par l’Indo-Pacifique est due notamment à la transformation des rapports entre l’Occident et l’Asie. En effet, la forte croissance économique des pays de la zone Indo-Pacifique en fait une place centrale. Dès lors, après 15 ans de croissance économique continue, la Chine réaffirme son intérêt pour les questions maritimes. Dans son Livre blanc de mai 2015, elle écrit que « l’idée traditionnelle, selon laquelle les enjeux terrestres auraient plus de poids que les enjeux maritimes, doit être abandonnée ». Depuis 2005, la Chine se développe fortement sur le plan naval pour inverser l’équilibre des forces avec la marine américaine (US Navy). La marine chinoise (PLAN) comporte ainsi plus de plateformes que la marine américaine. Le rythme de développement de la marine chinoise est très soutenu : il est équivalent à celui de la marine française tous les 4 ans.
Ce changement de cycle extrêmement dynamique se caractérise par une quête de puissance dans les espaces communs (mer, cyberespace, espace extra-atmosphérique) qui possèdent des propriétés communes telles que leur isotropie, la forte présence de technologie et leur caractéristique juridique de bien commun. La compétition suscitée concerne tous les domaines et met en difficulté le système international hérité de la fin de la Seconde guerre mondiale. En effet, le rapport au droit international est transformé par la contestation des conventions internationales par les signataires eux-mêmes. La poldérisation des atolls crée des zones de mer territoriale qui sont ensuite sanctuarisées. Les espaces communs sont donc progressivement territorialisés. En outre, la focalisation sur l’Indo-Pacifique suscite non seulement des espaces lacunaires ailleurs mais accentue également une course aux armements généralisée dans cette zone. Le développement de planeurs hypersoniques par les États-Unis (EU), la Russie, la Chine, la France illustre la recrudescence de la compétition militaire.
Ainsi, l’Indo-Pacifique est un sujet stratégique pour la France. En effet, elle est riveraine de l’Indo-Pacifique puisque 7 territoires d’Outre-mer (Clipperton, les îles Éparses et terres australes et antarctiques françaises, La Réunion, Mayotte, La Nouvelle-Calédonie, La Polynésie française, Wallis et Futuna) s’y situent et abritent 1,6 million de ressortissants Français. La France y possède 10,2 millions de km² de Zone Économique Exclusive (ZEE), soit 18 fois la taille de l’Hexagone et 7 000 militaires y sont basés en permanence. Par ailleurs, la France est dépendante économiquement de la région comme l’a illustré la problématique de l’approvisionnement en matériel médical lors de la crise de la Covid-19. Le déficit de 28,8 milliards d’euros de la balance commerciale de la France avec l’Asie-Océanie (64 milliards d’euros d’exportations et 92,8 milliards d’euros d’importations) en 2017, le souligne également. Enfin, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), la France est directement concernée par la montée des tensions dans la zone. Ainsi, le président Emmanuel Macron a célébré la mise sur pied de l’axe Indo-Pacifique, le 2 mai 2018, sur la base navale de Garden Island (Sydney, Australie). La France s’est également dotée d’une stratégie de défense dans l’Indo-Pacifique en 2019.
Quels sont les défis soulevés par l’Indo-Pacifique sur le plan maritime ?
L’Amiral P. Vandier identifie 3 défis généraux : connaître la civilisation asiatique et comprendre les équilibres régionaux, mettre en place un dialogue fondé sur des échanges fructueux, sécuriser les relations pour éviter le risque d’une escalade mal-contrôlée. Dès lors, sur le plan maritime, ces défis impliquent de renforcer la capacité de connaissance et d’anticipation, ce qui est au cœur de la Loi de programmation militaire 2019-2025. Il est également nécessaire de disposer de canaux de discussion ouverts avec toutes les parties de la zone. La France a ainsi présidé la 7ème édition du Symposium naval de l’océan Indien (IONS, Indian Ocean Naval Symposium) du 28 juin au 1er juillet 2021 à La Réunion.
Il existe des défis géographiques compte tenu de l’importance des distances. Par exemple, Nouméa (Nouvelle-Calédonie) est à 20 000 km de la métropole, ce qui signifie 36 jours de mer ou 19 heures de vol pour la rejoindre. La géographie particulière de cette zone faite d’immensités, de nœuds géographiques (autour des détroits de la Sonde et de Malacca où le trafic maritime est très dense), d’un collier d’îles (Singapour, Brunei, île de Palawan, Philippines, Taïwan, Japon) nécessite une grande adaptation. Les nombreuses contestations territoriales dans l’Indo-Pacifique permettent de qualifier cette zone de « Méditerranée orientale » comme le défend le géographe économiste François Gipouloux.
Enfin, le défi du format, à savoir adapter l’outil à la ressource financière tout en préservant la cohérence globale du système et des missions permanentes, est également au cœur des enjeux de la Marine nationale et concerne donc l’appréhension de l’Indo-Pacifique. En effet, dans le « Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale » de 2013, il est indiqué que « les armées devront pouvoir mener plusieurs opérations de gestion de crise dans la durée sur deux ou trois théâtres distincts dont un en tant que contributeur majeur ». La Marine Nationale fait face à un dilemme puisqu’elle est tiraillée par des préoccupations géographiques contradictoires. En effet, si l’attention géopolitique est focalisée sur l’Asie, d’autres missions exigeantes ont lieu en Atlantique, en Méditerranée centrale et orientale et dans le Golfe Arabo-persique. Les déploiements effectués dans la zone doivent donc être valorisés au maximum, être des démonstrations de savoir-faire et montrer l’attachement de la France au respect du droit international et à la liberté de navigation. La Marine nationale conduit 3 exercices majeurs en Indo-Pacifique : la mission Marianne (déploiement du sous-marin nucléaire d’attaque Émeraude), la mission Jeanne d’Arc (participation à l’exercice Arc21 organisé par les forces japonaises), la mission Clémenceau 21 (déploiement du groupe aéronaval).
L’Indo-Pacifique n’est à la date de la conférence pas pris en compte comme un sujet militaire ce qui amène la Marine nationale à y déployer le modèle de l’action interministérielle de l’État en mer (opérations maritimes menées par le gouvernement dans l’intérêt public à l’exception des missions de défense). Ce modèle fonctionne dans une optique de discussion et d’interaction avec les partenaires mais est peu performant pour mener des exercices de plus haute intensité et faire face à un niveau de violence plus important. La Loi de programmation militaire 2019-2025 a ainsi acté le renouvellement des moyens de souveraineté français en lançant par exemple le programme des Patrouilleurs outre-mer et en commandant 7 avions Falcon 2000 LXS « Albatros » pour renouveler les avions de surveillance maritime.
Visioconférence organisée, le 10 juin 2021, par l’institut Fondation Méditerranéenne d’Études Stratégiques (FMES) en partenariat avec l’Université de Toulon. Intervenant : Xavier Pasco, Docteur en Science politique et Directeur de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS). Synthèse réalisée par Marie-Caroline Reynier.
Enjeux de puissance dans le domaine spatial
En préambule, X. Pasco rappelle que la puissance américaine se démarque du reste du monde dans le domaine spatial. Même si l’hégémonie américaine est moins incontestable qu’auparavant, le poids du budget spatial américain reste incomparable. En effet, il représente 40 à 50 milliards de dollars par an, là où celui du Centre national d’études spatiales (CNES), l’agence spatiale française est de 2 milliards d’euros par an et celui de l’Agence spatiale européenne (ESA) est de 6 à 7 milliards d’euros par an. Il insiste également sur la nécessaire concomitance entre technologie et projet politique pour que les programmes spatiaux trouvent un sens. Contrairement aux idées reçues, la majorité des présidents Américains a un faible intérêt pour le spatial et y trouve plutôt une réponse politique à un problème extérieur au spatial. Par exemple, le programme Apollo, qui a permis aux États-Unis (EU) d’envoyer des hommes sur la Lune pour la première fois, est motivé par la course au prestige dans la confrontation face à l’URSS. Une fois l’objectif atteint, l’intérêt du programme est remis en question par le président Nixon qui annule 2 tirs Apollo. La « National Aeronautics and Space Administration » (NASA), étant à l’époque une agence de missions, doit se battre pour justifier son existence.
X. Pasco retrace ici l’histoire du spatial tout en précisant que les périodes ne se succèdent pas chronologiquement mais coexistent tant les enjeux sont pérennes notamment en ce qui concerne la surveillance mutuelle.
L’ère de l’espace stratégique aux origines du spatial
Après la Seconde Guerre mondiale, le spatial naît de la rencontre entre les technologies balistique et nucléaire. La création de l’arme nucléaire aux effets stratégiques inconnus fait craindre une attaque surprise en URSS et aux EU. Durant les années 1950 et 1960, les deux superpuissances cherchent à se surveiller mutuellement, ce que permettent les satellites, sans enfreindre les règles de la souveraineté aérienne. De plus, les EU craignent le Missile Gap , un retard par rapport à l’URSS, suite au lancement du satellite Spoutnik en 1957. La construction du complexe militaro-industriel américain est ainsi liée à cet investissement militaire massif. L’essor des technologies spatiales est motivé par la nécessité de contrôler le domaine spatial, espace stratégique.
Dès lors, l’observation par satellite se perfectionne et évolue. Le 14 août 1960, un satellite américain équipé d’un appareil photo prend la première photo d’une piste soviétique après treize échecs. En 1994, l’administration américaine Clinton autorise la commercialisation des images allant jusqu’à un mètre de résolution alors qu’elles étaient auparavant considérées de qualité militaire. Cette décision unilatérale est un choc pour l’Europe mais traduit l’affirmation de la puissance américaine dans l’ère post-Guerre froide. En 1996, les EU ouvrent l’accès à une meilleure précision du GPS pour l’usage public. Si cet accès est gratuit, les EU gardent le contrôle du système. L’accélération de la commercialisation prépare ainsi l’ère du New Space. En effet, cette ouverture de programmes gouvernementaux donne l’idée à de nouveaux acteurs de faire la promotion d’une nouvelle utilisation des moyens spatiaux.
Les « start-ups » de l’espace dans les années 2000
Le rapprochement entre le spatial et le digital fonde le New Space. Dès les années 1990, il s’effectue dans le domaine militaire à travers la « révolution dans les affaires militaires » et dans le domaine civil à travers les autoroutes de l’information qui initient le lancement d’Internet. De nouvelles technologies, de nouveaux processus d’industrialisation, de nouvelles cultures industrielles venant du monde extra-spatial transforment ainsi le domaine spatial. Ces nouveaux acteurs tels que l’entreprise de satellites Planet proposent un espace low-cost. Le New Space est un phénomène principalement américain puisque 50% de ses investissements ont lieu en Californie.
La dimension stratégique de l’espace évolue également. En effet, les grandes puissances dépendent désormais de plus en plus du spatial pour leurs opérations militaires. Or, le nombre d’acteurs dans l’espace augmente, ce qui le rend moins sûr qu’auparavant. Pendant la Guerre froide, seuls les EU et l’URSS s’y affrontaient tandis qu’actuellement, plus de 80 pays ont au moins un satellite en orbite auquel il faut ajouter les projets de constellations de satellites. La perception des enjeux stratégiques est ainsi différente. Pendant la Guerre froide, les satellites garantissaient l’existence de la dissuasion nucléaire ce qui faisait de l’espace un milieu pacifié. Dès lors, la dépendance actuelle aux satellites en fait des cibles potentielles. Le premier test antisatellite effectué par la Chine le 11 janvier 2007 initie un regain de tensions dans l’espace.
L’ère de l’espace « contrôlé »
À l’heure des perspectives de confrontation militaire dans l’espace, les grandes puissances cherchent à protéger leurs satellites mais aussi à développer des moyens pour empêcher l’adversaire d’attaquer leurs satellites. Le président américain R. Reagan avait déjà réfléchi à un système pour protéger les EU des attaques balistiques soviétiques, en utilisant les moyens spatiaux comme un parapluie. Ainsi, les importants moyens spatiaux développés durant la « Guerre des étoiles » (programme américain de défense antimissiles lancé pendant la Guerre froide) se retrouvent dans la doctrine américaine du Space Control définie dans les années 1990. Cette volonté de contrôle de l’espace est présente aux EU, en Russie, en Chine mais aussi en Inde qui a détruit un de ses satellites en mars 2019 afin d’affirmer ses compétences stratégiques.
Sur le plan juridique, le Traité de l’espace signé en janvier 1967 interdit de placer des armes de destruction massive en orbite et fait la promotion des usages pacifiques de l’espace extra-atmosphérique. Néanmoins, les usages pacifiques ne signifient pas les usages non militaires et recouvrent donc les usages militaires déployés à des fins défensives.
L’adoption de nouveaux textes à ce sujet est actuellement bloquée. En effet, la Chine, la Russie, les EU et l’Union européenne (UE) sont en désaccord sur l’organisation de la gouvernance spatiale internationale. La Chine et la Russie plaident en faveur d’un traité d’interdiction de placement d’armes en orbite mais les EU s’y opposent car ce traité ne couvrirait pas les armes au sol et serait difficilement vérifiable. En 2008, l’UE a proposé un Code de bonne conduite dans l’espace. Cette initiative, non juridiquement contraignante et soutenue par les EU, a été un échec puisque la majorité des pays ont jugé ce texte pas assez ambitieux.
Les pays échouent à trouver un accord au sujet d’enjeux stratégiques tels que la transparence. Dans le domaine civil, 33 mesures sont en discussion au sein du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique à l’Organisation des Nations unies (ONU), afin de limiter les débris dans l’espace. 21 ont été acceptées mais les 12 mesures restantes qui sont plus engageantes ne le sont pas. Dans le domaine militaire, les discussions portant sur la prévention de la course aux armements dans l’espace dans le cadre de la Conférence du désarmement sont bloquées depuis 2008.
L’incertitude dans le domaine spatial pousse donc les États à se réorganiser. Ainsi, la France a créé un commandement de l’Espace en 2019 et l’Armée de l’air est devenue l’Armée de l’air et de l’espace en 2020, preuves de l’importance prise par ce domaine stratégique.
La France et les Balkans occidentaux : investissements, diplomatie et coopération stratégique (A) ; Enjeux stratégiques dans les Amériques. La crise politique en Colombie : vers un retour à l’autoritarisme ? (B) ; L’Éthiopie, troubles et influence en Afrique de l’Est (C) ; La réglementation des espaces maritimes en Arctique (D).
Visioconférence organisée par Euro-créative (Paris, France), Centre franco-autrichien pour le rapprochement en Europe (CFA, Vienne, Autriche), Cooperation and Development Institute (CDI, Tirana, Albanie), European Policy Institute (EPI, Skopje, Macédoine), European Policy Centre (CEP, Belgrade, Serbie), le 8 juin 2021. Intervenants : Dietmar Schweisgut, Secrétaire général du CFA ; Frédéric Petit, Député des Français établis à l’étranger (Allemagne, Europe centrale et Balkans) ; Ivan Ivanišević, Ambassadeur du Monténégro en France ; Nicolas Séjour, Chef du bureau Turquie, Balkans, CEI et Moyen-Orient, Direction générale du Trésor, ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance ; Grégory Villeneuve, Responsable régional Balkans occidentaux, Agence française de développement ; Jadranka Chaushevska Dimov, Ambassadrice de Macédoine du Nord en France ; Qëndrim Gashi, Ambassadeur du Kosovo en France ; Thomas Bertin, Chef de la mission de l’Europe balkanique, Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ; Dritan Tola, Ambassadeur d’Albanie en France ; Pierre Mirel, Directeur général honoraire à la Commission européenne. Synthèse réalisée par Marie-Caroline Reynier.
La réaffirmation de la place de la France dans les Balkans occidentaux
D. Schweisgut note l’intensification de l’engagement de la France dans la région. En 2016, Paris a accueilli la conférence du processus de Berlin qui a initié la mise en place d’un Office régional de coopération pour la jeunesse des Balkans occidentaux sur le modèle de l’Office franco-allemand pour la jeunesse. En 2017, la France et l’Allemagne ont lancé une initiative pour lutter contre le trafic d’armes à feu dans les Balkans. En 2018, la France a élargi le mandat de l’Agence Française de Développement (AFD) aux pays des Balkans occidentaux. En 2019, la France a adopté une nouvelle stratégie pour les Balkans occidentaux. En 2020, le gouvernement français a levé sa réserve émise en 2019 sur l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine à l’Union européenne (UE).
F. Petit perçoit les Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie auxquels il rajoute les pays frontaliers) comme l’avenir de l’UE dans la mesure où le projet européen est né d’une volonté de pacification. Dès lors, il identifie 3 sujets majeurs : les enjeux de réconciliation mémorielle et frontalière, l’influence des petites et moyennes entreprises (PME) dans le recul de la corruption et l’importance de l’éducation.
Relations économiques entre la France et les Balkans occidentaux
I. Ivanišević insiste sur l’emploi du terme « partenariat » pour définir la relation réciproque entre la France et les Balkans occidentaux. Il prend pour exemple le projet « South East European International Institute for Sustainable Technologies », centre de recherche d’excellence initié en 2017 pour promouvoir la nécessité des investissements dans les Balkans et éviter le « brain drain » des Balkans vers l’UE.
Dans le cadre de la stratégie pour les Balkans occidentaux adoptée par la France en 2019, le concept de convergence économique occupe une place importante. N. Séjour l’explique par l’inégale dynamique de convergence économique dans les Balkans. De 2000 à 2008, le PIB (mesuré en parité de pouvoir d’achat par habitant) a progressé de 7% par rapport à l’Allemagne. À partir de 2009, la dynamique de convergence diminue nettement (2 à 3% de croissance) à l’exception du Monténégro (progression de 9% sur 10 ans). Le faible processus de convergence est causé par le déclin démographique dû à l’émigration massive (la population des Balkans occidentaux a diminué de 11% entre 1990 et 2021) mais également par la faiblesse de l’investissement privé en raison des vulnérabilités institutionnelles. Il relève l’existence d’une dynamique des investissements des entreprises françaises dans la région, comme le souligne la gestion du désamiantage des chantiers de Bijela (Monténégro) par Valgo depuis 2018, celle de l’usine de valorisation des déchets de Belgrade (Serbie) par Suez depuis 2019 et les 2 appels d’offres remportés en 2021 par l’entreprise Voltalia pour la construction de centrales photovoltaïques en Albanie.
L’ Agence française de développement (AFD), bien que récemment installée dans les Balkans, est un acteur significatif de la stratégie française disposant d’un portefeuille de 310 millions d’euros comme le précise G. Villeneuve. Son action encadrée par un mandat strict vise à appuyer la convergence économique des Balkans vers l’acquis communautaire. Elle soutient également des investissements verts grâce à des prêts budgétaires pour appuyer les politiques publiques initiant la trajectoire bas-carbone des pays et des prêts d’investissement. L’AFD prête par exemple 51 millions d’euros à la Serbie pour moderniser le secteur ferroviaire. Enfin, elle appuie l’amélioration de la gouvernance.
Coopération politique et diplomatique entre la France et les Balkans occidentaux
Les différends politiques régionaux restent des freins à l’adhésion de ces pays à l’UE. Ainsi, concernant le différend entre la Serbie et le Kosovo, T. Bertin insiste sur l’importance de la médiation pilotée au niveau européen et soutenue par la France. Q. Gashi note le soutien substantiel apporté par la France au Kosovo depuis sa contribution à la paix en 1999 jusqu’à la coopération bilatérale actuelle qui s’organise autour des enjeux sécuritaires, des échanges économiques mais aussi culturels. Il rappelle l’action du Premier ministre kosovar A. Kurti en faveur de la réconciliation dans les Balkans comme en témoigne le dialogue en juin 2021 avec M. Lajçak, représentant européen pour le dialogue Kosovo-Serbie et M. Palmer, envoyé spécial des États-Unis (EU) pour les Balkans occidentaux.
Au sujet de la Macédoine du Nord, la France a salué l’accord de Prespa conclu en 2018 avec la Grèce entérinant le nom du pays. Cette avancée historique a permis à la Macédoine du Nord d’intégrer l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) en 2020. Si le différend avec la Bulgarie n’est pas réglé, les progrès de la Macédoine du Nord ont été reconnus par le Conseil de Sécurité de l’Union européenne qui a ouvert en mars 2020 des négociations d’adhésion sans condition. J.C. Dimov souligne le renforcement du dialogue parlementaire entre la France et la Macédoine du Nord. Elle appelle à renforcer la coopération décentralisée, déjà à l’œuvre entre la région Normandie et la Macédoine du Nord depuis 2006. L’application de la stratégie française, adoptée en 2019, pour les Balkans occidentaux est reconnue comme un socle de la politique française à l’égard de la Macédoine du Nord.
Échanges sociaux et culturels entre la France et les Balkans occidentaux
D. Tola souhaite un renforcement des échanges sociaux, encore peu présents dans la stratégie française pour les Balkans occidentaux. Ainsi, il identifie 3 actions prioritaires pour le gouvernement français dans la région. Il appelle à mettre l’accent sur l’enseignement supérieur et la recherche dans la perspective de l’appel à projets « Enseignement supérieur dans les Balkans occidentaux », lancé par France Education International, qui accompagne des initiatives de coopération académique. Il évoque également l’importance de la coopération décentralisée et la nécessité de construire des projets culturels franco-balkaniques.
P. Mirel analyse la réticence de l’opinion française à l’adhésion des pays des Balkans comme le fruit du stéréotype selon lequel le 5ème élargissement de l’UE aurait entraîné une vague de désindustrialisation. Face à la méconnaissance de la région, il propose 3 pistes : faire la promotion du tourisme (vert, patrimoine religieux), miser sur le réseau dense des chambres de commerce et d’industrie pour accroître les investissements des entreprises françaises, inciter les français à participer aux séminaires organisés sur la région. Il s’interroge enfin sur l’absence des Balkans occidentaux au sein de la Conférence sur l’avenir de l’Europe.
Visioconférence organisée par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) et l’Institut des Amériques (IDA), le 27 mai 2021. Modératrice : Camille Boutron. Intervenants : Mathilde Allain, maîtresse de conférences en Science politique à l’Université Paris Sorbonne IHEAL, Jacobo Grajales, professeur des Universités à l’Université de Lille et John Harold Cordoba Aldana, professeur de Sciences sociales à l’Universidad Pedagogica Nacional (Bogota, Colombie). Synthèse réalisée par Marie-Caroline Reynier. Revue et validée par Camille Boutron.
Les origines et les acteurs de la mobilisation colombienne de 2021
J. Grajales rappelle que la mobilisation colombienne a démarré le 28 avril 2021 pour contester la réforme fiscale portée par le gouvernement conservateur d’Iván Duque. Elle s’est ensuite élargie à des thématiques sociales et économiques en lien avec l’explosion de la pauvreté en Colombie. En effet, la population vivant sous le seuil de pauvreté a bondi de 10% entre 2019 et 2020.
M. Allain précise que ces manifestations s’inscrivent dans une dynamique de mobilisations sociales sectorielles durables. En effet, depuis 2011, des étudiants manifestent pour l’amélioration de la situation financière des facultés. Depuis 2013, des mobilisations paysannes sont nées face à la fracture économique et sociale entre les villes et les campagnes. En 2019, une mobilisation massive a réuni de nombreux acteurs (associations écologistes, associations de victimes de conflits, familles, organisations féministes). Durant la pandémie de la Covid-19, des manifestations silencieuses symbolisées par des chiffons rouges accrochés aux fenêtres sont organisées pour alerter sur la pauvreté. En 2020, des manifestations contre des violences policières sont organisées après l’assassinat d’un avocat par un policier à Bogota.
Face aux mobilisations, le gouvernement colombien adopte trois types de stratégies. Il a recours à une stratégie répressive en faisant usage de la force. Il criminalise l’action collective en désignant les manifestants comme des délinquants infiltrés par la guérilla. Cette stratégie héritée du conflit armé repose sur une doctrine de l’ennemi interne. Enfin, il mène des stratégies de négociations que ce soit en dialoguant avec la partie supposée être la plus représentative, en tentant d’aboutir à un consensus avec différents partis politiques ou en octroyant des bénéfices ponctuels et immédiats aux acteurs mobilisés.
Devant la stratégie répressive choisie par le gouvernement, les dirigeants politiques locaux ont une faible marge de manœuvre selon J. Grajales. En effet, la police nationale organisée par divisions départementales et métropolitaines dépend du Ministère de la Défense et est régie par le code de justice militaire. Si elle est légalement soumise à l’autorité civile, celle-ci a beaucoup de mal à s’imposer face au commandement local de la police et n’a pas de moyen de pression. L’opposition politique frontale aux forces de police étant peu fructueuse, les dirigeants civils essaient d’exister parallèlement comme l’a fait la maire de Bogota, Claudia López, en déployant une brigade de défense des droits de l’homme aux débuts de la mobilisation.
Bonus, la vidéo : La crise politique en Colombie : vers un retour à l’autoritarisme ?
La spécificité de la mobilisation colombienne de 2021
Au-delà de la continuité avec les mobilisations de 2019, J. Grajales évoque un changement d’échelle du mouvement. En effet, des acteurs peu structurés se mobilisent ce qui rend les négociations avec le gouvernement plus compliquées car il est difficile d’être représentatif de la multiplicité des revendications. Ce changement d’échelle se mesure géographiquement : 25% des mobilisations ont eu lieu hors des agglomérations selon Acled (Armed Conflict Location and Event Data Project). J.H. Cordoba Aldana note l’ampleur de la mobilisation actuelle à la fois dans les grandes villes telles que Bogota, Cali, Medellin, Bucaramanga mais aussi dans les villes moyennes telles que Neiva, Valledupar, Ibagué. L’augmentation significative des violences (19% des événements enregistrés en 2019 ont donné lieu à des violences contre 28% en 2021) traduit enfin ce changement d’échelle.
Face aux violences policières commises, M. Allain souligne l’évolution des méthodes de mobilisations notamment à travers le développement de premières lignes autour de médecins d’urgence, la mise en place de solidarités importantes telles que les ollas comunes (repas partagés).
Les mobilisations conduisent également à la réappropriation des lieux publics à l’image des « murales » représentatifs de la culture du graffiti en Colombie. J.H. Cordoba Aldana constate la modification des lieux représentatifs des manifestations comme à Cali à « Puerto rellena » renommé « Puerto resistencia » mais aussi dans le quartier sud Usme à Bogota. En se réappropriant ces lieux, les manifestations prennent une dimension nouvelle.
La place de la mobilisation colombienne de 2021 dans la logique de l’accord de paix signé en novembre 2016 entre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et le gouvernement colombien
Selon J. Grajales, la dynamique post-accord est pertinente pour analyser la situation actuelle. En 2016, le gouvernement colombien de Juan Manuel Santos signe un accord de paix après 4 ans de négociations conduites à La Havane. Cet accord de paix très ambitieux avec une forte dimension rurale vise à stabiliser et développer les campagnes mais aussi à démocratiser le champ politique.
Néanmoins, dès le départ, il souffre de l’absence de soutien de l’ensemble des acteurs politiques puisque les négociations de La Havane sont décriées par la droite conservatrice. En 2016, le référendum de ratification de l’accord de paix enregistre une faible participation de 37,43% et voit le non l’emporter. Ainsi, la mobilisation de 2021 peut être lue comme une conséquence du manque de volonté du gouvernement conservateur d’appliquer les mesures issues de l’accord de paix. L’absence d’application des politiques de substitution des cultures illicites telles que la feuille de coca suscite par exemple des manifestations.
M. Allain explique que l’accord de paix avait également pour but de réduire la brèche sociale en offrant des conditions socio-économiques plus viables aux zones économiques rurales marginalisées. En effet, ces zones ont des indices de développement humain (IDH) proches de ceux de pays d’Afrique subsaharienne loin de l’IDH des grandes villes colombiennes. La violence à l’encontre des leaders sociaux est permanente : depuis la signature de l’accord de paix en 2016, 1184 ont été assassinés selon la Jurisdicción Especial para la Paz.
Éléments prospectifs au sujet de la mobilisation colombienne de 2021
Une alternative a du mal à émerger face au camp conservateur incarné par Iván Duque. Le champ politique est très polarisé entre la droite organisée autour de l’ancien président Álvaro Uribe, une gauche fragmentée et un centre peinant à exister. À un an de la prochaine élection présidentielle prévue en 2022, les potentiels candidats cherchent à la fois à rassembler autour d’eux mais aussi à créer des ponts avec des interlocuteurs au sein du mouvement social actuel. La cohabitation de ces deux logiques, parfois contradictoires, fait craindre le parasitage du dialogue autour du mouvement social par la perspective des présidentielles.
J. Grajales rappelle à quel point le gouvernement colombien est soucieux de son image internationale. La une du « New York Times » montrant l’ampleur de la violence sociale a donc eu un fort impact. Des membres de la Commission des Affaires Étrangères du Congrès ont également demandé l’application de la loi Leahy de 1997 qui oblige le gouvernement fédéral américain à certifier que le matériel militaire vendu ou donné à un partenaire américain respecte un certain nombre de critères notamment sur le plan des droits de l’homme. Si cette démarche a peu de chances d’aboutir, elle constitue un signal non négligeable.
M. Allain observe ainsi que la possible détérioration de l’image de bon élève de la Colombie sur les marchés financiers a plus d’impact que les nombreux rapports sur la dégradation des droits de l’homme.
Enfin, J. Grajales analyse les conséquences de la crise économique colombienne inédite, comme un risque d’explosion sociale. En effet, les difficultés de financement du gouvernement colombien liées à l’envol des intérêts de la dette qui sont passés de 4,8% en janvier 2021 à plus de 8% en mai 2021 risquent de contraindre le gouvernement colombien à adopter une nouvelle réforme fiscale.
Visioconférence organisée par l’Institut de l’Océan de l’Alliance Sorbonne Université et illustrée par de nombreuses cartes commentées, le 3 juin 2021. Intervenant : Hervé Baudu, Professeur en Chef de l’Enseignement maritime à l’École Nationale Supérieure Maritime de Marseille, Membre de l’Académie de Marine. Synthèse réalisée par Marie-Caroline Reynier. Revue et validée par Hervé Baudu.
En préambule, H. Baudu déconstruit trois idées fausses qui circulent au sujet de l’Arctique. En effet, les routes maritimes passant par l’océan Arctique ne sont pas appelées à se substituer à celles passant par le canal de Suez ou de Panama car elles sont gelées 6 mois par an. De plus, il n’y pas de ruée vers les hydrocarbures en Arctique car ils sont situés dans des domaines souverains et ne suscitent donc pas de concurrence. Enfin, on ne peut pas parler de conflit en Arctique mais plutôt de tensions. Le climat de discussion apaisé au Conseil de l’Arctique depuis la présidence russe ayant débuté en mai 2021 le prouve.
Définition géographique de l’Arctique
À la différence de l’Antarctique qui est un continent entouré de mers, l’Arctique est un océan entouré de continents. Il s’agit donc d’un espace fermé sur le plan géographique, physique et réglementaire, ce qui peut expliquer les tensions portant sur l’utilisation des espaces maritimes. L’Arctique est gelé 6 mois par an, en raison de la nuit polaire. Au printemps, au début de la fonte de la banquise, les courants en océan Arctique favorisent les eaux libres de glaces le long de la côte russe et embâcle plutôt dans les espaces de l’archipel canadien. Le réchauffement climatique en océan Arctique est 3 fois plus important que sur le reste de la planète. Depuis le début des observations par satellite de la banquise arctique (en 1979), celle-ci fond au rythme de 12,8 % en moyenne par décennie. La banquise perd environ 8% de sa superficie par décennie depuis 1980. Son épaisseur moyenne est passée de 3,6 mètres à 1,25 mètres sur la même période de temps.
Il existe trois routes maritimes en Arctique. Le passage Nord-Est est compris entre les détroits de Kara et de Béring. Le passage Nord-Ouest le long des côtes canadiennes est praticable un mois par an (de fin août à fin septembre). Enfin, la route transpolaire, route théorique, est idéalement la plus courte entre le Pacifique Nord et l’Atlantique Nord.
Quelle définition réglementaire de l’Arctique ?
Le tracé des eaux intérieures où les États côtiers sont souverains suscite des revendications. La Russie s’est arrogée des eaux intérieures dans les détroits de Vilkitski et de Kara, elle demande donc une autorisation aux navires souhaitant y transiter. Le Canada a fait de même en considérant tout l’archipel comme eau intérieure, ce que conteste les États-Unis (EU) qui l’identifie comme des eaux archipélagiques avec libre passage. Ce cas n’a pas été porté devant le tribunal des Nations-Unies en raison du faible enjeu maritime : 40 navires par an transitent de manière continue entre le détroit de Béring et la mer de Barents, soit l’équivalent du trafic maritime par le canal de Suez par jour. Dans les eaux territoriales jusqu’à la limite des 12 milles, un navire étranger jouit d’un droit de passage inoffensif sans entrave. La navigation doit y être rapide et continue.
La Convention des Nations unies sur le Droit de la mer, aussi appelée Convention de Montego Bay, établit une Zone Économique Exclusive (ZEE) limitée par la ligne des 200 milles nautiques à partir de la ligne de base. L’État côtier y est propriétaire de son sous-sol (ressources halieutiques, hydrocarbures, nodules polymétalliques). La Russie, la Norvège et le Svalbard, le Canada, les EU, le Danemark au titre du Groenland possèdent ainsi des ZEE. Des puissances extérieures peuvent forer après en avoir obtenu l’autorisation, ce que fait la Chine en mer de Kara à la demande de la Russie. Si les EU n’ont pas signé la Convention de Montego Bay, ils reconnaissent la limite des 200 milles pour les autres pays et se l’appliquent en tant que signataires des 2 conventions précédentes (1962, 1964) non abrogées.
En cas de litiges frontaliers au sujet de ZEE, les 2 pays limitrophes doivent trouver un arrangement entre eux. En Arctique, le litige entre la Norvège et la Russie a ainsi été résolu. Le Danemark au titre du Groenland et le Canada se sont également arrangés pour laisser en suspens le conflit autour de l’île Hans car il ne présente pas d’intérêt économique et stratégique.
Si les eaux intérieures restreignent la route maritime d’été, les navires peuvent passer dans les eaux de la ZEE, réglementées par l’article 234 de la convention de Montego Bay. Il prévoit un droit non-discriminatoire de contrôle de la route dans les ZEE couvertes par la glace afin de prévenir les risques de pollution. De ce fait, les Russes s’arrogent légalement le contrôle de la route du Nord-Est. Les navires souhaitant passer doivent demander une autorisation payante à la « Northern Sea Route », administration russe en charge. La Russie fait valoir ses investissements dans des brise-glaces modernes pour justifier le coût du passage (5$/tonne équivalent au tarif de passage par Suez). Ces coûts pourraient faire naître des revendications sur l’obligation à se soumettre à un péage alors que la mer est libre de glaces une bonne partie de l’été.
Une extension de la ZEE dans la limite de 350 milles est prévue par la convention de Montego Bay si l’État côtier peut justifier de l’extension de son plateau continental. Il doit déposer un dossier auprès de la Commission des limites du plateau continental qui étudie le bien-fondé de la demande sans trancher. En Arctique, la Russie, comme le Danemark, font valoir la continuité de la dorsale de Lomonosov. Les prétentions d’extension aux 350 milles des pays de l’océan Arctique couvrent quasiment tout l’Arctique. La zone de Gakkel, seule zone restante, fait désormais également l’objet d’un dossier d’extension déposé par la Russie en mars 2021.
Au-delà du plateau continental, la zone est gérée par l’Autorité internationale des fonds marins à laquelle il faut demander l’autorisation d’exploitation des ressources. Celles-ci abondent un fonds au profit des pays n’ayant pas de façades maritimes.
Bonus vidéo. H. Baudu La réglementation des espaces maritimes en Arctique
Éléments prospectifs sur la puissance russe en Arctique
La Russie réaffirme la réglementation des espaces maritimes en Arctique au regard de ses intérêts majeurs et ambitions économiques. En effet, 15% de son PIB provient de l’exportation, majoritairement des hydrocarbures situés en Arctique. Face à la dynamique mondiale de transition énergétique et ses impératifs de réduction de gaz à effet de serre, elle veut profiter de cette manne en hydrocarbures avec le gaz notamment. Elle investit beaucoup surtout sur le passage Nord-Est. La loi sur l’extension et le contrôle de cette route prévoit un budget de 146 milliards de dollars jusqu’en 2035 à travers l’investissement dans des brise-glaces et des infrastructures portuaires. La construction de brise-glaces tels que la série Arktika à propulsion nucléaire (60 MW) vise à ouvrir des routes l’hiver. Actuellement, l’usine de Novatek, Yamal LNG, produit 20 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié acheminées par des tankers brise-glaces toutes les 36 heures. Le trafic se concentre dans la presque-île de Yamal, la péninsule de Gydan et de Taïmyr. Les projets d’acteurs privés tels que Rosneft (pétrole) et Novatek (gaz) prévoient de décupler le volume d’extraction vers l’Asie.
Pour aller plus loin : informations et figures complémentaires sur le site http://www.polar-navigation.com/arctique/route-maritime-du-nord-nsr/
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[1] Biomedical Advanced Research and Development Authority, bureau du département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis chargé de l’acquisition et du développement de contre-mesures médicales
[2] Autorité pour la réaction aux urgences sanitaires (Health Emergency Response Authority - HERA)
[3] NDLR : Fraunhofer Institute for Systems and Innovation Research{} ISI a défini, en juillet 2020, la souveraineté technologique comme l’aptitude d’un État ou d’une Fédération d’États à fournir les technologies qu’il/elle juge critiques pour le bien-être des populations, la compétitivité de l’économie et sa capacité à agir ainsi que celle de développer ces technologies ou de se les procurer dans d’autres aires économiques sans dépendance structurelle unilatérale. L’indépendance stratégique n’est donc pas synonyme d’autarcie et d’indépendance complète.
[4] NDLR : En épistémologie ou en sciences humaines, relatif à la doctrine qui ramène la connaissance du particulier, de l’individuel à celle de l’ensemble, du tout dans lequel il s’inscrit. (Source : Dictionnaire Larousse)
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