David Rigoulet-Roze est Docteur en Sciences politiques, enseignant et chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), ainsi que Rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques (L’Harmattan). Il est spécialiste de la région du Moyen-Orient et a notamment publié Géopolitique de l’Arabie saoudite : des Ikhwans à Al-Qaïda, en 2005, aux Editions Armand Colin ainsi que L’Iran pluriel : Regards géopolitiques, en 2011, aux Editions L’Harmattan. Il a co-dirigé l’ouvrage collectif intitulé La république islamique d’Iran en crise systémique : quatre décennies de tourments, publié en 2022, aux Editions L’Harmattan. Il a également publié dans plusieurs revues dont la revue France-Forum, la Revue Diplomatique ou encore la revue Conflits. Il assure par ailleurs depuis plusieurs années un cours de Sciences politiques à l’Université de Cergy-Pontoise.
Alors que l’Iran est depuis plusieurs mois dans une phase de contestation, David Rigoulet-Roze fait le point sur la question « ethno-confessionnelle ». Il s’agit d’une variable non-négligeable de la problématique étatique iranienne. « Etat-mosaïque », l’Iran se trouve dans un dilemme permanent.
L’auteur présente successivement le statut des minorités « ethno-confessionnelles » dans la Constitution de la République islamique du 24 octobre 1979 ; puis la multiplication récente d’attentats en lien avec des revendications identitaires dans les provinces périphériques de l’Iran. Ces attentats nombreux et récurrents passent généralement "en dessous de nos radars".
« Roi de la multitude, seul maître de la multitude, je suis Darius le Grand Roi, Roi des rois, le Roi des pays de toutes ethnies [dahyâva signifiant peuples, sing. dahu] », stèle du tombeau de l’empereur Darius Ier le Grand (522-486), à Naqs-i-Rustam, ancienne Suse (actuelle Sush dans la province du Khouzistan) [1].
DEPUIS plusieurs années, la question toujours sensible pour un Etat centralisé - des minorités « ethno-confessionnelles » est ostensiblement revenue sur le devant de la scène intérieure iranienne, parallèlement à la multiplication coïncidente d’attentats imputables, de manière supposée ou avérée, à des groupes opérant souvent depuis les périphéries internes de la République islamique d’Iran. C’est notamment le cas du Sud-Ouest, dans la région du Khouzestan peuplée majoritairement d’Arabophones au contact direct de l’Irak arabe voisin. Mais aussi du Sud-Est, dans la province majoritairement sunnite du Baloutchistan iranien au contact de son vis-à-vis constitué par le Baloutchistan pakistanais. Voire du Nord-Ouest, avec le Kurdistan iranien jouxtant tout l’hinterland kurde à cheval sur l’Irak et la Turquie. Cette question « ethno-confessionnelle » est, de fait, récurrente dans l’Histoire de l’Etat iranien quelle que soit sa forme, impériale ou républicaine, même si les modalités de l’appréhender peuvent connaître des variations souvent plus superficielles qu’on ne le pense parfois comme si, par-delà la politique et ses vicissitudes, une forme de logique centripète devait toujours primer sur les forces centrifuges pour assurer la pérennité de cet Etat iranien transhistorique.
Et ce n’est pas un hasard si le mouvement de contestation qui a débuté le 16 septembre 2022 par le décès tragique de Mahsa Amini, en réalité Jina Amini, une kurde sunnite originaire de la ville de Saqqez, s’est particulièrement développé dans le Kurdistan (Nord-Ouest de l’Iran) qui fait l’objet d’une répression féroce de la part du corps des Gardiens de la Révolution (Pasdarans). Comme du reste une autre périphérie sensible, à savoir le Sistan-Baloutchistan (Sud-Est) où le viol, par le chef de la police de Chabahar, ville portuaire de la même province, d’une adolescente de 15 ans appartenant à la minorité sunnite baloutche, avait provoqué le 30 septembre 2022 des émeutes réprimées dans le sang, à l’origine d’un « vendredi sanglant » dans la ville de Zahedan causant la mort de près de 90 personnes dont des femmes et des enfants. L’ONG Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo (Norvège), a annoncé le 28 décembre 2022 que le bilan des manifestations qui ont éclaté suite à la mort de la jeune Mahsa (Jina) Amini jeune femme aux mains de la police des mœurs, s’était alourdi à 476 morts. C’est ce qu’a affirmé un rapport publié sur le site officiel de l’ONG, précisant que parmi les manifestants tués lors de ces événements, 34 femmes et 64 autres ont moins de 18 ans. Selon le rapport susmentionné, 130 personnes auraient été tuées dans la province majoritairement sunnite du Sistan-Baloutchistan, 53 au Kurdistan, et 55 en Azerbaïdjan occidental, soit une écrasante majorité dans les provinces ethno-confessionnelles périphériques du pays ce qui ne relève pas forcément du hasard, tant le pouvoir central a la hantise d’une dynamique centrifuge censée, dans le discours du régime, être instrumentalisée de l’extérieur.
Le fait est que ladite République islamique actualise à sa manière la représentation géopolitique « persane » plurimillénaire. Cette dernière a d’ailleurs, quoiqu’elle en dise, largement perpétué le pouvoir des « Persans » au détriment des minorités « ethniques » [2], à savoir non-perses - on dirait « nationales » dans le vocabulaire occidental fortement connoté historiquement par la dynamique des « nationalités » au XIXème siècle - c’est-à-dire de populations diverses présentes en Iran déjà à l’époque achéménide, et qui ne sont pas nécessairement apparentées au peuple persan. Il n’est pas anodin de rappeler que Darius Ier le Grand (522-486) s’était d’emblée considéré comme l’instrument de l’unité d’un monde dont on soulignait déjà la grande diversité ethnique. Darius s’était présenté en ces termes : « Roi de la multitude, seul maître de la multitude, je suis Darius le Grand Roi, Roi des rois, le Roi des pays de toutes ethnies ». Le pouvoir des rois achéménides s’exerçait à la fois sur la terre (bûmi) et les peuples (dahyâva, sing. dahyu). Mais tous les espaces de l’empire n’étaient pas mis sur le même plan. Le pouvoir émanait d’un centre et rayonnait sur les périphéries. La représentation de l’Empire se faisait en quelque sorte par cercles concentriques. Le centre était constitué par les pays des anciennes capitales (Pasargades, Ecbatane, Persépolis, Suse), correspondant à l’antique Médie, l’Elam, la Perse. Dans cet ensemble se détachait le sous-ensemble arya (Mèdes et Perses confondus). Mais au sein de l’ensemble iranien, la Perse occupait évidemment une place privilégiée, celle du peuple conquérant. Et, au centre de cet ensemble de cercles concentriques, c’était bien le Grand Roi qui était seul détenteur du pouvoir [3].
Cette problématique s’applique à l’Etat longtemps dénommé Perse et ensuite appelé Iran (signifiant littéralement « terres des Aryens) [4] depuis sa renomination ordonnée, le 21 mars 1935, par Reza Shah Pahlavi (1925-1941) qui imposa de remplacer le nom de « Perse » par celui d’« Iran » pour désigner désormais son pays, le nom officiel devenant alors l’Etat impérial d’Iran jusqu’à l’avènement de la République islamique d’Iran en 1979. Comme le rappelle Jean-Paul Burdy, il s’agissait de renforcer une identité nationale iranienne susceptible d’englober la totalité des populations dans leur diversité ethnique, linguistique et religieuse. « Les vecteurs de cette intégration [étaient] classiques : armée nationale de conscription, scolarisation, généralisation de l’usage de la langue persane, idéologie de la fierté nationale insistant sur l’ancienneté de l’Etat perse, etc. Le régime du dernier shah avait pratiqué une politique de répression en la matière à l’égard des minorités non soumises : répression de l’agitation kurde en conjonction avec la politique turque en la matière, ‘iranisation’ des patronymes et toponymes » [5].
Ceteris Paribus, on retrouve cette logique à l’œuvre aujourd’hui, et ce, alors même que l’Iran est devenu musulman depuis le VIIème siècle et que l’islam fait théoriquement abstraction de toute considération « ethnicisante ». Cela n’empêche pas qu’historiquement parlant, le Dar al-Islam (« Monde de l’Islam ») a connu une tension constante entre la diversité des Etats à base plus ou moins « ethnique » (al-aqwan en arabe pouvant peu ou prou désigner les différents êtres existants et/ou des sociétés présentes dans le monde temporel) et politiquement indépendants d’une part, et l’unité supposée d’une Oumma censée transcender ce que les musulmans eux-mêmes qualifient d’iqlimyat al-islam (le « régionalisme de l’islam ») d’autre part. Selon les préceptes de l’islam, il n’existe théoriquement pas de différence essentielle entre les musulmans qui parlent des langues différentes, que ce soit le persan, l’arabe ou toute autre langue. On pourrait presque aller jusqu’à parler d’un déni, dans l’islam, de l’existence des « minorités ethniques » [6] (berbères ou autres). Toute propagande destinée à promouvoir une forme résolument moderne de « nationalisme ethnique » serait même perçue comme un mouvement séditieux alimentant la fitna (la « division », le « conflit » voire la « guerre ») au sein de la Oumma [7].
Il est notable que c’est un point sur lequel insiste ostensiblement, dans son article 11 [8], la loi fondamentale faisant office de Constitution de la République islamique d’Iran - Constitution ratifiée le 24 octobre 1979 et soumise à référendum les 2 et 3 décembre 1980 [9]. Elle se veut intégratrice. Ainsi, la loi fondamentale iranienne prend-t-elle en considération la place des minorités ethno-linguistiques : l’article 15 stipule que « le persan est le langage et l’écriture officielle de l’Iran (…) et que l’utilisation des langues régionales et tribales dans la presse et les médias, aussi bien que l’enseignement de leur littérature à l’école, est permis en plus du persan ». L’article 16 complète cette disposition en reconnaissant la place spécifique de l’arabe : « Puisque le langage du Coran et des textes islamiques (…) est l’arabe, cette langue doit être enseignée (…) de l’école primaire jusqu’à la fin du lycée ». Ces deux articles, ainsi, offrent une certaine reconnaissance du phénomène minoritaire - sans pour autant qu’il soit explicitement nommé [10]. Le fait est que la reconnaissance officielle des langues et des cultures régionales dans la Constitution (art. 15) [11] de ladite République islamique suscita dans un premier temps une certaine affirmation des identités « ethniques » au sens linguistique du terme [12] (l’expression aghaliyat ghomi désignant « minorité ethnique » en persan ou celle de gorooh ghomi désignant « groupe ethnique » [13]) et ouvrit - de manière néanmoins limitée notamment pour la langue kurde - la possibilité de publier des ouvrages dans d’autres langues que le persan consacré langue (zaban en persan) officielle de l’Etat iranien, par ailleurs garant de l’égalité des droits de ses diverses populations [14].
Le texte constitutionnel utilise en effet explicitement le terme « persan », simple translittération latinisée du terme farsi, une façon pour le nouvel Etat de montrer que le persan est la langue commune - la lingua franca [15] - de tous les locuteurs du pays quelles que soient leurs origines respectives. Le mot farsi proviendrait de la province du Fârs au centre du pays et désigne initialement une variété locale de l’actuel persan, dont le nom a été étendu depuis à l’ensemble de la langue en Iran. Les termes Fârs et Pars (« Perse ») proviendraient en fait du même mot, le « f » de Fârs et le « p » de Pars étant phonétiquement très proches. Mais comme le « p » existe en farsi et pas en arabe, il paraît probable que la prononciation Fârs soit une altération arabe de Pars et c’est la prononciation du « f » qui a fini par s’imposer aux Iraniens islamisés.
On touche avec la question de la langue à un sujet éminemment sensible de la stabilité de l’Etat iranien. Et il s’agit plus que jamais de géopolitique car comme le souligne à dessein Yves Lacoste : « Des rivalités de pouvoir (…) se développent également à l’intérieur de nombreux Etats dont les peuples, plus ou moins minoritaires, revendiquent soit leur autonomie, soit leur indépendance ». De ce point de vue, l’Iran contemporain n’échappe pas à la règle.
Si le persan (i.e. le farsi) est compris par l’immense majorité des Iraniens, les Persans en tant que tels forment moins de la moitié de la population du pays. La langue nationale est très largement pratiquée mais cette situation n’empêche pas de grandes disparités géographiques, puisque dans certaines régions, marquées par une forte identité ethno-culturelle (dans sa variable ethno-linguistique et/ou ethno-confessionnelle) et encore imparfaitement alphabétisée, la majorité de la population ne comprend pas le persan mais parle sa langue maternelle.
Si donc environ 51 % des Iraniens parlent le persan comme langue maternelle et 90 % « parlent » ou comprennent » la langue officielle, près de la moitié des Iraniens pratique, parallèlement ou non, diverses autres langues. Sans parler du fait que quelque 10 % des Iraniens ignorent même complètement le persan, soit, au moins 4 à 5 millions de locuteurs, ce qui est loin d’être négligeable. Certaines de ces autres langues sont certes des langues apparentées au persan et constituent des langues relevant du groupe iranien de la famille des langues indo-iraniennes [16]de la grande famille indo-européenne, à laquelle appartiennent les Kurdes (10 % à 12 %), suivis par les populations caspiennes des Gilakis et les Manzadaranais (autour de 7 %), les Lors (9 %) - dont la langue le lori est une langue iranienne assez proche du kurde - et les Baloutches (2 % à 3 %).
Mais d’autres sont des langues turques (dites altaïques) ou quelques rares langues chamito-sémitiques. Les Turcophones, principalement les Azéris (16 %), les Turkmènes (9 %) mais également les nomades Qachqaïs et Afchars, représenteraient près du quart du total, ce qui en fait le deuxième groupe linguistique d’Iran après le groupe iranien. Il ya également le groupe des populations sémitiques, à savoir les Arabes (3 %), mais aussi les Juifs et les Assyriens. Enfin il faut mentionner une communauté de Géorgiens et d’Arméniens.
Si la majorité des Iraniens parle donc le farsi, un quart des Iraniens parle une langue tout de même apparentée, car relevant de la branche « iranienne » de la famille linguistique dite « indo-iranienne », renvoyant encore plus largement à la grande famille indo-européenne [17]. C’est le cas entre autres des locuteurs des divers dialectes kurdes comme le kurde sorani (dialecte kurde central) et le kurde gorani (dialecte kurde oriental) tous deux issus d’une matrice linguistique kurde, elle-même dérivée de cette branche iranienne de la famille des langues indo-iraniennes, de même que le baloutchi, dialecte des Baloutches - laquelle branche « iranienne » se ramifie d’ailleurs encore aujourd’hui à l’extérieur de l’Iran, notamment en Afghanistan, et plus largement en Asie centrale. Ainsi, le persan est-il appelé dari en Afghanistan et tadjik (ou tajiki) [18] au Tadjikistan. Les Iraniens, les Afghans et les Tadjiks parlent donc persan et, si l’on veut préciser l’origine géographique. On parle alors de farsi (« persan » d’Iran), de dari et/ou de pachtou (« persan » d’Afghanistan) ou encore de tadjik (« persan » du Tadjikistan). Un Afghan parlant le persan dari et/ou pachtou, ainsi qu’un Tadjik parlant le persan tadjik comprennent aisément un Iranien parlant le farsi. Mais lorsqu’on emploie le terme général de « persan », c’est en ne faisant aucune allusion géographique à la langue [19].
Il faut signaler qu’un autre quart de la population iranienne parle une langue apparentée au groupe turc de la famille linguistique altaïque (turco-mongol) dont relèvent directement les dialectes azéri et turkmène, notamment parlés en Iran. Ces dialectes sont transcrits avec l’alphabet arabe en Iran, mais avec l’alphabet cyrillique en Azerbaïdjan et au Turkménistan, tous deux issus de l’ancienne Union soviétique (échelle de temps courts). En dépit de l’islamisation (échelle de temps long), de l’adoption de l’alphabet arabe pour transcrire le persan moderne et d’innombrables apports mutuels entre les mondes arabe et iranien, c’est avec le monde turcophone que l’Iran est le plus imbriqué. On parle d’ailleurs volontiers de monde « turco-iranien » pour désigner ces territoires allant de Samarkand à l’Anatolie, dominés d’abord par la culture et les Empires iraniens puis envahis par les Turco-Mongols. Du IXème siècle à la République islamique contemporaine, nombre de Shahs de Perse - comme la dynastie des Qadjars (1786-1925) - étaient en réalité turcophones, ce qui ne les empêcha pas de défendre jalousement l’Etat iranien contre l’Empire ottoman. Cet antagonisme géopolitique séculaire qui trouvait déjà sa traduction dans l’appartenance de la Turquie à l’OTAN depuis le 18 février 1952, s’est trouvé réactualisé depuis 2011 par les positionnements respectifs antagonistes des deux pays sur l’« affaire » syrienne - la Turquie soutenant les insurgés sunnites syriens et l’Iran le régime alaouite de Bachar Al-Assad.
Dans tout Etat constitué, une telle fragmentation ethno-linguistique est évidemment toujours porteuse de forces centrifuges. L’Iran n’échappe pas à ce risque latent avec l’expression récurrente de revendications identitaires émanant de ses minorités nationales. Plus précisément, la configuration ethnique du pays oppose, d’une part, le plateau central, habité par les Persans, d’autre part, les régions périphériques du territoire national où sont installées les minorités ethniques. Ce peuplement périphérique a aussi comme conséquence que les Azéris [20], les Kurdes, les Arabes, les Baloutches, les Turkmènes [21], notamment forment des populations transfrontalières disposant de liens culturels très forts avec des groupes apparentés installés dans les pays voisins. Les territoires périphériques situés aux frontières de l’Iran sont, de fait, peuplés de nombreuses minorités ethniques situées à l’interface de plusieurs Etats voisins (Turquie, Arménie, Azerbaïdjan, Turkménistan, Afghanistan, Pakistan, Irak, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis). Certaines de ces frontières sont assez anciennement établies puisque celle avec l’ancien Empire ottoman, et donc la Turquie qui lui succède, fut fixée par le deuxième traité d’Erzerum en 1847, lequel consacra la souveraineté du Shah perse sur des tribus kurdes et arabes, et celle avec les Indes du Raj britannique, et donc l’Afghanistan et le Pakistan actuels, fut fixée par le colonisateur britannique en 1872. Or, les minorités et/ou groupes « ethniques » d’Iran semblent aujourd’hui revendiquer de plus en plus la reconnaissance de leurs droits culturels et une plus grande autonomie régionale. Depuis peu, ces revendications sont devenues plus virulentes sans être nécessairement violentes. Autrement dit, l’Iran connaît de sérieuses difficultés avec ses minorités « ethniques », qui se mobilisent de plus en plus violemment contre le pouvoir central. C’est le cas des Baloutches à l’Est avec l’émergence depuis 2005 d’un mouvement de guérilla dénommé le Joundallah (« Soldats d’Allah »), lequel a commis un certain nombre d’attentats contre les forces de sécurité iraniennes depuis le milieu des années 2000. C’est le cas également au Nord-Ouest du pays avec le renouveau d’un certain nationalisme azéri et l’apparition d’un nouveau groupe de guérilla kurde appelé le PJAK (« Parti pour une Vie Libre au Kurdistan »), ainsi qu’au Sud-Ouest avec l’effervescence des Arabophones du Khouzestan.
Encadré. Congrès des nationalités iraniennes pour un Etat fédéral
L’Iran appartient à toute la population iranienne, autrement dit à toutes les nationalités qui composent ce pays. Malheureusement, ce droit est, jusqu’à présent, nié à la majorité de la population. Connaissant l’injustice et l’oppression nationale dont les nationalités de ce pays ont été et sont toujours victimes, nous nous inclinons devant les sacrifices et les souffrances consentis par les fils et filles de ce pays dans leur lutte pour la liberté et la justice. Nous savons tous que la légitimité de tout pouvoir doit provenir de la volonté du peuple et dans un pays multinational comme l’Iran, une telle légitimité doit être basée sur la volonté des diverses nationalités qui composent ce pays ainsi que sur le respect de leurs droits. Etant donné qu’il serait illusoire de parler de la liberté, de la paix et du progrès en Iran sans la participation effective de toutes ces nationalités, dans l’administration des affaires du pays ainsi que dans celles des affaires intérieures de leurs régions et sans la création des conditions d’égalité de chance, nous considérons que l’établissement d’un gouvernement fédéral basé sur les critères ethnico géographiques est le seul mécanisme politique durable qui puisse garantir l’aspiration légitime de ces nationalités quant à l’exercice du droit à l’autodétermination dans le cadre d’un Iran libre, uni et démocratique. Dès lors, nous, soussignés, organisations appartenant aux diverses nationalités iraniennes réunies le 20 février 2005 à Londres, proclamons avoir créé un collectif intitulé : « Congrès des Nationalités Iraniennes pour un Iran fédéral ». Dans le cadre de ce congrès, nous nous sommes entendus sur les principes suivants comme étant les bases d’une coopération et d’une activité communes :
. La République islamique d’Iran est un régime totalitaire, antidémocratique violant les libertés et les droits démocratique des peuples de ce pays. Aussi, le renversement de ce régime constitue une condition nécessaire à l’établissement d’un système fédéral démocratique en Iran.
. Tout en exprimant notre profonde conviction quant au droit indéniable des peuples à l’autodétermination, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des accords et conventions internationaux pertinents, nous déclarons solennellement que nous sommes pour un système fédéral en Iran basé sur les critères ethniques et géographiques.
. Séparation totale de l’État et de la religion.
. Supprimer toute sorte de discrimination entre les hommes et les femmes et assurer une parfaite égalité entre eux dans les domaines politique, social, économique et culturel.
. Garantir la liberté de pensée, d’expression et d’association et assurer la promotion de l’égalité des droits pour tous les citoyens devant les lois.
. Garantir la justice économique et sociale et œuvrer pour l’amélioration de la qualité de vie pour tous les citoyens.
. Etablir des relations pacifiques avec tous les pays, basées sur le respect mutuel et le respect des accords et conventions internationaux tout en défendant la résolution des problèmes par les voies pacifiques et en respectant le droit international.
. Combattre le terrorisme et les armes de destruction massive dans la région et œuvrer pour une coopération internationale dans ces domaines.
Nous appelons toutes les personnalités et organisations politiques qui optent pour les principes susmentionnés, de se joindre à ce Congrès pour lutter ensemble à la réalisation de ces objectifs.
Front Uni du Baloutchistan d’Iran - Parti du Peuple Baloutche- Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran - Parti de la Solidarité Démocratique d’Ahwaz - Mouvement Démocrate Fédéraliste d’Azerbaïdjan - Parti Komala du Kurdistan d’Iran - Organisation pour la Défense des Droits du peuple turkmène [22].
Comme le souligne Jean-Paul Burdy, « La discrimination à l’égard des minorités en Iran se manifeste, en réalité, à l’intersection du religieux et du politique : la Constitution de 1979 interdit l’accès aux plus hautes fonctions de l’Etat aux non-chiites ». De fait, la plupart des sunnites, par exemple, appartiennent aux minorités ethniques et/ou linguistiques (Kurdes, Arabes, Baloutches…). Or, si la quasi-totalité des Iraniens est aujourd’hui musulmane à 97 %, le reste est constitué de « minorités religieuses » (aghaliyat mazhabi en persan) non-musulmanes, mais néanmoins « monothéistes » - Zoroastriens [23], Chrétiens [24] et Juifs [25], et d’ailleurs représentées pour cette raison au Majlis Shorâ-ye islami (« Parlement ») en vertu de la Constitution (art. 13) [26] par cinq députés aux sièges réservés depuis la Révolution constitutionnelle de 1905, et exception faite des Bahaïs [27] jugés « hérétiques » et, à ce titre, systématiquement persécutés.
Sur ce total de 97 % de musulmans, on compte plus de 85 % de Chiites et seulement si l’on peut dire 12 % de Sunnites, les deux principales obédiences de l’islam, les 2 % à 3 % restants se partageant en une demi-douzaine de confessions diverses et variées et soumises à de sévères restrictions dans les premiers temps de la Révolution, dans la mesure où elles restent étroitement contrôlées par le Bureau des minorités religieuses.
Comme le souligne Pierre Emery, la religion ou plutôt l’appartenance confessionnelle constitue souvent « une clé de lecture au sentiment minoritaire en Iran ». Les quatre principales minorités des Azéris, Kurdes, Arabes, Baloutches éprouvent souvent une forme de « sentiment victimaire ». Cela s’est trouvé renforcé par le fait que « le régime iranien a en effet, dans les dernières années et surtout depuis 2005, adopté une attitude offensive vis-à-vis des revendications minoritaires ». On peut remarquer que « se superpose, excepté dans le cas azéri, au problème de la langue le cas de la religion. En effet, insistons sur le fait que les trois autres ethnies qui nous intéressent sont toutes majoritairement sunnites ». En s’appuyant sur Gilles Riaux, Pierre Emery relève : les sunnites « ne sont pas recensés officiellement car ils appartiennent à la communauté des croyants, qui n’est censée être qu’une. Néanmoins, on peut plus ou moins les identifier en considérant que les Turkmènes, les Baloutches sont sunnites comme la majorité des Kurdes, ainsi qu’une partie relativement importante des Arabes. La marginalité linguistique et spatiale des minorités kurdes, baloutches et arabes, appuyées par le fort sentiment d’appartenance dû à une organisation sociale tribale, est ainsi renforcée par la discrimination religieuse institutionnalisée par le régime.
A ces minorités s’ajoutent des groupes plus isolés qui peuvent également être sunnites. Au total, les sunnites représentent sans doute au moins 15 % de la population iranienne. Sous la République islamique, ils ont vu la marginalisation dont ils faisaient l’objet s’institutionnaliser. Jadis fondée sur le sous-développement de leurs provinces, l’inégalité s’établit désormais sur des critères religieux ». A l’époque du Chah, le sunnisme était reconnu, et son développement encadré mais largement autorisé. Mais depuis la Révolution islamique, les Sunnites ne bénéficient plus d’aucun type de reconnaissance, et ne disposent d’aucun accès à la politique.
Les lieux de culte sunnites sont formellement interdits, tout comme l’accès à l’ensemble des emplois publics ou gouvernementaux. Les membres de la minorité musulmane sunnite, vivant principalement dans des zones sous-développées, ont tendance à faire l’objet de discriminations sur leur lieu de travail et à être sous-représentés politiquement. Environ 120 sunnites sont emprisonnés pour leurs croyances et leurs activités religieuses. En août 2016, 22 sunnites, dont le religieux Shahram Ahmadi, ont été exécutés pour « inimitié envers Dieu ». Une fausse confession a été extorquée à Ahmadi, arrêté en 2009 et inculpé sans preuve d’atteintes à la sécurité. L’accusation « d’inimitié envers Dieu » (moharebeh) a été utilisée contre d’autres musulmans sunnites qui ont également été condamnés à mort après des procès inéquitables. Selon les groupes de défense des droits de l’homme, la détention et le harcèlement des sunnites se sont intensifiés à la suite des attentats de juin 2017 commis à Téhéran par l’Etat islamique/Daech. En outre, malgré des demandes répétées d’autorisation de construction d’une mosquée officielle à Téhéran, les autorités iraniennes ont opposé un refus, forçant ainsi les sunnites à prier dans de plus petites salles de prière. L’éminent chef sunnite Molavi Abdul Hamid et le chef suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, ont publiquement échangé des lettres en août et septembre 2017 à propos de la discrimination anti-sunnite au travail et dans la construction des mosquées. L’ayatollah Khamenei a écrit qu’« aucune forme de discrimination ou d’inégalité, de la part des institutions de la République islamique, n’est permise sur une base raciale, ethnique ou religieuse » [28]. Cependant, cela est loin d’être le cas. De fait, depuis 1993, l’appartenance religieuse apparaît sur les cartes d’identité. A affaires égales, la législation pénale et le statut personnel privilégient les musulmans et les chiites parmi les musulmans puisque l’islam chiite djafarite (en fait duodécimain, i.e. reconnaissant la lignée de douze imams, ce qui n’est pas forcément le cas de tous les Chiites) est religion d’Etat [29].
L’accès aux plus hautes fonctions de l’Etat est interdit aux non-chiites. Sont donc concernés les quelque 15 % de sunnites, les minorités monothéistes non musulmanes reconnues (zoroastriens, juifs, chrétiens – qui disposent donc d’une représentation parlementaire assurée), et les autres minorités religieuses non reconnues (yézidis, bahaïs, etc.). Or, la plupart des sunnites se trouvent appartenir aux minorités ethniques et/ou linguistiques (Kurdes, Arabes, Baloutches…).
Les régions du Sud-Est de l’Iran (provinces du Sistan-Baloutchistan, du Khorassan et du Golestan) peuplées de Baloutches - une ethnie de 5 millions de personnes à cheval sur le Pakistan, l’Afghanistan et l’Iran (qui compte, à lui seul, environ 2,5 millions d’habitants, soit près de 2 % à 3 % des quelque 80 millions d’Iraniens) [30] - sont en état d’agitation permanente et le moindre incident est susceptible de déboucher sur des affrontements entre des populations traditionnellement rétives au pouvoir central et les forces de l’ordre. C’est en particulier le cas de cette Ostan (« province ») du Sistan-Baloutchistan qui, avec une superficie de près de 190 000 kilomètres carrés, constitue la troisième province la plus étendue d’Iran. Elle compte 1 700 kilomètres de frontières communes avec le Pakistan et l’Afghanistan et dispose d’un littoral de près de 300 kilomètres sur le Golfe d’Oman. Dans le Sistan, 63% des habitants sont des Baloutches qui sont majoritairement musulmans sunnites, contrairement aux Iraniens du Sistan qui sont des adeptes du chiisme. Les Baloutches sont très nombreux à Zahedan, capitale de la province du Sistan-Baloutchistan. Après celle-ci, la ville la plus vaste de la province, Zabol, est la ville la plus peuplée par les habitants baloutches. La ville de Jask, avec 80 000 d’habitants est située dans le voisinage de la province d’Hormozgân et abrite également de nombreux Baloutches [31].
Il faut rappeler que le Baloutchistan iranien - le nom de Baloutchistan signifiant en Persan « Terre des Baloutches » - ne passa sous le contrôle théorique de Téhéran qu’en 1928 même si le territoire des Baloutches a toujours été peu ou prou intégré à l’espace géopolitique iranien et posé la question de ses frontières orientales [32]. Voire. En réalité, la question « nationale » du « Baloutchistan iranien » remonte au XIXème siècle avec la problématique de la sécurisation des frontières du Raj britannique.
Au cours du XIXème siècle, plusieurs révoltes baloutches se produisirent contre l’ordre perse et la soumission par la force de cette région réalisée par Mohammad Reza Shah Pahlavi. La répression ne fit pas disparaître les aspirations baloutches qui connurent de brefs mouvements d’agitation encouragés à partir des années 1960 par les pays arabes en général et l’Irak « baathiste » en particulier. Ce soutien se poursuivit au cours des années 1970.
Mais après la chute du Shah Pahlavi en 1979, une Organisation démocratique du peuple du Baloutchistan/Balochistan People’s Democratic Organisation apparut, avant de se diviser en plusieurs tendances, fin 1979, sur les attendus de la Révolution islamique. Dans le même temps, un néo-BRZ refit parler de lui sous le nom de Balochistan-e-Raji Zrombesh (BRZ)/Balochistan National Movement. La tension ne date donc pas d’aujourd’hui et a parfois été instrumentalisée par nombre d’acteurs extérieurs et/ou intérieurs. Le gouvernement central accuse régulièrement des organisations baloutches armées, comme le Front du Baloutchistan Uni/Baluchistan United Front, de verser à la fois dans le banditisme et le terrorisme.
Il existe de fait une opposition baloutche armée mais cette dernière est loin d’être homogène dans la mesure où elle s’articule le plus souvent sur des solidarités et des allégeances tribales, voire « claniques ». Des groupes comme l’Organisation démocratique du peuple du Baloutchistan ou encore le Conseil national baloutche (fondé en octobre 1994) prônent l’autonomisme, lequel a trouvé une nouvelle expression politique avec la création, le 21 septembre 2003, d’un Parti du peuple baloutche/Balochistan People’s Party (BPP), alors que le Front du Baloutchistan Uni/Balochistan United Front-Iran (BUF), issu la même année de divergences au sein de la mouvance nationaliste baloutche et basé à Londres, se présente ouvertement comme une formation indépendantiste, à l’instar de l’Armée de Libération du Baloutchistan (ALB)/Bal uchistan Liberation Army (BLA) qui prône ouvertement un État indépendant du Baloutchistan regroupant le Baloutchistan d’Iran et le Baloutchistan pakistanais.
Le renouveau d’une forme de lutte s’est manifesté à partir des années 2000 avec l’émergence médiatique d’un nouveau groupe sunnite armé, le Jundallah (« Les soldats d’Allah ») qui multiplia les attentats à partir du milieu de l’année 2005.
Le Jundallah s’est aussi fait appeler le « Mouvement de résistance du peuple iranien » (PRMI) pour tenter de ne pas apparaître comme une organisation soutenant un programme sectaire extrémiste comme sa dénomination pouvait le laisser croire [33]. Il s’agissait à l’origine de lutter pour les droits d’une minorité se sentant discriminée en Iran. Mais progressivement, le mouvement allait se définir comme un mouvement luttant pour la défense des musulmans sunnites en Iran. Et une rhétorique de plus en plus imprégnée de sectarisme contre l’islam chiite avec le recours à des attentats-suicide allait conduire à s’interroger sur une influence latente des idéologiques radicales islamistes au sein du mouvement.
Au printemps 2006, le groupe revendiqua une mystérieuse « opération Zabol » lors de laquelle une trentaine de hauts responsables de la région avaient été tués dans une embuscade tendue dans les premières heures du 17 mars 2006 entre la ville frontalière de Zabol, le centre agricole de la région, et Zahedan, le chef-lieu de la province du Sistan-Baloutchistan. Le chef de ce groupe apparut pour la première fois, le 11 avril 2006, dans une vidéo montrant un homme se présentant comme Abdol-Malek Rigi [34].
Les autorités iraniennes avaient multiplié, à partir de fin 2006, les exécutions dans cette province, ce qu’un grand nombre de Baloutches avait considéré comme une vengeance à la série d’attaques menées contre des hauts responsables de la sécurité et du gouvernement. Il est intéressant de relever la détermination dans la stratégie développée de la part des autorités iraniennes, laquelle est marquée par une constante, que l’on retrouvera dans d’autres régions d’Iran, et qui consiste à « criminaliser » les activistes dont la qualification contre-révolutionnaire - paradoxale de la part du régime iranien instauré par la Révolution de 1979 -, renvoie à celle d’« ennemi intérieur » qu’il s’agit d’annihiler purement et simplement. Cette sévère répression n’avait pas empêché les attentats de se poursuivre. Le contexte régional confère à ces territoires peuplés de Baloutches une situation plus stratégique que jamais que la République islamique ne peut se permettre de négliger [35], surtout si l’on a à l’esprit le syndrome obsidional de Téhéran et sa crainte de voir éventuellement instrumentalisée, depuis l’extérieur, la question « ethno-confessionnelle ». Une crainte confirmée par un nouvel attentat à la voiture piégée commis le 14 février 2007, contre un bus des Pasdarans dans le Sistan-Balouchistan qui fit encore 13 morts et 29 blessés.
Le 29 décembre 2008, à l’aube, Abdol-Ghafour Rigi, l’un des frères du chef du mouvement, fonçait avec un camion chargé d’une tonne de C4 vers les grilles d’accès de la caserne où se trouvait le centre du commandement commun de l’ensemble des forces armées basées à Saravan, dans la région du Sistan-Baloutchistan. Selon le communiqué du mouvement publié quelques minutes plus tard, le shahid Abdol-Ghafour aurait alors réussi à détruire tous les bâtiments du commandement central, tuant un nombre important d’officiers des Pasdarans, parmi lesquels se seraient trouvés les commandants des garde-frontières. Un bilan officieux fit état de quelque 150 victimes. On peut relever que l’attaque, qualifiée d’« offrande » au clan des Rigi, n’était cependant pas signée du nom de Jundallah, mais du nom plus « patriotique » des « Combattants iraniens, section de Baloutchistan ». Il s’agit à ce jour du plus grand attentat jamais perpétré contre les Pasdarans en Iran. Mais c’était surtout - fait significatif et inquiétant s’il en est pour Téhéran -, le premier attentat-suicide de la part du Jundallah [36] et le premier de ce type dans l’histoire de l’Iran, une logique jusque-là étrangère à la culture baloutche [37].
Quelques mois plus tard, le 25 mai 2009, un autre attentat meurtrier contre la mosquée Amir al-Momenin - le second lieu de culte chiite de la ville de Zahedan, dans laquelle de nombreux fidèles étaient venus participer à la cérémonie religieuse marquant l’anniversaire de la mort de Fatima Zahra, fille du prophète Mahomet et épouse d’Ali -, devait encore faire vingt-cinq morts et quelque cent quarante blessés. L’attentat avait été très rapidement condamné par l’autorité sunnite de la région, Mowlana Abdul-Hamid Esmaïl-Zehi, l’imam attitré de la prière, ce qui n’empêcha pas un certain Abdolraouf Rigi, se présentant comme le porte-parole du Jundallah, de préciser que l’attentat constituait la réponse à l’exécution de plusieurs religieux sunnites les années précédentes [38]. Pour marquer son autorité, le régime des mollahs avait pendu pour l’exemple treize membres du Jundallah, le 14 juillet 2009, reconnus coupables de l’attentat du 25 mai 2009 contre la mosquée chiite de Zahedan. Les rebelles avaient été qualifiés de mohareb (« en guerre contre Dieu ») et « corrupteurs sur Terre » par la justice iranienne.
C’est en tout cas dans ce contexte de déstabilisation interne affichée par le Joundallah qu’était encore survenu le spectaculaire attentat, perpétré le 18 octobre 2009 [39], dans la ville de Pishin, lequel attentat devait faire au moins cinquante-sept morts et quelque cent cinquante blessés. Il s’agissait là encore d’un attentat-suicide. Le kamikaze aurait fait partie d’un groupe d’artisans locaux avec lesquels une délégation de haut rang des gardiens de la Révolution était venue s’entretenir, en marge d’une conférence avec des dirigeants tribaux à Sarbaz destinée à « renforcer l’unité entre chiites et sunnites ». Il aurait déclenché les explosifs qu’il portait autour de son corps, tuant notamment le numéro deux des forces terrestres des Pasdarans, le général Nourali Shoustari qui se trouvait être également responsable de la force d’élite Al Qods chargée des opérations à l’étranger.
L’arrestation spectaculaire et mystérieuse dans ses modalités du chef du Jundallah, Abdolmalek Rigi, le 23 février 2010, officiellement intercepté sur un vol long-courrier reliant Dubaï (Emirats Arabes Unis) à Bichkek, devait offrir l’opportunité au régime iranien de conforter ses accusations récurrentes de soutien de services étrangers au Jundallah. Abdolmalek Rigi, avait été jugé le 27 mai 2010 dans une des sections du tribunal révolutionnaire de Téhéran, condamné à mort et pendu le 20 juin 2010. Les autorités avaient décidé de juger Abdolmalek Righi à Téhéran et non dans la province de Sistan-Balouchistan, fait significatif s’il en est des inquiétudes que la sentence était susceptible de provoquer sur place.
Si la mort de Rigi a porté un coup considérable au Jundallah à partir de 2011, cela ne signifie pas que ce dernier ait totalement disparu de la scène iranienne. Il se serait même doté d’un nouveau chef en la personne d’un certain Muhammad Dhahir Baluch [40]. Le Jundallah avait ainsi revendiqué deux attentats-suicides perpétrés, le 15 juillet 2010, contre la grande mosquée de Zahedan, qui avait fait plus de 30 morts et plus de 250 blessés, une opération qui constituait une vengeance déclarée pour la capture et l’exécution d’Abdolamek Rigi [41]. Et le 15 décembre 2010, au moins 39 personnes avaient été tuées et plus de quatre-vingt blessées dans un attentat-suicide près d’une mosquée chiite de Chabahar, au l’extrême Sud-Est de l’Iran, lors des célébrations de deuil chiite de l’Achoura.
Aucun incident armé majeur n’avait ensuite plus été signalé dans la région jusqu’au 19 octobre 2012, lorsqu’un nouvel attentat-suicide contre une mosquée chiite avait fait au moins deux morts à Chabahar, un attentat attribué à un autre groupe séparatiste baloutche, le Harakat al-Ansar Iran (HAI), lequel alla jusqu’à se référer à Abdolmalek Rigi comme à son « émir spirituel » (commandant) [42]. Tout comme le Harakat al-Ansar Iran (HAI), un autre groupe a fait parler de lui à partir de début 2013. Il s’agit du Jaish ul-Adl (« Armée de la justice ») [43]. Ce mouvement armé se serait formé après l’exécution de Rigi et la fragmentation du Jundallah qui s’en était suivie, et compterait un certain nombre d’anciens membres du Jundallah dans ses rangs.
Le Jaish ul-Adl (« Armée de la justice ») [44] aurait été fondé en 2012 par d’anciens membres du Jundallah (« Soldats d’Allah ») dont le chef avait été exécuté par Téhéran et s’était fait connaître officiellement à partir de 2013. Il serait dirigé par un certain Abdulrahim Mulazadeh, qui utilise le pseudonyme de Salahuddin Farooqui et un certain Mullah Omar (sans lien avec le Mollah Omar d’Afghanistan) [45].
Le 6 janvier 2013, Jaish ul-Adl (JUA) avait tendu une embuscade aux forces de sécurité iraniennes, embuscade qui avait coûté la vie à un officier Basij. Ladite embuscade aurait été l’œuvre d’un « Bataillon du martyr, le movlavi Mollazadeh », lequel fut un important leader baloutche [46]. Lors de sa première attaque majeure, la JUA tua 14 gardes-frontières iraniens le 25 octobre 2013. Téhéran avait alors exercé des représailles en exécutant 16 condamnés baloutches qualifiés de « bandits ». C’est d’ailleurs en réponse à cette pendaison des activistes sunnites que le procureur, Mousa Nouri Galehno, avait été tué avec son chauffeur, dans la ville de Zabol, le 5 novembre 2013. Par ailleurs, les forces iraniennes avaient également lancé, en décembre 2013, des frappes de missiles visant les activistes de la JUA réfugiés au Pakistan. Outre la quinzaine de tués dans l’attaque d’octobre 2013, trois militaires avaient été pris en otage et emmenés de l’autre côté de la frontière au Pakistan, selon le vice-ministre iranien de l’Intérieur de l’époque, Ali Abdollahi qui avait demandé au gouvernement pakistanais de « prendre des mesures pour contrôler sérieusement sa frontière afin de lutter contre les groupes terroristes ». Téhéran apparaît plus déterminé que jamais à éliminer Jaish ul-Adl (« L’Armée de la Justice ») avec ou sans la coopération d’Islamabad. « Si le gouvernement central pakistanais n’a pas la capacité de le faire, l’Iran est prêt à intervenir pour éliminer le groupuscule du Jaish ul-Adl » avait ainsi averti Esmaïl Kossari, membre de la puissante commission pour la sécurité nationale et la politique étrangère du Majlis à Téhéran. « Nous ne pouvons rester les bras croisés pour voir ces groupuscules entrer, via la frontière pakistanaise, en territoire iranien », avait-il précisé. Avant d’ajouter : « La République islamique d’Iran a payé cher pour assurer la sécurité de ses frontières. Il incombe donc à la partie pakistanaise de prendre les mesures qui s’imposent aux frontières entre le Pakistan et l’Iran ». Pour conclure que « pour que ses relations avec l’Iran se maintiennent, le gouvernement central pakistanais doit purger ces groupuscules » [47]. Le ministre de l’Intérieur Abdul Reza Rahmani-Razil était même allé jusqu’à exprimer sa colère en formulant une menace explicite : « Si le Pakistan ne prend pas les mesures nécessaires pour combattre les groupes terroristes, nous ferons entrer nos forces sur le sol pakistanais. Nous n’attendrons pas » [48].
Les incidents armés avec ce groupe s’étaient multipliés en 2014. Alors que quatre membres des forces de l’ordre iraniennes avaient déjà été tués depuis début octobre 2014 dans des attaques menées par des rebelles armés dans la province, deux gardes-frontières iraniens ainsi qu’un officier paramilitaire pakistanais avaient encore été tués le 16 octobre 2014 lors d’un incident à la frontière, selon des sources au Pakistan et en Iran. C’est dire si cette région demeure éminemment sensible géopolitiquement parlant.
Le groupe avait encore tué huit garde-frontières iraniens le 8 avril 2015, dans les districts de Gwadar et Kich, près de la zone frontalière avec le Pakistan. Il s’agissait du deuxième affrontement le plus meurtrier depuis celui d’octobre 2013 à Saravan, qui avait coûté la vie à 14 garde-frontières iraniens, avant une nouvelle attaque meurtrière à Mirjaveh, le 26 avril 2017, qui tua dix garde-frontières iraniens. Mais c’est surtout en 2018 que ce type d’attaques s’est multiplié avec une nouveauté, dans la nuit du 15 au 16 octobre 2018, à savoir l’enlèvement au niveau de Mirjavh d’une douzaine de garde-frontières iraniens et leur transfert au Baloutchistan pakistanais. Le général de brigade Mohammad Pakpour, commandant de la force terrestre du corps des Pasdarans, n’avait pas manqué de demander au gouvernement pakistanais d’agir pour sécuriser ses frontières et son aide pour retrouver les soldats enlevés. Cet enlèvement était peut-être une manière de montrer que le mouvement continuait d’être actif en dépit de l’élimination, le 28 septembre précédent, du n°2 du JUA, Mullah Hashem, lors d’une opération militaire à proximité d’un poste frontalier situé dans la région de Saravan, au Sud-Est de l’Iran. Cinq garde-frontières devaient être libérés le 4 novembre 2018 avec l’aide de l’armée pakistanaise.
Un attentat terroriste revendiqué par le Jaish ul-Adl avait visé, le 2 février 2019, un poste militaire les Bassijis à Nik-Chahr, dans une ville de la province frontalière du Sistan-et-Baloutchistan faisant un mort et cinq blessés. Mais, un attentat plus meurtrier encore avait fait 27 morts et 13 blessés le 13 février 2019 dans un attentat-suicide contre un bus des gardiens de la révolution, l’armée d’élite du régime en Iran. Une attaque, rapidement revendiquée par le groupe djihadiste Jaich ul-Adl, avait eu lieu sur la route entre les localités de Khash et Zahedan, dans la province du Sistan-Balouchistan, dans le Sud du pays. Elle est l’une des plus meurtrières contre le corps des Gardiens de la Révolution créé en 1979 dans le but de protéger la Révolution islamique iranienne des menaces étrangères et intérieures. L’attentat-suicide aurait été commis par un Pakistanais dénommé Hafez Mohammad-Ali avait déclaré le général Mohammad Pakpour, commandant de la force terrestre des Gardiens, en marge d’une cérémonie à Téhéran en hommage aux victimes de l’attaque. Les Pasdarans avait annoncé avoir arrêté trois « terroristes », accusés d’être impliqués dans l’attentat et d’avoir « fabriqué, guidé et assisté » le véhicule utilisé. L’équipe à l’origine de l’attentat-suicide avait prévu un attentat-suicide le jour du 40ème anniversaire de la Révolution islamique, célébré le 11 février 2019, mais les forces de sécurité seraient parvenu à l’empêcher.
Mohamed Ali Jafari, le commandant du corps des Gardiens de la révolution (entre septembre 2007 et avril 2019), avait appelé le 16 février 2019 Islamabad à assumer ses responsabilités dans les efforts de lutte contre le terrorisme et à assurer la sécurité de ses frontières communes avec l’Iran. Il avait, en ce sens, déclaré que « les terroristes responsables de cet acte bénéficient de la protection des forces pakistanaises ». L’Iran ripostera, selon le général Jafari, à ces mercenaires aux mains d’appareils de renseignement régionaux et internationaux. Mohamed Jafari avait également affirmé que l’Etat iranien disposait du droit de répondre à toute menace visant ses frontières. Le commandant des Gardiens de la révolution s’était ouvertement adressé à l’Arabie saoudite en lui promettant un traitement particulier pour ses supposées entreprises de déstabilisation.
Mais le Jaich ul-Adl n’est pas le seul groupe à opérer dans cette région et à commettre des attentats. Un autre attentat particulièrement meurtrier avait été perpétré à la fin de l’année 2018. Une bombe avait en effet explosé, le 6 décembre, à Chabahar, une ville portuaire dans le Sud-Est de l’Iran, près d’un commissariat de police, faisant au moins quatre morts dont deux policiers selon des informations non officielles, et 48 blessés. Selon les premières informations, un kamikaze aurait actionné sa bombe alors qu’il venait d’être arrêté devant le siège de la police. Par la suite, on a appris qu’un groupe d’hommes armé avait attaqué le poste de commandement de la police. Chabahar est un port de l’Océan Indien, situé à une centaine de kilomètres à l’Ouest de la frontière entre l’Iran et le Pakistan, dans la province à majorité sunnite du Sistan-Baloutchistan, de longue date en proie à des troubles liés au trafic de drogue et aux tensions séparatistes.
D’après l’agence de presse officielle IRNA et la société privée de surveillance et de renseignement SITE, l’attaque menée par un certain Abdullah Aziz aurait été revendiquée par Ansar al Furqan [49], un groupe islamiste sunnite baloutche qui aurait peut-être voulu venger la mort de son chef, Molavi Jalil Qanbar-Zehi, tué, en juin 2017, par les forces de sécurité iraniennes. Le 9 décembre suivant, le chef de la police iranienne, Hossein Ashtari annonçait que les forces iraniennes de sécurité avaient arrêté dix personnes soupçonnées de lien avec l’attentat-suicide à la voiture piégée, ajoutant que d’autres suspects avaient été identifiés et qu’ils étaient activement recherchés.
Le groupe Ansar al-Furqan (« Les partisans du Critère [50] ») est un groupe sunnite séparatiste baloutche considéré comme terroriste par Téhéran. Il est d’origine relativement récente puisqu’il est officiellement apparu le 7 décembre 2013, après la fusion de deux groupes préexistants qui étaient le Harakat-e Ansar-e Iran/HAI (« Mouvement des Partisans en Iran ») qui se serait formé fin 2011 [51] et devenu actif début 2012 [52] et le groupuscule Hizbul Furqan (« Parti du critère) [53].
Le groupe insurgé sunnite baloutche Harakat e-Ansar e-Iran (HAI) avait salué la fusion avec un autre groupe sunnite local, Hizbul-Furqan (HUF), comme un geste destiné à renforcer son combat contre les autorités de Téhéran [54]. Un compte Twitter associé au groupe, probablement dirigé par des activistes du groupe de médias Al Farooq en dehors de l’Iran, avait déclaré que la fusion renforcerait le « front de HAI contre les Safavides » [55]- un terme que les djihadistes sunnites utilisent pour stigmatiser les Perses chiites -, en faisant référence à la dynastie au pouvoir en Perse qui régna sur la Perse de 1501 à 1736 et qui avait fait du chiisme une religion d’Etat [56].
Le groupe Harakat al-Ansar Iran a mené ces dernières années un certain nombre d’attaques contre les forces de sécurité iraniennes dans le Sistan-Baluchistan, dont la plus importante fut un attentat-suicide, déjà dans la ville portuaire de Chabahar, le 19 octobre 2012. Il s’agissait du premier attentat-suicide depuis celui commis le 15 décembre 2010 par le Jundallah dans la même mosquée, lequel avait fait au moins 40 morts. HAI avait à l’époque déclaré que l’attentat à la bombe, baptisé « Opération Ra’ad » (« Tonnerre ») [57] avait visé les membres du corps des Pasdarans (« gardiens de la révolution ») et des basijs (« Volontaires ») des brigades Qods Karman et Sepah Salman Zahedan-21 [58]. Le kamikaze [59] , qui visait apparemment la mosquée Imam Hussein de la ville, avait fait exploser son gilet chargé d’explosifs à l’extérieur de la mosquée après que les forces de sécurité iraniennes lui eurent refusé l’entrée dans les lieux. L’attaque avait causé la mort de deux officiers Basijis et de nombreux civils avaient été blessés. HAI avait ensuite revendiqué la responsabilité d’une série d’attaques, notamment des embuscades armées, la pose d’engins explosifs improvisés (IED) et d’engins explosifs improvisés véhiculés (VBIED) contre les forces de sécurité iraniennes [60].
Concernant la décision de fusionner avec Hizbul-Furqan (HUF), cette dernière était intervenue au moment où les activités d’HAI diminuaient probablement en raison des arrestations de nombre de ses activistes par les forces de sécurité iraniennes et alors qu’un autre groupe séparatiste extrémiste sunnite baloutche, le Jaish ul-Adl (« Armée de la justice »), héritier putatif du Jundallah, avait multiplié les attaques visant le corps des Pasdarans sur la frontière irano-pakistanaise [61].
Et pour en revenir au Harakat-e Ansar-e Iran, même avant la fusion susmentionnée, HAI avait opté pour un nouveau nom, le Harakat al-Ansar en arabe plutôt qu’en persan, éliminant totalement la référence à l’Iran. Le drapeau du groupe initial était devenu un drapeau djihadiste noir et blanc [62].
Il est à noter que ces symboles reflètent des symboles liés au mouvement djihadiste transnational, plutôt que la cause « ethno-confessionnelle » locale de HAI dans le Sistan-Baluchistan, même si cette dernière n’est évidemment pas absente. Le nouveau nom et la nouvelle bannière reflétaient une tendance significative dans les mouvements d’insurgés sunnites baloutches du Sistan-Baluchistan. Bien que HAI soit demeuré un groupe local avec ses revendications « ethno-confessionnelles », sa cause a été d’une certaine manière cooptée par les partisans du djihad transnational et le groupe avait ainsi transféré ses activités médiatiques à une organisation extérieure, Al Farooq Media. Alors que HAI avait initialement écrit ses messages en persan et abordé des questions locales, Al Farooq s’était mis à diffuser des messages principalement en arabe [63].
Pour sa part, le Hizbul-Furqan (HUF) est un groupuscule qui aurait été fondé en 1978 [64] selon un site des Pasdarans, lequel avait initialement adopté une bannière comprenant les couleurs du drapeau iranien. Mais le groupuscule avait publié un message sur son blog principal, écrit en arabe plutôt qu’en persan, pour annoncer la fusion avec HAI. Le message expliquait cette fusion pour des motifs locaux mais aussi dans une perspective djihadiste : sous la bannière de « il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et Muhammad est le Messager d’Allah » et du djihad pour renverser le régime iranien, défendre la parole de Dieu, lutter contre l’injustice, soutenir les opprimés et établir la loi d’Allah, et mener la guerre sainte pour servir de base au rétablissement du Califat ». Bien que cette proclamation en arabe visât spécifiquement un public situé en dehors du Sistan-Baluchistan, les principaux messages de HUF étaient néanmoins effectués en persan et destinés à un public national. Un billet du blog en persan plaçait ainsi la lutte sunnite en Iran dans un contexte plus large avec des citations du Coran et indiquait que l’Ayatollah Khomeyni et avait déformé l’islam et créé une dictature [65].
La centralité d’une forme d’islamisme radical dans ces nouveaux mouvements baloutches semble de plus en plus marquée. La rhétorique et le discours de ces groupes sont pleins de slogans anti-chiites. Le HAI et le JAA se réfèrent souvent à la République islamique en tant que régime des « Safavid » et stigmatisent les chiites en les qualifiant de rawafidh [66]. L’activisme armé baloutche, à caractère essentiellement « ethnique » à l’origine, paraît s’articuler aujourd’hui à des logiques plus djihadistes [67] et rendre possible une certaine porosité des groupes armés entre eux par-delà leur région d’enracinement, voire la possibilité de soutiens étrangers [68].
De fait, le groupe nouvellement fusionné Ansar Al-Furqan avait étrangement revendiqué le 30 décembre 2017, dans le contexte des troubles de décembre 2017-janvier 2018, des attentats à la bombe sur des pipelines de la région d’Ahwaz, dans la province arabophone du Khouzistan, soit à l’extrême opposé géographique du pays. Ansar al Furqan avait à cette occasion déclaré qu’« un important oléoduc [avait] été détruit dans la région d’Omidiyeh occupée d’Ahvaz, en Iran ». Le groupe avait ajouté qu’il avait mis sur pied une nouvelle unité, la « Brigade des martyrs d’Ahwaz » [69]. Or, c’est dans cette région occidentale de l’Iran que s’était par la suite produit un attentat d’envergure en septembre 2018.
Début 2019, les Gardiens de la révolution (Pasdarans) avaient été spécifiquement visés par un attentat sanglant. En effet, le 14 février 2019, une attaque à la voiture piégée a ciblé un bus des Gardiens de la Révolution, toujours dans la province du Sistan-Balouchistan, dans le sud-est du pays. Elle était l’une des plus meurtrières contre cette armée idéologique du régime créée en 1979 - parallèlement à Artesh, l’armée régulière en laquelle le régime n’a jamais rélelment eu confiance depuis la chute du Shah en 1979 - dans le but déclaré de protéger la Révolution islamique iranienne des menaces à la fois étrangères et intérieures. Le président iranien de l’époque, Hassan Rohani, avait promis dès le lendemain de sévir contre le « groupe mercenaire » qui avait tué 27 membres de ce Corps des Gardiens de la révolution et en avait blessé 13 autres et il avait de nouveau accusé Israël et les Etats-Unis de soutenir le « terrorisme » en Iran à travers les groupes séparatistes présents sur son territoire. Le groupe djihadiste sunnite Jaich al-Adl (« Armée de la justice »), avait officiellement revendiqué l’attaque. « Nous ferons certainement payer à ce groupe mercenaire le prix pour le sang versé par nos martyrs », avait déclaré Hassan Rohani. « Les Etats-Unis, les sionistes [Israël, NDA] et certains pays pétroliers [de la région comme l’Arabie saoudite, NDA] qui [les] financent sont la racine principale du terrorisme dans la région », avait accusé Hassan Rohani. Il avait encore pressé les pays voisins [en l’occurrence le Paksitan, NDA] d’assumer « leurs responsabilités » et de ne pas permettre aux « terroristes » d’utiliser leur territoire pour préparer des attaques contre l’Iran. En ajoutant : « Si ces pays ne sont pas en mesure d’arrêter les terroristes nous nous réservons le droit d’agir ». La menace était à peine voilée et devait être confirmée un jour plus tard.
Les accrochages s’étaient multiplés en 2021, notamment le 24 juillet 2021 dans la région de Kash, zone frontalière du Sud-Est iranien, lors duquel quatre membres du Corps des Gardiens de la révolution avaient été tués par des « malfaiteurs ». Fin avril 2021, les Gardiens de la révolution avaient annoncé avoir tué dans une opération à la frontière trois « terroristes », sans plus de précisions. Une personne avait été tuée, le 21 mars 2021, dans un attentat à la bombe ayant fait aussi trois blessés au Sistan-Baloutchistan, selon l’agence officielle iranienne Irna. L’attentat, perpétré par « un groupe terroriste lié à l’arrogance mondiale » (istikbar-e-jahani) [les Etats-Unis et leurs alliés, dans la phraséologie officielle de la République islamique, NDA] avait eu lieu dans la ville de Saravan, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière pakistanaise. La bombe avait explosé sur une place, faisant un mort et trois blessés. L’attentat, commis le premier jour de l’année [islamique] iranienne 1400, survenait environ un mois après des heurts meurtriers au Sistan-Baloutchistan. En effet, deux personnes, parmi lesquelles un policier, à Saravan, avaient été tuées, le 22 février 2021, dans des violences liées à des trafics récurrents de carburant - subventionné en Iran - vers le Pakistan voisin avec lequel les relations sont souvent tendues. Dernier accrochage en date du 19 décembre 2022, quatre membres des forces de sécurité iraninenns ont été tués dans une attaque dans le Sistan-Balouchistan touchée de manière récurrente par des épisodes de violence qualifiés d’attaqes terroristes. « Lors d’un acte terroriste, quatre membres des forces de sécurité des Gardiens de la révolution sont tombés en martyrs » dans la région de Saravan, selon la rhétorique habituelle de la presse officielle iranienne.
La province du Khouzistan, région du Sud-Ouest de l’Iran située entre le Golfe persique, le Chatt al Arab de la Mésopotamie, les montagnes du Kurdistan iranien et les monts Bakhtiar de la chaîne du Zagros, a un long passé historique avec le site de Suse où le prophète biblique Daniel aurait vécu. Elle est aujourd’hui majoritairement peuplée d’Arabophones (estimés environ à deux millions et demi de personnes, soit près de 3 % des quelque 80 millions de la population totale et 25 % des habitants de ladite province, majoritairement des Arabes chiites (à 75 %), issus de tribus venues de la péninsule Arabique dès l’époque akkadienne ou qui se sont installées après l’islamisation de la Perse, et connaît une agitation récurrente. De ce fait, elle est parfois appélée « Arabistan », mais est qualifiée par les Arabophones de province d’Al-Ahwaz. L’empereur Reza Shah Pahlavi (1925-1941) rebaptisa l’« Arabistan » en Khouzistan (« pays des tours ») et « persianisa » les noms des villes : Muhammara devint Khorramshar dans la terminologie perse, Howasiya devint Dacht Michan et le nom d’Al-Ahwaz dut désormais s’écrire Ahvaz en le prononçant à la persane. Cela ne signifie pas pour autant que la langue arabe y soit proscrite. De fait, en vertu de la Constitution (art. 16) établie par la République islamique de 1979, étant donné que la langue du Coran est l’arabe et que la littérature persane s’en trouve profondément imprégnée [70], cette langue doit donc être enseignée scolairement [71]. Malgré la reconnaissance officielle de la langue arabe comme langue officielle - car sacrée - en Iran, il s’avère que les Arabes du Khouzistan ne peuvent bénéficier de l’enseignement de la langue arabe à l’école, ce qui explique d’ailleurs pour partie un taux d’échec scolaire record dans cette région, de l’ordre de 70 % [72].Et toute revendication d’une identité arabo-chiite au détriment de l’allégeance nationale iranienne - a fortiori aujourd’hui à proximité d’un Irak désormais dominé par la majorité arabo-chiite - demeure irrecevable pour le pouvoir iranien. Des révoltes éclatèrent dès 1925, puis de nouveau en 1928 et en 1940. Elles furent toutes réprimées dans le sang. Le fait est que sous la dynastie des Pahlavi se développa une forme de nationalisme « populaire » qui peut prendre une tonalité « ethnique » clairement anti-arabe. Comme le rappelle Reza Zia-Ebrahim, le nationalisme iranien s’est inspiré du nationalisme européen du XIXème siècle, aux relents parfois « racistes ». Ce phénomène explique la persistance d’un racisme anti-arabe chez certains Iraniens , jusque et y compris au sein de la République islamique [73].
Toujours est-il que c’est au cours des années 50-60 que des partis ouvertement indépendantistes virent le jour : ce fut d’abord en 1956 l’apparition du « Front de libération de l’Arabistan » (FLA) qui proclama que la région arabophone ne pouvait être libérée que par une « révolution totale » et que « la lutte armée est le seul moyen de mettre fin au pouvoir iranien en Arabistan ». Ce mouvement donna naissance en 1960 au National Front for the Liberation of Al Ahwaz (NFLA)/Front de libération de l’Arabistan et du Golfe arabe (FLAGA) qui réclamait le rattachement à l’Irak nationaliste et qui se transforma en 1967 en National Front for the Liberation of Al Ahwaz (NFLA)/Front national pour la libération d’Al-Ahwaz (FNLA), dont le nom a été modifié, le 7 février 1979, en Arab Revolution Movement for the Liberation of Al-Ahwaz (ARMLA), soit en Mouvement de la Révolution arabe pour la libération d’Al-Ahwaz (MRALA) dont l’emblème renvoie directement à celui de l’aigle baathiste irakien.
Au lendemain de la chute du Pahlavi Mohammed Reza Shah (1941 - 1979), le Khouzistan était rentré en lutte armée en avril 1979 pour obtenir son autonomie via l’Organisation politique et culturelle arabe. La même année Abdallah Salameh, Sécrétaire général du Mouvement de la Révolution arabe pour la libération d’Al-Ahwaz (MRALA), d’obédience nasséro-baathiste, affirma que les 2,5 millions d’Arabophones vivant au Khouzistan considéraient les Perses comme de simples « colons ». Il se déclara prêt à lutter contre tout successeur du Shah qui n’accorderait pas l’indépendance aux Arabes d’Iran. La région revendiquée s’étendait de la frontière irakienne au détroit d’Ormuz. Rien de moins. La situation de la minorité arabophone, de fait, ne s’améliora pas sous le nouveau régime de la République islamique. La presse en langue arabe demeura interdite dans la province. La contestation avait alors pris rapidement la forme d’actions terroristes visant notamment les installations pétrolières d’une région stratégique parce que recélant la majeure partie du pétrole iranien (la région fournit effectivement 80 % de la production iranienne). La vigueur de la répression armée menée par la République islamique fut à la mesure de l’inquiétude soulevée pour le pouvoir central. Pour ces raisons, prévaut généralement l’idée selon laquelle les Iraniens arabophones seraient des séparatistes déclarés, voire constitueraient une « cinquième colonne » potentielle. Or, la situation est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Quand Saddam Hussein a attaqué l’Iran le 22 septembre 1980, il comptait évidemment sur la sympathie de ces Iraniens arabophones vivant dans cet « Arabistan » dont il se prétendait le « libérateur » [74]. A Bagdad, des rumeurs circulaient sur la proclamation d’une République d’Arabistan. Mais une minorité seulement de ces Arabophones se tourna vers l’Irak. Contrairement à ce qu’avait pensé le dictateur irakien, l’écrasante majorité des Arabes iraniens du Khouzistan, essentiellement d’obédience chiite - on estime généralement la proposition Sunnites à 20 % des Arabophones de la province, ceci expliquant peut-être cela -, allaient défendre leur pays aussi vigoureusement que leurs frères persans, notamment parce qu’ils rejetaient l’idéologie du panarabisme annexée alors par le « baathisme » irakien. De rage, Saddam Hussein avait d’ailleurs durement châtié une communauté demeurée fidèle à l’Iran : ses troupes spéciales étaient allées jusqu’à torturer et assassiner nombre de femmes appartenant à cette communauté pour la terroriser. Prenant acte sans doute de cette réalité sous-estimée, lors du 11ème sommet arabe qui se tint à Amman en novembre 1980, Saddam Hussein finit par déclarer : « C’est au peuple de l’Arabistan, comme aux autres peuples de l’Iran, de décider de leur sort ». Et d’ajouter dans une interview accordée en janvier 1981 : « Si les circonstances donnent aux minorités iraniennes l’occasion de s’auto-gouverner, nous sommes d’accord » [75]. Son ministre des Affaires étrangères de l’époque, Tarek Aziz, sera moins elliptique que son mentor en précisant que « l’Irak est le soutien le plus ferme à leur cause ». [76]
La fin de la guerre Iran-Irak (1980-1988) sonna temporairement le glas des rêves d’indépendance des nationalistes d’Al-Ahwaz. Les plus impliqués se réfugièrent à Bassorah où ils restèrent jusqu’à l’invasion de 2003 qui renversa Saddam Hussein. Or, dans le prolongement du renversement de la dicature baathiste, un regain d’agitation toucha la province, surtout depuis le début de l’année 2005, et on ne peut exclure que cela fût en relation indirecte avec la situation prévalant en Irak.
Il y avait eu le précédent constitué par les émeutes qui s’étaient produites à Abadan et à Khorramshar en juillet et septembre 2000 à propos d’un problème d’eau potable mais aussi de conditions de vie déplorables en termes de logement et de subsistance. L’opinion locale avait alors reproché aux autorités de privilégier la construction de mosquées au détriment d’hôpitaux et d’écoles qui ne disposent pas des fonds de fonctionnement suffisants. Or le Khuzestan connaît le troisième taux de chômage le plus important en Iran. Alors que le pays avait d’ambitieux projets éducatifs pour son voisin, l’Irak (avec la construction envisagée de 3 000 écoles), l’illétrisme dans cette province iranienne reste très important alors qu’il a quasiment disparu dans le reste du pays. Cette région a en outre gardé des séquelles profondes de la guerre Iran-Irak, et sa reconstruction n’a jamais réellement été une priorité du pouvoir central. Et alors que le Khuzestan manque cruellement d’eau pour sa population et pour l’activité agricole, le pouvoir central n’en a pas moins poursuivi la politique du Shah de drainage vers d’autres régions. Or le sujet de l’eau est assez sensible pour pousser la population locale à critiquer ouvertement les autorités, et à manifester de manière récurrente.
De fait, en avril 2005, de nouvelles émeutes au Khouzistan devaient, selon les sources officielles, causer la mort d’une vingtaine de personnes et en blesser une centaine. En réalité, ce sont sans doute plusieurs dizaines de personnes qui auraient été tuées et plusieurs centaines d’autres blessées dans des affrontements qui avaient duré une semaine dans plusieurs villes du Khouzistan dont les communications avaient été coupées par les autorités. Dans le prolongement de ces émeutes, les autorités avaient procédé à l’arrestation préventive de près de 300 personnes. Amnesty International avait même fait état d’un certain nombre d’exécutions extra-judiciaires de la part des Gardiens de la révolution. Les troubles s’étaient produits dans le prolongement de la publication d’un document attribué à l’ancien chef du bureau présidentiel, le vice-president Muhammad Ali Abtahi, un document qui fut d’abord présenté comme officiel mais ensuite dénoncé par les autorités comme un « faux ». Ce document aurait concerné la politique supposée de Téhéran, accusée de chercher à modifier en profondeur la composition ethnique de la population du Khouzistan au profit des Persans délibérément privilégiés en termes d’emploi, et donc au détriment des Arabes [77]. Il avait évidemment attisé la colère des Arabophones dans la mesure où il laissait supposer l’existence d’un plan pour « iraniser » et/ou « désarabiser » la province. Une accusation formulée par Mansour Ahmad al-Ahwazi, le président du Popular Democratic Front for the Ahwazi Arab People/Jabhah al-Dimuqratiyah al-Sha’biyah li’l-Sha’b al-’Arabi al-Ahwazi)/Front démocratique populaire d’Ahwaz, lequel milite ouvertement pour un Khouzistan indépendant et dont l’emblème est un faucon rouge apposé sur une étoile à cinq branches verte.
Le 24 juillet 2005, encore à Ahvaz, la principale ville de Khouzistan, des affrontements violents avaient de nouveau éclaté entre des manifestants hostiles à la République islamique et les forces de l’ordre. Des slogans hostiles au pouvoir auraient été scandés, réclamant la fin de la « ségrégation ethnique ». Les policiers et agents des renseignements auraient alors procédé à de nombreuses arrestations, ce qui aurait poussé les manifestants à attaquer les véhicules de ces derniers et à libérer une partie des détenus emprisonnés. Les manifestants auraient monté des barricades dans plusieurs rues en brûlant des pneus. Plusieurs véhicules de police et des banques publiques auraient été incendiés. C’est à ce moment que les forces de sécurité auraient ouvert le feu sur la foule, faisant plusieurs blessés. Ahvaz avait dû être mise sous un couvre-feu partiel justifié par une multiplication des attentats.
Une série d’attentats à la bombe, imputés à la guérilla arabe du Khouzistan en partie regroupée dans le mouvement Nahda (« Renaissance ») avait eu lieu peu avant les élections présidenteilles iraniennes du 17 juin 2005. Politiquement incarné par le Parti Arabe de la Renaissance Ahwazie/Ahwazi Arab Renaissance Party/Hizb al-Nahda al-Arabi al-Ahwazi et créé avec le soutien initial de la Syrie baathiste et maintenant basé au Canada, ce mouvement dont le drapeau à trois bandes horizontales rouge, blanc, noire, porte l’inscription Allah Akhbar (« Dieu est grand ») représenterait formellement une coalition de plusieurs groupes séparatistes - parmi lesquels certains groupuscules comme le Mouvement de la nation arabe d’Al-Ahwaz-Jabhat Tahrir Ahwaz/Mouvement populaire arabe de l’Arabistan ou encore le Conseil révolutionnaire d’Al-Ahwaz/Ahwaz Revolutionary Council [78].
Une première attaque s’était produite le 8 juin. Elle avait visé les installations pétrochimiques de Karoun, à l’Est de la ville d’Ahwaz. Le 11 juin, le président sortant Mohammad Khatami s’était rendu en personne dans la région rebelle pour évaluer les dommages. Juste après son départ, la guérilla avait fait exploser quatre bombes - dont l’une au moins pourrait avoir été un attentat-suicide - visant pour la première explosion, la délégation locale de l’organisation du plan, pour la deuxième, le siège du gouverneur de la région (équivalent de la préfecture), pour la troisième, le bâtiment du ministère du Logement et pour la quatrième, la maison du directeur de la radio-télévision d’Etat à Ahvaz. Le bilan devait finalement s’élever à au moins huit morts et trente-cinq blessés.
Les premiers commentaires officiels parlaient d’actes dirigés contre « l’intégrité territoriale » de l’Iran, faisant référence à la diversité ethnique de la province et du pays. Le Front démocratique populaire d’Ahwaz avait, depuis Londres, immédiatement démenti toute responsabilité dans ces attentats et accusé le régime de Téhéran de les avoir organisés pour discréditer les revendications indépendantistes des Arabophones. Se démarquant délibérément du Front démocratique populaire d’Ahwaz, un « Mouvement de lutte armée des Arabes d’Ahwaz » avait revendiqué le 16 juin suivant dans une vidéo mise en ligne sur un site internet, la série d’attentats à la bombe perpétrés à Ahvaz. Le groupe, qui se faisait appeler Arab Front for the Liberation of Al-Ahwaz (AFLA)/Mouvement de lutte arabe pour la libération d’Ahwaz (MNLA), une des trois composantes de l’Ahwaz Liberation Organisation (ALO)/Mouvement de Libération d’Ahwaz (MLA) dont le bras armé est connu sous le nom de l’Ahwaz Popular Army (APA)/Armée populaire d’Ahwaz (APA), avait affirmé que l’un des attentats, montré dans la bande vidéo, avait été mené par une certaine « Brigade du martyr Moheddine Al-Nasser », du nom d’un membre du groupe, exécuté le 6 juin 1964 dans la ville. L’enquête des autorités avait par la suite conduit à l’arrestation de centaines de leaders tribaux de la communauté arabe du Khouzistan, relâchés peu après leur avoir donné plusieurs centaines de milliers de dollars contre leur engagement de renoncer à toute activité subversive anti-gouvernementale [79]. Cela ne devait manifestement pas suffire.
Le 3 septembre 2005, trois bombes détruisaient des oléoducs reliant Ahvaz à la raffinerie d’Abadan - celle qui fut la première raffinerie du monde au début du XXème siècle et qui demeure la principale raffinerie iranienne dotée d’une capacité de 450 000 b/j et représentant 30 % de la capacité totale de raffinage de l’Iran -, provoquant une interruption de l’approvisionnement de pétrole à partir de cinq puits.
Le 15 octobre 2005, deux bombes artisanales placées dans les poubelles d’un centre commercial du centre d’Ahvaz avaient encore fait six morts et quatre-vingt dix blessés. Les autorités avaient imputé les violences à des « groupes séparatistes » et laissé entendre que ceux-ci avaient pu recevoir un entraînement à l’étranger. Comme l’avait fait remarquer Nasser Bani Assad, le porte-parole de la British Ahwazi Friendship Society, un certain nombre de leaders tribaux arabes d’Ahvaz avaient été recrutés par le pouvoir central pour assurer la sécurité des installations pétrolières dont ils connaissaient les moindres faiblesses. Or, selon lui, certains des membres de ces tribus auraient pu être partie prenante des attaques qui avaient visé les installations qu’ils étaient censés surveiller. Le même porte-parole parlait d’ailleurs ouvertement d’une Intifada (« soulèvement, insurrection ») ahwazie pour décrire la situation qui prévalait alors dans la province. La plupart des mouvements d’opposition arabophones en exil avaient toutefois refusé de cautionner les actes de terrorisme imputés aux séparatistes mais l’actuel National Liberaton Movement of Ahwaz (NMLA)/Mouvement de libération nationale d’Ahwaz (MLNA) - lequel mouvement dispose d’une station par satellite Ahwaz TV - est considéré comme promouvant la lutte armée contre Téhéran [80]. Ce qui expliquerait que l’agitation se fût amplifiée. Et la guerre secrète des services iraniens à l’étranger également [81].
Le 16 octobre 2005, le pipeline du Khouzistan à Maroun avait encore été l’objet d’une explosion stoppant une nouvelle fois l’écoulement d’un des principaux oléoducs iraniens. C’est à cet endroit qu’avait déjà eu lieu la précédente explosion sur ce pipeline reliant Abadan à Mahsahar. Au même moment, deux bombes explosaient à Ahwaz, faisant six tués et une centaine de blessés.
Après ces attentats, revendiqués au nom de trois groupes séparatistes arabes, les autorités de Téhéran avaient explicitement accusé Washington et Londres de chercher à « attiser les tensions ethniques et religieuses » au Moyen-Orient. Les forces de sécurité avaient en tout cas procédé à plusieurs arrestations, et dix personnes allaient être incriminées pour leur participation supposée aux attentats d’Ahwaz, accusées d’être des Moharebeh - terme religieux désignant une personne qui « mène une guerre contre Dieu », une incrimination passible de la peine de mort - etde fait condamnées à mort par pendaison. Mais la tension devait s’accroître avec une recrudescence des attentats à partir du début de l’année 2006 au Khouzistan. Le 24 janvier, deux attentats à la bombe avaient en effet une nouvelle fois ébranlé la ville d’Ahvaz où le président Mahmoud Ahmadinejad devait se rendre, avant que sa visite ne fût, au dernier moment, annulée officiellement « pour mauvais temps ». Il semblerait que les attentats visaient le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. La télévision nationale avait parlé de plusieurs morts dans les explosions, qui avaient visé une banque et un bâtiment administratif. Il y aurait eu neuf morts et une cinquantaine de blessés. Le 28 février suivant, de nouveaux attentats à la bombe furent perpétrés dans les bureaux des gouverneurs des villes pétrolières d’Abadan et de Dezful. Afin de bien montrer qu’elles n’entendaient pas faire preuve de la moindre indulgence, les autorités iraniennes réagirent par une répression brutale. Trois « activistes » arabes qui avaient été accusés d’avoir participé aux attentats à la bombe dans cette ville en février, étaient pendus le 28 février 2006 dans la prison de Karoon de la ville pétrolière d’Ahvaz.
Fait très rare, le « Guide » devait faire un déplacement au Khouzistan, fin mars 2006, au cours duquel il prononça un vibrant discours en langue arabe pour louer le patriotisme iranien de la population arabe locale. Les raisons de ce déplacement renvoyaient largement à la dégradation de la situation sur place depuis le début de l’année 2006. Ce discours a été tenu le 25 mars 2006 lors d’une rencontre qui s’est déroulée dans la région de Dehlaviyeh, au Sud de la province du Khouzistan, avec plusieurs centaines d’habitants arabophones des tribus de Dasht-e-Azadegan, Sousangert, Bostan, Hamidiyeh et Howayzeh : « Maintenant je voudrais parler à mes frères et sœurs dans cette langue arabe que j’apprécie. J’entends d’abord exprimer mon plaisir de me trouver dans cette région auprès de mes dignes frères et sœurs arabophones, et de me remémorer ici certains moments intenses et précieux. Il convient de rappeler ici à votre propos, citoyens Iraniens arabophones, que j’ai été le témoin de la grandeur de votre djihad et de vos immenses sacrifices durant les années de la guerre sacrée. C’est ici, dans cette région immaculée, que j’ai vu des hommes et des femmes emplis de foi, de conscience et de bravoure qui ont permis d’affronter les blindés et l’artillerie ainsi que les misérables laquais du régime baathiste et de faire échouer les complots et les machinations ennemis. Les habitants de cette région sont bien connus pour leur amour et leur dévotion à la descendance du Prophète (le salut soit sur lui) et pour leur loyauté pour leur patrie islamique et ils peuvent être considérés comme une inexpugnable forteresse pour la défense des frontières du pays. Cette réalité est corroborée par le djihad et le combat des habitants de cette région contre les colonialistes britanniques et leurs mercenaires ainsi que par leur glorieuse résistance et leur sacrifice pour la préservation de la Révolution islamique, pour le salut et l’indépendance et l’honneur de leur pays. Il y a dix ans, lorsque j’ai rencontré à Ahvaz nos chers et dignes frères des localités d’Hamidiyeh, de Sousangerd, de Shadegan, de Hovayzeh et d’autres régions de la province du Khouzistan, je me suis remémoré les mêmes souvenirs, des souvenirs qui ont également été perpétués dans les poèmes des poètes de la région et qui ont été écoutés par toutes les autres nations arabes. Aujourd’hui, je suis heureux d’avoir une fois encore l’opportunité de rencontrer un certain nombre de mes compatriotes arabophones. Aujourd’hui, alors que je me remémore ces souvenirs du passé, je peux également discerner un brillant futur pour une région particulièrement fière de notre patrie islamique (…) Comme vous le savez tous, l’Iran est confronté à un certain nombre d’ennemis qui ne veulent pas que notre pays connaisse un progrès qui soit à la mesure de sa grandeur. Ils fomentent également des complots, en favorisant l’insécurité et la déstabilisation interne du pays, afin d’empêcher la mise en œuvre des projets de construction ainsi que le progrès et le développement de notre pays et afin de confronter le gouvernement à différents problèmes. La présence des occupants britanniques dans les provinces irakiennes relevant des villes de Bassorah et Amara (les provinces de Basrah et de Maysan), au regard de l’hostilité britannique avérée et des actions iniques contre la nation iranienne commis sur les deux derniers siècles, sert de base à ces agresseurs pour fomenter leurs complots et leurs machinations. Mais la nation iranienne et son gouvernement, et tout spécialement les habitants zélés de la province du Khouzistan, sauront déjouer ces complots et, avec l’aide d’Allah, retourner les stratagèmes et action iniques de ces ennemis contre eux-mêmes. Je prie Allah le miséricordieux, de délivrer les Irakiens de ces occupants maléfiques. Je prie également Allah de restaurer l’honneur, la dignité et le progrès des deux nations d’Iran et d’Irak sous la bannière de l’islam et la lumière de la dévotion du saint Prophète de l’islam et de sa noble descendance (la paix et le salut soient sur eux). Le salut soit sur vous ainsi que la miséricorde et la bénédiction d’Allah » [82]. L’enjeu de cette région réside dans le fait qu’elle demeure la principale province pétrolière du pays - la majorité des champs pétroliers se situent à proximité de la frontière iranienne et du golfe Persique avec 32 champs dont 25 on-shore et 7 off-shore -, et donc « Talon d’Achille » de l’Iran du fait de sa population, certes majoritairement chiite sur le plan confessionnel, mais ethniquement arabe. Une province qui peut être, à bien des égards, considérée comme une sorte de « Koweït intérieur ». Aussi n’est-ce pas un hasard si un incendie criminel avait touché, le 19 février 2007, la raffinerie de Téhéran, hypothéquant ainsi lourdement la production de carburant en Iran.
Dans ce contexte de tensions renouvelées, et sans nécessairement souscrire à la théorie du complot, il est néanmoins intéressant de faire état d’une interview en date du 2 mai 2010 accordée à Hiwar TV par Mahmoud Ahmad Al-Ahwazi, le leader du « Front démocratique populaire arabe d’Al-Ahwaz » basé à Londres, à l’occasion du 85ème « anniversaire » de l´annexion par l’Iran de la région d´Ahwaz, considérée comme occupée par sa population, qui estime qu´elle doit être restituée aux Arabes. Mahmoud Ahmad Al-Ahwazi réfute d’emblée l’idée que son mouvement serait seulement un mouvement d’opposition interne : « Nous ne sommes pas [un mouvement d’] opposition. Nous sommes des libérateurs. L´opposition, ce serait un groupe iranien voulant changer de régime ». Il se considère au contraire comme un mouvement de libération : « Nous voulons débarrasser notre pays de l´occupation [iranienne]. Nous voulons rétablir les droits de notre peuple - nos droits culturels, économiques, politiques et sociaux. Tout nous est refusé ». Les revendications de son mouvement apparaissent alors on ne peut plus claires : « Nous exigeons nos pleins droits sur le territoire d’Al-Ahwaz dans son intégralité. C’est le droit des Arabes ». Allant encore plus loin quant à savoir s’il réclame la sécession de la région, il explicite son propos : « L’indépendance, pas de séparation. Nous n’avons jamais été une partie de l’Iran ; comment pourrions-nous nous en séparer ? Nous étions un peuple libre avant même que l’Iran ne soit libéré ». Et d’ajouter faussement sibyllin, voire menaçant : « Jusqu’à aujourd´hui, le Front n’a pas eu recours aux armes. Nous intervenons sur le plan politique, en organisant des activités chez nous et à l’étranger, et en promouvant la cause ahwazie dans tous les forums. Toutefois, en aucun cas n’excluons-nous le recours aux armes. La résistance armée est le droit du peuple arabe d’Al-Ahwaz, et nous soutenons toute autre organisation armée. Pour des raisons stratégiques, le Front pourrait, à tout moment, recourir à la résistance armée contre le régime iranien ». Et lorsqu’on lui fait remarquer que cela reviendrait à priver l’Iran de 90 % de ses ressources naturelles, Mahmoud Ahmad Al-Ahwazi rétorque : « Monsieur, je n’entends pas priver l’Iran de ses ressources. Je veux récupérer mes propres ressources. Si des négociations politiques avec le régime iranien étaient possibles, nos prédécesseurs auraient négocié. Si seulement les téléspectateurs avaient vu toutes les exécutions, les tortures, les meurtres de femmes et d´enfants innocents, la famine imposée, l’assèchement des rivières, la destruction de l’agriculture, le pillage du pétrole, du gaz naturel et des autres ressources » [83].
Il demeure que la province n’avait plus connu d’accès de violence jusqu’à l’année 2018. Un attentat était survenu le 22 septembre 2018, à Ahwaz, chef-lieu de la province du Khouzistan, pendant un défilé du Corps des Gardiens de la Révolution à l’occasion de la célébration de la « Semaine de la Défense sacrée » commémorant le début de la Guerre Iran-Irak. Cet attentat avait fait 29 morts dont 24 Gardiens de la Révolution et civils ainsi que cinq « terroristes » et plus de 60 autres blessés : on dénombrera parmi eux des membres des Gardiens de la révolution, des Bassidji, des vétérans de la guerre Iran-Irak (1980-1988) dont un certain Hosein Monjazi, invalide de guerre (il a perdu un bras et une jambe sur le champ de bataille), de jeunes conscrits effectuant leur service militaire obligatoire dans la région, ainsi qu’un enfant de 4 ans, Mohammad Taha. L’image de son cadavre à côté de son fauteuil roulant avait profondément choqué l’opinion iranienne, toutes origines confondues, générant une forme d’« Union sacrée ». De fait, comme le relève Didier Chaudet, « le ralliement des Iraniens autour du drapeau ne signifie pas forcément repli ethnique et chauvin : il existe en Iran un patriotisme qui dépasse largement, au moins en théorie, la définition ethnique » [84]. Quelques heures plus tard, cet attentat meurtrier aurait été revendiqué selon Téhéran par un groupsucule dénommé Al Ahwaziya, désignant ainsi la mouvance sépératiste arabe dans cette province, éclatée en divers groupes, en référence aux aspirations identitaires de la population arabophone majoritaire du Khuzistan dont une partie souhaite ouvertement l’autonomie, sinon la sécession, de cette province qualifiée par ces activistes d’Al-Ahvaz. Le porte-parole de ce groupuscule d’Al-Ahwaziya aurait déclaré dans un entretien avec la chaîne de télévision Iran international TV que l’attaque en question constituait une réponse à la répression des Iraniens arabophones de la ville d’Ahwaz : « Nous n’avons pas d’autre choix que la résistance ! La résistance nationale d’Ahwaz a mené les opérations d’aujourd’hui contre le CGRI et les forces militaires de la République islamique ». Iran International TV, lancée en mai 2017 et basée à Chiswick, avait ainsi été le premier média en langue persane à s’entretenir avec un certain Yacoub Hor al-Tostari, porte-parole attitré du « Mouvement de lutte arabe pour la libération d’Ahwaz », après l’attaque du 22 septembre 2018. Des questions ont à cette occasion été soulevées concernant le financement du réseau et ses liens avec l’Arabie saoudite ainsi que les Emirats Arabes Unis [85]. Elles sont récurrentes depuis plusieurs années mais avaient repris de la vigueur avec la politique menée par l’Administration Trump et ses alliés du Golfe [86].
Mais une certaine confusion a présidé quant à la responsabilité de cet attentat puisqu’il avait fait l’objet d’une seconde revendication quasi-simultanée de la part de Daech. Abul-Hasan Al-Muhajir, le porte-parole de l’« Etat islamique »/Daech, avait en effet publié un message vantant la responsabilité de son organisation dans l’attaque du 22 septembre 2018 à Ahvaz, en Iran : « Un groupe d’hommes de Khilafah [Califat auto-proclamé de Daech] et de gardiens de la croyance au pays de Perse ont défendu leur religion, agissant pour dissuader et réprimer leur ennemi et pour remplir la promesse de l’État islamique à tous ceux qui ont le sang de Ahlus-Sunnah[sunnites] sur leurs mains », indiquait Abul-Hasan Al Muhajir. En précisant : « Ils ont violé l’une des tours de l’Etat de Majusi, par la grâce et la faveur d’Allah, et ont porté l’épée de la vérité sur le cou de la populace de l’Etat iranien, ainsi que de sa garde révolutionnaire. Ils défilaient et montraient leur arrogance, entourés de leurs forces de sécurité au cœur de leur territoire au pays d’Ahvaz ». Le mot Majusi est probablement une référence aux Zoroastriens, c’est-à-dire aux adhérents d’un système de croyances autrefois dominant en Perse. En utilisant ce mot pour décrire les Iraniens, Abul-Hasan Al Muhajir cherche à les stigmatiser pour laisser entendre qu’ils ne seraient somme toute pas de vrais musulmans. Et de poursuivre : « Ils ont tué et massacré leurs soldats » et « ont laissé les dirigeants de Majusi et les serviteurs du sanctuaire stupéfaits ». Pour conclure : « Ils les ont laissés dispersés, ont brisé la crainte de leur garde révolutionnaire, qui est redoutée par l’Amérique et les gouvernements de la région, et ont forcé les dirigeants de Majusi à lancer des accusations au hasard, à tel point qu’ils se moquaient de l’Est et de l’Ouest ».
Abul-Hasan Al Muhajir fait référence au fait que les Iraniens ont d’abord accusé, comme ils le font régulièrement en cas d’attentat, des groupuscules terroristes qui seraient soutenus par certains Etats du Golfe avec l’aval des Etats-Unis. Il entend donc préciser que ce sont cuex qui ont prêté allégeance au Calife [auto-proclamé] Abu Bakr al-Baghdadi qui étaient responsables de l’attaque à Ahvaz - et non des groupes rivaux luttant contre le pouvoir iranien. De fait, le mode opératoire de l’attaque d’Ahvaz ne correspond pas à celui des séparatistes du Khouzestan, dont la méthode estplutôt de poser des bombes et/ou de faire des opérations éclair ».
Abul-Hasan Al Muhajir menaçait enfin de nouvelles attaques à l’intérieur de l’Iran :[Les Iraniens] « ne se sont pas encore réveillés du choc horrible, et avec la permission d’Allah, ce ne sera pas la dernière ». […] « Les fils de Khilafah, avec le succès accordé par Allah, ont démontré à quel point la sécurité de l’Etat de Majusi en Iran est faible et fragile, car elle est plus faible que celle d’une araignée et avec la puissance d’Allah sera pire et plus amère ».
L’Agence de presse Amaq de l’« Etat islamique »/Daech avait initialement publié plusieurs courtes déclarations écrites, avant de produire finalement une vidéo montrant les terroristes responsables des meurtres et dans laquelle l’un des terroristes parle en persan alors que les deux autres s’expriment en arabe. Selon les autorités iraniennes, les auteurs de l’attentat ont ainsi été identifiés comme s’appelant Ayad Mansouri, Fouad Mansouri, Ahmad Mansouri, Javad Sari et Hassan Darvichi. Pour les quatre premiers, le ministère des Renseignements iranien avait publié la photo d’un cadavre, mais pour le cinquième, la photo publiée était celle d’une capture d’écran d’une vidéo publiée par l’« Etat islamique »/Daech montrant trois hommes présentés comme ayant participé à l’attentat. Les trois hommes identifiés par le même nom de famille Mansouri seraient deux frères et un cousin. Dans un message sur Twitter, le directeur général du quotidien ultraconservateur Javan (« Jeune ») Abdullah Ganji, avait indiqué que les deux frères en avaient un autre qui aurait été tué dans un attentat suicide en Syrie.
Plus d’une vingtaine de personnes avaient été arrêtées dans le cadre de l’attentat meurtrier d’Ahvaz établissant un lien entre les assaillants et le groupe djihadiste sunnite « Etat islamique »/Daech. Les autorités avaient publié les photos et les noms des assaillants sur le site internet du VEVAK, le ministère des renseignements iraniens, et affirmé que ceux-ci étaient affiliés « à des groupes séparatistes takfiris soutenus par des pays arabes réactionnaires ». Le terme de takfiri (« ceux qui prônent l’anathème » sur les autres musulmans) est précisément utilisé par les autorités iraniennes pour désigner les djihadistes sunnites. De fait, le mode opératoire de l’attaque d’Ahvaz ne correspond pas à celui des séparatistes du Khouzistan, dont la méthode « était de poser des bombes ou de faire des opérations éclair », relevait le même Abdullah Ganji dans un article publié le 25 septembre 2018 par Javan. « Tuer jusqu’à ce que vous soyez tués sans quitter les lieux, c’est la méthode de Daech » ajoutait-il, mettant en garde contre une dérive « idéologique » de certains groupuscules séparatistes vers le djihadisme. Une évolution qui était déjà apparue lors des attentats perpétrés, le 7 juin 2018, en plein cœur de Téhéran. Le 24 septembre précédent, le guide suprême iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, avait établi un lien explicite entre les auteurs de l’attentat d’Ahvaz et les groupes djihadistes opérant « en Syrie et en Irak » non sans les accuser d’avoir été « financés par les Saoudiens et les Emirats Arabes Unis ». Le jour même de l’attaque, le président iranien Hassan Rohani avait en tout cas promis une réponse « terrible » et les Gardiens de la révolution avaient annoncé une « vengeance inoubliable » à brève échéance.
Mettant ces menaces à exécution, Téhéran avait lancé une attaque de représailles à l’attentat du 22 septembre 2018 sur la région de Boukamal (Est de la Syrie), près de la frontière irakienne. L’opération intitulée « Frappe de Moharram » (le mois du deuil musulman, alors en cours et particulièrement célébré dans l’Iran chiite) aurait été menée par la branche aérospatiale des Gardiens de la Révolution. Six missiles balistiques de moyenne portée auraient été tirés à partir de l’Ouest de l’Iran à 02H00 du matin (23H30 GMT) et l’attaque aurait porté un « coup fatal, à 570 kilomètres de distance ». La télévision d’Etat iranienne a indiqué que les missiles avaient été tirés à partir de la province de Kermanshah, frontalière de l’Irak et qu’ils avaient frappé la localité de Hajin, à environ 20 kilomètres au Nord de la ville de Boukamal. Les Gardiens de la Révolution avaient déclaré que la frappe de missiles avait été suivie d’une frappe effectuée par sept drones de type Saegeh (« éclair ») contre les installations des terroristes et que « de nombreux terroristes [djihadistes] et les chefs responsables du crime terroriste d’Ahvaz [avaient] été tués ou blessés » dans ces représailles [87].
Les Kurdes iraniens (quelque 9 millions soit 10 % à 12 % des quelque 80 millions d’Iraniens qui peuplent le Rojhelat [88]) se reconnaissent comme les descendants des Mèdes et comme partie intégrante de la civilisation iranienne. La langue kurde [89] est d’ailleurs un dialecte du persan.
La province du Kurdistan (Ostan-e Kordestan en Persan ; Parêzgey Kurdistan en Kurde) constitue l’une des trente provinces d’Iran, à ne pas confondre avec la région plus grande du Kurdistan iranien. Sa capitale est Sanandaj [90]. La superficie de la province est de 28 817 km², ce qui ne représente qu’un-huitième des régions habitées par des Kurdes en Iran (Kurdistan iranien). La province est située dans l’Ouest de l’Iran et est entourée par l’Irak à l’Ouest, la province iranienne de l’Azerbaïdjan occidental au Nord, celle de Zanjan au Nord-Ouest et la province de Kermanshah au Sud.
Le Kurdistan Iranien (Rojhellatî Kurdistan en Kurde) est un nom non-officiel pour les régions d’Iran habitées par les Kurdes, qui a des frontières avec l’Irak et la Turquie. Elle inclut des parties de la province d’Azerbaïdjan de l’Ouest, du Kordestan, de la province de Kermanshah et de la province d’Ilam. Cette région est la partie orientale du grand espace géo-culturel appelé Kurdistan [91] et qui déborde au-delà de l’Iran sur l’Irak, la Turquie et la Syrie. Les Kurdes des provinces de Kermanshah et d’Ilam sont pour la plupart chiites, tandis que ceux qui habitent en Azerbaïdjan sont des Kurdes sunnites [92].
En Iran, la langue kurde est officiellement reconnue et au Parlement siègent des députés kurdes qui représentent officiellement les huit millions de Kurdes. Contrairement à la Turquie, il n’existe pas de phobie à l’égard des mots kurdes et Kurdistan, puisqu’il existe une région iranienne portant le nom de Kurdistan (Kordestan en persan). Cela s’explique pour partie par le fait qu’au contraire de la Turquie et de l’Irak arabe, le mot d’Iran au sens littéral ne correspond à aucune identité ethnique et/ou linguistique particulière. C’est pourquoi un processus analogue à celui d’une « turquisation » ou à une « arabisation » forcée au sens strict n’existe pas réellement en Iran. Les Turcs ou les Arabes irakiens ont longtemps choisi une « logique ethnique » qui porte en germe une forme d’épuration ethnique, voire pire comme avec le génocide arménien en 1915 ; l’Iran en revanche a toujours privilégié, tout au long de son histoire et ce, depuis l’empire achéménide, une « logique culturelle » aboutissant à une forme de coexistence plus ou moins aboutie selon les circonstances [93]. Le fait est qu’en acceptant cette logique, la loi constitutionnelle iranienne de 1906 et de 1907, n’avait pas désigné de langue officielle. Conformément à l’histoire millénaire de l’Iran, cette loi maintenait la cohésion des diverses régions et ethnies, fondée qu’elle était sur un système décentralisé. La constitution se présenta même pendant un temps comme un rempart contre les dangers d’une centralisation excessive. Mais Reza Shah, centralisateur, devint l’adversaire acharné de l’application de la Constitution et fit prévaloir « la raison d’État » sur la « logique des réalités » [94]. Et, sans surprise, l’Iran s’allia avec la Turquie et la Syrie pour contrer et réprimer les aspirations nationales kurdes. La ville de Mahabad, cité kurde, fut la capitale de la République Mahabad créée à l’instigation de Staline en 1946/47. Le découpage administratif de Mahabad est, à ce titre, significatif du passif historique. De manière arbitraire, l’ancienne capitale kurde n’appartient pas à l’ostan (« province ») du Kurdistan iranien - à l’instar de Nantes eu égard à la région Bretagne en France -, mais à celle de l’Azerbaïdjan occidental. Les autorités iraniennes ont centré le Kurdistan iranien sur la ville de Sanandaj (anciennement Sinneh), située à 280 kilomètres au Sud de Mahabad. Des demandes locales de rattachement à la province historique du Kurdistan, telle que constituée dans les années 30, ou encore en faveur d’un autre Kurdistan dont l’épicentre serait Mahabad, n’ont jamais abouti. Et, à cet égard, on peut relever une constante : le pouvoir central iranien, qu’il soit celui du Shah ou celui de la République islamique, se refuse à accorder au Kurdistan une expression administrative qui correspondrait plus fidèlement à l’aire de peuplement de la population kurdophone [95].
Le fait est qu’il existe en Iran, comme dans les pays limitrophes comptant une forte minorité kurde, des revendications kurdes spécifiques.
Certains mouvements indépendantistes comme le Komoleh ou le PKK (Partiya Karkeren Kurdistan/Parti Karkerani Kurdistanou « Parti des travailleurs du Kurdistan d’obédience marxiste-léniniste) ont tenté de s’attribuer la paternité de cette révolte du Kurdistan. C’est notamment le cas de l’Organisation Révolutionnaire des Travailleurs du Kurdistan Iranien (Revolutionary Organization of the Toilers of Iranian Kurdistan/Komalaï Shoreshgeri Zahmatkeshani Kurdistani Iran/ Sazman-e Enqelabi-ye Zahmatkeshan-e Kordestan-e Iran, Komala). Il s’agit d’une organisation autonomiste kurde (de tendance maoïste) fondée en 1969 par Ibrahim Alizadeh et dirigée par un secrétaire général dénommé Abdullah Mohtadi. Il entama une guérilla dès 1979 contre le gouvernement iranien. Komala a parfois été allié avec le Parti Démocratique du Kurdistan Iranien, de tendance baathiste (Democratic Party of Iranian Kurdistan/Partiya Demokrata Kurdistan-Iran/Partî Dêmokratî Kurdistan-Iran/Hezb-e Demokrat-e Kordestan-e Iran, DPIK) dont le dirigeant charismatique, Abdul Rahmane Ghassemlou, devait être assassiné en 1989 à Vienne par un commando dépêché d’Iran. Komala opérait principalement dans la région de Sanandadj, mais est moins présent depuis une quinzaine d’année dans la mesure où le siège du parti se trouve dans le Kurdistan irakien. Comme a pu le souligner Abdallah Muhtadi, secrétaire général du Komala : « La chute du régime monarchiste des Pahlavi et l’établissement d’un système républicain religieux à la place, fondé sur une autorité chiite comme base assurant la légitimité du pouvoir, a doublement renvoyé les Kurdes au statut de minorité. Ils sont visés en tant que non-Perses, mais aussi parce qu’ils sont, majoritairement, sunnites » [96]. Il faut également mentionner le Democratic Union of Iranian Kurdistan/Yekitî Dêmokratî Kurdistan-Iran, YDKS, le Free Life Party of Kurdistan/Partiya Jiyana Azad a Kurdistane/Partiya Jiyanê Azadi Kurdistan, PJAK, le Kurdistan Organisation of the Communist Party of Iran/Sazman-e Kordestan-e Hezb-e Komunist-e Iran, Komalah, et le Revolutionaries Union of Kurdistan/Yekîtiya Soresgerên Kurdistan. Il existe une organisation armée kurde en Iran relevant du PJAK (« Parti pour une Vie Libre au Kurdistan ») [97], laquelle déclare mener la lutte au nom d’un Kurdistan libre et se dit « en guerre contre le gouvernement iranien ». Ce nom est apparu avec la première revendication début 2004 d’une attaque dans la région de Marivan - le PJAK avait tenu son premier congrès le 25 mars 2004 -, en représailles contre les forces iraniennes qui avaient tiré sur la foule dans une manifestation kurde en faisant une dizaine de victimes. Les hommes du PJAK, qui disent lutter pour la « Résurrection du Kurdistan libre », sont des Kurdes autochtones mais d’aucuns considèrent qu’ils seraient la face iranienne d’un janus dont le PKK serait la face turque. Pour preuve, un des anciens leaders du PJAK n’était autre que Shapour Badoshiveh, Kurde iranien et ancien citoyen canadien disparu en 2004, en charge du Kurdistan oriental au sein du PKK. Son leader actuel serait un certain Abdul Rahman Hadji Ahmadi, un kurde iranien [98] mais aussi un ancien membre du PDK-Iran. Un ancien commandant du PJAK, Mamand Rozhe, avait déclaré en 2008 à un grand quotodien américain que le PKK, qui cherchait à établir une relation directe avec les États-Unis, avait formé le PJAK qu’il voyait comme un moyen de s’attirer les sympathies américaines face à l’Iran au sein duquel il pourrait constituer un instrument de déstabilisation aux marges du pays [99]. Le chef militaire du mouvement serait un certain Sherzad Kemanger, un Kurde iranien de trente-cinq ans qui aurait rejoint la lutte armée il y a près d’une décennie après un séjour dans les geôles iraniennes. Les activistes du PJAK se cacheraient dans les montagnes alentour, notamment dans les Monts Qandil, épine dorsale qui court le long de la frontière septentrionale de l’Irak avec la Turquie et l’Iran et qui se trouve à moins de 10 miles (soit une quizaine de kilomètres) de la frontière iranienne. Les combattants, dont le nombre aurait été estimé à quelque 3 000 hommes [100], s’armeraient en Irak. Les trafics d’armes transiteraient par Sardasth, plus rarement par Baneh ou Marivan. Ils seraient ensuite dirigés vers Mahabad, et parfois vers d’autres villes d’Iran. Selon Téhéran, rien qu’en 2005, le PJAK aurait tué au moins cent-vingt membres des forces de sécurité iraniennes [101]. Les forces de sécurité ne parvinrent à reprendre en main la situation qu’en instaurant la loi martiale. Mais le Kurdistan iranien demeurait un véritable chaudron en ébullition prêt à exploser à la moindre occasion. Un pic allait même être atteint en février 2006 quand une dizaine de manifestants kurdes fut éliminée par les forces de sécurité iraniennes. Deux bases de Pasdarans furent attaquées en représailles. C’est à ce moment que Téhéran décida d’ailleurs d’entrer en Irak, le 21 février 2006, pour bombarder les bases du PJAK. Cela n’empêcha pasle PJAK de revendiquer, le 25 février 2007, une attaque contre un hélicoptère des Pasdarans. Selon un communiqué transmis à un correspondant de l’AFP dans le Nord de l’Irak, signé du PJAK, cette attaque aurait eu lieu la veille quand les Pasdarans effectuaient des opérations de ratissage à Koutoul, près de la ville de Mahabad, dans le Kurdistan iranien, dans la province d’Azerbaïdjan occidental, située à la frontière irakienne et turque. Le régime de Téhéran avait finalement reconnu avoir perdu quatorze Pasdarans et un hélicoptère tout en affirmant avoir tué une cinquantaine de Kurdes, militants du PKK ou séparatistes membres de Pjak. L’année suivante, on pouvait relever une recrudescence des embuscades contre les Pasdarans. Au total, il y avait eu plus d’une quinzaine de morts de différents grades et même des commandants dont un tué par un tireur isolé alors qu’il quittait sa caserne. En réponse aux multiples embuscades des activistes kurdes basés en Irak, les Pasdarans avaient procédé à des tirs de barrage d’artillerie. De fait, l’Iran n’hésitait pas à multiplier les bombardements par-dessus la frontière avec l’Irak. Les bombardements avaient touché des villages dans les provinces de Sulaimaniyeh et d’Irbil dans la zone kurde autonome du Nord de l’Irak où seraient réfugiés les activistes kurdes iraniens.
Le 24 avril 2009, les combattants du PJAK avaient attaqué des postes frontaliers iraniens et tué vingt-et-un miliciens des Pasdarans chargés des frontières. Ce jour-là, le Pejak avait frappé fort en parvenant à mener à bien trois attaques coordonnées : contre un Centre de Commandement à Sanandaj (un milicien tué, quatre blessés), contre un poste frontalier à Ravânsar-Paveh (dix-huit tués, dix blessés) et finalement contre une patrouille qui avait encore fait périr deux bassidjis (miliciens). La riposte héliportée des Pasdarans en date du 3 mai 2009 contre trois villages kurdes du Nord de Irak devait constituer la réponse à ces trois actions contre ses forces de sécurité. Il ne s’agissait rien moins que du premier raid aérien iranien contre le PJAK.
En 2010, le PJAK avait revendiqué la mort de plusieurs soldats de la Garde révolutionnaire à Khoy. Le 24 mars 2010, deux policiers iraniens avaient été tués et trois autres blessés lors de deux attentats à Sanandaj, dans la province du Kurdistan. Le 1er avril suivant, quatre gardes-frontières étaient tués et trois autres blessés dans l’attaque d’un poste de police situé près de la ville de Marivan.
Le 16 juillet 2011, l’armée iranienne décidait de lancer une vaste offensive contre les camps du PJAK dans les régions montagneuses du Nord de l’Irak. Elle avait annoncé avoir pris le contrôle de trois bases rebelles, dont l’une avait été identifiée comme étant Marvan et aurait été le principal camp du PJAK dans la région. Le 5 août 2011, Rahman Haj Ahmedi, chef du Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), avait déclaré à Newsmax que plus de 300 gardiens de la révolution iraniens avaient été tués dans une série d’embuscades. De leur côté, les responsables iraniens avaient toutefois affirmé avoir tué plus de 150 activistes du PJAK au cours des opérations militaires. Le 8 août 2011, Abdul Rahman Haji Ahmadi, le dirigeant du PJAK, avait déclaré que le groupe rebelle armé était prêt à négocier avec l’Iran et affirmé que les problèmes kurdes devaient être résolus par des « moyens pacifiques ». Dans un entretien exclusif avec Rudaw, Haji Ahmadi avait reconnu que, dans certains cas, le compromis était inévitable et avait indiqué que le PJAK était disposé à déposer les armes. De nouvelles opérations meurtrières étaient lancées début septembre 2011, au point de pousser les séparatistes kurdes d’Iran à proposer un cessez-le-feu à Téhéran, qui avait engagé une offensive contre les rebelles kurdes dans des zones frontalières entre l’Iran et l’Irak. « Nous avons pris l’initiative de proposer un cessez-le-feu pour un temps limité afin d’entamer des négociations avec la partie iranienne et de régler les problèmes entre nous », avait ainsi déclaré le 5 septembre, Sherzad Kamangar, un porte-parole du PJAK basé en Irak. Cette proposition de la part du PJAK pouvait être perçue par Téhéran comme un aveu de faiblesse. Et ce d’autant plus que le commandant militaire adjoint du PJAK, venait de trouver la mort lors d’un bombardement iranien, avait été contraint de reconnaître l’organisation sur son site : « Majid Kawiyan, connu sous le nom de camarade Samkou, adjoint du commandant en chef des forces du Parti pour une vie libre du Kurdistan dans l’Est du Kurdistan [d’Iran] a été tué (...) lors d’un violent bombardement iranien » le 4 septembre précédent, indiquait un communiqué de ce mouvement sur son site. Plus tôt, les Gardiens de la révolution, en première ligne dans la lutte contre les rebelles kurdes aux frontières de l’Iran, avaient les premiers annoncé cette mort sur leur site Sapahnews, citant un communiqué interne du PJAK. Le 12 septembre, un cessez-le-feu avait été établi. Et le 29 septembre 2011, les Gardiens de la révolution avaient indiqué avoir « nettoyé » les zones frontalières du Nord-Ouest de l’Iran des groupes rebelles kurdes armés, tué 180 rebelles du PJAK et fait près de 300 blessés. Selon Farsnews, le commandant au sol des gardes de la révolution, le général Abdollah Araqi, avait déclaré que le conflit avait pris fin après que le PJAK eut accepté les conditions de l’Iran et retiré toutes ses forces du sol iranien.
Depuis, les accrochages armés étaient devenus rares dans cette région. Mais le 4 janvier 2012, le PJAK déclarait que les forces de la République islamique avaient violé les termes du cessez-le-feu entre les deux parties. Alors qu’une trentaine de Kurdes auraient été tués ou blessés par les Gardiens de la révolution dans différentes villes du Kurdistan iranien depuis la fin du mois de mars 2012, sans doute en réprésailles, 4 officiers du CGRI avaient été tués et 4 autres blessés le 25 avril 2012, dans un affrontement près de Paveh, dans la province iranienne de Kermanshah.
Les accrochages reprirent en 2013. Le 9 octobre 2013, cinq membres des Gardiens de la Révolution avaient été tués dans un nouvel accrochage avec des rebelles dans la région de Baneh, située dans la province du Kurdistan, frontalière avec l’Iran. Un certain nombre d’affrontements entre le PJAK et la Garde révolutionnaire eurent eu lieu également en mai 2013. Le 19 août, une bataille avait éclaté dans la zone frontalière de Sardasht entre les gardiens de la révolution et le PJAK, dans laquelle le PJAK avait déclaré avoir tué 7 soldats iraniens et perdu 2 combattants. Les affrontements s’étaient multipliés en octobre 2013.
Ces affrontements devinrent sporadiques en 2014 et 2015. Mais de violents affrontements eurent lieu le 19 avril 2016, poussant les observateurs à s’interroger sur le fait de savoir s’il s’agissait d’une réactivation du conflit armé. Le PJAK était d’une certaine manière victime des divisions ataviques kurdes. Cela s’est manifesté en 2018 lorsque les partis du Kurdistan iranien avaient rejeté un appel à l’unité lancé par le PJAK afin de présenter un front uni contre la république islamique et ce, alors qu’une dizaine de membres des Gardiens de la révolution avaient été tués, le 20 juillet 2018, dans une attaque menée par des insurgés kurdes contre l’une de leurs bases dans le village de Dari, dans le Nord-Ouest du Kurdistan iranien. Dans un communiqué publié le 12 août 2018, le groupe avait appelé à une commission mixte pour résoudre leurs rivalités, à une force armée combinée et à une plate-forme médiatique partagée. La dimension nationale kurde se heurtait aussi à une « islamisation » avérée de certains Kurdes sunnites iraniens, même si c’est loin de constituer un nombre important de membres de la communauté kurde.
L’« Etat islamique »/Daech avait revendiqué sa première attaque en Iran, le 7 juin 2017. Des hommes armés et des kamikazes avaient attaqué à Téhéran le Majlis (Parlement) ainsi que le mausolée du fondateur de la République islamique, l’imam Ruhollah Khomeyni, faisant 17 morts (23 avec les terroristes) et des dizaines de blessés. Selon l’agence officelle de l’« Etat islamique »/Daech appelée Amaq, deux kamikazes avaient fait exploser leurs gilets d’explosifs devant le mausolée de Khomeiny, tandis que des inghimasis (des « infiltrés » bien entraînés et équipés d’une ceinture « exploisive ») avaient réussi à porter leur attaque au sein même du parlement. Mais les assaillants du Parlement s’étaient vite égarés dans les bureaux des parlementaires. Ils n’avaient pu accéder à l’hémicycle, pourtant en pleine session. Dans l’enceinte de leur seconde cible, le mausolée du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Khomeyni, les terroristes cernés par les policiers avaient abattu un jardinier, avant que l’un d’eux ne fasse détoner sa ceinture explosive sans faire de victimes.
Quelques mois plus tôt, l’organisation avait menacé d’agir en Iran en représailles au soutien militaire et logistique apporté par Téhéran aux autorités en Syrie et en Irak, deux pays où le groupe djihadiste avait déjà perdu l’écrasante majorité des territoires qu’il contrôla un certain temps. En effet, dans une rare vidéo de propagande en langue farsi de 36 minutes mise en ligne le 27 mars 2017 à partir de la province de Diyala (Irak), l’organisation affirmait vouloir conquérir l’Iran pour « le rendre à la nation musulmane sunnite » non sans avoir provoqué un bain de sang chez les chiites. Dans cette vidéo, un homme masqué s’adressait à l’ayatollah Ali Khamenei : « Toi, la personne maudite qui contrôle le soi-disant régime islamique iranien, sois sûr que nous allons bientôt détruire ta maison de cette façon », s’exclamait-il en montrant des ruines derrière lui. Plusieurs soldats prisonniers avaient été décapités dans la vidéo. L’un d’eux portait un badge à la gloire de l’imam Hussein, montrant qu’il était chiite. L’organisation, qui considère les chiites comme des « hérétiques », accusait dans la vidéo l’Iran de persécuter les sunnites depuis des siècles : « Nous conquerrons l’Iran et y restaurerons la nation sunnite telle qu’elle était avant », afirmait un autre homme dans la vidéo. L’« Etat islamique »/Daech veut probablement utiliser ses opérations en Iran pour renforcer son recrutement parmi les djihadistes sunnites et d’autres adeptes potentiels, alors même que l’organisation d’Al-Qaïda a toujours évité de commettre des attaques terroristes à l’intérieur de l’Iran où certains de ses membres avaient trouvé un discret refugue après le 11 septembre 2001.
Cette stratégie assumée de l’« Etat islamique »/Daech vise notamment la communauté des Kurdes iraniens en grande partie d’obédience sunnite, ce qui les expose à une double forme de discrimination stricto sensu ethno-confessionnelle. Or, il s’est avéré que quatre des cinq activistes qui ont mené deux importantes opérations terroristes à Téhéran, le 7 juin 2017, contre le mausolée de l’imam Khomeyni et le Parlement, seraient précisément des Kurdes iraniens. Le nom de l’un d’eux, Saryas Sadeghi, avait d’ailleurs été publié dans la presse. Ce recruteur présumé était en relation, via Internet, avec un combattant de L’« Etat islamique »/Daech basé en Irak ou en Syrie et des étudiants en théologie de l’université de Médine, en Arabie saoudite. Selon le ministre des Renseignements iranien, Mahmoud Alavi, ces activistes auraient rejoint de longue date des cercles qualifiés de « wahhabites », pour stigmatiser un soutien de l’Arabie saoudite. Le 13 juin 2018, le général Mohammad Ali Jafari, chef des gardiens de la révolution, avait d’ailleurs explicitement accusé le royaume saoudien d’instrumentaliser l’« Etat islamique »/Daech l’EI dans sa rivalité avec l’Iran chiite, affirmant que Riyad avait « demandé à des terroristes de mener des opérations » dans le pays. Une partie du commando de Téhéran aurait combattu dans les rangs de l’« Etat islamique »/Daech, en Irak et en Syrie, selon Mahmoud Alavi. Ils seraient revenus en Iran à l’été 2016, supervisés par un haut responsable de l’organisation surnommé Abou Aisha. La presse s’était fait l’écho, à l’époque, de la mort d’un responsable ainsi nommé dans la région de Javanroud (province de Kermanshah), dans une opération antiterroriste. Le commando se serait alors dispersé, échappant à la surveillance des forces de sécurité [102]. Entre 350 et 500 Kurdes iraniens auraient rejoint les rangs de l’« Etat islamique »/Daech [103]en Irak et en Syrie, selon les estimations d’Adel Bakawan, sociologue associé à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, à Paris [104]. A mesure que le « califat auto-proclamé » de l’« Etat islamique »/Daechse réduisait, certains de ces djihadistes avaient commencé à revenir en Iran. « Avec la destruction de Daechà Mossoul et à Rakka, frapper en Iran devient un objectif majeur pour les djihadistes. Il y aura d’autres attentats dans les grandes villes iraniennes, tout comme au Kurdistan d’Irak, où les attaques ne cessent d’augmenter », estimait Adel Bakawan [105].
Les services de sécurité iraniens annoncent de manière récurrente déjouer des « complots » djihadistes. La minorité sunnite (environ 15 % de la population), défavorisée et discriminée dans un pays où le chiisme est religion d’Etat, fait l’objet d’une surveillance renforcée. Le pouvoir iranien a, certes, tenté de favoriser l’émergence d’un sunnisme institutionnel et politique. Mais, les résultats sont limités. Selon Etienne Delatour, « le souvenir reste cuisant à Téhéran du refus de certains imams régionaux de garantir à Khomeyni, dans les années 1980, la loyauté du Kurdistan ». C’est en grande partie ce qui avait justifié pour Khomeyni une répression féroce de leur dissidence au nom d’une « unité nationale » menacée en 1980 par l’invasion de l’Iran par l’Irak de Saddam Hussein. Aujourd’hui, le problème est autre. Les réseaux existants, notamment le parti local des « Frères musulmans » - légalisé par Téhéran en 2002 -, subissent l’audience croissante du salafisme, voire du djihadisme, diffusé notamment sur Internet par des prédicateurs étrangers [106].
Or, le Kurdistan iranien est déstabilisé par sa frontière poreuse avec l’Irak. On peut rappeler que la République islamique avait elle-même entretenu des liens, dès les années 1980, avec des islamistes kurdes irakiens en lutte contre Saddam Hussein, voire au-delà de la chute du dictateur baathiste en 2003 durant l’occupation américain du pays [107]. Des djihadistes iraniens avaient ainsi rejoint, entre 2001 et 2003, la ville frontalière irakienne de Byara, repli du djihad international entre l’invasion américaine de l’Afghanistan et celle de l’Irak. « Des djihadistes iraniens pouvaient encore passer en Irak relativement facilement jusqu’à la prise de Mossoul par Daech, en 2014, qui a menacé soudain directement le Kurdistan irakien et la frontière iranienne », relève Adel Bakawan [108].
Depuis, les services iraniens ont renoué leur collaboration avec l’Asayesh (« services de sécurité » kurdes) de la province semi-autonome du Kurdistan irakien. Mahmoud Alavi avait affirmé, le 9 juin 2018, que le « cerveau et commanditaire » des attentats de Téhéran avait fui le pays et avait été tué à l’étranger, dans une opération menée « avec l’aide des services de renseignement de pays amis », sans préciser ni lesquels ni où. De fait, après les spectaculaires attentats du 7 juin 2017, Téhéran avait multiplié les arrestations et les opérations antiterroristes dans tout le pays en visant tout particulièrement les régions du Nord-Ouest et du Kurdistan frontalières de l’Irak, et la minorité kurde qui demeure une question depuis longtemps très sensible pour le pouvoir central [109].
La politique répressive du régime iranien vis-à-vis des Kurdes s’est accentuée à l’automne 2018. En effet, le 8 septembre 2018, sept missiles iraniens Fateh-110 s’abattaient sur le quartier général du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) à Koysandjak, près d’Erbil, causant la mort de 18 de ses membres et en blessant 50 autres. Les Gardiens de la révolution avaient revendiqué la paternité de la frappe, déclarant avoir « puni […] les terroristes menant constamment des attaques contre les frontières de la République islamique d’Iran » et promettant de « mettre fin prochainement aux activités des transgresseurs ».
Plusieurs mouvements sont hébergés au sein de la Région autonome du Kurdistan (RAK) d’Irak d’où ils sont accusés de préparer des opérations et de projeter des attaques sur la frontière ou dans les provinces frontalières (essentiellement celles d’Azerbaïdjan occidental, du Kurdistan et de Kermanshah). Ils font l’objet d’une comme surveillance quasi-obsessionnelle de la part de Téhéran qui les considèrent à tort ou à raison des proxys agissant au profit des Etats-Unis dans le bras de fer qui les oppose à l’Iran. Comme le souligne Emile Bouvier dans un article sur les Kurdes iraniens intitulé « Les Kurdes iraniens piégés entre Téhéran et Washingon » [110], « le PDKI est aujourd’hui le plus important de ces groupes, ou du moins celui qui retient le plus l’attention de Téhéran ». Dirigé depuis 2010 par le charismatique Moustafa Hijri, après une décennie d’inactivité militaire, il avait repris les hostilités contre l’Iran en avril 2016. Le PDKI disposerait de plusieurs milliers de peshmergas (combattants kurdes irakiens et iraniens) qui mènent essentiellement des actions de harcèlement contre les forces iraniennes, alternant escarmouches et embuscades. Et de préciser « Des groupes spéciaux, regroupés sous la bannière des ‘Aigles de Zagros’ lui permettent de conduire des opérations de commandos dans la profondeur du dispositif iranien. Cette structure mobile et efficace fait du PDKI la figure de proue des opérations militaires menées par les Kurdes iraniens contre le régime des Mollahs ». En décembre 2016, une double attaque à l’engin explosif imputée à Téhéran avait notamment ciblé le QG du PDKI à Koysandjak, au Kurdistan irakien, tuant plusieurs peshmergas et employés locaux. Comme le souligne encore Emile Bouvier : « Si l’idéologie de ces groupes diffère, passant du nationalisme à l’utopie révolutionnaire, tous semblent s’être accordés sur l’impossibilité d’obtenir un État kurde indépendant et détaché de l’Iran. Leur objectif est donc de parvenir à une situation similaire à celle du Kurdistan irakien : une région autonome au sein d’un État fédéral, la reconnaissance de leur identité et le respect de leurs droits socio-politiques. Cette volonté commune s’était illustrée par l’établissement, en 2018, d’un Centre de coopération des partis politiques du Kurdistan iranien à l’initiative du PDKI ». Conscient du rôle déstabilisateur que les Kurdes iraniens pourraient avoir en cas d’affrontement avec les Etats-Unis, l’Iran avait accepté d’ouvrir en Norvège, au mois de mai 2019, un cycle de négociations avec des représentants du Centre de coopération des partis politiques du Kurdistan iranien. Il s’agissait alors de la première réunion de ce type depuis 1979. Conduite par Seyed Mohammad Kazem Sajjadpour, conseiller du ministre iranien des Affaires étrangères, les Iraniens avaient tenté de convaincre les Kurdes de cesser les hostilités et de ne pas s’engager aux côtés des Américains en cas de conflit ouvert. En retour, les Kurdes avaient exigé que leurs droits fussent respectés et que la formation d’une région autonome similaire à celle de la RAK irakienne fût étudiée. Les Iraniens avaient évidemment refusé de donner suite à ce type de demande. Et depuis lors, des accrochages s’étaient multipliés et rendaient possible, à terme, une opération iranienne d’envergure.
C‘est précisément ce qu’il s’est produit le 14 novembre 2022 lorsque l’Iran a lancé une nouvelle série de frappes de missiles et de drones, contre des groupes d’opposition kurdes iraniens basés au Kurdistan d’Irak voisin, tuant au moins une personne et en blessant huit. Elle ne constituait pas une surprise dans le contexte de la contestation initiée par le décès de la jeune kurde Mahsa Jina Amini, une contestation particulièrement forte dans les provinces kurdes iraniennes. Le pouvoir iranien accuse ces groupes d’attiser les troubles en Iran. « Cinq missiles iraniens ont visé un bâtiment du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) », avait indiqué Tariq al-Haidari, maire de Koysanjaq, une ville située à l’Est d’Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. « Il y a un mort et huit blessés. Il s’agit de Kurdes iraniens », avait pour sa part détaillé le ministère de la Santé de la région autonome. Au même moment, « quatre frappes de drones » avaient également visé des bases du Parti communiste iranien et du groupe nationaliste kurde iranien Komala dans la région de Zrgoiz, avait annoncé Atta Seqzi, un chef de Komala. D’après lui, les militants auraient été « prévenus de l’imminence des frappes » et évacué les installations. La cible n’était pas forcéement fortuite dans la mesure où il s’agissait de faire un lien entre la contestation dans les provinces kurdes et le parti Komala dont serait membre un cousin de Mahsa Jina Amini, un certain Erfian Salih Mortazaee, installé depuis un an au Kurdistan d’Irak (Nord), où il a rallié le groupe nationaliste kurde iranien Komala et qui avait accordé une interview à l’AFP fin septembre 2022. Il a affirmé avoir appelé la mère de Mahsa Amini, qui lui a narré les faits ayant conduit à la mort de sa cousine : « La mort de Jhina a ouvert les portes de la colère populaire », a ainsi déclaré Erfan Salih Mortezaee, en treillis, utilisant le prénom kurde de sa cousine pour évoquer les manifestations en Iran. Et de considérer que « les femmes sont à l’avant-garde et participent courageusement aux manifestations », a dit M. Mortezaee. Avant de conclure : « Nos jeunes savent que si ce régime tombe, une vie meilleure les attend ».
Toujours est-il que la frappe iranienne avait suscité une protestation officielle du gouvernement de Bagdad. A la fin de la journée du 14 novembre 2022, le ministère irakien des Affaires étrangères dont le gouvernement est pourtant réputé proche de Téhéran avait « condamné avec la plus grande fermeté » ces frappes, qui « empiètent sur la souveraineté irakienne », assurant qu’il prendrait « des mesures diplomatiques de haut niveau », sans toutefois les détailler. En Iran, une source militaire iranienne a confirmé des attaques avec "des missiles et des drones" contre "des sièges des partis terroristes" en Irak. Les personnes visées étaient présentées comme des « terroristes ayant activement participé aux émeutes des deux derniers mois, notamment en provoquant des incendies contre des banques et des bâtiments administratifs dans plusieurs localités » du Kurdistan iranien, selon le général Mohammad-Taghi Osanlou, commandant d’une base des Gardiens de la révolution, à la télévision publique.
Une autre frappe allait intervenir une semaine plus tard. L’Iran avait de nouveau bombardé, dans la nuit de dimanche 20 au lundi 21 novembre 2022, des groupes d’opposition kurdes iraniens basés au Kurdistan d’Irak voisin, toujours accusés par Téhéran d’attiser les manifestations secouant la République islamique. Le gouvernement central de Bagdad a une nouvelle fois également condamné « fermement », les bombardements de l’Iran contre ses opposants basés au Kurdistan irakien, refusant que son territoire constitue un « terrain de luttes ou de règlements de compte ». En prenant soin d’assurer que son « territoire ne doit pas être une base utilisée pour porter préjudice aux pays voisins », selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Le Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) et le groupe nationaliste kurde iranien Komala avaient tous deux confirmé des bombardements ayant visé leurs installations : « Les Gardiens de la révolution ont de nouveau bombardé des partis kurdes iraniens », ont indiqué les services antiterroristes du Kurdistan d’Irak, sans évoquer de bilan pour ces frappes survenues aux alentours de minuit. Le PDKI avait confirmé, le 21 novembre 2022, avoir été visé à Koya (Koysinjaq) et à Jejnikan, près d’Erbil, la capitale régionale du Kurdistan, par des « tirs de missiles et des drones kamikazes ». Il avait partagé sur son compte Twitter des vidéos montrant des boules de feu s’élevant dans la nuit noire. « Ces attaques aveugles se produisent à un moment où le régime terroriste iranien est incapable d’arrêter les manifestations en cours au Kurdistan » d’Iran, avait fustigé le PDKI, dans un communiqué publié en ligne.
Conclusion
Cette question « ethno-confessionnelle » demeure donc une variable non-négligeable de la problématique étatique iranienne et ce, quel que soit le régime en place. Cela vaut pour la République islamique comme pour le régime qu’elle a remplacé par-delà certaines différences revendiquées. Comme le souligne justement Pierre Emmery : « L’unité dans la diversité, promesse formulée dans l’effervescence de la révolution de 1979, n’est-elle finalement condamnée à n’être qu’une chimère ? Partagée entre une « iranité » définie comme « persianité/centralité » et des particularismes frustrés car doublement marginalisés, l’Iran est en tant qu’« Etat-mosaïque », dans un dilemme permanent. Quelle perspective offrir à la mosaïque de peuples qui compose son identité tout en assurant la prépondérance de l’Etat dans des régions périphériques et cependant de première importance stratégique pour le centre persan ? » [111]. Une hypercentralisation religieuse et ethnique du pouvoir est, de fait, à l’œuvre dès les débuts de la République islamique. La révolution de 1979, par ses effets déstabilisateurs, a forcé le pouvoir à réinventer un équilibre du pouvoir en son sein même, tout en étant héritière du système administratif pré-révolutionnaire. La répression de la révolte de la mi-novembre 2019 contre la hausse du prix de l’essence aurait particulièrement touché les minorités ethno-confessionnelles, aux premiers rangs desquelles les communautés notamment kurdes dans le Kordestan, le Kermanshah et la province d’Ilamet arabe dans le Khouzistan. Et en 2022, c’est encore dans les provinces ethno-confessionnelles que la répression menée dans le prolongement de la contestation provoquée par la mort tragique de la jeune kude Mahsa Jina Amini est la plus féroce. Une répression militarisée menée à l’arme lourde par les Gardiens de la révolution comme, du reste, dans le Sistan-Baloutchistan, les deux régions qui comptent le plus de tués depuis le début d’un mouvement de contestation qui s’est néanmoins développé à l’échelle nationale et dont les activistes se disent solidaires des revendications spécifiques de ces régions périphériques historiquement suspectes au pouvoir central.
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[1] Cf. Pierre Lecoq (éd. et trad.), Les inscriptions de la Perse achéménide, Paris, Gallimard, 1997, pp. 219-226.
[2] Cf. Jacques Leclerc, « Iran : Jomhuri-ye Eslami-ye Iran » (http://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/iran.htm).
[3] Cf. Franck Patinaux, « Achéménides », in Labiana Callipolis (Laboratoire d’Historie ancienne), 10 avril 2009 (http://labiana.univ-corse.fr/Achemenides_a44.html).
[4] L’Empire sassanide est le second empire persan et le nom de la quatrième dynastie iranienne (226-651). Les Sassanides furent les premiers à appeler leur empire Eranshahr ou Iranshahr, signifiant « Terre des Aryens ».
[5] Cf. Jean-Paul Burdy, « Minorités ethniques et intégration nationale », blog Questions d’orient, questions d’Occident, 31 mars 2016 (https://sites.google.com/site/questionsdorient/les-mots-de-l-iran-lexique/minorites-ethniques).
[6] Cf. Jacques Leclerc, « Iran : Jomhuri-ye Eslami-ye Iran » (http://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/iran.htm).
[7] D’où les accusations de « déviationnisme » formulées par les « ultra-conservateurs » du clergé à l’encontre de l’entourage « laïc » mais en même temps « messianiste » du président Mahmoud Ahmadinejad que l’on pourrait qualifier d’« ultra-radical » dans la remise en cause implicitement « révolutionnaire » qu’il fait de la légitimité théologico-politique du clergé au pouvoir en Iran.
[8] Article 11 : « Selon le commandement du noble verset (‘Certes, cette communauté qui est la vôtre est une communauté unique, et je suis votre Seigneur, Adorez-moi, XXI, 92’), tous les musulmans forment une seule communauté et le gouvernement de la République islamique a le devoir d’établir sa politique générale sur la base de l’alliance et de l’union des nations islamiques, et de mettre en œuvre des efforts systématiques afin de réaliser l’unité politique, économique et culturelle du monde musulman ».
[9] Cf. Constitution de ka République islamique d’Iran (http://imam-khomeini.com/web1/uploads/constitution.pdf).
[10] Cf. Pierre Emmery, « Nation et minoritrés en Iran : face au fait minoritaire, quelle réponse institutionnelle ? », on Les Clés du Moyen-Orient, 1er avril 2016 (https://www.lesclesdumoyenorient.com/Nation-et-minorites-en-Iran-face-au-fait-minoritaire-quelle-reponse.html).
[11] Article 15 :
« 1) La langue (zaban) et l’écriture officielles communes à tout le peuple (mellat) iranien sont le farsi (persan) et l’écriture persane. Les documents, les correspondances et les textes officiels, ainsi que les livres scolaires doivent être rédigés dans cette langue et avec cette écriture.
2) Toutefois, l’usage de langues locales ou de celles des tribus dans la presse et les moyens de communication de masse, ainsi que pour l’enseignement de la littérature de ces langues dans les écoles est autorisé à côté du persan ».
[12] Cf. Jacques Leclerc, « Iran : Jomhuri-ye Eslami-ye Iran » (http://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/iran.htm).
[13] ghomi étant dérivé de l’arabe ghom et pouvant se traduire par « ethnie ».
[14] Article 19 : « Le peuple d’Iran, quel que soit l’ethnie ou le groupe, jouit de droits égaux, la couleur, la race, la langue, etc., ne seront pas une cause de privilèges ».
[15] Cf. Mohamad Peykani, « L’évolution de la langue persane au cours de l’Histoire », in La Revue de Téhéran, n° 88, mars 2013 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1707).
[16] L’aire linguistique des langues indo-iraniennes s’étend sur un vaste espace allant du Kurdistan turc jusqu’au centre de l’Inde, incluant une partie de l’Irak, puis pratiquement tout l’Iran, le Tadjikistan, le Pakistan, l’Afghanistan, le Bengladesh, le Népal et le Sri Lanka.
[17] Cf. Afsâneh Pourmazâheri, « Histoire de la langue persane en Iran et ailleurs. Retour sur une langue indoeuropéenne trimillénaire », in La Revue de Téhéran, n° 87, février 2013 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1697).
[18] Le persan dâri est demeuré très proche de la langue littéraire d’origine tandis que le persan tâdjiki a davantage emprunté au turc et au russe.
[19] Cf. Jacques Leclerc, « Iran : Jomhuri-ye Eslami-ye Iran » (http://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/iran.htm).
[20] Les Azéris, principalement musulmans chiites, constituent le deuxième groupe ethno-linguistique d’Iran après les Persans. Leur population, qui constitue presque selon les statistiques entre 15 % et 25 % de la population iranienne, est plutôt concentrée dans les provinces septentrionales du pays notamment en Azerbaïdjan oriental (Āzarbāyjān-e Šarqi en Persan), région située dans le Nord-Ouest du pays, et qui jouxte sa « fausse jumelle » que constitue la province d’Azerbaïdjan occidental (Azarbāyejān-e-Qarbi en Persan ; Qarbi Azarbaycan en Azéri) où on trouve également des Azéris mais qui se trouve probablement peuplée majoritairement de Kurdes (Azerbaycanî Rojawa en Kurde) comme son nom ne l’indique pas. Les frontières administratives actuelles des deux provinces azéries sont un artifice du découpage administratif iranien et ne correspondent pas aux frontières de l’Azerbaïdjan historique. Cf. Afsâneh Pourmazâheri, « Fragments d’archéologie et d’Histoire de l’Azerbaïdjan”, in La Revue de Téhéran, n ° 84, novembre 2012 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1660). Le nom Azerbaïdjan vient du nom Atro Patikan en vieux-Persan ou du moyen persan Adur Paiyigan. Le nom signifie « Le gardien du feu », une référence au feu zoroastrien sacré qui brûlait dans le grand temple du feu à Ganzak/Ganzaca (la moderne Takan), première capitale d’Azerbaïdjan. La capitale de l’Azerbaïdjan oriental actuel est Tabriz. L’antique Tabriz est la ville la plus importante de la province, du point de vue culturel, politique et économique. Elle fut d’ailleurs longtemps la capitale économique de la Perse moderne. Cette province a de fait des frontières communes avec la République d’Azerbaïdjan, l’Arménie et l’ancien « Khanat » - une principauté territoriale turco-mongole dirigée par un Khan (« Chef » en turc) - du Nakhitchévan. Un réseau développé de routes et de chemin de fer relie l’Azerbaïdjan de l’Est aux autres parties de l’Iran et aux pays voisins. L’Azerbaïdjan oriental est l’un des territoires les plus anciens en Iran. Il contient Anshan, la capitale des Elamites - civilisation qui s’est développée durant la Haute-Antiquité dans le Sud-Ouest de l’actuel Iran en marge de la civilisation sémitique de Mésopotamie -, et le noyau de l’ancien empire perse. Durant le règne d’Alexandre le Grand en Iran (entre 336 - 331 av J-C), un guerrier nommé Attorpat aurait mené une révolte dans cette région, qui est ensuite devenue un territoire Mède et qui a par la suite été renommée Attorpatkan. Depuis lors, cette région a été connue sous les noms d’Azarabadegan, Azarbadgan et Azerbaïdjan. Certaines recherches mentionnent que la naissance de Zoroastre aurait même eu lieu dans cette région, au voisinage du Lac d’Orumieh (Chichesht), dans la ville de Konzak. Cette très ancienne province de l’Iran a toujours eu une place prédominante dans la construction de l’État iranien. Il convient notamment de rappeler que la dynastie Safavide (1501 - 1722) qui avait précisément établi sa capitale à Tabriz, était dominée par des Iraniens d’ascendance azérie, donc turque. De fait, la langue azérie est une langue de la famille ouralo-altaïque, ayant des liens étroits avec le turc même si la langue pratiquée aujourd’hui est rattachée avec insistance par le pouvoir central perse à une origine irano-mède et désignée comme de l’« azéri moderne » (et non comme du « turc »). De manière générale, les Azéris ont toujours été bien intégrés en Iran : de fait, la plupart des nobles et Grands d’Iran en sont issus comme les principales figures de la Révolution constitutionnelle de 1907 contre Mohamad Ali Shah Qadjar (8 janvier 1907 - 16 juillet 1909) lequel, en tant que Prince héritier, était d’ailleurs vice-roi d’Azerbaïdjan, puis de la Révolution islamique de 1979 dont l’actuel « Guide » Ali Khamenei est un Azéri. Voire de l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad, natif de Garmsar (province de Semnan) et qui, selon la rumeur, pourrait également être issu d’une famille d’Azéris, très nombreux dans cette ville. On peut à certains égards parler d’un sentiment « supra-ethnique » du nationalisme iranien dans la minorité azérie, résolument bilingue et pratiquant généralement l’exogamie. Ainsi, des Azéris, ou des Iraniens ayant des racines en parties azéries, se retrouvent effectivement dans les plus hautes fonctions politiques ou religieuses de l’Etat iranien. Cf. Rasmus Christian Elling dans son ouvrage intitlé Minorities in Iran : Nationalism and Ethicity after Khomeini, London, Palgrave Macmillan, 2013. L’ethnicité azérie connaît traditionnellement une sorte de double allégeance à l’Etat-nation iranien et à l’Ommat (cette communauté d’appartenance supra-nationale qui a remplacé l’ordre impérial). Mais les Azéris n’en conservent pas moins un sentiment très vif de leur particularisme parfois vécu comme une forme de stigmatisation - le Shah Pahlavi a pu qualifier les Azéris de « singes » - qui peut donner lieu à un certain nombre de revendications identitaires. Il n’existe aujourd’hui aucun mouvement autonomiste de masse, et moins encore sécessionniste, chez les Azéris d’Iran, de confession musulmane chiite pour la plupart. Et en tant que Chiites, ils ne sont pas sujets aux mêmes formes de discrimination que les minorités pratiquant d’autres religions et sont bien intégrés dans la vie économique. Aujoiurd’hui, ils possèdent des journaux et des programmes de radio dans leur propre langue. Leurs revendications en matière de droits culturels et linguistiques se font cependant de plus en plus fortes, les Azéris d’Iran réclamant en particulier la mise en œuvre de leur droit, prévu par la Constitution de la République islamique du 24 octobre 1979, de bénéficier d’une éducation en langue azérie . Mais seule une petite minorité prône la sécession de l’Azerbaïdjan iranien de la République islamique d’Iran en vue d’une union éventuelle avec la République d’Azerbaïdjan voisine (8 millions d’habitants), qui a recouvré son indépendance le 31 août 1991 après avoir été une république socialiste fédérée d’Union soviétique depuis 1936, dans le prolongement du précédent constitué par l’avènement, sous la conduite de Cheikh Muhammed Khyabbani, d’une éphémère république qui prit le nom d’Azadistan avec Tabriz pour capitale durant à peine six mois, de juin à septembre 1920.
[21] Les Turkmènes d’Iran, dont le nombre s’élève à environ 1 400 000 personnes, sont plutôt concentrés dans les provinces du Golestan et du Khorassan du nord. Ils sont également présents dans la moitié nord de la province du Golestan dont la ville la plus peuplée est Gonbad-e Kavous. En dehors de celle-ci, Bandar-e Torkaman est la ville la plus peuplée par les Turkmènes. Cf. Afsaneh Pourmazaheri, « L’Iran contemporain : une mosaïque de minorités ethniques et culturelles » in La Revue de Téhéran, n°103, juin 2014 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1916#gsc.tab=0).
[22] Cf. http://opa.online.free.fr/article.php3 ? id_article=794.
[23] Avant l’arrivée de l’islam, le zoroastrisme était la religion officielle de l’Iran sous les Sassanides. Il a été submergé par l’invasion arabe au VIIème siècle, et l’islamisation progressive de l’Iran pendant les quatre siècles suivants. Le zoroastrisme ne compterait plus que 30 000 à 35 000 fidèles en Iran, résidant surtout dans de petits villages, contrairement aux Juifs et aux Chrétiens réunis dans des agglomérations. Cf. Salomé Saqué, « Iran : la persécution silencieuse des minorotés religieuses », on Le vent se lève, 22 février 2018 (https://lvsl.fr/iran-la-persecution-silencieuse-des-minorites-religieuses).
[24] Les quelques 300000 chrétiens sont pour l’essentiel arméniens (150000) et assyro-chaldéens. Cf. Djamileh Zia, « Les Assyriens et les Chaldéens d’lran », in La Revue de Téharan, n° 38, janvier 2009 (http://www.teheran.ir/spip.php?article876).
[25] Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’Iran abrite aussi la deuxième communauté juive du Moyen-Orient après Israël. Ses quelque 10 000 membres descendent pour certains des Juifs restés dans la région après l’exil à Babylone, au VIème siècle av. J.-C.. Cette communauté était restée importante jusqu’au moment de la révolution islamique de 1979 lorsqu’elle comptait encore entre 80 000 et 100 000 membres, alors que les communautés juives des autres pays du Moyen-Orient avaient presque disparu suite à la création d’Israël. Environ 20 000 Juifs sont partis dès les premiers mois de la révolution et quelque 60 000 les années suivantes, 35 000 aux Etats-Unis, 20 000 en Israël et 5 000 en Europe. Bien que la Constitution de 1979 donne un statut officiel aux Juifs et même un siège au Parlement, la plupart des membres de cette communauté ont émigré vers Israël stigmatisé comme « entité sioniste » avec la manifestation d’un antisionisme du régime qui confine parfois à l’antisémitisme comme dans les diatribes anti-israéliennes et négationnistes de l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad.
[26] Cf. Article 13 : « Les Iraniens zoroastriens, juifs et chrétiens sont reconnus comme les seules minorités religieuses qui, dans les limites de la loi, sont libres d’accomplir leurs rites religieux et, quant au statut personnel et à l’éducation religieuse, agissent en conformité avec leur liturgie ». En vertu de cet article, ces trois confessions bénéficient généralement de la liberté de culte, de la disposition de leurs lieux de culte, de leur statut personnel propre (mariage, divorce, héritage) et disposent théoriquement de leurs écoles (en langue farsi, avec un directeur musulman) et leurs lieux communautaires.
[27] La religion bahaïe, aussi connue sous le nom de bahaïsme ou de foi bahaïe, a été fondée par le Persan Mirza Husayn Ali (1817-1892). Ce nom est dérivé du surnom donné à son fondateur : Baha’ullah (en arabe, « Gloire de Dieu » ou « splendeur de Dieu »). Il fut le disciple d’un certain Siyyid Mírza Ali-Muhammad (1819-1850) qui prit le titre de « Bab » (signifiant « porte » en arabe) en prétendant être Al-Qaïm (« Celui qui s’élève », encore appelé « l’imam Caché » ou Al-Mahdí, « celui qui est bien guidé », en arabe), annoncé par la tradition islamique et attendu par les musulmans avant le « Jour du Jugement ». La doctrine de Baha’ullah a de fait été influencée par le « Babisme », ce mouvement réformateur millénariste initié par le « Bab », lequel mouvement bouleversa la société iranienne au milieu du XIXème siècle et dont les membres jouèrent un rôle non négligeable dans la promulgation de la constitution iranienne en 1905. Les Bahaïs revendiquent d’ailleurs le « Bab » comme prédécesseur de leur propre religion puisque Baha’ullah se présenta comme un de ses disciples et annonça être la réalisation de sa prophétie. En 2007, la religion bahaïe comptait environ 7 millions de croyants répartis dans plus de 193 pays. Son centre mondial est situé à Haïfa, en Israël. Pour ce qui est de l’Iran, depuis l’avènement de la République islamique en 1979, les quelque 300 000 à 350 000 Bahaïs du pays sont considérés comme des « infidèles non protégés », en quelque sorte des non-personnes qui n’ont ni droits, ni protection alors qu’ils constituent numériquement parlant la deuxième minorité religieuse après les sunnites. Depuis la révolution islamique de 1979, cette religion monothéiste est strictement interdite par le régime de la République islamique. Leur foi étant postérieure à l’islam, elle n’est à ce titre pas considérée comme une religion par le régime ecclésial iranien. Ils n’ont pas le droit d’entrer à l’université, ni d’occuper un emploi public, ni de bénéficier d’une quelconque aide sociale. Cf. Salomé Saqué, « Iran : la persécution silencieuse des minroités relitieuses », on Le Vent se lève, 22 février 2018 (https://lvsl.fr/iran-la-persecution-silencieuse-des-minorites-religieuses). Ils ne disposent pas du droit de propriété. D’ailleurs, les biens de nombreux Bahaïs sont confisqués, en dépit de la désapprobation de feu le grand Ayatollah Montazéri. Des pressions sont exercées sur les employeurs pour licencier les salariés soupçonnés d’être Bahaïs qui ne peuvent percevoir de retraite, ni même inscrire un nom sur la tombe de leurs défunts, hériter, se réunir pour pratiquer leur religion. Leurs lieux saints et leurs cimetières sont détruits. Cf. « Laissez étudier les Bahaïs », in Le Monde, 16 décembre 2005. « Un bahaï est un mhdur ad-damm, quelqu’un dont le sang peut être versé en toute impunité », souligne Christian Cannuyer. Cf. Christian Cannuyer, Les Bahaïs, Turnhout, Editions Brepols, 1988. Selon la législation iranienne, tuer un Bahaï n’est pas considéré comme un crime. Près de 200 d’entre eux ont ainsi été exécutés entre 1979 et 2010 pour avoir refusé de se convertir à l’isam et des centaines d’adeptes emprisonnés. Un document interne signé en 1991 de la main d’Ali Khamenei, guide suprême de la révolution islamique, détaille une série de recommandations pour « régler » ce que les autorités appellent « la question bahaïe » : « Le gouvernement traitera les Bahaïs de telle sorte que leur progrès et leur développement soient bloqués. (...) Il faut les expulser des universités, soit lors du processus d’admission, soit au cours de leurs études. [...] L’accès à l’emploi, s’ils s’affichent comme Bahaïs, doit leur être refusé ». Cf. « Laissez étudier les Bahaiïs », in Le Monde, 16 décembre 2005. La loi islamique condamne sans appel la foi bahaïe, car les musulmans considèrent Muhammad comme le dernier des Prophètes et Baha’ullah étant postérieur à Muhammad ne peut donc en aucun cas être selon eux un messager de Dieu. Beaucoup de musulmans désignent explicitement Baha’ullah comme un « apostat » criminel, l’apostasie (riddah en arabe qui a la signification de « tourner le dos ») étant passible de la peine de mort.
[28] Cf. « Iran », on L’observatoire de la liberté religieuse, Rapport 2018 (https://www.liberte-religieuse.org/iran/).
[29] Cf. Article 12 :
« La religion officielle de l’État iranien est l’islam de confession Dja’farite (chiite) ».
[30] À l’origine nomade, les Baloutches sont devenus semi-nomades. Certains vivent le long de la frontière avec le Baloutchistan pakistanais, d’autres voyagent entre le désert du Sistan et Herat (Sistan en hiver, Herat en été). Ils sont subdivisés en plusieurs groupes dont le plus important est Rakhshani (les autres étant Sanjarani, Nahrui, Yamarzaï, Sumarzaï, Gumshazaï, Sarabandi, Miangul, Harut, Salarzaï). Ils sont sunnites hanafites et de langue baloutche. Cf. Djamileh Zia, « La province du Sistân et Baloutchistân, un aperçu historique », in La Revue de Téhéran, n ° 47, octobre 2009 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1058).
[31] Cf. Afsaneh Pourmazaheri, « L’Iran contemporain : une mosaïque de minortés ethniques et culturelles, in La Revue de Téhéran, n°103, juin 2014 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1916#gsc.tab=0).
[32] Cf. Djamileh Zia, « Les frontières orientales de l’Iran de l’Antiquité à nos jours », in La Revue de Téhéran, n ° 47, octobre 2009 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1049).
[33] Cf. Chris Zambelis, « The Evolution of the Ethnic Baluch Insurgency in Iran », in Combating Terrorism Center (CTC), Vol. 7, n°3, mars 2014 (https://ctc.usma.edu/the-evolution-of-the-ethnic-baluch-insurgency-in-iran/).
[34] Né en 1984, il est issu d’une tribu renommée du Sarhadd et bénéficie d’un certain prestige théologique acquis, en un ou deux ans de scolarité religieuse, dans la « Maison du savoir », la principale madrassa (« école coranique ») de Zahedan que ses disciples appellent plus familièrement Makki (du nom de son fondateur MawlanaAbd al Aziz Makki qui l’a inaugurée en 1969).
[35] Le Centre de Recherche du Majlis (Parlement) islamique, un think-tank du régime iranien, a dans un rapport mis en garde le pouvoir contre la possibilité d’instabilité interne et de soulèvements intérieurs en l’absence d’une politique de développement à destination des minorités ethniques comme les Baloutches dont 35 % à 50 % sont sans emploi. C’est dans cette perspective qu’il convient d’interpréter le fait qu’à la fin du 9ème conseil des ministres qui s’est déroulé dans la province du Golestan, le 16 mars 2006 à Gorgan, sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, 80 résolutions favorisant le développement économique et social de la province du Golestan devaient être votées. Un total de 4 000 milliards de rials soit environ 400 000 euros de prêt à un taux préférentiel pour des projets à caractère technique et économique afin de créer des emplois dans la province du Golestan faisait partie des résolutions approuvées. Cette région est régulièrement le théâtre d’inondations meurtrières à cause des déboisements intensifs des montagnes qui l’encerclent : déjà en août 2001, puis en juillet 2002 ; et encore en août 2005, quelque 350 fermettes avaient été emportées par les flots faisant plus de 5 000 victimes.
[36] Cf. Reza Hossein Borr, « The Armed Struggle in the Eastern Parts of Iran Entered a News Phase When the Firts Suicide Mission Was Carried Out in a Militaray Base in Sarawan, Baluchistan, on 29 December 08 », 1er janvier 2009 (www.thebaluuch.com/010109_report.php).
[37] Cf. Amineh Soghdi, « Baluch Celebrate Rebel’s Arrest », on Institute for War and Peace Reporting, 10 mars 2010.
[38] Cf. « Jundallah Claim Responability for Bomb Blast », Press TV, 30 mai 2009. Cité par Chris Zambélis, « A New Phase of Resistance and Insurgency in Iranien Baluchistan », in Combating Terrorism Center Sentinel, Vol. 2, n°7, juillet 2009, pp. 15-18, p. 15.
[39] Cf. « Guérillas secrètes au Sistan iranien », in Le Monde du renseignement, n° 604, 29 octobre 2009.
[40] Cf. « Iranian Rebels Pick New Leader », on al-Jazeera, 28 février 2010.
[41] Cf. « Iranian Rebels Pick New Leader », on al-Jazeera, 28 février 2010.
[42] Cf. infra note 11.
[43] Cf. infra.
[44] Cf. Pour le blog officiel de Jaish al-Adl Iran, voir www.jashuladl.blogspot.jp. Cf. pour consulter la page Twitter officielle de Jaish al-Adl Iran, voir www.twitter.com/jaishuladl. Jaish al-Adl Iran exploite également Edalaat News, situé sur edaalatnews.blogspot.co.uk.
[45] Cf. Chris Zambelis, « The Evolution of the Ethnic Baluch Insurgency in Iran », in Combating Terrorism Center (CTC), Vol. 7, n°3, mars 2014 (https://ctc.usma.edu/the-evolution-of-the-ethnic-baluch-insurgency-in-iran/).
[46] Rattaché à l’école théologique sunnite « « déobandie ». Dès 1979, Mawlana Abdulaziz Mollazadeh (1916-1987) avait désapprouvé la constitution « chiite » iranienne mais sans rompre avec Téhéran pour qui il demeura longtemps un interlocuteur important, jusqu’à sa mort en 1987.
[47] Cf. « L’Iran disposé à écraser Jeish al-Adl », on IRIB, 25 mars 2014.
[48] Cf. « Iran threatens to send army into Pakistan to stop terrorists », on DEBKA-Net-Weekly, Vol. 13, n°624, 21 février 2014.
[49] Cf. Jamal Ismail, « Ansar al Furqan Group Claims Attack against IRGC HQ in Iran », on Asharq Al-Awsat, 8 décembre 2018 (https://aawsat.com/english/home/article/1495831/ansar-al-furqan-groupe-revendications-attaque-contre-irgc-hq-iran). Le quotidien panarabe saoudien a affirmé que l’attaque « reflétait la colère nourrie par la minorité (baloutche de la ville) contre le gouvernement ». Le journal indique encore que le gouvernement iranien aurait expulsé de Chabahar des milliers de familles baloutches et les aurait remplacées par des Perses afin de changer sa démographie. Il a en outre affirmé que l’Iran accordait la nationalité aux chiites afghans qui avaient combattu en Syrie et en Irak et les déplaçaient à Chabahar. Il a ajouté que « des mouvements baloutches anti-régime ont récemment intensifié leurs opérations contre Téhéran afin de le dissuader d’accomplir son plan d’expulsion et de marginalisation des Baloutches de leurs régions ancestrales ».
[50] « Le critière » ou « le discernement » est le nom traditionnellement donné à la 25ème Sourate du Coran et comporte 77 versets. Bien que le titre ne fasse pas directement partie du texte coranique, la « Tradition » musulmane a donné comme nom à cette sourate « Le critère » titre du premier verset qui reprend un thème récurrent dans ce livre saint, à savoir que l’« Appel », Al Qoran, est le dernier critère de distinction entre le bien et le mal. Selon la « Tradition » musulmane, cette sourate aurait été proclamée pendant la période mecquoise, c’est-à-dire schématiquement durant la première partie de l’histoire du Prophète avant l’hijra (« l’exil ») de la Mecque. Les oulémas musulmans s’accordent pour considérer que cette sourate occupe la 42ème place dans l’ordre chronologique.
[51] Cf. Chris Zambelis, « The Evolution of the Ethnic Baluch Insurgency in Iran », in Combating Terrorism Center (CTC), Vol. 7, n°3, mars 2014 (https://ctc.usma.edu/the-evolution-of-the-ethnic-baluch-insurgency-in-iran/).
[52] HAI aurait été co-fondé et dirigé par un obscur militant baloutche appelé Abu Yasir Muskootani jusqu’à sa mort le 7 mai 2013. Le groupe se réfère explicitement à Abdolmalek Rigi comme à son « émir spirituel » (commandant). Abu Yasir Muskootani avait ostensiblement déclaré le 16 avril 2013 : « Les disciples de notre émir Abdel Malek Baluch sont toujours en vie ». Le porte-parole de HAI, Abu Hafs al-Baloushi, est lui-même considéré comme étant un ami du dirigeant pendu à Téhéran le 20 juin 2010, mais pas comme un ancien membre du Jundallah (« Soldats d’Allah »), l’organisation sunnite séparatiste baloutche, même s’il aurait été un cofondateur de HAI. Cf. Chris Zambelis, « The Evolution of the Ethnic Baluch Insurgency in Iran », in Combating Terrorism Center (CTC), Vol. 7, n°3, mars 2014 (https://ctc.usma.edu/the-evolution-of-the-ethnic-baluch-insurgency-in-iran/). Selon le ministre des Renseignements, Mahmoud Alavi, il aurait été tué le 25 août 2016. Cf. « HAI Council Announcement : Martyrdom of Abu Yasir Muskootani and Selection of New Emir », on Harakat al-Ansar, 7 mai 2013. Cf. pour le blog officiel Ansar al-Furqan (anciennement Harakat e-Ansar e-Iran (HAI), le site www.ansariran1.blogspot.com. Cf. pour la page YouTube officielle d’Ansar al-Furqan, voir www.youtube.com/user/ansariran1. Cf. pour la page Twitter officielle d’Ansar al-Furqan, voir www.twitter.com/AnsarIran_eng.
[53] Cf. pour le blog officiel de Hizb al-Furqan, voir www.hezbulfurqan.blogspot.com. Cf. également la page Facebook officielle de Hizb al-Furqan à l’adresse www.facebook.com/hezbulfurqan1.
[54] Cf. Harakat al-Ansar, le 7 décembre 2013 :
« Au nom d’Allah, le Très Miséricordieux, le Plus Miséricordieux.
Louange à Allah, Seigneur des mondes, que la paix et les bénédictions soient sur notre bien-aimé Prophète Muhammad, ainsi que sur sa famille et ses compagnons.
Allah dit : Et tenez fermement la corde d’Allah tous ensemble et ne vous divisez pas. Et rappelez-vous la faveur d’Allah sur vous - quand vous étiez des ennemis et qu’Il a réuni vos cœurs et que vous êtes devenus, par Sa faveur, des frères. Et vous étiez au bord d’une fosse de feu et il vous en a sauvé. Ainsi, Allah vous explique clairement ses versets, afin que vous soyez guidés. Sourate AlImran 103
Et dans un autre verset : En effet, Allah aime ceux qui combattent pour sa cause de manière consécutive, comme s’il s’agissait d’une seule et même structure liée fermement. Sourate Saff 4
Sur l’autorité de Ibn Basheer (RA), Rasul Allah (S) a déclaré : « L’exemple des croyants dans leur amour mutuel et leur miséricorde ressemble à l’exemple d’un corps. Si une partie ressent de la douleur, alors tout est affecté par la maladie et la fièvre ».
Et dans un autre récit : « Les musulmans sont comme une seule personne ; si son œil lui fait mal, alors tout son corps va en souffrir… », raconté par Muslim
Pour des raisons d’unité et pour éviter toutes différences et divisions et pour unifier nos actes avec nos paroles, nous (Harakat Al-Ansar) nous sommes unis aux moudjahidines de Hizbul Furqan sous la bannière de La Ilah Illa Allah et du Jihad sur le chemin d’Allah. Nos objectifs sont de faire tomber le régime iranien, de faire entendre la parole d’Allah, de mettre fin à l’oppression et d’aider les opprimés (sur nos terres et dans tous les pays musulmans affectés par la corruption de l’Iran chiite) et d’établir la charia du peuple iranien. Seigneur des mondes. (Ceci) afin que notre Jihad devienne un pilier pour le retour de la khilafah que notre prophète bien-aimé nous a promise, soyez sur lui bénédictions et paix.
Nos groupes ont fusionné sous le nom d’Ansar Al-Furqan.
En conclusion, nous demandons à Allah de faire preuve de tact et de ténacité. Et que la paix et les bénédictions soient sur rasul Allah et sa famille et ses compagnons et leurs alliés.
Conseil d’Ansar Al-Furqan.
Cf. http://ansariran-en.blogspot.com/2013/12/important-announcement-merger-of-hizbul.html cité par https://jihadology.net/category/%E1%B8%A5izb-al-furqan/.
[55] Cf. Joanna Paraszczuk, « Iran Sunni Baloch Insurgents : ‘Union with Hizbul-Furqan Strengthens Our Front Against Safavids’ », on EA Worldview, 21 décembre 2013 (https://eaworldview.com/2013/12/iran-sunni-baloch-insurgents-union-hezb-ul-forqan-strengthens-front-safavids/).
[56] Cf. Joanna Paraszczuk, « Iran Sunni Baloch Insurgents : ‘Union With Hizbul-Furqan Strenghtens Our Front Against Safavids’ », on eaworldview.com, 21 décembre 2013 (https://eaworldview.com/2013/12/iran-sunni-baloch-insurgents-union-hezb-ul-forqan-strengthens-front-safavids/).
[57] Cf. « Announcement : The Beginning of Operation Ra’ad », on Harakat al-Ansar, November 13, 2012.
[58] Cf. Joanna Paraszczuk, « Iran Sunni Baloch Insurgents : ‘Union With Hizbul-Furqan Strenghtens Our Front Against Safavids’ », on eaworldview.com, 21 décembre 2013 (https://eaworldview.com/2013/12/iran-sunni-baloch-insurgents-union-hezb-ul-forqan-strengthens-front-safavids/).
[59] Le penchant de HAI pour les attentats-suicides dans les zones urbaines le distingue des autres organisations militantes baloutches. Cf. Chris Zambelis, « The Evolution of the Ethnic Baluch Insurgency in Iran », in Combating Terrorism Center (CTC), Vol. 7, n°3, mars 2014 (https://ctc.usma.edu/the-evolution-of-the-ethnic-baluch-insurgency-in-iran/).
[60] Cf. Chris Zambelis, « The Evolution of the Ethnic Baluch Insurgency in Iran », in Combating Terrorism Center (CTC), Vol. 7, n°3, mars 2014 (https://ctc.usma.edu/the-evolution-of-the-ethnic-baluch-insurgency-in-iran/).
[61] Cf. Joanna Paraszczuk, « Iran Sunni Baloch Insurgents : ‘Union With Hizbul-Furqan Strenghtens Our Front Against Safavids’ », on eaworldview.com, 21 décembre 2013 (https://eaworldview.com/2013/12/iran-sunni-baloch-insurgents-union-hezb-ul-forqan-strengthens-front-safavids/).
[62] Cf. Joanna Paraszczuk, « Iran Sunni Baloch Insurgents : ‘Union With Hizbul-Furqan Strenghtens Our Front Against Safavids’ », on eaworldview.com, 21 décembre 2013 (https://eaworldview.com/2013/12/iran-sunni-baloch-insurgents-union-hezb-ul-forqan-strengthens-front-safavids/).
[63] Cf. Joanna Paraszczuk, « Iran Sunni Baloch Insurgents : ‘Union With Hizbul-Furqan Strenghtens Our Front Against Safavids’ », on eaworldview.com, 21 décembre 2013 (https://eaworldview.com/2013/12/iran-sunni-baloch-insurgents-union-hezb-ul-forqan-strengthens-front-safavids/).
[64] On attribue au HUF l’assassinat, en janvier 2012, de Molawi Jangi Zehi, l’imam de la prière du vendredi à la mosquée de Rask, qui avait été tué sur la route de Chabahar-Sarbaz. Selon un article d’avril 2012 publié par Gerdab (le « Centre d’analyse des crimes organisés des Gardiens de la Révolution »), un certain Abdoljalil Ghanbar Zehi, le chef du Hizbul-Furqan, aurait été tué par les forces de sécurité iraniennes, aux côtés de son commandant en second, Molavi Salahudin, également connu sous le nom de Hamza Mollazehi. Zehi aurait notamment été responsable de nombreux attentats à la bombe et d’importations d’armes en Iran pour mener des opérations terroristes dans la zone frontalière irano-pakistanaise. Cf. http://www.gerdab.ir/fa/news/10282/%D8%B3%D8%B1%D9%83%D8%B1%D8%AF%D9%87-%DA%AF%D8%B1%D9%88%D9%87%DA%A9-%D8%AA%D8%B1%D9%88%D8%B1%D9%8A%D8%B3%D8%AA%D9%8A-%D8%AD%D8%B2%D8%A8-%D8%A7%D9%84%D9%81%D8%B1%D9%82%D8%A7%D9%86-%D8%A8%D9%87-%D9%87%D9%84%D8%A7%D9%83%D8%AA-%D8%B1%D8%B3%D9%8A%D8%AF-%D8%B9%D9%83%D8%B3).
[65] Cf. Joanna Paraszczuk, « Iran Sunni Baloch Insurgents : ‘Union With Hizbul-Furqan Strenghtens Our Front Against Safavids’ », on eaworldview.com, 21 décembre 2013 (https://eaworldview.com/2013/12/iran-sunni-baloch-insurgents-union-hezb-ul-forqan-strengthens-front-safavids/).
[66] Cf. Chris Zambelis, « The Evolution of the Ethnic Baluch Insurgency in Iran », in Combating Terrorism Center (CTC), Vol. 7, n°3, mars 2014 (https://ctc.usma.edu/the-evolution-of-the-ethnic-baluch-insurgency-in-iran/).
[67] Ce point est illustré par une déclaration attribuée à Nasser Baluchi, membre présumé de Harakat-e Ansar-e Iran : « Si vous pensez que notre djihad n’a rien à voir avec le nationalisme, vous avez tort. Notre djihad est pour l’islam. Et nous allons frapper les chiites où qu’ils soient, que ce soit en Iran, en Syrie ou en Irak, cela ne fait aucune différence pour nous. Notre umma n’a pas de frontières. Cf. « Pourquoi combattons-nous ? », Harakat al-Ansar, 16 avril 2013. Cf. également la déclaration suivante publiée par Harakat-e Ansar-e Iran : « Qu’est-ce que Harakat Ansar Iran ? Nous sommes des moudjahidin d’al Ahlus Sunnah d’Iran. Nos objectifs sont les suivants : 1. Protéger les minorités sunnites opprimées d’Iran contre leur gouvernement chiite. 2. Frapper la tête et le cœur du chiisme, de Téhéran et de Qum pour endiguer les destructions qu’ils ont propagées parmi Ahlus Sunnah dans le monde entier (comme en Syrie et en Irak). 3. Établir la charia sur nos terres. 4. Retrouver l’Iran pour les musulmans, avec l’aide d’Allah ». Cf. Chris Zambelis, « The Evolution of the Ethnic Baluch Insurgency in Iran », in Combating Terrorism Center (CTC), Vol. 7, n°3, mars 2014 (https://ctc.usma.edu/the-evolution-of-the-ethnic-baluch-insurgency-in-iran/).
[68] Cf. Le Monde du renseignement, « L’attentat au Baloutchistan réveille toutes les craintes iraniennes », on intelligenceonline.fr, n°824, 20 février 2019 (https://www.intelligenceonline.fr/diplomatie-parallele/2019/02/20/l-attentat-au-baloutchistan-reveille-toutes-les-craintes-iraniennes,108345575-art).
[69] Cf. Caleb Weiss, « Iran-based jihadist group claims attack on oil pipeline », on longwarjournal.org, 30 décembre 2017 (https://www.longwarjournal.org/archives/2017/12/iran-based-jihadist-group-claims-attack-on-oil-pipeline.php).
[70] Cf. Sarah Mirdâmâdi, « Les influences réciproques de l’arabe et du persan au cours de l’Histoire », in La Revue de Téhéran, n° 87, février 2013 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1695).
[71] Article 16 :
« Dans la mesure où la langue du Coran, des sciences et des connaissances islamiques est l’arabe et où la littérature persane en est complètement imprégnée, cette langue devra être enseignée après l’école primaire et jusqu’à la fin du cycle secondaire dans toutes les classes et dans toutes les disciplines ».
[72] Cf. Pierre Emmery, « Nation et minorités en Iran : face au fait minoritaire, quelle réponse institutionnelle ? », on Les Clés du Moyen-Orient, 1er avril 2016 (https://www.lesclesdumoyenorient.com/Nation-et-minorites-en-Iran-face-au-fait-minoritaire-quelle-reponse.html).
[73] Cf. Reza Zia Ebrahim, « ‘Arab invasion’ and decline, or the import of European racial thought by Iranian nationalist », in Journal of Ethnic and Racial Studies, vol. 37, n°6, 2014 (https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01419870.2012.734389?src=recsys&journalCode=rers20
[74] A l’instar d’Ahwaz, la capitale du Khouzistan, et de Khorramsahr, Abadan avait figuré parmi les cibles stratégiques de l’attaque irakienne. À l’automne 1981, sa raffinerie fut même en grande partie détruite. Il fallut attendre la fin de la guerre pour que les activités pétrolières de la ville reprennent, mais dans une moindre mesure.
[75] Cf. interview de Saddam Hussein, in Al-Anba (« Les Nouvelles »), 19 janvier 1981.
[76] Cf. Interview de Tarek Aziz, in Watan al-Arabi (« La Patrie arabe »), 22 janvier 1981.
[77] Cf. Jean-Michel Vernochet, « L’Iran face à ses minorités » in La crise iranienne : mythe ou réalité ?, in Géostratégiques, n°18, janvier 2008, pp. 163-184, p.176 (https://docplayer.fr/22416033-L-iran-face-a-ses-minorites-jean-michel-vernochet.html)
[79] Cf. DEBKAfile Exclusive Report from Iran, « Ethnic Arab Intifada Targets Richest Iranian Oil Resource », 14 juin 2005.
[80] Cf. John R. Bradley, « Repression of Arabs fuels unrest in Iran », in The Washington Times, 15 mars 2006.
[81] En effet, l’un des leaders et fondateurs de ce groupe, Habib Chaab qui s’était exilé avec sa famille il y a une dizaine d’années en Suède dont il a acquis la citoyenneté, aurait été enlevé à Istanbul le 9 octobre 2020, alors qu’il se serait rendu dans le quartier de Beylikduzu, sur la rivbe européenne de la ville, où il aurait eu rendez-vous intime avec une ressortissante iranienne identifiée comme Sabein Saedi et arrivée la veille en Turquie vraisemblablement pour lui tendre un piège - communément appelé « piège à miel » - pour le ramener clandestinement en Iran via la ville de Van à la frontier iranienne. Cf. « Habib Chaab : des fichiers montrent comment un dissident iranien a été kidnappé en Turquie après un ‘piège à miel’ par l’Iran », fr24news.com, 16 décembre 2020 (https://www.fr24news.com/fr/a/2020/12/habib-chaab-des-fichiers-montrent-comment-un-dissident-iranien-a-ete-kidnappe-en-turquie-apres-un-piege-a-miel-par-liran-nouvelles-du-monde.html). Le 11 novembre 2020, on le découvrait faire des aveux à la télévision iranienne iriin.ir et admettre à la television avoir été impliqué dans l’attentat contre le défilé militaire du 22 septembre 2018 et travailler pour les services de renseignements saoudiens. Il se trouve que trois dirigeants du groupe séparatiste arabe iranien, en exil au Danemark, ont été reconnus coupables le 4 février 2022 d’espionnage au profit de l’Arabie saoudite par un tribunal danois. A l’issue d’un procès fleuve à huis clos, ces trois membres de l’ASMLA (« Mouvement arabe de lutte pour la libération d’Ahvaz ») ont été reconnus coupables d’avoir « recueilli des informations sur des individus et des organisations, au Danemark et à l’étranger, ainsi que sur les affaires militaires iraniennes, et d’avoir transmis ces informations à un service de renseignement saoudien », a annoncé le tribunal de Roskilde près de Copenhague. Dans cette affaire qui avait illustré l’exportation des tensions saoudo-iraniennes sur le sol européen, les trois hommes âgés de 40 à 51 ans et dont l’un a la nationalité danoise, encourent 12 ans de prison. C’est paradoxalement un projet d’assassinat d’un de ces trois hommes déjoué par la police danoise qui avait mis le Politiets Efterretningstjeneste/PET (service de contre-espionnage danois) sur la piste de leurs activités. Copenhague avait accusé Téhéran d’avoir voulu éliminer ce haut responsable de l’ASMLA en représailles à l’attentat sanglant d’Ahvaz perpétré en septembre 2018. Les trois hommes ont également été jugés coupables de « promotion du terrorisme », en soutenant les activités de la branche armée d’ASMLA. « La majorité du jury a estimé que les actions et les attentats de ces mouvements sont des actes terroristes et dépassent les limites des combats légitimes pour la liberté », a précisé le tribunal. Enfin, ils sont reconnus coupables de « financement et de tentative de financement du terrorisme » pour avoir reçu 15 millions de couronnes (2 millions d’euros) d’un service de renseignement saoudien ainsi que d’avoir essayé d’obtenir 15 millions supplémentaires de la même source. Cette somme visait à financer les activités de l’ASMLA, selon le tribunal. Le trio est incarcéré depuis février 2020 et bénéficie d’une protection particulière du fait des menaces qui pèsent sur lui. L’organisation séparatiste, considérée comme « terroriste » par l’Iran et dont les dirigeants résident au Danemark et aux Pays-Bas, défend l’autodétermination de la province d’Ahvaz. Le 7 février 2022, l’Iran a fustigé les pays européens qui se refusent à extrader des chefs d’organisations séparatistes et mis en garde les pays voisins [dont l’Arabie saoudite] qu’il accuse de financer ces groupes, notamment l’ASMLA (« Mouvement arabe de lutte pour la libération d’Ahvaz »). Chef présumé de l’ASMLA, Habib Farjollah Chaab, connu également comme Habib Asyud, un Irano-Suédois, détenu en Iran depuis 2021 - il avait disparu en octobre 2020 après s’être rendu à Istanbul et avant de réapparaître un mois plus tard détenu en Iran -, a été accusé le 18 janvier 2022 par la section 26 du tribunal révolutionnaire de Téhéran de « terrorisme » et de « corruption sur terre », accusation entraînant généralement la peine capitale. « Selon l’enquête menée par le ministère des Renseignements, les aveux de l’inculpé et les preuves en possession du tribunal, Habib Chaab est accusé d’avoir, par le biais de son organisation, propagé la « corruption sur terre ». Il est également accusé d’avoir « planifié et mené des actions terroristes et détruit des biens publics », a expliqué le procureur. « Le groupe a mené des actions terroristes horribles avec l’utilisation de bombes contre des biens publics ». « Il a commis des vols à main armée et des actions terroristes qui ont blessé ou tué 74 citoyens iraniens », a martelé le procureur. Selon lui, le principal objectif du groupe était « la désintégration de la province iranienne du Khouzestan et l’établissement d’un Etat arabe ». Outre l’accusé, six autres dirigeants du groupe installés dans des pays européens, dont le Danemark, les Pays-Bas et la Suède étaient chargés de commettre des attentats terroristes en Iran, selon le procureur. En novembre 2020, la télévision iranienne avait diffusé une vidéo de Habib Chaab, dans laquelle il reconnaissait notamment travailler pour les services de renseignement saoudiens. Il s’accusait également d’un attentat meurtrier ayant visé en septembre 2018 un défilé militaire à Ahvaz, chef-lieu de la province du Khouzestan.
[83] Cf. « Interview de Mahmoud Ahmad Al-Ahwazi », in MEMRI (Middle East Media Research), Dépêche Spéciale, n° 2961, 2 mai 2010, (http://www.memritv.org/clip/en/0/0/0/0/0/0/2473.htm).
[84] Cf. Didier Chaudet, « L’Iran face au terrorisme : un sursaut nationaliste salutaire… et risqué, on The Conversation, 26 octobre 2018 » (https://theconversation.com/liran-face-au-terrorisme-un-sursaut-nationaliste-salutaire-et-risque-105512).
[85] La licence d’Iran InternationaTV est en outre détenue par une société appelée Global Media Circulating, selon les registres de l’Ofcom. Adel al-Abdulkarim, l’un des deux directeurs de la société, serait un ressortissant saoudien. Une source proche du prince héritier saoudien aurait déclaré que le budget de ce média serait de l’ordre de 205 millions de dollars et que la cour royale saoudienne en serait le contributeur direct. Par ailleurs, il y eut le tweet malencontreux d’Abdulkhaleq Abdulla, conseiller du prince héritier des Emirats Arabes Unis, Mohammed bin Zayed dit MBZ, le 22 septembre 2018, peu de temps après l’attentat terroriste meurtrier perpétré à al-Ahwaz en Iran : « 10 militaires tués au cours d’une attaque sur un défilé militaire dans la ville d’Al-Ahvaz au Sud-Ouest de l’Iran. L’attaque d’une cible militaire n’est pas un acte terroriste et le déplacement de la bataille dans la profondeur iranienne est un choix déclaré qui s’intensifiera au cours de la prochaine étape ».
[86] Cf. James M. Dorsey, « Destabilising Iran », on Think-In, The National Universituy of Singapore, 11 avril 2019 (https://mei.nus.edu.sg/think_in/destabilising-iran/).
[87] Depuis, la province n’avait plus connu d’attaques jusqu’au début de la conetstation contre le régime deux ans plus tard, dans le prolongement de la mort de la jeune Mahsa Amini. Dix personnes, dont une femme de 45 ans et deux enfants de 9 et 13 ans, ainsi qu’un officier de police ont été tués, le 16 novembre 2022, lors de de deux attaques distinctes à moto à Izeh dans la province du Khouzistan, faisant au total sept tués et huit blEssés.
[88] Le nom du Kurdistan iranien équivalent du Rojava syrien.
[89] Cf. Mireille Ferreira, « Le kurde, langue du peuple des montagnes », in La Revue de Téhéran, n ° 52, mars 2010 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1146).
[90] Cf. Mohammad Zârei, trad. de Mahnâz Rezai, « Les mosquées de Sanandadj », in La Revue de Téhéran, n ° 52, mars 2010 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1150).
[91] C’est au XIème siècle, vers 1090, avec l’arrivée au pouvoir des Turcomans Seldjoukides, sous le règne du Mu`izz ad-Dîn Sandjar (1084-1157), connu par la suite sous l’appellation de Sultan Sandjar (1118-1157) que les Kurdes fondèrent, pour la première fois de leur histoire, un Etat à proprement parler kurde qui prit justement le nom de Kurdistan.
[92] Cf. Afsâneh Pourmazâheri, « Histoire de la langue persane en Iran et ailleurs. Retour sur une langue indoeuropéenne trimillénaire », in La Revue de Téhéran, n° 87, février 2013 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1697).
[93] Cf. Afsâneh Pourmazâheri, « Heurs et malheurs de l’Histoire kurde », in La Revue de Téhéran, n° 52, mars 2010 (http://www.teheran.ir/spip.php?article1147).
[94] Cf. Khoubrouy-Pak, « Un gouvernement éphémère au Kurdistan iranien : la République de Mahabad », (http://www.iranworldinstitute.org/texte/mahabad.htm). Cf. également Khoubrouy-Pak, Une Républiquue éphémère au Kurdistan, Paris, L’Harmattan, 2002.
[95] Cf. Ali Kilic, « L’Etat de la République du Kurdistan », 22 janvier 2009 (www.pen-kurd.org).
[96] Cf. Souleyma Mardam Bey, « Les minorités, cibles privilégiées de la répression en Iran », in L’Orient le Jour, 14 décembre 2019 (https://www.lorientlejour.com/article/1198603/les-minorites-cibles-privilegiees-de-la-repression-en-iran.html).
[97] Cf. Max Chamka, « Le PJAK, méconnue ramification de la résistance kurde d’Iran », 22 juillet 2005 (http://www.caucaz.com).
[98] Il s’agirait d’un directoire d’une petite dizaine de personnes qui compterait quatre hommes et trois femmes, au nombre desquelles, outre Abdul-Rahman Hadjii Ahmedi, un certain Akif Zagros qui aurait été l’un des interlocuteurs présents lors d’une rencontre qui aurait été organisée avec de hauts responsables américains à Kirkouk en 2006, mais aussi Biryar Gabar ainsi qu’Agiri Rojhilat. Cf. Derek Henry Flood, « Between the Hammer and the Anvil : An Exclusive Interview with PJAK’s Agiri Rojhilat », in Terrorism Monitor, Vol. 7, n ° 31, 23 octobre 2009 (http://www.jamestown.org/programs/gta/single/?tx_ttnews%5Btt_news%5D=35638&tx_ttnews%5BbackPid%5D=26&cHash=40c36ff434).
[99] Cf. Wladimir van Wilgenburg, « Kurdish PKK Using PJAK to Isolate Turkey », in Terrorism Monitor, Vol. 8, n ° 33, 19 août 2010 (http://www.jamestown.org/single/?no_cache=1&tx_ttnews%5Btt_news%5D=36765&tx_ttnews%5BbackPid%5D=390&cHash=7d37952b9d).
[100] Cf. Ibidem.
[101] Cf. James Brandon, « Iran’s Kurdish Threat : PJAK », in Terrorism Monitor, Vol. 4, n ° 12, 15 juin 2006.
[102] Cf. Louis Imbert, « Iran : après les attentats, les réseaux kurdes dans la ligne de mire de Téhéran », in Le Monde, 14 juin 2017 (https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/06/14/iran-apres-les-attentats-les-reseaux-djihadistes-kurdes-dans-la-ligne-de-mire-de-teheran_5144003_3218.html).
[103] Une video relayée par Rita katz, directrice du site de surveillance du djihadisme SITE Intelligence Group Enterprise mentionnait un activiste dénommé Abu Mujahid al-Farsi qui prenait la parole au nom des combattants en Iran et déclarait : « Nous disons au gouvernement magien [zoroastrien, NDA] et à ceux qui le soutiennent : attendez les actions et non les mots ». Cf. « In ISKP Video, Fighters in Afghanistan, India, Kashmir, and Pakistan Renew Pledge to Baghdadi While Theatening Enemies »,SITE, 29 juin 2019 (https://ent.siteintelgroup.com/Statements/in-iskp-video-fighters-in-afghanistan-india-kashmir-and-pakistan-renew-pledge-to-baghdadi-while-threatening-enemies.html).
[104] En avril 2016, on estimait à quelque 300 le nombre de combattants kurdes de l’« Etat islamique »/Daech tués par la coalition internationale, dont Ziad Salim Mohammad Ali le Kurde, l’un des dirigeants, lors d’un raid sur Mossoul début 2015. En juin 2016, un autre responsable de l’« Etat islamique »/Daech, Hemn Jalal,alias Abdulrahman le Kurde, avait également été éliminé. Tous deux venaient d’Irak mais on évoque aussi la présence de deux frères kurdes originaires de Turquie à la tête de l’une des unités turques de l’Etat islamique en Syrie. Ainsi de la fameuse cellule kurde d’Adiyaman responsable de 8 des 10 des attentats perpétrés par l’« Etat islamique »/Daech en Turquie. A Suruç (le 20 juillet 2015) comme à Ankara (le 10 octobre 2015), l’« Etat islamique »/Daech, a choisi des djihadistes kurdes pour aller tuer d’autres Kurdes dont de nombreux alévis (un courant musulman minoritaire), proches du PKK ou de la gauche turque. Cf. Ariane Bozon, « Les Kurdes de Daceh, sujet tabou », on Slate.fr., 10 octobre 2016 (http://www.slate.fr/story/124992/kurdes-daech-sujet-tabou).
[105] Cf. Louis Imbert, « Iran : après les attentats, les réseaux kurdes dans la ligne de mire de Téhéran », in Le Monde, 14 juin 2017 (https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/06/14/iran-apres-les-attentats-les-reseaux-djihadistes-kurdes-dans-la-ligne-de-mire-de-teheran_5144003_3218.html).
[106] Cf. Louis Imbert, « Iran : après les attentats, les réseaux kurdes dans la ligne de mire de Téhéran », in Le Monde, 14 juin 2017 (https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/06/14/iran-apres-les-attentats-les-reseaux-djihadistes-kurdes-dans-la-ligne-de-mire-de-teheran_5144003_3218.html).
[107] Au Kurdistan d’Irak, l’islamisme a pris forme à Halabja, une ville du sud de la région, en 1952, quand s’y sont installés les « Frères musulmans ». En 1971, Saddam Hussein avait dissous l’organisation des Frères musulmans irakiens et donc leur composante kurde. Jusqu’en 1979, les conflits politiques et sociaux s’articulaient pour la plupart en termes de classe, d’ethnicité et de nationalisme, plutôt qu’à l’aide de catégories religieuses. Mais à partir de cette date, la question kurde connaît une certaine islamisation avec l’apparition de groupes plus radicaux. L’année 1979 est celle de la Révolution islamique en Iran, laquelle a largement contribué à populariser les idées islamistes et a propulsé le développement de mouvements islamistes à travers le monde musulman, y compris au Kurdistan d’Irak. Un premier mouvement islamiste radical, l’Armée islamique du Kurdistan,fut fondé en 1980, avec le soutien de l’Ayatollah Khomeyni. L’année suivante, des « Frères musulmans », dont Salahadin Bahadin et Najmuddin Ahmad Faraj, dit Mala Fateh Kreka alias Mollah Krekar fondèrent le Groupe d’Ansar. En 1985, ce fut au tour du Lien islamique de voir le jour autour de Mohammed Barzanji. Ce groupe adhéra sans conditions à l’idéologie révolutionnaire de Khomeyni. Enfin, en 1987, Osman Abdelaziz, membre des « Frères musulmans », son frère Mollah Ali Abdelaziz, ancien peshmerga (combattant kurde) de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), et Ahmad Kaka Mahmoud fondent le « Mouvement islamique du Kurdistan » (MIK ou Bzotnawa), qui participa à des manifestations massives contre la politique brutale de Bagdad à l’égard des populations du Kurdistan. En réaction à ce soulèvement populaire dans le Nord de l’Irak, le régime de Saddam Hussein ordonne rapidement la destruction du quartier Kani Ashqan de Halabja, où le MIK était basé, et procéda à des arrestations, ce qui conduit le mouvement à déclarer la lutte armée, le djihad, contre le régime irakien. Cf. Pierre-André Hervé, « L’isalm politique au Kurdistan irakien, un acteur marginal mais en raltif progrès », on Les clés du Moyen-Orient, 25 novembre 2013 (https://www.lesclesdumoyenorient.com/L-islam-politique-au-Kurdistan.html). En mars 1988, la même ville de Halabja, occupée par l’armée iranienne, fut bombardée par l’aviation irakienne à l’aide d’armes chimiques, conduisant à la mort de 5 000 Kurdes et provoquant un sursaut nationaliste dans l’ensemble de la population kurde. Par la suite, des vétérans du djihad afghan qui avaient rejoint le « Mouvement islamique du Kurdistan » avaient finalement décidé de le quitter pour former de nouveaux partis plus radicaux, de tendance salafiste, une relative nouveauté pour le Kurdistan : le Hamas kurde, fondé par Omar Baziani, et Al Tawhid (« Mouvement islamique pour l’unification »), fondé par Abu Bakr Hawleri. En mai 2001, un autre mouvement a ainsi émergé à partir du MIK, le « Groupe islamique du Kurdistan » (Komal), lui aussi adepte du salafisme, et dirigé par Mollah Ali Bapir. Le 8 septembre 2001, soit quelques jours avant les attentats du World Trade Center, le Hamas kurde et Al Tawhid s’étaientt rassemblés sous l’autorité de Abdullah al-Shafei pour former le mouvement Jund al-Islam (« Soldats de l’islam ») et déclarer le djihad contre les partis kurdes laïques. Quelques mois plus tard, le Mollah Krekar avait pris le contrôle de ce mouvement qui étaitdevenu Ansar al-Islam (« Partisans de l’islam »), lié d’ailleurs à Abou Moussa Al Zarqawi qu’il hébergea un temps en 2002 en bénéficiant de fonds d’al Qaïda, avant de se fondre dans une mouvance djihadiste élargie. Ce groupe radical souhaitait instaurer un Etat islamique en Irak et en expulser toute influence occidentale. Mala Krekar, l’émir historique du mouvement se trouva remplacé en 2003 par Abdullah al-Shafei, un ancien jash (« mercenaire » en kurde), qui tenait son prestige du fait qu’il avait combattu en Afghanistan, voire ensuite en Tchétchénie. Après l’intervention américaine de 2003, il avait notamment lancé de nombreuses attaques contre les forces de la coalition et les forces irakiennes mais aussi leurs collaborateurs ainsi que les communautés chrétienne et chiite. Mais cette mouvance avait une audience relativement réduite du fait d’un système de sécurité et de renseignement kurde efficace et d’un terreau social peu propice. Le groupe était placé, le 24 février 2003, sur la liste de l’ONU des organisations proches d’Al-Qaïda, liste instituée dans le cadre de la résolution 1267 de 1999 visant à lutter contre le terrorisme. En mars 2003, les pehsmergas kurdes, aidés par des frappes de l’aviation américaine, prirent d’assaut les bases d’Ansar al Islam - qui comprenait alors entre 600 et 700 partisans répartis en huit katibas (« bataillons ») -, bases situées à Gouloup, Biyara et Taouila dans les monts Haoramand. Cf. Chris Kutchera, « L’ascension d’Ansar al Islam », on RFI, 16 mars 2004 (http://www1.rfi.fr/actufr/articles/051/article_26927.asp). Quelque 200 membres d’Ansar al-Islam furent tués et près de 500 autres se dispersèrent dans différentes régions d’Irak et participèrent à la guérilla contre les États-Unis et leurs auxiliaires irakiens sous la bannière d’Al-Qaïda et avec l’assentiement tacite de l’Iran. En effet, les restes du groupe détenus un temps par les Iraniens, furent ensuite regoupés dans la région de Merivan, à Kami Kahyram, où deux de leurs chefs militaires mala Asso Howleri (le n°3 de l’organisation, capturé par la suite par les Américains) et Mala Halgurt, assurèrent leurs hôtes que leur mouvement allait être réorganisé, et qu’ils allaient retourner en Irak et reprendre leurs activités tout spécialement contre les Américains. En juillet 2003, ils auraient été reconduits à la frontière où les services iraniens leur auraient remis leurs armes et des vivres. Cf. Chris Kutchera, « L’ascension d’Ansar al Islam », on RFI, 16 mars 2004 (http://www1.rfi.fr/actufr/articles/051/article_26927.asp). Cette relation avec Téhéran devint caduque au début dees années 2010 lorsque Ansar al-Islam s’engage en 2011 dans la guerre civile syrienne sous le nom d’Ansar al-Islam in Bilad al-Sham (« Ansar al-Islam au Levant ») notamment dans les régions d’Idlib et de Damas et alors que les Etats-Unis annoncèrent leur retrait d’Irak. Le 16 octobre 2012, Ansar al-Islam avait décidé de s’allier à l’organisation « Etat islamique d’Irak » (EII), devenu plus tard l’« Etat islamique »/Daech. En 2015, la plupart des membres d’Ansar al-Islam auraient prêté allégeance à l’« Etat islamique »/Daech.
[108] Cf. Louis Imbert, « Iran : après les attentats, les réseaux kurdes dans la ligne de mire de Téhéran », in Le Monde, 14 juin 2017 (https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/06/14/iran-apres-les-attentats-les-reseaux-djihadistes-kurdes-dans-la-ligne-de-mire-de-teheran_5144003_3218.html).
[109] Cf. Louis Imbert, « Iran : après les attentats, les réseaux kurdes dans la ligne de mire de Téhéran », in Le Monde, 14 juin 2017 (https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/06/14/iran-apres-les-attentats-les-reseaux-djihadistes-kurdes-dans-la-ligne-de-mire-de-teheran_5144003_3218.html).
[110] Cf. Emile Bouvier, « Les Kurdes iraniens piégés entre Téhéran et Washington », on OrientXXI, 3 octobre 2019 (https://orientxxi.info/magazine/les-kurdes-iraniens-pieges-entre-teheran-et-washington,3290).
[111] Cf. Pierre Emmery, « Nation et minorités en Iran : face au fait minoritaire, quelle réponse institutionnelle ? », on Les Clés du Moyen-Orient, 1er avril 2016 (https://www.lesclesdumoyenorient.com/Nation-et-minorites-en-Iran-face-au-fait-minoritaire-quelle-reponse.html).
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