Docteure en histoire contemporaine, Julie Prin-Lombardo travaille au ministère des Armées. Elle est l’auteure de différents travaux sur les questions de renseignement. Spécialisée en droit international. Odile Saul a conduit l’entretien pour Diploweb.com. Elle s’intéresse aux questions de relations internationales principalement en lien avec le Proche et le Moyen-Orient.
Si l’Union européenne avait ses moyens propres de renseignement, c’est-à-dire sans être dépendante des Etats membres, cela exigerait que l’Union européenne et ses Etats aient défini une politique étrangère et de défense commune. En d’autres termes, il faudrait que les Etats membres de l’Union européenne aient défini ensemble des listes de menaces et de priorités d’actions ainsi que des orientations communes dans leurs moyens techniques et humains. Or à ce jour, ce consensus n’existe pas. C’est justement l’absence de consensus qui explique aujourd’hui l’absence d’une véritable politique étrangère et de défense de l’Union européenne et donc l’absence d’un véritable renseignement européen.
Julie Prin-Lombardo, auteure de « Le renseignement à l’épreuve de l’Union européenne », (Nouveau monde éditions) répond de façon très informée aux questions d’Odile Saul pour Diploweb.com. Outre sa dimension renseignement, cet entretien est un éclairage très significatif des contradictions internes de la nature présente de l’UE.
Odile Saul (O.S.) : Pour commencer, pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours et sur ce qui vous a poussé à écrire cet ouvrage très documenté ?
Julie Prin-Lombardo (J. P.-L) : Après un master 2 en histoire contemporaine à l’université de Bordeaux, j’ai entrepris un second master à Sciences po Bordeaux en affaires internationales. Je me suis ensuite lancée dans la préparation d’une thèse en parallèle de mon emploi au ministère des Armées "L’impossible renseignement européen ? : évolution de la collaboration et de la coopération européennes en matière de renseignement" que j’ai soutenue en 2017. Cet ouvrage, « Le renseignement à l’épreuve de l’Union européenne » (Nouveau monde éditions), est issu de ma thèse. En dépit du peu de sources sur le renseignement européen, j’ai eu la chance de pouvoir m’entretenir avec de nombreuses personnalités travaillant dans le monde du renseignement ou dans des organisations internationales ou encore avec des militaires ayant participé à des opérations européennes.
O.S. : Vous faites la distinction entre la collaboration et la coopération en matière de renseignement. Pouvez-vous revenir sur cette distinction que vous présentez comme importante ?
J. P.-L : La distinction avait déjà été soulignée par Olivier Chopin en 2015 dans un article intitulé "Le renseignement européen, les coopérations bilatérales au secours d’une intégration introuvable ?".
La collaboration est le fait de travailler ensemble : il s’agit d’échanger du renseignement. Par exemple, deux services de deux pays vont échanger du renseignement brut (comme une image satellite) ou bien une analyse (par exemple l’Allemagne qui aurait préparé une analyse de la situation sécuritaire de la mer Baltique).
La coopération est l’étape suivante. C’est quand il y a une action sur le terrain, lors d’une mission civile, policière ou militaire dans laquelle des agents issus de services de renseignement des Etats membres travaillent ensemble sur le terrain.
C’est ce qui s’est passé pour le « Situation Centre » ou Centre de situation (SITCEN) avant qu’il ne soit transformé en « Intelligence and Situation centre » (INTCEN) en 2012 et perde l’essentiel de son périmètre d’action.
En effet, de 2003 à 2010, au sein de nombreuses opérations militaires européennes, des agents du SITCEN (agents détachés par des Etats membres auprès de l’Union européenne) ont été envoyés sur des terrains d’intervention et de missions de l’Union européenne. Par la force des choses, leurs observations d’une situation donnée ont pu être du renseignement et/ou être un pan du cycle du renseignement. Ces agents étaient déployés aux côtés des troupes militaires que l’Union européenne envoyait sur le terrain. Ils recueillaient les éléments observés par les militaires ou lors des rencontres à haut niveau entre le commandement de la force et les autorités locales. Ces éléments étaient ensuite analysés puis diffusés au sein de l’Union européenne.
Ce fut le cas par exemple lors de l’opération Artémis, mission menée en 2003 en République démocratique du Congo (RDC) par l’Union européenne au titre de la Politique européenne de sécurité et de défense. Lors de cette mission, les agents du SITCEN étaient présents aux côtés des militaires déployés.
Aujourd’hui, le renseignement européen n’existe pas.
O.S. : Dans votre ouvrage, vous parlez de " renseignement d’origine européenne ", une terminologie qui n’est que rarement étudiée au sein de la recherche, pouvez-vous explicitez cette notion ?
J. P.-L : Il s’agit là du concept central de ma thèse et de l’ouvrage.
Aujourd’hui, le renseignement européen n’existe pas. En effet, l’Union européenne n’est pas dotée de moyens propres constitutifs d’un service de renseignement tel qu’on le connait au niveau des Etats, c’est-à-dire avec des capteurs de renseignement (moyens techniques et humains) et une capacité à conduire les quatre étapes classiques d’un cycle de renseignement (i.e. orientation, recherche, exploitation, diffusion).
Face à ce constat, j’ai voulu dégager un nouveau concept : celui de "renseignement d’origine européenne" dans lequel l’Union européenne reçoit du renseignement des Etats membres puis fusionne et compile ce renseignement sous timbre européen. En d’autres termes, les sources et les moyens ne sont pas européens, mais la centralisation et « l’analyse » se fait au niveau de l’Union européenne.
L’idée derrière le concept de renseignement d’origine européenne est de laisser aux Etats membres et à l’OTAN la primeur en terme de politique de défense et de renseignement.
Il existe cependant deux exceptions dans lesquelles l’Union européenne se voit faire du renseignement européen et non simplement du renseignement d’origine européenne.
Par exemple lorsque celle-ci envoie sur le terrain des militaires ou des civils déployés sous bannière européenne lors d’une mission ou une opération militaire. Dans ce cas, ces personnes deviennent des sortes de "capteurs" européens de renseignement d’origine humaine (ROHUM) au sens où l’entendent les professionnels du renseignement.
La seconde exception est l’existence du centre satellitaire européen, le SATCEN, qui fait du renseignement d’origine image (ROIM) véritablement européen, avec ses propres analyses d’images satellite.
O.S. : Quelles sont les principales limites à l’existence d’un renseignement européen en opposition à un renseignement d’origine européenne ?
J. P.-L : Si l’Union européenne avait ses moyens propres de renseignement, c’est-à-dire sans être dépendante des Etats membres, cela exigerait que l’Union européenne et ses Etats aient défini une politique étrangère et de défense commune. En d’autres termes, il faudrait que les Etats membres de l’Union européenne aient défini ensemble des listes de menaces et de priorités d’actions ainsi que des orientations communes dans leurs moyens techniques et humains. Or à ce jour, ce consensus n’existe pas. C’est justement l’absence de consensus qui explique aujourd’hui l’absence d’une véritable politique étrangère et de défense de l’Union européenne et donc l’absence d’un véritable renseignement européen [1].
Une autre limite dans l’existence et l’utilisation de capteurs de renseignement purement européens - et non d’origine européenne - se trouve dans le poids politique et diplomatique des Etats-Unis. Prenons l’exemple du renseignement d’origine électromagnétique. Le renseignement d’origine électromagnétique désigne un renseignement dont les sources d’information sont des signaux électromagnétiques. Le capteur (ex : station d’écoute, navire collecteur de renseignement etc.) absorbe toutes les communications (radio, satellite, téléphone, internet etc.) sur son périmètre d’intervention.
Au sein de l’Union européenne, la mise en place d’un capteur européen de renseignement d’origine électromagnétique pourrait porter atteinte aux Etats membres et à leur souveraineté. Mais ce capteur pourrait aussi porter atteinte aux intérêts des Etats-Unis, géographiquement présents dans de très nombreux pays dans le monde, dont en Europe. Or, on sait bien qu’un pays comme la Pologne par exemple n’accepterait jamais une telle situation.
Typiquement, la présence des prisons secrètes de la « Central Intelligence Agency » (CIA) sur le sol européen (officiellement reconnue par les Etats-Unis en 2006) aurait pu être découverte par l’existence de capteurs européens de renseignement. Pour autant, personne n’a voulu ou ne veut prendre ce type de risque. Le poids politique des Etats Unis en Europe reste encore très fort.
Certains Etats membres de l’Union européenne sont favorables à la présence des stations relais du système mondial d’interception Echelon... contrôlé par les Etats-Unis.
O.S. : Finalement cela ne crée-t-il pas une forme de dissymétrie dans la manière de faire du renseignement entre les pays de l’Union européenne et les États-Unis ?
J. P.-L : Oui, cela crée nécessairement une forme de dissymétrie.
Il faut bien garder à l’esprit que les Etats-Unis sont dotés du système mondial d’interception Echelon (réseau d’interception des communication privées et publiques mis en œuvre par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande qu’on surnomme les « Five Eyes »). Ce système d’interception couvre le monde entier. A priori, Echelon pourrait également avoir des stations relais installés en Europe. Pourtant personne ne condamne vraiment leur présence en Europe. Cela signifie que certains Etats membres de l’Union européenne sont favorables à la présence de ces stations relais. En revanche, personne ne connaît les capacités exactes d’interception d’Echelon ou des autres systèmes américains. Que sont-ils réellement capables d’intercepter ? C’est presque impossible à savoir. Sur ce sujet, la limite entre le fantasme et la réalité est extrêmement floue.
D’un autre côté, on sait qu’un pays comme la France n’a pas intérêt à se brouiller avec les Etats-Unis en matière de renseignement. D’abord parce que les Etats-Unis font partie de l’OTAN. A ce titre, les Etats-Unis sont un partenaire de défense pour la France. Ensuite, parce que la France agit en coopération avec les Etats-Unis sur plusieurs théâtres internationaux. Le renseignement américain nous est donc utile, tout comme le renseignement français est utile aux Américains. Les Etats-Unis restent un pays « ami » de la France.
O.S. : Cela signifie-t-il que la France ferme les yeux sur ce dont est capable le gouvernement américain en terme d’interception ?
J. P.-L : Cela ne veut pas dire que la France ferme les yeux sur tout ce que sont capables de faire les Etats-Unis. En réalité, une partie de l’Etat français connaît forcément à peu près les capacités d’Echelon ou des autres systèmes d’interception américains. Je n’ai jamais entendu parler d’antenne relais d’Échelon en France. De plus, les positions des présidents français successifs vis-à-vis de l’OTAN ou des Etats-Unis ont montré que la France savait monter au créneau si nécessaire.
De plus, la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD [2]) a pour mission principale la contre-ingérence sur les enjeux de défense. A ce titre, la DRSD vérifie constamment qu’il n’y a pas d’espionnage étranger en provenance des Etats-Unis, de la Chine ou de tout autre pays vis-à-vis des industriels et des bases militaires françaises. Les Etats-Unis sont peut-être dotés de moyens pharamineux, mais la France est également dotée de moyens de surveillance efficaces. La France ne ferme donc pas les yeux : elle surveille tout en continuant à travailler avec des pays amis comme les Etats-Unis.
En tout état de cause, en théorie, les pays membres de l’OTAN ne s’espionnent pas entre eux mais cela n’empêche pas une surveillance du respect de la souveraineté des uns et des autres.
Je ne crois pas en la possibilité de trouver une vision commune de la menace et des priorités au sein de tous les Etats membres de l’UE.
O.S. : Vous le rappelez, la sécurité reste une prérogative nationale et c’est d’ailleurs écrit au sein de l’article 4.2 du Traité sur l’Union européenne. Pensez-vous que les Etats membres sont aujourd’hui assez matures pour développer une politique commune de renseignement ?
J. P.-L : Je ne crois pas à l’émergence d’une politique européenne du renseignement.
Pour cela, il faudrait une vision commune des enjeux et des menaces ainsi que des priorités de défense. Aucun pays de l’Union européenne n’a la capacité d’observer et de se renseigner sur le monde entier en même temps. Il faut forcément établir des choix et des orientations. Pour le moment, je ne crois pas en la possibilité de trouver cette vision commune de la menace et des priorités au sein de tous les Etats membres. C’est tout l’enjeu et le défi du renseignement européen.
Les questions de sécurité et de défense sont éminemment régaliennes. Elles doivent demeurer l’apanage des Etats et de l’OTAN qui est aujourd’hui la seule organisation capable d’assurer le rôle qu’elle détient aujourd’hui. Aucun Etat membre, et donc aucun service de renseignement, ne veut aujourd’hui délaisser ses prérogatives et subir le poids d’une bureaucratie européenne. L’intérêt de défense des Etats membres primera toujours surles intérêts de l’Union européenne. En réalité, le fait est qu’aujourd’hui, l’Union européenne a davantage besoin des services de renseignement nationaux que ces services n’ont besoin d’elle. Ce schéma est difficile à renverser.
En revanche, l’Union européenne peut s’avérer utile aux Etats membres en matière de renseignement dans certains cas spécifiques.
Ces deux exemples démontrent qu’il est possible en matière de renseignement de rendre l’Union européenne utile aux Etats membres sans porter atteinte à leurs puissances régaliennes.
Premier exemple, je crois profondément en l’utilité de l’INTCEN [3] pour faire du renseignement européen de sources ouvertes, c’est-à-dire du renseignement obtenu par une source d’information publique. En effet, la masse de données disponibles en ligne est gigantesque et l’information doit ensuite être filtrée à travers des logiciels puissants capables de distinguer les bonnes informations des intox. Il s’agit d’un coût considérable pour n’importe quel pays.
Si l’Union européenne faisait du renseignement de sources ouvertes, elle pourrait par exemple établir une revue de presse spécialisée sur certains thèmes nécessitant la maîtrise d’une langue rare (par exemple l’Iran). Il existerait alors une collecte d’informations de sources ouvertes par des agents de l’Union européenne qui analyseraient ensuite les éléments sélectionnés pour ensuite les diffuser au sein des Etats membres. Ce type de renseignement européen ne porterait pas atteinte à la puissance régalienne des Etats et constituerait un gain considérable de temps et de moyens pour ces derniers.
Un autre exemple réside dans le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) auquel appartient l’INTCEN aujourd’hui. En effet, le SEAE est en lien permanent avec tous les ministères des Affaires étrangères et de la Défense des Etats membres et a établi son propre réseau d’ « ambassadeurs [4] » qui sont parfois présents dans des pays où des Etats membres ne le sont pas. Le SEAE a donc accès à des informations de sources uniques qui pourraient être exploitées et diffusées au sein des Etats membres. Je ne sais pas si c’est réellement le cas.
En d’autres termes, je ne préconise pas de se précipiter dans la création d’une sorte de mégastructure générale de service de renseignement européen. Il vaut mieux que l’Union européenne prenne d’abord ses marques dans certains domaines spécifiques où il existe un réel besoin. Ces deux exemples démontrent qu’il est possible en matière de renseignement de rendre l’Union européenne utile aux Etats membres sans porter atteinte à leurs puissances régaliennes.
O.S. : Les vagues d’attentats en Europe ont conduit à des échanges directs entre services de renseignements et de sécurité nationaux sans passer par des structures de défense et renseignement européen. Ces réseaux peuvent-ils coexister avec un renseignement d’origine européenne ?
J. P.-L : Les coopérations bilatérales entre services de renseignement ont toujours existé et ceci depuis très longtemps. C’est même l’un des secrets les mieux gardés des services de renseignement car ce type de coopération s’avère très efficace. Il y a des coopérations entre la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et ses homologues étrangers mais très peu d’éléments sont connus à ce sujet malgré de nombreuses tentatives de chercheurs comme de journalistes.
En revanche, l’existence de ces réseaux bilatéraux ne constitue pas un frein au développement d’un renseignement d’origine européenne. Comme on l’a vu avec les exemples précédemment cités, celui-ci a vocation à s’appliquer uniquement à certains domaines spécifiques. Les deux concepts peuvent et doivent donc coexister.
Plus généralement, il existe un principe de disponibilité au sein de l’Union européenne : en cas d’événements graves, les Etats membres sont censés venir en soutien d’un autre Etat membre victime d’une attaque sur son territoire. Concrètement, si un Etat A subit un attentat sur son territoire, l’Etat B qui aurait connaissance d’un élément ou d’un fait pertinent est censé le partager avec l’Etat A. En revanche, dans les faits, le renseignement étant par nature secret, il est difficile de savoir qui joue le jeu ou non et qui partage l’information qu’il devrait normalement partager. Les enquêtes et publications relatives à la vague d’attentats en Europe après 2015 ont permis de mettre en lumière que cette collaboration était quasiment naturelle en cas de crise sécuritaire.
O.S. : Si vous deviez définir les principaux apports de votre recherche, quels seraient-ils ?
J. P.-L : D’une manière générale, la recherche sur le renseignement apparaît essentielle si l’on veut pouvoir contribuer à l’évolution naturelle comme attendue des services de renseignement. Outre-Atlantique, la recherche existe depuis longtemps, la bibliographie est relativement riche. Cela permet de voir que de nombreux enjeux et défis des services de renseignement français ont déjà été rencontrés par les services anglo-américains notamment. Il faut connaître son histoire, son passé et le monde dans lequel on évolue pour pouvoir s’adapter convenablement. Ces recherches anglo-américaines permettent également de mettre en lumière les erreurs qui ont été commises ou les pistes de solutions qui ont été tentées. Le gain de temps est non négligeable. Enfin, cette ressource documentaire permet de distinguer en partie les bonnes pratiques des mauvaises habitudes. Dans ce contexte, la recherche que j’ai conduite permet de poser les bases et les grandes questions d’une réflexion encore peu couverte voire inédite sur le renseignement au sein de l’Union européenne. C’est une thématique essentielle dans le contexte non pas tant du Brexit mais plutôt de la recherche d’une politique européenne de sécurité et de défense et surtout dans celui du développement continu des menaces asymétriques. Mon ouvrage est issu d’une thèse au cours de laquelle j’ai majoritairement fonctionné avec des études de cas. L’idée sous-jacente était pour moi de ne pas tomber dans le fantasme ou dans la théorie du complot, et de mettre en lumière très concrètement quels étaient certains des risques de l’absence de collaboration et de coopération européennes en matière de renseignement et quels pouvaient être les bénéfices de leur renforcement.
Copyright Mars 2020- Prin-Lombardo/Saul/Diploweb.com
Plus
. Julie Prin-Lombardo, « Le renseignement à l’épreuve de l’Union européenne », Nouveau monde éditions, novembre 2019, 314 p. Sur Amazon
4e de couverture
Le renseignement est une dimension incontournable des politiques de défense et de sécurité. Les attentats commis en Europe ont montré l’impérieuse nécessité des collaborations et coopérations des États membres.
Instrument au cœur de la souveraineté des États, le renseignement connaît aujourd’hui de nouveaux enjeux d’intégration aux processus de décision en matière de sécurité et de politique étrangère de l’Union européenne. Si une capacité renseignement proprement européenne n’existe pas encore, l’ouvrage propose une généalogie inédite des structures spécialisées de l’Union européenne depuis les années 1990 à travers le rôle du Situation Centre, devenu Intelligence Centre en 2012 et rattaché au Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Par l’analyse des enjeux politiques, institutionnels et doctrinaux du développement d’un renseignement d’origine européenne (ROE), il montre que l’intégration de la fonction renseignement au plan communautaire est réalisée en étroite coordination avec les services des États membres. Car en matière de renseignement, l’Union européenne a bien plus besoin des États membres que l’inverse. L’histoire de cet équilibre délicat entre sécurité nationale et intérêts supranationaux met en lumière la primauté donnée par les acteurs du renseignement à la prise en charge des menaces, par-delà les évolutions politiques. La volonté de faire émerger une structure communautaire efficace et autonome, face à la prépondérance américaine en matière de renseignement, s’est d’abord structurée autour de réseaux informels entre acteurs du renseignement nationaux et européens.
Véritable état des lieux, cet ouvrage qui propose également des pistes d’évolution est destiné à devenir la référence sur la question du renseignement européen.
Encore plus
. Voir aussi Comment se fait le recueil du renseignement ? Entretien avec Y. Lledo-Ferrer
et un bonus vidéo
Remise du Premier Grand Prix de l’Académie du renseignement, organisée le mercredi 9 janvier 2019 par l’Académie du renseignement à l’Ecole Militaire, Paris.
[1] NDLR : Le renseignement renvoie à la souveraineté qui fait elle-même référence à l’État donc à la frontière. Or les traités européens ouvrent l’UE aux pays européens… sans définir géographiquement les limites de l’Europe. Cette manière de ne pas insulter l’avenir est aussi significative des contradictions politiques de l’UE qui contribue à son impuissance relative. Le géographe et Ambassadeur Michel Foucher a rassemblé ainsi des éléments propices à nourrir la réflexion : « La frontière est une institution qui relève du droit international, à travers des traités frontaliers. Il faut être deux pour faire frontière, et s’accorder, quelle que soit l’histoire de ce tracé. C’est une institution qui définit le périmètre d’un État, (d’une nation), de l’exercice d’une souveraineté. Ce faisant c’est aussi un des paramètres de l’identité collective et surtout de la citoyenneté. C’est en terme symbolique distinguer le dedans du dehors. Toute collectivité a besoin d’une distinction entre le dedans et le dehors pour savoir qui on est. C’est vrai de l’Union européenne qui n’a pas de politique extérieure parce qu’elle ne sait pas où commence l’extérieur du fait des élargissements ou des négociations avec la Turquie. Comment avoir une politique extérieure si le dehors n’est pas défini ? ». Vidéo Fabien Herbert, Michel Foucher, Pierre Verluise, « Géopolitique des frontières », Diploweb.com, 2016. Disponible à l’adresse https://www.diploweb.com/M-Foucher-Geopolitique-des.html
[2] Selon le code de la défense, la DRSD est le service de renseignement « dont dispose le ministre de la défense pour assumer ses responsabilités en matière de sécurité de personnel, des informations, du matériel et des installations sensibles ». La mission du Service est la contre-ingérence Défense.
[3] NDLR : Comme précisé plus haut l’ INTCEN est l’ « Intelligence and Situation centre ».
[4] NDLR :
Ce titre est passé officiellement dans les lettres de créance de l’UE à compter de 2014-2015. C’est d’une certaine manière une réponse à la requête des intéressés eux-mêmes. Nombre de diplomates venus des services diplomatiques nationaux avaient précédemment obtenu le titre d’ambassadeur et y étaient attachés pour des raisons protocolaires et/ou d’ego. En 5 ans, ils ont réussi à imposer (à l’UE) une pratique qui existait dans leur propre service diplomatique (national). Il est vrai que le premier Secrétaire Général du SEAE, Pierre Vimont, Ambassadeur très expérimenté du MAE, est monté rapidement au front en "professionnalisant" le SEAE et en s’inspirant notamment de son service d’origine.
En effet, au vu des textes européens, il s’agit à l’origine de « Chefs de Délégation » et de « Délégations » de l’Union européenne, et non d’ambassadeurs ou d’ambassades de l’UE. Cette distinction vise dans le traité de Lisbonne (2007, effectif en 2009) à distinguer les États de l’UE. Peu à peu l’usage du terme ambassadeur pour les représentants de l’UE semble pourtant prendre place, ce qui peut être à la fois interprété comme une victoire sémantique du SEAE et une source possible de confusion pour le débat public lié aux questions européennes. De même pour l’usage de « service diplomatique » pour désigner le SEAE… qui n’est pas, en théorie au vu des traités, un service diplomatique à proprement parler (ce qui renverrait à un État que n’est pas l’UE) mais qui en a tout l’air dans les faits. Un bel exemple de ce jeu sémantique est l’entretien toujours très actuel de Toute l’Europe avec Pierre Vimont (2011) : « Le SEAE est déjà dans les faits un ministère européen des Affaires étrangères », Touteleurope – Diploweb.com disponible à l’adresse https://www.diploweb.com/Pierre-Vimont-Le-SEAE-est-deja.html
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