Quelle transition écologique souhaitons-nous ?

Par Julien BUEB , le 18 novembre 2018  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

L’auteur s’exprime ici à titre personnel. Diplômé de l’Université de Franche-Comté, Julien Bueb a débuté sa carrière d’économiste au ministère des Affaires étrangères au sein de la Direction générale de la mondialisation puis l’a poursuivi au Centre d’analyse, de prévision et de stratégie. Structure directement rattachée au cabinet du Ministre, Julien Bueb fut en charge, d’une part, des questions macroéconomiques, financières et commerciales et, d’autre part, des sujets environnement, matières premières et développement. Julien Bueb est également professeur associé à Paris I Panthéon-Sorbonne et à l’Université ouverte de Franche-Comté.

Après avoir clairement exposé l’état du budget carbone, l’auteur présente plusieurs scénarii de la transition écologique : un monde de déliquescence politique menant tout droit à un probable effondrement ; l’illusion de la croissance verte dans lequel de nombreux acteurs, principalement issus du secteur privé et du monde politique, imaginent une transition grâce au progrès technologique ; enfin, le rattrapage socio-écologique dans un monde où les considérations environnementales sont également sociales et universelles. Cet article est accompagné d’un tableau et de deux graphiques.

L’EMBALLEMENT de la dégradation des conditions environnementales est planétaire [1]. Les rapports du GIEC, dont le récent « 1,5°C [2] », montrent l’urgence à agir. L’accélération de la dégradation des écosystèmes, de la biodiversité et du climat date des années 1950, décennie à partir de laquelle la croissance de l’usage des ressources et de la pollution a significativement augmenté. Les années 1950 établissent l’ère de l’anthropocène [3] : les êtres humains, de par leur activité, deviennent un facteur géologique. Ils affectent fortement et durablement la Terre et ses écosystèmes. On peut même parler de « capitalocène » puisque les plus riches habitants de notre planète émettent bien plus de gaz à effet de serre (GES) que les plus pauvres. Ce constat est valable aussi bien lorsque sont comparées les inégalités au sein d’un même pays, développé ou en développement, qu’entre différents pays [4].

Afin de conserver une planète vivable pour les êtres humains, en préservant la biodiversité et les écosystèmes dont ils dépendent, tout en limitant les nouvelles menaces liées à la compétition pour les ressources naturelles ou les biens communs tels que l’eau, des efforts significatifs doivent être amorcés et poursuivis dans un avenir proche – de 5 à 20 ans. Selon l’Accord de Paris, il s’agirait de « limiter l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels ». Si collectivement nous sommes capables d’un changement de paradigme écologique, le chemin de la transition est semé d’embuches :

. Politiques, comme un retrait des traités internationaux de la part d’un pays ou, surtout, de la capacité des leaders politiques à relever régulièrement l’ambition [5] ;

. Sociales : il semble nécessaire de modifier certains comportements du côté du consommateur comme du producteur, mais également du superviseur public, tout en se questionnant sur les répartitions des ressources comme des richesses ;

. Techniques : une approche globale de la production d’énergie jusqu’à son usage (sa consommation, marchande ou non) est nécessaire.

En se focalisant sur les seuls enjeux climatiques, les mieux connus des défis environnementaux, l’état du budget carbone sera exposé dans un premier temps. Plusieurs scénarii de la transition écologique seront ensuite imaginés : un monde de déliquescence politique menant tout droit à un probable effondrement ; l’illusion de la croissance verte dans lequel de nombreux acteurs, principalement issus du secteur privé et du monde politique, imaginent une transition grâce au progrès technologique ; enfin, le rattrapage socio-écologique dans un monde où les considérations environnementales sont également sociales et universelles, offrant le salut par la sobriété.

Le budget carbone

Afin de contenir l’élévation de la température de la planète, il est nécessaire de limiter les émissions de GES quantitativement et dans le temps. Sans cette contrainte, le « budget carbone » dont l’humanité dispose pourrait être épuisé rapidement et conduire à un dépassement, non seulement des 1,5°C mais également des 2°C, seuils au-delà desquels les effets climatiques seront irréversibles et mettront en danger la survie de l’humanité [6].

Le budget carbone n’est pas un budget au sens comptable puisque, contrairement au budget d’un État ou d’une entreprise, il ne peut classiquement « se boucler » par de l’endettement : il est impossible d’hypothéquer le climat. De plus, il n’est pas unique, car il dépend de l’objectif climatique assigné, ainsi que de la probabilité afférente à cet objectif. Ainsi, pour l’ONU Environnement, le budget carbone se définit comme la quantité totale de carbone qui peut être émise pour une hausse maximale donnée des températures (1,5°C ou 2°C), afin de rester en-deçà de cette limite, cette prévision ayant une probabilité plus ou moins élevée de réalisation effective [7].

Les estimations du budget carbone varient selon les hypothèses et les objectifs fixés. En partant de celles du GIEC [8] et considérant que le scénario le plus souhaitable pour l’humanité est d’œuvrer pour rester dans la probabilité de 66 % de chance de contenir la hausse des températures sous 2°C d’ici à la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle, il faudrait que le total cumulé des émissions de CO2 depuis 1870 ne dépasse pas 2900 GtCO2 éq. (soit 2900 milliards de tonnes de dioxyde de carbone équivalent) [9]. En 2011, environ 1900 GtCO2 de ce budget avaient déjà été consommées. Au-delà de 2011 et à l’échelle mondiale, il s’agirait de ne pas émettre plus de 1000 GtCO2 (tableau 1). Les pays de la planète peuvent se répartir ce budget, que ce soit au regard des « responsabilités communes mais différenciées » ou non [10].

Quelle transition écologique souhaitons-nous ?
Tableau 1 : budget carbone en fonction des objectifs climatiques (cible de réchauffement) et des probabilités de respect de l’objectif
Réalisation Julien Bueb pour Diploweb.com, 2018
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À partir des émissions passées, le budget carbone informe sur le stock de gaz à effet de serre disponible pour le futur. Mais le budget carbone généralement calculé tend à se réduire de manière significative, d’un volume équivalent à 450 GtCO2, dès lors que sont actualisées les données et intégrées les anticipations des effets des activités de l’homme sur le climat qu’il est pourtant nécessaire de prendre en compte :

. les émissions entre 2011 et 2017 (estimés de 30 à 40 GtCO2 par an, soit de 180 à 240 GtCO2, approximées à 200 GtCO2 [11]) ;

. les effets de la déforestation et du changement d’affectation des sols sur la période 2011-2100 (environ 100 GtCO2), souvent peu ou mal pris en compte par les modèles ;

. les émissions liées au processus de fabrication du ciment (environ 150 GtCO2 entre 2011 et 2100) [12], lequel sera utilisé par les pays pour leur développement, la transformation de leur modèle et l’augmentation de leur population.

La dernière ligne du tableau montre qu’il n’est plus possible de contenir le réchauffement climatique sous les 1,5°C avec une probabilité de 66 %. En outre, pour les autres objectifs, 1 000 GtCO2 ou moins, il reste très peu de marges de manœuvre pour agir : tout dépend de la réponse qui sera apportée collectivement à deux questions :

. Quand le pic d’émission sera-t-il atteint ?

. À quel rythme les émissions seront-elles réduites à partir de ce pic ?

Ces deux questions sont à aborder dans l’ordre, car plus le pic d’émissions arrive tardivement, ce que laisse supposer la reprise de la croissance des émissions de CO2 entre 2016 et 2017, plus la réduction des émissions devra être rapide et importante. Ainsi, dans l’hypothèse d’un pic en 2030 ou en 2035, les efforts de réduction des émissions seront d’autant plus importants, sans doute au-delà d’une réduction annuelle de 10 % [13].

Compte tenu de ces nouvelles contraintes (instant t du pic et rythme de réduction des émissions), selon l’ONU Environnement, sans effort supplémentaire, soit bien au-delà des contributions déterminées au niveau national (les NDC), l’humanité pourrait en 2030 avoir consommé 80 % du budget carbone visant à ne pas dépasser les 2°C de réchauffement, et elle aura épuisé la totalité du budget lui permettant de ne pas aller au-delà de +1,5°C [14]. Le réchauffement climatique s’acheminerait ainsi vers une hausse des températures d’environ +3°C ou plus d’ici la fin du siècle [15].

Par ailleurs, ces études ne se réfèrent pas aux derniers travaux qui tendent à montrer que le budget carbone dont l’humanité aurait disposé depuis l’ère préindustrielle serait surestimé [16].

Graphique 1 : Émissions annuelles mondiales de CO2 liées à la production d’énergie fossiles et de ciment (données provisoires pour 2017)
Réalisation Julien Bueb pour Diploweb.com, 2018
Diploweb.com

La transition vers 2050 : trois scénarii de prospective

Alors que l’emballement climatique se précise, les besoins énergétiques mondiaux croissent : même si une décorrélation entre la croissance du PIB et celle de la production d’énergie ou des émissions de GES semble s’opérer, la consommation énergétique, toujours fortement carbonée, reste dépendante de l’évolution démographique et de celle du PIB [17].

Face à ces tendances lourdes, la transition, soit le passage d’un mix énergétique carboné à un mix à énergies renouvelables, demeure réaliste. Ambitieuse, mais réaliste. Cependant, une fois pris en compte les facteurs de risque, des scénarii de hausse des températures au-delà de 2°C, voire d’effondrement, sont envisageables. Le premier scénario est caractérisé par l’existence d’un risque politique, dont les tendances actuelles en matière de diplomatie économique nous donnent un aperçu. Le deuxième scénario se heurte au risque technique, ou plus précisément l’impossibilité d’une réalisation de la transition grâce aux seules espérances technologiques. Le troisième et dernier scénario, sans doute le moins plausible compte tenu des deux risques précédemment identifiés, présente une des seules voies possible de l’aboutissement de la transition écologique. Les scénarios placent le point de vue en 2050.

Le politique, un facteur de risque pour le climat

Nous sommes en 2050. Les prises de position en matière commerciale comme environnementale de la part du président des États-Unis de l’époque, et, plus largement les velléités protectionnistes croissantes dans le monde qui tendaient à remettre en cause les accords internationaux [18] ont été révélateurs de risques politiques pour le climat, lesquels peuvent être répartis en deux catégories.

Le retrait de l’Accord de Paris des États-Unis, l’un des principaux pays émetteurs de GES en 2020, premier si sont comptées les émissions par tête, puis l’annonce par le Canada, bientôt rejoint par le Brésil, du non-respect de leurs engagements climatiques, ont fissuré le cadre multilatéral. Les dirigeants de nombreux pays n’ont pas eu ou su avoir la marge de manœuvre politique pour respecter les engagements de la COP21. L’Accord de Paris n’est donc pas entré dans la phase d’accélération nécessaire. Les négociations climatiques se sont donc poursuivies a minima. En effet, les « contributions déterminées nationalement » (ou NDCs) n’ont pas été suffisamment revues à la hausse. Les pays qui se sont véritablement engagés dans la transition n’ont pas pu compenser par leur baisse d’émissions celles de ceux qui sont sortis de l’Accord ou qui ne l’ont pas respecté.

Outre le désengagement des accords internationaux, certains pays n’ont pu tenir leurs objectifs. Par exemple, la France, fer de lance de la neutralité carbone [19], a, une nouvelle fois, su montrer qu’elle était capable de grands discours sans pour autant concrétiser les objectifs [20]. Faute de moyens, elle est restée trop longtemps gouvernée par des acteurs assujettis à une logique de court terme, les institutions de la Ve République n’ayant pas permis que l’opinion s’exprime [21].

La combinaison de ces deux risques politiques a achevé la dislocation du consensus international dont on se félicitait à la fin des années 2010. En conséquence, la mobilisation environnementale et sociale s’est limitée à certains États ou groupe d’États, à des élus progressistes et à des « poches » citoyennes – scientifiques, ONG et opinions publiques, quelques entreprises, territoires et villes (ex. C40). Malgré la faillite dans l’engagement de certains États, l’Europe est restée en pointe dans son engagement climatique. Elle a tenté de préserver son activité économique par l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Mais ces efforts non-coordonnés sont demeurés insuffisants et n’ont pas permis de résister à l’emballement. Le climat est désormais devenu un facteur majeur et non plus sous-jacent du déclenchement de conflits, notamment pour des questions relatives à l’accaparement des ressources hydriques et agricoles. Le réchauffement planétaire est le révélateur des inégalités sociales : les populations pauvres des pays du Sud sont les premières à en payer les conséquences et migrent, créant de nouvelles tensions. Le coût de l’adaptation aux changements climatiques grève les finances de ces États, victimes d’évènements extrêmes de plus en plus fréquents et violents. Seuls les pays occidentaux ont les moyens de faire face au changement climatique. Le post-2050 promet néanmoins d’être très délicat à supporter pour toutes les finances publiques et les structures sociales, y compris chez les plus riches.

Deux éléments ont toutefois longtemps maintenu l’espoir de résister à l’emballement climatique, l’un comme preuve d’engagement en faveur d’un changement positif, le second comme susceptible de permettre d’atteindre les objectifs climatiques. D’une part, à l’instar des économistes qui se sont agrippés à l’idée du seul signal prix comme déclencheur de la transition [22], les prix des énergies fossiles n’ont pas été les vecteurs incitatifs de la transition. Au contraire, avec la vulgarisation de l’exploitation des hydrocarbures non-conventionnels comme le pétrole de schiste, malgré leurs effets désastreux sur l’environnement, et avec l’amélioration du taux de récupération des gisements existants, combiné à une croissance mondiale de plus en plus atone du fait des conséquences du réchauffement climatique, le déploiement des énergies renouvelables (EnR) n’est pas venu en substitution des énergies fossiles et fissiles. Il s’est surtout limité aux pays développés qui avaient les moyens financiers et l’ambition de s’engager dans une transition écologique. D’autre part, la diffusion et l’amélioration de l’efficacité énergétique n’ont pas suffi à découpler la croissance des émissions de GES. Le progrès technologique a longtemps entretenu l’idée que les nouvelles technologies permettraient de diminuer les émissions carbone. Or, si l’intensité énergétique et l’intensité CO2 se sont améliorées, le découplage entre les émissions de GES et le PIB mondial est resté relatif. La croissance du PIB a toujours été accompagnée d’une croissance en volume de notre consommation énergétique. Les rendements des moteurs, des chaudières ou des procédés industriels ont progressé, mais dans des proportions insuffisantes pour contrer la hausse de la demande d’énergie. Et la croissance de la production d’énergie de manière décarbonée n’a jamais dépassé suffisamment la croissance de la demande d’énergie pour permettre un découplage total entre la production d’énergie et le PIB.

Graphique 2 : PIB mondial (en Mds de dollars constants de 2014) en fonction de la consommation d’énergie mondiale (en millions de tonnes équivalent pétrole) de 1965 à 2014
Graphique réalisé par Julien Bueb pour Diploweb.com, 2018
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L’absolution par la technique ou l’illusion de la croissance verte

À présent, imaginons un autre scénario. En 2050, le risque politique a été écarté. Les pays ont ciblé des objectifs conformes aux exigences climatiques et ont mis en œuvre des programmes de transition : fin progressive, mais rapide, des subventions aux énergies fossiles (et fissiles), instauration de signaux-prix et de normes contraignantes pour orienter les agents économiques dans leurs décisions, politiques de recherche et de développement en faveur des énergies vertes, aux moyens de stockage de l’électricité et à la voiture électrique, déploiement de réseaux, inter-connectivité, etc. Au niveau international, ils se sont coordonnés pour que la finance devienne verte et que les investissements puissent être correctement dirigés, au bénéfice d’une croissance plus verte. Du côté de la sphère privée, les entreprises, pour profiter de nouveaux marchés et pour freiner leurs coûts, ont investi dans les nouvelles technologies de l’énergie et autres technologies dites « bas carbone » ainsi que dans l’efficacité énergétique. Elles ont développé la domotique, les smarts grids, les véhicules électriques ou encore les smarts cities. Les ménages ont fait de plus en plus appel aux circuits courts, et vivent désormais dans des bâtiments beaucoup mieux isolés thermiquement.

Ces efforts d’adaptation des agents économiques, pourtant conséquents, n’ont cependant pas réduit de manière significative les émissions globales de CO2. Le budget carbone 2°C à 66 % de probabilité a été épuisé au tournant des années 2040. Si certains pays développés sont parvenus à atteindre en 2050 l’objectif de neutralité carbone, celle-ci n’a été possible que grâce à un calcul en émissions nationales et non en empreinte carbone [23] ou grâce à l’achat de crédit carbone à travers des systèmes de compensation carbone. Car les États n’ont pas adopté un autre modèle de développement. Les leaders politiques sont restés focalisés sur des objectifs de croissance, à qui on prête la vertu principale de stabilité économique et sociale [24]. Or même verte, une croissance infinie dans un monde fini est impossible. La croissance verte s’est révélée être un mythe.

En effet, mal conseillés et influencés par de trop nombreux lobbies, les hommes et femmes politiques n’ont pas su voir les limites intrinsèques au déploiement des nouvelles technologies. Les normes locales, nationales puis internationales sur les véhicules et les industries n’ont donc pas eu l’influence espérée. Dans ce scénario, le dépassement des 2°C est le fruit d’oublis fondamentaux, la croissance verte ayant été idéalisée :

. L’activité économique serait paramétrée par notre capacité à produire de l’énergie. Plus nous générons d’énergie par habitant, plus le potentiel de croissance est élevé [25].

. Notre capacité à substituer l’énergie primaire carbonée par de l’énergie renouvelable dépend du rythme de déploiement de ces systèmes énergétiques [26]. Le temps pour réaliser la transition est court, or les efforts en termes de besoins énergétiques pour opérer la transition sont importants.

. Se focaliser sur les EnR et l’efficacité énergétique conduit à oublier l’énergie incorporée des biens ou même leur énergie grise [27]. Les analyses en cycle de vie permettent de mieux appréhender les émissions liées à la production, la consommation et la fin de vie des biens.

Surtout, l’adhésion aveugle aux promesses de la technologie a souligné la compréhension incomplète du cycle énergétique par les décideurs. En effet, outre la question de disponibilité – géopolitique, technique, économique [28] – des matières utiles à la fabrication d’éoliennes ou autres panneaux photovoltaïques, ni les marchés ni les décideurs n’ont su ou osé prendre en compte les contraintes physiques liées à l’énergie. Les limites peuvent être à la fois d’ordre statique et dynamique. D’un point de vue statique, les ressources disponibles doivent exister en quantité suffisante, comme l’eau pour l’hydroélectricité, des poches souterraines pour le CSC, les petits métaux pour la production des nouvelles technologies de l’énergie, que la concurrence d’usage des ressources soit inexistante ou faible. D’un point de vue dynamique, l’accès et la production de ressources nécessitent une dépense énergétique croissante malgré les évolutions des techniques de production. Or les besoins en ressources des nouvelles technologies de l’énergie sont élevés et génèrent en conséquence une demande croissante d’énergie [29]. Il est donc nécessaire d’utiliser de plus en plus d’énergie pour extraire des substances et les raffiner pour qu’in fine elles servent à produire de l’énergie.

Au final, le monde énergétique et climatique de 2050 s’apparente davantage à un monde où le système énergétique est déséquilibré et où l’économie circulaire montre ses limites [30]. La substitution des véhicules thermiques individuels par des véhicules individuels « propres » a conduit à une explosion de la demande en ressources métalliques et donc une croissance de la consommation énergétique. L’usage de ces véhicules individuels n’a pas permis de lisser les crêtes de demande électrique, lesquelles n’ont pu être gérées qu’en faisant appel aux énergies de flux [31], les énergies fossiles et la biomasse, laquelle est entrée en concurrence pour l’usage des sols avec l’agriculture à destination de l’alimentation. Le développement massif des renouvelables n’a pu ainsi s’inscrire dans une dynamique de substitution aux énergies fossiles et fissiles, mais davantage en complément. Les émissions de GES ont certes été réduites mais très insuffisamment par rapport aux objectifs climatiques de 2015. Par ailleurs, l’économie circulaire s’est révélée insuffisante étant donné que la croissance de la consommation a accompagné la croissance du PIB : usages dispersifs de la matière, perte mécanique et mise en décharge ainsi que recyclage avec perte fonctionnelle (usage dégradé) [32] obèrent le potentiel de circularité de l’économie.

Le rattrapage socio-écologique

Après des débuts difficiles, puisque de trop nombreux décideurs ne prenaient pas la mesure de la triple menace environnementale, la transition écologique s’est amorcée au tournant des années 2020, non sans développer des velléités principalement des gagnants de l’ancien monde – entreprises principalement issues du secteur des fossiles, catégories socio-professionnelles aisées dont les personnalités politiques, etc. Une approche englobante a été entreprise progressivement dans tous les pays. Après avoir défini des trajectoires de long terme aux niveaux local, national et international à partir des usages énergétiques (mobilité, besoins thermiques et électricité spécifique) et, avec pour objectif de ne pas diminuer le bien-être tout en éradiquant le superflu, des plans massifs d’investissement et des régulations fortes ont permis d’amorcer un changement en profondeur des sociétés. La transition écologique a modifié, progressivement mais radicalement, le système de production et de consommation. La vision à long terme est désormais la seule reconnue par les pouvoirs publics (le PIB n’est à ce titre plus un indicateur référent). Elle a permis d’anticiper et d’impliquer les acteurs afin d’assurer l’acceptabilité de la transition.

Le principe de sobriété [33] est désormais appliqué à l’ensemble des systèmes de production et de consommation. Couplé dans un second temps aux mesures d’efficacité énergétique à laquelle l’économie circulaire et de fonctionnalité appartiennent, les besoins en énergie primaire des pays développés ont été réduits de 2/3 alors même que le bien-être et la population ont augmenté. Cette baisse importante a pu être aisément satisfaite par la production des EnR. Mis à part des besoins spécifiques aux activités industrielles, le mix énergétique mondial avoisine les 100 % renouvelables.

La baisse significative des besoins énergétiques a eu deux types d’effet s’auto-entretenant et facilitant la transition écologique. D’une part, la transition des pays riches a eu des répercussions sur les pays en développement : le prix des matières premières métalliques nécessaires au développement des EnR est resté bas facilitant l’accès à ces technologies. D’autre part, les besoins énergétiques liés à l’extraction de ces substances ont également été contenus.

Les pays particulièrement bien dotés en potentiel renouvelables, comme la France, sont promis à devenir dans la seconde moitié du XXIe siècle exportateurs nets de gaz : ayant diminué ses besoins énergétiques en vertu des principes de sobriété et d’efficacité, l’énergie excédentaire produite par les EnR permet, par les procédés de méthanation et de méthanisation [34], de générer du gaz de synthèse ayant un effet neutre sur l’environnement, et surtout permettant le « stockage » de l’électricité. En conséquence, en Europe, s’opère le début d’une inversion des flux gaziers vers la Russie, laquelle séquestre dans ses anciens gisements le gaz de synthèse excédentaire.

Cette transition énergétique a été permise grâce à la prise en compte de l’ensemble des enjeux écologiques. Les questions énergétiques et industrielles ont été liées aux problématiques forestières et agricoles, donc à celles de la biodiversité et des écosystèmes ainsi qu’à la sécurité alimentaire. Les questions d’accès aux technologies et aux savoir-faire, de la même manière que celles des mutations de l’emploi ont placé le social au cœur de la transition, les enjeux de répartition et de solidarité, à l’échelle nationale comme internationale, étant fondamentaux pour la réussir. L’éducation et la formation sont également une préoccupation importante à la fois pour l’éveil de la conscience environnementale ou afin d’assurer que l’économie réponde à l’utilité collective. Par exemple, il a été et est encore nécessaire de poursuivre le développement d’une filière agricole locale répondant aux besoins des populations locales. L’efficacité de la production d’énergie et de ses usages implique une production décentralisée dont les populations en ont fait le choix. Ces populations sont désormais impliquées quant au développement des territoires sur lesquels ils vivent, tout en étant solidaires à une échelle plus large. Cette question de l’implication démocratique est également un point essentiel de la transition écologique.

En 2050, les objectifs de l’accord de Paris restent ambitieux mais sont atteignables. Surtout, il est nécessaire de poursuivre la démarche afin de tenter de limiter les conséquences du dépassement du seuil des 1,5°C, dépassement qui se veut temporaire. La gestion des puits anthropiques (forêts et agricultures) ainsi que la généralisation de la méthanation à partir du captage du CO2 atmosphérique demeurent prioritaires pour éviter les effets de seuils du changement climatique, du déclin de la biodiversité et de la dégradation des écosystèmes. Mais au moins, croissance et concurrence sont de lointains et tristes souvenirs.

Copyright Novembre 2018-Bueb/Diploweb.com


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[1Par exemple : selon l’Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA), 2016 a été l’année la plus chaude sur la planète depuis le début des relevés de températures en 1880, marquant le troisième record annuel consécutif de chaleur, et 2017 a été l’année la plus chaude sans El Nino, phénomène étant reconnu pour pousser à la hausse la moyenne mondiale des températures ; la hausse du niveau des mers est 25 % à 30 % plus rapide sur la période 2004-2015 qu’entre 1993 et 2004 ; l’effondrement des populations mondiales de vertébrés s’élève à 58 % entre 1970 et 2012, et les populations d’insectes auraient décru de 80 % en 25 ans.

[3C. Bonneuil, Tous responsables ?, le Monde diplomatique, novembre 2015, citant les articles de J. W. Moore, Capitalism in the Web of Life : Ecology and the Accumulation of Capital, Verso, Londres, 2015 et A. Malm, Fossil Capital. The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, Verso, janvier 2016.

[4Ibid.

[5Dans le cadre de l’Accord de Paris, les États se sont chacun engagés à réduire leurs émissions : ils ont formulé des « Contributions déterminées nationalement » ou NDCs. En 2015, les NDCs conduisaient à un réchauffement supérieur à 3°C ou plus avec une probabilité de 50 % (réchauffement compris entre 2,6°C et 4°C). Climate Action Tracker estime que les NDCs actuels conduiront à une hausse de 3,16°C, proche des 3,4°C de moyenne des tendances actuelles hors NDCs. (source : https://climateactiontracker.org/global/cat-thermometer/ consulté le 15 juillet 2018). Les NDCs doivent être revues à la hausse tous les 5 ans. On appelle cet engagement de révision à la hausse le « relèvement de l’ambition ». Le relèvement de l’ambition se définit comme l’engagement des États signataires de l’Accord de Paris à accroître leurs objectifs de réduction d’émissions en proposant des politiques climatiques plus ambitieuses.

[6En matière de sécheresse, le tournant se situe avant 2°C : maintenir la planète sur un objectif de 1,5°C, également mentionné dans l’Accord de Paris, permettrait d’éviter à 20 % de la surface terrestre (10 % de la population mondiale) de devenir plus aride, soit deux tiers de moins qu’avec une hausse de +2°C. De plus, au-delà de 1,5°C, la montée des eaux devrait submerger certains États insulaires et les barrières de corail pourraient toutes dépérir. GIEC, Global Warming of 1.5°C, 2018.

[7Pour chaque scénario, 1,5°C, 2°C, 3°C, etc., le GIEC propose trois probabilités de réalisation afin d’estimer le budget carbone : 33 % de chance de ne pas dépasser le budget carbone, 50 % et 66 %.

[8Il existe des différences d’évaluation du budget carbone entre celles proposées par le Global Carbon Project, le GIEC ou l’AIE, mais toutes s’accordent sur un point essentiel : l’humanité n’est actuellement pas sur une trajectoire de maîtrise de la hausse des températures en-deçà de 2°C ou de 1,5°C. Par ailleurs, il est important de noter que le budget carbone utilisé dans le rapport 1,5°C du GIEC ne se réfère pas aux mêmes hypothèses. Les budgets carbone ne sont donc pas comparables entre eux. Par exemple, contrairement au 5e rapport du GIEC, les budgets carbone du rapport 1,5°C visent la neutralité carbone en émissions nettes, et partent des températures observées ces dernières années (pour davantage de précisions, voir le chapitre 2, du rapport spécial Global Warming of 1.5 °C, sections 2.2.2.1 et 2.2.2.2, pp. 17-22).

[9Afin de simplifier la lecture, nous écrirons GtCO2 pour GtCO2 éq. car le raisonnement se fait tous GES confondus.

[10Concernant la répartition du budget, se référer à Laurent E., Comment répartir le budget carbone à la COP 21 ?, OFCE/Sciences Po et Stanford University, 2015.

[11Sur les 10 dernières années, les émissions sont plus proches de 40 GtCO2 que de 30 GtCO2. De plus, ne sont comptabilisées que les émissions de CO2, pas celles des autres GES dont les émissions sont mal connues au niveau mondial.

[12Le ciment est un liant hydraulique principalement composé de clinker. Issu de la cuisson à 1450°C de calcaire (80 %) et d’argile (20 %), le clinker est un matériau avec un fort impact carbone. Le ciment pourrait être responsable de 5 % des émissions de GES anthropiques. À l’horizon 2100, 5 %×30 GtCO2 = 1,5 GtCO2 par an, soit 135 GtCO2 d’ici à 2100 (1,5×90), approximée à 150 GtCO2 si on anticipe une amélioration des conditions des pays en développement. La réduction des émissions du bâtiment et de la construction est donc un enjeu majeur.

[13Il est en effet important de comprendre que si 80 GtCO2 étaient émises sur deux ans, le fait qu’elles soient en totalité émises la première année ou réparties de manière égalitaire entre les deux années, les effets en termes de réchauffement climatique seront plus importants dans le premier cas, les capacités d’absorption naturelle du carbone ou des autres GES étant plus rapidement saturées. Pour approfondir le sujet de la trajectoire de réduction des émissions, voir : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2017/12/note_danalyse_les_indc_et_le_budget_carbone_the_shift_project_0.pdf

[14Un constat similaire conduit le Global Carbon Project à annoncer que la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone devrait dépasser 405 parties par million (ppm) et donc conduire l’humanité à avoir épuisé son budget carbone avec pour cible 2°C vers 2037.

[15Ces prévisions tendent néanmoins à survaloriser la capacité d’absorption naturelle et des océans et celle des moyens technologiques comme le CSC (capture et stockage du carbone) dont aucun n’est considéré à ce jour comme une technologie mature.

[16Par exemple, voir Schurer, A.P., Mann, M.E., Hawkins, E., Hegerl, G.C., Tett, S.F.B., “Importance of the pre-Industrial baseline for likelihood of exceeding Paris goals”, Nature Climate Change , 7, 563-567, 2017 ; Gasser T. et alii, “Path-dependent reductions in CO2 emission budgets caused by permafrost carbon release”, Nature Geoscience, 2018.

[17Ainsi, d’ici à 2040, trois-quarts de la demande d’énergie devrait provenir d’Asie et 15 % d’Afrique.

[18En matière commerciale comme environnementale, la remise en cause du libre-échangisme peut s’avérer pertinente. Celle formulée par M. D. Trump n’entre néanmoins pas dans cette catégorie.

[19La France a été l’un des premiers pays à s’engager sur la voie de la neutralité carbone à travers le Plan Climat de juillet 2017. La neutralité carbone vise le zéro émission nette d’ici 2050, soit une baisse des émissions compatible avec l’absorption des puits carbone anthropiques.

[20Lors de la définition de la nouvelle Stratégie nationale bas carbone (SNBC) en 2018, il est constaté que la France, si elle revoit à la hausse ces ambitions en passant du Facteur 4 à la Neutralité carbone, dépasse les émissions qu’elle s’était fixée dans le cadre de la première SNBC, moins contraignante.

[21L’analyse des comportements de la population montre une certaine bipolarité : d’un côté, elle exprime son désarrois devant des ours polaire affamés, de l’autre, elle se précipite pour acheter la dernière voiture de type SUV. Pour affiner ce point, voir Boy D., Représentations sociales de l’effet de serre et du réchauffement climatique, Opinion Way SAS, Ademe, 2017.

[22Selon cette hypothèse, un signal prix élevé permettrait de stimuler les investissements nécessaires à la transition. Il peut s’agir de signal prix mis en place par les autorités, comme le marché carbone ou une taxe environnementale, ou l’effet de prix des énergies fossiles suffisamment élevés.

[23L’empreinte carbone est la somme des émissions directes et des émissions indirectes, liées à la production et au transport des biens et services, générées sur le territoire national auquel on ajoute les émissions des biens importés et on soustrait les émissions des biens exportés.

[24Pour une critique de ce point de vue, voir T. Jackson, Prospérité sans croissance – La transition vers une économie durable, Planète Enjeu, Etopia, De Boeck, pp. 72, 2010

[25G. Giraud et Z. Kahraman , “How dependent is growth from primary energy ?”, CNRS Working Paper, 2014.

[26J.M. Pearce, “Optimizing greenhouse gas mitigation strategies to suppress energy cannibalism”. Second conference on climate change technologies, Hamilton, Ontario, Canada, 2009.

[27L’énergie incorporée est la consommation d’énergie qui a été nécessaire à la fabrication des matériaux des appareils et des systèmes ou à la construction de bâtiments. Le concept d’énergie incorporée peut être élargi en y intégrant une logique de cycle de vie, l’énergie qui sera nécessaire au recyclage du produit en fin de vie. On obtient ainsi l’énergie grise.

[28On peut citer comme exemples, la stratégie d’accaparement des ressources de la Chine sur le continent africain, l’amélioration de la technique qui a permis d’exploiter les gaz et pétroles de schistes, ou les effets de goulet d’étranglement de la chaîne de transformation des substances métalliques. F. Fizaine, Les métaux rares. Opportunité ou menace ? Enjeux et perspectives associés à la transition énergétique, Collection Géopolitique, Editions Technip, 2015. Sur les besoins en ressources, l’OCDE estime que l’utilisation mondiale de matières pourrait plus que doubler entre 2011 et 2060, passant de 79 Gt à 167 Gt (Ocde, Global Material Resources Outlook to 2060 – Economic drivers and environmental consequences, 2018).

[29Cet effet renvoie au second principe de thermodynamique. Il peut être approché par le taux de retour sur investissement énergétique (ou EROI). L’EROI mesure la quantité d’énergie utilisable par unité d’énergie dépensée pour obtenir cette énergie. Il est établi que les productions des ressources décroissent à travers le temps. Voir V. Court et F. Fizaine (2017), Long-Term Estimates of the Energy-Return-on-Investment (EROI) of Coal, Oil, and Gas Global Productions, Ecological Economics 138 (2017) 145–159.

[30Pour le cas particulier de la France, les sécheresses de plus en plus fréquentes ont conduit un arrêt prolongé des réacteurs nucléaires. Ces arrêts ont conduit à des blackouts réguliers qui ont obéré les capacités productives du pays.

[31La plupart des EnR sont des énergies de flux. Elles ont pour origine le Soleil, soit directement (apports thermiques ou photovoltaïques), soit indirectement (vent, évaporation et bio-énergies issues de la biomasse). Les bio-énergies (bois, biogaz, biocarburants) peuvent être considérées comme renouvelables, mêmes si elles sont stockables, car elles s’inscrivent dans un cycle court du carbone contrairement aux énergies fossiles. Elles sont néanmoins stockables.

[32P. Bihouix, L’âge des low-tech. Vers une civilisation techniquement soutenable, Anthropocène, Le Seuil, 2014.

[33Il s’agit de réduire la consommation énergétique des pays industrialisés qui a augmenté de manière démesurée au fil du temps, creusant les inégalités. La sobriété vise dans une large mesure les consommations énergétiques peu utiles voire complètement inutiles au regard du bien-être collectif et individuel. Par exemple, pour des mesures symboliques, il s’agit d’interdire le chauffage des terrasses des restaurants ou des bars, ou encore les écrans publicitaires dans les gares et métros ; plus structurelle, une mesure de sobriété pourrait être une révision de grande ampleur de l’aménagement du territoire afin de réduire les distances devant être parcourues et les besoins d’aménagement en réseaux (gaz, électricité, eau, accès aux transports publics).

[34La méthanisation est un procédé de production de méthane par fermentation anaérobie (en l’absence d’oxygène). La méthanation est un procédé de production de méthane synthétique par la réaction chimique dite « de Sabatier », entre l’hydrogène et du gaz carbonique. L’hydrogène est obtenu par électrolyse de l’eau et le gaz carbonique peut être capté à la sortie d’une unité de combustion.


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