Pourquoi la désinformation est-elle devenue un sujet majeur ? Qui sont nos adversaires en la matière ? Est-il possible de casser l’essor de la désinformation ? Oui, répond Samuel Henry. Il explique comment. Un propos clair et mobilisateur à toutes les échelles, à commencer par le citoyen. Pour éviter d’être un "idiot utile".
Podcast, vidéo et synthèse rédigée, validée par S. Henry.
Cette émission [1], Planisphère, Comment casser l’essor de la désinformation ? S. Henry, sur RCF - RND
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Synthèse de cette émission, Planisphère, Comment casser l’essor de la désinformation ? S. Henry. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com. Relue et validée par S. Henry
LA désinformation, longtemps perçue comme un phénomène marginal ou anecdotique, s’impose désormais comme une menace majeure pour nos sociétés démocratiques. Samuel Henry, officier de l’armée de Terre et spécialiste des mécaniques cognitives dans les conflits informationnels, alerte sur l’ampleur, les méthodes et les conséquences de cette guerre silencieuse. S’exprimant en son nom propre dans l’émission Planisphère, il décrypte les enjeux de la désinformation, identifie ses instigateurs et propose des pistes pour endiguer sa progression.
Le terme fake news a été popularisé, voire instrumentalisé, notamment par Donald Trump durant sa première campagne présidentielle, où il accusait systématiquement ses opposants de diffuser de fausses informations, tout en transformant souvent lui-même la réalité. Face à cet usage devenu polémique, le concept de désinformation a pris le relais. Il s’agit d’une réécriture volontaire des faits dans le but d’influencer les perceptions collectives, en jouant sur les émotions plutôt que sur la raison. Dans l’ère dite de la post-vérité, les croyances personnelles prennent le pas sur les faits objectifs. Cette tendance remet profondément en cause la confiance dans les sources d’information et affaiblit le débat public.
La transformation du paysage informationnel, notamment par l’essor des réseaux sociaux et des smartphones, a profondément modifié la façon dont l’information circule. Il n’est plus nécessaire de larguer des tracts ou de s’introduire dans des chaînes de télévision : une rumeur bien conçue peut désormais atteindre des millions de personnes en quelques heures. Pour Samuel Henry, nous vivons dans une époque que certains qualifient de « rêve du propagandiste » : une époque où la cible diffuse elle-même le message sans en avoir conscience, renforçant l’efficacité des opérations de manipulation. La guerre cognitive se déroule désormais dans nos esprits, avec des armes informationnelles à très grande échelle.
Les démocraties occidentales, notamment la France, ont pris du retard dans la réponse à cette menace. Cependant, des progrès ont été réalisés, comme la création de VIGINUM, un service rattaché au Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN), qui détecte les campagnes de désinformation. Samuel Henry appelle à une organisation centralisée et intégrée, capable de fédérer les compétences et les moyens pour contrer efficacement les campagnes hostiles. Il met en garde contre une société où l’humain devient un simple vecteur de données, ce qu’il appelle le « cauchemar de Saint-Exupéry » et appelle à replacer l’individu au centre des priorités numériques.
Les adversaires sont multiples et hiérarchisés. Il y a d’abord les créateurs de désinformation : individus, groupes militants, États, entreprises ou officines qui conçoivent des récits mensongers à des fins idéologiques, politiques ou économiques. Ensuite, viennent les diffuseurs – les plateformes numériques – qui, en favorisant les contenus viraux sans distinction de véracité, amplifient ces narratifs. Samuel Henry insiste sur le rôle historique de la Russie, héritière des techniques soviétiques de désinformation, qui visent à influencer les décisions adverses de manière indirecte. Il cite aussi TikTok, contrôlé par la Chine, comme exemple de dépendance informationnelle risquée pour la jeunesse occidentale.
Les plateformes sociales (Facebook, X, TikTok, YouTube) occupent une position dominante dans la diffusion des informations. Pourtant, elles échappent souvent à la régulation des médias traditionnels, en se présentant comme de simples hébergeurs techniques. En réalité, à travers leurs algorithmes, elles choisissent les contenus qui vont être vus, partagés, amplifiés, et jouent donc un rôle d’éditeur, sans en assumer les responsabilités. Samuel Henry évoque l’image du « maçon du mur », utilisée par Steven Brill (NewsGuard), pour dénoncer l’irresponsabilité des plateformes. Ces dernières préfèrent favoriser la viralité, qui est rentable, plutôt que la véracité, qui coûte cher.
La désinformation n’est pas seulement un phénomène virtuel ou théorique. Ses conséquences sont tangibles. L’assaut du Capitole en janvier 2021 en est une illustration brutale : des citoyens, convaincus par des théories complotistes infondées, sont passés à l’action violente. Samuel Henry rappelle que les croyances influencent les comportements, et que les effets peuvent aller jusqu’à déstabiliser les institutions démocratiques. Il décrit une échelle de viralité en six niveaux, allant d’un contenu isolé à sa reprise médiatique, jusqu’à une réponse politique ou une mobilisation violente. Cette progression démontre la nécessité d’intervenir en amont, avant que la désinformation ne se matérialise.
Bonus. Vidéo de l’émission Planisphère. Comment casser l’essor de la désinformation ? Samuel Henry
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La réponse des démocraties est contrainte par l’éthique : nous ne pouvons pas mentir pour répondre au mensonge. L’action passe donc par l’identification, la documentation, et la mise en lumière des manœuvres de désinformation. VIGINUM, avec ses rapports mensuels, fournit un travail pédagogique et structurant. Mais la solution ne peut être seulement institutionnelle. Chaque citoyen doit devenir un acteur éclairé, capable de prendre du recul, de vérifier les sources, et de se méfier des émotions fortes suscitées par certains contenus. L’éducation aux médias et à l’esprit critique doit devenir une priorité nationale.
Nous avons tous une responsabilité individuelle, mais aussi le pouvoir d’exiger une régulation collective. Samuel Henry propose un mécanisme de redistribution : taxer les plateformes irresponsables pour financer les médias de confiance, capables de vérifier les faits avant publication. Cela permettrait d’encourager la qualité plutôt que la viralité. Il souligne aussi le rôle protecteur de l’Union européenne avec le Digital Services Act, un cadre juridique visant à responsabiliser les plateformes en matière de contenus. Là où les États-Unis peinent à réguler (au nom de la liberté d’expression), l’UE peut jouer un rôle moteur dans la défense de l’espace informationnel.
Pour conclure, la désinformation ne peut être combattue que par une prise de conscience collective, une éducation renouvelée à l’information et une vigilance quotidienne. Elle touche tous les secteurs : santé publique, éducation, sécurité et affaiblit le socle démocratique. Pour Samuel Henry, chacun peut passer du statut de cible à celui de combattant, à condition de ralentir le geste réflexe du clic, de questionner ses émotions et d’exiger des garanties de fiabilité. L’enjeu est immense : préserver notre libre arbitre dans un monde saturé de récits fabriqués.
Pour suivre régulièrement ces problématiques, il est possible de consulter :
. Le compte Linkedin de Samuel Henry consacré à la compréhension de la désinformation
Copyright pour la synthèse Juin 2025-Bourgoin/Diploweb.com
Bonus vidéo. Comment les États mettent-ils en œuvre la guerre de l’information ? D. Colon
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Samuel Henry, officier de l’armée de Terre. S’exprime en son nom propre. Actuellement stagiaire à l’Ecole de Guerre (Paris). L’an passé, il a soutenu une thèse sur les biais cognitifs dans la planification militaire. Il explore depuis plusieurs années nos mécaniques cognitives et leurs effets dans la prise de décision et dans le domaine des manipulations de l’information.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024. Cette émission a été diffusée en direct le 3 juin 2025.
Synthèse par Émilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle a la charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.
[1] Cette émission a été enregistrée le 13 mai 2025.
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Auteur / Author :
, ,Date de publication / Date of publication : 5 juin 2025
Titre de l'article / Article title : Planisphère. Comment casser l’essor de la désinformation ? S. Henry
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Pourquoi la désinformation est-elle devenue un sujet majeur ? Qui sont nos adversaires en la matière ? Est-il possible de casser l’essor de la désinformation ? Oui, répond Samuel Henry. Il explique comment. Un propos clair et mobilisateur à toutes les échelles, à commencer par le citoyen. Pour éviter d’être un "idiot utile".
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