Podcast et synthèse rédigée

Planisphère. Sur quelle Alliance atlantique peut-on compter aujourd’hui ? Avec M. Domenach

Par Emilie BOURGOIN, Muriel DOMENACH, Pierre VERLUISE, le 23 septembre 2025  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Muriel Domenach, Haute fonctionnaire. Elle a été Ambassadrice de France auprès de l’OTAN de 2019 à 2024 après un parcours dans les affaires de sécurité.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF. Cette émission a été diffusée en direct le 23 septembre 2025.
Synthèse par Emilie Bourgoin, étudiante en dernière année de Master Sécurité et Défense à l’Université d’Ottawa, après un BBA à l’EDHEC. Elle a travaillé en alternance au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle est en charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.

« Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’OTAN » déclare le président de la République française Emmanuel Macron le 7 novembre 2019. Non seulement l’OTAN existe toujours mais la relance de l’agression russe contre l’Ukraine, en 2022, lui a apporté deux nouveaux membres : la Suède et la Finlande. Pourtant, depuis le retour de D. Trump à la Maison Blanche, le 20 janvier 2025, la confiance entre alliés a semble-t-il diminué. Alors, sur quelle Alliance atlantique peut-on compter aujourd’hui ? Pour dialoguer à ce propos, Planisphère reçoit Muriel Domenach.

Cette émission Planisphère [1], Sur quelle Alliance atlantique peut-on compter aujourd’hui ? Avec Muriel Domenach, sur RCF-RND

Cette émission, Planisphère, sur Spotify

Synthèse de cette émission, Planisphère, Sur quelle Alliance atlantique peut-on compter aujourd’hui ? Avec Muriel Domenach. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com. Relue et validée par M. Domenach

EN 2019, Emmanuel Macron parlait de la « mort cérébrale de l’OTAN ». Pourtant, l’organisation a non seulement survécu, mais elle s’est renforcée avec l’adhésion de la Finlande et de la Suède après l’agression russe contre l’Ukraine. Depuis le retour de Donald Trump à la présidence américaine en janvier 2025, l’Alliance atlantique est mise à l’épreuve dans son principe même par l’allié américain, dans le contexte d’une pression russe croissante, en Ukraine où Moscou a redoublé de brutalité mais aussi envers l’Europe. L’entretien avec Muriel Domenach, ambassadrice de France auprès de l’OTAN (2019-2024), éclaire ces enjeux.

Une idée reçue : l’OTAN n’est pas « morte »

Selon Muriel Domenach, il est faux de considérer que l’OTAN a dépassé le stade de la « mort cérébrale ». L’organisation, fondée par le traité de Washington en 1949, demeure une structure politique et militaire solide dont aucun État ne peut ni même n’a intérêt à unilatéralement décréter la dissolution. Même lorsque certains dirigeants, comme Donald Trump, mettent en doute la menace russe ou la pertinence de la protection collective, l’OTAN reste militairement utile.

Le « bon deal » de l’Alliance atlantique

L’OTAN persiste car elle représente un « bon deal » pour ses membres.

. Pour les États-Unis : elle offre un cadre institutionnel où Washington exerce une prééminence confortable sans imposer de coercition, contrairement au Pacte de Varsovie [2] en son temps.

. Pour les Européens : elle fournit une tutelle sécuritaire fiable, efficace et relativement bienveillante, leur permettant de se concentrer sur la prospérité économique et sociale. Cette dépendance était acceptée et sa continuation était même ardemment souhaitée.

Planisphère. Sur quelle Alliance atlantique peut-on compter aujourd'hui ? Avec M. Domenach
Muriel Domenach
Haute fonctionnaire. Elle a été Ambassadrice de France auprès de l’OTAN de 2019 à 2024 après un parcours dans les affaires de sécurité. Crédit photo : Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

Des perceptions divergentes de la menace

Les États-Unis placent désormais l’Asie-Pacifique et la Chine au cœur de leur stratégie, une tendance amorcée dès l’ère Obama avec le « pivot vers l’Asie ». Pour Trump, cette priorité s’accompagne d’une certaine proximité idéologique avec Vladimir Poutine, délétère pour la solidarité transatlantique. Les Européens, eux, perçoivent la Russie comme une menace directe et urgente. Ce décalage oblige l’Europe à assumer davantage la responsabilité de sa propre sécurité.

Le risque d’un découplage transatlantique

Muriel Domenach souligne le danger d’un accord bilatéral russo-américain que l’on a redouté surtout après le piège tendu à V. Zelensky dans le bureau ovale le 28 février 2025 et qui aurait sacrifié l’Ukraine et la sécurité européenne. La Russie cherche à rétablir son « glacis » impérial et à séparer les Européens des Américains. Trump, en adoptant certains discours russes et en mettant sous pression l’Ukraine plutôt que Moscou, a accentué ce risque. Les Européens ont néanmoins réussi à revenir dans le jeu transatlantique en soutenant collectivement Zelensky, et en obtenant la continuation du soutien militaire américain à l’Ukraine.

Le défi actuel réside dans la capacité à maintenir autant de coopération transatlantique que possible tout en renforçant une défense européenne crédible.

Vers une défense européenne renforcée

L’incertitude sur la garantie de sécurité américaine pousse l’Europe à repenser sa défense :
. Sur la défense collective : des pays comme l’Allemagne ou la Pologne s’intéressent à la dimension européenne de la dissuasion française, jusque-là taboue.
. Sur l’armement : une préférence européenne progresse, dans les régles européennes sur l’emploi des crédits communautaires mais aussi avec des choix stratégiques tels que l’achat par le Danemark de systèmes de défense aérienne franco-italiennes SAMPT plutôt que de systèmes Patriot américains. Ces évolutions traduisent une prise de conscience que la dépendance exclusive envers les Etats-Unis est risquée.

Faire infuser la culture stratégique dans la société

Au-delà des enjeux institutionnels, Muriel Domenach insiste sur la nécessité de sensibiliser la société civile, en particulier les jeunes, aux questions stratégiques. Elle a participé à des initiatives comme la Fabrique de la diplomatie organisée début septembre 2025 par le MEAE. Elle a initié la série de vidéos « Parlons stratégie ! », destinées aux lycéens et enseignants, afin de démocratiser la réflexion sur la défense, la guerre et la sécurité internationale. L’objectif est d’alimenter l’intérêt pour la géopolitique des jeunes, conscients des menaces et acteurs de leur sécurité.


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Conclusion

L’OTAN demeure une organisation centrale malgré les tensions internes et le désengagement relatif des États-Unis. Mais la menace et l’incertitude sur la garantie de sécurité américaine imposent aux Européens de prendre davantage de responsabilités dans leur sécurité et leur défense. Le défi actuel réside dans la capacité à maintenir autant de coopération transatlantique que possible tout en renforçant une défense européenne crédible. La diffusion de la culture stratégique auprès des citoyens, notamment des jeunes, est essentielle pour soutenir ces évolutions à long terme.

Copyright pour la synthèse Septembre 2025-Bourgoin/Diploweb.com


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[1Cette émission a été enregistrée le : 15/09/2025

[2NDLR : Le Pacte de Varsovie (1955-1991) est une alliance militaire groupant les pays d’Europe de l’Est avec l’URSS dans un vaste ensemble économique, politique et militaire. Il est conclu le 14 mai 1955 entre la plupart des pays communistes du bloc soviétique par un traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle. L’URSS y était la puissance dominante. L’ouverture du Rideau de fer (1989) ouvre le début de la fin du Pacte de Varsovie, actée en 1991.

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| Dernière mise à jour le mardi 23 septembre 2025 |