Christine Dugoin-Clément, Chercheuse à l’Observatoire de l’intelligence artificielle - Université Panthéon-Sorbonne. Auteure de « Géopolitique de l’ingérence russe. La stratégie du chaos », édition PUF. Pour le MINARM, dans le cadre de l’Intelligence Économique de Défense via la DGA et l’ACADEM, Christine Dugoin-Clément préside depuis septembre 2025 de la Commission Influence. Dans un monde de "guerre hybride" où le cognitif, l’influence et l’économie sont intriqués, cette commission analyse les méthodes d’influence ciblant la BITD.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF. Cette émission a été diffusée en direct le 2 décembre 2025.
Synthèse par Émilie Bourgoin, étudiante en dernière année de Master Sécurité et Défense à l’Université d’Ottawa, après un BBA à l’EDHEC. Elle a travaillé en alternance au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle a la charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.
La désinformation est ancienne mais quelles sont ses nouvelles formes ? Planisphère vous offre un tableau actualisé de l’état de la menace, des nouveaux compétiteurs et des nouvelles opportunités. Ukraine, Moyen-Orient, Afrique autant de terrains où la désinformation influence le conflit. Oui, mais comment ? Pour le savoir, nous recevons Christine Dugoin-Clément. Podcast et synthèse rédigée.
Cette émission [1] Planisphère, Comment la désinformation influence-t-elle les conflits modernes ? Avec C. Dugoin-Clément, sur RCF Notre-Dame
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Synthèse de cette émission, Planisphère, Comment la désinformation influence-t-elle les conflits modernes ? Avec C. Dugoin-Clément. Rédigée par Émilie Bourgoin pour Diploweb.com. Relue et validée par C. Dugoin-Clément
LA DESINFORMATION n’est pas un phénomène nouveau : elle accompagne les conflits humains depuis toujours. Cependant, les mutations technologiques, la globalisation de l’information et la montée des tensions géopolitiques ont profondément transformé sa nature et son ampleur. Comme l’explique Christine Dugoin-Clément, la désinformation contemporaine est devenue multiforme, rapide et industrialisée. L’Ukraine, le Moyen-Orient et l’Afrique sont aujourd’hui des théâtres privilégiés où se jouent ces batailles cognitives, où l’objectif n’est plus seulement de manipuler l’adversaire, mais d’affaiblir la confiance dans la vérité elle-même.
Depuis 2014, la guerre russe en Ukraine a servi de laboratoire à ciel ouvert pour les stratégies de manipulation informationnelle. La Russie, la Chine et d’autres puissances ont développé des actions dites d’ingérence informationnelle, visant les perceptions, les émotions et la cohésion sociale des sociétés adverses. Ces opérations reposent sur une désinhibition croissante : les États n’hésitent plus à mobiliser ouvertement leurs canaux diplomatiques, médiatiques et numériques pour influencer l’opinion mondiale. À côté d’eux, on trouve des prestataires privés de désinformation, parfois liés à des structures étatiques (comme Wagner ou l’Internet Research Agency), qui brouillent les responsabilités et renforcent le déni plausible des commanditaires.

La désinformation est désormais alimentée par un véritable marché de services. Des individus ou groupes autonomes vendent leurs compétences d’influence ou mènent des actions ponctuelles pour gagner en visibilité. L’écosystème s’étend à des entreprises commerciales, des idéologues ou même des particuliers cherchant à prouver leur valeur dans le domaine de l’influence numérique. Ce système s’auto-alimente grâce à la baisse des coûts technologiques : Internet, les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle permettent à de nouveaux acteurs d’entrer dans la compétition informationnelle, créant un environnement où la frontière entre vérité et manipulation devient de plus en plus floue.
Les outils numériques ont révolutionné la désinformation. Les deepfakes, les sites générés par IA, ou les campagnes de désinformation massives sur les réseaux sociaux permettent de diffuser rapidement des récits fabriqués. Ces méthodes favorisent la vitesse, la viralité et le brouillard informationnel, rendant la vérification de plus en plus complexe. L’objectif n’est plus seulement de faire croire à une fausse information, mais de provoquer une saturation cognitive : submerger les citoyens de récits contradictoires jusqu’à ce qu’ils ne croient plus en rien. Cette stratégie s’avère redoutable, car elle mine les fondements mêmes de la démocratie et du débat rationnel.
Face à cette prolifération, les communautés d’OSINT (Open Source Intelligence) représentent une contre-offensive essentielle. L’OSINT consiste à collecter, analyser et vérifier des informations issues de sources ouvertes (images, vidéos, documents publics, réseaux sociaux) en garantissant une totale transparence méthodologique. Ces analystes, journalistes, chercheurs ou simples citoyens, reproduisent et valident entre pairs leurs enquêtes, constituant ainsi un contre-pouvoir citoyen face aux manipulations étatiques ou privées. Des plateformes comme osintfr.com ou le Campus OSINT proposent des formations et des compétitions (Capture The Flag) permettant d’apprendre à traquer les fausses informations. L’OSINT se distingue par son approche « low tech » et collaborative, capable de rétablir la confiance dans un environnement numérique dominé par la désinformation automatisée.
Nous vivons une époque où la bataille pour la vérité se joue à l’échelle planétaire. La désinformation n’a plus besoin d’être crue pour être efficace ; il lui suffit de semer le doute et de diviser. Dans ce contexte, l’OSINT incarne une forme de résistance intellectuelle et démocratique, fondée sur la transparence, la vérification et la coopération. Former les citoyens à ces outils, développer une culture critique de l’information et préserver un espace médiatique libre sont autant de conditions indispensables pour sauvegarder la vérité comme bien commun dans un monde où tout peut être falsifié.
Pour aller plus loin :
. Christine Dugoin-Clément, « Géopolitique de l’ingérence russe. La stratégie du chaos », édition PUF.
. Sur le site du SGDSN, onglet publications, les études de Viginum
. Sur le Diploweb.com, le Dossier géopolitique : La désinformation
. Sur le site académique Géode, les documents à propos de la désinformation
. Sur LinkedIn, suivre notamment les comptes à la fois experts et pédagogues de Samuel Henry , Chloé Debiève , Kevin Limonier, Marie-Doha Besancenot
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[1] Cette émission a été enregistrée dans le cadre des RSMED à Toulon le 10/10/2025 avec les moyens de RCF Méditerranée et diffusée le 2/12/2025.




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