05/2020

Synthèse de l’actualité internationale de mai 2020

Par Axelle DEGANS, le 1er juin 2020  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Docteure en Géopolitique de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Agrégée d’histoire, Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Auteure de nombreux ouvrages.

Voici une précieuse synthèse de l’actualité internationale de mai 2020 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique, suivent la spécialité #HGGSP voire préparent un concours. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte twitter de veille géopolitique @diploweb (plus de 15 200 followers)

Toujours la violence

L’Afghanistan reste marquée en mai 2020 par le sceau de la violence. Un hôpital a été attaqué à Kaboul, un attentat-suicide lors d’un enterrement a fait plusieurs dizaines de morts au nord-est du pays.

Les États-Unis sont de moins en moins un acteur du multilatéralisme

Les États-Unis de Donald Trump se sont retirés en mai 2020 de l’accord de libre-échange transpacifique et ont arrêté les négociations de l’accord transatlantique voulu par Barack Obama. Ils ont suspendu leur contribution à l’OMS (organisme onusien) devenue ouvertement pro-Pékin dans sa gestion de la crise sanitaire du coronavirus. Elle ne l’a déclarée pandémie que le 11 mars 2020. A l’été 2019, les États-Unis avaient dénoncé le traité FNI (forces nucléaires à portée intermédiaire). Ils viennent de se retirer en mai 2020 du traité « ciel ouvert » (Open skies) qui permet aux 34 pays signataires de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) devenue l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) d’ouvrir leur espace aérien pour contrôler la limitation de l’armement des uns et des autres. Washington dénonce cet accord au motif que la Russie ne le respecte pas, en ne laissant pas de libre accès à son espace aérien de l’enclave de Kaliningrad (ex-Königsberg). L’effet de cette décision ne devrait pas s’en faire sentir avant la fin de l’année 2020.


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A contrario, l’Union européenne et le Mexique viennent de finaliser en mai 2020 un accord de libre-échange en pleine crise sanitaire du coronavirus. Les professionnels de la filière de la viande crient au scandale car près de 20 000 tonnes de viande bovine mexicaine entreront sur le marché européen qui lui était jusque-là fermé pour des raisons sanitaires. Le Parlement et le Conseil européens doivent encore entériner cet accord négocié par le Commissaire européen au commerce.

Les États-Unis soutiennent la politique israélienne d’annexion d’une partie de la Cisjordanie mais critiquent la proximité économique croissante de Tel-Aviv et de Pékin, alors que des entreprises chinoises sont en charge de la gestion des ports d’Ashdod et Haïfa.

Dans la droite ligne de son Green deal, l’Europe communautaire souhaite passer sous le statut de zones protégées près d’un tiers des terres et mers de son espace. Il s’agit ainsi de protéger la biodiversité et de parer à la dégradation environnementale qui menace la capacité de se nourrir et veiller ainsi à une alimentation non seulement plus saine mais aussi écologiquement plus soutenable. Bruxelles prévoit également un vaste de projet de plantation de plusieurs milliards d’arbres. Il reste à dégager les moyens financiers pour cette politique ambitieuse.

Les défis lancés par le coronavirus à l’UE

Ces défis sont nombreux. La mise au point d’un vaccin soulève les questions du financement – le péril à y investir est à la mesure des milliards de personnes qui pourraient en avoir besoin – privé (les laboratoires pharmaceutiques) et public (les États, voire les collectivités territoriales) voire celui d’ONG. Le directeur de Sanofi annonce en mai 2020 qu’il donnera la priorité au marché américain car les États-Unis sont le meilleur client de son entreprise – pourtant à l’origine française – et un très important contributeur à son activité de Recherche-Développement. Cette annonce a provoqué un tollé en France et une interrogation sur la priorisation entre intérêts nationaux et mondiaux.

Cette crise sanitaire a révélé au grand jour un monde sino-dépendant. Certains gouvernements sont tentés, en particulier dans l’UE, de prendre des mesures pour retrouver une part de leur sécurité économique perdue par la tragique inconscience des décideurs privés et publics des précédentes décennies, et d’œuvrer de manière générale à devenir moins dépendant de Pékin. Alors que les États-Unis se défient ouvertement de Huawei, soupçonnant le géant chinois d’espionnage, Londres (hors UE) prend à son tour des mesures qui irritent la Chine. Le « projet défendre », coordonné par le ministère des Affaires étrangères, pour faire le bilan des différentes vulnérabilités économiques de l’archipel, en sécurisant par exemple les approvisionnements stratégiques. C’est dans ce nouveau contexte de défiance vis-à-vis de la Chine que le partenariat entre l’Impérial college et Huawei a suscité un débat en mai 2020 car cette université londonienne mène la recherche pour mettre au point un vaccin contre le coronavirus.

La question d’une politique industrielle se pose avec encore plus d’acuité en mai 2020. La crise sanitaire a montré cruellement les dépendances des membres de l’Union européenne. Une piste de réflexion en faveur d’une forme de souveraineté industrielle et économique se dessine. Ainsi, au lendemain de la déclaration du patron de Sanofi, le tandem franco-allemand appelle à la création d’une « Europe de la santé » en faveur d’une sécurisation de la production d’une partie des médicaments sur le sol européen, et d’un financement de la recherche médicale pour parvenir à l’élaboration d’un vaccin contre le coronavirus.

L’activité économique européenne a sévèrement pâti de cette crise sanitaire et du confinement qui ont provoqué une contraction sans précédent de la demande. L’Union européenne s’attend à une contraction de près de 8% de son PIB cette année. Le secteur touristique est déjà sinistré, or l’Europe communautaire est un grand pôle touristique à l’échelle mondiale. Ce secteur fournit, en outre, de nombreux emplois. En mai 2020, les compagnies aériennes sont au bord de la faillite, un plan de 9 milliards d’euros devrait permettre de sauver la compagnie allemande Lufthansa. Les sidérurgistes européens sont très inquiets et appellent Bruxelles à prendre des mesures pour les protéger de la concurrence extérieure qui les malmène déjà depuis plusieurs années. ArcelorMittal et ThyssenKrupp ont déjà mis à l’arrêt plusieurs de leurs hauts fourneaux ; l’inquiétude est grande sur le site de Fos-sur-Mer.

Synthèse de l'actualité internationale de mai 2020
Axelle Degans
Degans/diploweb

L’Union européenne face au coronavirus

L’heure du déconfinement dans l’UE est aussi celle des premiers bilans. Les pays les plus sévèrement touchés par cette pandémie sont l’Italie, France et l’Espagne. Hors UE, le Royaume-Uni est encore davantage touché. L’Europe centrale et orientale l’est moins, car probablement moins ouverte sur les régions d‘où provient cette pandémie. Les pays d’Europe méditerranéenne et occidentale accueillent davantage de touristes provenant du monde entier, et l’Italie du Nord accueille nombre de travailleurs chinois dans ses ateliers du textile.

Le coût économique et financier de la pandémie s’annonce très élevé. Le choix du confinement implique un arrêt d’une bonne partie de l’activité économique européenne, les gouvernements ont décidé d’user de l’arme budgétaire pour rendre cette crise sanitaire et le confinement socialement acceptables. L’endettement public des membres de la zone euro progresse de façon sensible. La Banque centrale européenne (BCE) peut-elle apporter une garantie aux économies de la zone euro ? La possibilité des « coronabonds » a été écartée. La BCE annonce un rachat de dette pour mille milliards d’euros pour soutenir l’économie malmenée de ses membres. La cour allemande de justice de Karlsruhe demande à la BCE d’arrêter d’ici la fin de l’été 2020 sa politique d’achat de dettes souveraines, action qui n’est pas prévue dans ses statuts et dont elle conteste la légalité. La Cour européenne de justice (CEJ) de Luxembourg dénie toute compétence à la cour de Karlsruhe. Une nouvelle réflexion est menée. Le programme SURE prévoit une aide de cent milliards d’euros pour financer les mesures de chômage partiel, la Banque européenne d’investissement (BEI) prévoit deux cents milliards d’euros pour aider les entreprises en difficulté. Le Mécanisme européen de solidarité (MES) devrait aider les pays à financer une partie de leur dette. Le jugement de la Cour de Karlsruhe est significatif de la profondeur du fossé qui sépare l’Allemagne de l’Europe méditerranéenne. L’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède ne veulent pas d’un plan de relance pour soutenir les pays les plus touchés par cette crise sanitaire. Ces quatre pays préfèrent une politique de prêt à une politique d’aide. Ce jugement interroge aussi la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux. Les projets franco-allemands restent à finaliser.

Les inquiétudes liées au secteur touristique en Europe ne sont pas étrangères aux pressions de Bruxelles pour que les États de l’Union européenne pour ouvrir de nouveau des frontières qui ont souvent été fermées au courant du mois de mars 2020, de façon non coordonnée.

Un monde à l’épreuve du coronavirus

Alors que cette crise sanitaire continue de sévir en Europe et en Asie, elle touche progressivement davantage les continents africain et américain. Les États-Unis ont déclaré plus de victimes du coronavirus que tout autre pays, avec déjà plus de 100 000 morts fin mai 2020. La pandémie continue à se développer en Amérique latine, en particulier au Brésil, au Chili, au Mexique ou au Pérou. Au Brésil où elle s’immisce jusqu’en Amazonie.

Nous assistons courant mai 2020 à une flambée du chômage assez générale, aux États-Unis comme en Afrique du Sud par exemple.

Quand rien ne va plus …

L’imbroglio libyen continue. L’offensive menée par le maréchal Haftar depuis avril 2019 pour prendre la partie orientale du pays fait long feu. Il est pourtant appuyé par les Émiratis, l’Égypte et Moscou. Face à lui, Les forces du Gouvernement d’union nationale (GNA) de Sarraj dont la légitimité est reconnue par l’ONU, sont soutenues par la Turquie frériste qui marque de nouveaux points avec par exemple la prise de Watiya (près de la frontière tunisienne) aux forces d’Haftar. Ce conflit mené par de nombreux djihadistes et de nombreux mercenaires s’enlise pour le plus grand malheur de la population locale.

Le Yémen s’enfonce en mai 2020 dans une nouvelle crise sanitaire, celle du coronavirus. Le pays se délite toujours plus, désormais menacé d’une scission alors que la réunification des deux Yémen – du Nord et du Sud – ne date que 1990.

L’Argentine s’approche d’un nouveau défaut de paiement, le pays est au bord de l’asphyxie. Ses créditeurs doivent s’accorder sur la restructuration d’une dette qui s’élève à 65 milliards de dollars.

En Allemagne, le géant ThyssenKrupp s’affaiblit sous le poids de sa dette. Cette grande entreprise en est réduite à se débiter en tranches pour faire face au poids d’une dette qu’il faut restructurer. ThyssenKrupp a déjà vendu son département ascenseur, et s’apprête à céder sa branche construction navale et son aciérie.

La Chine, un Janus

Foyer initial de la pandémie, la Chine a montré, avec sa « diplomatie du masque » sa volonté de maitriser la communication et de présenter un visage avenant. Il en va tout autrement avec Hong Kong qui durant l’été et l’autonome 2019 a été animé par un mouvement de contestation prodémocratie. Pékin veut lui imposer en mai 2020 une loi de « sécurité nationale » pour « améliorer » la situation à Hong Kong en se dotant d’un arsenal législatif qui facilite les arrestations des opposants. Cette loi ne respecte pas l’accord sino-britannique conclu lors du retour de Hong Kong dans le giron chinois, « un pays, deux systèmes », qui garantit l’autonomie de l’ile. Cette loi prendrait effet immédiatement. Les manifestations – qui s’étaient apaisées le temps de l’épidémie du coronavirus - ont repris avec force à Hong Kong. Cette mesure inquiète les investisseurs d’autant que Hong Kong dispose d’une bourse de dimension mondiale. Les États-Unis menacent de lui retirer son « statut » spécial qui lui permet de ne pas souffrir de l’actuel bras de fer commercial qui l’oppose à Pékin.

La session annuelle du Parlement chinois a voté courant mai 2020 un plan de relance qui représente 13% du PIB chinois. Ces dépenses seront orientées en priorité en direction des secteurs jugés porteurs d’avenir comme la voiture électrique ou la 5G. Pékin ne fixe pas d’objectif de croissance pour l’année 2020, c’est une mesure qui trahit l’ampleur de la contraction du PIB chinois.
Le directeur de l’OMC, le brésilien Roberto Azevedo, annonce en mai 2020 sa démission, un an avant la fin de son mandat. Elle intervient à un moment des plus critiques pour l’Organisation mondiale du commerce. Le cycle de négociation entamé début du XXIème siècle n’est toujours pas bouclé et l’Organisme de règlement des différends commerciaux (ORD) est bloqué dans le contexte de reflux du multilatéralisme au profit de l’unilatéralisme et de bras de fer commercial entre les États-Unis et la Chine.

La Chine au banc des accusés

Un nombre croissant de pays soupçonne la Chine de ne pas avoir dit toute la vérité au sujet du coronavirus. Elle est soupçonnée d’avoir voulu cacher cette nouvelle épidémie, et a minima, d’avoir tardé à révéler son existence, faisant perdre à tous un temps précieux. Plusieurs pays, comme le Japon, l’Australie, de pays de l’Asie pacifique, des pays africains, l’Union européenne, demandent des comptes. La Chine, en amoindrissant l’importance de l’épidémie, n’a pas respecté ses engagements envers l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui doit être prévenue dans les plus brefs délais en cas de crise sanitaire. Il semble néanmoins peu probable que la Chine soit sanctionnée, même si sa responsabilité était prouvée dans la transformation d’une épidémie en pandémie.

Les conditions climatiques devraient continuer à se dégrader

La revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United State of America (PNAS) publie un article base sur une étude réalisée par cinq universités. Celle-ci révèle que d’ici 2070 que les terres d’une vaste région intertropicale allant de l’Amazonie jusqu’à l’Indonésie, en passant par une vaste Afrique sahélienne, une partie des péninsules arabique et indienne, subiront une élévation dommageable des températures. Plus de trois milliards d’individus en pâtiront si rien n’est fait pour juguler le réchauffement climatique, ce qui pourrait provoquer une augmentation sensible des flux migratoires de réfugiés climatiques.

L’espace est de retour !

Fin mai 2020, deux astronautes américains décollent à bord d’une fusée Falcon 9, de la société privée Space X, pour rejoindre la station spatiale internationale (ISS). C’est le retour des États-Unis dans l’aventure spatiale après que Barack Obama ait diminué les crédits alloués à la NASA et l’échec de la navette Atlantis (2011). La portée de cet événement est réelle. C’est la première fois qu’une société privée transporte des astronautes américains, mais c’est aussi une reconquête d’une autonomie stratégique américaine dans ce domaine. C’est aussi, à l’évidence, une consécration pour l’entreprise d’Elon Musk qui a considérablement abaissé le coût des vols spatiaux, ce qui n’est pas sans poser de soucis aux Européens. Ceux-ci misent sur Ariane 6 pour être capables de lancer, à leur tour, une capsule avec des spationautes.

Bonnes nouvelles

Les dernières études médicales montrent que les personnes infectées par le coronavirus développeraient une forme d’immunité qui pourrait les protéger à l’avenir.

Copyright 31 mai 2020-Degans/Diploweb


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