Un monde en quête de puissance ?

Par Hébert-Marc GUSTAVE, le 9 novembre 2016  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Doctorant en sciences politiques à l’Université Toulouse 1 Capitole. Il effectue ses recherches au sein du Centre Toulousain d’Histoire du Droit et des Idées Politiques (CTHDIP). Il est titulaire d’un Master de Géopolitique et des Relations Internationales à l’Institut d’Études Politiques de Toulouse.

La victoire de D. Trump le 8 novembre 2016 a montré combien la problématique de la puissance - des Etats-Unis - reste un moteur des choix politiques. Dans cet article initialement publié le 9 octobre, l’auteur avance en conclusion : "Dans la perspective d’une victoire de Donald Trump en novembre 2016, on s’acheminera probablement vers le renouveau de l’unilatéralisme américain". Avant d’en arriver là, il met en place une réflexion féconde sur la problématique de la puissance, aux Etats-Unis comme dans le monde mais aussi sur les interactions entre la politique des Etats-Unis et les puissances émergentes.

La politique étrangère du président américain Barack Obama qui consiste à tenir les États-Unis à l’écart des conflits armés en cours favorise une quête effrénée de puissance. Elle offre à un certain nombre de puissances l’occasion d’affirmer leur volonté de reconstituer la hiérarchie des puissances mondiales. Cette quête de puissance constitue un maillon fort de la chaine causale des conflits en cours depuis 2011. L’issue des élections présidentielles américaines du 8 novembre 2016 favorisera soit l’émergence d’un monde multilatéral, soit la réaffirmation de la puissance hégémonique des États-Unis.

LA FIN de la guerre froide en 1991 a marqué le passage d’un monde bipolaire à un monde unipolaire. Débarrassé de ses oppositions idéologiques et territoriales à la faveur de l’effondrement de l’Union soviétique, le monde d’après la guerre froide s’est retrouvé face à l’existence d’une seule puissance : les États-Unis d’Amérique. De 1991 à 2008, cette puissance s’est constituée en gendarme du monde, au pire en intervenant militairement à l’extérieur et au mieux en influençant, par ses attraits culturels et économiques, les différents acteurs. La réunion de ces deux méthodes (hard et soft power) a créé chez le citoyen américain une conscience de puissance [1] d’une part et une reconnaissance de puissance chez l’observateur étranger d’autre part. Mais depuis 2008, le recours privilégié du Président américain Barack Obama au soft power et à l’usage des drônes et forces spéciales a fait disparaitre tant cette conscience de puissance que cette reconnaissance de puissance. Par conséquent, cette double disparition favorise une quête effrénée de puissance à la fois aux États-Unis et dans la communauté internationale. Aux États-Unis, cette quête est symbolisée par le candidat à la présidence du parti républicain Donald Trump qui veut redonner à l’Amérique sa conscience de puissance (I). À l’étranger elle est marquée par des acteurs qui sont animés par la nostalgie de la puissance (II) et par le désir de puissance (III).

Un monde en quête de puissance ?
Hebert-Marc Gustave

I. Etats-Unis : Entre conscience nationale de puissance et reconnaissance internationale de puissance


La notion de puissance désigne généralement un pouvoir politique, économique, social ou religieux sous l’angle de sa force et de son efficience [2]. En géopolitique et en relations internationales, elle se réfère à l’État désignant notamment les États qui par leur poids démographique, leurs forces économique et militaire jouent un rôle déterminant dans la vie politique internationale [3]. Cette primauté accordée à l’État n’exclut pas la considération d’autres acteurs car les firmes transnationales, les organisations non-gouvernementales, les institutions financières, les médias ou même les individus peuvent intervenir sur le cours des relations internationales. Raymond Aron entend par puissance sur la scène internationale la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités [4]. Il s’agit d’obtenir l’assentiment des autres acteurs soit par le recours à la force ou la menace d’y recourir, soit par l’influence ou la persuasion de ces derniers. L’effet recherché est d’obtenir le consentement des acteurs même quand ceux-là n’ont rien à y gagner.

Toute puissance dominatrice est toujours animée par une conscience de puissance. Celle-ci désigne des dispositions mentales, procédant de l’évidence des facteurs de puissance, qui persuadent l’homme d’État et le citoyen ordinaire de leur détention de puissance. Autrement dit, il s’agit d’une assurance de l’obtention de la puissance. À la fin de la guerre froide en 1991, les citoyens américains ont eu cette conscience de puissance. Même si on peut faire remonter cette conscience à l’affirmation de la doctrine de la « destinée manifeste », il convient de reconnaitre que cette conscience s’est aiguisée avec l’effondrement de la puissance rivale que fut l’URSS. Par ailleurs, la puissance affichée par les États-Unis était unanimement reconnue par l’ensemble des acteurs internationaux. Cependant, depuis 2008, la politique étrangère du président américain Barack Obama ébranle cette conscience de puissance (A) ouvrant la voie à des discours promettant de restaurer la puissance (dure) américaine (B).

A. De la perte de la conscience et de la reconnaissance de la puissance américaine

Même si l’opinion publique américaine réprouve souvent les efforts de guerre de son pays, le peuple américain aime être habité par le sentiment d’être les citoyens de la plus grande puissance du monde. La contestation des guerres du Vietnam (1955-1975) et d’Irak (2003-2011) n’était en rien un aveu de faiblesse mais un désir de réorienter la politique étrangère américaine et un appel à manifester sa puissance autrement. Le peuple américain souhaite toujours que son pays ait un mot décisif sur les grandes questions du monde. D’ailleurs, « Il suffit de s’entretenir avec un officier américain pour se rendre compte que cela ne fait pas l’objet du moindre doute. C’est pour eux une évidence : les États-Unis sont les premiers et doivent tout faire pour le rester… [5] ». Il s’agit là d’une conscience de puissance très affirmée et décomplexée. La perte ou l’impression de perdre cette conscience de puissance serait catastrophique pour un peuple qui, semble-t-il, croit fermement en la doctrine de la destinée manifeste.

Aux États-Unis, la réorientation de la politique étrangère par le président Barack Obama a eu pour effet de donner l’impression au citoyen américain de sortir du premier rang mondial. Depuis 2008, la politique étrangère de Barack Obama repose sur deux principes. Le premier renvoie à la retenue militaire et à une meilleure répartition des efforts avec les alliés et les partenaires. Le deuxième consiste en une offre de dialogue avec les adversaires [6].

En vertu du premier principe, le président Barack Obama a retiré, en 2011, les troupes américaines d’Irak ; il a refusé d’assumer le leadership de l’intervention militaire en Libye en 2011 ; il n’a pas effectué de frappes militaires contre le régime de Damas après que celui-ci ait franchi la ligne rouge établie par lui en 2012 ; il n’a pas su empêcher l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Aussi, dans le cadre de ce principe, le président Obama « mise sur l’engagement et la négociation, sur le multilatéralisme, la répartition des efforts et des réponses collectives à des problèmes et des défis mondiaux [7] ».

En vertu du deuxième principe, le président Obama a normalisé, en 2015, les relations de son pays avec Cuba, rompues depuis 1961. Celui-ci a également normalisé les relations de son pays avec l’Iran dans le cadre de l’accord de Vienne sur le nucléaire conclu en juillet 2015. Ces deux rapprochements peuvent être perçus comme une défaite aux yeux de l’observateur américain et étranger car les sanctions américaines n’ont pas su déstabiliser le régime communiste de Cuba et la République islamique d’Iran.

La mise en œuvre de cette politique étrangère comporte une double conséquence. Il s’agit tout d’abord d’une perte de la conscience de puissance du citoyen américain qui constate avec consternation l’ « effacement » de son pays sur la scène internationale. Ensuite, il s’agit d’une perte de reconnaissance de la puissance américaine aux yeux du citoyen étranger pour qui l’Amérique ne compte plus comme avant dans la communauté internationale.

Cette double perte conduit aujourd’hui à un ré-enchantement de la puissance tant à l’intérieur des États-Unis qu’à l’extérieur du pays. Cette soif de puissance porte en elle les germes des crises qui bouleversent le monde depuis 2011.

B. Donald Trump et le retour de la conscience de puissance américaine

L’expression de la colère issue de la perte de la conscience de puissance aux États-Unis est portée par le candidat républicain à la présidence Donald Trump. Celui-ci a obtenu l’investiture de son parti à la faveur d’un discours qui consistait à condamner l’administration Obama d’avoir affaibli les États-Unis sur la scène internationale. Il a mené campagne sous le thème de la « grandeur de l’Amérique [8] » en réponse à la faiblesse de l’Amérique perçue à tort ou à raison par un grand nombre d’américains. Dans son discours d’investiture comme candidat officiel du parti républicain, Donald Trump a fustigé la politique étrangère d’Obama qui a plongé le Moyen-Orient dans le chaos et a décrédibilisé la parole de l’Amérique sur la scène internationale. Il a réitéré sa volonté de mettre fin à l’État islamique s’il était élu. À l’issue de son discours, il a promis aux américains de redonner à nouveau à l’Amérique sa fierté, sa force et sa grandeur [9].

Par ailleurs, alors que Donald Trump veut replacer au premier rang les États-Unis, d’autres puissances tentent de combler le vide créé par la mise en œuvre de la politique étrangère du président Obama. Ces puissances concurrentes se rangent en deux catégories. La première renvoie aux anciennes puissances qui sont animées par une certaine nostalgie de la grandeur. La deuxième catégorie se réfère à certaines puissances émergentes qui aspirent également à jouer le rôle de gendarme du monde.


Masterclass géopolitique. Quels sont les fondamentaux de la puissance ?

Le monde change, tous les jours, peut-être plus vite que jamais, mais la puissance reste. La puissance reste, mais elle change elle aussi, tous les jours, dans ses modalités. Pourtant, il y a des fondamentaux. Lesquels ? C’est ce que vous allez découvrir et comprendre. Ainsi, vous marquerez des points. Des points décisifs à un moment clé.

Pierre Verluise
Diploweb

II. Nostalgie de la puissance : Des puissances en mal de puissance

La politique étrangère de Barack Obama qui consiste aussi longtemps que possible à tenir à l’écart les États-Unis des conflits armés au Moyen-Orient a créé un vide de leadership dans cette région et dans le monde. Cette politique aurait laissé à d’autres puissances en attente de suprématie l’occasion de s’introduire militairement dans la région. Celles-ci sont des puissances ré-émergentes (A) dont le souvenir d’une suprématie passée donne la conviction de pouvoir en redevenir une aujourd’hui ou demain (B).

A. Des puissances ré-émergentes

Les puissances ré-émergentes dont il s’agit ici sont la Russie, l’Iran et la Turquie. Les trois ont été des puissances considérables avant de devenir des puissances moyennes. Les trois constitué des empires redoutables. La Russie est l’héritière de la superpuissance que fut l’Union soviétique, l’Iran revendique l’héritage de l’empire perse alors que la Turquie descend directement de l’empire ottoman. Le contexte géopolitique actuel qui est marqué par la politique de retenue du président Barack Obama offre à ces trois anciennes puissances l’occasion de se repositionner dans la hiérarchie des puissances mondiales.

B. Puissance un jour, puissance toujours ?

La réapparition des puissances comme la Russie, l’Iran et la Turquie dans le leadership régional et mondial peut s’expliquer par le souvenir de ces États d’un passé puissant et glorieux. Autrement dit, la nostalgie de ce passé glorieux constitue pour eux une source de motivation à retrouver la grandeur perdue. Le fait d’avoir été un jour une puissance leur permet d’aspirer à la redevenir.

La stratégie de réémergence de ces anciennes puissances passe d’abord par des ambitions régionales. La Russie de Vladimir Poutine manifeste ses ambitions régionales à travers la guerre de Géorgie (2008), l’ingérence politique et militaire en Ukraine (2013-2016) et à travers l’annexion de la Crimée en 2014. Elle donne la preuve de ses ambitions mondiales en intervenant militairement dans le conflit syrien en 2015. En août 2016, la Russie a élargi son champ géostratégique en frappant les territoires de l’État islamique en Syrie depuis la base militaire iranienne de Hamedan. Tous ces efforts militaires constituent la démonstration manifeste que la Russie veut renouer avec ses heures de gloire.

La République islamique d’Iran dont le souvenir de l’empire perse fait la fierté profite de la politique de retenue de Barack Obama pour manifester ses volontés de puissance dans la région du Moyen-Orient. Elle entretient un bras de fer avec l’Arabie Saoudite, son principal rival religieux et pétrolier de la région, au Yémen, au Liban, en Syrie et en Irak. L’Iran joue un rôle capital dans les conflits syrien et irakien car il soutient les régimes chiites en place dans ces deux pays au grand dam de l’Arabie Saoudite, de la Turquie et de l’État islamique. La signature de l’accord de Vienne sur le nucléaire qui permet la levée des sanctions contre l’Iran devrait permettre à Téhéran d’accélérer sa réémergence comme puissance dans la région.

La Turquie qui vit sous un régime conservateur et religieux depuis 2003, regarde avec nostalgie son passé ottoman. Le pouvoir de Recep Tayyip Erdogan qui s’enorgueillit d’avoir redonné de la croissance à l’économie du pays veut désormais renouer avec le passé ottoman. Pour cela, elle se tourne vers la région du Moyen-Orient avec laquelle elle a des affinités historiques, culturelles et religieuses. Cela constitue une stratégie incontournable pour la Turquie car à l’Ouest l’horizon de son avenir est celui d’une puissance moyenne. De plus, il s’agit pour elle d’une stratégie payante car il n’y a que dans cette région qu’elle peut affirmer ses velléités de puissance hégémonique. Son poids économique, sa puissance militaire, sa relative stabilité politique et sa position stratégique militent en faveur d’une Turquie hégémonique dans la région du Moyen-Orient. La Turquie de Recep Tayyip Erdogan a démontré sa volonté de réémergence en rompant unilatéralement la trêve avec le PKK irakien en 2015 et en intervenant militairement en Syrie en août 2016.

III. Du désir de puissance

Toute puissance procède d’un désir. Même s’il faut se donner les moyens pour l’obtenir, le désir constitue un élément essentiel dans la quête de la puissance. Le désir de puissance désigne chez l’acteur qui le porte une volonté de reconstituer la hiérarchie des puissances, de recomposer les alliances, de redessiner les cartes géopolitiques, de redistribuer les influences et les rapports de force, le tout à son avantage [10]. Depuis le début des années 2000, on peut constater l’existence de ce désir chez un certain nombre d’États. Il s’agit de puissances émergentes (A) dont l’évidence d’un certain nombre de facteurs de la puissance conforte le désir de devenir à l’avenir une puissance mondiale (B).

A. Des puissances émergentes

Les puissances émergentes dont il est question ici sont le Brésil, la Chine [11] et l’Inde. Les trois pays font partie des nouveaux pays émergents désignés par l’acronyme BRICS. Si le dynamisme économique de ces pays contribue fortement à leur émergence, il convient toutefois de reconnaitre l’importance de leur désir de puissance dans la dynamique de cette émergence. Le Brésil, la Chine et l’Inde bousculent de nos jours l’ordre des puissances de par leur dynamisme économique et commercial. La politique de retenue de Barack Obama offre une occasion favorable pour s’affirmer sur la scène internationale.

B. Puissance émergente d’aujourd’hui, puissance en devenir ?

Le Brésil est un pays émergent animé d’un ardent désir de puissance. À la différence d’autres pays émergents et d’autres puissances ré-émergentes, le Brésil ne peut pas manifester ce désir de puissance par des interventions militaires unilatérales. Cette difficulté s’explique par son voisinage avec la superpuissance américaine qui limite ses prétentions régionales et mondiales. Autrement dit, la proximité géographique du Brésil avec les États-Unis constitue un obstacle majeur à l’expression manifeste de son désir de puissance.

En revanche, le Brésil exprime ce désir sur le plan de la diplomatie. Il fait partie des pays qui réclament l’élargissement des membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU. En tant que pôle de croissance économique et démographique de la région, le Brésil souhaite siéger à titre de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Cela constitue une étape importante dans la stratégie d’émergence du Brésil comme puissance régionale et mondiale.

Pour faire preuve de sa capacité d’intégrer le club restreint des puissances, le Brésil participe à des missions onusiennes de maintien de la paix comme forces de commandement. En juin 2004, le gouvernement brésilien a décidé d’assurer le commandement de la mission onusienne pour la stabilisation d’Haïti (MINUSTAH). Cette mission constitue le principal commandement militaire brésilien en terre étrangère. Le Brésil qui n’a aucun contentieux frontalier avec ses nombreux voisins est tenu d’exprimer son désir de puissance par la voie diplomatique et dans le cadre des missions de maintien de la paix.

La qualité de puissance de la République populaire de Chine ne fait plus aucun doute. La taille géographique et démographique du pays, sa capacité militaire ainsi que son poids économique, commercial et financier font de ce pays une puissance. Il s’agit désormais pour elle de mieux se positionner dans l’échelle des puissances mondiales. Son désir consiste à inverser la hiérarchie des puissances à son avantage. Détrôner la superpuissance américaine, tel est le désir de la République populaire de Chine. Si elle ne manifeste pas ce désir par des interventions militaires à l’étranger, elle le manifeste par le contrôle stratégique des mers proches et par la pénétration de nouveaux marchés comme le marché africain.

La République de l’Inde fait aussi partie des pays au désir de puissance manifeste. Le pays dispose d’un ensemble de facteurs concourant à la manifestation de ce désir. Sa taille démographique, son poids économique, ses investissements militaires font partie de ces principaux facteurs.

Au niveau stratégique et militaire, le désir de puissance qui anime l’Inde a été clairement exprimé lors du quadruple essai nucléaire de mai 1998. Cela constituait pour le pays une ferme volonté de remettre en question le statu quo international reconnaissant à un nombre restreint d’États le droit de posséder l’arme nucléaire. Depuis ces essais, l’Inde a intégré le cercle fermé des puissances nucléaires avec une centaine de têtes nucléaires. Cela montre que la stratégie de puissance de l’Inde repose en partie sur l’élévation de sa capacité militaire. Depuis la fin des années 1980, le pays consent des investissements financiers considérables en matière de défense. Ses dépenses à cet égard s’établissaient à 2,8 % du PIB en moyenne sur la période 1988-2011. En 2016, l’Inde fait partie des plus grands importateurs d’armes au monde [12].Cette stratégie d’émergence du pays constitue l’une des expressions du nationalisme du premier ministre indien Narendra Modi

Le dynamisme économique et technologique de l’Inde conforte également son désir de puissance mondiale. En 2015, l’économie du pays était classée au 7e rang mondial avec un produit intérieur brut de 2,074 milliards de dollars [13]. La même année, son taux de croissance avait dépassé celui de la Chine avec +7,6% contre 6,9% pour l’empire du milieu [14].

En matière scientifique et technologique, le désir de puissance de l’Inde est essentiellement marqué par sa politique de conquête spatiale. En juin 2016, l’Inde a lancé avec succès une fusée transportant 20 satellites. En septembre 2014, elle a réussi sa première mise en orbite autour de Mars. Depuis quelques années, l’Inde est aussi devenue un pays très dynamique dans le domaine des hautes technologies. Le pays représente plus d’un quart du marché mondial du logiciel [15]. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication connaissent une croissance de 30% par an [16]. La ville de Bangalore se place parmi les capitales mondiales du high-tech au point d’être qualifiée de Silicon Valley indienne. Cela représente, entre autre, des facteurs expliquant le désir de puissance de l’État indien.

Conclusion

Les relations internationales, très tendues au cours des dix dernières années, sont fortement marquées par une quête effrénée de puissance. Cette quête de puissance, à laquelle nous imputons les différents conflits en cours, trouve son origine dans la politique étrangère mise en œuvre par le président américain Barack Obama. Sa politique étrangère est résolument caractérisée par la retenue militaire de son pays, par une meilleure répartition des efforts avec les alliés et par une offre de dialogue avec les adversaires. Cette politique étrangère favorise le ré-enchantement de la puissance (dure) aux États-Unis, attise la nostalgie et la réémergence d’un certain nombre d’anciennes puissances et accentue le désir de puissance d’un certain nombre de pays émergents. Cette course à la puissance hégémonique augure, au mieux, un monde multipolaire avec en substance l’élargissement du Conseil de sécurité des Nations Unies et, au pire, la réaffirmation brutale de l’hégémonie américaine. Ces deux perspectives dépendent essentiellement de l’issue des élections présidentielles américaines du 8 novembre 2016. Si Hillary Clinton sort vainqueur de la prochaine élection présidentielle, on s’acheminera, à sa prise de fonction, vers un monde multipolaire alternant selon les conflits l’arme de la dialectique ou la dialectique des armes. Dans la perspective d’une victoire de Donald Trump en novembre 2016, on s’acheminera probablement vers le renouveau de l’unilatéralisme américain.

Mise en ligne initiale le 9 octobre 2016

Copyright Octobre 2016-Gustave/Diploweb.


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[1Expression utilisée par Leslie F. Manigat en 1965 pour parler de la politique interventionniste des États-Unis du milieu du 20e siècle. Voir, Leslie F. Manigat « La crise dominicaine » Revue française de science politique, 15ᵉ année, n°6, 1965. pp. 1170-1187.

[2C. Debbasch et al., Lexique de politique, Paris, Dalloz, 2001, p.344.

[3Ibid.

[4R. Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962, p. 58.

[5P. Verluise, « La puissance, quels sont ses fondamentaux ? », Diploweb, 10 novembre 2013, diploweb.com.

[6C. Nünlist, « La politique étrangère d’Obama : premier bilan », Center for Security Studies, Zurich, N° 188, mars 2016.

[7Christian Nünlist, op. cit.

[8A. Badet, « La grandeur de l’Amérique selon Donald Trump », L’économiste, N° 4819, 22 juillet 2016.

[9D. Trump, « Republican nomination acceptance speech », Cleveland, 21 juillet 2016, donaldtjtrump.com

[10P. Verluise, op.cit.

[11Note de la rédaction : Au vu de la longue durée, la Chine pourrait aussi être classée dans la catégorie des puissances ré-émergentes.

[12C. Jaffrelot, « L’Inde en quête de puissance… mais quelle puissance et à quelle fin ? », CERISCOPE Puissance, 2013, ceriscop.sciences-po.fr

[13La Banque Mondiale, Données, PIB ($ US Courants), banquemondiale.org

[14La Banque Mondiale, Données, Croissance du PIB, % annuel, banquemondiale.org

[15C. Jaffrelot, op. cit.

[16Ibid.


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