Florian Manet s’exprime ici à titre personnel. Colonel de gendarmerie, expert en analyse du risque maritime. Florian Manet est l’auteur d’un ouvrage fondateur, Le crime en bleu, essai de thalassopolitique, édition Nuvis, 2019.
Décès de deux marins sur le Mercer Street le 29 juillet 2021 suite à une attaque de drone, abordage du Princess Asphalt et perte de contrôle simultané de la navigation par quatre autres navires-citerne le 3 août 2021 dans le golfe d’Oman.
Ces deux événements distincts impactant la sûreté maritime sur l’une des artères vitales des approvisionnements mondiaux en hydrocarbures illustrent l’importance de la thalassopolitique dans la compréhension des équilibres internationaux. Une démonstration étayée par de nombreuses références, des tableaux, des photos et une carte.
L’ETE 2021 a été marqué par une montée des tensions entre l’Iran et les États-Unis dans la région du détroit d’Ormuz. Plusieurs événements de sûreté ont affecté la navigation maritime internationale de la flotte de commerce sur l’un des points de passage les plus stratégiques au monde.
Le détroit d’Ormuz, connexion naturelle entre le golfe Persique et la mer d’Arabie, illustre à lui seul les enjeux contemporains de la maritimisation de nos sociétés et économies. Ce mouvement irréfragable accroît de manière constante la dépendance aux espaces maritimes qui distillent, certes, avec générosité, des ressources naturelles fondamentales à l’alimentation comme au bon fonctionnement d’économies énergivores mais aussi supportent la libre circulation de matières premières comme de biens manufacturés dans le cadre d’une économie-monde aux distances raccourcies par le progrès technologique.
Miroir de puissance, les espaces océaniques constituent, par ailleurs, des arènes où s’illustrent, se « reniflent », se frottent voire s’affrontent les puissances étatiques ou non-étatiques. A ce titre, l’actualité de l’été 2021 dans la région du détroit d’Ormuz démontre, avec force, le rôle joué par des espaces océaniques. Alors, étudier la géopolitique de cette région, c’est porter attention à l’impact de la maritimisation sur la vie des États ; c’est aussi reconnaître la puissance du fait maritime dans l’expression des relations internationales. Et c’est, enfin, admettre que la thalassopolitique… est un prisme fondamental pour apprécier les forces structurantes à l’œuvre dans les relations internationales.
Présentons d’abord un verrou naturel sans échappatoire maritime (A) et un eldorado d’hydrocarbures et de gaz naturel alimentant l’Usine du monde (B). Puis répondons à la question : le commerce international condamné à la voie maritime ? (C)
Séparant l’Iran d’Oman, le détroit d’Ormuz est un trait d’union maritime entre le golfe Persique [1] et le golfe d’Oman. Une trentaine de milles marins ( soit environ 55 kilomètres) sont distants entre la pointe montagneuse omanaise du Ras de Musandam et les multiples îles iraniennes au nord. Sa profondeur permet à l’ensemble de la flotte marchande contemporaine de l’emprunter. Ce détroit est l’une des zones de navigation les plus chargées du monde. A cet effet et afin de garantir un haut niveau de sécurité maritime, le flux ininterrompu de porte-conteneurs ou de navires-citernes est réparti sur un rail montant et un rail descendant d’une largeur de 2 milles ( soit 3,5 kilomètres), espacé par un couloir tampon de 2 milles. La navigation est complexe, obligeant les navires à emprunter les eaux omanaises plus profondes et à éviter les îles iraniennes [2] en amont. Tous les types de navires-citernes [3] peuvent naviguer dans le chenal. Plus des deux tiers ont une capacité supérieure estimée à 150 000 tonnes de port en lourd [4].
Verrou naturel, ce détroit brise l’enclavement d’une région devenue progressivement essentielle au bon fonctionnement de l’économie mondiale par la fourniture d’hydrocarbures. Il assure la connexion entre les zones d’extraction et de production et les foyers de consommation. Ainsi, il ouvre l’espace persique, d’une part, au monde asiatique via la mer d’Arabie puis l’océan Indien et, d’autre part, à l’Europe voire au continent américain par la Méditerranée accessible par le canal de Suez. Le détroit d’Ormuz est, donc, une artère vitale pour l’exportation des hydrocarbures de cinq des plus gros producteurs mondiaux (Arabie saoudite, Iran, Irak, Émirats arabes unis et Koweït) vers les industries de transformation.
De manière générale, la région du golfe Persique est illustrative des ressources exceptionnelles en hydrocarbures contenues dans le sous-sol marin. Elle démontre aussi tout l’intérêt et la compétitivité du transport maritime pour ce type de matière première.
Les fonds marins sont considérés comme terra incognita où 90 % des richesses restent à découvrir. L’Institut Français du Pétrole (IFP) localise, en mer, 30 % des réserves mondiales de pétrole [5] et 27 % du gaz. La part de la production maritime dans la consommation mondiale passe de 10 % en 1960 à plus de 32 % en 2000. Selon l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), les deux tiers des réserves prouvées de pétrole sont localisées au Moyen-Orient et, notamment, dans le golfe Persique.
Le détroit d’Ormuz est la zone de transit d’hydrocarbures la plus importante au niveau international avec un flux quotidien de pétrole évalué à 21 millions de barils soit l’équivalent de 21 % de la consommation mondiale en produits pétroliers.
Les flux annuels en pétrole brut, condensat [6] et produits pétroliers divers sont stables depuis 2016 représentant un tiers du volume total des hydrocarbures transportés par voie maritime et plus du quart du gaz naturel liquéfié.
Après avoir été le fournisseur privilégié de l’Europe et des États-Unis, ces exportations de la région sont désormais majoritairement destinées à l’Asie pour un volume estimé en 2018 à plus de 76 % du total. La Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du sud et Singapour concentrent plus de 65 % du flux annuel selon l’Agence américaine de l’énergie. Pour leur part, les États-Unis d’Amérique importent 1,4 million de barils/ jour depuis le golfe Persique soit 18 % des importations de pétrole brut et condensat et 7 % de la consommation de pétrole liquide.
Tableau 1. Transport par le détroit d’Ormuz de pétrole brut, condensat et produits pétroliers en millions de barils/ jour
2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | |
Total des flux de pétrole via Ormuz | 17,2 | 18,4 | 20,6 | 20,3 | 20,7 |
Brut et condensat | 14,4 | 15,2 | 17,3 | 17,2 | 17,3 |
Produits pétroliers | 2,8 | 3,2 | 3,3 | 3,1 | 3,3 |
Commerce mondial de pétrole par voie maritime | 56,4 | 58,9 | 61,2 | 62,5 | N/A |
Consommation mondiale totale de pétrole et autres liquides | 93,9 | 95,9 | 96,9 | 98,5 | 99,9 |
Gaz naturel transitant par le détroit d’Ormuz en Tcf (trillion cubic feet) / an) | 4,1 | 4,2 | 4,2 | 4,1 | 4,1 |
Source : US Energy Information Administration. Réalisation : F. Manet pour Diploweb.com
Le détroit d’Ormuz constitue une goulot d’étranglement naturel incontournable par voie maritime contrairement à d’autres détroits qui possèdent des échappatoires, quoiqu’au prix d’un allongement du temps de navigation. Tributaires des relations internationales d’un acteur clé, l’Iran, les puissances enclavées du golfe Persique s’efforcent, de manière constante, d’identifier et de concrétiser d’autres voies alternatives d’acheminement [7] des hydrocarbures par voie terrestre ou / et maritime [8].
Régulièrement initiées depuis 1950, les solutions terrestres recherchent systématiquement un point de sortie maritime soit au sud, sur la mer d’Arabie, soit à l’ouest, en mer Rouge voire au nord, en Méditerranée. Elles nécessitent la construction d’infrastructures complexes du type pipeline sur de grande distance. Les parcours de ces installations courent, bien souvent, à travers différents pays, ce qui les exposent, en retour, à d’autres problématiques de sûreté. Au regard de la situation géopolitique particulièrement complexe de cette région, de nombreux projets d’envergure sont échafaudés mais rarement réalisés. Au total, ils n’ont apporté que des solutions ponctuelles au regard d’un or noir abondant dont la valeur s’est appréciée au fil du temps.
Ainsi, le pipeline Iraqi Pipeline in Saudi Arabia (IPSA) opérationnel en 1987 offre un débouché au pétrole irakien en mer rouge en reliant le terminal de Bassorah au sud-est de l’Irak à celui de Yanbu, sur le littoral saoudien en mer rouge. D’une capacité théorique de 1,6 millions de barils par jour, il a subi régulièrement les contrecoups de la situation géopolitique régionale [9]. Au delà de ces réalisations à l’usage éphémère, deux réseaux, « l’oléoduc Est-Ouest » et le Petroline sont encore en service et s’efforcent de réduire la dépendance à la voie maritime. Toutefois, leurs capacités s’avèrent insuffisantes pour exporter la production saoudienne dont les deux tiers transitent par Ormuz sans évoquer celles des autres pays producteurs (Irak, Koweït ou Bahreïn). De manière isolée, les Émirats arabes unis ont sécurisé leur exportation grâce au pipeline ADCOP ( Abu Dhabi Crude Oil Pipeline) qui, sur 360 kilomètres, relie le champ pétrolier de Habshan au terminal de Fukairah sur le littoral du Golfe d’Oman, en amont du détroit. Mis en service en 2012, d’une capacité d’un million et demi de barils/ jour, ce dernier évacue plus de la moitié de la production nationale.
Finalement, le transport par voie maritime demeure le mode le plus adapté d’exportation. Aussi, en parallèle, divers projets de percement de canaux reliant le golfe Persique à la mer d’Arabie demeurent encore d’actualité. Le canal Salman relierait le littoral saoudien du golfe Persique à la mer d’Arabie via le Yémen selon un axe nord-sud. D’une longueur de 950 kilomètres, large de 150 mètres, il désengorgerait ainsi le détroit en donnant une autonomie stratégique à l’Arabie Saoudite.
Enfin, dans cette course à la mer, l’Iran exploite avec profit sa situation géographique à cheval entre les deux rives du détroit d’Ormuz.
Ainsi, le 22 juillet 2021, les autorités iraniennes ont inauguré, en grande pompe, un nouveau terminal pétrolier en mer d’Oman, en amont du détroit. Cette infrastructure de grande envergure permet de diversifier les modes d’exportation en sécurisant les opérations tout en raccourcissant les délais de navigation. Ce nouveau terminal de Jask s’inscrit dans le cadre d’un projet plus global de souveraineté énergétique. Il est approvisionné par un pipe-line de 1100 kilomètres reliant Goureh au nord-ouest de l’Iran à Jask. D’une capacité d’un million de barils/jour, il achemine toutes sortes de produits pétroliers (léger, lourd, ultra lourd) avant stockage dans 20 réservoirs d’une capacité de 500 000 barils chacun et, ce, en attente de chargement dans des navires-citernes.
Ainsi, le vecteur maritime demeure la solution la plus adaptée au transport d’hydrocarbures depuis le golfe Persique en dépit de multiples projets d’infrastructures. Contrôler la navigation maritime au détroit d’Ormuz revêt un caractère stratégique et, ce, de manière durable. Toutefois, des solutions alternatives par voie terrestre sont mises en œuvre dans la région sans pour autant répondre aux enjeux d’une région riche en réserves d’hydrocarbures accessibles.
Des infrastructures d’importance vitale tel le pipeline terrestre opéré par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite offrent une capacité théorique estimée [10] à 6,8 millions de barils / jour. Seulement, 2,7 millions de barils/ jour seraient actuellement exploités. Le terminal iranien de Jask ouvre de nouvelles perspectives stratégiques non seulement dans la région mais aussi au plan international dans le cadre des négociations sur le nucléaire. Alimentant de manière vitale des marchés asiatiques en matière première, le golfe Persique démontre la tendance à l’infrastructuration des relations internationales.
Commençons par présenter les aspects juridiques : un contentieux géopolitique doublé d’un différend juridique (A) et la montée des tensions dans la région du détroit d’Ormuz (B). Et répondons à la question : le détroit d’Ormuz est-il le choke point [11] d’une économie mondialisée ? (C)
La connaissance du droit international de la mer est un facteur explicatif des tensions observées dans la région du golfe Persique mais aussi des limites imposées aux acteurs dans leurs rivalités territoriales, commerciales, militaires et diplomatiques. De manière plus générale, cette région illustre les difficultés attachées à sécuriser les relations internationales autour de principes fondamentaux reconnus par la majorité des États.
La définition des espaces maritimes, des règles de la navigation maritime, l’exploitation des ressources naturelles situées en surface, dans la colonne d’eau ou sur les fonds... sont régies par le droit coutumier intégré en grande partie dans la Convention des Nations Unies pour le droit de la mer (CNUDM). Signée à Montego Bay, en Jamaïque, le 10 décembre 1982, cette « constitution de la mer » est l’une des réalisations juridiques internationales les plus abouties et témoigne d’un effort remarquable de coopération internationale initiée durant la Guerre froide [12]. Il faut, néanmoins, attendre 1994 pour que ce texte international puisse entrer en vigueur ayant obtenu un nombre suffisant d’États l’ayant ratifié. Aujourd’hui plus de 160 États ont ratifié ce texte international dont le Sultanat d’Oman. Toutefois, parmi les puissances impliquées dans la région, l’Iran et les Émirats arabes l’ont, certes, signée mais pas ratifiée. Les États-Unis d’Amérique ne l’ont pas signé [13]. Ces lacunes juridiques majeures fragilisent grandement les relations internationales, notamment, dans cette région et expliquent les fortes tensions attachées à la liberté de naviguer.
En effet, la navigation dans des détroits est usuellement régie par une convention internationale spécifique [14] ou, à défaut, par le droit coutumier à l’image du détroit d’Ormuz. Dans ce cas, la CNUDM impose des droits et obligations aux États riverains comme aux États usagers. Sur la base d’un accord bilatéral, les eaux d’Ormuz sont partagées, à part égale, entre la République islamique d’Iran et le Sultanat d’Oman. En conséquence, les principes fondateurs de la liberté de naviguer, de passage en transit et de passage inoffensif trouvent pleinement à s’appliquer. De fait, les dispositions de l’article 38 de la CNUDM relatif au passage [15] en transit [16] dans la mer territoriale par un navire de guerre ou battant le pavillon d’un autre État s’appliquent intégralement. De plus, lors du passage en transit, les navires et aéronefs sont soumis à des obligations strictes visant à respecter la souveraineté de l’État côtier [17] comme les règlements de sécurité maritime prévenant tout abordage en mer [18]. Ainsi, en est-il des mesures prises par le Sultanat et la République islamique en matière de séparation du trafic maritime. En retour, les États riverains doivent garantir en droit et dans les faits la liberté de navigation [19], principe universel du droit international de la mer. L’exercice du droit de passage inoffensif [20] doit être pleinement respecté par le navire en transit. Il s’agit de ne pas porter atteinte à la paix, au bon ordre ou à la sécurité de l’État côtier. Sont nommément visés « les menaces ou emploi de la force contre la souveraineté ou l’indépendance politique de l’État côtier, les exercices ou manœuvres avec arme de tout type, la collecte de renseignement au détriment de la défense et de la sécurité de l’État côtier, la propagande visant à nuire à la défense ou à la sécurité de l’État côtier, …, la perturbation du fonctionnement de tout système de communication de l’État côtier » [21].
Les Américains considèrent le chenal de transit du détroit d’Ormuz comme des eaux internationales [22]. Ils dénient, de fait, aux États côtiers (en particulier l’Iran) le droit d’y réglementer la navigation internationale. Leur flotte de guerre est alors fondée en droit à opérer des manœuvres dans les eaux d’ Ormuz tant que … les règles de la sécurité maritime sont rigoureusement respectées.
Au total, cette région révèle toute la complexité de relations internationales fondées sur des bases instables : aucun des acteurs impliqués ne reconnaît pleinement un texte de portée internationale régissant le statut d’un point de passage obligé de la navigation maritime internationale et les obligations subséquentes.
La stabilité de la région du détroit d’Ormuz est conditionnée par de multiples facteurs infra-étatiques, intra-étatiques comme inter-étatiques au plan régional mais aussi international. Il ne s’agit pas ici de développer ces considérations plus avant mais d’identifier les mécanismes maritimes à l’œuvre. Cette contribution ambitionne de démontrer les ressorts d’une thalassopolitique dans une région fortement tributaire du fait maritime.
On y observe les multiples manifestations des rivalités sur l’espace océanique considéré sous le prisme du vecteur, le navire quelque soit sa taille, mais aussi en tant que théâtre d’opérations criminelles, militaires et diplomatiques.
La thalassocratie criminelle [23], facteur d’instabilité régionale ?
Sur les espaces océaniques de la mer d’Arabie ou du golfe d’Oman, la criminalité organisée s’épanouit, profitant de l’anonymat des flux maritimes licites comme illicites et de la présence d’États faillis.
Ainsi, ces organisations criminelles s’impliquent dans le contrôle des ressources halieutiques ou de matières premières (contrebande d’hydrocarbures [24]..) tout comme dans les trafics illicites (contrebande d’armes, narco-trafic,..). A titre d’illustration, la situation intérieure de l’Afghanistan conjugué à l’extension de la culture du pavot mettent sur le marché des quantités de plus en plus importantes d’héroïne qui cherchent des débouchés maritimes pour gagner des zones de rebonds en Afrique ou en Asie avant de se répandre dans les foyers de consommation. Le 9 avril 2021, la frégate française GUEPRATTE visite un boutre dans le golfe d’Oman et découvre 75 kilogrammes d’héroïne et 626 kg de méthamphétamine destiné à l’Afrique de l’est.
La violence en mer au cœur des arènes maritimes
Les espaces océaniques sont des arènes dans lesquelles s’affrontent de manière ouverte ou indirecte des puissances étatiques comme des organisations criminelles. Cette caisse de résonance internationale que constitue le détroit d’Ormuz amplifie des projets géopolitiques ainsi que des rivalités diplomatiques cristallisées sur la flotte de commerce mais aussi sur les flottes militaires. Se préservant de toutes manœuvres d’influence, il s’agit, alors, de décrypter méthodiquement ces opérations aéro-maritimes qui s’intègrent dans une véritable « guerre de l’ombre ».
Une gradation des actes commis peut être discernée.
Tableau 2. Détroit d’Ormuz, gradation d’une partie des actes malveillants de mai à août 2021, non exhaustif
Mesures | Flotte commerce | Flotte militaire | Cas concrets |
---|---|---|---|
Intimidations verbales | X | ||
Contrôle tatillon des navires de commerce par l’État du port ( Iran) | X | ||
Intimidations opérationnelles (éblouissement de navires / aéronefs, brouillage électro-magnétique ...) | X | ||
Approche par vedettes de la flotte en transit / Interception de vedettes, | X | 10/05/21 | |
Mesures d’autodéfense ( tir de semonce, tir au but) | X | 10/05/21 | |
Attaque par drone d’un navire | X | M/T MERCER STREET, 29/07/21 | |
Cyberattaque (usurpation ou rupture de l’émission AIS, perte de contrôle de la propulsion/ gouvernail) | X | PRINCESS ASPHALT, 3/08/21 | |
Abordage en mer | X | ||
Piraterie maritime | X | A pour l’heure disparue de la zone | |
Terrorisme | X |
Sources diverses. Réalisation : Florian Manet pour Diploweb.com
Au delà des tensions liées au nucléaire iranien, le détroit d’Ormuz cristallise les attentions de toute la scène internationale. Il est considéré comme le talon d’Achille d’une économie mondiale tributaire de l’or noir pour son développement. Les conséquences de la fermeture de ce goulot d’étranglement sont perçues comme « insupportables [26] » : perturbation de la navigation internationale des hydrocarbures, dérèglement des chaînes d’approvisionnement et de transformation, impact sur les cours des marchés des matières premières et du coût de l’énergie pour ce qui concerne les premiers effets.
Il s’agit là de l’un des quatre plus importants points de passage stratégiques mondiaux en matière de transport avec les canaux de Panama et Suez et le détroit de Malacca. Selon l’EIA, 61 % des produits pétroliers sont transportés par voie maritime selon des données de 2015.
Tableau 3. Volume total de brut et autres produits pétroliers transitant par les choke points et le cap de Bonne Espérance en 2016 en million de baril/ jour [27]
Choke point | Volume en transit |
Détroit d’Ormuz | 18,5 |
Détroit de Malacca | 16,0 |
Canal de Suez + pipeline Suez- Méditerranée | 5,5 |
Bab-el-Manded | 4,8 |
Détroits du Danemark | 3,2 |
Détroits Bosphore/ Dardanelles | 2,4 |
Canal de Panama | 0,9 |
Cap de Bonne Espérance | 5,8 |
Total du commerce mondial du pétrole par voie maritime | 58,9 [28] |
Volume total de l’acheminement de pétrole et autres produits | 97,2 |
Source : l’Agence américaine de l’énergie. Réalisation : Florian Manet pour Diploweb.com
La sensibilité de ce point névralgique est soulignée par la forte concentration de moyens militaires multinationaux [29] dans le secteur et la traduction moyen-orientale des colliers de perles chinois.
S’il est encore trop tôt pour disposer de données consolidées sur les effets de la pandémie de COVID-19 sur les volumes et les structures des échanges maritimes en 2020 et 2021, tout laisse penser que le détroit d’Ormuz restera un lieu stratégique majeur des prochaines années.
Pour conclure, l’étude les tensions observées dans les approches maritimes du golfe Persique conduit à s’interroger sur le défi de la disponibilité d’artères vitales qui irriguent les marchés mondiaux des matières premières. Elle pointe, par ailleurs, le rôle prépondérant joué par le transport maritime dans le bon fonctionnement d’économies globalisées et le risque aggravé de perturbation dans une logistique internationale interdépendante. Ainsi, la fermeture du détroit d’Ormuz semble une option peu réaliste dans les scénarii de crise, même de haute intensité.
Enfin, cette immersion au cœur des mécanismes maritimes à l’œuvre dans la région du détroit d’Ormuz démontre toute la pertinence d’une approche thalassocentrée dans l’analyse des relations internationales. Elle apporte des éléments d’appréciation complémentaire qui affinent la compréhension des enjeux internationaux et qui ouvrent de nouvelles perspectives.
La sécurité maritime est bien un enjeu majeur du temps présent et des décennies à venir.
Copyright Août 2021-Manet/Diploweb.com
Plus
. Florian Manet, "Le crime en bleu. Essai de thalassopolitique", Préfaces du général d’armée Richard Lizurey et de l’amiral Christophe Prazuck, ed. Nuvis. Sur Amazon
Et si les terroristes préparaient un Bataclan sur mer ? Cette perspective redoutable illustre l’actualité des menaces maritimes pesant sur nos économies globalisées, plus que jamais tributaires de la maritimisation des échanges et de nos modes de vie. Terrorisme, piraterie, cybercrime, trafic organisé d’êtres humains, narco trafic international, trafic illicite de déchets, d’armes ou encore de biens contrefaits, fraudes, pêche illégale, pollution expriment les multiples facettes d une activité criminelle organisée transnationale qui met en risque les équilibres socio-économiques et géopolitiques, jusqu’au coeur des territoires. L’auteur souligne dans ce livre l’importance des enjeux attachés à la lutte contre cette « thalassocratie criminelle » qui prospère dans les mécanismes spécifiques de l’écosystème maritime. Acteur économique et géopolitique à part entière, la criminalité organisée exploite insidieusement les lacunes du droit international de la mer et démultiplie ainsi sa capacité de déstabilisation des territoires. La police judiciaire maritime et portuaire est à la fois un outil de souveraineté sur les eaux territoriales et un levier de performance et d’anticipation en sécurité intérieure. Pour mieux lutter contre la criminalité organisée, l’auteur invite à une convergence des stratégies de défense et de sécurité intérieure ainsi qu’à une meilleure synergie internationale.
. Voir aussi Yan Giron, "Les espaces maritimes, lieux d’une mondialisation… criminelle hybride ?" sur Diploweb.com
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[1] C’est un bras de mer de 830 kilomètres de long pour 240 kilomètres pour sa plus grande largeur. Sa superficie est de 251 000 km².
[2] Il s’agit des îles Abu Musa et grande / petite Tomb occupées militairement par l’Iran depuis 1971 et revendiquées par les pays arabes.
[3] Les navires-citernes à grande capacité sont les VLCC ou Very Large Crude Carrier ( 160-320 DWT) et les ULCC ou Ultra Large Crude Carrier ( 320 -550 000 DWT).
[4] Le port en lourd ( en anglais : deadweight tonnage ou DWT) d’un navire représente le chargement maximal qu’il peut emporter. Il est égal au déplacement en charge (poids total du navire chargé au maximum) moins son déplacement lège (poids total du navire lège, sans cargaison ni approvisionnement).
[5] En 2015, près de 30 millions de barils ont été extraits par jour en mer. IFPEN, cité par le rapport parlementaire n° 2042, Mers et océans, quelle stratégie pour la France ?, 19 juin 2019.
[6] NDLR Condensat : Mélange d’hydrocarbures qui, maintenus à l’état gazeux dans les conditions de pression et de température du gisement, deviennent liquides lorsqu’ils atteignent la surface. (Dictionnaire Larousse).
[7] Contourner le détroit d’Ormuz : entre projets peu fructueux et plans trop ambitieux, par Émile Bouvier, consulté le 9/08/2, https://www.lesclesdumoyenorient.com/Contourner-le-detroit-d-Ormuz-entre-projets-peu-fructueux-et-plans-trop.html
[8] Pour des raisons évidentes de capacité et de rentabilité, le recours au vecteur aérien à grande échelle est d’emblée exclu.
[9] L’invasion du Koweït par l’Irak en 1990 interrompt son exploitation, à peine reprise ensuite au titre des compensations de guerre pendant quelques années avant qu’un terme définitif ne soit mis.
[10] Cité par l’US Energy Information Administration, 20 juin 2019, consulté le 9/08/21, https://www.eia.gov/todayinenergy/detail.php?id=39932
[11] L’agence américaine pour l’énergie (EIA) définit ainsi le chokepoint : « narrow channels along widely used global sea routes ».
[12] Pour l’évaluation de l’adaptation de ce texte au contexte actuel voir La thalassocratie criminelle met en risque la maritimisation actuelle ?, Florian MANET, Revue de Droit Maritime de l’Association des Étudiants en Droit Maritime du Havre, septembre 2020, http://aedmh.fr/numero-4/
[13] Par la signature d’une convention, l’État exprime son intention de devenir Partie à la convention. Elle n’engage pas l’État dans les suites données. La ratification entraîne l’obligation juridique pour l’État ratifiant d’appliquer la Convention.
[14] La convention de Montreux, accord international multilatéral signé le 20 juillet 1936, détermine l’exercice de la libre circulation dans les détroits des Dardanelles et du Bosphore.
[15] « Le passage doit être continu et rapide. Toutefois, le passage comprend l’arrêt et le mouillage, mais seulement s’ils constituent des incidents ordinaires de navigation ou s’imposent par suite d’un cas de force majeure ou de détresse ou dans le but de porter secours à des personnes des navires ou des aéronefs en danger ou en détresse », Art 18.
[16] Le passage en transit est « l’exercice de la liberté de navigation et de survol à seule fin d’un transit continu et rapide par le détroit entre une partie de la haute mer ou une zone économique exclusive et une autre partie de la haute mer ou une zone économique exclusive. », Art 38 CNUDM.
[17] Les navires ou aéronefs « s’abstiennent de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique des États riverains des détroit .. », Art 39 CNUDM.
[18] La Convention RIPAM ( Règlement International pour Prévenir les Abordages en Mer ou COLREG / Collision Regulations en anglais) est un règlement fixé par l’Organisation Maritime Internationale fixant, notamment, les règles de « priorité » entre navires.
[19] « Les États riverains de détroits ne doivent pas entraver le passage en transit et doivent signaler par une publicité adéquate tout danger pour la navigation dans le détroit et le survol du détroit dont ils ont la connaissance. L’exercice du droit de passage en transit ne peut être suspendu », Art 44 CNUDM.
[20] Art 45 CNUDM.
[21] Art 19 CNUDM.
[22] L’une des avancées majeures de la CNUDM est de porter la mer territoriale de 3 à 12 milles nautiques.
[23] Florian Manet, Le crime en bleu, essai de thalassopolitique, édition Nuvis, 2019.
[24] La contrebande d’hydrocarbures contribue régulièrement au non-respect des mesures d’embargo et au financement d’activités délictuelles voire du terrorisme.
[25] L’agence américaine pour l’énergie (EIA) définit ainsi le chokepoint : « narrow channels along widely used global sea routes ».
[26] Les enseignements de l’avarie de l’EVERGREEN dans le canal de Suez le 23/03/21 sont riches d’enseignement. Précisons que 10 % du commerce mondial transite par ce choke point.
[27] Étude fournie par l’Agence américaine de l’énergie. Ces données mériteraient d’être confrontées dans l’aprés-COVID. Consulté le 10/08/21, disponible sur https://www.eia.gov/international/analysis/special-tropics/World_Oil_Transit_Chokepoints
[28] Données de 2015 – Données non disponibles pour 2016
[29] Ainsi, l’Union européenne a mis sur pied une mission spécifique en février 2020 : EMASoH (European-led Maritime Awareness in the Starit of Hormuz)
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