Après avoir fait deux années de classe préparatoire littéraire à l’ENC Blomet (Paris), Amélie André est étudiante en troisième année de Licence de Géographie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. En parallèle, elle apprend également l’arabe littéral à l’INALCO. Elle envisage de poursuivre ses études dans les relations internationales.
Si l’approche de la politique étrangère adoptée par le Président D. Trump semble être en rupture avec celle de son prédécesseur, elle correspond davantage à un changement de rythme, de méthode, de ton qui traduit les dynamiques politiques internes des Etats-Unis. En effet, une certaine continuité apparait entre les différentes administrations, qui répond à une volonté des Etats-Unis de se désengager progressivement de leur implication militaire dans la région au profit de puissances régionales de leur proximité politique. Illustré d’une carte inédite grand format, en pied de page.
Durant son mandat (janvier 2017- janvier 2021), le Président américain Donald Trump a adopté une politique étrangère au Moyen-Orient qui apparait singulière dans les faits, et relativement différente de celle de son prédécesseur, B. Obama. Néanmoins, à bien y regarder, une certaine continuité semble lier ici les actions des deux hommes politiques. Dans quelle mesure la politique étrangère de D. Trump s’inscrit-elle, malgré ses ambivalences, dans le temps long de la gestion américaine des dynamiques du Moyen-Orient ?
L’administration Trump adopte une approche de la politique étrangère au Moyen-Orient qui, en plusieurs points, diverge de celle suivie par son prédécesseur. Ces différences se manifestent à travers le ton, le rythme, les moyens différents des actes orchestrés : caractère unilatéral des décisions prises, relative agressivité et usage de la force. Bien que des attaques militaires aient eu lieu notamment en Syrie, c’est en particulier sous le prisme de l’évolution des relations avec l’Iran que les changements sont le plus notables : le Président D. Trump adopte une politique de pression maximale contre l’Iran, là où B. Obama employait dialogue, ouverture et négociation. Le 8 mai 2018, les États-Unis décident de sortir de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, signé en 2015, alors qu’il symbolisait une évolution des relations et la reprise d’un dialogue. Les sanctions économiques contre l’Iran sont alors rétablies unilatéralement. La politique de pression maximale atteint son acmé à la fin de l’année 2019 et au début de l’année 2020, alors que les tensions augmentent encore d’un cran entre les deux pays. Plusieurs échanges militaires mènent, le 3 janvier 2020, à l’assassinat par l’armée américaine du Général iranien Qassem Souleymani. Ces faits traduisent un changement notable par rapport à B. Obama, qui concentrait la politique sur le développement de relations bilatérales avec les pays du Moyen-Orient et une référence au respect des droits de l’Homme. Le changement d’administration renvoie donc à une double interprétation des modifications observées. Il s’agit en effet tout d’abord de choix politiques. Il est « nécessaire » de rompre avec l’administration précédente, et de déconstruire ce qu’elle a fait, superficiellement : c’est ce qui explique le changement de rythme et de méthode employé par D. Trump. Ensuite, l’agressivité du Président Trump renvoie plus profondément à la dualité entre Républicains et Démocrates, qui n’adoptent pas les mêmes approches en termes de politique étrangère. Là où les Démocrates préfèrent – souvent - négocier et agir selon une approche multilatérale en accord avec une part des alliés des États-Unis, les Républicains tendent vers l’unilatéralisme, l’emploi de la force et l’interventionnisme pour agir. Il s’agit donc d’une approche de la contrainte et de la gestion régionale différant de celle de B. Obama. Ajoutons que le caractère de chaque président a son importance.
Structurellement, la politique étrangère adoptée reste similaire malgré le changement d’administration : le changement est superficiel et a trait à la méthode, aux moyens, au rythme employés par D. Trump.
Néanmoins, au-delà des apparentes divergences dans la politique étrangère, une continuité semble davantage caractériser les actes survenus au Moyen-Orient lors de la Présidence de D. Trump. Structurellement, la politique étrangère adoptée reste similaire malgré le changement d’administration : le changement est superficiel et a trait à la méthode, aux moyens, au rythme employés par D. Trump. Plusieurs faits rappellent la tendance adoptée sur un temps long par la Maison Blanche, à propos de la politique régionale du Moyen-Orient. Ainsi, les Etats-Unis souhaitent un retrait, un désengagement progressif de la région. Dans cette optique, plusieurs actes sont menés en continuité entre les différentes administrations, et témoignent d’une dynamique continue. Le retrait progressif de soldats se conjugue à la volonté d’éviter de s’impliquer militairement dans la région. Les Etats-Unis, qui sont présents dans des combats au Moyen-Orient depuis plusieurs décennies, engagent la volonté de ne plus participer à de tels actes, d’en finir avec leur participation directe à la guerre au Moyen-Orient. Ce recul progressif répond à la volonté de se retirer selon leurs propres termes, et de laisser la région dans une « paix froide », avec une gestion des dynamiques régionales par des États proches de Washington appartenant à cet ensemble régional. Afin de satisfaire cet objectif, les accords d’Abraham, signés le 13 août 2020, sont symboliques : les accords de paix signés à Washington unissent les Emirats Arabes Unis et le Bahreïn avec Israël. Ils visent à normaliser les relations entre ces deux pays, et traduisent la recherche d’un post-américanisme au Moyen-Orient en assurant une stabilité entre les Etats de cette région. Enfin, il s’agit de renforcer les relations bilatérales avec les alliés, notamment l’Arabie Saoudite et Israël. Le soutien des États-Unis à Israël a d’ailleurs franchi une étape avec le transfert symbolique de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem le 14 mai 2018 qui rappelle le soutien américain dans le conflit israélo-palestinien.
Il existe cependant une continuité sous-jacente entre les différentes administrations américaines.
Dans ce changement progressif du paradigme géopolitique régional orchestré par les Etats-Unis, les puissances eurasiatiques tendent à occuper une place croissante dans les dynamiques régionales. En effet, « La nature a horreur du vide », dit-on. Résultat, la Turquie et la Russie s’impliquent de plus en plus dans la diplomatie et les conflits régionaux, ce qui semble renvoyer à une stratégie d’influence et une démonstration de force. Leur présence renforcée se manifeste dans les différentes opérations militaires menées par les deux pays. La Russie est davantage présente militairement en Syrie depuis septembre 2015, démontrant sa puissance militaire et son soutien à la Syrie de Bachar Al-Assad. Elle est également présente au Kurdistan irakien depuis 2020. Quant à la Turquie, bien que membre de l’OTAN, elle s’implique dans les conflits à travers plusieurs opérations militaires aux côtés des rebelles de l’Armée nationale syrienne contre les Forces démocratiques syriennes (opération Rameau d’Olivier et Source de paix), interventions condamnées par les Etats-Unis et la France car jugées dangereuses pour l’équilibre régional. La présence croissante de ces pays dans les relations diplomatiques traduit la volonté de jouer un rôle majeur dans les dynamiques géopolitiques régionales. La Russie est ainsi considérée comme la « puissance pivot du Moyen-Orient » (E. Burgos, C. Therme, 2018) : renforçant ses relations bilatérales et ses alliances avec de nombreux Etats du Moyen-Orient, elle devient une puissance diplomatique régionale de premier plan. Ces Etats semblent faire profit de la présence diminuée des Etats-Unis pour prendre part à la recherche de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient. Malgré les résultats limités de cette présence, les enjeux soulevés sont multiples et concernent particulièrement le changement de la conjoncture géopolitique régionale, avec l’apparition de nouvelles puissances et de nouvelles alliances, conjuguée au recul des intérêts stratégiques des Occidentaux. De fait, ces acteurs qui occupent la scène régionale sont au cœur d’un changement de paradigme géopolitique.
Ainsi, si l’approche de la politique étrangère adoptée par le Président D. Trump semble être en rupture avec celle de son prédécesseur, elle correspond davantage à un changement de rythme, de méthode, de ton qui traduit les dynamiques politiques internes des Etats-Unis. En effet, une certaine continuité apparait entre les différentes administrations, qui répond à une volonté des Etats-Unis de se désengager progressivement de leur implication militaire dans la région au profit de puissances régionales de leur proximité politique. L’enjeu principal d’un tel changement progressif est la recomposition d’un nouveau paradigme géopolitique au Moyen-Orient où de nouvelles puissances eurasiatiques occupent une place de plus en plus importante, une présence qui se manifeste diplomatiquement et militairement, et concerne notamment la Turquie et la Russie. Depuis le 20 janvier 2021, les yeux sont tournés vers [le nouveau Président américain Joe Biden et l’approche qu’il va adopter en matière de politique étrangère, en particulier vis-à-vis de l’Iran et du Moyen-Orient.->2209]
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Titre du document : Carte. Les Etats-Unis de Donald Trump au Moyen-Orient : rupture ou continuité ? Cliquer sur la vignette pour agrandir la carte. Conception et réalisation Amélie André pour Diploweb.com Document ajouté le 10 mars 2021 Document PNG ; 494460 ko Taille : 1200 x 855 px Visualiser le document |
Dans quelle mesure la politique étrangère de D. Trump s’inscrit-elle, malgré ses ambivalences, dans le temps long de la gestion américaine des dynamiques du Moyen-Orient ? Une carte inédite, commentée.
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