Podcast et synthèse rédigée

Planisphère. Cyberguerre : mythe ou réalité ? Avec A. Coustillière

Par Arnaud COUSTILLIERE, Emilie BOURGOIN, Pierre VERLUISE, le 28 mai 2025  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Arnaud Coustillière, Vice-amiral d’escadre et Président du « Pôle d’Excellence Cyber ». Ancien COMCYBER 2011/17 et DGNUM 2017/20 au ministère des Armées. Arnaud Coustillière a publié « Soldat de la cyberguerre » (éd. Tallandier).
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il produit Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024. Cette émission a été diffusée en direct le 27 mai 2025.
Synthèse par Emilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle a la charge du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.

La Cyberguerre : mythe ou réalité ? Vous vous en souvenez peut-être, dans les années 1990 et 2000 l’Internet était perçu comme un moyen d’échange gratuit et pacifique de connaissances. Aujourd’hui, nous entendons parler de Cyberguerre… Alors, de quoi s’agit-t-il ? Quelles sont ses formes ? Et sommes-nous à niveau des défis ? Pour répondre, Planisphère a le privilège de recevoir Arnaud Coustillière, vice-amiral d’escadre. Podcast et synthèse rédigée.

Cette émission [1], Planisphère, Cyberguerre : mythe ou réalité ? Avec A. Coustillière, sur RCF - RND

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Synthèse de cette émission, Planisphère, Cyberguerre : mythe ou réalité ? Avec A. Coustillière. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com . Relue et validée par A. Coustillière

DANS les années 1990, Internet incarnait un idéal d’échange pacifique et libre, en appui d’une mondialisation heureuse. Quelques décennies plus tard, il est devenu un champ d’affrontement stratégique à part entière. Désormais, nous parlons de cyberguerre, un terme à la fois inquiétant et souvent mal compris. Pour éclairer ce phénomène, l’amiral Arnaud Coustillière, ancien commandant de la cyberdéfense au ministère des Armées, livre une analyse lucide et structurée de ce nouvel espace de conflictualité.

Le cyberespace, théâtre d’une guerre silencieuse

Le terme « cyber » désigne l’univers numérique, devenu un espace autonome et interconnecté. Initialement porteur de progrès et d’ouverture, cet espace est désormais investi par les conflits : désinformation, escroqueries, cybercriminalité, affrontements entre États. Comme l’espace maritime en son temps, le cyberespace transporte informations, valeurs et richesses. Les grandes puissances numériques – États-Unis, Chine, Russie – y exercent leur influence à travers leurs géants technologiques et leurs stratégies cyber offensives ou défensives.

Planisphère. Cyberguerre : mythe ou réalité ? Avec A. Coustillière
Arnaud Coustillière
Vice-amiral d’escadre et Président du « Pôle d’Excellence Cyber ». Ancien COMCYBER 2011/17 et DGNUM 2017/20 au ministère des Armées. Arnaud Coustillière a publié « Soldat de la cyberguerre » (éd. Tallandier). Crédit photographique : Pierre Verluise
Verluise/Diploweb.com

La structuration progressive des doctrines cyber

Les premières doctrines militaires sur la cyberguerre émergent dans les années 2000, notamment au sein de l’OTAN et des États-Unis. En France, la cyberdéfense commence à s’institutionnaliser à partir de 2003, avec une priorité d’abord donnée à la protection des systèmes. Le volet offensif reste longtemps marginal et politiquement sensible, avant d’être intégré aux stratégies militaires à partir du Livre blanc de 2008. Cette évolution reflète un tournant stratégique dans l’appréhension des conflits contemporains.

Deux typologies d’attaques : saturation et infiltration

Les cyberattaques se divisent principalement en deux catégories. Les attaques par saturation (ou DDoS) visent à rendre un système indisponible en le surchargeant. Les attaques par infiltration, plus sophistiquées, consistent à pénétrer un système pour espionner, perturber ou détruire. Ces dernières nécessitent souvent la complicité humaine, via des mails frauduleux ou des failles de sécurité. Ces modes opératoires sont utilisés tant par des États que par des groupes cybercriminels organisés.

Une escalade marquée par des attaques emblématiques

Parmi les attaques marquantes figurent celle contre l’Estonie en 2007, les cyberattaques contre la Géorgie en 2008 ou encore l’opération Stuxnet en 2010 contre les installations nucléaires iraniennes. En parallèle, les révélations d’Edward Snowden en 2013 ont mis en lumière l’ampleur de la surveillance américaine et la prolifération d’outils de piratage réutilisables. Ces événements montrent que la cyberguerre ne se limite pas à l’espionnage : elle peut perturber, manipuler et endommager profondément des structures civiles dès le début des confrontations, et bien avant l’action militaire classique.

Souveraineté numérique : un enjeu stratégique

La montée en puissance des clouds et des services numériques américains, combinée à l’extraterritorialité des lois US, soulève un problème de souveraineté. Les données européennes, même hébergées localement, vont être soumises à la législation extraterritoriale américaine. Cette dépendance, à la fois technologique et juridique, met en péril l’autonomie stratégique des États comme des entreprises. La France et l’Union européenne plaident pour une autonomie numérique, fondée sur le développement de services et de technologies locales, le contrôle juridique des données et la création d’infrastructures souveraines.

Démocraties et autocraties : une asymétrie numérique

Tandis que les régimes autoritaires ferment leur Internet pour mieux contrôler leur population (ex. : la Chine et la Russie avec leur "intranet"), les démocraties restent ouvertes et donc exposées. Cette asymétrie permet à des puissances étrangères ou à des groupes terroristes de mener des campagnes d’influence, de propagande ou de déstabilisation. L’État islamique, par exemple, a su exploiter l’espace numérique pour recruter, radicaliser et provoquer des actes terroristes via une stratégie très structurée mêlant propagande, violence et mise en scène.

Du virtuel au réel : les effets tangibles des cyberattaques

Si les attaques cyber se déroulent dans un univers virtuel, leurs conséquences sont bien réelles. Des hôpitaux, des mairies ou des infrastructures critiques peuvent être paralysés en quelques minutes. Ainsi, la ville de Marseille, après une attaque, s’est retrouvée incapable d’émettre des actes de décès ou de gérer ses cimetières. Cette matérialité des effets renforce le caractère insidieux et potentiellement déstabilisateur de la guerre cyber.

L’Europe face à l’incertitude géopolitique

La réélection de Donald Trump, la radicalisation idéologique de certaines élites numériques et la montée des autocraties ont contribué à une déstabilisation des alliances et des équilibres mondiaux. Dans ce contexte mouvant, l’Union européenne tente de construire une réponse coordonnée, fondée sur la régulation, la souveraineté numérique et l’innovation. Mais pour être crédible, cette stratégie nécessite des investissements massifs, une unité politique et la création d’un écosystème numérique réellement indépendant des grandes puissances étrangères.


Encore plus
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Ressources recommandées

Pour approfondir ces sujets, plusieurs ressources sont recommandées par Arnaud Coustillière. Sur le plan géopolitique, la revue Le Grand Continent offre une lecture accessible et rigoureuse des enjeux numériques globaux. Le centre de recherche Géode, rattaché à l’Institut français de géopolitique, constitue une référence académique incontournable. Sur le volet militaire et doctrinal, les ouvrages du colonel Bertrand Boyer, tels que « Cyberstratégie » (éd. Nuvis) ou « Cybertactique » (éd. Nuvis), permettent de comprendre la structuration de la pensée cyber dans les armées. Arnaud Coustillière, dans l’ouvrage « Soldat de la cyberguerre » (éd. Tallandier) raconte quant à lui la création de la Cyber des Armées de 2000 à 2020. Pour une perspective économique et juridique, l’ouvrage « Le Piège américain » de Frédéric Pierucci (éd. J’ai lu) illustre avec force les mécanismes d’extraterritorialité et de domination numérique. Enfin, les revues comme Diplomatie ou les publications du Pôle d’Excellence Cyber constituent d’excellentes portes d’entrée dans cet univers complexe.

Copyright pour la synthèse 2025-Bourgoin/Diploweb.com


. Arnaud Coustillière,avec Aude Leroy « Soldat de la cyberguerre » (éd. Tallandier)

Le cyberespace est devenu un lieu d’affrontement majeur. Pour la première fois, voici racontée la création de la cyberdéfense française par son principal fondateur, le vice-amiral d’escadre Arnaud Coustillière.

En moins de dix ans, les terrains de guerre se sont multipliés sur le Net : virus informatiques, menaces terroristes, ingérences dans des élections, fake news, blocage d’hôpitaux… Les agresseurs cyber déstabilisent nos démocraties avec puissance et créativité. En une poignée d’années, un petit groupe de femmes et d’hommes a mis en place une organisation et déployé des moyens pour inventer les ripostes dans ce nouveau « Far West ».

Dans ce précieux témoignage, Arnaud Coustillière raconte la construction à marche forcée de la cyberdéfense française. On découvre de l’intérieur la « cellule » créée en 2009 en toute discrétion, les échanges avec les partenaires américains et estoniens, le recrutement des talents, les premières opérations en Afghanistan, la coopération avec les Forces spéciales, la confrontation avec Daech et l’émergence des ingérences russes. Ce livre nous aide à mieux comprendre les défi s d’ampleur que vit notre pays à l’heure où la guerre de haute intensité est de retour, amplifiée par le caractère toujours plus hybride des conflits. Les chocs sont devant nous, il est urgent d’en prendre conscience.


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[1Cette émission a été enregistrée le 29 avril 2025.

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| Dernière mise à jour le mardi 27 mai 2025 |