Podcast et synthèse rédigée

Planisphère. Depuis une génération, comment se transforme l’appareil de renseignement français ? Avec JF. Gayraud

Par Emilie BOURGOIN, Jean-François GAYRAUD, Pierre VERLUISE, le 14 mai 2025  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Jean-François Gayraud, Commissaire général de la Police nationale, Directeur de l’Académie du renseignement.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024. Cette émission a été diffusée le 13 mai 2025.
Synthèse par Émilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle a la charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.

Les services de renseignement sont des acteurs géopolitiques. Mais, par définition, le monde du renseignement est secret. Alors est-il possible de savoir comment - depuis une génération - l’appareil de renseignement français se transforme ? Oui, quand Planisphère reçoit à son micro Jean-François Gayraud, Commissaire général de la Police nationale, Directeur de l’Académie du renseignement. Podcast et synthèse rédigée.

Cette émission [1], Planisphère, Depuis une génération, comment se transforme l’appareil de renseignement français ? Avec JF. Gayraud, sur RCF- RND

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Synthèse de cette émission, Planisphère, Depuis une génération, comment se transforme l’appareil de renseignement français ? Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com. Relue et validée par J-F Gayraud

LES SERVICES de renseignement jouent un rôle crucial dans la sécurité nationale et la géopolitique, mais leur fonctionnement est souvent entouré de secret. En France, le renseignement n’a pas de définition dans la loi. Il peut désigner trois choses : Des bureaucraties spécialisées (services de renseignement publics ou privés), des productions d’informations sous forme de notes analytiques ou une activité structurée autour du cycle du renseignement, qui comprend la collecte, l’analyse et l’exploitation des informations.

L’évolution du renseignement s’est accélérée avec la révolution numérique : autrefois rare, l’information est aujourd’hui abondante, ce qui rend la valeur ajoutée du renseignement plus difficile à définir. L’enjeu pour les services est de trier, d’analyser et d’interpréter ces données afin d’en extraire une information stratégique pertinente.

Planisphère. Depuis une génération, comment se transforme l'appareil de renseignement français ? Avec JF. Gayraud
Jean-François Gayraud
Commissaire général de la Police nationale, Directeur de l’Académie du renseignement. Crédit photographique : Pierre Verluise
Verluise/Diploweb.com

Une transformation institutionnelle profonde depuis les années 1990

Le paysage du renseignement français a considérablement évolué au cours des trois dernières décennies. Trois transformations majeures ont marqué cette évolution :

1. Une réorganisation institutionnelle avec la création de nouvelles structures.

2. Une augmentation des moyens budgétaires pour moderniser les services et recruter de nouveaux talents.

3. Une évolution culturelle qui a changé la perception du renseignement dans la société.

Parmi les grandes réformes institutionnelles, plusieurs étapes clés se détachent :

2009 : Création de la Coordination nationale du renseignement (CNR), rebaptisée en 2017 Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT).

2010 : Fondation de l’Académie du renseignement, qui assure la formation et la coopération entre services.

2014 : Création de l’Inspection des services de renseignement (ISR), organe de contrôle interne.

2015 : Adoption de la loi du 24 juillet 2015, qui apporte une base légale claire aux activités des services de renseignement.

2017 : Création du Service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) pour surveiller les risques de radicalisation en prison.

Cette structuration a été portée par une volonté politique forte, poursuivie sous trois présidences successives (Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron), et justifiée par deux facteurs majeurs : la lutte contre le terrorisme, qui a poussé à une modernisation rapide des services et la prise de conscience de l’importance du renseignement comme outil de souveraineté et d’autonomie stratégique.

Des moyens accrus pour répondre aux nouveaux défis

Les transformations institutionnelles se sont accompagnées d’un renforcement budgétaire. Les services de renseignement nécessitent des investissements importants pour acquérir des technologies avancées en cybersécurité, intelligence artificielle et surveillance électronique, pour recruter et former des analystes, ingénieurs et experts spécialisés et améliorer la coopération interservices et la coordination stratégique.

Aujourd’hui, la France compte environ 20 000 à 22 000 agents de renseignement, répartis dans dix services sous la tutelle de quatre ministères (Intérieur, Défense, Économie et Justice). Ce chiffre reste inférieur à celui du Royaume-Uni, mais il reflète une montée en puissance notable.

Une évolution culturelle et une nouvelle image du renseignement

Historiquement perçu avec méfiance, le renseignement souffrait d’une image négative, associée aux pratiques clandestines et à la surveillance illégale. Cette perception a changé sous l’effet de plusieurs facteurs :

. Lutte contre le terrorisme : les attentats des années 2010 ont renforcé la légitimité des services auprès du grand public.

. Légalisation des pratiques : la loi de 2015 a permis d’encadrer juridiquement les opérations de surveillance, rendant les services plus transparents.

. Efforts de communication : des séries télévisées comme « Le Bureau des légendes » ont contribué à populariser et moderniser l’image du renseignement.

Les services sont également devenus plus attractifs, notamment auprès des jeunes diplômés et des femmes. La féminisation du renseignement est en progression, comme l’illustre le personnage de Marina Loiseau dans « Le Bureau des légendes », qui reflète la diversification des profils recrutés.

L’Académie du renseignement : un rôle clé dans la formation et la coopération

Créée en 2010, l’Académie du renseignement est un organisme du Premier ministre, sous tutelle de la CNRLT, chargé de la formation. Son rôle est de :

. Favoriser une approche interservices, en dépassant les cloisonnements bureaucratiques.

. Former les agents sur des connaissances communes et des techniques modernes.

. Développer une culture partagée du renseignement, en créant des liens entre les services.

L’objectif est de transformer la "Communauté française du renseignement" en une entité plus homogène et collaborative. L’Académie organise des formations pour les services du "premier cercle" (DGSE, DGSI, DRM, DRSD, DNRED, TRACFIN) et ceux du "second cercle" (DRPP, DNRT, SNRP, SDAO, etc.).

Le Grand Prix du renseignement : une ouverture vers le monde intellectuel

Depuis 2019, l’Académie du renseignement décerne un Grand Prix du renseignement, destiné à encourager la réflexion et la recherche sur le sujet. Ce prix récompense des œuvres sur le renseignement dans quatre catégories :

1. Recherche académique : thèses de doctorat.

2. Essais : ouvrages d’histoire ou d’analyse.

3. Fiction : romans et œuvres littéraires.

4. Son & image : documentaires, podcasts et productions audiovisuelles.

Parmi les lauréats récents :

« État secret, État clandestin » de Sébastien Yves Laurent, un essai sur le renseignement et la démocratie.

« Chine, opérations secrètes », un documentaire diffusé sur France Télévisions.

Ce prix vise à faire reconnaître la légitimité des services de renseignement dans un cadre démocratique, à encourager les universitaires et penseurs à contribuer à la réflexion sur le renseignement et à développer une "pensée française" du renseignement, face à la prédominance anglo-saxonne dans ce domaine.

Une communauté du renseignement plus unifiée et légitime

Aujourd’hui, la Communauté française du renseignement bénéficie d’une reconnaissance accrue et d’un soutien politique constant. Ses succès en matière de lutte contre le terrorisme et de protection des intérêts stratégiques ont renforcé sa légitimité auprès du public et des décideurs.

L’enjeu pour l’avenir est de maintenir cette dynamique en continuant à attirer les meilleurs profils, en renforçant l’adaptation aux nouvelles menaces (cybercriminalité, intelligence artificielle, espionnage économique) et en garantissant un équilibre entre sécurité et respect des libertés démocratiques.

Ainsi, le renseignement français s’impose progressivement comme un outil essentiel de la souveraineté nationale et un modèle de gouvernance sécuritaire compatible avec l’État de droit.

Copyright pour la synthèse Mai 2025-Bourgoin/Diploweb.com


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[1Cette émission a été enregistrée le 4 mars 2025.

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| Dernière mise à jour le mercredi 14 mai 2025 |