Par ordre d’apparition. Général Paul Césari, attaché militaire au CSFRS. Pierre Verluise, docteur géopolitique, fondateur du Diploweb.com. Ivan Sand, doctorant en géographie à l’Université Paris-Sorbonne. Thierry Garcin, docteur en science politique, habilité à diriger des recherches. Pierre Buhler, diplomate de carrière qui s’exprime ici à titre personnel. Photographie : Léa Gobin et Julie Mathelin. Images et son Jérémie Rocques. Montage : Jérémie Rocques et Pierre Verluise.
Voici une riche réflexion au sujet de la puissance et de ses nouvelles formes. Les interventions suivantes ont pour but de mêler des expertises autour d’un concept au coeur des relations internationales. Il s’agit de s’intéresser à sa nature, à ses fondamentaux comme à ses nouvelles formes. Les conférenciers présentent les acteurs et ses nouveaux champs de manifestation, autant matériels qu’immatériels. Accompagné d’un résumé.
Un document de référence qui sera précieux pour la mise en oeuvre du nouveau programme de spécialité Géopolitique en classe de Première, Thème 2, Analyser les ressorts et les dynamiques des puissances internationales. Avec deux bonus en pied de page.
Cette vidéo peut facilement être diffusée en classe ou en amphi pour illustrer un cours ou un débat.
Résumé par Joséphine Boucher pour Diploweb.com
Voici une riche réflexion au sujet de la puissance et de ses nouvelles formes. Les interventions suivantes ont pour but de mêler des expertises autour d’un concept au coeur des relations internationales. Il s’agit de s’intéresser à sa nature, à ses fondamentaux comme à ses nouvelles formes et acteurs et à ses nouveaux champs de manifestation, autant matériels qu’immatériels.
La première intervention - I. Sand - fournit quelques clés d’analyse de la puissance aérienne via une approche géographique et historique. Tout d’abord, cette notion regroupe toute utilisation de l’air et de l’espace à des fins militaires. Depuis 1945, on compte une centaine d’opérations de projection aérienne françaises réalisées dans un contexte de menace réelle. Leur distribution géographique mondiale révèle les zones d’intérêt de la France, notamment l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Mais au-delà de cette capacité globale à agir vite et loin grâce à la puissance aérienne, la variable de la durée cumulée des opérations pour chaque pays révèle des différences entre les territoires au grand nombre d’opérations (Tchad) et les opérations ponctuelles d’intervention en cas de crise imminente (République démocratique du Congo). Si l’on s’intéresse à la distribution chronologique, on constate certaines ruptures : par exemple la fin de la Guerre froide qui correspond à une nouvelle période lors de laquelle les questions diplomatiques prennent une place centrale dans l’emploi de l’aviation. Ainsi, depuis 1990, l’armée de l’air française intervient en-dehors de sa zone d’action traditionnelle. Les opérations en Europe, en Asie centrale et au Moyen-Orient forment un type nouveau et ont la particularité de se dérouler dans un cadre multinational. La dialectique du pouvoir se noue autour du volume des forces déployées par chaque nation, les Etats-Unis représentant souvent une part majoritaire de la force. La France se situe en 2e ou 3e position et dispose d’une certaine autonomie quand elle peut agir de ses propres plateformes aux Emirats Arabes Unis, en Jordanie ou depuis le porte-avions Charles de Gaulle. Pour finir, l’arme aérienne est souvent la première à intervenir et porte à ce titre un message politique fort. Il existe deux échelles géographiques de la projection qui correspondent à deux logiques géopolitiques. L’échelle mondiale correspond au déploiement des forces depuis la métropole vers la zone de crise en s’appuyant sur le réseau des bases françaises à l’étranger. L’échelle régionale utilise des bases de théâtre jusqu’à la zone des opérations. Le choix d’utiliser la puissance aérienne en dehors des frontières doit répondre à un objectif clairement défini qui s’étend de la diplomatie à la guerre en passant par la coercition. La courte histoire de l’arme aérienne démontre que c’est en se fondant sur ses invariants comme la rapidité et la souplesse que la puissance aérienne est en mesure de jouer un rôle prépondérant alors qu’émergent de nouvelles formes de la puissance.
Passons maintenant au propos principal développé par Pierre Buhler et Thierry Garcin : quelles sont les nouvelles formes de la puissance ? Commençons d’abord par quelques éléments de définition. La puissance est plus qu’un pouvoir, elle est active et dynamique. C’est en quelque sorte du pouvoir en action. Elle obéit à une combinaison de facteurs et est tant politique que diplomatique et juridique, militaire, économique, scientifique et technique, sociale et culturelle. De plus, elle est une pratique de l’équilibre instable au sens où elle n’est pas forcément continue, elle peut être interrompue et ne pas aboutir à ses fins. C’est une forme progressive et inscrite dans l’action. Dans Paix et guerre entre les nations, Raymond Aron la définit comme la capacité d’imposer sa volonté. Parmi les facteurs classiques de puissance, on trouve le territoire, la population, le peuplement et les équilibres entre les différentes parties de la population, et le fait d’avoir une volonté et un projet politiques. Ce sont aussi le sentiment national et celui d’appartenir à une communauté, la cohésion sociale, les ressources et la vitalité économique. En ce qui concerne les facteurs renouvelés, il sont dûs aux progrès scientifiques et techniques, à l’image de la vapeur, des ondes, de la conquête de l’air et de la conquête spatiale. Parmi tout cela, il y a eu une véritable rupture stratégique avec l’arme nucléaire (1945) et la stratégie de dissuasion nucléaire. Cette rupture a permis un contrôle et une maîtrise des armements aujourd’hui mis à mal par les Etats-Unis de D. Trump (retrait de l’accord nucléaire avec l’Iran, retrait du traité sur les forces nucléaires intermédiaires). Aujourd’hui, les moteurs de la puissance sont l’informatique et l’électronique, véritables multiplicateurs de puissance, la révolution internet, l’intelligence artificielle et le champ du cyber. Une des questions qui se posent est alors la suivante : sont-ils des accélérations de la puissance ou marquent-ils une rupture ?
Historiquement, la puissance a été l’apanage des Etats, seules entités capables de conjuguer la volonté et l’accumulation de ressources. Pendant longtemps, ils ont su concentrer l’essentiel des instruments du pouvoir, à savoir la force armée, les moyens de communication de masse et les entreprises. L’après Seconde Guerre mondiale consacre l’illégitimité de la guerre en tant qu’instrument de règlement des conflits, en même temps qu’apparaissent de nouveaux Etats indépendants et que se construit un ordre international bipolaire. Pour autant, les jeux de puissance entre Etats n’ont pas disparu pendant la Guerre froide, portés par les courses aux armements, les zones d’influence et le clientélisme politique international. L’après Guerre froide stimule alors les promesses d’un nouvel ordre international qui serait fondé sur le multilatéralisme, la démocratie, la post-modernité européenne, la prospérité par le commerce et l’échange, l’indépendance des nations. Mais la décennie suivante est celle du dégrisement précipité par les attentats de New York et de Washington (2001) qui posent les termes du nouvel ordre international, révélant brutalement combien la puissance a changé de visage, de nature, de méthode. Toutes sortes d’acteurs transnationaux intègrent le jeu de la puissance, allant jusqu’à défier les Etats par les armes notamment. Ces acteurs ont prospéré sur trois types de terrains. D’abord, il s’agit de la mondialisation de la production de biens et de services et du foisonnement de l’entreprise transnationale dans l’économie mondialisée. Les relations avec les Etats en sont altérées, les entreprises s’affranchissent des pressions voire de l’emprise fiscale et comptent peser sur la définition du droit interne et international. Le champ de l’économie politique nationale s’est donc considérablement rétréci et les Etats ont perdu certains instruments de contrôle direct, comme la rémunération de la production et la redistribution de la richesse produite. Les géants du net connus sous le nom de GAFA en sont l’exemple type. Le deuxième terrain est la mondialisation de la finance et le décloisonnement des marchés financiers nationaux. Ce qui interpelle est la grande autonomie de ces systèmes vis-à-vis de toute autorité de régulation étatique ou bancaire. Enfin, le troisième terrain est l’apparition d’un potentiel nouveau pour l’action collective des individus par une multiplication d’entités qui limitent le pouvoir des Etats. Ont surgi des acteurs multiples et autres entrepreneurs de causes humanitaire, morale, politique, éthique, intellectuelle. Rassemblés sous le nom de société civile, ils forment une entité transnationale composée également d’universités, de think tanks, de fondations privées, d’ONG. Enfin, il faut mentionner l’irruption du fanatisme religieux dans le champ de la puissance, fort d’une logique de réseaux. Finalement, après avoir pris conscience des conséquences de leur retrait, les Etats ont repris la main en question de sécurité et de régulation financière. Ce retour de la puissance étatique renvoie à l’affirmation des logiques nationales de puissance.
Il faut malgré tout distinguer puissance économique et puissance politique. Cette dernière concerne le monde de la souveraineté et de la sécurité, l’intérêt national, et est en cela indissociable de l’Etat, de ses missions de respect du droit international, du rôle capital dans le développement mais aussi du monopole de la violence armée. Il y a à la fois un retour et une érosion de l’Etat. Le premier est incarné aux Etats-Unis par les attentats du 11 septembre 2001, le plan de sauvetage gouvernemental après la crise économique ou récemment la présidence Trump (2017 - ) et le retour au protectionnisme. Du côté de l’UE, ce sont les plans de relance après la crise de 2008. Quant à l’érosion de l’Etat, elle est incarnée par le rôle ambivalent des lanceurs d’alerte ou, dans l’UE, par la fragmentation politique et le déficit de puissance individuel et collectif.
Par ailleurs, s’intéresser aux nouvelles arènes de la puissance implique de traiter de l’innovation. Dans les technologies militaires, elle a souvent été un facteur de rupture dans les équilibres de la puissance mais elle a pu produire les effets les plus structurants et durables dans l’organisation économique, sociale, politique des formations étatiques. En témoigne la révolution des technologies de l’information et de la communication, qui donnent accès à des instruments inédits. La démocratisation de l’accès à l’information fonde un pouvoir collectif et le cyber-espace est devenu l’objet de toutes les convoitises et d’enjeux commerciaux, économiques et politiques. Il est devenu une nouvelle arène de la puissance et dessine un champ nouveau de la compétition de puissance.
Pour conclure, derrière la forme qui nous paraît nouvelle, unique, il faut chercher l’invariant dont dépend certainement la puissance. On retiendra la permanence et la force de cette logique de puissance qui reste une force impérieuse qui ordonne le champ des relations internationales. Enfin, la puissance est à la fois l’objet d’une dynamique de changements et de tensions et s’inscrit dans la durée. Elle doit un peu au hasard et beaucoup à la méthode.
Copyright pour le résumé Mai 2019-Boucher/Diploweb.com
Le monde change, tous les jours, peut-être plus vite que jamais, mais la puissance reste. La puissance reste, mais elle change elle aussi, tous les jours, dans ses modalités. Pourtant, il y a des fondamentaux. Lesquels ? C’est ce que vous allez découvrir et comprendre. Ainsi, vous marquerez des points. Des points décisifs à un moment clé.
La numérisation de pans entiers de l’activité humaine est aujourd’hui une évidence. De moins en moins d’actes du quotidien échappent aux réseaux sur lesquels on les pratique, a fortiori en temps de pandémie : passer un coup de fil à des proches, suivre un cours, se déplacer dans la rue avec un smartphone … Toutes ces activités anodines génèrent des données numériques qui font l’objet de bien des convoitises, qu’elles soient commerciales, politiques ou stratégiques.
Parce qu’elles circulent à la surface du globe via un maillage complexe de câbles, de protocoles et de plateformes, nos données sont géopolitiques. A la fois objet et source de pouvoir, elles sont au cœur d’un nombre croissant de conflits, tandis que plus aucune guerre n’échappe au numérique. C’est d’ailleurs cette réalité qui est au centre du concept de Datasphère.
L’objectif de ce cours de Kevin Limonier est donc de comprendre les enjeux géopolitiques inhérents à cette datasphère dans laquelle nous évoluons toutes et tous. Loin d’être déconnectée du monde physique, elle en est plutôt un prolongement – comme une sorte de réalité augmentée que nous autres géographes commençons à peine à explorer.
Découvrez les livres géopolitiques publiés par Diploweb : des références disponibles via Amazon sous deux formats, Kindle et papier broché
SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.
Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés
| Dernière mise à jour le mercredi 9 octobre 2024 |