Podcast et synthèse rédigée

Planisphère. Quelle réindustrialisation ? Avec A. Voy-Gillis

Par Anaïs VOY-GILLIS , Emilie BOURGOIN, Pierre VERLUISE, le 24 décembre 2025  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Anaïs Voy-Gillis, Docteure en géographie, Chercheuse associée au CEREGE de l’IAE Poitiers. Auteure de « Pour une révolution industrielle », éd. Presses de la Cité.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, Docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF. Cette émission a été diffusée en direct le 23 décembre 2025.
Synthèse par Émilie Bourgoin, étudiante en dernière année de Master Sécurité et Défense à l’Université d’Ottawa, après un BBA à l’EDHEC. Elle a travaillé en alternance au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle a la charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.

En 2020, la pandémie de COVID-19 a mis en évidence que la France ne disposait plus des moyens industriels pour fabriquer des produits comme le doliprane, des masques et des respirateurs. Des prises de parole ont suivi, en faveur de la réindustrialisation de nos territoires, notamment dans une quête de souveraineté. Cinq ans plus tard, où en sommes-nous en matière de réindustrialisation ? Pour le savoir, Planisphère a la joie de recevoir Anaïs Voy-Gillis. Podcast et synthèse rédigée.

Cette émission [1] Planisphère, Quelle réindustrialisation ? Avec A. Voy-Gillis, sur RCF-RND

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Synthèse de cette émission, Planisphère, Quelle réindustrialisation ? Avec A. Voy-Gillis. Rédigée par Émilie Bourgoin pour Diploweb.com. Revue et validée par A. Voy-Gillis

CINQ ans après la pandémie de COVID-19, la question de la réindustrialisation française demeure centrale. La crise sanitaire avait révélé la dépendance de la France à l’égard des importations pour des biens essentiels, tels que les masques, les médicaments ou les respirateurs. Aujourd’hui, Anaïs Voy-Gillis, docteure en géographie et chercheuse associée au CEREGE de l’IAE de Poitiers, revient sur les enjeux économiques, sociaux, environnementaux et géopolitiques de cette réindustrialisation, ainsi que sur les défis humains, financiers et culturels à relever pour rendre ce mouvement durable et cohérent.

L’industrie : d’un vestige du passé à un enjeu de souveraineté

Jusqu’à la pandémie, l’industrie était perçue en France comme un secteur du passé, voué à disparaître au profit des services et du numérique. Cependant, la succession de crises, sanitaire, énergétique, géopolitique, a rappelé son importance stratégique. L’industrie ne se résume pas à des cheminées polluantes : elle est multiple, souvent discrète et essentielle à la souveraineté nationale. Produire localement permet de garantir la disponibilité de produits vitaux (médicaments, acier, ciment, semi-conducteurs) et de limiter la dépendance à des zones instables ou éloignées.

Planisphère. Quelle réindustrialisation ? Avec A. Voy-Gillis
Anaïs Voy-Gillis
Anaïs Voy-Gillis, Docteure en géographie, Chercheuse associée au CEREGE de l’IAE Poitiers. Auteure de « Pour une révolution industrielle », éd. Presses de la Cité.

Les quatre grands enjeux de la réindustrialisation

Anaïs Voy-Gillis identifie quatre enjeux majeurs de la réindustrialisation :

1. La souveraineté nationale

L’objectif est de réduire la dépendance aux intrants stratégiques (semi-conducteurs, composants de batteries, électrolyseurs…). Maîtriser la production locale renforce l’autonomie technologique et géopolitique, tout en protégeant les chaînes de valeur face aux crises internationales.

2. La cohésion sociale et territoriale

L’industrie est un moteur d’emploi local. Chaque emploi industriel génère deux à trois emplois indirects et autant d’emplois induits. Elle permet donc de revitaliser des territoires en difficulté, à condition d’articuler cette stratégie avec une politique d’aménagement du territoire et des infrastructures adaptées.

3. La réduction de l’empreinte carbone

Produire en France, où les normes environnementales sont plus strictes et notre mix électrique moins carboné, permet de réduire les émissions mondiales. Cela diminue également les « émissions importées », souvent plus élevées dans les pays à énergie fortement carbonée comme la Chine et donc in fine l’empreinte carbone de la France.

4. Le financement du modèle social

L’industrie génère des emplois mieux rémunérés et donc une fiscalité plus dynamique. Elle pourrait contribuer à stabiliser le financement des retraites et de la sécurité sociale, en remettant la création de valeur au cœur du territoire.

L’économie circulaire : un levier de souveraineté et de durabilité

L’économie circulaire, qui repose sur la réutilisation, la réparation et le recyclage des produits, permettrait de limiter la dépendance aux matières premières importées, tout en améliorant le bilan environnemental de l’industrie. Elle favorise la résilience économique et écologique en revalorisant les ressources sur le sol français. Ce modèle offre une double promesse : réduire l’impact environnemental et renforcer la souveraineté nationale.

Le défi énergétique européen

La réindustrialisation ne peut se concevoir sans une politique énergétique claire. Si l’UE progresse dans le développement du solaire et de l’éolien, les débats sur le nucléaire ou les énergies renouvelables restent vifs. Pour Anaïs Voy-Gillis, il faut combiner ces deux sources afin d’assurer un mix énergétique stable, décarboné et compétitif. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, bien que fortement perfectible, représente un outil important pour protéger les industries européennes face à une concurrence internationale moins contrainte par les normes écologiques. Pour cela, il serait nécessaire que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières considère les chaines de valeur et pas uniquement certains produits en amont de celles-ci comme l’acier ou l’aluminium.

Les moyens humains : formation, attractivité et image de l’industrie

Un obstacle majeur à la réindustrialisation réside dans la pénurie de compétences. Le vieillissement de la population et la désaffection des jeunes, notamment des femmes, pour les carrières scientifiques menacent la capacité à produire. Anaïs Voy-Gillis plaide pour une revalorisation culturelle et éducative de l’industrie : meilleure image, ouverture des usines au grand public pour faire connaître des métiers et des secteurs souvent peu connus, mise en avant des parcours féminins, formation technique renforcée et intégration de la robotisation pour pallier la baisse de main-d’œuvre.

Sans transformation de l’imaginaire collectif autour de l’industrie, les efforts techniques resteront fragiles.

Les moyens financiers et les politiques publiques

Le plan France 2030 a mobilisé 54 milliards d’euros pour soutenir les secteurs d’avenir (hydrogène, batteries, nucléaire…), mais ces fonds publics doivent s’accompagner d’investissements privés et d’un meilleur usage de l’épargne nationale. Face à la concurrence agressive des États-Unis et de la Chine, l’UE doit clarifier sa doctrine industrielle, renforcer ses instruments financiers et adopter une vision stratégique commune, notamment à travers des politiques protectionnistes ciblées.

Ancrage territorial et changement culturel

La réindustrialisation passe aussi par une reconnexion entre industrie, formation et innovation locales. Créer des écosystèmes territoriaux solides nécessite une coopération durable entre écoles, laboratoires et entreprises. Cependant, sans transformation de l’imaginaire collectif autour de l’industrie, les efforts techniques resteront fragiles. Anaïs Voy-Gillis insiste sur la nécessité d’un nouveau récit industriel, qui redonne du sens au travail et valorise l’industrie comme pilier d’un projet de société plus autonome, écologique et solidaire.


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L’UE face à la concurrence mondiale

L’Union européenne doit désormais accepter de rompre avec la naïveté commerciale des dernières décennies. Pour Anaïs Voy-Gillis, il est temps d’imposer des clauses de production locale, de transfert de technologies et de réviser les règles de concurrence pour protéger les secteurs stratégiques. Dans un monde dominé par le protectionnisme américain et chinois, la survie industrielle du sous-continent dépend de sa capacité à agir collectivement et à défendre ses intérêts. Sinon, l’Union européenne aura réussi le pari de sa décarbonation, mais au détriment de celui de sa réindustrialisation.

Conclusion

Anaïs Voy-Gillis appelle à une réindustrialisation lucide, souveraine et durable, ancrée dans les territoires et soutenue par une vision politique cohérente. L’industrie doit redevenir un projet de société, articulant innovation, environnement, emploi et fierté collective. Comme elle le rappelle dans son ouvrage « Pour une révolution industrielle » (éd. Presses de la Cité), la réindustrialisation ne se décrète pas : elle se construit, par la volonté, la culture et l’imaginaire.

Copyright pour la synthèse Décembre 2025-Bourgoin/Diploweb.com


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[1Cette émission a été enregistrée le 6/10/2025 et diffusée le 23/12/2025.

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| Dernière mise à jour le mercredi 24 décembre 2025 |