Thierry de Montbrial est le fondateur et président de l’Institut français des relations internationales (IFRI) et membre de l’Académie des sciences morales et politique. Durant cette conférence, modérée par Isabelle Lasserre, rédactrice en chef adjointe au service étranger du « Figaro », et publiée par l’IFRI, il revient sur l’impact du coronavirus sur les évolutions du système international. Résumé par Antonin Dacos pour Diploweb.com
Pour Thierry de Montbrial, le coronavirus devrait accentuer les directions déjà esquissées par le système international avant la crise. Il présente successivement le déclin américain face à l’essor chinois et le passage d’une mondialisation à l’autre.
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Résumé par Antonin Dacos pour Diploweb.com
Selon Thierry de Montbrial le coronavirus devrait accentuer les directions déjà esquissées par le système international avant la crise. Il convient donc d’étudier ces grandes tendances avant l’apparition de la pandémie (2019-2020). On peut notamment identifier l’émergence de plus en plus marquée de la puissance chinoise.
La compétition entre la République populaire de Chine et les États-Unis est avant tout scientifique et technologique. Au second XIXe siècle, le Japon répond à l’influence de plus en plus grande en Asie de l’Occident en menant à bien une modernisation économique et scientifique du pays, notamment par son industrialisation. Les autorités japonaises décident de collaborer avec l’Occident pour ensuite l’égaler, voire le dépasser. C’est l’ère Meiji. Cette politique est couronnée de succès avec la victoire nippone durant la guerre russo-japonaise entre 1904 et 1905. Mais le parti des réformateurs chinois ne parvient pas à amener la Chine sur la même voie. Celle-ci sera donc soumise à l’influence étrangère et subit des défaites importantes contre le Japon à l’aube de la Seconde Guerre mondiale.
Pour Thierry de Montbrial, la victoire en 1979 des réformateurs chinois au sein du Parti Communiste chinois amène une « ère Meiji chinoise ». Durant les 20 premières années de cette période, la Chine concentre son activité économique sur le secteur secondaire en produisant des biens à bas coût dans le cadre de la mondialisation. Cette organisation de l’économie internationale lui permet de développer son industrie et de bénéficier de transferts de technologie. A partir de 2001 et de l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), on peut constater une exacerbation des tensions entre l’Occident, notamment les États-Unis, et la Chine.
Cette dernière a rattrapé son retard d’une façon impressionnante. Son objectif est affiché : devenir la première puissance mondiale à l’horizon 2049. Pour accomplir cet objectif, la Chine a encore besoin de temps, notamment pour poursuivre des réformes internes. Elle est pourtant de plus en plus ciblée par les autres puissances, notamment par les États-Unis où Donald Trump (2017-) la désigne régulièrement comme adversaire.
Ceux-ci sont de plus en plus affaiblis. Les États-Unis traversent une crise d’identité sans précédent qui s’ajoute à des difficultés structurelles importantes. Samuel Huttington, pointe dans « Who are we ? » (éd. Simon & Schuster, 2005) cette crise de vocation. Non seulement la puissance américaine est diminuée, mais ses objectifs sont incertains. L’incohérence entre les politiques étrangères de Barack Obama et de Donald Trump illustre ces hésitations. L’administration américaine se trouve donc handicapée dans sa confrontation avec la Chine.
Thierry de Montbrial évoque les deux mondialisations. La première est réalisée par une expansion « par le fer et par le sang » via la colonisation. Les marchés des pays sont ouverts par la force et la « diplomatie de la canonnière ». La seconde mondialisation, que nous vivons actuellement est libérale et s’appuie sur une ouverture des marchés décidée par les pays acteurs de ce phénomène. L’entrée de la Chine à l’OMC en 2001 est à cet égard significative.
Dans ce contexte de dérégulation, chacun peut se demander si le système international saura mettre en place de nouvelles règles du jeu. Après la décolonisation, la puissance américaine a joué un rôle de stabilisation et d’organisation du bloc de l’ouest. Après la chute du Mur (1989), leur influence s’est appliquée à la quasi-totalité des pays du monde. Leur recul, accéléré par le COVID-19, pose la question du leadership mondial et des conditions de la confrontation entre les deux grandes puissances mondiales. Le piège de Thucydide est un mécanisme historique étudié par le chercheur Graham T. Allison comme une situation où une puissance dominante entre en guerre contre une puissance émergente, de peur que celle-ci ne prenne sa place. Pour Thierry de Montbrial, le risque d’une telle situation aujourd’hui est peu probable. Mais, la désorganisation économique du système international qui mènerait à une exacerbation des confrontations est largement possible, surtout dans un contexte de confrontation commerciale et technologique sino-américaine.
Dans cette situation de tensions fortes entre grandes puissances, la question se pose du positionnement de l’Union européenne. Est-elle capable de se renforcer suffisamment pour jouer un rôle sans être un simple pion de la compétition entre la Chine et les États-Unis ?
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