Adèle Forveille est analyste géopolitique et cartographe. Diplômée de l’Institut Français de Géopolitique (IFG), elle a exercé deux ans en tant que consultante et journaliste en Égypte et au Liban. De retour en France, elle a dirigé la rédaction d’InCyber News, avec un focus sur les questions liées au cyberespace. Aujourd’hui analyste indépendante, elle propose des études, des cartographies et des visualisations de données pour éclairer les dynamiques géopolitiques internationales.
En attendant le retour de D. Trump à la Maison-Blanche, cette cartographie en anamorphose, qui amplifie ou réduit la taille des pays en fonction de leur fréquence d’apparition dans les tweets de Trump, reflète les grands axes de sa politique étrangère à la présidence des États-Unis entre janvier 2017 et janvier 2021. Depuis 2021, le monde – et D. Trump – ont changé, mais cette photographie du premier mandat constitue un éclairage précieux de l’arrière-plan. Voici la carte et son commentaire.
DONALD TRUMP a été réélu président des Etats-Unis le 5 novembre 2024, pour une prise de fonction le 20 janvier 2025. Que l’on s’en réjouisse ou que l’on s’en inquiète, le retour de l’ancien président (2017-2021) des Etats-Unis marque le début d’un nouvel acte d’une diplomatie clivante qui a divisé, choqué voire fasciné. Lors de son premier mandat, le réseau social Twitter – devenu X depuis son rachat par Elon Musk – est devenu pour lui une véritable arène de politique étrangère : Trump y a publié près de 11 000 tweets en quatre ans, dont un peu plus de 2 000 consacrés à des pays étrangers, introduisant ainsi une "diplomatie" en temps réel, impulsive et centrée sur ses priorités personnelles et sa perception des intérêts américains. Cette cartographie en anamorphose, qui amplifie ou réduit la taille des pays en fonction de leur fréquence d’apparition dans les tweets de Trump, reflète les grands axes de sa politique étrangère à la présidence des États-Unis entre janvier 2017 et janvier 2021.
L’obsession de Trump pour la sécurité des États-Unis s’est traduite par une focalisation quasi constante sur certains pays perçus comme des menaces pour la sécurité intérieure, directement ou indirectement. Sans surprise, la République populaire de Chine et la Russie, bien visibles, concentrent à elles seules un tiers de ses tweets internationaux. Ces deux puissances représentent, pour Donald Trump, des adversaires évidents : la Chine, avec qui il engage un bras de fer commercial, est également un rival technologique et, avec la COVID-19, un sujet de confrontation sanitaire. La Russie, de son côté, est évoquée tantôt comme une menace, tantôt de manière plus ambiguë, avec une retenue inhabituelle. Là où il fustige régulièrement la Chine, Trump semble plus hésitant à adopter une position hostile systématique envers Moscou [1].
Pour le Mexique, voisin immédiat qui arrive en troisième position, ce sont les questions d’immigration et de contrôle des frontières qui priment. La plupart des tweets sont centrés sur son projet de mur et sa politique migratoire.
La Corée du Nord et l’Iran sont également abordés presque exclusivement sous un angle sécuritaire. La Corée du Nord, par exemple, oscille dans ses tweets entre menace nucléaire et tentative de rapprochement, un équilibre complexe qui laisse transparaître une politique de provocation mêlée à des tentatives de réconciliation temporaire. Avec la République islamique d’Iran, l’approche est moins ambiguë : Trump critique ouvertement l’accord nucléaire, communique sur les sanctions drastiques mises en place, et place le pays au cœur de ses tweets les plus critiques.
Les mentions de l’Ukraine – cinquième pays le plus cité – relèvent encore une fois de préoccupations internes avec l’affaire Trump-Zelensky. Ce scandale, lié aux pressions que le président aurait exercées sur le président ukrainien pour obtenir des informations sur Hunter Biden, fils de son rival Joe Biden, et qui conduira à une procédure de destitution, illustre comment Trump mêle parfois intérêts personnels et dossiers diplomatiques, brouillant ainsi les frontières entre enjeux intérieurs et politique étrangère.
Seuls deux pays alliés des États-Unis échappent aux critiques du président américain : Israël et l’Arabie Saoudite. Aucun tweet « négatif » à leur égard n’a été recensé. Ces deux nations ont d’ailleurs été les premières destinations de visites officielles de Donald Trump. Son soutien inconditionnel à Israël, notamment marqué par la reconnaissance de Jérusalem comme capitale, en lieu et place de Tel-Aviv, s’inscrit dans une logique de rapprochement stratégique, en particulier contre l’Iran. Quant à l’Arabie Saoudite, elle bénéficie du soutien de Trump, même au cœur des controverses, en grande partie en raison de ses intérêts économiques et énergétiques.
Les alliés historiques européens ne sont pas traités avec le même enthousiasme. Dans les tweets de Donald Trump, l’Amérique ne doit plus supporter les charges de la défense mondiale sans davantage de contreparties. Cette philosophie de partage des coûts transparaît dans ses nombreux tweets, où il critique régulièrement ses partenaires européens pour leur « manque de contribution » et leur « faible effort » en matière de défense. L’Allemagne fédérale, en particulier, est pointée du doigt pour ses dépenses de défense jugées insuffisantes et son surplus commercial avec les États-Unis. Cette approche transactionnelle introduit un nouveau paradigme, dans lequel chaque alliance est réévaluée et conditionnée par des intérêts financiers et sécuritaires.
Enfin, l’Afrique – peuplée de plus d’un milliard d’habitants - a presque totalement disparu de la carte. À l’exception de quelques mentions ponctuelles concernant la lutte contre le terrorisme et la sécurité régionale, l’Afrique a été largement négligée tant dans la communication politique que dans la politique étrangère du président américain. Il faut néanmoins noter que certaines relations spécifiques, comme celles avec l’Afrique du Sud ou les engagements contre l’extrémisme islamiste au Sahel, ont été traitées de manière sporadique, mais sans réelle stratégie de long terme.
Cette « twiplomatie » s’est brusquement achevée en janvier 2021, lorsque Twitter a banni l’ancien président à la suite de l’assaut du Capitole, invoquant un risque d’incitation à la violence. Ce bannissement l’a alors privé de son principal vecteur de communication mondiale.
Elon Musk, arrivé depuis à la tête de Twitter, rebaptisé X, a réhabilité l’ancien président. Il a par même joué un rôle majeur dans sa réélection en 2024, notamment via X, où il a publié pas moins de 3 000 messages en faveur de Donald Trump au cours du mois précédant l’élection de novembre 2024. À quelques jours des résultats, la sociologue Jen Schradie avertit dans une tribune du Monde [2] : « Quelle qu’en soit l’issue, entre les mains de Musk, X n’est plus seulement un réseau social, mais une arme. »
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Titre du document : Carte. Le monde selon Trump Cette carte en anamorphose reflète les grands axes de la politique étrangère de Donald Trump à la présidence des États-Unis entre janvier 2017 et janvier 2021. Conception et réalisation : Adèle Forveille Document ajouté le 17 novembre 2024 Document JPEG ; 330971 ko Taille : 1200 x 848 px Visualiser le document |
Depuis 2021, le monde – et D. Trump – ont changé, mais cette cartographie du premier mandat constitue un éclairage précieux de l’arrière-plan. Cette carte en anamorphose reflète les grands axes de sa politique étrangère à la présidence des États-Unis entre janvier 2017 et janvier 2021. Carte accompagné d’un commentaire.
[1] NDLR : Voir Régis Genté, « Notre homme à Washington. Trump dans la main des Russes », éd. Grasset, 2024.
[2] Jen Schradie, « Entre les mains d’Elon Musk, X n’est plus seulement un réseau social, mais une arme », Le Monde, 4 novembre 2024, https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/04/entre-les-mains-d-elon-musk-x-n-est-plus-seulement-un-reseau-social-mais-une-arme_6374713_3232.html
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