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Chine, le grand prédateur. Un défi pour la planète. Pourquoi ? Entretien avec Pierre-Antoine Donnet

Par Pierre VERLUISE, Pierre-Antoine DONNET, le 26 septembre 2021  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Pierre-Antoine Donnet, diplomé de langue chinoise a fait une très belle carrière de journaliste à l’AFP (1982-2018), dont un poste de correspondant en République populaire de Chine (1984-1989). Il en gardé un intérêt prononcé pour ce pays. Il publie un ouvrage recommandé par Diploweb.com « Chine, le grand prédateur. Un défi pour la planète » (éditions de L’Aube, 2021)
Propos recueillis par Pierre Verluise, Docteur en géopolitique, fondateur du Diploweb.com

Pourquoi la RPC est-elle sur le banc des accusés en matière d’espionnage industriel ? Comment la Chine construit-elle ses relations avec les pays partenaires des Nouvelles routes de la soie ? Que penser du rapport de l’IRSEM qui fait grand bruit « Les opérations d’influence chinoises, un moment machiavélien » ?
Voici quelques-unes des questions posées à Pierre-Antoine Donnet par Pierre Verluise pour Diploweb.com. Pierre Antoine Donnet vient de publier « Chine, le grand prédateur. Un défi pour la planète » (éditions de L’Aube)

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Pierre Verluise (P. V. ) : Votre livre, « Chine, le grand prédateur. Un défi pour la planète » (éditions de L’Aube, 2021) offre un vaste tour d’horizon de la Chine d’aujourd’hui. Avec de nombreuses sources de référence, très actualisées, vous faites successivement le tour de la tragédie des Ouïghours et des Tibétains ; l’impact environnemental de la croissance chinoise ; l’essor technologique de la Chine ; les insuffisances démocratiques de la RPC ; et la Chine dans le monde. Il n’est pas possible d’aborder tous ces sujets ici, mais quel est celui que vous voudriez impérativement partager avec nos lecteurs ?

Pierre-Antoine Donnet (P.-A. D.) : Aujourd’hui, plus que jamais, la Chine de Xi Jinping est devenue un cas de conscience. Est-elle encore un partenaire avec qui il est possible de dialoguer, de parler ? Ne s’est-elle pas refermée comme une huître sur le monde extérieur ? La Chine, sous l’instigation de son président à vie et maître absolu, reprend aujourd’hui des accents maoïstes inquiétants. Entouré d’un culte de la personnalité effréné qui rappelle celui de Mao, Xi Jinping impose désormais que sa « pensée » soit enseignée aux écoliers du primaire. Xi Jinping est partout. Sur les écrans de la télévision d’Etat, sur des affiches géantes aux grands carrefours, sur les réseaux sociaux, partout. Big Brother vous regarde, Big Brother is watching you. 400 millions de cameras équipées de logiciels de reconnaissance faciale vous épient vos moindres faits et gestes dans la rue. Un faux pas, vous ne traversez pas la rue dans les clous, vous jetez votre mégot de cigarette sur le trottoir, vous osez cracher, vous voilà pris sur le fait d’un manquement aux règles de vie et immédiatement sanctionné. Plus question pour vous d’acheter un billet de train. Il s’agit du fameux système dit de « crédit social ». Un citoyen doit désormais se conformer aux codes de conduite du pays, être un bon citoyen.

Pourquoi donc la Chine pose-t-elle un cas de conscience au monde ? La tragédie des Ouïghours, celle avant eux des Tibétains, récemment celle des habitants de Hong Kong nous interpellent. La Chine de Xi Jinping n’adhère pas aux valeurs universelles, celles des libertés individuelles, du multipartisme, des élections au suffrage universel, d’une justice indépendante et d’une presse libre. Le gouvernement chinois a sa propre définition des droits humains : manger à sa faim avant de penser à la liberté.

Revenons aux Ouïghours. Plus d’un million d’entre eux sont internés dans des camps dans la région dite « autonome » du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine. Conditions de détention épouvantables, viols collectifs, stérilisations forcées : les témoignages de Ouïghours, le plus souvent des femmes, sont trop nombreux et trop précis pour douter de leur véracité. Savoir s’il y a génocide ou non est une question très grave. Il existe des définitions de droit international, inscrites dans la Convention de 1948 de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide. Or, force est de constater que la Chine coche toutes les cases, que ce soit par la pratique de stérilisations forcées, ou d’une assimilation violente, avec la volonté de détruire l’identité ouïgoure. Ce que l’on a oublié, c’est que la Chine a toujours fait pareil, auparavant avec les Tibétains et, avant cela, avec les Mandchous. Il n’y a ainsi aujourd’hui plus aucun locuteur de la langue mandchoue. Ce n’est pas aimer la Chine que d’être dans le déni. Adolescent, j’avais dans ma chambre une affiche de Zhou Enlai, le premier ministre de Mao Zedong. Or, je n’ai jamais été séduit par le maoïsme. Mais, comme beaucoup de jeunes de ma génération, j’ai cru voir dans le communisme chinois la promesse d’un homme nouveau qui allait éclairer le monde. Tout cela était faux. On l’a su plus tard. La Chine était alors ravagée par la disette qui a causé la mort de millions de millions de femmes et d’hommes ainsi que des centaines de milliers d‘intellectuels lynchés pendant la tristement célèbre « Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ». Or, en Occident, les pseudo-sinologues de l’époque encensaient Mao et préféraient attaquer Simon Leys, alias Pierre Ryckmans, lorsqu’il fut le premier à oser dénoncer, dans son premier livre « Les Habits neufs du président Mao », les travers d’un système pervers dont on connaît aujourd’hui le résultat pour la Chine plongée dans la pauvreté, l’ignorance et les ténèbres. Simon Leys aimait beaucoup plus la Chine que ceux qui, à l’époque, idolâtraient Mao.

Je suis intimement convaincu que la Chine connaitra un jour le multipartisme, une justice indépendante, une presse libre et la liberté de parole.

Que pourrait faire la Chine pour changer ? La situation actuelle ne pourra changer qu’avec le départ de Xin Jinping. Je suis intimement convaincu que la Chine connaitra un jour le multipartisme, une justice indépendante, une presse libre et la liberté de parole. Tout cela permettrait au génie chinois de s’exprimer et de nous apporter à tous beaucoup. Plus que jamais, nous avons besoin de ce génie chinois dont a fait preuve la Chine pendant plusieurs millénaires, alors que l’Europe connaissait à l’époque la famine, les épidémies. Ce génie chinois nous est indispensable face aux graves questions auxquelles le monde fait face aujourd’hui.

La population chinoise est-elle en mesure de résister à cette chape de plomb qui étouffe la Chine ? Une dernière forme de contestation à la mode en Chine est celle-ci : se coucher « tang ping » en mandarin. On se couche sur un banc dans un parc. Il s’agit de refuser cette société du travail, de l’aliénation mentale, celle où le seul choix qui reste est de consommer, celle où vous n’avez plus la faculté de penser puisqu’on pense pour vous. Le Parti se charge de penser à votre place. Il s’agit donc de s’allonger pour dire non. Le grand drame aujourd’hui c’est qu’un milliard 402 millions de Chinois sont pris en otage par la politique du Parti qui se pose en unique représentant légitime du peuple chinois. Il est devenu impossible de parler librement et, nous étrangers, nous ne pouvons plus discuter avec eux. Mais Xi Jinping est en train de perdre la guerre de l’information. Car, plus que jamais, l’information circule. Elle ne connaît pas de frontières. Même en Chine, en dépit de la censure omniprésente, les Chinois finissent par savoir. Naturellement, tous les Terriens veulent savoir. Cette soif d’informations, Xi Jinping ne peut rien y faire. La Chine répand des fakes news, mais plus personne n’y croit.

Chine, le grand prédateur. Un défi pour la planète. Pourquoi ? Entretien avec Pierre-Antoine Donnet
Pierre Antoine Donnet
Pierre Antoine Donnet vient de publier « Chine, le grand prédateur. Un défi pour la planète » (éditions de L’Aube). Photo L’Alsace, Darek Szuster
Szuster/L’Alsace

P. V. : La montée en puissance de la Chine se fait aussi dans le domaine de technologie. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi la RPC est sur le banc des accusés en matière d’espionnage industriel ? Dans quelle mesure les Occidentaux qui ont accepté dans les années 1980 des conditions de transferts technologiques léonines par pur appât du gain d’exploitation d’une main d’œuvre alors peu chère, n’ont-ils pas offert un plateau un rattrapage technologique sur un plateau ? Quel est le défi pour les services de renseignement français et plus largement occidentaux ?

P.-A. D. : La Chine se livre depuis des décennies à un espionnage industriel massif. Ceci dans tous les domaines, civils et surtout militaires. Cet espionnage s’exerce de différentes façons. Surtout par le réseau diplomatique chinois à travers le monde. Les ambassades de la RPC comptent chacune des experts de haut niveau dont le travail est de collecter des informations sensibles sur les technologies de pointe. Il a été ainsi de la technologie du groupe européen Airbus. Celle-ci a permis à la Chine de réaliser des progrès gigantesques en peu de temps pour élaborer ses propres avions civils, dont l’exemple le plus abouti est le COMAC C919, un avion moyen-courrier dont les premiers exemplaires seront bientôt livrés aux compagnies aériennes chinoises et qui viendra concurrencer frontalement les avions A-320, A-321, A-350 de même que les Boeing 737. Un autre exemple est le pillage des technologies dans le domaine du nucléaire civil.

Les ingénieurs chinois ont accumulé la totalité du savoir-faire français, si bien qu’ils sont aujourd’hui en mesure de maîtriser l’ensemble de la conception, de la mise en œuvre et de l’entretien des centrales nucléaires.

Les ingénieurs chinois ont accumulé la totalité du savoir-faire français, si bien qu’ils sont aujourd’hui en mesure de maîtriser l’ensemble de la conception, de la mise en œuvre et de l’entretien des centrales nucléaires. Le dernier exemple le plus frappant a été le raccordement au réseau des centrales EPR de dernière génération en décembre 2018 et 2019, ceci grâce aux transferts de technologies consentis par Framatome et EDF. Ce raccordement au réseau a constitué une prouesse unique au monde puisque ces centrales EPR n’ont pas d’équivalent au monde puisque l’inauguration de la première centrale EPR française à Flamanville accuse des retards à répétition qui suscitent un surcoût phénoménal. Dernier exemple : celui des trains à grande vitesse. Là, grâce encore aux transferts de technologies, la Chine a bâti plus de 30 000 km de LGV en à peine dix ans, alors qu’il a fallu à la France plusieurs décennies pour n’installer que vingt fois moins de LGV que la Chine.

P. V. : Par de nombreux biais, la Chine met en œuvre une désinformation de haut niveau, avec parfois quelques maladresses. Quels en sont les objectifs, les supports, les formes, les relais, les effets ? Quelles sont nos faiblesses dont les Chinois font leur force ? Les réponses des pays et des institutions de l’Union européenne sont à la hauteur de la menace ?

P.-A. D. : La désinformation du gouvernement chinois est constante, massive et quotidienne. Elle s’exerce par l’intermédiaire des médias officiels chinois, les ambassadeurs de RPC dans le monde, internet, Facebook, Twitter et Linkedin, pour ne citer que ceux-ci. Cette désinformation s’applique naturellement à offrir un narratif dont le but est de tromper et mentir sur des sujets tels que les Ouïghours, les Tibétains, Taïwan, l’origine du virus Covid-19. Les pays ciblés sont en priorité les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, mais aussi l’Union européenne. Mais proférer des mensonges ne dure qu’un temps. Peu-à-peu, l’opinion publique de ces pays découvre l’étendue de cette désinformation et n’y croit plus.

P. V. : Les Nouvelles Routes de la soie font beaucoup parler d’elles – jusque dans les programmes d’Histoire-Géographie Géopolitique du lycée – quelles sont leur dimension géopolitique ? Comment la Chine construit-elle ses relations avec les pays partenaires ? Une partie des routes de la soie terrestres passe par la Russie, quelle incidences cela pourrait-il avoir sur le rapport de force entre la Chine et la Russie ? Pourquoi et comment la Chine devient-elle prédatrice jusqu’en Afrique ?

P.-A. D. : Les Nouvelles Routes de la Soie, lancées en 2013 par le président Xi Jinping, représentent la plus grande opération de conquête politique et économique de tous les temps. Plus de 153 pays ont signé des accords avec la Chine pour ce programme pharaonique. Ces routes irriguent l’Asie centrale, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique, l’Europe de l’Est et même l’Europe de l’Ouest avec la cession de prêts à taux avantageux sans considérations pour les questions liées aux droits humains, à la différence des prêteurs occidentaux qui, eux, prennent ceci en considération et en font une condition sine qua non. Des centaines de milliards de dollars ont ainsi été consentis à de nombreux pays, que ce soit en Asie du Sud-Est, en Afrique surtout, mais aussi en Europe. Un jour, certains de ces pays se retrouvent dans l’incapacité de rembourser ces prêts et tombent alors dans le fameux « piège de la dette ». Ce défaut de remboursement se retourne alors contre eux puisque les prêteurs chinois leur demandent alors de consentir à des baux emphytéotiques de 99 ans sur des infrastructures telles de que des ports, des aéroports, des voies ferrées. Ce sont là des abandons de souverainetés qui suscitent aujourd’hui la révolte de certains de ces pays.

La dette publique chinoise est une véritable bombe à retardement.

S’ajoute à cela le fait que la Chine est très lourdement endettée et ne peut plus financer comme elle le faisait ces Routes de la Soie, ce qui entraine un sérieux ralentissement de la mise en chantier de nouveaux programmes. La dette publique chinoise est en effet une véritable bombe à retardement. Elle pèse actuellement plus de 15% de la dette mondiale, selon l’Institute of International Finance. Elle représentait en 2018 près de 235% du PIB national. Elle a été multipliée par quatre entre 2008 et 2016, pour atteindre 28 400 milliards de dollars à cette date. Ainsi se pose la question : la Chine est-elle un colosse aux pieds d’argile ?

Le FMI avait, voici des années déjà, tiré la sonnette d’alarme, expliquant dans un rapport publié en 2019 que l’endettement chinois dépasserait 290% du PIB du pays d’ici 2022. Pour l’Institution, une telle progression est dangereuse. Un tel fardeau de dettes, ne laissera pas beaucoup de place aux autorités chinoises pour réagir à un choc économique potentiel et, en particulier, à une nouvelle crise interbancaire qui plane aujourd’hui sur le monde. Ou encore à une crise de confiance dans les produits de gestion de fortune qui ont assuré la forte croissance du secteur bancaire chinois notoirement opaques. Alors que les défauts sur les obligations émises par les entreprises chinoises s’étaient déjà envolés, 2021 et plus encore 2022 pourraient bien être des années horribles. Entre 2007 et 2017, les entreprises chinoises ont fait défaut sur 39,2 milliards de dollars de yuans d’obligations (5,8 milliards de dollars), soit 3,4 fois plus que sur la même période de 2018. Entre 2007 et 2017, le ratio de la dette des entreprises chinoises par rapport à la croissance chinoise est passé de 101% à 160%. Depuis s’ajoute le phénomène lui aussi inquiétant de la fuite des capitaux, tangible depuis 2012. Or elle s’accélère depuis 2015, traduisant un manque de confiance des investisseurs chinois dans leur économie. Quelque 1000 milliards de dollars se sont envolés de Chine en 2015 et ces fuites massives se sont poursuivies depuis cette date. Malgré un strict contrôle des changes instauré par les autorités, la fuite des capitaux a atteint un niveau estimé de 87,8 milliards de dollars au cours du premier trimestre 2019. Depuis 2012, date de l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, les Chinois ne sont plus autorisés à sortir de leur territoire plus de 50 000 dollars par an et par personne tandis que les entreprises ne peuvent plus le faire que dans le cadre de projets d’investissements dûment approuvés. Mais de nombreuses solutions existent pour faire transiter l’argent illégalement, en particulier via des établissements bancaires parallèles qui le font parvenir à Hong Kong, plaque tournante de milieux financiers chinois.

La Chine a par ailleurs généré depuis une vingtaine d’années une bulle immobilière monstrueuse qui, aujourd’hui, constitue une menace pour son équilibre économique. Elle s’est engagée à partir des années 1990 dans une frénésie de construction qui a changé la face de toutes ses villes. Des milliards de mètres cubes de béton ont été coulés pour élever des millions de bâtiments sans grâce qui défigurent les zones urbanisées. La spéculation a poussé les prix à un niveau artificiellement élevé. Avec pour résultat qu’aujourd’hui des dizaines de millions d’appartements et d’immeubles d’habitation sont vides. Quelque 22% du parc immobilier est inoccupé, soit plus de 50 millions de logements. Les acheteurs de logements se sont lourdement endettés, encouragés par l‘octroi de prêts hypothécaires faciles qui ont été multipliés par sept entre 2008 et 2017, passant de 3 000 milliards de yuans (430 milliards de dollars) à la somme faramineuse de 22 900 milliards de yuans (66 000 milliards de dollars). L’immobilier et la construction représentent actuellement environ 15% du PIB chinois. En 2016 déjà, Wang Jianlin, patron du conglomérat Wanda qui avait débuté dans l’immobilier commercial, ne cachait pas son inquiétude envers un marché devenu « incontrôlable » face à l’appétit des épargnants pour la pierre, plus rémunératrice que la Bourse et les dépôts bancaires. « Je ne vois pas de bonne solution », avait-il expliqué. « Le gouvernement a mis en place toutes sortes de mesures, limitant les achats et le crédit, mais rien n’a fonctionné  », avait-il averti. Le cocktail d’une fièvre immobilière et d’une embardée des crédits faciles n’est pas sans rappeler la crise des subprimes américaines (2007, 2008). Dans la zone économique spéciale de Shenzhen, dans le sud du pays, jusqu’à 30% des achats immobiliers sont des investissements spéculatifs, selon l’Agence Chine nouvelle.

Le numéro deux chinois de l’immobilier, le conglomérat Evergrande se trouve au bord de la faillite.

La dernière illustration de ce phénomène est le numéro deux chinois de l’immobilier, le conglomérat Evergrande, qui se trouve au bord de la faillite. Les petits investisseurs ont, le 14 septembre 2021, manifesté leur colère devant le siège de l’entreprise à Shenzhen. Ainsi Mme Hu, pékinoise, qui n’a pas hésité à parcourir plus de 2000 kilomètres pour faire entendre le 15 septembre la voix de ses parents qui ont investi ans Evergrande en pensant améliorer leurs vieux jours. « Mon père comptait sur les rendements pour payer les soins médicaux de ma mère  » gravement malade, dit-elle à l’AFP sans vouloir donner son nom complet. Aujourd’hui, ils se retrouvent sans un sou alors qu’Evergrande « avait promis un retour sur investissement élevé », s’emporte-t-elle. « Pour ma mère, je dois récupérer l’argent  », explique, combative, Mme Hu. Comme elle, une grosse soixantaine de manifestants étaient de nouveau rassemblés le 15 septembre devant le siège du groupe. A l’arrivée d’un homme présenté comme un responsable d’Evergrande, des protestataires scandent : « Evergrande, rendez l’argent ! » La veille, les protestataires avaient envahi les locaux du groupe dans un pays où les manifestations sont interdites, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux chinois. Mais depuis, un important dispositif policier empêche tout manifestant d’entrer dans les bureaux de l’entreprise et tente en vain de disperser les manifestants. Les forces de l’ordre formaient le 15 septembre une chaîne humaine et priaient les journaliste de quitter les lieux. « Ils nous ont proposé des magasins, des jardins d’enfant et des places de parking mais nous ne pouvons rien en faire. Personne n’est d’accord avec ça », affirmait Mme Wang, employée d’une société financière en relation d’affaires avec Evergrande. « Ils essayent de caser leurs actifs pourris », dénonce un autre investisseur. « Ce sont des biens qu’ils n’arrivent pas à vendre », dit-elle, toujours selon le compte-rendu de l’AFP. D’autres mouvements de protestations ont été signalés dans les provinces de l’Anhui et du Jiangsu (est) et du Hubei (centre), selon l’agence.

Evergrande fait aujourd’hui peser un risque systémique sur l’économie chinoise. Sa chute pourrait être pour la Chine son instant Lehmann Brothers.

Vu la taille de la société affichant 200 000 salariés et vu le poids de sa dette (260 milliards d’euros) des centaines de milliers de personne redoutent aujourd’hui en Chine d’y laisser des plumes. Les petits porteurs craignent de perdre toute leur épargne dans cette tourmente. Les ménages chinois dans l’attente de la livraison d’une maison ou d’un appartement Evergrande qu’ils ont déjà payé, comme l’exige la loi chinoise, sont aussi sur le qui-vive. Idem pour les constructeurs impayés depuis plusieurs mois. Les chantiers d’1,4 million de logements sont à l’arrêt en raison de l’insolvabilité du groupe. Le promoteur a démarré il y a 25 ans déjà pour bâtir les logements de la classe moyenne chinoise. Il s’était aussi diversifié dans la santé, le football ; l’élevage ou les parcs de loisirs. Cette bérézina n’est pas tout à fait une surprise. Dans le langage de analystes financiers, Evergrande appartient à la catégorie des rhinocéros gris, c’est-à-dire des grosses entreprises visiblement en danger : un danger qu’on préfère ignorer jusqu’à ce que la crise éclate. Bref, Evergrande fait aujourd’hui peser un risque systémique sur l’économie chinoise. Sa chute pourrait être pour la Chine son instant Lehmann Brothers, la banque qui a fait faillite aux États-Unis en 2008, provoquant une crise financière mondiale. La question est posée : les autorités chinoises prendront-elles le risque de laisser tomber une aussi grosse entreprise ? A Kunming, capitale de la province du Yunnan, dans le sud-ouest de la Chine, quinze tours d’habitations ont été démolies en août 2021 après avoir été inachevées pendant huit ans, comme le révèle Channel NewsAsia, un réseau d’information de langue anglaise basé à Singapour et détenu par MediaCorp qui, le 14 septembre 2021, a diffusé une vidéo de cet événement. Qu’en sera-t-il quand la bulle éclatera ? Jusqu’où ira cette débâche financière ?

Voilà donc lourdement compromis l’aventure des Nouvelles routes de la Soie par laquelle la Chine espérait étendre sa sphère d’influence dont elle rêvait pour concurrencer celle des États-Unis mais aussi de l’Union européenne.

P. V. : Quels sont les paramètres fondamentaux des relations entre la République populaire de Chine et l’île de Taiwan ? Quelles sont les perspectives d’une crise dont les échos pourraient être planétaires ?

P.-A. D. : Il existe déjà un exemple de démocratie dans le monde chinois : Taïwan. L’île de 26 millions d’habitants est devenue un modèle de démocratie, le seul dans le monde chinois. Une démocratie vivante. Les Taïwanais votent au suffrage universel. Ils choisissent leur président, aujourd’hui Madame Tsai Ing-wen, réélue en janvier 2021 pour un deuxième mandat de cinq ans. Taïwan est resté un musée vivant de la culture chinoise. Ceci n’est évidemment pas tolérable pour le régime communiste de l’autre côté du détroit de Taïwan, large d’à peine 150 kilomètres. Voici pourquoi Pékin proclame le fait que cette ile fait partie intégrante du continent, et ceci depuis toujours. Xi Jinping multiplie ces dernières années les menaces à l’égard de Taïwan : soit vous acceptez la réunification avec la mère-patrie chinoise sous l’étendard du Parti communiste, soit nous emploieront la force contre vous. D’où la question lancinante : Xi Jinping en viendra-t-il un jour à donner l’ordre à l’Armée Populaire de Libération d’envahir Taïwan ? Mais Taïwan n’est pas seule. Les États-Unis, depuis peu le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et même l’Inde ont fait savoir qu’en cas d’invasion de l’île, ils ne resteraient pas sans rien faire. Alors ? Une Troisième guerre mondiale naîtra-t-elle à Taïwan ? Le 19 mai 2021, un think tank basé à Hong Kong affilié au Parti communiste chinois a rendu publique une étude inquiétante. Elle montre que les tensions dans le détroit de Taïwan sont devenues si fortes qu’elles indiquent un risque de guerre « qui n’a jamais été aussi élevé » entre la Chine continentale et Taïwan. Bluff, avertissement ou mise en garde ?

Dans son rapport, l’Académie China Cross-Strait cite des chercheurs non identifiés qui se sont penchés sur différents facteurs. Parmi eux, la puissance militaire accumulée ces dernières années des deux côtés du détroit de Taïwan, de même que celle des alliés de l’ancienne Formose. Leur conclusion : Pékin et Taipei sont désormais « au bord de la guerre ». Ce think tank, dont fait état le South China Morning Post, a été récemment créé et il est présidé par Lei Xiying, un membre de haut rang du Parti communiste chinois.

Les conclusions de ce rapport sont basées sur un indice du risque d’un conflit armé entre les deux rives du détroit de Taïwan. Les chercheurs l’ont mesuré à 7,2 sur une échelle de -10 à +10. L’évolution de cet indice n’a pratiquement pas bougé depuis les années 1950, lorsque les forces armées nationalistes du Kuomintang se sont réfugiées à Taïwan, après leur déroute face à l’Armée populaire de libération et l’arrivée au pouvoir des communistes et de Mao Zedong le 1er octobre 1949 à Pékin. Cet indice était alors situé à 6,7.

L’indice a ensuite oscillé au-dessus de 6,5 pendant la plus grande partie des années 1970, pour ensuite dégringoler à 4,55 en 1978 lorsque les États-Unis ont reconnu la Chine populaire et rompu les relations diplomatiques avec la République de Chine, le nom officiel de Taïwan. Puis, dans les années 1980, l’indice est resté très bas, alors que Pékin s’était embarqué dans de profondes réformes économiques qui ont débouché sur des flux considérables d’investissements sur le sol chinois.

Mais ce même rapport fait apparaître une hausse constante de cet indice depuis le début des années 2000. C’est l’époque où le Parti démocratique progressiste (DPP) de Taïwan qui se fait l’avocat de l’indépendance de « l’île rebelle » a pris le pouvoir, mettant du même coup un terme brutal aux relations relativement détendues qu’avait entretenues le Kuomintang avec Pékin pendant les 55 ans de son règne sur l’ancienne Formose.

Taïwan est-elle « L’endroit le plus dangereux de la planète » comme l’a affirmé The Economist en mai 2021 ?

La présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, s’est toujours gardée de proclamer l’indépendance formelle de l’île, sachant bien que ce serait là un casus belli. Voici pourquoi elle s’est contentée de dire qu’il n’y a nul besoin de le faire puisque Taïwan est déjà de facto indépendant. Mais elle rejette en même temps avec énergie les offres venant de Pékin proposant une réunification avec la Chine continentale sur la base du concept « un pays, deux systèmes » imaginé par Deng Xiaoping. Concept devenu caduque depuis 2019 avec la mainmise des autorités chinoises sur Hong Kong à qui Pékin avait pourtant promis de respecter ce principe pendant 50 ans.

« L’endroit le plus dangereux de la planète. » C’est ainsi que The Economist, dans son numéro de mai, qualifiait Taïwan sur sa page de couverture. Une allusion aux menaces de conflit armé entre la Chine et les États-Unis. Les Américains ont plusieurs fois promis qu’ils ne resteraient pas sans rien faire si Pékin devait un jour lancer l’assaut contre Taïwan.

Lei Xiying, sans être très loquace, a tout de même expliqué que l’évolution politique en cours à Taïwan et les liens de plus en plus étroits entre Taipei et Washington représentaient « deux facteurs destructifs » qui contribuent à un risque sérieux de conflit armé. « Si la tendance actuelle devait se poursuivre, l’unification de Taiwan par la force ne sera plus qu’une question de temps », écrit-il.

Pour Lim John Chuan-tiong, ancien chercheur de l’Academia Sinica, une institution prestigieuse de Taïwan, la situation actuelle n’est pas pire que dans les années 1950, lorsque des incidents armés se sont d’ailleurs produits entre Pékin et Taipei. « Toutefois, reconnaît-il, considérant la situation explosive, les immenses incertitudes de même que les enjeux, si quiconque fait des erreurs de jugement ou prend de mauvaises décisions, il ne serait pas faux de dire que le niveau de risque dans le détroit de Taïwan se trouve à un niveau élevé sans précédent. » « Pékin a longtemps cru que tant que les relations sino-américaines pouvaient rester sous contrôle, Taiwan ne serait pas un problème, poursuit Lim. Mais les relations sino-américaines ont plongé sous l’administration Trump et il n’y a aucun signe d’une amélioration maintenant avec l’administration Joe Biden qui se repose désormais sur Taïwan et d’autres alliés pour contenir la Chine.  »

Alors que penser de ces déclarations ? Les menaces chinoises sont-elles une opération de bluff de plus ? Ou traduisent-elles au contraire le signe d’un avertissement et d’une mise en garde envers à la fois Taïwan et Washington ? Difficile de se prononcer.

Il pourrait tout aussi bien s’agir d’une opération visant à faire peur à la population de Taïwan afin de tuer dans l’œuf toute volonté de résister si une invasion devait être décidée à Pékin. Mais autre signe inquiétant : la marine chinoise a diffusé le 17 mai 2021 une vidéo où l’on voit ses soldats s’entraîner à débarquer rapidement sur des « plages ennemies ». Un message limpide à l’adresse de Taïwan alors que les relations diplomatiques entre le gouvernement de Xi Jinping et l’île sont extrêmement tendues.

Lors de cette simulation de combat, la marine chinoise a testé les capacités de l’un de ses navires de débarquement : le Yimengshan de classe Type 071. Ce vaisseau peut embarquer et déployer plus de 500 soldats sur les rives ennemies. Il est aussi doté d’un large pont d’envol et peut déployer simultanément deux hélicoptères lourds Z-18. Inspiré du design de l’appareil français Super Frelon, cet aéronef peut transporter rapidement 27 soldats au front, notamment sur les plages, en vue d’un assaut amphibie. Il est aussi capable de mener des missions de sauvetage ou encore de lutter contre des incendies dans un rayon de 900 kilomètres.

De son côté, l’armée taïwanaise a mis en place un nouveau plan pour stopper une éventuelle invasion de la République populaire sur son sol. Cette stratégie a été détaillée dans le rapport quadriennal de la Défense, un document important qui trace les prochains objectifs de l’armée taïwanaise pour les années à venir. Le constat des hauts gradés taïwanais est simple : l’État insulaire ne pourra pas faire face aux troupes chinoises, bien trop nombreuses, dans un conflit ouvert sur son territoire. La priorité de l’île est donc de détruire tous les navires et tous les avions ennemis avant qu’ils ne puissent faire débarquer des soldats. Une tactique qui aurait tout de même peu de chances de fonctionner, selon des simulations de guerre du Pentagone.

A force de dire et de répéter que Taïwan doit être « réunifiée » au continent, Xi Jinping peut difficilement se permettre de ne rien faire.

Xi Jinping a plusieurs fois déclaré que Taïwan serait irrémédiablement rattachée à la Chine, par la force si besoin. Le président chinois a pris soin de préciser que cette réunification ne pourrait pas être repoussée à une autre génération. En janvier 2019, Xi Jinping, qui est aussi secrétaire général du Parti communiste chinois et chef de la Commission militaire centrale, a souligné qu’une déclaration formelle d’indépendance de Taïwan « constituerait un courant contraire à la marche de l’histoire et une impasse ». Mais, Xi Jinping n’a sans doute pas envie d’envahir cette île. Les risques d’un conflit majeur avec les États-Unis et leurs alliés sont trop élevés. Mais à force de dire et de répéter que Taïwan doit être « réunifiée » au continent, Xi Jinping peut difficilement se permettre de ne rien faire, au risque d’apparaître comme un faible, aux yeux de ses compatriotes, le jour où il quittera le pouvoir. Abandonner cet objectif pourrait même hâter son départ. Car la réunification est perçue par le Parti comme une mission sacrée, une légitimité pour lui qu’il lui faut donc conquérir coûte que coûte.

J’ai été correspondant à Pékin entre 1984 et 1989 et la surveillance était déjà totale, de jour comme de nuit. (...) Aujourd’hui, la situation des correspondants étrangers accrédités à Pékin est encore plus dure. Ils sont suivis partout grâce à la surveillance électronique.

P. V. : Vous détaillez les agressions que l’Ambassade de Chine à Paris à l’encontre d’Antoine Bondaz, chercheur de la Fondation pour la Recherche stratégique. Ce spécialiste de la Chine s’est fait traiter de « petite frappe » et de « hyène folle », ce qui a suscité un large soutien de la communauté scientifique française et une convocation de l’Ambassadeur de Chine à Paris de la part du Quai d’Orsay. Vous-même, vous travaillez depuis longtemps sur des questions qui gênent Pékin, notamment le Tibet. Vous y avez longtemps travaillé et continuez avec ce livre à offrir une large vision documentée mais critique. Vous êtes actif sur le site Asialyst. Comment se comporte la République populaire de Chine à votre égard et vis-à-vis de cette publication ?

P.-A. D. : Pour le moment, ni l’ambassade de Chine à Paris ni les autorités chinoises n’ont exercé de pressions sur moi, ni non plus à fortiori de menaces quelconques. Mais il me semble évident que je ne suis plus le bienvenu sur le territoire de la RPC. A vrai dire, je n’ai plus la moindre envie de poser le pied en Chine, pour des raisons multiples que je ne souhaite pas préciser. Il y a quelques mois, j’ai été la cible d’insultes provenant de trolls chinois mais aussi, et c’est là étonnant, de trolls français. Depuis je fais régulièrement le ménage dans mes contacts Facebook et autres et je suis désormais tranquille. J’ai été correspondant à Pékin entre 1984 et 1989 et la surveillance était déjà totale, de jour comme de nuit. On ouvrait mon courrier, on écoutait mes conversations téléphoniques. Il fallait veiller à ne pas mettre en danger mes contacts qui risquaient la prison s’ils étaient identifiés. A l’époque, j’avais une moto chinoise, copie des anciennes BMW. Avec mon casque intégral, je pouvais aller partout sans être remarqué. En-effet, à cette époque, les motos appartenant à des étrangers portaient une plaque d’immatriculation de couleur bleue chinoise qui permettait d’échapper à la surveillance, à la différence des plaques noires des voitures des étrangers qui permettaient de les reconnaître immédiatement. Un an après les règles avaient changé. Peut-être de mon fait. Cela étant, la règle était que les motos des étrangers devaient elles aussi porter une plaque d’immatriculation noire. Fini la liberté. Aujourd’hui, la situation des correspondants étrangers accrédités à Pékin est encore plus dure. Ils sont suivis partout grâce à la surveillance électronique. Le Bureau de l’Information du ministère des Affaires étrangères n’octroie parfois plus que des visas de courte durée, renouvelables si le correspondant n’écrit pas d’articles jugés dommageables pour l’image de la Chine. Ce chantage est épouvantable car il impose aux journalistes de pratiquer l’autocensure.

P. V. : En septembre 2021, Paul Charon et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, chercheur et directeur de l’IRSEM (Institut de Recherches Stratégique de l’École Militaire), ont publié un rapport de plus de 600 pages intitulé «  Les opérations d’influence chinoises, un moment machiavélien  », disponible en téléchargement gratuit sur le site de l’IRSEM. Qu’en avez-vous retenu ?

P.-A. D. : Ce rapport [1], impressionnant par cette foule de détails, de documents, fera date dans la recherche française sur la Chine contemporaine. Il y a désormais un « avant » et un « après » car ce dossier remet les pendules à l’heure et nous aide à nous sortir d’une naïveté à l’égard de cette Chine de Xi Jinping, président à vie, secrétaire général du Parti communiste chinois et chef de la Commission militaire centrale, qui détient tous les pouvoirs d’un pays qui en train de se refermer comme une huître sur le monde extérieur.

« Les stratégies et les opérations d’influence présentées dans ce rapport sont celles du régime chinois, et non de la Chine ou du peuple chinois », soulignent en préambule à leur narratif les deux auteurs. « Ne pas permettre l’amalgame entre le pouvoir et le peuple, nous utiliserons de préférence ‘le Parti-État’ ou ‘Pékin’ plutôt que ‘la Chine’ », écrivent-ils. « En confondant les deux, le régime s’approprie d’ailleurs la voix du ‘peuple chinois’ qui, en Chine comme à l’étranger quoique par des voies différentes, est souvent le premier à critiquer les pratiques du PCC », expliquent les auteurs de ce dossier.

« Cela permet au Parti-État de faire d’une pierre deux coups : se présenter en sauveur et protecteur des Chinois de l’étranger, donc étendre son influence sur eux, et de dénoncer toute critiquer du régime comme tant ‘antichinoise’ et donc ‘raciste’ », ajoutent-ils.

« Le problème n’est pas la Chine, elle n’est pas un ‘ennemi’ (c’est au contraire le Parti qui divise le monde en ‘amis’ – ceux qui défendent ses intérêts – et ‘ennemis’ – ceux qui osent le critiquer) et il n’y a pas de ‘choc des civilisations », expliquent les deux auteurs.

Autant mettre les choses au clair : « Le vrai choc est entre les valeurs et pratiques répressives du PCC, et les libertés consacrées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU : la liberté d’expression, de réunion, de religion et de croyance ; celle de ne pas être persécuté ; le droit à la vie privée et à la protection égale devant la loi. Le PCC rejette chacun de ces droits et libertés, en paroles comme en actes ».

« C’est un ‘moment machiavélien’ au sens où Pékin semble désormais estimer que, comme l’écrivait Machiavel dans Le Prince, ‘il est plus sûr d’être craint que d’être aimé’ ». Ce qui correspond donc à une ‘russianisation’ des opérations d’influences chinoises », expliquent Paul Charon et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer.

Ces précautions étant posées, voici le cœur de leur narratif : « Pendant longtemps, on a pu dire que la Chine, contrairement à la Russie, cherchait davantage à être aimée que crainte ; qu’elle voulait séduire, projeter une image positive d’elle-même dans le monde, susciter l’admiration. Pékin n’a pas renoncé à séduire, à son attractivité ni à son ambition de façonner les normes internationales et il existe de très important pour le PCC de ne pas ‘perdre la face’. Mais en même temps, pékin assume de plus en plus d’infiltrer et de contraindre : ses opérations d’influence se sont considérablement durcies ces dernières années et ses méthodes ressemblent de plus en plus à celles employées par Moscou », soulignent Paul Charton et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer.

« C’est un ‘moment machiavélien’ au sens où Pékin semble désormais estimer que, comme l’écrivait Machiavel dans Le Prince, ‘il est plus sûr d’être craint que d’être aimé’ ». Ce qui correspond donc à une ‘russianisation’ des opérations d’influences chinoises », expliquent les auteurs de ce rapport.

Suivent des explications sur les outils dont dispose le Parti communiste chinois pour s’infiltrer dans nos sociétés jusqu’au cœur d’entre elles pour intimider, contraindre, réduire au silence et retourner les opinions publiques. Une entreprise machiavélique donc. Elle a failli réussir, si ce n’est que depuis quelques années, l’opinion occidentale a commencé à prendre conscience de ce qui se passe et à réaliser l’ampleur du désastre. Si bien que, maintenant, le régime chinois se retrouve dans la position de l’arroseur arrosé. L’Occident a peu à peu abandonné cette naïveté qui a laissé place à une prise de conscience. [Chacun gagnera à lire l’ensemble de ce rapport disponible gratuitement sur le site de l’IRSEM et prochainement disponible en anglais.

Aujourd’hui, plus que jamais, le régime de Xi Jinping se retrouve dans une situation inconfortable d’être devenue une citadelle assiégée. Jamais la Chine n’a été confrontée à une coalition hostile à ses manœuvres sournoises. On y retrouve évidemment au premier chef les États-Unis, mais aussi le Japon, l’Australie, l’Inde, la Nouvelle Zélande, la Corée du Sud et même, progressivement, l’Europe. Au cœur de cet affrontement inédit : Taïwan.

Taïwan, seule démocratie du monde chinois, est la preuve vivante que la démocratie est soluble dans la culture et la civilisation chinoises, infligeant ainsi un cruel démenti à ceux qui (certains osant même se présenter comme sinologues éclairés), affirment contre vents et marées que la démocratie n’est pas faite pour les Chinois.

Copyright Septembre 2021-Donnet-Verluise/Diploweb.com


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4e de couverture

Bien que sévèrement touchée par la pandémie du Covid-19 apparue dans la ville de Wuhan, la Chine a été la seule grande économie du monde à afficher une croissance insolente en 2020. Bientôt première puissance économique du globe, l’empire du Milieu représente un défi majeur pour les prochaines générations de Terriens – que ce soit en termes de réchauffement climatique, de ­transition écologique, d’hyperdéveloppement économique, d’innovation technologique et de ­bouleversements politiques engendrés par son modèle de dévelop­pement, unique en son genre. Après la colonisation menée dans le monde par l’Europe au xixe siècle, suivie de la ­domination planétaire américaine au xxe siècle, la Chine serait-elle devenue le grand prédateur environnemental, ­politique et économique du xxie siècle ?

Voir sur Amazon Pierre Antoine Donnet « Chine, le grand prédateur. Un défi pour la planète », éditions de L’Aube


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[1P. Charon et J.-B. Jeangène Vilmer, « Les Opérations d’influence chinoises. Un moment machiavélien », rapport de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), Paris, ministère des Armées, septembre 2021.

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| Dernière mise à jour le dimanche 8 décembre 2024 |