Emilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle est en charge depuis septembre 2024 du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.com.
Pierre Verluise, docteur en Géopolitique est directeur des publications du Diploweb.com.
Les livres géopolitiques sont nécessaires à la compréhension du monde. Le Diploweb.com en présente ici une veille spécialisée, unique sur la Toile, vue chaque mois par plusieurs milliers de personnes qualifiées. Le Diploweb.com ne touche aucune commission des éditeurs ou libraires.
Les éditeurs qui souhaitent faire connaître leurs nouveautés doivent adresser un exemplaire à Diploweb.com, 1 avenue Lamartine, 94300, Vincennes, France. Pour communiquer leur programme, les éditeurs doivent adresser un courriel à l’adresse suivante redactiondiploweb [at] gmail.com . La rédaction reste juge seule de ses choix.
. Julien Bueb, Géopolitique du sable, Une ressource omniprésente, auxiliaire de puissance et de conflits, Paris, Cavalier Bleu, juin 2025.
À la fois omniprésent à la surface de la planète, notamment dans les déserts, et invisible dans la variété de ses usages dans notre quotidien, le sable est la ressource la plus consommée au monde. Accompagnant l’urbanisation massive à l’échelle mondiale, son extraction dépasse celle des combustibles fossiles et provoque d’importantes dégradations environnementales. Ressource très lucrative pour certains pays et les mafias qui s’y implantent, elle permet à d’autres d’accroître leur territoire et d’asseoir leur puissance maritime et sécuritaire. Tous les ingrédients sont donc réunis pour faire du sable une ressource éminemment géopolitique. Car, s’il n’est pas directement à l’origine de conflits, il en est un auxiliaire clé. La géopolitique du sable conduit aussi Julien Bueb à s’interroger sur l’extractivisme et, plus largement, sur le libéralisme et le capitalisme, et les dérives qui lui sont attachées.
. Barthélémy Courmont, Natalia Guilluy-Sulikashvili, Jérôme Roudier. De la chute du mur de Berlin au conflit ukrainien. Trajectoires politiques, stratégiques et économiques en Europe de l’Est. Paris, Editions L’Harmattan, mai 2024.
Depuis la chute du mur de Berlin, deux générations de leaders politiques et économiques se sont succédées en Europe Centrale et Occidentale. Au terme de trente années d’évolution, apparaît une nouvelle génération de leaders qui n’ont pas connu les régimes antérieurs et héritent d’une transition problématique. Se pose ainsi la question de l’homogénéité de sociétés qui ont parfois pris des trajectoires très différentes, mais n’en sont pas moins encore souvent assimilées de façon réductrice à des « pays de l’Est ». De même, tandis que la guerre marque son retour sur le sol européen avec l’offensive russe en Ukraine, l’importance accordée à la trajectoire de ces pays semble plus que jamais déterminante.
Les cas explorés dans cet ouvrage collectif rassemblant des experts du monde francophone et d’Europe centrale et orientale explorent le phénomène du changement de génération et questionnent son impact réel sur l’évolution politique et économique, impactant la prise de décision en Europe de l’Est.
. Ben Gitai. Cartographies du pouvoir. Histoire du paysage de la vallée du Jourdain. Paris, Metis Presses, juin 2024.
Cartographies du pouvoir décrit l’histoire saisissante de la vallée du Jourdain à travers l’étude du site de Naharayim/Al-Baqoura, terrain de luttes de pouvoir pour la terre et pour l’eau depuis des siècles. Il nous immerge dans des dynamiques politiques et culturelles complexes et nous révèle les aspirations concurrentes liées aux ressources vitales contestées.
Présentant de nombreuses cartes inédites et spectaculaires et les comparant à l’échelle du temps, Ben Gitai montre à quel point ces documents ont été instrumentalisés par les régimes successifs – ottoman, britannique et israélo-jordanien – qui ont transformé le site et son paysage au cours des cent-cinquante dernières années. Ce corpus cartographique dialogue avec des photographies d’époque et des visualisations par nuages de points qui permettent d’actualiser la compréhension du site et de ses strates.
. Hugues Eudeline. Géopolitique de la Chine. Une nouvelle thalassocratie. Paris, PUF, septembre 2024.
Au début du XIXe siècle, la Chine est le pays le plus riche au monde. Incapable de se moderniser, l’empire puis la république vont connaître une longue phase de déclin jusqu’à la mort de Mao Zedong. Pour redevenir la puissance de premier rang qu’elle était avant le « siècle d’humiliation » et assurer la croissance économique nécessaire à son développement, l’État, pour la première fois de son histoire, privilégie la mer. En 1978, le président Deng Xiaoping, qui sera imité par ses successeurs, ouvre le pays au commerce mondial par ses ports, lui permettant un succès économique fantastique. En 2013, Xi Jinping a annoncé « l’initiative de la ceinture et de la route », dont la principale composante est la « route maritime de la soie du XXIe siècle », créant des partenariats inédits à travers le monde. Mais cette expansion commerciale s’accompagne d’ambitions géostratégiques qui rebattent les cartes en mer de Chine et mettent à mal l’équilibre mondial. Pour protéger ses intérêts, la Chine se dote ainsi d’une flotte puissante et diversifiée, capable d’intervenir partout dans le monde. Depuis 2016, elle a dépassé l’US Navy en nombre d’unités. La Chine est la nouvelle puissance maritime mondiale : faut-il s’en inquiéter ?
. Nathalie Duclos, Ex-Combatants and International Statebuilding. Veterans as Peace Brokers in Kosovo. Londres, Routledge, juin 2024.
This book examines the international efforts to regulate violence in Kosovo since 1999 through the United Nations Mission in Kosovo (UNMIK) and covers 15 years of international presence.
The book analyses the process of implementing international policies from a sociological perspective, and looks at the adaptations and arrangements of public policies achieved through the transactions of international actors with local actors, who are at the heart of policy implementation. In particular, it analyses the disarmament, demobilisation, and reintegration of combatants (DDR) programme and shows the extent to which it was co-produced with Kosovo Liberation Army (KLA) leaders co-opted by international administrators. These analyses take the opposite view to the work that considers ex-combatants as spoilers. In Kosovo, the combatant leaders acted as peace brokers, facilitating demobilisation and exercising disciplinary control over rank-and-file combatants. Their position as brokers helped them to take control of the new state being built under international administration. This book shows the importance of the relationship between ex-combatants and the state and illustrates the multiplicity of their possible trajectories, including political ones. To elucidate the dynamics of co-production in shaping DDR policies and hybridising international policies as well as in state formation, the book relies on around a hundred interviews with ex-combatants of the KLA and with international personnel, as well as on the archives of international organisations and observations in the field.
This book will be of much interest to students of international statebuilding, peace and conflict studies, Balkan politics and international relations.
. Romain Sèze. Se sacrifier pour la cause. Trajectoires des femmes djihadistes. Paris, CNRS Editions, septembre 2024.
En France, un quart des personnes incarcérées pour des faits de terrorisme jihadiste sont des femmes. Presque absentes dans les années 1990, en arrière-plan dans la décennie suivante, elles sont devenues des protagonistes à part entière de l’islamisme radical au cours des années 2010, marquées par de multiples attentats sur le sol français et par l’essor de l’État islamique en Syrie. Qui sont ces femmes ? De quels milieux, de quels genres de famille viennent-elles ? De quelles manières se sont-elles engagées pour la cause, jusqu’au sacrifice et à l’action violente ? Aujourd’hui, quels regards portent-elles sur leur parcours ? Et qu’est-ce que ces derniers nous disent de la société française du début du XXIe siècle ?
À distance des polémiques ou des préjugés, cette enquête exceptionnelle qui retrace les différentes étapes et la diversité des trajectoires d’engagement de ces militantes a été menée au sein même des prisons françaises, auprès de l’ensemble des détenues concernées.
. Yoletty Bracho, Fabrice Andréani, Thomas Posado, Lucie Laplace (dirs.). Alternances critiques et dominations ordinaires en Amérique latine. Crises, résistances et continuités. Rennes, PUR Editions, juin 2024.
Neuf enquêtes de jeunes chercheurs en sciences sociales examinent de façon transversale le politique au sein des sociétés latino- américaines : politiques sociales au Brésil et du logement au Venezuela ; extractivisme et anti-extractivisme au Mexique et en Équateur ; travail et action syndicale au Chili ; participation des populations indigènes et des femmes au Guatemala et au Mexique ; régulation de la violence et de la contestation en Colombie.
Conjuguant les approches « macro » ou « par le haut » du monde social (institutions, régimes, crises, élites), et celles dites « micro » ou « par le bas » (marginalisation, subalternité, mobilisations protestataires), le livre saisit les modalités de reproduction de l’ordre social dans des contextes régulièrement marqués par des alternances gouvernementales placées sous le signe de la « rupture ». À rebours des catégorisations partisanes et des démarches classificatoires, il identifie ainsi quelques-unes des logiques clé par lesquelles les alternances critiques s’accommodent, se nourrissent, invisibilisent ou redéployent les structures fondamentales des dominations ordinaires.
. Andrew Lambert, No More Napoleons. How Britain Managed Europe from Waterloo to World War One, New Haven, Yale University Press, juin 2025.
À l’issue des guerres napoléoniennes, une paix fragile s’installa en Europe. Les frontières du continent furent redessinées et l’Empire français, qui représentait autrefois une menace majeure pour la sécurité britannique, fut réduit à néant. Mais après des décennies de conflits incessants, l’économie britannique était accablée par une dette écrasante. Comment ce petit État insulaire et maritime pouvait-il assurer l’ordre outre-Manche ? Andrew Lambert propose une nouvelle lecture dynamique du XIXe siècle, montrant comment les décideurs politiques britanniques ont façonné un système européen stable qu’ils pouvaient équilibrer depuis leurs côtes. Grâce à un déploiement judicieux de sa puissance navale contre les forces continentales et à la stratégie défensive d’hommes d’État tels que le duc de Wellington, la Grande-Bretagne a empêché tout rival européen d’émerger pour constituer une menace, a reconstruit son économie et a établi sa domination navale et commerciale à travers le monde. C’est l’histoire remarquable de la façon dont la Grande-Bretagne a maintenu tout un continent sous contrôle, jusqu’à l’effondrement final de cet ordre délicatement équilibré au début de la Première Guerre mondiale, qui est ici retracée.
. Catherine Van Offelen, Risquer la prudence. Une pratique de la sagesse antique, Paris, Gallimard, juin 2025.
Comment prendre les bonnes décisions, faire les justes choix ? Cette vertigineuse question hante la condition humaine. La Grèce antique apporta une réponse lumineuse : la phronèsis. Les temps modernes ont maladroitement traduit le mot par « prudence », réduisant la force des audacieux à la faiblesse des frileux. Or la phronèsis désigne une sagesse pratique qui emprunte à la fois à la raison et à l’intuition, au corps et à l’esprit, à la morale et à la ruse. Synthèse des vertus, elle permet d’accepter le risque sans se précipiter vers le danger, de comprendre le monde sans être paralysé par le savoir, de naviguer dans l’incertain sans s’aveugler de chimères. Aujourd’hui, ne voulant rien risquer, l’homme est tétanisé. Pouvant tout essayer, il ne sait plus agir. Converti au principe de précaution, il se retient d’oser. La phronèsis propose un art de trancher. Elle ne nous a jamais autant manqué que dans notre présent désorienté, et nous offre un cap pour échapper à la folie du monde.
. Dédé Watchiba, Géopolitique des Grands Lacs africains - Entre crises et renaissance, Paris, L’harmattan, juin 2025.
Le bassin des Grands Lacs africains est une région stratégique, riche en ressources naturelles, mais déchirée par des tensions géopolitiques et des rivalités historiques. La République Démocratique du Congo, le Rwanda, l’Ouganda et leurs voisins s’y affrontent pour le contrôle des richesses et des corridors économiques, sous l’oeil des puissances internationales. Cet essai analyse les causes profondes des conflits, les luttes d’influence et les enjeux liés à l’exploitation minière. Il éclaire les dynamiques d’instabilité mais aussi les opportunités de transformation et de coopération régionale. À travers une approche documentée, sont explorées les voies possibles pour sortir de la spirale des crises : meilleure gouvernance des ressources, développement d’infrastructures transnationales, et renforcement du rôle des organisations régionales. À un tournant historique, le destin des Grands Lacs africains pourrait basculer vers la stabilité ou replonger dans le chaos, selon les choix politiques et économiques à venir.
. Derek R. Peterson, A Popular History of Idi Amin’s Uganda, New Haven, Yale University Press, juin 2025.
Idi Amin Dada a dirigé l’Ouganda entre 1971 et 1979, infligeant d’atroces violences à la population de son pays. Comment son régime a-t-il pu survivre pendant huit calamiteuses années ? S’appuyant sur des archives récemment découvertes, Derek Peterson reconstitue la logique politique de l’époque, en se concentrant sur les gens ordinaires — fonctionnaires, conservateurs et artistes, hommes d’affaires, patriotes — qui ont investi leur énergie et leurs ressources pour faire fonctionner le gouvernement. Derek Peterson révèle comment Amin Dada a amené des gens ordinaires à se considérer comme des soldats en première ligne dans une guerre mondiale contre l’impérialisme et l’oppression coloniale. Comment ils ont travaillé sans relâche pour que les institutions gouvernementales continuent de fonctionner, même lorsque les ressources se sont taries et que la violence politique est devenue omniprésente. De cette étude de cas sur la façon dont des personnes intègres, talentueuses et patriotes, se sont sacrifiées au service d’un dictateur, Peterson tire des leçons pour notre époque.
. Petar Petrov, La politique gazière de l’Union européenne avec la Russie, Entre dépendance et diversification, Paris, l’harmattan, juin 2025.
L’Union européenne, fortement dépendante des importations de gaz russe, se trouve à la croisée des chemins dans un contexte mondial de plus en plus instable. Ce livre offre une analyse approfondie des enjeux économiques, politiques et environnementaux liés à cette relation complexe d’interdépendance. À travers une approche historique et géopolitique, Petar Petrov met en lumière les racines de la dépendance énergétique européenne vis-à-vis de la Russie et les défis qu’elle soulève. Il examine les dynamiques de marché, le rôle stratégique de Gazprom, et les tensions croissantes entre sécurité énergétique et intégration européenne. Face à la nécessité urgente de diversifier ses sources d’approvisionnement, l’Union européenne est appelée à repenser sa stratégie énergétique et à construire un futur énergétique durable. Cet ouvrage explore les solutions possibles, de la libéralisation du marché de l’énergie à l’accélération des initiatives en faveur des énergies renouvelables.
Accessible et documentée, cette étude est un ouvrage essentiel pour comprendre les relations énergétiques entre l’Europe et la Russie et leurs implications pour l’avenir de l’UE dans un monde en mutation.
. Ivan Sand, L’Honorable correspondant, Paris, Nouveau Monde, coll. Sang-Froid, 2025, 240 p.
« Comme je vous l’ai déjà dit, ce que vous allez lire peut vous perturber, mais c’est votre choix. Je vous laisserai ensuite un ou deux jours pour digérer tout ça et on se reverra pour parler du rôle d’honorable correspondant. »
Lorsque les services secrets français lui proposent de devenir un de leurs informateurs, Benjamin Curiel n’en croit pas ses oreilles. Ancien militaire et spécialiste de la Russie, il a été forcé de quitter l’armée après que la DGSE a refusé sa candidature plusieurs années auparavant.
Désormais installé à Tel-Aviv avec sa femme et ses deux filles, il est à la tête d’une des plus prometteuses start-up du monde de la défense et détient des informations très sensibles. La proposition des services français pourrait lui permettre de comprendre enfin les raisons de son éviction.
Une obsession dangereuse qui va le placer au cœur d’une rivalité entre la DGSE et le Mossad, et bouleverser bien plus que ses seules ambitions professionnelles.
Ivan Sand est officier de l’armée de l’air et a occupé différents postes en état-major et dans des centres de recherche des armées. L’honorable correspondant est son premier roman.
. Carlo Masala, La guerre d’après - La Russie face à l’Occident, Paris, Grasset, juin 2025.
Après plusieurs années de conflit, des centaines de milliers de morts, un « accord » est trouvé dans la guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine, qui gèle de facto le front et récompense l’agresseur en lui sacrifiant les territoires annexés. Mais qu’advient-il ensuite ? Nous sommes en mars 2028. Les troupes russes s’emparent de la petite ville estonienne de Narva, franchissant la frontière d’un territoire protégé par l’OTAN : l’agression des pays baltes commence… L’Europe ne s’est pas suffisamment réarmée depuis la fin de la guerre en Ukraine, et la plupart des nations dotées d’une puissance militaire significative ont désormais à leur tête des chefs d’État nationalistes. L’article 5 de l’OTAN, qui prévoit de venir en aide à l’un de ses membres s’il est attaqué, va-t-il s’appliquer ? L’Alliance prendra-t-elle le risque d’une guerre totale, alors que la diplomatie russe joue l’apaisement tout en brandissant la menace nucléaire ? Deuxième choc : Un sous-marin russe se dirige vers l’île Hans, située entre le Canada et le Groënland, pour y établir une base stratégique. L’affrontement paraît inévitable... Nous avons pris l’habitude de nous dire que ces histoires d’anticipation finissent toujours bien. Et si, cette fois-ci, ce n’était pas le cas ? Les « jeux de guerre » sont utilisés depuis longtemps par les armées du monde entier, manipulant des outils de prédictibilité sophistiqués nourris par nos connaissances politiques, stratégiques, mais aussi sociales et économiques, afin d’éclairer un futur proche et de se prémunir contre le pire. Le professeur et expert militaire Carlo Masala déroule ici un scénario implacable pour mettre en lumière les risques majeurs et immédiats qui guettent nos sociétés occidentales. Immense succès en Allemagne et en cours de traduction dans toute l’Europe, La guerre d’après est un essai de géopolitique-fiction fascinant, qui se lit comme l’avertissement ultime face à notre inaction collective.
. Christian Grataloup, Vision(s) du Monde - Histoire critique des représentations de l’Humanité, Paris, Dunod, juin 2025.
Afrique, Occident, Pacifique, Asie, Nord/Sud, Orient, Europe… autant de grands ensembles qui permettent de parler du Monde en le découpant. Pourtant aucun n’est naturel, aucun n’est neutre. S’ils peuvent isoler, stigmatiser, servir à fonder une identité, ce sont avant tout des représentations, historiquement datées, et aujourd’hui en plein mouvement. L’Orient est un rêve colonial évanoui, et l’Occident ne semble pas avoir plus de sens. Les continents sont une fiction qui n’a rien de réel, les aires de civilisations sont plus que suspectes… Certaines parties du Monde s’effacent de notre vocabulaire, comme l’Océanie. D’autres prennent une signification nouvelle, comme l’Asie. D’autres encore se veulent identitaires, tout en échouant à se définir, comme l’Europe. Personne ne justifie plus le couple Nord/Sud, mais il hante encore le discours économique. Toutes ces visions géographiques, qui sont autant de grands récits du Monde, sont issues du regard que les Européens ont porté sur les autres pour mieux se définir eux-mêmes. Christian Grataloup reconstruit leur genèse, les superpose, les articule, analyse et critique leurs dynamiques pour proposer une nouvelle lecture de l’espace de l’Humanité.
. Guillaume Devin, Notre système international, Dans quel monde vivons-nous ?, Paris, Cavalier Bleu, août 2025.
Dans quel monde vivons-nous ? Cette antienne de plus en plus présente et pressante, traduit un désarroi face à ce qui nous apparaît de plus en plus comme un désordre. Or, nous vivons certes dans un monde de contradictions entre des intérêts, des valeurs, des acteurs... mais nous vivons dans le même monde dont la vision d’ensemble nous échappe. Donner à cet ensemble une forme de cohérence est ce à quoi Guillaume Devin s’attache en décrivant notre système international, non pas comme le seul produit de rapports de forces, de dynamiques anonymes et abstraites, mais comme un système tout à la fois polycentré, hétérogène, mondialisé, multilatéral et complexe, composé d’acteurs concrets, de politiciens, de diplomates, d’activistes, en un mot de citoyen.nes qui ont leurs responsabilités dans l’état du monde. Saisir que nous faisons système du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, pour le meilleur comme pour le pire, c’est ainsi prendre conscience de nos interactions et interdépendances, et enjoindre ainsi nos opinions et nos diplomaties à la prudence et à la solidarité.
. Isabelle Dasque, Le pouvoir des femmes de diplomates - XIXe-XXIe siècles, Paris, Nouveau Monde, mai 2025.
La princesse de Lieven, Hélène Hoppenot, Nicole Alphand, Catherine Clément : proches des cercles du pouvoir, les épouses de diplomates participent aux affaires diplomatiques et influencent les rapports internationaux. Elles déploient des modes d’actions inédits, complémentaires de ceux de leurs maris, pour servir les intérêts de la France à l’étranger.
Parcourant deux siècles d’histoire, Isabelle Dasque évoque aussi bien l’ambiguïté de leur statut, leur rôle de représentantes officieuses, d’informatrices, de médiatrices, de gestionnaires ou encore de soutiens aux communautés françaises à l’étranger, que la vie quotidienne, à la fois publique et privée, parfois risquée ou pour le moins inattendue, sous les lambris des ambassades.
Fondé sur des sources inédites, cet ouvrage émaillé d’anecdotes sur la vie diplomatique dévoile pour la première fois le pouvoir réel de ces femmes à l’époque contemporaine.
. Arthur Onkoant, Au-delà de la Communauté internationale - Une critique acerbe de son pouvoir et ses liturgies, Paris, Les Impliqués, juin 2025.
Le nouvel ordre mondial s’apparente à une manipulation des consciences devenue une nécessité pour la préparation et l’organisation des luttes révolutionnaires. C’est en ce sens que les mouvements ascendants extrêmement rapides de conflits démocratiques entre les États rendent explicite le nouvel impérialisme du monde. Cet ouvrage analyse la domination oligarchique d’une certaine Communauté internationale sur le reste du monde à travers la production et la transformation des liens de pouvoir. L’auteur présente non seulement cette dimension caractéristique, mais aussi cette dimension pratique qui met en exergue le modèle de démocratie, le modèle de peuple, le modèle d’État et le modèle de gouvernement.
. Anna Colin Lebedev, Ukraine : la force des faibles, Paris, Seuil, juin 2025.
Où l’Ukraine a-t-elle puisé les ressources pour penser, organiser, maintenir la défense ? Comment fait-on face à une agression armée, quand on n’a ni la meilleure armée du monde, ni la puissance économique et politique, ni un État solide ? C’est justement de ses faiblesses que l’Ukraine a su, le moment venu, tirer sa plus grande force. Les fondements de la résistance de 2022 ont été posés en 2014 et dans les années qui ont suivi, pour que, derrière chaque arme, il y ait un Ukrainien prêt à combattre, et de nombreux autres prêts à organiser et soutenir le combat.
. Collectif, Cabinet de curiosités géographiques. 32 questions qui font le tour du monde, édition dirigée par : Matthieu Garrigou-Lagrange, Illustrations : Jean Leveugle, éd. Autrement, 2025.
« Aujourd’hui, dans un monde où le centre est partout et nulle part, nous sommes tous l’antipode de quelqu’un. »
Où est le sud ? De quoi est morte la mer Morte ? La terre peut-elle s’effondrer sous nos pieds ? Peut-on cartographier nos émotions ?… Autant de questions insolites que vous n’avez sûrement jamais pensé à vous poser ! Les auteurs ont pourtant relevé le défi de les prendre au pied de la lettre et d’y répondre de façon à la fois approfondie et accessible.
Libre à vous de flâner dans ce cabinet de curiosités soigneusement choisies, au gré de textes surprenants et des illustrations (pas si sérieuses) concoctées par Jean Leveugle. L’occasion de s’instruire, de rire aussi, et de (re)découvrir la géographie.
. Michaël Levystone, L’Asie centrale en 100 questions. Au croisement des grandes puissances, éd. Tallandier, 2025.
Les cinq États centrasiatiques – Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan – forment-ils un ensemble homogène ? Quelles sont les principales richesses minières de l’Asie centrale ? Est-elle une passerelle pour le trafic des drogues afghanes ? La Russie représente-t-elle une menace ou une garantie pour la région ?
Située au croisement des puissances russe, chinoise, indienne, iranienne et turque, marquée par le retour des talibans en Afghanistan et la guerre en Ukraine, l’Asie centrale suscite l’attention internationale. Car ces cinq États, qui ont tous proclamé leur indépendance de l’URSS en 1991, s’emploient comme jamais à promouvoir leurs intérêts dans une Eurasie en pleine reconfiguration et à faire entendre leur voix au sein d’organisations régionales dominées par Moscou et Pékin. De la Caspienne à l’Altaï, l’emplacement stratégique de l’Asie centrale sur le trajet des Nouvelles Routes de la Soie et son fort potentiel en matière d’énergies, de terres rares mais aussi d’agriculture offrent à la région de fortes perspectives économiques. Néanmoins, les défis à relever sont nombreux : développement des forces armées, lutte contre les conséquences du réchauffement climatique, émergence d’une nouvelle génération de citoyens aspirant à davantage de libertés. En 100 clés passionnantes, Michaël Levystone nous éclaire sur cette région en plein essor encore trop méconnue.
. Sylvain Domergue, Géopolitique des espaces maritimes, Coll. U, Armand Colin, 2025
Perturbation des exportations de blé en mer Noire, accident de l’Ever Given dans le canal de Suez, attaques houties sur le trafic maritime en mer Rouge ou assèchement des écluses du canal de Panama..., autant d’exemples qui montrent que la mondialisation demeure intrinsèquement dépendante des espaces maritimes. Une dépendance qui dépasse largement le seul cadre de l’économie et du commerce international : les mers et les océans constituent depuis toujours l’une des matrices vitales des équilibres climatiques et environnementaux planétaires, dont dépendent tant d’activités humaines. La maritimisation du monde soulève en parallèle de nombreux enjeux dans les champs des sciences politiques et des relations internationales.
Comment en sommes-nous arrivés à une telle dépendance à ces espaces maritimes ? Quels enjeux d’appropriation, mais aussi de gouvernance sécuritaire et environnementale soulèvent-ils ? En quoi, et pourquoi, sont-ils des lieux privilégiés de la confrontation entre puissances ? Dans quelle mesure présentent-ils, en parallèle, des opportunités uniques d’échange et d’intégration ?
En proposant un regard géopolitique, cet ouvrage embarque son lecteur pour un voyage autour du monde à la rencontre des mers et des océans, à l’heure des défis posés par l’accentuation des risques environnementaux, l’essor des tensions interétatiques, et le développement des menaces transnationales.
. Frank Close, Destroyer of Worlds. The Deep History of the Nuclear Age : 1895-1965, Londres, Allen Lane, juin 2025.
La découverte accidentelle par Henry Becquerel, à Paris en 1896, d’une légère tache sur une plaque photographique a déclenché une série d’avancées qui allaient déclencher l’ère atomique.
Destroyer of Worlds raconte la façon dont la recherche de cette source cachée d’énergie nucléaire, qui a commencé de manière innocente et collaborative, a été submergée par la politique des années 1930, et comment la dévastation d’Hiroshima et de Nagasaki a ouvert la voie à une possibilité plus terrible encore : une bombe thermonucléaire qui pourrait détruire toute vie sur terre à partir de n’importe quel endroit.
Cette histoire s’étend sur des décennies et des continents, de Becquerel à Ernest Rutherford — le scientifique néo-zélandais basé à Cambridge qui a été le premier à diviser l’atome — en passant par Enrico Fermi à Rome, Otto Hahn et Lise Meitner à Berlin et les Joliot-Curie à Paris, jusqu’à l’émergence de Robert Oppenheimer, avant de s’achever sur des développements de plus en plus horribles aux États-Unis et en URSS. Le rôle de trois femmes remarquables — Lise Meitner, Ida Noddack et Irène Curie — est examiné sous un nouveau jour et de nouveaux éléments sont apportés sur le travail d’Ettore Majorana, l’assistant de Fermi, qui a mystérieusement disparu en 1938, peut-être après avoir pressenti le pouvoir explosif de l’énergie nucléaire.
. Hervé Pierre, Le général Beaufre. Père de la stratégie française, Paris, Perrin, juin 2025.
André Beaufre (1902-1975) suit sa scolarité au collège Sainte-Barbe sous la menace des canons allemands. Contre l’avis de son père, le jeune bachelier entre à Saint-Cyr. Débute alors pour lui une carrière militaire dont les grandes étapes se confondent avec l’histoire militaire de la France jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie. Lieutenant dans le Rif où il est grièvement blessé en 1925, il est capitaine de tirailleurs marocains dix ans plus tard, avant d’assister à l’effondrement de juin 1940. Compagnon de fuite du général Giraud en 1942, il participe à la libération de la France. Après l’Indochine, il devient général commandant une division en Algérie et prend enfin la tête des forces terrestres engagées à Suez en 1956.
En 2025, pour le cinquantième anniversaire de sa disparition, l’auteur lui consacre une biographie d’envergure, après avoir fait de l’étude de sa pensée le motif d’une thèse de doctorat soutenue en 2020. Célèbre à l’étranger, redécouvert en France depuis une trentaine d’années, le « Clausewitz français » est couramment cité à l’appui des analyses les plus en vues sur la conflictualité contemporaine. Traduit dans plus d’une vingtaine de langues, son livre phare — Introduction à la stratégie — est une référence dans le monde entier.
Du point de vue conceptuel, Beaufre ne fait en effet rien de moins que de redessiner l’espace de la stratégie en combinant des domaines d’action qui lui étaient étranger. Ce qu’il nomme en l’espèce « stratégie totale », qui s’apparente aujourd’hui à la très en vogue « approche globale », est la réponse au constat d’un monde en situation systémique de « paix-guerre ». Le triptyque contestation-compétition-affrontement, qui scande les prises de parole du chef d’état-major des armées (CEMA), exprime ce « retour aux extrêmes ». Pour y répondre Beaufre traduit le remède — la stratégie totale — en posologie pouvant couvrir un large spectre des maux, de l’arme nucléaire au combat de partisans en passant par la guerre classique.
. Joseph Torigian, The Party’s Interests Come First : The Life of Xi Zhongxun, Father of Xi Jinping, Silicon Valley, Stanford University Press, juin 2025.
Le dirigeant chinois Xi Jinping est l’un des hommes les plus puissants au monde, mais aussi l’un des moins bien compris. On peut toutefois en apprendre beaucoup sur Xi Jinping et la nature du parti qu’il dirige à travers la mémoire et l’héritage de son père, le révolutionnaire Xi Zhongxun (1913-2002). Le père de Xi a servi le Parti communiste chinois (PCC) pendant plus de sept décennies. Il a été le bras droit de dirigeants éminents tels que Zhou Enlai et Hu Yaobang. Il a contribué à la création de la base communiste qui a sauvé Mao Zedong en 1935 et a lancé les zones économiques spéciales qui ont propulsé la Chine dans l’ère des réformes après la mort de Mao. Il a dirigé les efforts du Front uni du Parti envers les Tibétains, les Ouïghours et les Taïwanais. Et bien qu’il ait initialement cherché à éviter la violence en 1989, il a finalement soutenu la répression du Parti contre les manifestants de Tiananmen. The Party’s Interests Come First est la première biographie de Xi Zhongxun écrite en anglais. Cette biographie est à la fois un récit complet de la révolution chinoise et des premières décennies de la République populaire de Chine, et une histoire profondément personnelle sur la recherche de son identité dans un contexte politique plus large. S’appuyant sur une multitude de nouveaux documents, d’entretiens, de journaux intimes et de périodiques, Joseph Torigian raconte de manière saisissante la vie de Xi Zhongxun, un homme qui a passé toute son existence à lutter pour trouver un équilibre entre ses sentiments personnels et les exigences du Parti. À travers le regard du père de Xi Jinping, Torigian révèle l’extraordinaire pouvoir organisationnel, idéologique et coercitif du PCC — mais aussi son terrible coût humain.
. Paul Charon, Alain Frachon, Clément Renault, Le monde à venir vu par la CIA, Paris, Des Equateurs, mai 2025.
Chaque année, la communauté du renseignement américain remet au président des États-Unis une synthèse des menaces qui pèsent sur les USA et le monde libre. Ce rapport collecte des milliers de données et d’analyses fournies par les agents dans tous les coins du monde. La guerre contre les drogues comme le fentanyl peut-elle déboucher sur un conflit avec le Mexique, voire le Canada, perçu comme l’un des principaux producteurs de cet opioïde de synthèse ? Faut-il s’attendre à de nouveaux attentats perpétrés par l’État islamique ? L’Iran dispose-t-elle de l’arme nucléaire ? La Chine et les États-Unis se préparent-ils à entrer en guerre ? Et pourquoi le Groenland suscite-t-il tant de convoitises ? Dans ce livre prospectif et captivant, vous découvrirez aussi comment fonctionnent les services de renseignement sous l’ère de Donald Trump et si nous pouvons continuer à leur faire confiance.
. Tom Arnold-Forster, Walter Lippmann : An Intellectual Biography, Princeton, Princeton University Press, juin 2025.
Walter Lippmann est l’un des politistes les plus influents et les plus originaux de l’Amérique moderne. À la fois journaliste et théoricien politique, il a façonné des idées sur le libéralisme et la démocratie, la nature de l’opinion publique, le pouvoir et l’empire des États-Unis, les rôles des journalistes, des experts et des citoyens. Tom Arnold-Forster propose une réévaluation de la vie intellectuelle de Lippmann, offrant de nouvelles perspectives sur une carrière à l’intersection du journalisme et de la théorie démocratique.
Il montre comment Lippmann a contribué à orienter les débats publics du libéralisme américain, de l’ère progressiste à la guerre froide. En resituant ses idées dans leur contexte historique, il remet en question le topos selon lequel il était avant tout un théoricien de l’expertise et de la technocratie. Au contraire, Lippmann apparaît comme un penseur politique tourné vers le grand public et polyvalent, qui s’est consacré à l’étude de la signification et du fonctionnement de la politique dans les démocraties modernes. Couvrant des sujets allant de la liberté de la presse à la réforme urbaine en passant par la politique économique et étrangère, tout en retraçant l’évolution de Lippmann du socialisme libéral de ses débuts vers un libéralisme conservateur, ce livre explore la manière dont la pensée de Lippmann éclaire les crises et les paradoxes de la démocratie.
. Fred Constant, Géopolitique des outre-mer, Entre déclassement et (re)valorisation, Paris, Cavalier Bleu, mai 2025.
Souvent perçus comme des curiosités périphériques, plus ou moins éloignées et exotiques, vestiges d’un passé révolu, les outre-mer sont en réalité des miroirs grossissants des rapports de puissance et d’influence dans le monde. L’actualité internationale en atteste abondamment : de la menace d’annexion du Groenland par les Etats-Unis aux ingérences de la Russie dans la politique française à Mayotte, de l’intransigeance du Royaume-Uni à l’égard de Diego Garcia aux interférences de l’Azerbaïdjan en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française. Hier comme aujourd’hui, ces « extrêmes stratégiques », paradoxalement négligés par les spécialistes des relations internationales, offrent pourtant un angle d’analyse original à l’intersection de la politique locale, nationale et internationale. à l’heure d’une remise en cause inédite de l’ordre international, Fred Constant analyse comment les reconfigurations qu’il emporte, affectent les assignations géopolitiques des outre-mer corollaires à la mondialisation.
. Andrew Hartman, Karl Marx in America, Chicago, The University of Chicago Press, mai 2025.
Les États-Unis ont longtemps été considérés comme la nation anti-marxiste par excellence, mais les idées de Marx ont inspiré un large éventail de personnes à formuler une vision plus précise des enjeux du projet américain. Les historiens ont souligné l’empreinte laissée sur les États-Unis par les penseurs des Lumières tels qu’Adam Smith, John Locke et Thomas Paine, mais Marx est rarement considéré au même titre que ces figures. Pourtant, ses idées sont aujourd’hui plus pertinentes que jamais en raison de la place centrale du capitalisme dans la vie américaine. Dans Karl Marx in America, l’historien Andrew Hartman soutient que même si Karl Marx n’a jamais mis les pieds en Amérique, ce pays a été imprégné, façonné et transformé par lui. Depuis le début de la guerre civile, Marx est un spectre qui hante la machine américaine. Pendant l’âge d’or, les socialistes voyaient en Marx un antidote au pouvoir incontrôlé des entreprises. Pendant la Grande Dépression, les communistes se sont tournés vers Marx dans l’espoir de transcender l’économie capitaliste destructrice. Les jeunes militants des années 1960 se sont inspirés de Marx pour se rassembler et protester contre une guerre à l’étranger. L’influence de Marx est également évidente aujourd’hui, alors que les Américains sont de plus en plus sensibles aux questions d’inégalité, de travail et de pouvoir.
. Carlo Masala, La guerre d’après, La Russie face à l’Occident, Paris, Grasset, juin 2025.
Après plusieurs années de conflit, des centaines de milliers de morts, un « accord » est trouvé dans la guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine, qui gèle de facto le front et récompense l’agresseur en lui sacrifiant les territoires annexés. Mais qu’advient-il ensuite ? Nous sommes en mars 2028. Les troupes russes s’emparent de la petite ville estonienne de Narva, franchissant la frontière d’un territoire protégé par l’OTAN : l’agression des pays baltes commence… L’Europe ne s’est pas suffisamment réarmée depuis la fin de la guerre en Ukraine, et la plupart des nations dotées d’une puissance militaire significative ont désormais à leur tête des chefs d’État nationalistes. L’article 5 de l’OTAN, qui prévoit de venir en aide à l’un de ses membres s’il est attaqué, va-t-il s’appliquer ? L’Alliance prendra-t-elle le risque d’une guerre totale, alors que la diplomatie russe joue l’apaisement tout en brandissant la menace nucléaire ? Deuxième choc : Un sous-marin russe se dirige vers l’île Hans, située entre le Canada et le Groënland, pour y établir une base stratégique. L’affrontement paraît inévitable... Nous avons pris l’habitude de nous dire que ces histoires d’anticipation finissent toujours bien. Et si, cette fois-ci, ce n’était pas le cas ? Les « jeux de guerre » sont utilisés depuis longtemps par les armées du monde entier, manipulant des outils de prédictibilité sophistiqués nourris par nos connaissances politiques, stratégiques, mais aussi sociales et économiques, afin d’éclairer un futur proche et de se prémunir contre le pire. Le professeur et expert militaire Carlo Masala déroule ici un scénario implacable pour mettre en lumière les risques majeurs et immédiats qui guettent nos sociétés occidentales. Immense succès en Allemagne et en cours de traduction dans toute l’Europe, La guerre d’après est un essai de géopolitique-fiction fascinant, qui se lit comme l’avertissement ultime face à notre inaction collective.
. Edward Luce, Zbig. The Life of Zbigniew Brzezinski, America’s Great Power Prophet, New-York, Simon & Schuster, mai 2025.
Zbigniew Brzezinski a été l’un des principaux architectes de la chute de l’Union soviétique, qui a mis fin à la guerre froide. Enfant de Varsovie, au cœur des terres de sang de l’Europe centrale, Brzezinski a transformé sa haine féroce envers le pillage de sa patrie par l’Allemagne nazie et l’Armée rouge en une quête permanente de liberté. Né l’année où Joseph Staline consolidait son pouvoir et décédé quelques mois après le début du premier mandat de Donald Trump, Brzezinski a été façonné par les luttes de pouvoir mondiales du XXe et du début du XXIe siècle, qu’il a lui-même contribué à façonner. Conseiller des présidents américains de John F. Kennedy à Barack Obama et figure de proue de la politique étrangère à la fin des années 1970 sous Jimmy Carter, Brzezinski a converti sa renommée de soviétologue en pouvoir à Washington. Avec Henry Kissinger, son rival de toujours avec lequel il entretenait une relation tumultueuse, il incarnait la nouvelle génération d’universitaires d’origine étrangère qui s’épanouissait dans l’« université de guerre froide » américaine et qui a évincé la classe gentleman des WASP de Washington qui dirigeait la politique étrangère américaine depuis si longtemps. L’influence de Brzezinski, renforcée par son amitié inhabituelle avec le pape Jean-Paul II, d’origine polonaise, découlait de sa connaissance du « talon d’Achille » de Moscou : le fait que ses peuples, telles que les Ukrainiens, et ses États satellites, dont la Pologne, aspiraient à se libérer de l’emprise du Kremlin. Ni faucon ni colombe, Brzezinski fut un critique virulent de la guerre en Irak menée par George W. Bush et l’un des premiers partisans d’Obama. Parce qu’il allait à contre-courant de la tendance à rejoindre des factions à Washington et qu’il était parfois prêt à abandonner les démocrates pour les républicains, Brzezinski est en quelque sorte un orphelin de l’histoire. Son rôle historique a été largement sous-estimé. Dans le parcours presque cinématographique de sa vie, on retrouve le grand récit du siècle américain et la lutte des grandes puissances qui a suivi.
. John Cassidy, Capitalism and Its Critics. A History : From the Industrial Revolution to AI, New-York, Farrar, Straus and Giroux, mai 2025.
À une époque où l’intelligence artificielle, le changement climatique, les inégalités, les guerres commerciales et la montée du populisme de droite en réaction à la mondialisation remettent fondamentalement en question le système économique international, Capitalism and Its Critics offre une histoire kaléidoscopique du capitalisme mondial — de la Compagnie des Indes orientales et de la révolution industrielle à la révolution numérique. Mais John Cassidy adopte ici une approche nouvelle et audacieuse : il raconte l’histoire à travers les yeux des détracteurs du système. Des luddites anglais qui se sont rebellés contre les premières automatisations industrielles aux communistes allemands et russes du début du XXe siècle, en passant par les « dépendistes » latino-américains, la campagne internationale pour une rémunération du travail domestique des années 1970 et le mouvement moderne pour la décroissance, ce récit traverse le globe. Il évoque des noms familiers – Smith, Marx, Luxemburg, Keynes, Polanyi – mais s’intéresse également à des personnages moins connus, tels que Flora Tristan, militante française pour un syndicat universel ; Thomas Carlyle, prophète conservateur de la dépravation morale du marché ; John Hobson, premier théoricien de l’impérialisme ; J. C. Kumarappa, propagandiste de l’économie gandhienne ; Eric Williams, l’auteur trinidadien d’une célèbre thèse sur l’esclavage et le capitalisme ; Joan Robinson, l’économiste de Cambridge et critique de Keynes ; et Samir Amin, l’économiste franco-égyptien de gauche et analyste de la mondialisation. Mêlant biographies, histoire panoramique et exploration vivante des théories économiques, Capitalism and Its Critics met en lumière les racines profondes de nombreuses questions parmi les plus urgentes de notre époque.
. Marcus Rediker, Freedom Ship. The Uncharted History of Escaping Slavery by Sea, New-York, Viking, mai 2025.
Pas moins de 100 000 esclaves ont réussi à fuir les horreurs de l’esclavage dans le Sud avant la guerre de Sécession, trouvant refuge dans un réseau de passages clandestins à travers l’Amérique du Nord, aujourd’hui connu sous le nom de « chemin de fer clandestin » (Underground Railroad). Cependant, les images de fugitifs transportés clandestinement d’une maison sûre à une autre ne rendent pas compte de toute l’ampleur de ces voyages éprouvants : de nombreuses évasions ont eu lieu non pas par voie terrestre, mais par voie maritime. Freedom Ship offre un regard nouveau sur le monde secret des passagers clandestins et des navires qui les ont transportés vers la liberté à travers le Nord et jusqu’au Canada. S’étendant des voies fluviales complexes des Carolines aux rives de la baie de Chesapeake et aux ports de Boston, ces récits mettent en lumière les histoires méconnues de ceux qui ont cherché la liberté en prenant la mer, parmi lesquels le légendaire abolitionniste Frederick Douglass et Harriet Tubman, l’une des architectes les plus célèbres du chemin de fer clandestin.
. Stève Sainlaude, La France face aux Etats-Unis : une tradition d’opposition, Paris, La Raviniere, juin 2025.
Ancienne grande puissance, la France dénonce régulièrement l’hégémonie américaine. Dans la course aux récriminations, elle est probablement l’État occidental où la critique s’exprime le plus régulièrement, le plus bruyamment, parfois le plus solitairement et même, de temps à autre, le plus sévèrement. Quand les États-Unis voulurent étendre leur emprise territoriale, la France a plus d’une fois œuvré pour endiguer leur expansion. Puis, lorsque la république fédérale américaine est devenue puissance mondiale, dans un mouvement inversement proportionnel au recul de la France sur la scène internationale, ses dirigeants ont dénoncé de façon quasi systématique la suprématie de Washington. Avec La France face aux États-Unis, Stève Sainlaude revient sur les origines de cette politique d’opposition. À partir d’archives inédites, il retrace le fil de relations parfois tendues, mais jamais rompues qui, de la vente de la Louisiane par Napoléon à la crise des tarifs douaniers ouverte par Donald Trump en passant par le fameux discours de Phnom Penh du général de Gaulle, lient les deux nations depuis plus de deux siècles. Écrit dans un style vivant et foisonnant d’anecdotes, ce passionnant essai d’histoire diplomatique satisfera les spécialistes par la rigueur de son contenu tout en sachant intéresser un large public.
. Andrew Preston, Total Defense. The New Deal and the Invention of National Security, Boston, Harvard University Press, mai 2025.
La sécurité nationale peut sembler être une notion intemporelle. Les États ont toujours cherché à se fortifier et l’État moderne tire sa légitimité de la protection de sa population. Pourtant, la notion de sécurité nationale a en réalité une histoire très particulière — très américaine, et très surprenante. Le concept de sécurité nationale est apparu dans les années 1930, dans le cadre d’une campagne de la Maison-Blanche en réponse à la montée du fascisme. Avant cela, la légitimité de la défense nationale était définie comme la protection du territoire souverain contre toute invasion. Mais le président Franklin D. Roosevelt et son entourage craignaient que le public américain, rassuré par deux vastes océans, ne prenne pas au sérieux les risques à long terme posés par l’hypermilitarisation de puissances étrangères. Selon Andrew Preston, les partisans du New Deal ont développé la doctrine de la sécurité nationale pour remplacer l’ancienne idée d’autodéfense : désormais, même les menaces géographiquement et temporellement éloignées devaient être considérées comme des dangers à combattre, tandis que les concurrents idéologiques représentaient une menace pour le « mode de vie américain ». Total Defense montre que ce n’est pas un hasard si un libéral comme Roosevelt a promu cette vision. La sécurité nationale, tout comme la sécurité sociale, était une promesse du New Deal : l’État était tenu de protéger les Américains autant des armes et des navires de guerre de l’Allemagne nazie et du Japon impérial que du chômage et de la pauvreté des personnes âgées. Le changement de perception de la menace qui en a résulté, tant chez les décideurs politiques que chez les citoyens ordinaires, a transformé les États-Unis, entraînant une expansion massive du gouvernement et plaçant le pays dans un état de guerre permanent.
. Hélène Miard-Delacroix, Les émotions de 1989. France et Allemagne face aux bouleversements du monde, Paris, Flammarion, mai 2025.
La certitude d’assister à un moment de bascule dans les équilibres du monde dessine la fin d’une ère qui a commencé en 1989-1990, dans l’incrédulité, l’inquiétude mais aussi dans une joie intense. Plus encore que les changements réels qu’elle a entraînés, c’est le souvenir d’émotions puissantes qui fait la postérité de 1989, rare césure positive de l’histoire contemporaine. La mémoire de 1989 est tellement dominée par l’incroyable joie à la chute du mur de Berlin qu’on en oublierait presque que la fin de la RDA et l’unification allemande en 1990 ont été précédées de tant de peur et d’indignation, à Tian’anmen, à Leipzig, à Prague, puis à Bucarest et Timisoara. L’historienne Hélène Miard-Delacroix retrace ici la dynamique avec laquelle, entre émerveillement et espoir, les Européens ont eu l’impression d’assister à un jeu de dominos et parfois de subir les événements. En prenant ensemble la France et l’Allemagne, ce récit original et vivant révèle des circulations inattendues d’émois dans un chœur aux voix nombreuses. Il montre que les émotions sont un moyen d’appréhender le changement et une ressource de l’action publique. Partagées, elles peuvent aussi révéler et consolider des communautés de culture et de valeurs dans un moment de grands ébranlements.
. Maya Kandel, Une première histoire du trumpisme, Paris, Gallimard, mai 2025.
Le trumpisme est le phénomène politique majeur du premier quart du XXIᵉ siècle. S’il frappe l’actualité par ses outrances, son histoire débute dans les années 1980. Il naît de la rencontre entre un personnage hors norme, Donald J. Trump — héritier, entrepreneur et star de la téléréalité —, quelques idées fortes et un socle électoral républicain en recomposition. Spectacle permanent, en prise avec les évolutions des moyens de communication, il dessine mensonge après mensonge une réalité alternative. Porté par une contre-élite hétéroclite, réunissant autour de lui chrétiens évangélistes, idéologues nationaux-conservateurs, masculinistes et titans de la tech, il est en passe de remplacer les structures de pouvoir actuelles et leurs bastions culturels. Dorénavant plus grand que Trump, le trumpisme entend détruire l’ordre international hérité de la Seconde Guerre mondiale. En comprendre les ressorts est essentiel pour saisir ce qui nous arrive, et ce qui nous attend.
. Pierre Cornu, Stéphane Frioux, Anaël Marrec, Charles-François Mathis et Antonin Plarier, Les natures de la République. Une histoire environnementale de la France 1870-1940 (vol. 2), Paris, La Découverte, mai 2025.
Moment pivot dans l’histoire environnementale de la France, la IIIe République est profondément marquée, jusque dans son idéologie, par une certaine conception de la nature et de l’environnement. Elle se distingue par une identité duale, tout à la fois celle de la petite paysannerie et des paysages ruraux, et celle des hauts lieux de la modernité dont Paris est l’archétype. La période prise entre les bouleversements du premier XIXe siècle et la « Grande Accélération » d’après 1945, se caractérise par un fort volontarisme politique qui cherche à accompagner le « progrès » — notamment celui porté par la deuxième industrialisation — dans les transformations qu’il fait subir au territoire. Si les moyens ne sont pas toujours à la hauteur, l’ambition est là : jardiner le plus intensément possible la France, la rendre productive dans tous ses recoins pour favoriser la prospérité de la nation. Cette mise à profit des ressources naturelles s’appuie également sur un empire colonial qui s’étend et se structure, et dont l’environnement est bouleversé par le prométhéisme républicain et sa logique d’extraction. Pour ce régime, né et mort de défaites militaires, et qui a dû affronter les horreurs du premier conflit mondial, la guerre est l’horizon constant : elle détermine à son tour un rapport singulier à une nature à mobiliser ou à soigner. La IIIe République est ainsi ce moment historique singulier, tissé d’audace et de prudence dans le rapport des contemporains à la modernité et à l’environnement, où s’esquisse le visage de la France d’aujourd’hui.
. Sylvie Bermann, L’ours et le dragon, Russie-Chine : Histoire d’une amitié sans limites ?, Paris, Tallandier, mai 2025.
Diplomate en poste à plusieurs reprises en Russie et en Chine, Sylvie Bermann retrace la longue histoire de ces deux pays. Elle nous éclaire sur ces deux géants dont le pacte stratégique est en train de dessiner l’avenir du monde. Après des siècles de relations en dents de scie, caractérisées par l’obsession du commerce pour Saint-Pétersbourg et la préservation de leurs frontières pour la Chine impériale, leurs liens s’étoffèrent à l’accession au pouvoir de Catherine II. Dans une volonté de modernisation et d’expansion, la Russie s’empare au XIXe siècle de territoires mandchous. La prise de pouvoir du Parti communiste chinois en 1949 scelle l’alliance sino-soviétique dans un rapport toutefois inégal. Grands gagnants de la mondialisation et hantés par l’effondrement de l’URSS, les Chinois ne cachent pas leur dédain pour le « grand frère » qui n’a pas su construire de puissance économique, trop dépendant de ses hydrocarbures. Malgré ce renversement des rapports de force, la croisade contre les valeurs occidentales de Pékin et Moscou, sur fond de rivalité sino-américaine, façonne désormais leur vision du monde et influe sur le Sud global. À la croisée de l’Histoire et de la géopolitique, Sylvie Bermann analyse la stratégie des deux Empires dont le sort semble déclarée « sans limites » est surveillée par un Donald Trump décidé à s’inviter avec fracas dans cette nouvelle donne.
. Fatima Moussaoui, Iran’s Military Power Projection and the Empowerment of Ansar Allah, Cham, Springer Cham, mai 2025.
La République islamique d’Iran, bien qu’elle soit devenue célèbre pour ses choix de politique étrangère et ses actions sur la scène internationale, reste une énigme pour l’Occident. Ce livre propose une analyse introspective des fondements de cet État islamique unique, et révèle ce qui le rend résistant, ainsi que les tentatives pour le maintenir. En adoptant une approche pluridisciplinaire utilisant des grilles anthropologiques, philosophiques, psychologiques et militaires, l’ouvrage revisite le pouvoir du clergé et met en évidence sa signification originelle et sa capacité à être mis au service de politiques en phase avec le contexte politique contemporain de l’Iran. Ce livre intéressera les étudiants et les spécialistes de la stratégie militaire, de la sécurité internationale et de la géostratégie, ainsi que les officiers militaires et les décideurs politiques qui bénéficieront de la perspective nouvelle qu’il ajoute à la vision occidentale d’un pays dont la pensée stratégique et militaire est encore largement inconnue ou mal comprise.
. Nicolas Tenzer, Fin de la politique des grandes puissances - Petits et moyens États à la conquête du monde, Paris, L’observatoire Editions, avril 2025.
Et si la puissance n’appartenait plus aux grandes nations ? Nicolas Tenzer en est certain : les traditionnelles grandes puissances voient leurs jours comptés. Les États-Unis de Trump ont brisé l’Alliance atlantique ; la Chine, qui reste une puissance de prédation, s’enlise dans ses contradictions internes ; la Russie est placée sous le signe du no future. En face d’elles émergent des acteurs plus agiles susceptibles de réinventer les règles du jeu international : l’Estonie, pionnière dans les alertes sur la sécurité de l’Europe, la Turquie si elle parvient à choisir son camp, la Syrie libérée de ses occupations criminelles, mais aussi les moyennes puissances de l’Asie centrale et de l’Est. Ensemble, les démocraties du Nord, du Sud et de l’Est regrouperont leurs forces contre les puissances révisionnistes. Ensemble, elles pourront faire face aux pseudo-Empires. La France et le Royaume-Uni auront à jouer un rôle moteur dans cette recomposition. Quant à l’Ukraine, sa résistance héroïque démontre la capacité des États moyens à tenir tête aux anciennes puissances. À travers une analyse des nouveaux rapports de force, Nicolas Tenzer révèle comment ces États « intermédiaires » redessinent la carte du monde : ils créent des alliances inédites, développent des stratégies d’influence originales et prouvent qu’on peut d’autant mieux peser sur la scène internationale qu’on n’est pas une superpuissance. Demain, la sécurité du monde et la liberté des peuples reposeront sur la détermination des petites et moyennes nations. L’épisode Trump aura peut-être été le moment de cette prise de conscience.
. Beatriz Bragoni, Las mujeres de la Revolución, Barcelone, Edhasa, mai 2025.
Les révolutions forgent l’histoire. Elles surgissent, inexorables, et changent radicalement le présent, et donc l’avenir. Elles font et défont les tissus sociaux, politiques et économiques. Elles relient des événements apparemment fortuits en nœuds solides, noyaux fondamentaux de notre trame collective. Les vies individuelles, petites et anonymes, sont transformées. La révolution les rend extraordinaires. C’est le cas des femmes qui peuplent ces pages. Des femmes dont l’existence a été reléguée aux oubliettes ou, dans le meilleur des cas, subordonnée à celle des hommes en tant que personnages secondaires. Mais leurs actions, leurs destins et leurs décisions ont marqué l’histoire. On y parle de paysannes et de caciques, de femmes brunes et métisses, de Buenos Aires et du Paraguay dans les premières décennies du XIXe siècle. Du destin de femmes réalistes et de princesses transatlantiques ; de l’intime et du privé comme contrepartie inévitable du public. Sous la direction de Beatriz Bragoni, Las mujeres de la Revolución rassemble un collectif d’historiennes et d’anthropologues afin de donner corps et voix au réseau féminin qui a façonné la vie publique et privée à l’âge des révolutions.
. Jérémy Lamri, 2040 : 5 futurs possibles et comment s’y préparer, Paris, Eyrolles, avril 2025.
L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare. Face à l’intelligence artificielle, aux crises écologiques et aux transformations sociales, le monde évolue à un rythme sans précédent. À quoi ressemblera notre vie en 2040 ? Et surtout, comment nous y préparer ? Explorez cinq scénarios de futurs possibles, où se croisent prospectives scientifiques, avancées technologiques et dynamiques sociétales. Loin des dystopies alarmistes ou des utopies naïves, ce livre propose une réflexion pragmatique et documentée sur les grandes forces qui façonneront demain. Découvrez le potentiel de l’économie quaternaire et de ses leviers d’action, pour accompagner les bouleversements à venir et construire un avenir à la hauteur de nos ambitions collectives. Un ouvrage indispensable pour tous ceux qui veulent comprendre et agir pour le futur.
. Mark M. Lowenthal, Vigilance Is Not Enough. A History of United States Intelligence, New Haven, Yale University Press, mai 2025.
Chaque nation dispose d’un appareil de renseignement, c’est-à-dire d’un moyen permettant à ses plus hauts responsables d’obtenir les informations nécessaires sur des questions sensibles. Mais chaque nation le fait différemment — en fonction de son histoire, de sa situation géographique et de ses traditions politiques. Dans cet ouvrage, Mark M. Lowenthal examine le développement des services de renseignement américains afin d’expliquer comment et pourquoi les États-Unis sont passés, en l’espace de quelques années, d’une absence quasi totale de services de renseignement à une position de puissance mondiale dominante dans ce domaine. Il aborde également les choix difficiles à faire pour maintenir cette domination dans une démocratie libérale. Il décrit comment l’absence de tradition en matière d’espionnage a à la fois entravé et favorisé les efforts américains pour développer des services de renseignement pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Il souligne le pragmatisme politique — qui a conduit à des choix difficiles — avec lequel la plupart des directeurs des services de renseignement ont opéré ; la tension constante entre la sécurité et les libertés civiles dans une démocratie constitutionnelle ; la tension entre la nécessité du secret et la responsabilité requise pour une gouvernance démocratique ; et la manière dont l’importance croissante de la technologie a modifié à la fois les méthodes et les objectifs de la collecte de renseignements.
. Déborah V. Brosteaux, Les Désirs guerriers de la modernité, Paris, Seuil, avril 2025.
Face aux guerres dans lesquelles les pays d’Europe sont impliqués, nous oscillons en permanence entre anesthésie et frénésie. Certaines situations guerrières donnent lieu à un échauffement affectif, un « regain » d’énergies psychiques et sociales, tandis que d’autres sont à peine nommées, reléguées au loin. Cette enquête philosophique creuse l’ambivalence de nos rapports à la guerre, inscrite au cœur de l’histoire sensible de la modernité. Inspiré des écrits de Walter Benjamin, de W. G. Sebald ou encore de Klaus Theweleit, l’ouvrage explore ces affects guerriers à travers le XXe siècle, et interroge leur héritage : la froideur de la mise à distance, le déni des ruines après 1945, le désir d’intensification de l’expérience de soi, qui mobilise les imaginaires en 1914-1918 et s’engloutit dans les tranchées… voire mute en passions fascistes qui se nourrissent activement de la dévastation. Déborah V. Brosteaux prend au sérieux ces désirs, y compris dans leurs attraits. Et se demande : quelles transformations affectives activer pour résister aux mobilisations guerrières ?
. Jean-Robert Raviot, Vladimir Poutine et la Russie. Biographie politique d’un monarque au XXIe siècle - Analyse des enjeux russes. Editions Frémeaux et associés, 2025.
Vladimir Poutine, chef d’État russe depuis plus de deux décennies, incarne une trajectoire politique qui s’apparente à celle d’un monarque au XXIe siècle. À la fois produit de l’histoire russe et concepteur de son propre mythe, Poutine se distingue par une carrière qui débute dans l’ombre des services de renseignement, pour ensuite se hisser au sommet du Kremlin. Personnage complexe : stratège redoutable, chef de guerre qualifié tour à tour de tsar ou de tyran ou de Hitler moderne, Poutine est l’une des figures politiques les plus représentées et caricaturées au monde. Ses choix stratégiques controversés sont présentés comme autant de réponses à l’hégémonie occidentale. Poutine est décrit non seulement comme un chef d’État, mais aussi comme le porte-parole, voire l’architecte d’un nouvel ordre mondial opposant l’Occident au reste du globe.
La plupart des publications occidentales offrent une vision unilatérale et critique de Vladimir Poutine et de la Russie. La volonté de Frémeaux & Associés, avec cette biographie contextualisée de Poutine par Jean-Robert Raviot, directeur du Master des études russes et post-soviétiques à Paris-Nanterre, propose une approche nouvelle et plus nuancée. Ce travail replace Poutine dans son contexte historique, culturel et politique, en tenant compte des spécificités et enjeux géopolitiques russes. L’auteur cherche à offrir une perspective équilibrée sur les motivations du Kremlin et le soutien populaire à Poutine, aidant à comprendre les logiques sous-jacentes à ses relations parfois tendues avec l’Occident. Cet ouvrage commandé à la fois pour le public, mais aussi pour nos dirigeants, vise à élargir l’analyse au-delà des préjugés géopolitiques.
Jean-Robert Raviot est professeur à l’Université Paris Nanterre, où il dirige le Master en études russes et post soviétiques et co-dirige la formation bilingue franco-russe de droit. Ancien directeur des Collèges universitaires français de Saint-Pétersbourg et de Moscou, il est spécialiste de l’histoire politique de la Russie post-soviétique. Auteur notamment de « De l’URSS à la Russie : la civilisation soviétique » (avec Taline Ter Minassian, Ellipses, 2006), ou en 2024 « Le logiciel impérial russe » chez L’Artilleur.
. Didier Chaudet, Géopolitique de l’Afghanistan des Talibans, Paris, VA Press, mai 2025.
Plus encore parce que l’Afghanistan est redevenu un « Émirat », tenu par des Talibans mal connus, et, à bien des égards, inquiétants, il s’agit d’un État-pivot. C’est-à-dire un pays dont les évolutions internes peuvent avoir des conséquences très importantes bien au-delà de ses frontières. Ici, plus précisément, sur trois zones géographiques différentes (Asie du Sud, Asie centrale, Moyen-Orient). Et, de là, sur les intérêts des puissances de ce début de 21e siècle (Chine, Russie, États-Unis, Inde, et, dans une certaine mesure, pays européens). L’Afghanistan restera donc plus important qu’on ne le pense, même si il n’est plus que sporadiquement dans nos médias. On ne peut pas se permettre de ne pas comprendre sa géopolitique, ou d’en rester à une approche des Talibans comme irrationnels, mystérieux, incompréhensibles. Et il serait peu judicieux d’attendre qu’à nouveau, l’Afghanistan des Talibans fasse la « une » des journaux, très probablement pour de mauvaises raisons, pour offrir aux lecteurs francophones toutes les clés pour comprendre l’Afghanistan des Talibans. L’inquiétude que suscite le nouveau régime fait déjà émerger une demande pour un ouvrage capable d’expliquer cette région du monde. C’est l’ambition de l’auteur de cet ouvrage, après avoir expliqué le phénomène Taliban, et les évolutions politiques/géopolitiques afghanes, dans ses papiers et dans les médias, depuis 2008.
. Giuliano da Empoli, L’heure des prédateurs, Paris, Gallimard, avril 2025.
Aujourd’hui, l’heure des prédateurs a sonné et partout les choses évoluent d’une telle façon que tout ce qui doit être réglé le sera par le feu et par l’épée. Ce petit livre est le récit de cette conquête, écrit du point de vue d’un scribe aztèque et à sa manière, par images, plutôt que par concepts, dans le but de saisir le souffle d’un monde, au moment où il sombre dans l’abîme, et l’emprise glacée d’un autre, qui prend sa place. Giuliano da Empoli nous livre le compte-rendu aussi haletant que glaçant de ses pérégrinations au pays de la puissance, de New York à Riyad, de l’ONU au Ritz-Carlton de MBS. Il nous guide de l’autre côté du miroir, là où le pouvoir s’acquiert par des actions irréfléchies et tapageuses, où des autocrates décomplexés sont à l’affût du maximum de chaos, où les seigneurs de la tech semblent déjà habiter un autre monde, où l’IA s’avère incontrôlable… Aucun doute, l’heure des prédateurs a sonné. L’auteur du Mage du Kremlin les regarde en face, avec la lucidité d’un Machiavel et la hauteur de vue du moraliste.
. Mathieu Corteel, Ni dieu ni IA. Une philosophie sceptique de l’intelligence artificielle, Paris, La Découverte, avril 2025.
Dissimulées dans nos moteurs de recherche, réseaux sociaux, générateurs de textes ou d’images et autres assistants vocaux, les intelligences artificielles ont appris de nous pour produire des contenus à notre place. Du devoir de l’étudiant paresseux à l’article scientifique, en passant par le deepfake, le journalisme ou encore l’art visuel, les IA participent désormais à tous les types de production culturelle et se propagent de proche en proche dans chaque recoin de nos vies. Nous partageons avec elles nos souvenirs, nos désirs, nos affects, nos connaissances et nos créations sans la moindre limite. Et si leur développement conduisait non pas à l’émergence d’une machine consciente, comme leurs promoteurs et leurs détracteurs l’envisagent, mais à l’expropriation et à l’exploitation de notre intelligence collective ? En interrogeant la démultiplication infinie de simulations qui nous illusionnent, cet ouvrage (probablement écrit par une IA) nous entraîne à coups de paradoxes dans le vide du non-sens bien ordonné. Au gré d’un inquiétant voyage à la rencontre de cerveaux plongés dans des cuves, de robots dactylographes, de perroquets stochastiques, de policiers quantiques et de chatbots psychopathes, Mathieu Corteel nous amène à questionner la tentation de nous déposséder de nos qualités humaines et d’en investir des calculatrices toutes-puissantes. Qu’est-ce que la délégation de nos pouvoirs d’action, de création et de décision à des interfaces auxquelles nous attribuons une pensée implique concrètement dans des domaines tels que le travail, le soin, la surveillance, le vote ou encore l’éducation ? Que deviennent nos mondes humains en s’hybridant à nos machines connectées ?
. Mohammed Chérif Bouhouya, Géopolitique-Géostratégie : L’évolution des conceptions, Le choc de la prééminence, Paris, Trois Colonnes, mars 2025.
Dans un monde au bord de l’effritement, où les États se voient relégués à des rôles secondaires, ce livre audacieux dévoile les enjeux cruciaux de la coexistence des ambitions chinoises et américaines. Plongez dans une analyse profonde de la géopolitique et de la politique internationale, explorant les fondements des grandes puissances et les régions pivotales de notre globe. Entre passé, présent et un avenir incertain, découvrez comment chaque nation doit se préparer à une ère de mondialisation intense et à l’inévitable confrontation. Une lecture essentielle pour comprendre les dynamiques qui redessinent le paysage mondial.
. Víctor Manuel Amado Castro et Antonio Rivera, Más allá de la derecha. Diez casos mundiales, Madrid, Catarata, avril 2025.
Cet ouvrage collectif propose une analyse approfondie de l’extrême droite et du conservatisme radicalisé dans le contexte mondial actuel. À travers une douzaine de cas, il explore les différents visages de ces mouvements dans des pays tels que l’Espagne, l’Italie, la France, la Russie, le Brésil, les États-Unis, Israël et l’Inde. Chaque chapitre dévoile les causes internes et externes qui ont conduit à la montée de ces idéologies, de leurs racines historiques à leurs manifestations contemporaines, à travers l’étude de figures clés telles que Viktor Orbán, Donald Trump, Jair Bolsonaro et Javier Milei, qui représentent un changement de leadership politique et une évolution vers l’autoritarisme populiste. Les auteurs analysent comment ces mouvements remettent en cause les démocraties libérales, érodent leurs institutions et promeuvent des modèles autoritaires nationalistes et anti-démocratiques. Ils cherchent à comprendre de manière critique comment la radicalisation de la droite remodèle le paysage politique mondial et son impact sur l’avenir de nos sociétés démocratiques.
. Elizabeth Couzineau-Zegwaard, Olivier Meier et Laurent Tarnaud, Le temps des transitions, Paris, EMS Editions, mars 2025.
Dans un contexte d’urgence écologique, comment nos systèmes peuvent-ils évoluer durablement ? Préfacé par Erik Orsenna, cet ouvrage propose une analyse approfondie des multiples facettes de la crise environnementale et des transformations nécessaires pour y faire face. En introduisant la pensée marxienne appliquée aux enjeux écologiques contemporains, les auteurs s’intéressent aux défis actuels : réchauffement climatique, évolutions numériques et mutations biologiques. Structuré en deux parties, le livre explore les transitions des systèmes, des organisations et des individus. Il propose une approche plurielle des notions de transition et de métamorphose, en abordant les systèmes socio-écologiques à travers les prismes de l’alimentation et du territoire, en questionnant l’impact des véhicules électriques sur la mobilité durable et en analysant les contradictions de l’industrie du luxe face aux défis climatiques. L’ouvrage examine également des leviers tels que le « démarketing vert » pour les entreprises, ainsi que les transformations engendrées par la digitalisation et l’intelligence artificielle dans nos vies professionnelles et sociales. Le livre s’intéresse enfin aux transitions individuelles et sociales face au vieillissement, explorant la complexité de « devenir vieux » aujourd’hui. En conclusion, une interview exclusive de Sandrine Tarnaud, responsable Data et IA chez Microsoft France, illustre les adaptations organisationnelles nécessaires face aux défis climatiques et technologiques, tout en posant la question de la comptabilisation de la durabilité en entreprise. Cet ouvrage invite à une réflexion approfondie sur notre capacité d’adaptation face aux bouleversements mondiaux, proposant une approche multidimensionnelle pour bâtir un avenir plus durable.
. Gilles Dorronsoro, Le plus grand des maux. Sociologie des guerres civiles, Paris, CNRS Editions, avril 2025.
Les guerres civiles ont accompagné toute l’histoire de l’humanité. Comment mieux définir et circonscrire cette notion ? Contrairement à une idée répandue qui les cantonne aux pays du Sud, les guerres civiles sont un phénomène universel qui, en questionnant l’évidence des routines, rend visible ce qui fonde la reproduction de l’ordre social. À partir d’enquêtes de terrain, l’auteur développe une approche à la fois comparatiste et qualitative des guerres civiles contemporaines comme affrontements violents d’ordres sociaux à partir de trois hypothèses. D’abord, les guerres civiles, loin d’être des processus internes, sont des phénomènes transnationaux dont la dynamique dépend des contraintes, des ressources et des normes du système international. Ensuite, la formation d’un ordre social insurgé passe par l’instauration de nouvelles institutions qui transforment une société dans ses aspects les plus essentiels : rapports de genre, droits de propriété, hiérarchie entre groupes. Enfin, les guerres civiles créent les conditions d’une transformation des rapports entre habitus, stratégie et réflexivité. Ainsi, les possibilités d’établir de ces stratégies sont limitées en raison d’un fort degré d’incertitude, ce qui se traduit par une multiplication de stratégies à court terme qui visent à l’évitement, l’adaptation ou la survie.
. Giuliano Da Empoli, L’Empire de l’ombre - Guerre et terre au temps de l’IA, Paris, Gallimard, avril 2025.
Sur la scène : Donald Trump, Vladimir Poutine, Xi Jinping. Une fébrilité planétaire - le risque d’une déflagration mondiale. Le spectacle est impressionnant, mais que se passe-t-il vraiment dans l’ombre ? Une transformation profonde est en cours. Il est devenu urgent de la comprendre. Des idéologues du Kremlin aux techno-césaristes de la Silicon Valley, de nouvelles élites cherchent à forger des empires. La puissance de feu, matérielle et intellectuelle, du projet qui s’impose depuis la Maison-Blanche est incontestable. Comme toujours en pareil cas, ses partisans ont tendance à le présenter comme inéluctable. Mais l’acharnement avec lequel ils s’en prennent à l’Europe nous dit qu’ils la considèrent tout de même comme un obstacle à la mise en oeuvre de leurs plans. S’en rendre compte, c’est prendre conscience que nous avons davantage de pouvoir que nous l’imaginons et construire un avenir alternatif. Le point de départ doit être le refus de la soumission. Puisque le défi est philosophique et culturel, toute résistance commence par la connaissance. C’est ce qui fait de ce quatrième volume de la revue un vademecum nécessaire à tout citoyen convaincu que la vassalisation heureuse ne peut pas être sa destinée. Giuliano da Empoli Avec les contributions de Daron Acemoglu, Sam Altman, Marc Andreessen, Lorenzo Castellani, Adam Curtis, Mario Draghi, He Jiayan, Benjamín Labatut, Marietje Schaake, Vladislav Sourkov, Peter Thiel, Svetlana Tikhanovskaïa, Jianwei Xun, Curtis Yarvin.
. Jure Georges Vujic, Géopolitique de la Croatie, Paris, SPM Lettrage, avril 2025.
L’intérêt porté à la géopolitique de la Croatie a été et est, il faut bien le reconnaître, généralement limité. Il est vrai que ce territoire s’est trouvé le plus souvent, pendant environ deux millénaires, jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, aux marges d’empires et dans une situation où sa pérennité dépendait autant des puissances qui l’environnaient que de lui-même. Puis, durant une large partie de XXe siècle, précisément dans l’entre-deux-guerres puis de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1990, son intérêt géopolitique était à nouveau réduit puisqu’il semblait ne relever que de la géopolitique interne de l’État au sein duquel il se trouvait, la Yougoslavie. La Croatie n’a donc pu à nouveau relever d’analyses de géopolitique externe que depuis son accession à l’indépendance en 1991. En dresser les caractéristiques géopolitiques, comme le propose le livre de Jure Georges Vujic, est essentiel. Cela interroge sur l’histoire, sur la question européenne, sur l’importance de la géographie sur le caractère démocratique possible après l’enfermement dans un régime communiste, et plus généralement sur la question de la place géopolitique des petites nations.
. Laurent Le Gall, La politisation, Paris, La Découverte, mars 2025.
En France, les élections législatives surprises de l’été 2024 n’ont cessé de poser la question pendante de la politisation. Mais qu’est-ce qu’être politisé ? Ce mot banal dans le lexique des sciences sociales est par ailleurs utilisé au quotidien. Il renvoie à des pratiques et à des représentations qui ont en commun des investissements dans un espace politique irréductible au seul ordre électoral. S’il fallait ne retenir qu’une définition de la politisation, ce serait la requalification d’un certain nombre d’activités sociales en des activités politiques. L’ouvrage part de cette interrogation centrale : qu’est-ce qui fait qu’un geste, une action, une mobilisation est, apparaît ou est présenté comme politique ? Il y est question tout autant de « frontières du politique » que de croyance démocratique, de carrières militantes que d’apathie. Si la politisation recouvre un ensemble de processus qui conduisent à produire un état (le sujet politisé), elle est aussi un prisme qui permet de lire, autrement, les vies en société.
. Seydou Kanté, Géopolitique de l’émigration irrégulière - L’exemple du Sénégal, Paris, Association Population & Avenir, avril 2025.
Nombre de publications questionnent l’immigration Mais n’est-il pas essentiel d’examiner ce qui la précède, soit l’émigration ? C’est l’objet de ce livre qui se concentre sur un aspect spécifique, mais à forte importance géopolitique, l’émigration de nature irrégulière. Dans ce dessin, l’auteur explore l’exemple du Sénégal, pays caractérisé chaque année par d’importants flux de départ de Sénégalais souhaitant rejoindre des pays du Nord. Quels en sont les multiples causes, de nature très diverse ? Quelle est la géographie des routes migratoires maritimes, terrestres ou transatlantiques, des Sénégalais quittant leur pays ? La réponse argumentée à ces questions permet d’éclairer les enjeux géopolitiques pour le Sénégal et dans ses relations avec les pays de destination, dont ceux de l’Union européenne. En outre, le livre propose trois scénarios prospectifs qui conduisent à une réflexion sur les solutions possibles pour réguler ce phénomène et atténuer ses effets, en adoptant une approche globale. Le livre est précédé d’une préface dans laquelle le recteur Gérard-François Dumont précise clairement le concept d’émigration irrégulière et présente ses dimensions géopolitiques.
. David Blanchon, L’eau en 30 questions, Paris, Documentation française, mars 2025.
Un livre de poche pédagogique et facile d’accès pour faire le tour des questions que l’on se pose sur l’eau, sa gestion, les ressources, les risques liés aux inondations, aux sécheresses et aux effets du dérèglement climatique, les inégalités d’accès à l’eau sur la planète, les conflits liés à l’eau…
. Jérémy Lamri, 2040 : 5 futurs possibles et comment s’y préparer, Paris, Eyrolles, avril 2025.
L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare. Face à l’intelligence artificielle, aux crises écologiques et aux transformations sociales, le monde évolue à un rythme sans précédent. À quoi ressemblera notre vie en 2040 ? Et surtout, comment nous y préparer ? Explorez cinq scénarios de futurs possibles, où se croisent prospectives scientifiques, avancées technologiques et dynamiques sociétales. Loin des dystopies alarmistes ou des utopies naïves, ce livre propose une réflexion pragmatique et documentée sur les grandes forces qui façonneront demain. Découvrez le potentiel de l’économie quaternaire et de ses leviers d’action, pour accompagner les bouleversements à venir et construire un avenir à la hauteur de nos ambitions collectives. Un ouvrage indispensable pour tous ceux qui veulent comprendre et agir pour le futur.
. Lambert Issaka, Demain, la Confédération des États de l’Afrique centrale ?, Paris, L’harmattan, mars 2025.
Ni le Cameroun, ni le Gabon, encore moins l’Angola ou la République démocratique du Congo ne pourront maîtriser les immenses problèmes qui attendent l’Afrique centrale demain.
Il faudra pour cela une sorte d’État fédéral, qui laissera aux nations le soin d’assurer le respect des droits spécifiques de chaque peuple en valorisant leur formidable potentiel culturel, gérant au mieux leurs intérêts et disposant des moyens nécessaires pour défaire les menaces démographiques, écologiques, économiques, alimentaires, financières, énergétiques et politiques qui pèsent sur cette partie du monde. Il s’armera aussi des outils pour s’affranchir des pressions des institutions financières internationales ou d’autres tentations néocoloniales pour satisfaire enfin les quatre besoins essentiels de l’Afrique à savoir l’industrialisation, les infrastructures, l’éducation ou la formation ainsi que la défense. Un tel État existera un jour, sans doute, après un désastre.
Ce livre permet de mieux comprendre les variables qui conditionnent l’évolution du système international dans lequel les États d’Afrique centrale devraient trouver leur place.
. Michal Kurtyka, L’énergie, source et avenir de l’Europe, Paris, Boleine, mars 2025.
À l’instar de la période qui suivit la Seconde Guerre mondiale, l’Europe se trouve de nouveau à un tournant décisif de son histoire, et l’énergie est, une fois de plus, au coeur des enjeux. Dans un monde en fragmentation, l’avenir de l’Europe repose sur l’élaboration d’une véritable vision stratégique et sur des capacités effectives de mise en oeuvre dans le domaine énergétique. L’accès à l’énergie conditionne la faculté des Européens à maîtriser leur destin, à préserver leur indépendance face aux pressions extérieures, à créer des emplois et à maintenir le niveau de vie auquel ils se sont accoutumés. L’énergie, à travers une stratégie concertée et pragmatique alliant sécurité et compétitivité, doit redevenir le socle de sa reconstruction et de son renouveau. Expert reconnu mondialement en énergie, ancien Ministre du Climat et de l’Environnement en Pologne, MichaÅ ? Kurtyka devient en décembre 2018 le President de la COP24 et intervient aujourd’hui comme conseiller stratégique chez Eiffel Investment Group. Physicien de formation, Pierre-Philippe Crépin est responsable ESG dans cette société de gestion aux côtés de Jean-Charles Arrago, ingénieur civil des Mines et gérant au sein des stratégies d’investissement de transition énergétique.
. Nicolas Tenzer, Fin de la politique des grandes puissances, Petits et moyens États à la conquête du monde, Paris, L’observatoire, avril 2025.
Et si la puissance n’appartenait plus aux grandes nations ?? Nicolas Tenzer en est certain : les traditionnelles grandes puissances voient leurs jours comptés. Les États-Unis de Trump ont brisé l’Alliance atlantique ; la Chine, qui reste une puissance de prédation, s’enlise dans ses contradictions internes ; la Russie est placée sous le signe du no future. En face d’elles émergent des acteurs plus agiles susceptibles de réinventer les règles du jeu international : l’Estonie, pionnière dans les alertes sur la sécurité de l’Europe, la Turquie si elle parvient à choisir son camp, la Syrie libérée de ses occupations criminelles, mais aussi les moyennes puissances de l’Asie centrale et de l’Est. Ensemble, les démocraties du Nord, du Sud et de l’Est regrouperont leurs forces contre les puissances révisionnistes. Ensemble, elles pourront faire face aux pseudo-Empires. La France et le Royaume-Uni auront à jouer un rôle moteur dans cette recomposition. Quant à l’Ukraine, sa résistance héroïque démontre la capacité des États moyens à tenir tête aux anciennes puissances. À travers une analyse des nouveaux rapports de force, Nicolas Tenzer révèle comment ces États « intermédiaires » redessinent la carte du monde : ils créent des alliances inédites, développent des stratégies d’influence originales et prouvent qu’on peut d’autant mieux peser sur la scène internationale qu’on n’est pas une superpuissance. Demain, la sécurité du monde et la liberté des peuples reposeront sur la détermination des petites et moyennes nations. L’épisode Trump aura peut-être été le moment de cette prise de conscience.
. Sonia Le Gouriellec, Afriques, idées reçues sur un continent composite, Paris, Cavalier Bleu Editions, février 2025.
Parler de l’Afrique plutôt que des Afriques, d’une Afrique « maudite » et hors du temps, est la première des idées reçues. Une idée reçue primordiale de laquelle découlent de nombreuses autres étayées par un discours déterministe, voire essentialiste, sur la démographie, la politique, l’économie, les conflits... parfois partagé par les Africains eux-mêmes. L’Afrique serait ainsi surpeuplée, d’une économie rudimentaire, en proie à l’islam radical, minée par les épidémies. Les guerres ethniques mettraient le continent à feu et à sang, ses pays à la merci de potentats et des appétits des puissances étrangères. À rebours de ces discours qui empêchent de voir les Afriques dans toute leur diversité, Sonia Le Gouriellec montre combien les acteurs politiques du continent s’inscrivent dans des dynamiques qui s’éloignent des représentations usées d’une Afrique victimisée et chaotique. Elle nous invite à mieux comprendre le continent comme celui de lieux d’échanges, de transformations et d’interactions, plutôt que de domination à sens unique, avec le reste du monde.
. Giuliano Da Empoli, L’heure des prédateurs, Paris, Gallimard, avril 2025.
"Aujourd’hui, l’heure des prédateurs a sonné et partout les choses évoluent d’une telle façon que tout ce qui doit être réglé le sera par le feu et par l’épée. Ce petit livre est le récit de cette conquête, écrit du point de vue d’un scribe aztèque et à sa manière, par images, plutôt que par concepts, dans le but de saisir le souffle d’un monde, au moment où il sombre dans l’abîme, et l’emprise glacée d’un autre, qui prend sa place." Giuliano da Empoli nous livre le compte-rendu aussi haletant que glaçant de ses pérégrinations au pays de la puissance, de New York à Riyad, de l’ONU au Ritz-Carlton de MBS. Il nous guide de l’autre côté du miroir, là où le pouvoir s’acquiert par des actions irréfléchies et tapageuses, où des autocrates décomplexés sont à l’affût du maximum de chaos, où les seigneurs de la tech semblent déjà habiter un autre monde, où l’IA s’avère incontrôlable... Aucun doute, l’heure des prédateurs a sonné. L’auteur du Mage du Kremlin les regarde en face, avec la lucidité d’un Machiavel et la hauteur de vue du moraliste.
. Déborah V. Brosteaux, Les Désirs guerriers de la modernité, Paris, Seuil, avril 2025.
Face aux guerres dans lesquelles les pays d’Europe sont impliqués, nous oscillons en permanence entre anesthésie et frénésie. Certaines situations guerrières donnent lieu à un échauffement affectif, un « regain » d’énergies psychiques et sociales, tandis que d’autres sont à peine nommées, reléguées au loin. Cette enquête philosophique creuse l’ambivalence de nos rapports à la guerre, inscrite au cœur de l’histoire sensible de la modernité.
Inspiré des écrits de Walter Benjamin, de W. G. Sebald ou encore de Klaus Theweleit, l’ouvrage explore ces affects guerriers à travers le XXe siècle, et interroge leur héritage : la froideur de la mise à distance, le déni des ruines après 1945, le désir d’intensification de l’expérience de soi, qui mobilise les imaginaires en 1914-1918 et s’engloutit dans les tranchées… voire mute en passions fascistes qui se nourrissent activement de la dévastation.
Déborah V. Brosteaux prend au sérieux ces désirs, y compris dans leurs attraits. Et se demande : quelles transformations affectives activer pour résister aux mobilisations guerrières ?
. Gabriel Entin, En quête de République. Une histoire de la communauté politique en Amérique hispanique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, avril 2025.
Durant les révolutions en Amérique hispanique du début du XIXe siècle, une vingtaine de républiques s’organisent sur le continent après trois cents ans de monarchie. Comment expliquer cette explosion républicaine, la plus vaste du monde atlantique ? C’est à cette question que ce livre cherche à répondre. À partir d’une histoire conceptuelle de la république dans le monde hispanique depuis le XVIe siècle, il montre comment se sont entrelacées la nouveauté d’une vision émancipatrice des révolutions modernes et les anciennes références classiques à la res publica de la monarchie catholique. En analysant la révolution d’indépendance en Amérique du Sud, notamment sur le territoire de la vice-royauté du Rio de la Plata, l’ouvrage explore la mise en place d’un scénario républicain face à l’incertitude des abdications royales imposées par Napoléon en 1808. Plus qu’une forme de gouvernement, on voit ici se dévoiler une république catholique qui renvoie tout autant à l’institution d’une communauté politique, centrée sur la cité, qu’à l’articulation d’un langage de liberté publique et de patriotisme. Les deux dimensions ont permis aux révolutionnaires hispano-américains de donner sens à leur expérience dans un contexte de guerre. Cette histoire de la république révèle aussi les ambiguïtés et les enjeux constitutifs du républicanisme atlantique.
. Mathieu Corteel, Ni dieu ni IA. Une philosophie sceptique de l’intelligence artificielle, Paris, La Découverte, avril 2025.
Dissimulées dans nos moteurs de recherche, réseaux sociaux, générateurs de textes ou d’images et autres assistants vocaux, les intelligences artificielles ont appris de nous pour produire des contenus à notre place. Du devoir de l’étudiant paresseux à l’article scientifique, en passant par le deepfake, le journalisme ou encore l’art visuel, les IA participent désormais à tous les types de production culturelle et se propagent de proche en proche dans chaque recoin de nos vies. Nous partageons avec elles nos souvenirs, nos désirs, nos affects, nos connaissances et nos créations sans la moindre limite. Et si leur développement conduisait non pas à l’émergence d’une machine consciente, comme leurs promoteurs et leurs détracteurs l’envisagent, mais à l’expropriation et à l’exploitation de notre intelligence collective ?
En interrogeant la démultiplication infinie de simulations qui nous illusionnent, cet ouvrage (probablement écrit par une IA) nous entraîne à coups de paradoxes dans le vide du non-sens bien ordonné. Au gré d’un inquiétant voyage à la rencontre de cerveaux plongés dans des cuves, de robots dactylographes, de perroquets stochastiques, de policiers quantiques et de chatbots psychopathes, Mathieu Corteel nous amène à questionner la tentation de nous déposséder de nos qualités humaines et d’en investir des calculatrices toutes-puissantes.
Qu’est-ce que la délégation de nos pouvoirs d’action, de création et de décision à des interfaces auxquelles nous attribuons une pensée implique concrètement dans des domaines tels que le travail, le soin, la surveillance, le vote ou encore l’éducation ? Que deviennent nos mondes humains en s’hybridant à nos machines connectées ?
. Ulysse Lojkine, Le fil invisible du capital. Déchiffrer les mécanismes de l’exploitation, Paris, La Découverte, avril 2025.
Les rapports économiques du capitalisme ne s’observent pas à l’œil nu. L’enchevêtrement de la circulation des marchandises, l’usage d’unités de compte monétaires, le mécanisme indirect des interactions par les prix ou la division internationale du travail les rendent illisibles. L’ouvrière marocaine, la caissière française et les grandes banques sont prises dans des liens rigoureux mais opaques, qui créent l’ambiguïté au sujet de questions fondamentales : qui travaille pour qui, qui décide pour qui ?
À condition d’assumer l’abstraction et la rupture avec l’expérience immédiate, il est possible d’y répondre et de mettre en évidence, contre l’illusion libérale de l’égalité contractuelle, les rapports d’appropriation et de pouvoir qui traversent notre société. Comme l’avait dit Marx, ces rapports se révèlent inhérents au fonctionnement même du système capitaliste. Mais, en particulier à l’heure des réseaux de production internationaux, de la finance et de la rente, l’exploitation ne peut être analysée à partir du seul face-à-face entre employeur et salarié. Elle se déploie en cascade, à plusieurs échelles, dessinant une structure qui est aussi celle de la coordination économique.
Point alors un horizon d’émancipation socialiste qui n’est pas celui d’un retour à des communautés locales, ni d’une mobilisation générale au service de l’État, mais d’institutions de synchronisation à grande échelle des fins et des capacités de chacun.
. Alexandre Duyck, Agnès Callamard, Une enquêtrice à l’ONU, Paris, Flammarion, avril 2025.
Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires (2016-2021), Agnès Callamard a enquêté sur certaines des affaires les plus sensibles de notre époque : l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi dans l’ambassade d’Arabie saoudite à Istanbul, l’empoisonnement d’Alexeï Navalny ou l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, deux journalistes de Radio France internationale (RFI), à Kidal, dans le nord du Mali. Dans ce récit saisissant, Agnès Callamard dévoile les coulisses de son combat pour la vérité et la justice. De ses débuts de militante jusqu’à ses responsabilités actuelles de secrétaire générale d’Amnesty International, elle retrace son engagement inlassable face aux violations des droits humains à travers le monde. Un témoignage unique sur les mécanismes du pouvoir, les pressions diplomatiques et les risques personnels auxquels font face les défenseurs des droits humains.
Bonus. L’émission Planisphère [1], La puissance américaine est-elle en péril ? Avec M. Quessard
. Christian de Boissieu, Marc Schwartz, La Nouvelle Guerre des monnaies, Paris, Odile Jacob, mars 2025.
Avec les nouvelles technologies numériques, la monnaie est et sera de plus en plus immatérielle. Cette évolution n’a rien de nouveau : depuis l’invention des premières pièces de monnaie sur les rives du fleuve Pactole il y a deux mille sept cents ans, l’histoire de la monnaie est celle d’une dématérialisation progressive, qui s’est accélérée au cours des dernières décennies, sans pour autant faire disparaître les pièces et les billets. Le fait que la monnaie soit un bien commun fondé sur la confiance restera, lui, bien réel. Le rôle de la puissance publique (État, banque centrale) demeurera décisif dans le contrat monétaire avec les citoyens. Mais la nouvelle guerre des monnaies opposera, dans la sphère numérique, monnaies publiques et monnaies privées. De l’émergence des crypto-actifs aux velléités de « dédolla-risation », cet essai clair et rigoureux analyse les nouveaux rebondissements de la guerre des monnaies et fait le point sur tous les aspects que revêtent aujourd’hui la monnaie et les politiques monétaires. Un livre de référence indispensable aux étudiants comme aux citoyens.
. Frédéric Encel, La Guerre mondiale n’aura pas lieu - Les raisons géopolitiques d’espérer, Paris, Odile Jacob, mars 2025.
Selon certains, nous serions à l’aube d’une guerre mondiale, voire déjà en plein conflit planétaire ! Massacres de masse à l’est de l’Afrique, rivalité économique et technologique exacerbée entre la Chine et les États-Unis, guerres en Ukraine et au Proche-Orient, augmentation des budgets militaires, tensions autour de Taïwan et du nucléaire iranien, cyberattaques contre des infrastructures et les relais d’information… le climat géopolitique est en effet délétère et inquiétant. Pour autant, la posture apocalyptique n’a pas de sens. Avec cet essai clair et incisif, Frédéric Encel, géopolitologue reconnu et chevronné, prend le contre-pied des prophètes de malheur, pointe sept réalités objectives qui invalident la « certitude » du pire et fait un sort aux théories de type « choc des civilisations » et autre « piège de Thucydide ». Fort d’une cartographie abondante et d’une structure pédagogique, ce nouveau livre est à la fois un formidable panorama de nos réalités géopolitiques et un précieux outil de compréhension des temps troublés qui sont les nôtres.
. Jean-Arnault Dérens, La géopolitique de l’orthodoxie - De Byzance à la guerre en Ukraine, Paris, Tallandier, avril 2025.
L’image du patriarche Kirill bénissant avions et chars russes partant détruire l’Ukraine a ravivé les clichés d’une orthodoxie belliciste, ultraconservatrice et homophobe, radicalement hostile à l’Otan et aux valeurs démocratiques occidentales. Cet essai à la fois historique et géopolitique nous permet de mieux comprendre le monde orthodoxe, sa culture et son rôle politique. Avec près de 300 millions de fidèles, l’Église orthodoxe est la troisième confession chrétienne, après le catholicisme et le protestantisme. Si elle fascine souvent les Européens pour la beauté de ses liturgies, de ses chants envoûtants et de ses icônes, elle reste très méconnue. Son histoire est marquée par une relation douloureuse avec l’Occident, accusé de l’avoir condamnée à un rôle de rempart face à l’islam. La réalité pourtant est plus nuancée et montre une religion plurielle, qui a souvent cohabité harmonieusement avec le monde musulman. Placée au carrefour des empires disparus – byzantin, ottoman ou russe –, l’orthodoxie a été déchirée par la guerre froide, avant de se retrouver au cœur des conflits de notre temps – guerres des Balkans, d’Irak, de Syrie ou d’Ukraine. Que ce soit dans la Serbie de Miloševi ou la Russie de Poutine, elle a souvent été prise au piège des nationalismes. Le monde orthodoxe n’a jamais semblé aussi divisé que depuis le 24 février 2022. Comprendre et décrypter sa complexité et sa réelle proximité avec les pouvoirs politiques, c’est tout l’enjeu de cet ouvrage aussi passionnant que nécessaire.
. Jonathan Levy, The Real Economy : History and Theory, Princeton, Princeton University Press, avril 2025.
Qu’est-ce que l’économie ? S’agit-il d’un « secteur marchand », d’un « équilibre général » ou du « produit intérieur brut » ? Aujourd’hui, l’économie est tellement préoccupée par les méthodes que les économistes risquent de perdre de vue l’économie elle-même. Pendant ce temps, d’autres disciplines, bien qu’elles aient souvent l’intention de critiquer les méthodes de l’économie, n’ont pas réussi à articuler une vision alternative de l’économie. Avant la montée en puissance de l’économie néoclassique d’après-guerre, des débats acharnés ont fait rage, car de nombreuses visions différentes de l’économie ont circulé et se sont affrontées. Dans The Real Economy, Jonathan Levy renoue avec l’esprit de cette première époque qui, dans toute sa controverse, a donné naissance à la discipline économique. S’inspirant notamment de Thorstein Veblen et de John Maynard Keynes, Levy propose une théorie de l’économie ouverte à un riche examen empirique et historique, couvrant des sujets tels que l’émergence du capitalisme, la notion d’incertitude radicale, la signification de la demande, le désir primitif d’argent, l’histoire des entreprises et la mondialisation contemporaine. S’adressant à tous ceux qui s’intéressent à l’étude de l’économie, Levy fournit une provocation inestimable pour un débat plus large dans les sciences sociales et humaines sur ce qu’est « l’économie ».
. Mickael Correia, Criminels climatiques - Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète, Paris, La Découverte, avril 2025.
Cent entreprises sont responsables de 70 % des émissions globales de gaz à effet de serre. Parmi elles, Aramco, Gazprom et China Energy sont les multinationales qui régurgitent le plus de CO 2 au monde. Inconnues du grand public, elles sont les championnes internationales du pétrole, du gaz et du charbon. Si ce trio était un pays, il serait la troisième nation la plus émettrice, juste derrière la Chine et les États-Unis. Cette enquête inédite révèle comment ces trois géants industriels déploient tout un arsenal de stratégies redoutables – corruption, néocolonialisme, lobbying, greenwashing, soft power, etc. – pour perpétuer notre addiction au carbone. En continuant coûte que coûte à extraire les ressources des entrailles de la Terre, ils attisent sciemment les flammes qui brûlent notre planète et agissent en criminels climatiques. Des clubs privés de New York aux couloirs de l’Élysée, des banques de Pékin aux palaces de Riyad, l’auteur dévoile les cercles de pouvoir au coeur de ce capitalisme fossile et la manière dont ces firmes élaborent dans l’ombre une véritable bombe climatique, mettant en péril toute l’humanité. Alors que le réchauffement global s’accélère à un rythme sans précédent, ce livre désigne les réels responsables du chaos en cours et montre qu’il est urgent de les mettre définitivement hors d’état de nuire.
. Hamit Bozarlan, L’anti-démocratie au XXI e siècle, Biblis, 2025
L’anti-démocratie est-elle le nouveau visage de l’avenir ? Les régimes iranien, russe et turc aimeraient sans doute le faire accroire.
Derrière une façade démocratique, tous trois donnent à voir une même fuite en avant. Culte d’un chef infaillible investi d’une « mission historique » ; « pureté » de la nation trop longtemps humiliée et volonté de revanche face à un Occident corrupteur ; mobilisations de la religion ; organisation d’un État parallèle fondé sur les liens personnels, la corruption et l’accaparement des ressources ; développement d’un appareil sécuritaire pour répondre à une paranoïa savamment entretenue vis-à-vis des « ennemis extérieurs et intérieurs » ; institutionnalisation d’une réalité alternative sur laquelle les faits n’ont plus de prise…
Plongée stupéfiante au cœur des logiques de radicalisation des régimes autoritaires, cette comparaison aiguisée entre l’Iran, la Russie et la Turquie de ce début de XXIe siècle est un puissant avertissement pour nos démocraties qui doutent d’elles-mêmes.
. Ninon Blond, Atlas des déserts, éd. Autrement, mars 2025.
Même si les déserts se définissent par une caractéristique commune – l’aridité qui y règne –, les zones désertiques sont en réalité multiples : déserts de sable ou de roche, chauds ou froids… Ils couvrent un tiers des terres émergées du globe.
• Les déserts ont une longue histoire : la retracer permet de comprendre comment ils se sont formés, comment ils évoluent et quelles sont leurs spécificités.
• Ces espaces ont fait l’objet d’explorations scientifiques ou ayant pour finalité de dénicher les ressources et matières premières dont ils regorgent.
• Des modes de vie et une économie spécifiques s’y sont développés : nomadisme, agriculture, tourisme, construction de villes ultra-modernes…
• Espaces marginaux, les déserts servent de refuge ou de repli et les États tentent de contrôler ces marges stratégiques.
• Les déserts ont toujours fasciné l’homme, qui a développé tout un imaginaire autour de ces lieux : on le retrouve dans la religion, la littérature ou les jeux vidéo.
Plus de 90 cartes et infographies nous font ainsi découvrir les déserts du monde et leurs enjeux : Sahara, Takla-Makan, Gobi, Atacama ou Mojaves… Si ces noms font toujours rêver, la réalité géopolitique les replace au cœur des défis contemporains.
. Philippe Pétriat, Guerre et paix au Moyen-Orient, CNRS éditions, 2025
Depuis la Première Guerre mondiale, une intense conflictualité s’est enracinée entre les États et à l’intérieur des sociétés du Moyen-Orient, impliquant des puissances étrangères à la région et des puissances régionales. Sans se limiter à une approche politique, militaire et diplomatique de la question, ce numéro, qui éclaire les nouvelles formes de guerre (asymétrie des belligérants, registres religieux du combat, phénomènes miliciens), aborde les conflits dans leurs dimensions économiques, sociales et culturelles afin de rendre compte de l’expérience des populations qui les endurent.
.
Le Point sur
03 “L’arc de crises” : une définition par le conflit
06 Quatre cycles de guerres et de paix aux XXe et XXIe siècles
09 Les grilles de lecture et leur histoire
13 Une nouvelle histoire de la guerre et de la paix
Thèmes et documents
Vers une nouvelle conflictualité
18-19 1967 : la transformation du conflit israélo-palestinien
20-21 Le quadruple choc de l’année 1979
22-23 Le cycle des guerres du Golfe
24-25 Les interventions extérieures du Moyen-Orient
26-27 Les OPEX des puissances extra-moyen-orientales
Les formes modernes de la guerre
28-29 Guérilla et asymétrie
30-31 Jihad et Shahid : les registres religieux du combat
32-33 Urbicides : Mossoul
34-35 Les phénomènes miliciens
Guerre et État
36-37 Conscription et service militaire
38-39 Généraux et hommes politiques
40-41 La guerre pour un État : les Kurdes
42-43 La guerre dans l’État : les guerres civiles
La guerre économique
44-45 Les complexes militaro-industriels
46-47 Les sanctions
48-49 Les ressources agricoles : armes et cibles
Cultures de guerre
50-51 Des films de propagande aux séries Netflix
52-53 Des guerres médiatiques
54-55 Mémoriaux
Construire la paix
56-57 Les recompositions d’un territoire : la Syrie
58-59 Une pépinière pour l’humanitaire
60-61 De Camp David aux accords d’Abraham
62-63 Les médiateurs régionaux
. Stéphane Guerre, Boris Lesueur, Atlas de la France moderne, XVIe - XVII e s., éd. Autremenent, 2025.
À partir du XVIᵉ siècle, la France connaît de nombreuses mutations. Cet atlas, grâce aux plus de 110 cartes et infographies, s’attache à montrer les transformations à l’œuvre durant ces trois siècles, depuis François Ier jusqu’à la chute de Louis XVI :
• Les évolutions politiques sont nombreuses : la royauté reste toute puissante, mais le concept d’État commence à trouver sa place.
• La société est hiérarchisée et d’une grande diversité, les structures sociales organisées en réseaux : si l’agriculture reste l’économie principale, l’industrie se développe et les modes de consommation évoluent.
• Avec la Renaissance et les Lumières, un foisonnement culturel voit le jour : innovations technologiques, voyages, arts, instruction, diffusion de l’information.
• La France s’agrandit en Europe et dans le monde : les colonies s’étendent avec l’ouverture vers l’Atlantique ; en Europe, la guerre fixe le territoire et de nouvelles frontières.
Ces trois siècles sont donc placés sous le signe d’une grande vitalité pour le pays, avant que la Révolution de 1789 ne vienne tout bouleverser, signant la fin de l’Ancien Régime et le début d’une nouvelle ère qui assied les bases de la France contemporaine.
. Baptiste Roger-Lacan, Le roi. Une autre histoire de la droite, Paris, Passés Composés, mars 2025.
« Les Français ne se seraient pas remis de la mort de Louis XVI. En 2015, Emmanuel Macron expliquait que le roi était « l’absent » du « processus démocratique ». Cette absence justifierait le renforcement de l’exécutif sous la Ve République.
Paradoxalement, la monarchie n’a jamais été en position d’être restaurée depuis les années 1870, et pourtant le roi n’a pas disparu. Alors comment ce spleen a-t-il été entretenu ? Il se diffuse sous la IIIe République, lorsque les droites doivent composer avec la fin des espoirs de Restauration. Face à ce vide, elles entretiennent des récits et des théories contre-révolutionnaires. Au cœur de ce dispositif, on trouve la figure du roi, alternative à une république libérale. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, cet imaginaire est mobilisé dans le débat public. Il survit dans des lieux aussi différents que le château de Versailles, devenu un musée à la gloire de l’Ancien Régime, mais aussi des institutions comme l’Académie française. Il se diffuse grâce à d’immenses succès de librairie, qui nourrissent la nostalgie. Bref, la France ne se comprend pas sans son roi.
. Emily Feng, Let Only Red Flowers Bloom : Identity and Belonging in Xi Jinping’s China, New Jersey, Crown, mars 2025.
L’essor de la Chine et la concurrence de cette grande puissance avec les États-Unis sont l’une des questions les plus importantes de notre génération. Mais pour comprendre la Chine moderne, il faut comprendre les gens qui y vivent et la façon dont l’État chinois tente de les contrôler — leur identité et leur liberté d’expression.
Avec des détails saisissants, cinématographiques, Let Only Red Flowers Bloom raconte l’histoire de près de deux douzaines de personnes qui résistent. Parmi eux, une famille ouïghoure, séparée alors que la Chine détient des centaines de milliers de leurs compatriotes dans des camps ; des avocats des droits de l’homme qui luttent pour défendre les libertés civiles face à des obstacles gigantesques ; un enseignant de Mongolie-Intérieure, contraint de faire des choix difficiles en raison de son soutien à sa langue maternelle ; et un fugitif de Hong Kong qui tente de trouver un nouveau foyer et de vivre en liberté.
Malgré les risques personnels encourus, la journaliste Emily Feng révèle des histoires humaines dramatiques de résistance et de survie dans un pays qui se ferme de plus en plus au monde. Feng illustre ce que signifie aller à contre-courant en Chine et les innombrables façons dont les gens tentent de survivre, avec dignité.
. Ezra Klein, Derek Thompson, Abundance, Maryland, Avid Reader Press/Simon & Schuster, mars 2025.
Retracer l’histoire du XXIe siècle jusqu’à aujourd’hui, c’est retracer une histoire d’inaccessibilité et de pénurie. Après des années de refus de construire suffisamment de logements, l’Amérique connaît une crise nationale du marché immobilier. Après des années de limitation de l’immigration, nous n’avons pas assez de travailleurs. Malgré des décennies d’avertissements sur les conséquences du changement climatique, nous n’avons rien construit qui se rapproche de l’infrastructure d’énergie propre dont nous avons besoin. Les projets publics ambitieux sont achevés en retard et dépassent le budget prévu — quand ils sont achevés. La crise qui se dessine actuellement s’est développée pendant des décennies, parce que nous n’avons pas construit assez.
Abundance explique que nos problèmes actuels ne sont pas le résultat des méfaits d’hier. Au contraire : les solutions d’une génération sont devenues les problèmes de la génération suivante. Les règles et réglementations conçues pour résoudre les problèmes des années 1970 empêchent souvent les projets de densité urbaine et d’énergie verte qui contribueraient à résoudre les problèmes des années 2020. Les lois censées garantir que le gouvernement tienne compte des conséquences de ses actions ont rendu trop difficile pour lui d’agir en conséquence. Au cours des dernières décennies, notre capacité à voir les problèmes s’est aiguisée tandis que notre capacité à les résoudre a diminué.
Le progrès exige de faire face aux institutions de la vie qui ne fonctionnent pas comme elles le devraient. Pour les libéraux, cela signifie reconnaître quand le gouvernement échoue. Pour les conservateurs, cela signifie reconnaître quand plus de gouvernement est nécessaire. Dans un livre explorant comment nous pouvons passer d’un libéralisme qui non seulement protège et préserve à un libéralisme qui construit, Klein et Thompson retracent les obstacles politiques, économiques et culturels au progrès et proposent une voie vers une politique de l’abondance. À une époque où les mouvements de pénurie gagnent du pouvoir dans un pays après l’autre, c’est une réponse qui relève les défis du moment tout en luttant honnêtement contre la rage que tant de personnes ressentent à juste titre.
. Geneviève Verdo, Des peuples en mal d’union. Aux origines de l’Argentine, Paris, Flammarion, mars 2025.
À l’issue du démantèlement de l’Empire espagnol, au début du XIXᵉ siècle, le Río de la Plata est la seule région à ne pas donner immédiatement naissance à un État. En lieu et place de l’Argentine actuelle coexistent quatorze républiques souveraines, qui se gouvernent de façon indépendante pendant une trentaine d’années.
Ce livre retrace la genèse et l’organisation de ces républiques, leurs tentatives d’union constitutionnelle et la façon dont celle-ci se réalise au moyen de pactes bilatéraux. Grâce à une enquête originale et à des documents inédits, Geneviève Verdo offre un nouvel éclairage sur les modalités de la construction politique dans l’Amérique latine du XIXᵉ siècle, issue de la décomposition des structures impériales. Elle invite à privilégier une autre tradition de la culture républicaine, relative à l’autonomie des corps territoriaux et aux pratiques politiques des communautés qui les composent. Ce dépaysement fécond permet de repenser, en miroir de l’Europe, une voie différente de la modernité politique.
. Kevin B. Anderson, The Late Marx’s Revolutionary Roads. Colonialism, Gender, and Indigenous Communism, Paris, Verso, mars 2025.
Dans ses derniers écrits, Marx a dépassé les frontières du capital et de la classe et les contextes de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord.
Kevin Anderson procède à une analyse systématique des carnets ethnologiques de Marx et de ses écrits sur la Russie, l’Inde, l’Irlande, l’Algérie, l’Amérique latine et la Rome antique.
Ces textes, dont certains n’ont été publiés que récemment, témoignent d’un changement de perspective, qui s’éloigne des visions eurocentriques du monde ou des théories unilinéaires du développement. Le Marx tardif a élaboré une théorie véritablement globale et multilinéaire de la société moderne et de ses possibilités révolutionnaires.
. Mélanie Plouviez, L’injustice en héritage. Repenser la transmission du patrimoine, Paris, La Découverte, mars 2025.
Depuis les années 1970, les inégalités de patrimoine ne cessent de se creuser. L’héritage en est en grande partie responsable : un petit nombre hérite aujourd’hui de beaucoup tandis que la majorité hérite de peu. Est-il juste que notre destin soit déterminé par la fortune – ou l’infortune – de nos parents ? Est-il même efficace que la richesse se transmette héréditairement ? Ces questions anciennes sont de nouveau brûlantes d’actualité.
De là l’importance de ce livre qui exhume les pensées oubliées de l’héritage, depuis la Révolution française jusqu’à l’orée du XXe siècle. Pensées oubliées mais pensées lumineuses qui posent des questions essentielles. L’héritage va-t-il de soi ? Et, si ce n’est pas le cas, que penser à sa place ? Au XIXe siècle, la question de l’héritage était sur toutes les lèvres. Étudiée, interrogée, contestée, la transmission familiale du patrimoine faisait l’objet de multiples projets de réforme ou de transformation radicale.
Certains, à l’instar de Merlin de Douai, de Mirabeau, de Robespierre, d’Agier, de Fichte, des saint-simoniens ou encore de Durkheim, comprirent que cette institution pouvait être retournée contre elle-même. L’héritage, au lieu de propager l’inégalité de génération en génération, ne pourrait-il pas devenir un instrument de justice sociale ?
Grâce à cette passionnante enquête philosophique, Mélanie Plouviez nous invite à tirer pour aujourd’hui les leçons de ces réflexions ensevelies. Car il est urgent, insiste-t-elle, de repenser l’articulation entre la propriété privée et l’intérêt général.
. Claude Meyer, La Chine de Xi Jinping. Menace pour la paix et l’ordre mondial, éd. de l’Aube, 2025
Détrôner le rival américain pour restaurer la suprématie passée de l’empire du Milieu, tel est le « rêve chinois » de Xi Jinping, rêve qui pourrait devenir à terme le cauchemar de l’Occident. En effet, la « renaissance de la nation chinoise » qu’il proclame ne correspond pas au schéma classique de l’effacement d’une puissance dominante au profit d’une puissance ascendante, comme ce fut le cas au début du xxe siècle pour l’Angleterre et les États-Unis. L’avènement de la Chine comme leader mondial poserait à l’Occident des défis inédits, sur les plans culturel, idéologique, géopolitique, économique et militaire. Ces défis se sont exacerbés durant le deuxième mandat de Xi Jinping au point que son « rêve chinois » constitue désormais une menace pour l’ordre mondial… et pour la paix en Indo-Pacifique.
. Charles-François Mathis et Steve Hagimont, La Terre perdue. Une histoire de l’Occident et de la nature XVIIIe-XXIe siècle, Tallandier, mars 2025.
Depuis le XVIIIe siècle, les progrès techniques et scientifiques, les mutations agricoles, l’industrialisation, le développement des transports et des communications ont accompagné une profonde mutation de nos relations avec la nature, que l’on veuille la domestiquer, la comprendre, la sublimer, la préserver ou l’exploiter. Il semblerait au bout du compte que les forêts soient devenues des usines à bois, les rivières des flux dont on oublie qu’ils sont vivants, les océans de vastes poubelles de notre modernité…
Dans cet ouvrage, en une trentaine de thématiques, les auteurs analysent avec profondeur, précision et nuance l’histoire des rapports entre la culture occidentale et la nature durant ces trois derniers siècles. Ils décrivent l’évolution des différents espaces : les campagnes, entre vision romantique et défis écologiques, les montagnes de « l’or blanc », les fleuves industrialisés, les marais « assainis »… Ils montrent leurs différentes représentations dans l’art, l’enseignement ou même les médias. Sans polémique, ces historiens analysent les entreprises de domination de la nature dans les sociétés occidentales et les colonies, la place des femmes – tour à tour sorcières, botanistes ou écoféministes –, l’appropriation des énergies fossiles ou encore les choix politiques face à l’épuisement des ressources et la chute de la biodiversité. Ils explorent enfin les tentatives visant à repousser les limites de la nature ou à la protéger.
Cette somme inédite dévoile les multiples aspects de l’histoire longue de l’emballement écologique et climatique.
. Delphine Deschaux-Dutard, French-German Military Cooperation and European Defence - From Driving Engine to Divergence of Interests ?, Londres, Editions Routledge, Janvier 2025.
Cet ouvrage examine le rôle de la coopération franco-allemande au sein de la coopération militaire européenne et de la défense européenne, et plus particulièrement de la PSDC (Politique de sécurité et de défense commune). L’ouvrage examine si le leadership bilatéral franco-allemand est toujours pertinent dans la défense européenne et la coopération militaire au niveau de l’UE, et analyse les raisons de ses difficultés dans le contexte actuel du retour à la guerre conventionnelle sur le continent européen. Grâce à un modèle de recherche innovant qui combine un cadre conceptuel (institutionnalisme discursif) et des outils issus de la sociologie des relations internationales, le livre offre une perspective à la fois macro et au niveau de l’acteur. L’accent mis sur les discours stratégiques des acteurs français et allemands, et sur les cadres institutionnels dans lesquels ces discours se développent, permet également de mieux saisir la complexité de la coopération militaire et les limites récurrentes du leadership bilatéral de Paris et de Berlin. Basé sur un travail de terrain approfondi à Paris, Berlin et Bruxelles au cours des deux dernières décennies, y compris des données collectées depuis 2022, le livre offre une vue longitudinale de la question ainsi que les développements les plus récents depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Ce livre sera d’un grand intérêt pour les étudiants en sécurité européenne, en politique européenne et en études de sécurité en général.
. Jean-Charles Galli, Alexandre Stachtchenko, Bitcoin - Le choc géopolitique, Paris, Armand Colin, avril 2025.
Face aux bouleversements géopolitiques, les banques centrales accumulent de l’or et les BRICS cherchent une alternative au dollar. Et si Bitcoin s’imposait comme la nouvelle monnaie refuge ?
En 15 ans, Bitcoin a conquis des centaines de millions d’utilisateurs et rebattu les cartes du système monétaire mondial. Devise nativement numérique, indépendante des États et des banques, il s’impose comme un acteur géopolitique inédit. Pourquoi redéfinit-il la souveraineté à l’ère numérique ? Comment les puissances mondiales réagissent-elles à cet enjeu stratégique ? Quels bouleversements entraîne-t-il, entre défis énergétiques et ambitions de contrôle ? À travers une analyse inédite, cet ouvrage propose une plongée au cœur de la révolution Bitcoin et explore son rôle comme nouvel instrument géopolitique. Un livre essentiel pour comprendre les mutations en cours et les futurs possibles de cette monnaie d’un nouveau genre.
. Noel Anderson, Wars Without End : Competitive Intervention, Escalation Control, and Protracted Conflict, Oxford, Oxford University Press, avril 2025.
Malgré des souffrances humaines indicibles, des destructions et des pertes massives, et une déstabilisation de grande ampleur, les feux des guerres civiles les plus violentes du monde continuent de brûler. À la lumière de leurs effets dévastateurs, comment pouvons-nous expliquer l’insolubilité des guerres civiles coûteuses et dans l’impasse, mais apparemment sans fin ? Ce livre apporte une réponse en situant les conflits internes dans l’environnement géopolitique plus large dans lequel ils se déroulent. Il met en lumière le rôle essentiel de l’intervention concurrentielle (transferts simultanés et opposés d’assistance militaire de différents États tiers vers le gouvernement et les combattants rebelles) dans la dynamique, la durée et la prévalence mondiale des conflits internes. En fournissant un compte-rendu théorique et empirique complet de cette forme d’ingérence extérieure, il rassemble les dynamiques de négociation sur le champ de bataille, les pressions d’escalade de la concurrence interétatique et les dimensions systémiques de la rivalité géopolitique dans les guerres civiles pour expliquer comment les combats prolongés au sein des États sont liés à une concurrence durable entre ces derniers. Ce faisant, il remet en question les conceptions traditionnelles de la « guerre par procuration » en formulant de nouvelles propositions sur les logiques stratégiques qui la motivent, offrant des angles nouveaux et productifs sur les comportements des groupes armés, les stratégies des intervenants étrangers et les trajectoires des guerres internes. Combinant des analyses statistiques avec des études de cas détaillées s’appuyant sur le travail de terrain, des entretiens originaux, des rapports de renseignement déclassifiés et des études de cas, l’ouvrage propose une analyse de l’impact de la guerre par procuration.
. Patricia Owens, Erased : A History of International Thought Without Men, Princeton, Princeton University Press, mars 2025.
Le domaine académique des relations internationales présente sa propre histoire comme étant en grande partie l’œuvre d’hommes blancs issus des élites. Pourtant, les femmes ont joué un rôle de premier plan dans la création de ce champ interdisciplinaire. Dans Erased, Patricia Owens montre que, depuis ses débuts au début du XXe siècle, les relations internationales ont reposé sur le travail intellectuel des femmes et sur leur expertise dans des domaines tels que l’empire et l’administration coloniale, l’organisation anticoloniale, les puissances non occidentales et les organisations internationales. En effet, les femmes comptaient parmi les principales penseuses internationales de l’époque, influençant le développement du champ en tant que chercheuses, journalistes et intellectuelles publiques — mais aussi en tant qu’épouses hétérosexuelles et partenaires intimes de même sexe.
S’appuyant sur un large éventail de sources d’archives et entremêlant récits personnels, institutionnels et intellectuels, Owens documente les moments et lieux clés de la constitution des relations internationales comme discipline académique distincte en Grande-Bretagne. Elle constate que les idées et l’influence des femmes ont d’abord été marginalisées, puis dévalorisées, ignorées et effacées. En examinant les rôles joués par certaines des penseuses les plus importantes du domaine, notamment Margery Perham, Merze Tate, Eileen Power, Margaret Cleeve, Coral Bell et Susan Strange, Owens retrace les héritages intellectuels et institutionnels du sexisme et du racisme. Elle soutient que la création des relations internationales a été un projet profondément marqué par le genre et la race, échouant ainsi à appréhender la pluralité à l’échelle mondiale. Reconnaître cet échec intellectuel et redécouvrir l’histoire des femmes dans ce domaine ouvre la voie à d’éventuelles sources de renouveau.
. Sacha Lévy-Bruhl, Le grand renversement de l’État social, Paris, Presses universitaires de France, mars 2025.
L’idée que nous serions entrés dans une période de dislocation générale de l’État social – ou État-providence – sature le débat public français. On lui oppose le plus souvent que les dépenses sociales atteignent au contraire des niveaux inédits. De tels débats restent cependant stériles tant qu’ils ne s’appuient pas sur une véritable définition de l’État social et de ce qu’il a représenté au sein de la société française. C’est l’objet de cet ouvrage, qui l’analyse depuis sa naissance jusqu’à ses évolutions les plus récentes, à travers un cadre théorique emprunté à la sociologie durkheimienne et enrichi d’une approche comparative avec le welfare state américain.
L’État social apparaît alors comme une institution qui assume d’abord une fonction de diffusion d’une conception de l’individu dans laquelle ce dernier ne peut être tenu pour responsable de sa situation socio—économique. C’est pourtant ce principe fondateur qu’il a progressivement cessé de porter dans les dernières décennies, allant jusqu’à intégrer au cœur de ses protections des formes de responsabilisation morale inédites. Ce grand renversement plonge la société française dans des déséquilibres majeurs, qui façonnent en grande partie la période politique contemporaine.
. Frédéric Charillon, Géopolitique de l’intimidation - Seuls face à la guerre ?, Paris, Odile Jacob, février 2025.
En quelques années, les discours et actes violents ont transformé la scène internationale : invasion de l’Ukraine et menaces nucléaires par la Russie, manœuvres militaires chinoises autour de Taïwan, attaque contre Israël le 7 octobre 2023 suivie de la destruction de Gaza par l’État hébreu… Les efforts de paix et de dialogue semblent impuissants face à la brutalité du monde : place aux stratégies viriles promettant ordre ou vengeance ! Cette violence est loin d’être irrationnelle : elle est la marque d’une nouvelle ère, celle d’« hommes forts » qui font le pari du fait accompli plutôt que de la concertation. Convaincus de la faiblesse des démocraties libérales, leur stratégie est celle de l’intimidation, déclinée sous plusieurs formes que l’auteur nous aide à décrypter. Du Proche-Orient à l’Asie, du retour
de Donald Trump aux provocations nord-coréennes, le monde bascule. Dans ce contexte, comment les Européens vont-ils pouvoir rester dans l’Histoire ? et avec quels moyens ? Ce livre dresse avec pédagogie un panorama inquiétant mais lucide des dynamiques internationales aujourd’hui à l’œuvre.
. Gérard Chaliand, Le Grand Tournant géopolitique, Paris, Belles Lettres, mars 2025.
Le monde, depuis quelques décennies, est devenu multipolaire donc plus complexe et incertain, tandis que l’hégémonie absolue de l’Occident appartient au passé. En marge de phénomènes comme le dérèglement climatique et ses conséquences ou des innovations apportées par l’intelligence artificielle, on constate un déplacement en cours du centre de la puissance vers l’Asie orientale : Chine et Inde en premier lieu, mais aussi à la périphérie (Indonésie, Japon, Corée du Sud, Vietnam) qui accentue le poids de cette aire entre la mer de Chine et l’océan Indien. La Russie quant à elle, a conclu un mariage de raison avec la Chine qui durera tant que les États-Unis resteront prééminents. Entre-temps, la démographie occidentale est passée de 33 % à 10-12 % de la population mondiale tandis que l’Europe, hier encore enjeu majeur, est déclassée par ce qu’on désigne comme l’Asie/Pacifique, et ne dispose pas elle-même des moyens d’assurer sa propre sécurité. Les conflits irréguliers et leurs conséquences depuis plus d’un demi-siècle ont fortement contribué à l’accélération de cette mutation, dont l’auteur est « un des témoins les plus lucides.
. Henri Mordacq, Le Ministère Clemenceau. Journal d’un témoin, Paris, Passés Composés, mars 2025.
Le Ministère Clemenceau, publié entre octobre 1930 et novembre 1931, constitue l’œuvre majeure et pourtant méconnue du général Henri Mordacq.
Chef du cabinet militaire du président du Conseil et ministre de la Guerre, il est l’intime de Georges Clemenceau de son accession au pouvoir dans la tempête de l’année 1917 jusqu’à sa démission en janvier 1920. Le Tigre l’avait appelé à ses côtés, sachant pouvoir compter sur l’intransigeance et la hauteur de vue du général, dont il connaissait les travaux de stratégie d’avant-guerre, aussi décoré pour son engagement au front pendant les trois premières années de la guerre.
Son ouvrage constitue un témoignage quotidien de l’action gouvernementale de Clemenceau, toute tournée vers la guerre. Aux côtés du Tigre, Mordacq va alors jouer un rôle à la fois crucial et inédit : assurer une fonction de coordination avec les armées en veillant à ce que la décision politique demeure prépondérante sur l’action militaire. Par la pertinence de son regard et grâce à une plume efficace, il donne à lire bien des aspects méconnus des conditions de la victoire de novembre 1918, de la personnalité de Clemenceau et des raisons de son échec au début de 1920.
. Kouadio Siméon Konan, Afrique-France, Conditions pour un avenir, Paris, L’harmattan, mars 2025.
Les relations entre l’Afrique et la France ne sont pas au beau fixe. En l’espace de quelques années, l’ancienne puissance coloniale et le continent, notamment ses ex-colonies, sont passés de l’idylle au désamour. Naguère 1er partenaire commercial, la France occupe aujourd’hui la 5e position. Sur le plan politique, les pays de son ancien « pré-carré » lui tournent le dos l’un après l’autre. Cet état de fait n’est rien d’autre que le résultat de l’attitude condescendante et paternaliste, des ingérences et interventions outrancières et intempestives dans les affaires intérieures de ces États, ainsi que de la lourde main sur leurs économies. Toute situation qui suscite un fort sentiment de rejet de la politique française au sein des peuples qui exigent à présent la reprise en main de leur destinée et la souveraineté nationale comme conditions d’un avenir des relations futures.
. Maxime Lefebvre, La Politique étrangère de la France, Paris, Que-Sais-Je, mars 2025.
L’histoire de la politique étrangère de la France se confond avec celle de la construction de la nation. De la monarchie et l’empire napoléonien notre diplomatie hérite la souveraineté et une certaine idée de la grandeur. Pourtant, du congrès de Vienne à la Seconde Guerre mondiale, le voisin allemand, devenu prépondérant en Europe, a largement rebattu les cartes face à une France diminuée. Depuis 1945, la position de cette dernière, engagée dans la construction européenne, n’est-elle pas celle d’une puissance moyenne d’influence mondiale ? Maxime Lefebvre revient sur cette histoire, et plus largement sur les fondamentaux de notre politique étrangère : les forces et faiblesses de la puissance française, les acteurs et la chaîne de décision, les grandes orientations stratégiques.
. Richard Overy, Rain of Ruin. Tokyo, Hiroshima and the Surrender of Japan, Bristol, Allen Lane, mars 2025.
Durant les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, des centaines de milliers de Japonais, pour la plupart des civils, ont trouvé la mort dans un ultime déchaînement de violence aérienne. Les avions américains commençaient à manquer de cibles plausibles lorsqu’il a été décidé d’utiliser deux armes atomiques dans un dernier et terrible élan pour tenter de mettre fin à la guerre.
Richard Overy revisite cette ultime étape du conflit et le rôle qu’y tinrent les bombardements. Il explore la manière dont la volonté de tuer des civils et de détruire des villes s’est normalisée au fil de la guerre alors que les préoccupations morales s’estompaient et que les scientifiques, les aviateurs et les hommes politiques suivaient une stratégie de destruction massive qu’ils n’auraient jamais approuvée avant son commencement.
Il s’intéresse également aux recherches récentes qui montrent la complexité des efforts déployés pour mettre fin à la guerre dans un Japon où la « reddition » était totalement étrangère à la culture nationale.
. Christine Desouches, De la Francophonie, Paris, Débats Publics Editions, janvier 2025.
Après les sommets de Versailles en 1986 et Chaillot en 1991, la France a accueilli les 4 et 5 octobre 2024 à Villers-Cotterêts le XIXe Sommet de la Francophonie. Ce rendez-vous mondial a revêtu un caractère stratégique pour la France, pour la communauté francophone et pour l’avenir de la Francophonie elle-même. L’Organisation Internationale de la Francophonie à l’instar de la plupart des autres organisations internationales, se trouve, elle aussi, compte tenu du contexte mondial, à la croisée des chemins.
Le crédit qui a été accordé à ce Regroupement volontaire de femmes et d’hommes, d’acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux répartis sur cinq continents autour d’une langue commune et de valeurs partagées, animé depuis sa création en 1970 à Niamey, d’un souffle humaniste singulier, s’est en effet sensiblement affaibli.
Les membres de l’OIF sauront-ils trouver les voies d’un sursaut collectif indispensable pour prétendre continuer de peser sur la reconfiguration du monde qui s’annonce, constituer un recours et rester un partenaire indispensable pour les 93 États et gouvernements francophones au XXIe siècle ?
Tel est l’enjeu qu’aborde Christine Desouches dans cet ouvrage. Elle qui a été une des observatrices et actrices privilégiées de la dynamique francophone depuis ses origines, tente d’apporter quelques éclairages à la lumière des processus de construction et d’affirmation d’un espace de solidarité politique et de coopération inventif, confronté aujourd’hui à de nouvelles menaces et à de nouveaux défis.
. Eduard Tokarskiy, La Russie au Conseil de sécurité de l’ONU (1991-2017), Paris, L’Harmattan, janvier 2025.
En 1991, la grande puissance soviétique s’est effondrée. La Russie, malgré des difficultés, est arrivée à succéder à l’URSS au Conseil de sécurité de l’ONU. Le statut de membre permanent l’a aidée à surmonter avec succès la période difficile des années 1990 et lui a donné une influence supérieure à son poids politique réel. Des changements importants dans la politique intérieure au début des années 2000 ont fortement influencé la politique étrangère de la Russie. L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine a conduit au rétablissement progressif des positions de ce pays dans le monde. La Russie a commencé à utiliser plus activement le Conseil de sécurité de l’ONU pour réaliser ses intérêts nationaux et s’opposer à l’hégémonie des pays occidentaux. Sa position ferme au sein de cet organe pendant les crises les plus graves des années 2000 et 2010 ainsi que son intervention en Ukraine en 2014 ont fait de la Russie l’un des centres de force importants du monde multipolaire émergent. Ce travail cherche à éclairer cette montée en puissance spectaculaire de la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU et sur la scène internationale au cours de la période d’après-guerre froide.
. Frédéric Dufourg, Américains malgré nous - Sous l’emprise culturelle et politique des Etats-Unis, Paris, Decitre, février 2025.
Et si, depuis 1919, notre souveraineté n’avait été qu’un mythe ? Dés la fin de la Première Guerre mondiale, et plus encore après la Seconde, les Etats-Unis ont exercé leur emprise sur l’Europe et la France, influençant profondément notre culture, notre économie et nos choix diplomatiques. Derrière les apparences d’une alliance équilibrée et les coalitions internationales se cache une stratégie méthodique qui impose ses intérêts au détriment de notre indépendance.
Dans cet essai percutant, Frédéric Dufourg dévoile comment des décisions économiques, comme la vente d’Alstom ou la crise des sous-marins australiens, ont été directement dictées par Washington. Il montre également comment l’Union européenne a été, dès ses débuts, alignée sur les intérêts américains pour servir leurs objectifs stratégiques. Les financements occultes de la CIA et l’influence médiatique et culturelle ont constitué de puissants leviers pour asseoir leur domination sur la France.
Et cette emprise continue de redéfinir notre présent. A travers une analyse rigoureuse et documentée, cet ouvrage révèle les mécanismes d’une domination insidieuse et interroge notre capacité à y résister. Frédéric Dufourg, journaliste indépendant et spécialiste des relations internationales, livre une enquête saisissante destinée à tous ceux qui souhaitent comprendre les forces invisibles et les ingérences qui façonnent le monde contemporain.
. Jean-Christophe Rufin, L’empire et les nouveaux barbares, Paris, Cerf, mars 2025.
Émergence d’un nouvel ordre mondial, accroissement des inégalités de développement, fracture planétaire entre Nord et Sud redoublant le clivage Est-Ouest, exacerbation des tensions liées à la question migratoire, édification de murs, physiques ou symboliques, aux frontières... Tout cela, Jean-Christophe Rufin l’avait annoncé dans cet ouvrage visionnaire, publié deux ans après la chute du mur de Berlin, réactualisé à la suite des attentats du 11 septembre, et dont les analyses prémonitoires continuent d’éclairer le monde d’aujourd’hui et de décrypter les enjeux de demain. Un essai lucide, magistral, d’une saisissante actualité. Préface inédite de l’auteur Médecin engagé dans l’action humanitaire, diplomate, ancien ambassadeur de France au Sénégal, Jean-Christophe Rufin a une longue expertise des questions internationales. Son oeuvre littéraire est constituée de nombreux romans, dont Rouge Brésil, couronné du prix Goncourt en 2001. Il est membre de l’Académie française depuis 2008.
. Maxime Lefebvre, La Politique étrangère de la France, Paris, Que Sais-Je, mars 2025.
L’histoire de la politique étrangère de la France se confond avec celle de la construction de la nation. De la monarchie et l’empire napoléonien notre diplomatie hérite la souveraineté et une certaine idée de la grandeur. Pourtant, du congrès de Vienne à la Seconde Guerre mondiale, le voisin allemand, devenu prépondérant en Europe, a largement rebattu les cartes face à une France diminuée. Depuis 1945, la position de cette dernière, engagée dans la construction européenne, n’est-elle pas celle d’une puissance moyenne d’influence mondiale ? Maxime Lefebvre revient sur cette histoire, et plus largement sur les fondamentaux de notre politique étrangère : les forces et faiblesses de la puissance française, les acteurs et la chaîne de décision, les grandes orientations stratégiques.
. Raphaël Chauvancy, Vaincre sans violence - Manuel d’influence et de guerre de l’information, Paris, VA Press, février 2025.
Influencer les masses, manipuler les perceptions, remodeler les réalités : cet ouvrage décrypte les nouvelles formes de conflits où l’esprit devient l’arme ultime. Il révèle comment l’influence et la guerre informationnelle permettent de triompher sans violence en obtenant des victoires durables.
Alliant analyses percutantes, exemples concrets et méthodes détaillées, ce livre offre une définition claire de l’influence et de la guerre de l’information tout en fournissant des outils pratiques, qu’ils soient offensifs ou destinés au débunking. De la construction de narratifs à la manipulation des perceptions, il éclaire les stratégies immatérielles qui redéfinissent les affrontements contemporains.
Un ouvrage indispensable pour comprendre et analyser les conflits modernes dans un monde en perpétuelle compétition.
. Christine Dugoin-Clément Géopolitique de l’ingérence russe - La stratégie du chaos, Paris, Puf, mars 2025.
Bien avant le déclenchement de l’invasion massive de l’Ukraine en février 2022, le conflit faisait déjà rage sur le territoire ukrainien. Cette guerre démarrait dès 2014, alors que le Kremlin usait du « déni plausible » pour nier son implication dans le conflit. Dès lors, les observateurs, analystes et experts étaient témoins d’un nombre croissant d’opérations d’influences qui visaient, selon les besoins, les populations ukrainiennes civiles et militaires, mais aussi les populations occidentales, tout particulièrement celles des pays impliqués dans les tentatives de résolution de ce conflit qui peinait à dire son nom. Cet ouvrage analyse les diverses et nombreuses actions d’influence russes, et particulièrement sur leurs nouveaux déploiements qui dépassent les seules frontières de l’Ukraine : de la campagne Cambridge Analytica aux campagnes de désinformation en Afrique, Christine Dugoin-Clément nous plonge dans cette guerre hybride qui ne fait que commencer.
. Boris Cyrulnik, Boualem Sansal, France-Algérie, Résilience et réconciliation en méditerranée, Paris, Odile Jacob, février 2025.
Qui mieux que Boris Cyrulnik et Boualem Sansal aurait pu écrire ce livre à deux voix, où l’histoire de l’Algérie est dépeinte comme une de ces entreprises humaines qu’on ne comprend qu’en mesurant le rôle structurel de la violence dans les sociétés ? Loin des discours officiels, parfois sans ménagement, ils invitent à redécouvrir l’Algérie et les Algériens, la manière dont ils ont mené ou subi leur histoire, fabriqué leurs héros, conquis leur indépendance – pour le meilleur et pour le pire, entre terrorisme et résistance, fanatisme et corruption, violence et soumission. Un livre nécessaire pour sortir des mensonges et des hypocrisies, et penser à bras-le-corps une situation complexe, pour les Algériens comme pour les Français. Et imaginer peut-être, une fois éclaircis les vieux différends, d’oublier l’amertume et les ressentiments pour rendre possible une amitié entre peuples capables de se reconnaître pour ce qu’ils sont, ayant cessé de se leurrer sur le passé.
. Elsa Vidal, La Fascination russe, Paris, Robert Laffont, février 2025.
Comment trente années d’erreurs de jugement, d’indulgence et de complaisance vis-à-vis de la Russie ont abouti à la guerre. Vladimir Poutine a déclenché plus de cinq guerres. Quelle faiblesse nourrit cette volonté française de "ne pas humilier la Russie" ? Qui est l’homme à l’origine de la politique de relance des relations entre la France et la Russie ? Que cachent les termes, souvent invoqués par nos dirigeants, de "réalisme", de "souveraineté", ou "d’intérêts supérieurs de la France" ? Une véritable idéologie, qui nourrit et structure notre attitude complaisante envers la Russie.
. Gilles Kepel, Prophète en son pays, Paris, Flammarion, mars 2025.
Prophète en son pays est un récit de formation qui couvre les quatre décennies pendant lesquelles Gilles Kepel a parcouru le monde arabe et musulman, de l’Égypte au Levant, ainsi que les "banlieues de l’islam" de l’Hexagone et de l’Europe. Kepel fut en effet le premier à identifier et à étudier les mouvements islamistes, lors de l’assassinat de Sadate en 1981, et à observer la naissance de l’islam en France. Contre les idéologies dominantes - du tiers-mondisme d’hier à l’islamo-gauchisme d’aujourd’hui - et les politiques à courte vue des dirigeants français, ses réflexions sur le "djihadisme d’atmosphère" font désormais autorité et alimentent le débat public en France comme à l’international. Il en éclaire ici la controverse face à la déferlante woke qui menace les études circonstanciées de l’islam contemporain et obère la libre réflexion sur notre société française. Avec humour et érudition, Gilles Kepel revient sur quarante ans d’intuitions prémonitoires.
. Patrice Debré, François Bertin, La science nomade au service de la diplomatie - Mémoires d’un diplomate scientifique, Paris, L’harmattan, février 2025.
Qu’est un attaché scientifique d’ambassade ? Le mot reste encore si imprécis et la fonction si riche de sa diversité, qu’il fallait un livre, et mieux, des mémoires, pour en cerner les contours et l’ambition. François Bertin nous y convie avec le regard et l’expérience d’un universitaire qui sut magnifiquement mettre la science au service de la diplomatie française, et vice versa. Certes le lecteur parcourra à travers son regard, son expertise, et ses souvenirs, des missions aussi différentes que les cultures des pays qu’elles servent, évoluant avec lui, parfois à la limite du risque entre l’Asie, le Moyen-Orient ou les États-Unis. Mais c’est surtout apprendre à travers ce magnifique témoignage que la science est sans doute la meilleure des diplomaties pour la sécurité et la paix dans le monde.
. Pierre Blanc, Géopolitique et climat - 2e édition, Paris, Presses de Sciences Po, février 2025.
Comment le changement climatique rebat-il les cartes de la puissance ? En s’appuyant sur des comparaisons mondiales et des exemples historiques, Pierre Blanc porte un regard géopolitique sur le climat. Il analyse les réponses des différents régimes politiques à cette crise inédite, évalue les risques de guerre climatique et la montée des insécurités. Il repère les territoires les plus exposés aux modifications du climat, qu’elles soient favorables ou défavorables. Il examine enfin les nouveaux rapports de pouvoir qui se font jour dans un monde en voie de décarbonation et insiste sur la nécessité pour l’Europe de mettre sa puissance normative au service du climat.
. Anne Toulouse, L’art de "trumper" - Ou comment la politique de Donald Trump a contaminé le monde, Paris, Rocher éditions, janvier 2025.
Depuis l’élection de Donald Trump en 2016, les campagnes présidentielles traditionnelles n’existent plus, nous sommes entrés dans le royaume de la « trumperie ». La politique est devenue un show outrancier dans lequel les institutions sont méprisées.
En France, l’extrême droite s’est reconnue dans le discours de Trump sur le nationalisme et la sécurité. On pense à Marine Le Pen et surtout à Éric Zemmour, mais Jean-Luc Mélenchon ou Sandrine Rousseau pratiquent les mêmes méthodes : distorsion des faits, diabolisation des adversaires, légitimation de la violence dans la rue... La politique est descendue de son piédestal. Trump a imposé X (ex-Twitter) comme un véhicule sans filtre mettant la parole présidentielle au même niveau que la logorrhée qui se déverse sur les réseaux sociaux.
Alors que des clones de Trump ont vu le jour : Jair Bolsonaro, Boris Johnson... les partis classiques assistent à cette évolution avec une sorte de fascination-répulsion, et ne peuvent s’empêcher d’en emprunter quelques traits.
. Bernard Lavarini, L’Occident sur le qui-vive !, Paris, L’Harmattan, janvier 2025.
Sous la poussée des grands défis de l’Humanité – démographie, changement climatique, confrontations économiques et culturelles – nous assistons au bouleversement des facteurs de puissance qui conditionnent la domination des États. Dans ce monde complexe envahi par la violence, L’Occident sur le Qui-vive, devenu vulnérable, doit faire face à des pouvoirs hégémoniques du « Sud global » de plus en plus puissants. De nouveau, un brouillard stratégique s’étend sur toute l’Europe. En pourrait-il surgir une guerre nucléaire, ou plus loin en mer de Chine ? Dans l’évolution des vies et morts des Empires, où en seront en 2049 les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie, l’Union Européenne ? La Chine sera-t-elle redevenue la première puissance mondiale ? Sur quels moyens l’Occident devra-t-il compter pour résoudre les crises ?
Pour répondre à ces questions décisives, Bernard Lavarini a choisi une réflexion prospective fondée sur les sciences humaines et le savoir scientifique. Mais « pas question de porter un jugement sur les protagonistes. » Il s’est efforcé de n’être qu’un chercheur de vérité qui n’a que des intérêts scientifiques. L’auteur a connu des personnalités éminentes comme le général de Gaulle, qu’il a eu le privilège « d’initier » à la physique du laser, au début de sa carrière. Il a pu, entre autres, échanger avec Michel Carayol, le père de la première bombe thermonucléaire française. Et, il a longuement dialogué avec deux des quatre généraux de l’Apocalypse, Lucien Poirier et Pierre-Marie Gallois, et avec l’ambassadeur de France François de Rose sur la dissuasion nucléaire.
. Cheikh Niang, Emmanuel Caulier, Réflexions d’un diplomate africain sur les défis du continent - La quête des cimes, Paris, L’Harmattan, février 2025.
L’Afrique, riche de contrastes et d’opportunités, se trouve à un tournant crucial de son histoire. Ce livre est à la fois une analyse des défis contemporains du continent et un plaidoyer pour un sursaut diplomatique et une nouvelle conscience collective. S’appuyant sur son expérience dans les arènes internationales, l’auteur exhorte l’Afrique à briser les chaînes qui freinent son développement, à affirmer sa souveraineté et à prendre pleinement sa place dans un monde en mutation. Véhiculant une conviction profonde, il invite les Africains à réinventer leur destin, en alliant mémoire et ambition, sagesse et audace, pour bâtir un avenir à la hauteur de leur potentiel.
. Guibourg Delamotte, Cédric Tellenne, Géopolitique et géoéconomie du monde contemporain. Puissances et conflits, Paris, La Découverte, février 2025.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont marqué l’après-guerre froide telle que l’Occident l’avait rêvée : faite de paix et d’unité. En 2024, à nouveau, le monde connaît des guerres qui prennent une ampleur mondiale par leurs conséquences. Il est marqué par de profondes recompositions de puissances : l’Occident paraît faible et divisé face à la Russie, à la Chine et à un Sud global qui réinvente le mouvement des non-alignés. L’ordre international libéral de l’après-1945 est ainsi remis en cause et déstabilisé par une multitude de menaces et de risques. La question des ressources y prend une dimension particulièrement cruciale. La géopolitique et la géoéconomie permettent d’analyser ces changements, et c’est l’ambition de ce manuel que d’offrir au lecteur les clefs de compréhension du monde contemporain (XXe et XXIe siècles). Il aborde dans une première partie les grandes lignes de force géopolitiques et géoéconomiques du monde d’aujourd’hui, en lien avec l’affirmation d’un contexte général de mondialisation qui en complexifie la lecture. Il en fournit les principaux instruments d’analyse en s’appuyant sur la notion de puissance, étudiée d’un point de vue tant théorique que pratique, inscrite dans une chronologie rigoureuse. La seconde partie est régionale : ses auteurs y explorent les enjeux de sécurité des aires et des principales puissances qui les dominent. Entre rivalités, conflits et coopération, les relations intra- et interzones sont passées au crible d’un examen critique à plusieurs échelles. Ce livre s’adresse aux lycéens, aux étudiants en classes préparatoires et des IEP, mais intéressera également toute personne qui s’interroge sur le cours de l’histoire immédiate.
. Ousmane Balde, La cyberdiplomatie- Pouvoir, conflits et diplomatie dans l’ère numérique, Paris, La Bruyère éditions, janvier 2025.
Dans un monde où le cyberespace devient aussi crucial que le territoire géographique, la diplomatie doit évoluer pour répondre aux nouveaux défis. Cet ouvrage plonge dans les méandres de la cyberdiplomatie, explorant comment les innovations technologiques redéfinissent les règles des relations internationales. À travers des analyses approfondies, l’auteur examine l’histoire de la diplomatie numérique, de ses premiers jours à son rôle pivot dans la sécurité mondiale et la politique étrangère aujourd’hui. Le livre met en lumière les acteurs clés du cyberespace — des États et gouvernements aux organisations internationales et acteurs non étatiques comme les multinationales et les ONG. En explorant des outils et méthodes innovants, de l’intelligence artificielle à la blockchain, l’ouvrage décrit comment ces technologies façonnent les stratégies diplomatiques. L’auteur aborde également les dilemmes éthiques et sociétaux majeurs engendrés par le cyberespace, notamment en ce qui concerne la vie privée, la liberté d’expression et les droits humains. L’auteur propose une vision prospective, envisageant l’avenir de la cyberdiplomatie face aux défis émergents et à l’évolution rapide de la technologie.
. Roland Sanviti, Guerres de conquête à l’aube du troisième millénaire, Paris, Éditions Bernard Giovanangeli, janvier 2025.
Sous le règne de la finance criminelle, tel aurait pu être le titre de cet essai. Cependant cette arme non conventionnelle que représente la finance avait toujours été le nerf de la guerre, ne serait-ce que pour aiguiser les appétits et accaparer les richesses des vaincus ? : aussi, la finance criminelle a réuni sur ce champ de bataille à l’échelle de la planète de nouveaux belligérants qui ne souhaitent ni apparaître, ni assumer les actes criminels qu’ils commettent. Sans doute est-ce cela la plus grande différence avec toutes les guerres qui ont endeuillé les familles jusqu’au XIXe siècle. C’est pourquoi le citoyen doit devenir juge et soldat, apprendre à identifier l’instigateur derrière le commanditaire et l’exécutant et promouvoir les institutions qui soient à la mesure de ces enjeux. Parce que cette nouvelle forme de guerre a produit une nouvelle forme d’esclavage, cet apprentissage et le passage à l’action sont devenus vitaux.
. Olivier Petitjean et Ivan du Roy, Multinationales. Une histoire du monde contemporain, Paris, La Découverte, février 2025.
Qu’on consomme leurs produits, qu’on admire leurs marques ou qu’on dénonce leurs pratiques, les multinationales sont omniprésentes dans nos vies. Mais les connaît-on vraiment ? Quand sont-elles apparues ? Comment sont-elles devenues si puissantes ?
Ce livre, associant chercheurs et journalistes, offre une fresque historique et critique inédite sur ces entreprises qui ont contribué à façonner le monde dans lequel nous vivons. Des premiers câbles télégraphiques sous-marins aux géants du Web, de IG Farben au pesticide RoundUp, de Rockefeller à Elon Musk, des » républiques bananières » au lobbying intensif, il retrace leur montée en puissance progressive jusqu’à nos jours. À travers des dates emblématiques, des épisodes-clés et des portraits, il montre comment leur expansion découle de choix économiques et politiques, mais aussi juridiques, techniques, financiers ou culturels.
L’histoire des multinationales épouse celle des relations entre États, des conflits et des grandes crises. Elle suit de près la trajectoire des changements technologiques, que ces entreprises ont contribué à orienter et accélérer. Elle accompagne la mutation de nos vies quotidiennes, à travers l’avènement d’une société de consommation de masse puis du tout-numérique. Elle est aussi l’histoire de la transformation de notre environnement naturel, de l’extraction des matières premières, de la production d’énergie à une échelle toujours plus importante, jusqu’à engendrer des menaces inédites.
L’histoire des multinationales est donc notre histoire.
. Alexander C. Karp et Nicholas W. Zamiska, The Technological Republic. Hard Power, Soft Belief, and the Future of the West, New York, Crown Currency, février 2025.
La Silicon Valley s’est égarée.
Autrefois, les plus brillants ingénieurs y collaboraient avec les pouvoirs publics pour faire progresser des technologies qui changent le monde. Leurs efforts ont assuré la place dominante de l’Occident dans l’ordre géopolitique. Mais cette relation s’est aujourd’hui érodée, avec des répercussions dangereuses.
À présent, le marché récompense l’engagement superficiel dans le potentiel de la technologie. Les ingénieurs et les entrepreneurs créent des applications de partage de photos et des algorithmes de marketing, devenant ainsi, sans le savoir, les réceptacles des ambitions d’autrui. Cette complaisance s’est étendue au monde universitaire, à la politique et aux conseils d’administration. Le résultat ? Une génération entière dont la vocation se résume à la poursuite bornée des exigences d’une économie capitaliste tardive.
Alexander C. Karp, cofondateur et PDG de Palantir, et Nicholas W. Zamiska, proposent une critique virulente de notre abandon collectif de l’ambition, en soutenant que pour que les États-Unis et leurs alliés conservent leur avantage mondial — et préservent les libertés que nous tenons pour acquises — l’industrie du logiciel doit renouveler son engagement à relever nos défis les plus urgents, y compris la nouvelle course aux armements que constitue l’intelligence artificielle. Les gouvernements, quant à eux, doivent adopter les caractéristiques les plus efficaces de l’état d’esprit des ingénieurs qui a fait le succès de la Silicon Valley. Avant tout, ils doivent rejeter la frilosité intellectuelle et préserver un espace pour la confrontation idéologique. La capacité à risquer la désapprobation de la foule, affirment Karp et Zamiska, a tout à voir avec les performances technologiques et économiques. Ce livre lèvera également le voile sur Palantir et son projet politique plus large de l’intérieur, lançant un appel passionné au réveil de l’Occident.
. Guillaume Carnino, Liliane Hilaire-Pérez et Jérôme Lamy, Histoire globale des techniques, Paris, CNRS Éditions, février 2025.
De l’extraction minière à l’aéronautique, de l’Amérique Latine au Japon, du taylorisme au recyclage : une histoire globale des techniques, du XVIIIe siècle à nos jours. L’évolution des techniques constitue le tissu des réalités politiques, économiques, culturelles et quotidiennes des sociétés partout dans le monde : cet ouvrage en offre une synthèse d’histoire globale. Dans la lignée de travaux parus depuis une quinzaine d’années, il propose une étude comparée et connectée des techniques à l’échelle du monde, faisant une large place aux moyens de production et de communication, à l’exploitation des ressources naturelles, aux grands systèmes techniques, aux infrastructures et aux réseaux. Il ouvre également la réflexion aux questionnements transversaux, qu’il s’agisse de la gouvernance des risques, des réparations et de la maintenance, des techniques du quotidien. Il réalise enfin un tour du monde, restituant les diverses significations données aux activités techniques dans les différentes sociétés, et remet ainsi en question aussi bien les approches téléologiques associant technologies et progrès, que les perspectives trop eurocentrées.
Une exploration stimulante des implications socio-économiques des techniques ainsi que des systèmes de représentation et des structures de pouvoir qui ont conduit à l’émergence du monde d’aujourd’hui.
. Julián Casanova, Franco, Madrid, Critica, février 2025.
Personne n’a autant conditionné l’histoire contemporaine de l’Espagne que Francisco Franco Bahamonde (1892-1975). Pourtant, malgré son omniprésence, le dictateur reste méconnu, caché derrière un enchevêtrement d’a prioris et de clichés, de manichéismes et de mensonges.
Cinquante ans après sa mort, Julián Casanova s’est plongé dans des dizaines de témoignages, de livres et de documents qui, avec l’héritage de toute une carrière universitaire et de recherche, lui permettent d’offrir une approche aussi précise que suggestive. Franco a commencé sa conquête du pouvoir par un soulèvement militaire et l’a achevée dans le sang et le feu d’une guerre civile. L’accession au pouvoir absolu a profondément modifié sa personnalité et son entourage. Malgré l’absence d’un corpus idéologique ou programmatique stable et son faible charisme, son héritage continue d’imprégner notre présent.
. Pierre Buhler, Pologne. Histoire d’une ambition, Paris, Tallandier, février 2025.
Maltraitée par l’Histoire, la Pologne fut partagée trois fois entre la Russie, la Prusse et l’Autriche. Aujourd’hui en première ligne d’une Europe qui bascule vers l’Est, sa nouvelle dynamique suscite l’admiration. Il est temps de mieux comprendre les ressorts de ce grand pays avec lequel il faut désormais compter.
Nul n’incarne mieux que le peuple polonais la lutte d’une nation pour sa liberté. Écrasé par des régimes tyranniques et oppresseurs durant sa longue disparition en tant qu’État entre 1795 et 1918, il fut victime d’un sort tragique pendant la Seconde Guerre mondiale, avant de subir le joug soviétique pendant près d’un demi-siècle. Pleinement intégrée dans l’ensemble européen et transatlantique, la Pologne est désormais prospère et souveraine, pivot d’une Europe centrale longtemps traitée à l’Ouest comme une simple périphérie. Méfiante vis-à-vis de la Russie par expérience, elle est depuis février 2022 l’avant-poste du combat européen contre l’expansionnisme de Poutine.
En fin connaisseur, Pierre Buhler plonge dans l’histoire de ce pays ambitieux et analyse les lignes de force du « moment polonais » : l’ancrage profond du catholicisme, la défense farouche de sa liberté et le rempart qu’il constitue à l’Est. Alors que l’Europe se trouve face à son défi le plus existentiel depuis la fin de la guerre froide, cet acteur majeur bouscule le rapport des forces.
. Quentin Skinner, Liberty As Independence. The Making and Unmaking of a Political Ideal, Cambridge, Cambridge University Press, Février 2025.
Qu’est-ce que la liberté ? Comment les conceptions de la liberté ont-elles évolué au fil du temps ? Et quelles en sont les conséquences à l’échelle mondiale ? Ce livre passe en revue l’histoire des conceptions rivales de la liberté, de l’Antiquité à l’époque moderne.
Quentin Skinner part de la conception de la liberté en tant qu’indépendance, depuis l’idéal classique jusqu’au début de l’époque moderne en Grande-Bretagne, avec comme point culminant la prétention de l’oligarchie whig d’avoir transformé cette idée en réalité. Cependant, la vision whig d’un État libre et d’une société civile ayant été ébranlée par la révolution américaine de 1776, s’est affirmée une autre conception de la liberté, qui s’accomplirait par l’absence de contrainte physique ou coercitive.
Liberty as Independence examine de nouvelles dimensions de ces points de vue rivaux, en considérant les liens entre les débats sur la liberté et les débats sur l’esclavage, et plaide en faveur d’un retour à l’idée de liberté en tant qu’indépendance.
. Bruno Tertrais, La Guerre des mondes - Le retour de la géopolitique et le choc des empires, Paris, Alpha, février 2025.
Nous entrons dans une nouvelle ère : la tectonique des plaques géopolitiques s’est remise en mouvement. Les néo-empires sont sortis de leur sommeil et contestent l’ordre international. La Chine et la Russie veulent leur revanche contre l’Occident, et refaire le monde à leur image. La guerre des mondes a commencé. Cette guerre se jouera de l’Ukraine à Taiwan, des fonds marins à l’espace extra-atmosphérique, dans les mines de lithium et dans le cyberespace. Elle sera longue et opposera non pas deux blocs, mais une famille occidentale, plutôt libérale, à une famille eurasiatique autoritaire. Ce sera une lutte d’influence à l’échelle planétaire, émaillée de crises et de conflits régionaux. Sommes-nous comme dans les années 1910, à la veille du grand choc des empires ? Comme dans les années 1930, face à la montée de totalitarismes agressifs ? Ou comme dans les années 1950, au début d’une nouvelle forme de guerre froide ? Et si l’Occident n’était pas si mal placé pour remporter cette nouvelle guerre des mondes ? Et si ses faiblesses étaient moins importantes que celles de ses adversaires ?
. Alain Trannoy, Arundhati Virmani, Économistes et historiens, un dialogue de sourds ?, Paris, Odile Jacob, janvier 2025.
« Chacun peut être amené au cours de sa vie à s’intéresser à l’histoire pour saisir les enjeux d’un affrontement entre groupes sociaux ou mieux appréhender comment les doctrines naissent et disparaissent.
L’économie, de son côté, est devenue omniprésente. On écoute aujourd’hui les économistes comme les Grecs et les Romains écoutaient les oracles. L’histoire et l’économie sont donc des disciplines incontournables.
Dans ces temps troublés, on aimerait que ces deux disciplines, aux méthodes parfois antagonistes, associent leurs génies respectifs, l’histoire offrant la perspective du temps long, l’économie offrant la panoplie la plus actuelle de méthodes quantitatives. » A. T. et A. V. Ce livre tente de faire dialoguer histoire et économie, et de conjuguer leurs méthodes pour encourager les collaborations. Il donne au passage des éclairages inédits sur des questions actuelles, de l’histoire du travail des femmes ou de la colonisation à l’avènement de la pensée scientifique. Un ouvrage essentiel pour penser la fragile fabrique des savoirs en sciences humaines. Alain Trannoy est économiste. Directeur d’études à l’EHESS, il est spécialiste de l’économie publique et de la fiscalité. Arundhati Virmani est historienne. Enseignante-chercheuse à l’EHESS, elle est spécialiste de l’histoire coloniale et contemporaine de l’Inde.
. Anna Chronique, Chroniques de Tunisie - Une Française au pays de la Révolution, Paris, Dunod, janvier 2025.
En 2008, Anna et Boris, des profs en début de carrière et souvent en galère postulent pour partir enseigner à l’étranger. Après des démarches fastidieuses et quelques nuits d’insomnie, ils décrochent chacun un poste pour la Tunisie à la surprise de leurs proches. Sont-ils au courant que le pays est une dictature ? Que sa sécurité cache une répression systématique des opposants et une forte censure ?
Qu’importe ! Anna, Boris et leur chat partent vivre leur nouvelle vie d’expats rythmée par la valse des taxis, le concert nocturne des muezzines et les rencontres hautes en couleurs avec les Tunisiens. Ils parcourent les routes de ce pays riche en vestiges, autant de livres ouverts sur son histoire : de Carthage aux hauts lieux du beylicat et du protectorat français aux exceptionnels sites romains comme El Jem ou Dougga...
Mais tout bascule en décembre 2010, quand éclate la révolution du jasmin qui ébranle les dictatures du monde arabe.
. Isaac Njiemoun Manchou, La création de la monnaie unique commune africaine - Donner à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLÉCAf) son adjuvant monétaire, Paris, L’Harmattan, janvier 2025.
L’Afrique, riche de son potentiel et de ses ressources, est un marché en expansion, prévu à deux milliards de consommateurs d’ici 2050. Toutefois, les échanges intra-africains restent faibles comparés à ceux avec les autres continents. Pour remédier à cela, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), créée en 2018 et opérationnelle depuis 2021, vise à dynamiser le commerce interafricain. Trois éléments clés sont indispensables pour son succès : la bonne gouvernance, la diversification économique et une monnaie unique. L’ouvrage met en lumière l’importance d’une souveraineté monétaire africaine, libérée des monnaies coloniales comme le franc CFA, et appelle à accélérer la création de cette monnaie unique, éventuellement nommée « afric », intégrant intelligemment la crypto-monnaie.
. Olivier David, La population mondiale - Répartition, dynamique et mobilité, Paris, Armand Colin, janvier 2025.
La population mondiale a franchi le seuil des 8 milliards d’habitants en 2022 et les dernières projections de l’ONU prévoient une poursuite de la croissance, pour atteindre 10,3 milliards en 2084. Toutefois, l’intensité de cette croissance est très disparate d’une région à l’autre du monde ; et si elle est très soutenue dans certains pays, d’autres doivent faire face à un immobilisme et à un vieillissement sans précédent. Cet ouvrage propose une introduction simple aux notions et concepts utilisés en géographie de la population. Assorti de nombreuses illustrations et de repères faciles à mémoriser, il permet d’aborder et comprendre la grande variété des dynamiques démographiques, et les enjeux pour les populations à venir.
. Thierry de Montbrial, L’ère des affrontements - Les grands tournants géopolitiques, Paris, Dunod, février 2025.
Au début de ce siècle, les Occidentaux ont voulu croire à la mondialisation heureuse grâce à l’expansion de la démocratie et de l’économie de marché. Un quart de siècle a passé, et la planète est engagée dans une Deuxième guerre froide, voire dans les prémices d’une Troisième Guerre mondiale. Le djihadisme s’est étendu dans une aire arabo-musulmane en effervescence. La guerre d’Ukraine a bouleversé le continent eurasiatique. Face à la Chine, les États-Unis se mobilisent pour garder leur primauté. La guerre économique se répand. Menacée de déclassement, l’Union européenne doit se réformer en profondeur pour survivre. Comment en est-on arrivé là ? C’est à cette question que répond ce livre de façon à la fois précise et vivante, tout en s’interdisant, face à la complexité de la réalité, de réduire l’histoire à un combat entre les « bons démocrates » et les « méchants autocrates ».
. Yves Santamaria, L’Algérie et la France - Une terre pour deux peuples (1830-1962), Paris, Odile Jacob, janvier 2025.
Dans ce livre, Yves Santamaria retrace l’histoire commune de la France et de l’Algérie, depuis les débuts de la conquête française jusqu’à la guerre d’indépendance. Il décrit en particulier le sort des populations autochtones, aux prises avec des lois inégales et une promesse de droits civiques jamais honorée. À contre-courant des lectures rétrospectives souvent enclines à penser l’indépendance comme l’issue inéluctable, l’auteur s’efforce de mettre en lumière les occasions manquées qui auraient pu permettre d’éviter l’embrasement. Ainsi, Yves Santamaria montre que, en 1954, quand éclate la guerre, le milieu politique français était en ébullition. Entre l’indépendance totale et le rapatriement des Pieds-noirs, divers projets voient le jour, notamment une division du territoire de l’Algérie qui aurait partagé cette terre entre deux peuples. On suit les opérations militaires, on assiste aux hésitations de De Gaulle, confronté à la radicalité de ses interlocuteurs, OAS et FLN. Au cœur de cette violente guerre de décolonisation, soldée par le rapatriement des Pieds-noirs, on s’aperçoit que d’autres voies étaient envisagées.
. Charlotte Tagus, L’hydropolitique chinoise du mékong, Paris, Spinelle, janvier 2025.
L’hydropolitique chinoise est communément perçue comme impérialiste voire agressive et irrationnelle au regard des actions de la puissance dans le Mékong. Les réalités et perceptions associées à l’hydropolitique du Mékong étant évolutives, notre étude en explore les dynamiques à l’heure de l’identité hydrohégémonique de la Chine et d’enjeux prégnants tels que les changements climatiques. Aussi, appliquée à l’hydropolitique du Mékong notamment définie en termes de sécurité environnementale, nous nous interrogeons sur l’évolution de l’institutionnalisation de la coopération régionale du Mékong et sur la réalité du statu quo afférent. Il est à noter que nous appréhendons par ailleurs plus spécifiquement le discours de la Chine relativement à sa façon de mener son hydropolitique, ainsi que, de manière plus transversale, la question des réalités et des perceptions liées à son hydrodiplomatie du Mékong.
. Didier Ortolland, Les mers de Chine - Géopolitique, confrontation et droit international, Paris, L’harmattan, décembre 2024.
Cet ouvrage propose une étude de la politique chinoise dans ce que la Chine considère comme ses espaces maritimes ainsi que dans les océans dans lesquels Pékin souhaite développer ses ambitions. Il développe particulièrement cette analyse en mers de Chine méridionale et orientale mais aussi dans l’Indopacifique. L’intérêt de la Chine pour les zones polaires et les grands fonds marins y est également étudié. Il aborde l’histoire des « mers de Chine » qui sous-tend les revendications des différents protagonistes régionaux et décrypte la politique des différents acteurs. Il analyse les enjeux des espaces maritimes considérés, politiques, économiques ou stratégiques mais également les menaces que fait planer la politique de Pékin sur le droit international. La rivalité sino-américaine apparaît en filigrane dans toutes ces questions.
. Erik Orsenna, Julien Denormandie, Nourrir sans dévaster, Paris, Gallimard, février 2025.
Nous aimons le pain, mais nous ne chérissons guère les céréaliers. Depuis l’enfance, nous adorons les vaches, mais nous condamnons les éleveurs. En bons Français, nous répétons apprécier manger, mais nous accordons de moins en moins d’attention à notre alimentation. Au pays de Pasteur, nous nous méfions de la science alors que, grâce à elle, une révolution se prépare... Pour tenter de comprendre et de dépasser ces contradictions, nous - Julien, qui a été ministre de l’Agriculture, et Érik, qui aurait rêvé de l’être - sommes partis en voyage. Aux quatre coins de la France, mais aussi ailleurs en Europe. Et en Chine, au Brésil, en Égypte, en Ukraine. Nous avons visité des fermes et des élevages de toutes tailles et des labos prometteurs. Nous avons rencontré des personnages d’aujourd’hui, de demain mais aussi d’hier. Loin de tomber toujours d’accord, nous nous sommes retrouvés sur l’enjeu essentiel : nourrir toujours plus d’êtres humains sans dévaster leur planète.
. Jeanne Loiret, La défense du Japon - Une politique de partenariats, Paris, Du Cygne, janvier 2025.
À un moment où la réélection de Donald Trump ramène le problème de dépendance des alliés des États-Unis sur le devant de la scène, on pourrait être surpris de trouver le Japon au milieu d’une toile de partenaires militaires de plus en plus vaste. Désir d’indépendance ? Ou suivisme des États-Unis dans leur politique de bloc anti-chinoise dans l’Indopacifique ? Si l’importance de Washington dans la défense du Japon ne peut être ignorée, la politique militaire nippone ne doit pas être réduite à son principal allié, et le réseau de partenaires créé par le Japon fait partie d’une politique de défense mûrement réfléchie, visant à défendre son territoire et ses intérêts, et s’inscrivant dans des stratégies d’alliance datant du début du XXe siècle. Les partenariats, pour le Japon, sont une part intrinsèque de sa défense, au même titre que les réformes de son armée ou son système anti-missile. Cette étude tend à montrer pourquoi, comment, et avec quels résultats et limitations le Japon s’allie pour se défendre.
. Claude Martin, La diplomatie n’est pas un dîner de gala - Mémoires d’un ambassadeur, Paris, L’aube, février 2025.
« Claude Martin, ambassadeur de France (ils sont quelques-uns seulement à pouvoir porter ce titre), nous embarque dans un demi-siècle d’histoire de la Chine, de l’Europe et de la France. Observateur passionné, et passionnant, il nous propose ici un récit aussi précis que foisonnant, émaillé d’anecdotes et de portraits. “La France n’envoyait pas ses diplomates à Pékin pour y fréquenter des Suédois ou des Mexicains. Nous étions là pour connaître la Chine.” L’on peut affirmer, au travers de cet extraordinaire ouvrage, qu’il la connaît parfaitement ! Comme il connaît l’Allemagne qu’il a par - courue en voiture, à pied, à vélo, pendant neuf ans. Cet ambassadeur non conformiste a vite compris que la diplomatie “n’est pas un dîner de gala”. Elle est un dialogue entre les peuples. Et entre les hommes qui les gouvernent. Après Charles de Gaulle et Mao Zedong, les personnages célèbres ou inconnus se succèdent – présidents, ministres, ambassadeurs, acteurs de la diplomatie française. Derrière eux, c’est au Quai d’Orsay que l’auteur rend finalement hommage, cette maison qu’il ne cesse de fustiger mais à laquelle il adresse pourtant, à travers ces pages, une belle déclaration d’amour. Ces “Mémoires d’un ambassadeur” sont à lire comme un livre d’histoire bien sûr, mais aussi, dans un monde où toutes les alliances sont à nouveau bouleversées, comme un traité de tolérance que Voltaire aurait certainement apprécié à sa juste valeur. »
. Emmanuel Lincot, L’Asie terre de conflits - Enquête sur la nouvelle poudrière mondiale, Paris, Cerf, février 2025.
L’Asie sera-t-elle l’épicentre des guerres futures ? Quels sont les rapports de force à l’oeuvre ? Quels sont les affrontements à venir ? À l’heure où les grands équilibres du monde vacillent, voici l’indispensable ouvrage pour comprendre, cartes à l’appui, les tensions d’aujourd’hui et les grands enjeux de demain. Sur le plus vaste des continents, les ambitions se percutent, les lignes de fracture se creusent et les camps se forment. Toujours mouvantes, leurs limites se redéfinissent au gré des jeux d’influence et des stratégies de puissance. La Chine étend partout ses Nouvelles Routes de la soie, l’Inde se dresse, le terrorisme islamique prospère et le risque nucléaire s’accroît. Sur terre comme sur mer, les antagonismes se cristallisent aux frontières. Barthélémy Courmont et Emmanuel Lincot convoquent la géographie et l’histoire pour démêler les tensions, pour décrypter les conflits, pour dire la permanence du fait culturel et la réalité de la donne régionale autour du nouveau bassin mondial qu’est le Pacifique. Voici la radiographie des dangers planant sur l’Asie. Voici leurs répercussions sur la planète. Professeur à l’Université catholique de Lille, Barthélémy Courmont est directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Il a récemment publié Géopolitique des mondes asiatiques.
Voir les archives de la sélection des livres géopolitiques 2021-2024
[1] Cette émission a été enregistrée le 18 mars 2025.
SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.
Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés
| Dernière mise à jour le mardi 1er juillet 2025 |