Maxime Lefebvre, Diplomate de carrière, ancien ambassadeur, détaché depuis 2022 à l’ESCP Business School comme professeur de relations internationales, directeur du Master "International Business & Diplomacy" et co-directeur de l’Institut géopolitique.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur RND et RCF. Cette émission a été diffusée en direct le 9 septembre 2025.
Synthèse par Emilie Bourgoin, étudiante en dernière année de Master Sécurité et Défense à l’Université d’Ottawa, après un BBA à l’EDHEC. Elle a travaillé en alternance au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle a la charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.
Quelle Union européenne dans le monde de Trump II ? L’UE peut-elle compter sur sa diplomatie, se résigne-t-elle à l’impuissance ou doit-elle tenter le sursaut ? Pour dialoguer à ce propos, Planisphère reçoit Maxime Lefebvre.
Cette émission [1]Planisphère, Quelle Union européenne dans le monde de Trump ? Avec Maxime Lefebvre, sur RCF-RND
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Synthèse de cette émission, Planisphère, Quelle Union européenne dans le monde de Trump ? Avec Maxime Lefebvre. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com. Relue et validée par Maxime Lefebvre
LA REELECTION de Donald Trump à la tête des États-Unis a relancé les inquiétudes sur l’avenir du lien transatlantique. Face à une administration imprévisible et protectionniste, l’Union européenne est-elle en passe d’être vassalisée ou bien saura-t-elle se ressaisir pour affirmer son autonomie stratégique et sa puissance diplomatique ? Dans un échange riche et nuancé, Maxime Lefebvre, diplomate et professeur à l’ESCP, apporte un éclairage précieux sur les enjeux contemporains de la diplomatie européenne face au retour de Trump.
L’UE a résisté au risque de fragmentation malgré les tensions internes suscitées par certains gouvernements populistes ou nationalistes (Hongrie, Slovaquie, Italie). Ces États, bien que parfois proches idéologiquement de Trump, n’ont pas empêché l’adoption de positions européennes unifiées. Même Giorgia Meloni, réputée proche du président américain, a contribué au jeu collectif européen, notamment dans les négociations commerciales.
L’accord commercial avec l’administration Trump, bien que déséquilibré et perçu par certains comme une humiliation, est plutôt un « armistice ». En évitant une guerre commerciale frontale, l’UE a cherché à préserver ses intérêts économiques et sociaux. L’acceptation d’une taxation asymétrique s’explique par la volonté de maintenir la fluidité des échanges, dans un contexte où l’UE exporte massivement vers les États-Unis.
Face aux offensives américaines dans le domaine du numérique, notamment via les géants de la tech, l’UE a défendu ses régulations : RGPD, DSA, DMA. Malgré les pressions américaines, notamment sur la liberté d’expression en ligne, elle a refusé de céder. La régulation des contenus, notamment sur des plateformes comme X (ancien Twitter), reste un enjeu clé dans la lutte contre la désinformation et la défense de la souveraineté législative européenne.
Sur le dossier ukrainien, les Européens, notamment via le format des « Big 6 », ont agi de manière concertée pour influencer la position américaine. Ils ont mis sur la table la question des garanties de sécurité pour l’Ukraine, tout en maintenant l’engagement américain au sein de l’OTAN. La séquence diplomatique des six derniers mois illustre la capacité de l’UE à mener une action cohérente, mêlant pression, dialogue et parfois flatterie à l’égard de Trump.
La nature imprévisible et clivante de Trump contraint les Européens à adopter une posture réaliste. La diplomatie implique de dialoguer même avec des interlocuteurs désagréables. La stratégie européenne consiste à rester ferme sur les principes, tout en ménageant l’ego de son partenaire américain afin de préserver les intérêts vitaux du continent.
Contrairement à son premier mandat, Trump revient avec une équipe fidèle, une expérience renforcée et une volonté claire de mise en œuvre. Toutefois, Maxime Lefebvre souligne deux aspects qui peuvent laisser place à la négociation : son pragmatisme économique et son peu d’appétence pour les aventures militaires, à la différence de prédécesseurs bellicistes comme George W. Bush (2001-2009).
La pression américaine, la guerre en Ukraine et les rivalités géopolitiques avec la Chine et la Russie rappellent l’urgence d’une Europe plus autonome. Cela implique de renforcer la défense, la compétitivité économique, la souveraineté technologique et la diplomatie commune. Mais les obstacles sont nombreux : départ du Royaume-Uni, divergences franco-allemandes, montée des nationalismes et affaiblissement démographique.
La faible fécondité européenne mine les perspectives de puissance à long terme. Une population vieillissante fragilise les systèmes sociaux et la capacité d’innovation. L’immigration pourrait être une solution partielle, mais elle suscite des résistances politiques et sociales. La relance démographique devient ainsi un enjeu géopolitique autant qu’économique.
L’Union européenne ne peut ignorer le retour du rapport de force dans les relations internationales. Elle a su, jusqu’à présent, faire preuve d’un certain réveil stratégique face à Trump, notamment sur les sujets commerciaux, numériques et sécuritaires. Mais sa transformation en véritable puissance dépendra de sa capacité à maintenir l’unité, renforcer son autonomie et surmonter ses faiblesses structurelles.
. Maxime Lefebvre, Les Européens ont-ils tort de ménager Trump ?, article publié sur le site Telos (28 juillet 2025).
. Maxime Lefebvre, Donald Trump et les diverses traditions de la politique étrangère américaine, article sur The Conversation (14 juillet 2025).
. La revue Le Grand Continent, pour des analyses géopolitiques actualisées, notamment sur les rapports de force entre les grandes puissances et l’UE.
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[1] Cette émission a été enregistrée le : 01/09/2025
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