Céline Pajon, Chercheuse à l’IFRI, responsable des activités Japon et coordinatrice du programme Océanie au Centre Asie. Contributrice au RAMSES 2026, sous la direction de Thierry de Montbrial et Dominique David.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF. Cette émission a été enregistrée le 22 septembre et diffusée le 21 octobre 2025.
Synthèse par Émilie Bourgoin, étudiante en dernière année de Master Sécurité et Défense à l’Université d’Ottawa, après un BBA à l’EDHEC. Elle a travaillé en alternance au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle a la charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.
Le Japon est une puissance économique importante mais fragilisée par une croissance devenue quasi-nulle… et une démographie vieillissante. Existe-t-il d’autres causes de fragilité, internes et externes ? Comment comprendre un Japon affaibli dans le désordre du monde ? Comment le Japon tente-t-il de faire face ? Pour répondre au micro de Planisphère, nous avons l’honneur de recevoir Céline Pajon. Podcast et synthèse rédigée.
Sanae Takaichi du Parti libéral-démocrate (PLD) a été élue élue le 21 octobre 2025 Première ministre par la chambre basse du Parlement. Sa nomination sera officielle après sa rencontre avec l’empereur Naruhito, prévue le 21 octobre.
Cette émission [1] Planisphère, Un Japon affaibli dans le désordre du monde ? Avec C. Pajon, sur RCF-ND
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Synthèse de cette émission, Planisphère, Un Japon affaibli dans le désordre du monde ? Avec C. Pajon. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com . Relue et validée par C. Pajon
LE JAPON reste une puissance économique de premier plan, quatrième économie mondiale, derrière l’Allemagne, mais son dynamisme est fragilisé par une croissance atone et une démographie vieillissante. Au-delà de ces deux points souvent évoqués, d’autres facteurs de vulnérabilité internes et externes fragilisent l’archipel. Dans un monde marqué par des tensions géopolitiques accrues et des recompositions stratégiques, comprendre la place d’un Japon affaibli permet de mieux saisir l’évolution de l’ordre international en Asie-Pacifique.
Deux stéréotypes marquent encore l’imaginaire occidental. D’une part, le Japon serait un « géant économique mais un nain politique ». Cette perception, héritée des années 1980-1990, est aujourd’hui dépassée : le Japon joue un rôle diplomatique actif, notamment à travers la promotion du concept d’« Indo-Pacifique libre et ouvert » initié par Shinzo Abe. D’autre part, certains observateurs redoutent un retour du militarisme japonais. Or, malgré le renforcement progressif de ses forces d’autodéfense, l’évolution reste strictement défensive face aux menaces chinoise, nord-coréenne et russe.
Sur le plan intérieur, le Japon souffre d’une instabilité politique récurrente. Le Parti libéral-démocrate (PLD) domine la vie politique, mais ses Premiers ministres sont fragiles, souvent contraints de démissionner dès qu’ils deviennent impopulaires. L’assassinat de Shinzo Abe en 2022 a symbolisé un basculement, ramenant l’archipel dans une phase d’instabilité gouvernementale. À cela s’ajoutent des difficultés économiques persistantes : stagnation de la croissance, faible dynamisme du marché du travail, salaires en recul et inflation, symbolisée par la « crise du riz ». Cette tension économique alimente la montée de discours populistes et xénophobes, bien que marginaux, qui reflètent la frustration de la population quant au pouvoir d’achat.
NDLR : Sanae Takaichi du Parti libéral-démocrate (PLD) a été élue le 21 octobre 2025 première ministre par la chambre basse du Parlement. La nationaliste âgée de 64 ans est la première femme à occuper ce poste. Sa nomination sera officielle après sa rencontre avec l’empereur Naruhito, prévue le 21 octobre dans la journée.
Le Japon est encerclé par trois puissances hostiles :
. La Chine, dont la modernisation militaire rapide et les incursions autour des îles Senkaku inquiètent Tokyo.
. La Corée du Nord, avec son programme nucléaire et balistique, dont les missiles tombent régulièrement dans les eaux japonaises.
. La Russie, renforçant ses incursions militaires et sa coopération stratégique avec Pékin.
Cet environnement, couplé aux tensions autour de Taïwan, place le Japon dans une position de vulnérabilité directe.
L’alliance de sécurité avec Washington demeure la pierre angulaire de la défense japonaise, avec 50 000 soldats américains stationnés sur son territoire. Cependant, la relation s’est compliquée depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2025. Washington exige un effort militaire accru (jusqu’à 3,5 % du PIB) tout en imposant des droits de douane élevés sur les exportations japonaises. Le compromis de juillet 2025, combinant taxes réduites à 15 % et investissements japonais massifs aux États-Unis, illustre la dépendance et la vulnérabilité de Tokyo face aux exigences américaines.
Pour compenser ces fragilités, le Japon mise sur :
. Un renforcement militaire : doublement du budget de défense sur cinq ans, annoncé en 2022, acquisition de capacités contre-offensives, développement de son industrie d’armement (exportation de frégates Mogami à l’Australie).
. La diversification des alliances : participation active au « Quad » (États-Unis, Inde, Australie, Japon), rapprochements stratégiques avec la Corée du Sud et les Philippines, coopération industrielle avec l’Italie et le Royaume-Uni et multiplication des exercices militaires avec la France.
. Une vision régionale structurante : l’« Indo-Pacifique libre et ouvert » vise à fédérer un réseau de partenaires partageant les mêmes préoccupations sécuritaires et économiques face à la Chine.
Ainsi, le Japon apparaît aujourd’hui comme une puissance à la fois indispensable et vulnérable. Ses fragilités internes (instabilité politique, stagnation économique, démographie) et externes (pression militaire chinoise, russe et nord-coréenne, dépendance américaine) l’exposent à un environnement international instable. Pourtant, par la diversification de ses partenariats, l’affirmation d’une diplomatie active et le renforcement de ses capacités de défense, Tokyo cherche à préserver son statut d’acteur central dans l’Asie-Pacifique et à contribuer à la stabilité d’un ordre international en recomposition.
Ressources recommandées
. Céline Pajon, Un Japon fragilisé, contribution au Ramsès 2026, Dunod.
. Céline Pajon, « Japan Under Trump : Alliance Strains, the Push for Autonomy and Essential Partnerships », CSDS POLICY BRIEF, 2025.
. Publications et notes de l’Ifri – Centre Asie sur le Japon et l’Indo-Pacifique (disponibles sur ifri.org).
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[1] Cette émission a été enregistrée le 22/09/2025, diffusée pour la première fois le 21/10/2025.
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