Le grand renversement des rapports géostratégiques

Les intérêts des Etats-Unis, l’OTAN et la Méditerranée depuis 1949

Par Jean-François COUSTILLIERE, le 23 janvier 2022  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Contre-amiral (2S). Jean-François Coustillière est consultant pour les relations internationales en Méditerranée. Admis à l’Ecole navale en 1969, il effectue 36 ans de services et commande trois fois : un dragueur côtier, un aviso et une frégate lance missiles. En 2005, il quitte la Marine nationale. Il crée alors le cabinet JFC Conseil, et conduit des actions de conseil et d’enseignement jusqu’en 2012. Il préside, de plus, l’association Euromed-IHEDN, qu’il a créée, destinée à contribuer à la réflexion sur les questions euro-méditerranéennes.

Voici une passionnante mise en perspective des évolutions stratégiques depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Un transfert de connaissances particulièrement précieux pour ceux qui n’ont pas vécu les années de la Guerre froide et désirent mieux saisir les nouveaux paramètres mondiaux et européens. Pédagogue, clair mais volontiers incisif sur les deux dernières décennies, Jean-François Coustillière donne à réfléchir et débattre.

LE MONDE connaît, depuis quelques années, une bascule des centres d’intérêts et de préoccupations américains qui se heurtent aux ambitions chinoises. Ce nouveau rapport de forces bouscule les équilibres existants entre les alliés traditionnels des Etats-Unis, entre les puissances moyennes autres mais aussi entre les pays seconds qui sont l’objet de mesures de séduction des super-puissances à la recherche de nouveaux soutiens. Bien évidemment les espaces géopolitiques, telle la Méditerranée sont également affectés.

Le présent article vise à rappeler les paramètres ayant présidé aux rapports de force au lendemain de la Seconde guerre mondiale, puis ceux s’étant imposés au lendemain de l’effondrement du Pacte de Varsovie et enfin ceux qui paraissent s’imposer pour les années à venir.

Les intérêts des Etats-Unis, l'OTAN et la Méditerranée depuis 1949
Jean-François Coustillière
Contre-amiral (2S), consultant pour les relations internationales en Méditerranée
Coustillière

Les lendemains de la Seconde guerre mondiale

En 1949, les Etats-Unis sont face à une situation où les pays européens sont totalement délabrés et donc fragiles. Ils veulent à la fois favoriser l’émergence d’un espace prospère qui puisse constituer un partenaire dans le cadre du développement de leur économie mais souhaite également tuer dans l’œuf tout risque d’un renouveau de ces querelles entre Européens qui ont déjà été à l’origine de deux guerres mondiales.

Dans ce contexte l’URSS, qui a déjà absorbé la moitié orientale de l’Europe, constitue une menace à travers ses ambitions impériales. Les partis communistes sont autant d’outils de propagande à son service. Les populations respectives de 148 millions aux Etats-Unis et de 186 millions en URSS donnent l’avantage aux seconds. L’état des capacités militaires font des nations européennes des cibles attrayantes pour l’URSS à la recherche d’une extension de sa zone d’influence.

Pour s’opposer à cette menace soviétique les Américains ont besoin d’alliés qui leur apporteront un soutien démographique et, à terme, une clientèle pour leur extraordinaire production économique dont leurs industries d’armement. Il est certain que le PIB des Etats-Unis (1 455 916 millions $) [1] ajouté au PIB des Européens (de l’Ouest) (>1 126 087 millions $) [2] constitue pour ces derniers un réel atout face au PIB de l’URSS (510 243 millions $) [3].

Le 4 avril 1949, la signature du Traité de l’Atlantique Nord, plus connu sous le nom de traité de Washington, pose officiellement les fondements d’une architecture de sécurité entre les deux rives de l’Atlantique, l’Organisation de l’Atlantique Nord (OTAN). Les Etats-Unis fixent alors les conditions à travers lesquelles les pays européens membres bénéficieront d’une garantie de sécurité en échange d’une fidélité aux valeurs et objectifs de l’Alliance. Les États-Unis n’entendaient fournir un soutien militaire à l’Europe occidentale qu’à la condition qu’elle soit unie.

Entre 1949 et l’effondrement de l’URSS en 1991, les Etats-Unis auront le souci de conserver la plus grande solidarité entre les membres de l’OTAN, en répondant à leurs sollicitations, en débattant sur les choix à retenir et en évitant que des sources de conflits ne surgissent. Ils ont aussi très largement pris le soin d’entretenir, quand ce n’était pas l’exagérer, l’importance de la menace que représentait l’URSS. Les blocs Est et Ouest se faisaient face dans une « Guerre froide » qui gelait les territoires sur lesquels ils exerçaient leur influence. Plus particulièrement, en Méditerranée, la Sixième Flotte des États-Unis et l’Eskadra soviétique prenaient soin de préserver jalousement leurs points d’appui tout autour du Bassin. Les deux blocs, s’ils ne s’affrontaient pas directement, le faisaient toutefois dans des conflits dits « de basse intensité » faisant intervenir des Etats, des partis ou des organisations inféodés (les meilleurs exemples sont sans doute, les guerres israélo-arabes et la guerre civile angolaise entre 1975 et 2002).

Dans cette période les Etats-Unis ont entretenu les meilleures relations possibles avec leurs alliés car la crédibilité de l’OTAN dépendait de l’adhésion de ses membres à l’Organisation.

Après la disparition de l’URSS

Une première phase marquée par un espoir de paix généralisée

L’année 1991 voit la disparition de l’empire soviétique et de l’URSS.

La nouvelle situation réduit le protagoniste du monde occidental à la seule Russie, pays de 148 millions d’habitants [4] et d’un PIB de 516 800 millions $ [5] face aux Etats-Unis, pays de 252 millions d’habitants [6] et d’un PIB de 5 963 000 millions $ [7], sans compter l’apport de l’Union européenne.

La chute du communisme soviétique marque la fin de l’époque où s’opposaient deux blocs et marque la victoire d’un système sur l’autre et donc l’avènement de la démocratie libérale. Les Etats-Unis ne considèrent plus la Russie comme une menace pertinente, tout au plus comme une nation dont il convient de contrôler les velléités expansionnistes.

Dans ces circonstances, les pays européens revendiquent le bénéfice des dividendes de la paix [8] pour réduire les budgets militaires. De son côté, « l’hyperpuissance » [9] américaine, imbue de sa victoire et inégalée dans la plupart des domaines, pense pouvoir exercer unilatéralement le rôle de gendarme du monde. Depuis la fin du second conflit mondial, elle s’est investie dans ce rôle et impose les fondamentaux de liberté et de démocratie sur lesquels elle a bâti sa réussite tout en réglant les équilibres mondiaux selon ses visions idéologiques et ses intérêts géostratégiques. Au Proche-Orient il est considéré que l’extension de la paix israélo-arabe est la condition préalable à tout changement dans la région – qu’il s’agisse de l’attitude vis-à-vis des Etats-Unis ou des réformes politiques internes – et la clef de sa stabilité.

Face à cette situation, dès la chute du Mur de Berlin (1989), s’est posée la question de l’avenir, si ce n’est de l’obsolescence de l’OTAN. Les Etats-Unis décidèrent son maintien, sous une forte poussée de certaines nations européennes (le Royaume Uni et l’Allemagne fédérale entre autres), moyennant toutefois une réforme de ses structures de commandement qui sera mise en place à partir de 1994, dans un but d’économie.

En 1991 le nouveau concept stratégique de l’OTAN prescrit que la sécurité des pays membres demeure l’objectif fondamental de l’OTAN (défense collective), mais l’Organisation doit aussi œuvrer en vue d’améliorer et de développer la sécurité dans l’ensemble de l’Europe grâce au partenariat et à la coopération avec les anciens adversaires. Ce concept prévoit aussi la réduction de l’usage des forces nucléaires au niveau minimum suffisant pour la sauvegarde de la paix et de la stabilité. Ainsi est initié en 1993 le Partenariat pour la Paix (en anglais PfP) qui permit d’ouvrir les activités de l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO) sans toutefois les intégrer à l’Alliance. Il s’agissait d’obtenir l’interopérabilité des forces armées de ces pays à la fois sur le plan de la standardisation des matériels, sur celui des procédures de communication et celui de l’appui logistique avec les forces de l’OTAN. L’intérêt économique —notamment de l’industrie d’armement— n’était pas étranger à cette démarche comme du reste l’avait été la mise sur pied d’un « Commandement de la Transformation », basé aux Etats-Unis, dans la nouvelle organisation de l’Alliance.

C’est à cette même époque, 1994, qu’est lancée l’initiative du Dialogue méditerranéen de l’OTAN dont le but est de mettre en place une coopération entre sept pays de la rive Sud de la Méditerranée et l’OTAN en vue d’assurer la sécurité et la stabilité dans la région méditerranéenne.

Dans le même temps les dirigeants européens décident de faire de la politique étrangère et de sécurité commune l’un des trois piliers du traité de Maastrich. En juin 1992 à Petersberg il est décidé que les unités militaires des États-membres de l’UEO [10], organisation européenne de défense et de coopération du moment, pourront être utilisées pour des missions humanitaires ou d’évacuation de ressortissants, des missions de maintien de la paix, des missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix. Cette disposition n’entre pas en contradiction avec celles convenues pour la défense commune dans le cadre de l’application de l’Article 5 du Traité de Washington.

L’Union européenne s’intéresse également à la Méditerranée. Les accords d’Oslo, signés en 1993 par Yasser Arafat, chef de l’OLP et Yitzhak Rabin ont ouvert les plus grands espoirs d’apaisement du conflit israélo-palestinien. Il semble envisageable de créer là aussi un espace de coopération et de partenariat. Le Processus de Barcelone nait en novembre 1995.

Ainsi, les années 1991 à 1995 voient se développer, tant du fait des Etats-Unis et de l’OTAN, que de l’Union européenne, un grand mouvement optimiste fondé sur l’idée que la paix est possible à la fois dans la région transatlantique et sur la Méditerranée. L’intérêt des Etats-Unis pour l’OTAN prend une autre orientation, les Européens semblent acquérir une certaine autonomie.

Une seconde phase marquée par la désillusion et le retour de la violence

L’enthousiasme est de courte durée. Les affrontements reprennent rapidement le dessus. Dès 1990, l’éclatement de l’ex-Yougoslavie engendre des conflits au sein de l’Europe. La guerre du Kosovo révèle au grand jour la domination trop forte, aux yeux des Européens, des Etats-Unis sur l’organisation militaire de l’OTAN. Pour autant, les Européens ont été incapables par eux-mêmes de traiter cette crise sur leur continent. Il a fallu l’intervention diplomatique des Etats-Unis en Bosnie pour négocier une paix. Sur le plan militaire, les Américains retirent de cette crise une perte de confiance envers l’OTAN en tant qu’institution militaire. De fait, celle-ci voit ses décisions d’engagements opérationnels, et notamment les frappes aériennes, régulièrement entravées par les contraintes dues à la recherche d’avals politiques préalables de chacun des alliés. L’OTAN a alors perdu beaucoup de sa justification.

La même année, 1990-1991, voit l’Irak envahir et annexer le Koweït. Il s’en suit la Première guerre du Golfe. Puis c’est l’Algérie qui bascule dans une guerre civile qu’on désignera ultérieurement par l’expression de « Décennie noire ». Mais c’est aussi la guerre en Tchétchénie.

La multiplication de ces conflits a montré que la disparition de la menace globale que représentait l’Union soviétique ne signifiait pas la fin de l’insécurité. Dans la perspective de ces nouveaux défis, et dans le cadre de « la conception élargie de la sécurité », formulée à Rome en novembre 1991, l’OTAN a cherché à redéfinir ses missions, afin de conserver un rôle majeur dans la gestion des crises à venir. Cela permettait aux forces de l’Alliance d’agir « hors zone » d’intérêt, c’est-à-dire l’Europe et ses approches immédiates, afin de conserver un rôle dans la gestion des crises à venir.

En 1995, le Premier ministre Itzhak Rabin, l’un des deux signataires des accords d’Oslo, est assassiné. Enfin, dès avril 1996, la situation au Proche-Orient s’envenime et Israël déclenche l’opération « Raisins de la colère » contre le Liban.

Entre mars 1999 et juin 1999, l’OTAN procède à des frappes aériennes sur la Serbie (Opération Force alliée) et contraint Milošević à se retirer du Kosovo.

Les attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis seront l’occasion du lancement par le président George W. Bush de la Guerre contre le terrorisme, ou « Global War on Terror », (GWOT). Dix ans après la chute du monde soviétique les Etats-Unis, fortement influencés par l’idéologie néoconservatrice, retrouvent un ennemi et dans un premier temps s’emploient à punir les Talibans et à détruire le sanctuaire d’Al-Qaïda en Afghanistan. Mais très rapidement il s’agit, profitant du moment de la puissance unipolaire, d’user des moyens que leur procure leur supériorité militaire, de forger un nouvel ordre mondial fondé sur les théories de l’idéologie précitée. Celle-ci prône pour lutter contre le terrorisme, la paix démocratique imposée par des changements de gouvernance, si nécessaire par la force, et la destruction des Etats détenant des armes de destruction massive. Le président G. W. Bush, dans son discours à la Nation en 2002, désigne dans ce but « L’axe du mal ». Cette démarche s’inscrit dans la conviction américaine que la paix peut s’établir, dans les pays ainsi conduits à la ruine, grâce à l’aide à se reconstruire de la plus grande démocratie du monde : le concept du « nation building » …

Dans ce contexte les Etats-Unis qui avaient déjà donné des signaux du transfert de leurs priorités du monde transatlantique et méditerranéen vers le Pacifique et l’Asie effectuent un retour fort vers le Proche et le Moyen-Orient. Cet intérêt est marqué par la guerre en Irak, les pressions sur l’Iran, les exigences vis-à-vis de la Syrie et de l’Autorité palestinienne.

Mais il importe aussi aux Américains, pour des questions de visibilité internationale, d’être accompagnés dans cette démarche par les Européens. Dans cette perspective, après avoir dans un premier temps après les attentats, tenu l’OTAN à distance de leurs réactions à cette attaque terroriste sur leur territoire et avoir refusé les propositions d’application de l’article 5 des alliés, révisent leur attitude. Leur intérêt pour l’OTAN est clairement relancé, au moins sur le plan politique. Dès le 4 octobre 2001 et à la demande des Etats-Unis, les alliés acceptent de prendre des mesures en appui de la coalition antiterroriste. L’apport de l’OTAN est valorisé plus particulièrement lors du sommet de Prague en novembre 2002 où le rôle assumé des alliés membres de l’OTAN au sein de la Force internationale d’assistance pour la sécurité (ISAF) en Afghanistan et celui que l’OTAN continue de remplir dans les Balkans sont soulignés. La contribution de l’OTAN à la sécurité et à la stabilité dans l’ensemble de la zone euro-atlantique est mise en exergue. Il est également affiché que ces mêmes membres s’engagent à aider et soutenir les Nations-unies dans leurs efforts visant à faire que l’Irak respecte intégralement et immédiatement les dispositions adoptées. Enfin, est affiché la volonté de renforcer les capacités et de réorganiser l’OTAN.

Cette volonté de renforcement a pu apparaître comme une reprise en main de l’OTAN par les Etats-Unis, très favorablement accueillie par ses membres et focalisée sur le nouvel ennemi. Le rôle de l’Alliance reste néanmoins marginal et en aucun cas au centre des stratégies des Etats-Unis. L’atlantisme n’est plus un axe majeur des préoccupations américaines.

Il est possible d’illustrer ce choix par l’emploi par Donald Rumsfeld [11], en janvier 2003, de l’expression de « vieille Europe », qualifiant les pays européens (Allemagne, France) ayant l’outrecuidance de ne pas soutenir la guerre en Irak. Ce propos montrait le mépris américain pour ces pays réputés alliés et l’absence de considération pour des partenaires qui étaient déjà jugés inutiles dans leurs nouveaux projets plus à l’Est...

L’utilisation « à la carte » de l’OTAN pour des situations particulières qui n’engagent pas directement la sécurité des Etats-Unis n’enlève rien à leur volonté d’user préférentiellement de « coalitions of the willing » (coalition d’opportunité), ce qui signifiait qu’elles étaient plus dociles et totalement alignées sur la stratégie américaine. Marqués par les difficultés éprouvées au Kosovo et par l’attitude de la France en 2003, convaincus qu’ils n’ont pas besoin de l’apport militaire des alliés, ils ont choisi d’agir en coopération avec des coalitions de pays volontaires et non plus de l’Alliance atlantique. Les suites de la guerre d’Irak le démontrent aisément ainsi que la création de l’Aukus [12] en 2021 pour répondre aux besoins stratégiques américains en Asie-Pacifique.

Depuis l’émergence de la Chine

Le contexte

A l’automne 2013, le gouvernement chinois lance son grand projet les « Nouvelles routes de la soie ». Il s’agit de l’une des priorités de la diplomatie chinoise voulue par le président Xi Jinping qui recouvre un projet gigantesque de constructions d’infrastructures portuaires, ferroviaires, terrestres dans le Bassin méditerranéen, visant à satisfaire l’approvisionnement en matières premières du pays mais aussi de placer le pays sur le devant de la scène internationale en proposant une véritable restructuration des relations et des gouvernances internationales tout autant que des nouvelles règles internationales, des standards techniques, des normes qui se substitueraient aux solutions jusque-là imposés par les occidentaux . D’ores et déjà, moins de dix ans plus tard la réalisation projetée est largement entamée en Asie, en Afrique, en Europe…

Cette émergence de la Chine sur la scène internationale soulève de nombreuses questions sur la planète. Les différentes nations ne portent pas les mêmes analyses sur cette évolution, mais les Etats-Unis désignent rapidement ce pays comme l’ennemi.

Après la guerre froide, suivie de 20 ans de lutte contre le terrorisme islamiste, les Etats-Unis se tournent à présent vers le Pacifique. La rivalité économique mais surtout militaire avec la Chine devient l’axe principal de leur politique extérieure. Les enjeux de l’Europe, de la Méditerranée, du Proche et du Moyen-Orient (hors Israël) et de l’OTAN ne sont plus concourants. Parmi les alliés les appréciations divergent, seule la Grande-Bretagne à la poursuite de son illusion de « puissance globale » et dans le droit fil de la « special relationship » est prête à rejoindre tous les partenariats que les Etats-Unis lui concéderont quoiqu’il leur en coûte comme cela a déjà été le cas lors de la guerre d’Irak.

Le monde d’aujourd’hui est particulièrement dangereux et nécessite sans aucun doute des adaptations stratégiques pour répondre aux nouveaux risques et nouvelles menaces. Il est certain que l’OTAN constitue une structure dont l’utilité reste à redéfinir, surtout depuis le fiasco afghan. Manifestement les Etats-Unis n’y accordent plus l’intérêt d’autrefois sauf à en faire une composante de sa politique internationale à ses ordres. Les Européens, ayant en grande partie désarmé, n’y voient que la garantie américaine de leur sécurité à moindre coût pour eux. Reste que l’Alliance hors de l’article 5 [13] reste évasive sur ses missions, sa stratégie, ses capacités réelles.

De plus, la fiabilité américaine depuis plusieurs années soulève des interrogations. On peut relever que la « brutalité » du partenaire américain « s’est manifestée une première fois, dans la période récente, quand, à la dernière minute, les Etats-Unis ont fait faux bond lorsqu’il s’agissait de participer à des frappes contre les armes chimiques syriennes en 2013. Cela s’est manifesté de façon éclatante, au cours des derniers mois, avec le désengagement unilatéral d’Afghanistan. Cela s’est manifesté à nouveau » [14] avec l’affaire des sous-marins australiens en septembre 2021.

La Turquie, membre de l’alliance, multiplie les provocations à l’égard d’un autre membre, la Grèce, achète des missiles russes S400, soutient l’Azerbaïdjan dans son attaque au Haut Karabakh ignorant la mission du groupe de Minsk [15] dont les 3 vice-présidents sont russe, américain et français etc.. Face à ce comportement au sein de l’OTAN, Les Etats-Unis affectent une absence apparente de réaction qui ne laisse pas d’interroger. Washington semble vouloir ménager la Turquie envers et contre tout, y compris les autres membres de l’Alliance. La survie de l’OTAN apparaît alors comme une préoccupation tout à fait secondaire par rapport aux intérêts proprement américains, sans doute la capacité à défendre Israël et la tenue à distance de la Russie.

Bien sûr les Etats-Unis restent un allié important, indispensable et naturel, mais la qualité d’une alliance repose sur le respect et la confiance des alliés entre eux, à défaut ce n’est plus une alliance mais une coalition comme une autre.

L’émergence de la Chine engendre sans doute un bouleversement des relations internationales. Ce bouleversement modifie probablement les priorités des uns et des autres. Si une alliance perd alors de sa raison d’être il convient de redéfinir sa mission pour que les différents partenaires s’y retrouvent. C’est pourquoi le président Emmanuel Macron avait parlé de « mort cérébrale » [16]

La position de la France face aux questions de sécurité

La France est membre de l’Alliance depuis le 4 avril 1949. Le 7 mars 1966 le général Charles de Gaulle Président de la République française décide du retrait français du commandement militaire intégré de l’Alliance atlantique. [17] Il ne s’agissait pas d’une remise en cause du Traité. Il n’était pas question de ne pas remplir les engagements pris et « la France restait prête à combattre aux côtés de ses alliés au cas où l’un d’entre eux serait l’objet d’une agression qui n’aurait pas été provoquée » mais d’une volonté d’indépendance à l’égard des Etats-Unis. Le général de Gaulle voulait se ménager une marge d’autonomie en cas d’intervention militaire de l’OTAN et se dégager de la politique jugée excessivement atlantiste qui avait été l’œuvre de la IVème République française. Mais c’est surtout parce que durant 8 ans le général de Gaulle s’était efforcé, sans succès, d’obtenir une modification du fonctionnement de l’Alliance atlantique et de l’OTAN dans le sens d’une meilleure écoute des alliés qu’il s’était résolu à cette décision. Déjà !

La France connut alors 43 ans d’« exception française ». Cette position était commode et ne présentait pas d’inconvénient comme le rappelle M. Hubert Védrine [18] en mars 2009. En revanche, elle avait de nombreux avantages apportant tout l’intérêt d’une coopération étroite et de l’interopérabilité et offrant, à la fois à l’égard des Etats-Unis mais aussi des autres nations, une posture distanciée très profitable.

La réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord est annoncée par le président de la République française Nicolas Sarkozy devant le Congrès à Washington, le 7 novembre 2007. Cette décision assez difficilement compréhensible, compte tenu des errements de l’OTAN déjà perceptibles à l’époque, mais aussi parce qu’elle apparaissait comme un alignement sur la politique américaine, se révèle clairement particulièrement inadaptée aujourd’hui.

Sensible à la nécessaire autonomisation de l’Union européenne, face à l’évolution des circonstances, la France prône avec force le développement de la politique européenne de sécurité à travers ses différentes étapes pour atteindre en 2007, lors du Traité de Lisbonne, le niveau de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

La PSDC « assure à l’Union une capacité opérationnelle s’appuyant sur des moyens militaires, et civils. L’Union peut y avoir recours dans des missions en dehors de l’Union afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations-unies. L’exécution de ces tâches repose sur les capacités fournies par les États membres ». [19] Ces dispositions n’entrent pas en concurrence avec celles de l’Alliance de l’Atlantique nord « qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. » [20]

Mais les États européens continuent d’être très dépendants de l’OTAN où les Etats-Unis dominent les décisions. L’Europe n’a pas réellement investi depuis la guerre dans sa politique de défense. Il s’en suit que les membres de l’Union européenne qui trouvent dans l’OTAN un paresseux et commode substitut à une plus grande prise en compte de leur sécurité commune et individuelle, éprouvent de fortes réticences à s’investir dans une défense européenne et donc dans la PSDC.

Néanmoins la situation internationale change. « D’abord parce que les Américains considèrent que l’Europe n’est plus une priorité pour eux. La Russie est un épouvantail bien commode, mais elle n’a pas les moyens, qu’elle avait au temps de l’URSS, de recréer un conflit mondial en occupant l’Europe ». [21] Mais aussi car la Chine est désigné par les Etats-Unis comme la menace principale [22] contre laquelle ils s’emploient à construire des coalitions qui ne répondent pas forcément aux intérêts des Européens.

Dans un tel contexte, l’Union européenne et spécifiquement sa PSDC peut apparaître de plus en plus comme l’instrument le plus pertinent pour assurer la sécurité des Européens

Quel avenir ?

Les rapports de force évoluent, les menaces changent, les alliances s’effritent, les intérêts communs se délitent … tout ceci est évident.
Certains jouant la politique de l’autruche cachent leur tête dans le sable s’accrochant à des modèles périmés et refusant de s’interroger sur les priorités adoptées par nos alliés. Ils choisissent de défendre le statu quo tout en refusant d’apporter le moindre effort sur leurs capacités à assurer leur propre défense.

D’autres dénonçant le fait que « l’OTAN est sortie délibérément de sa sphère revendiquée de compétence en intervenant de plus en plus loin de l’Atlantique Nord pour la seule préservation des intérêts américains / la dérive de l’OTAN qui, de défensive, est devenue agressive, et de protectrice, insidieusement envahissante. » [23] affirment que « La seule réponse à donner aux Etats-Unis et à leur président au sujet de leur coup félon quant au marché des sous-marins australiens, c’est de nous retirer de l’OTAN » [24].

Ces deux attitudes paraissent inadaptées et même dangereuses. La première car relevant de l’aveuglement peut conduire à une situation de très grande vulnérabilité et d’allégeance. La seconde car elle conduirait sans aucun doute à une rupture avec les autres membres de l’OTAN et donc de l’UE. De plus, on ne peut pas exclure que les Etats-Unis, par mesure de rétorsion, appliquent des sanctions contre la France dont les conséquences pourraient être désastreuses notamment pour nos capacités opérationnelles et donc pour notre politique extérieure et donc nos intérêts à l’international. Washington a déjà montré sa capacité à la brutalité dans ses relations avec ses alliés face à la Syrie ou en Afghanistan, voire dans l’Indo-Pacifique. Cela avait aussi été le cas des mesures de rétorsion prises par les Etats-Unis en 2003 lorsque le président Jacques Chirac, par la voix du ministre Dominique de Villepin à l’ONU, s’est exprimé contre la guerre en Irak. Elles avaient été précédées de la fameuse et peu convenable expression entre alliés, « il faut punir la France … » [25], menace proférée par la conseillère du président George W. Bush.

Mais c’est vrai, dans d’autres domaines aussi, où des amendes colossales sont infligées à des entreprises européennes, donc alliées, telles Alstom, Crédit agricole, Total, HSBC, Commerzbank, Deutsche Bank, BNP ou encore Volkswagen pour d’obscures raisons, faisant référence au non-respect d’embargos ou à la lutte contre la corruption internationale, en application du « Patriot act » et de l’extraterritorialité de la loi américaine. La soumission des pays européens est donc déjà bien engagée…

Revenir à la situation qui prévalait avant la décision de 2007 visant à réintégrer l’organisation militaire de l’OTAN ne semble pas raisonnable tant ces allers-retours flétriraient l’image de notre pays dont la versatilité serait dénoncée.

Vis-à-vis de l’OTAN il paraît souhaitable d’agir au sein de l’Alliance pour centrer son activité au profit de ce qui est sa raison d’être initiale : « La défense collective. Les membres de l’Alliance se prêteront toujours assistance mutuelle contre une attaque, conformément à l’article 5 du Traité de Washington » [26]. Les accords Berlin + devront être confortés. En revanche, il convient de s’opposer à toute volonté de transformer l’Alliance en une organisation politique à vocation globale, traitant des questions de sécurité au sens large, sans champ géographique circonscrit. Les exemples de la Libye [27] ou de l’Afghanistan sont autant de cas illustrant le danger qu’il y a à vouloir faire agir l’OTAN en dehors de sa raison d’être initiale... Le cas échéant, les forces françaises ne devront pas apporter leur soutien à des opérations engagées dans de telles conditions.
En dehors de ce domaine la position américaine qui conduit à favoriser des coalitions ad hoc [28] qui privilégient la géopolitique, les capacités militaires et les acteurs volontaires est bien évidemment judicieuse. Elle est clairement plus efficace à la mise en œuvre d’alliances rigides, soumises à des négociations politiques procédurales et pointilleuses, ainsi que l’a nettement affirmé le sénateur John F. Kerry en 2004 [29]. L’Aukus illustre parfaitement le bien-fondé de ce choix. Pour autant il conviendrait alors de partager les projets en fonction des intérêts respectifs, des initiatives antérieures et d’éviter de nourrir des compétitions destructrices préjudiciables à la confiance (telles celle de la France [30]ou celle de l’Union européenne [31]). Certains dirigeants politiques semblent l’avoir compris, tels Bruno Le Maire [32], ministre français de l’Economie, qui préconise « d’échanger le plus possible avec nos partenaires américains, de regarder sujet par sujet quelle est l’approche que nous retenons » ce qui peut laisser espérer de nouvelles voies bénéfiques. En revanche, l’annonce de la coalition de l’Aukus, en l’espèce, a été l’illustration de ce qu’il convient d’éviter.

La France peut également s’inspirer de cette démarche dans ses propres relations géostratégiques et, comme avec l’Inde [33] mais surtout avec la Grèce [34], privilégier, face à des menaces identifiées, des coalitions ad hoc auxquelles elle proposerait, à d’autres membres de l’Union européenne conformément aux dispositions du Traité de Lisbonne [35], de s’associer.

Copyright Janvier 2022- Coustillière/Diploweb.com


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[1Ref. : Wikipédia – pour l’ année 1949

[2idem

[3idem

[4ref : Géoconfluences, ENS Lyon.

[5ref : wikipedia (1990)

[6ref site economycountry.com

[7ref : wikipedia (1990)

[8Expression utilisée le 10 juin 1991 par Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale française.

[9Expression popularisée en 1998 par Hubert Védrine ministre des Affaires étrangères au sujet des États-Unis de la fin du XXe siècle.

[10L’Union de l’Europe occidentale (UEO), fondée en 1948 comprenait des Etats d’Europe occidentale qui furent aussi membres de l’OTAN, ainsi que de la Communauté économique européenne puis de l’UE. NDLR : L’UEO a été dissoute en 2011.

[11Donald Rumsfeld – secrétaire d’Etat des Etats-Unis en 2003.

[12AUKUS (Australia, United Kingdom et United States), alliance militaire (15 septembre 2021) visant à contrer l’expansionnisme chinois dans l’Indo-Pacifique.

[13L’article 5 de la charte de l’OTAN précise : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que » en tel cas « chacune d’elles [...] assistera la partie ou les parties ainsi attaquées [...] y compris [par] l’emploi de la force armée » - Wikipedia).

[14Le Monde – 24 septembre 2021 – Florence Parly, ministre des Armées

[15Le groupe de Minsk, co-présidé par les Etats-Unis, la France et la Russie est chargé par l’OSCE (Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe) de régler le conflit du Haut-Karabakh, qui a éclaté avec la dislocation de l’Union soviétique au début des années 1990

[16Le Figaro - 7 novembre 2019 - « Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’OTAN » - Emmanuel Macron, Président de la République française

[177 mars 1966 – Lettre à Lyndon B. Johnson, Président des Etats-Unis : « La France se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entravé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements intégrés et de ne plus mettre de forces à la disposition de l’OTAN."

[18Compte rendu de l’audition de M. Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, du 3 mars 2009, devant la Commission de la Défense nationale et des armées du Sénat : « Ma conclusion était alors déjà, comme aujourd’hui, que la position occupée par la France vis-à-vis de l’OTAN était commode de tous points de vue et ne présentait pas d’inconvénients, de telle sorte qu’il n’y avait guère d’intérêt à en changer »

[19Traité de Lisbonne – extrait de l’ article 42

[20idem

[21Ouest France -6 octobre 2021 - Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman

[22Journal de Montréal 24 février 2021 - candidat de Joe Biden au poste de directeur de la CIA – William Burn, « La Chine représente la plus grande menace pour les États-Unis »

[23CF2R/Tribune libre-sept. 2021 – Préfet Yves Bonnet, Préfet honoraire, ancien directeur de la DST, ancien député, conseiller régional de Normandie, membre du Conseil stratégique du CF2R

[24idem

[25Déclaration en mars 2003 de Condolezza Rice, conseillère du président George Bush pour la sécurité nationale « Il faut ignorer l’Allemagne, pardonner à la Russie et punir la France. »

[26Dossiers de l’OTAN – juin 2021 – Les concepts stratégiques

[27NDLR : De mémoire, dans le cas de la Lybie la France de N. Sarkozy a engagé l’intervention militaire initialement en dehors du cadre de l’OTAN, avec le Royaume-Uni. L’intervention ouverte de l’OTAN est postérieure de quelques jours, notamment à la demande d’Etats membres de l’UE… et de l’OTAN. Ces derniers ont pu donner l’impression de vouloir ainsi se prémunir contre une initiative assez peu partagée.

[28Annuaire français des relations internationales vol 6 – « Les Etats-Unis et l’OTAN » - 2005 – Guillaume Parmentier « Pour l’essentiel, c’est l’apport politique des alliés qui est pertinent du point de vue américain, mais celui-ci peut être obtenu de manière moins contraignante par l’organisation de coalitions ad hoc que par le canal d’alliances permanentes ».

[29Third Presidential Debate, Arizona State University, Temple, Ariz - 13 oct. 2004 - John F. Kerry : « I will never turn the security of the United States over to any nation. No nation will ever have a veto on us. » - cité par Guillaume Parmentier dans « Les Etats-Unis et l’OTAN »

[30Site gouvernement français – Mineae – juillet 2021 – La stratégie de la France dans l’Indopacifique : « La France œuvre en faveur d’un ordre international multilatéral et fondé sur le droit. Elle partage cet objectif avec ses principaux partenaires en Indopacifique, dont l’Inde, l’Australie, le Japon et l’ASEAN ».

[31COMMUNICATION CONJOINTE AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL - LA STRATÉGIE DE L’UE POUR LA COOPÉRATION DANS LA RÉGION INDO-PACIFIQUE – Join (2021) 24 final – 16 septembre 2021

[32AFP - interview avec l’AFP à Washington le 14 octobre 2021 M. Le Maire : "Je pense que la seule bonne solution, c’est d’échanger le plus possible avec nos partenaires américains, de regarder sujet par sujet quelle est l’approche que nous retenons, et de continuer à coopérer, à échanger sur ce sujet stratégique pour le 21e siècle : la montée en puissance de la Chine"

[33Site gouvernement français – Mineae – juillet 2021 - idem

[34Tweet Président Emmanuel Macron du 28 septembre 2021 : « Avec la Grèce, nous actons aujourd’hui un partenariat stratégique de coopération en matière de défense et de sécurité. »

[35Traité de Lisbonne – titre IV – article 20 : « Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre des compétences non exclusives de l’Union peuvent recourir aux institutions de celle-ci… »


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