6 - OTAN, histoire et fin ?
Pour le pire ou le meilleur, la France solidaire de l’OTAN

Par Catherine DURANDIN, le 26 décembre 2013  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Professeur des Universités, historienne, ancien élève de l’ENS, ancienne auditrice de l’IHEDN, enseigne à l’INALCO. Ex - consultante à la DAS, ministère de la Défense, elle a publié un grand nombre d’articles et d’ouvrages consacrés aux équilibres géopolitiques du monde contemporain.

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6 - OTAN, histoire et fin ?

. Voir le chapitre précédent, 5. L’OTAN, la France et le fardeau des Balkans

Chapitre 6. Pour le pire ou pour le meilleur, la France solidaire de l’OTAN

« Tous les dirigeants politiques ont pris leurs responsabilités : ils pensent tous que si les frappes auxquelles il faut malheureusement se résoudre maintenant, soulèvent des problèmes, tout en en résolvant d’autres, rien n’aurait été pire que l’inaction, la passivité, l’impuissance… Certes, il y a un moment pénible à vivre, pendant lequel nous sommes obligés d’avoir recours à des moyens que nous voudrions ne jamais avoir à employer de nouveau. Mais nous espérons que, à travers cette étape et cette épreuve, nous sommes en train de fonder une Europe très différente, qui ne s’arrêtera pas aux frontières de l’Union mais qui sera en mesure, quand le moment sera venu , de reprendre l’initiative d’ « européaniser » les Balkans, ce qui reste notre objectif pour cette région. »
Hubert Védrine, Sénat, séance du 26 mars 1999.

L’OTAN, gardien de la paix

Découvrez les coulisses des accords de Dayton (1995) et les personnages clés des négociations. Puis entrez dans la salle des négociations de la conférence de Rambouillet.

ETRANGE EVOLUTION pour l’Alliance : l’OTAN, alliance défensive fondée en 1949 sur l’article 51 de la Charte des Nations-Unies, relatif au droit naturel de légitime défense … dans le cas d’une agression armée, est entrée en guerre en 1995. La coopération entre l’ONU et l’OTAN fut difficile, puis le processus de décision simplifié, allégé lors du Conseil de l’Atlantique Nord du 26 juillet 1995. Etrange mission pour Washington : gérer la sortie de guerre et monter un plan de négociations de paix tout en poursuivant conjointement des bombardements qui touchent les forces armées des Serbes de Bosnie. Etrange situation enfin pour Richard Holbrooke : faire de Milosevic un interlocuteur privilégié, provisoirement, par nécessité, et donc se montrer très radical à l’adresse des Mladic et Karadjic qui sont épinglés comme criminels. Holbrooke avait besoin d’un interlocuteur et ce fut donc Milosevic.

Il faut au plus vite dénicher le lieu adéquat pour cette négociation et déterminer une méthode de travail qui empêche les blocages. Comment amener les représentants serbe, croate et bosniaque à se supporter, à se parler ? Holbrooke a témoigné de ses inquiétudes et de sa nervosité. Assistant du secrétaire d’Etat pour les affaires administratives, Patrick F. Kennedy est chargé de sélectionner l’endroit idéal : assez loin de Washington pour éviter que les négociateurs ne se ruent sur les journalistes et ne viennent investir les émissions télévisées, en compliquant l’agenda des rencontres. Les medias ont été trop impliquées depuis 1992 dans la guerre yougoslave. Camp David est jugé trop proche de Washington, trop officiel, trop Présidentiel en quelque sorte, et trop marqué par les souvenirs des négociations de 1978 entre l’Egypte et Israël. C’est la base militaire de Wright - Patterson à Dayton dans l’Ohio qui est retenue. Informé le 17 octobre, Milosevic manifeste des réticences et laisse entendre qu’il n’a pas envie d’être cloîtré. Les Européens font la moue à l’idée de travailler sur une base militaire perdue en plein cœur des Etats - Unis. Il y aura 9 délégations, une pour chaque pays participant des Balkans, (Serbes de Bosnie exceptés) 5 pour les membres du Groupe de contact plus le représentant de l’Union européenne, Carl Bildt. Ce dernier se dit consterné d’avoir à travailler sur une base militaire. Mais à Washington, on se félicite : la base est impressionnante, un véritable symbole de la puissance américaine !


Catherine Durandin, OTAN, Histoire et fin ? Ed. Diploweb, 2013

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C. Durandin. L’OTAN, histoire et fin ?
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Organiser le déroulement des séances s’avère être un casse-tête. Les diplomates ont un terme pour dénommer les sessions : « proximity peace talks » (conversations de paix de proximité). Cela signifie, sur le conseil de Jimmy Carter qui a connu l’expérience du difficile dialogue entre Begin et Sadate, au nom d’Israël et de l’ Egypte, que les parties respectives ne se trouvent en présence physique obligée mais puissent discuter via un médiateur, qui va de l’une à l’autre. Les Présidents serbe, croate et bosniaque s’insupportent : Izetbegovic, le Bosniaque, ne peut tolérer de passer à table pour un repas, à côté de Milosevic. Les Américains souhaitent innover : mais comment inventer du neuf alors que les données de fin de guerre, séparation des forces, délimitation des frontières, échange des prisonniers se répètent tristement. L’enjeu est de taille. Les décisions de Dayton concernant le futur de la Bosnie devront être mises en œuvre et réalisables sur le terrain. Bill Clinton conserve une priorité : l’entente avec les Russes qu’il veut impliquer dans les forces de paix futures. Eltsine a tenté jusqu’au bout de ne pas accepter un commandement OTAN pour ses troupes. Clinton martèle : « Nous voulons intégrer les Russes ». Ce à quoi Holbrooke réplique : « Qu’ils ne doivent pas avoir leur propre secteur, cela ressemblerait aux zones d’occupation de Berlin de l’après-guerre. » Le 23 octobre 1995, Clinton l’emporte : il réussit à convaincre Eltsine de la nécessité d’une structure de commandement intégré en Bosnie. Deux bataillons russes, 2 000 soldats environ, se joindront aux forces de paix. Le 24 octobre, Clinton reçoit à New -York les Présidents croate et bosniaque. Franjo Tudjman et Alija Izetbegovic s’entre - détestent. Une Fédération à venir croato - bosniaque ? Oui, mais encore faudra t-il la réaliser. Et Tudjman s’accroche à l’espace de la Slavonie orientale que ses forces ont investi. En dépit des poignées de main, les suspicions demeurent très fortes. Le Président américain plaide : pas de paix possible sans ce noyau fédéral bosno - croate.

Reste une dernière étape à franchir : convaincre le Comité des forces Armées du Sénat américain qu’il n’y aura pas de risques de pertes en Bosnie, qu’une « stratégie de sortie » (exit strategy) sera planifiée et que la durée de la présence américaine n’ira pas au-delà de 12 mois… L’opinion publique américaine est, à 70%, opposée à l’envoi de troupes au sol en Bosnie. Il faut en tenir compte, les élections Présidentielles se jouent l’année suivante.

La cessation des hostilités doit être suivie de la mise en place d’une Force de paix, IFOR, (Implementation Force) proposée et approuvée le 11 octobre 1995 par le conseil de l’Atlantique Nord, force dont la mission suppose le succès des négociations à Dayton. C’est à Dayton que seront précisées les tâches de l’IFOR. La gravité du moment n’échappe à personne : l’OTAN s’est déployée en Bosnie hors de son propre champ, et va s’adjoindre des forces, non membres de l’OTAN, pour faire respecter ce qu’on appelle la paix ou plus pudiquement, la stabilité. Cette formule, stabilité, stabilisation, pays producteur de stabilité entre dans la langue de bois des années de la fin du XX ème siècle et connaît une vogue qui ne s’est pas démentie depuis.

Les accords de Dayton ont déçu, les résolutions ont été immédiatement critiquées. C’est oublier l’urgence du contexte. Les formules de partition de la Bosnie sont sorties tout droit du constat des violences perpétrées par les uns et les autres. L’intégrité du territoire de Bosnie - Herzégovine est maintenue mais la Bosnie est scindée en deux entités, la Fédération croato - bosniaque et la République serbe de Bosnie (Republika srpska). La politique de défense relève de chaque entité, mais aucune de ces entités n’est autorisée à entretenir des relations spéciales avec les Etats voisins. Oui, Dayton n’a pas réussi à fonder un Etat-nation ! Mais, les communautés locales ne voulaient pas se retrouver en cet Etat-nation. Des années plus tard, force sera de constater que la formation de l’Etat - Nation a échoué.

Dès le début des réunions, le 1er novembre, la question de la langue à traduire, illustrant la volonté de séparation entre les communautés, s’est posée : le serbo-croate existe-t-il encore ? La responsabilité de l’échec de reconstruction incombe aux acteurs locaux qui n’étaient pas prêts à la réconciliation à l’automne 1995, et ne le sont toujours pas en 2013. L’accord de paix négocié en novembre et signé à Paris le 14 décembre est volumineux : l’accord cadre est accompagné de 11 annexes. Ce texte fait référence aux principes énoncés par la Charte des Nations unies, par l’acte final d’Helsinki, par les documents de l’OSCE, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. Aspects militaires du règlement de paix et de sa consolidation, aspects civils de la reconstruction sont déclinés. Le débat sur le rapport entre mission militaire et reconstruction a posé problème à Washington. Du côté militaire, le Pentagone rechigne à engager les forces armées dans des opérations civiles qui ne seraient pas de son ressort et supposent du temps long. Les négociations tendues vont durer jusqu’au 21 novembre 1995. L’opinion américaine peut se féliciter qu’un accord soit sorti des journées de Dayton alors qu’en Europe, en France surtout, le sentiment dominant est celui de la gêne : que la paix dans les Balkans soit, au final, largement l’œuvre des Américains est mal vécu. Nombreux sont des acteurs sincères qui, à posteriori, croient savoir ce qu’il aurait fallu faire, antérieurement. Les généraux, qu’ils soient français ou américains, qui ont servi dans les forces de l’ONU se sentent dépouillés du sens de leur mission quand ils l’ont crue possible. Un diplomate français se plaint de Holbrooke, qu’il traite d’humiliant, de menteur, de schizophrène, un vrai Mazarin. Mini - drame, commente l’Américain. La guerre est finie. Mais, il déplore que Mladic et Karadjic courent toujours. Comme si se préparait une culture nouvelle réductrice, celle de « l’ennemi numéro un » qui aura un bel avenir plus tard, avec Ben Laden.

La machine d’imposition de la paix et de stabilité, se met en branle. Les bases du mandat de l’OTAN, sont posées par la résolution 1031 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, les aspects militaires de l’accord de paix traités à l’Annexe 1 A. 60 000 hommes seront déployés en Bosnie à partir du 20 décembre 1995, dans le cadre de l’opération «  Joint Endeavour  ». 60 000 hommes pour un territoire plus petit que l’Etat de Virginie ! L’IFOR est soumise à la direction et au contrôle politique du Conseil de l’Atlantique Nord par l’intermédiaire de la chaîne de commandement de l’OTAN, elle est placée sous le commandement des Forces alliées du sud de l’Europe, exercé par l’Amiral Smith et sous l’autorité générale du général américain Joulwan.

Le 14 décembre 1995, à l’Elysée, Jacques Chirac accueille les signataires de l’accord. Un grand dîner est donné le soir au Quai d’Orsay. L’on peut y rencontrer Milosevic fumant un long cigare tout en devisant avec le Président des Etats-Unis. Clinton raconte : « Slobodan Milosevic était assis en face de moi et nous avons eu une longue conversation. C’était un homme intelligent, cordial et qui s’exprimait avec une grande clarté, mais il avait le regard le plus glacial que j’ai jamais vu. Il était également paranoïaque (…) J’avais le pressentiment que je ne tarderais pas à entrer de nouveau en conflit avec lui. » [1] Les petits accrochages franco américains se succèdent, Les Français parlant de traité de l’Elysée pour éviter de nommer Dayton ou installant Holbrooke et son équipe au fond de la salle de l’Elysée, lors de la cérémonie de signature. La future Madame la secrétaire d’Etat M. Albright tire, de ce moment - là, deux leçons déjà : l’usage limité de la force, une opération aérienne, fait la différence. Le leadership américain et l’union des Alliés sont indispensables. L’on doit résister aux volontés d’un Milosevic et d’un Mladic. Ce que ne disent ni Clinton, ni Holbrooke, ni Albright, c’est que l’intervention de 1995 aurait du avoir lieu, bien avant sans doute et différemment, peut-être. Au plus tard, en 1993. Ce que pensent nombre de généraux français, c’est que les Américains ont tardé et frappé trop fort, ensuite.

L’OTAN en Bosnie : un vaste chantier militaire et civil

Imposer la cessation des hostilités, séparer et désarmer, tel est le premier objectif. Le secteur d’occupation français, avec Mostar pour quartier général, se situe au sud-est, le secteur Nord est sous commandement américain, les Britanniques sont installés au sud-ouest, une brigade turque à Zenica, la brigade russe, arrivée en janvier 1996, est proche du commandement nord américain, en Republika srpska, les Espagnols se trouvent au sud de Mostar. Si le mandat concernant les aspects militaires est clair sur le papier, la réalité vécue l’est beaucoup moins : ainsi l’IFOR est chargée d’assurer avant le 19 mars 1996, le transfert des villes et des régions d’une entité à l’autre lorsque la frontière intérieure, la ligne de séparation inter-entité, ne coïncide pas exactement avec la ligne de front. Le passage des quartiers serbes de Sarajevo sous l’autorité de la Fédération bosno - croate s’avère difficile, douloureux, avec des déplacements massifs de population. L’IFOR est autorisée à recourir à tous les moyens nécessaires, y compris la force. La redistribution ethnique se poursuit. Spontanément, par peur, les Serbes fuient les zones musulmanes. Les autorités de la Fédération à Sarajevo ne font rien pour retenir ni protéger les Serbes. L’exode est marqué par des actes de banditisme. Un contraste vertigineux se dessine entre l’évolution vers des espaces ethniquement homogènes en Bosnie, et une force militaire vouée à la gestion de la paix, très bigarrée : outre les Alliés de l’OTAN, les membres du Partenariat pour la paix et la Russie, d’autres Etats choisirent de participer à l’IFOR. 16 pays contributeurs négocient, au fil des mois de 1996, des accords de participation avec l’OTAN, parmi eux, la Malaisie, l’Egypte, le Maroc, la Jordanie. Ces pays contributeurs ont fourni environ 10 000 soldats.

Désarmer ? La tâche est rude. Que faire des ex-soldats des milices ? Le chômage atteint plus de 50% de la population dans certaines régions. Et puis l’habitude est de conserver des armes chez soi. Au Kosovo voisin, court une blague : chaque maison dispose de trois armes, une contre l’ennemi, une pour chasser et la troisième pour la remettre à l’ONU ou à l’OTAN. Le transfert des armes lourdes dans des zones de cantonnement se heurte à des acteurs qui jouent à cache cache. Il faut fouiller les maisons et quasiment labourer les jardins, ou examiner les puits. L’IFOR prend des mesures coercitives en Republika srpska, partie serbe de la Bosnie, dont les autorités refusent l’inspection de dépôts situés au nord du territoire. Les activités de déminage et de balisage des zones minées vont durer plusieurs mois. Entre 3 et 6 millions de mines seraient disséminées en Bosnie. La libération des prisonniers qui aurait due être rapidement effectuée, traîne. A la mi-janvier 1996, tireurs bosniaques et serbes s’affrontent encore à Sarajevo. En zone serbe, un immeuble d’une dizaine d’étages possède une vue plongeante sur le poste français. Il abrite une mitrailleuse et des tireurs tchetniks [2] serbes. Un tir de roquette frappe le tramway et tue un voyageur. La hantise du commandement est celle de l’enlisement sur le terrain. Alors que l’IFOR est priée de s’atteler, au-delà de sa fonction militaire, à des actions civiles qui exigent à la fois patience et fermeté et qui supposeraient de la bonne volonté de la part des populations.

L’IFOR coopère - mais de quelle manière ? Jusqu’où ? - avec le Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie. Ses enquêteurs se présentent en janvier 1996, décidés à faire éclater la vérité sur les massacres de juillet 1995 à Srebrenica. La ville est tombée sous autorité de la Republika srpska. Le procureur du tribunal, le juge sud-africain, Richard Goldstone, demande le soutien de l’IFOR pour surveiller les sites abritant des fosses communes, des charniers et protéger les opérations d’exhumation. Il n’obtient pas les réponses adéquates, il reproche à l’IFOR son manque d’implication réelle auprès du Tribunal. Amer et en colère, Goldstone déclare que si la justice internationale doit n’être utilisée que comme une commodité bon marché mise de côté au gré de la realpolitik, autant abandonner la justice et laisser les victimes se venger elles-mêmes. Les médias américains prennent le relais, s’inquiétant de ce que des responsables inculpés par le tribunal aient été maintenus en des postes de police ou d’administration.

Le 26 juin 1996, un ensemble de comités des droits de l’Homme (211 organisations) adresse une lettre ouverte aux chefs d’Etat de France, Allemagne, Italie, Etats - Unis et Royaume-Uni pour s’indigner, qu’un an après les massacres de Srebenica, les hommes responsables de cette tuerie jouissent non seulement de la liberté mais encore du pouvoir, et cela, ouvertement. Ils réclament une action urgente. Les interprétations juridiques divergent entre l’IFOR et le tribunal : l’IFOR, au vu de l’analyse des accords de Dayton, ne s’estime pas mandatée pour rechercher et débusquer les inculpés. Ces opérations de police incomberaient au groupe international de la police des Nations-Unies, mais ces policiers ne sont pas armés. L’amiral Leighton Smith est formel : la partie civile des accords de Dayton, ce n’est pas son « job ». A Washington, l’on se garde bien d’évoquer un projet de « nation building » pour la Bosnie, qui laisserait soupçonner une inéluctable reconduction du mandat de l’IFOR. La traque des criminels suscite des confrontations avec les Serbes de Bosnie tout comme avec Milosevic : deux officiers serbes de Bosnie sont arrêtés à Sarajevo à bord d’un véhicule civil alors qu’ils n’étaient encore pas inculpés. C’est après leur arrestation seulement que le juge Gladstone obtient l’inculpation par le TPIY. On en arrive à un scénario de roman policier pour éviter que les deux officiers ne restent en prison à Sarajevo, ce qui pourrait susciter des troubles, du côté serbe. Quelques soldats français super entraînés, avec l’assentiment des autorités bosniaques ayant la garde des prisonniers, les enlèvent de nuit et les livrent aux Américains pour un transfert par hélicoptère au tribunal de la Haye. Cet épisode préoccupe vivement Holbrooke et Warren Christopher. Début juin 1996, Richard Holbrooke quitte le gouvernement. La lettre de bilan qu’il adresse alors au Président Clinton exprime un profond pessimisme : la fracture ethnique se creuse en Bosnie. Karadjic défie l’OTAN et les Occidentaux, Izetbegovic construit un Etat musulman qui se radicalise, bien aux antipodes d’un projet multi - ethnique. Dayton avait installé un « leadership » américain et ce serait une tragédie que de laisser aller cette détérioration : l’OTAN a une vision trop étroite de son rôle. Que faire lorsque Karadjic utilise ses médias télévisés pour appeler à la haine ethnique ? Holbrooke conseille de revenir à des sanctions et d’exercer des pressions sur Milosevic pour obtenir le renversement de ce Bosno-Serbe.

L’IFOR a pour mission « d’aider à la création de conditions sûres d’exécution, de certaines tâches associées au règlement de paix, notamment l’organisation d’élections justes et démocratiques. » Sur ce terrain - là encore, les résultats se sont avérés très décevants. L’OTAN soutient l’OSCE en cette réalisation de l’opération électorale de septembre 1996. Le travail logistique, visible, peut impressionner : acheminer les observateurs de l’OSCE, transporter les urnes, assurer la sécurité des bureaux de vote, la liberté de déplacement. Mais, il ne revenait pas à l’OTAN de vérifier la validité des listes et les registres électoraux…Les manipulations étaient connues, dès l’été 1996. Le correspondant du New York Times à Sarajevo en témoignait le 24 août 1996. En dépit de l’engagement de l’OTAN, la frustration domine lorsqu’il s’agit de la reconstruction civile, et d’un semblant de réconciliation. Observateur pour l’OSCE dans le cadre de la mission de surveillance des élections, en Republika srpska, Philippe Guillot a laissé un témoignage et une réflexion précieuse. Les résultats sont sans surprise : les candidats du parti de Karadjic l’ont emporté dans son fief, tout comme les candidats du parti de Izetbegovic dans la partie musulmane de la Fédération … La population serbe de la Republika srpska s’est soudée autour de ses héros Karadjic et le général Mladic (le Napoléon serbe). Alors ? conclut l’observateur : « L’on s’achemine vers un climat de guerre improbable et de paix impossible. Il se pourrait donc bien que, comme à Chypre, la force devant relever l’IFOR ait à envisager un séjour prolongé. N’ayant pu empêcher la guerre, « la communauté internationale » pourrait au moins sauver la face en maintenant la paix. » [3]

L’OTAN « en séjour » prolongé

Eté 1996 : les GI’s installés dans le corridor de Brcko, ex - front de guerre au nord - est de la Bosnie, s’ennuient. Autour des casernes, des espaces ruinés, minés. A Brcko, l’on recensait 41 000 habitants en 1991, dont 55% de Musulmans. [4] Les équipes de TV ont disparu, attirées vers d’autres lieux plus sanglants. Personne ne meurt ici, lance cyniquement un colonel épuisé. Il fait très chaud, le vent est poussiéreux. Quoi de neuf après un hiver glacial ? Les moustiques… et quelques améliorations de la vie quotidienne : un snack bar avec des pizzas mal cuites, des vidéos à louer pour un dollar, un magasin avec des biscuits Oreo, une petite salle de gym. Pas d’alcool, pas de fraternisation avec les locaux, pas de sortie même pour fumer une cigarette sans porter gilet pare - balle, casque et arme automatique…

1997, à Brcko, les réfugiés musulmans sont peu nombreux à se réinstaller dans les faubourgs. La ville a vécu de lourds affrontements durant la guerre, causant leur exode. Les Américains jouent les sheriffs ici, déclare mécontent Mladen Bosic, le chef du parti nationaliste, le parti démocratique serbe.

Le camp Mc Govern est le plus spartiate des camps américains installés en Bosnie. La sécurité demeure plus que précaire autour. Les soldats subissent le 28 août 1997 de violents assauts accompagnés de la destruction de voitures de l’ONU, de l’OSCE. La riposte se fait à coup de gaz lacrymogènes… Quelques années plus tard, le camp Mc Govern recevra la visite de Madeleine Albright : elle est appréciée, au milieu des GI’s qu’elle conforte en leur mission, il faut « panser » les blessures. Mais lors de la visite à Brcko, durant l’été 1997, elle est entourée de soldats US en armes et porte un imperméable pare-balle, lourd et inconfortable. Elle sera photographiée sur le pont de la ville. L’ambiance est mauvaise : en octobre 1997, quatre postes émetteurs de propagande anti Dayton sont saisis. La prise est orchestrée par le nouveau commandant suprême, le général Wesley Clark. Clark est persuadé du rôle que les militaires peuvent jouer dans l’application des ambitions civiles des accords de Dayton. Il forme un tandem soudé avec Albright.

Bosnie : « phase de stabilisation encore non achevée », lit on sous toutes les plumes des observateurs et analystes. La « communauté internationale » prend donc la décision, alors que s’achève le mandat de l’IFOR de renforcer les garanties d’une paix viable en créant une force de stabilisation nouvelle la SFOR, dans le cadre de l’opération « Joint Guard », pour le 20 décembre 1996. Les mots pèsent : stabilisation est le terme retenu, réconciliation n’est pas évoquée, pas plus que démocratisation. A entendre leurs témoignages à travers leurs mémoires, il semble que les décideurs américains ne se font pas d’illusion quant aux projets politiques de leurs interlocuteurs des Balkans, qu’il s’agisse du Croate F. Tudjman ou du Bosniaque Izetbegovic. En Izetbegovic, Holbrooke perçoit une sorte de Mao Tse Toung, bon pour la révolution, pas pour gouverner : « Il n’était pas, écrit Holbrooke, le démocrate que voyaient certains de ses « supporters » à l’Ouest. » [5] Un mandat de l’ONU de nouveau, un effectif réduit à 35 000 hommes et une déclinaison des tâches, assez proches de celles de l’IFOR, avec un accent mis sur le volet civil. 15 nations membres de l’OTAN, 14 Etats non - membres, dont la Russie. Et du côté américain, un mot d’ordre réaffirmé : la Bosnie ne doit pas devenir un nouveau Vietnam, avec la détermination affichée de faire appliquer tous les volets de Dayton. Albright déclare à Clinton : « C’est l’une des décisions les plus importantes de votre second mandat ».

Le journal en ligne de la SFOR dont le quartier général est situé à Sarajevo est optimiste. Au fil des années de présence de la SFOR, reviennent les mêmes préoccupations, mais avec une approche positive. Le temps n’est plus compté : en décembre 1997, le Conseil de l’Atlantique nord a annoncé la préparation d’une force de suivi, Bill Clinton fait savoir que Washington maintiendra ses troupes en Bosnie au-delà de juin 1998, et le Conseil de l’OTAN prend la décision de maintenir des troupes pour une durée indéterminée. Le nombre des militaires sur le terrain diminuera, en fonction de l’évolution de la situation, pour atteindre le chiffre de 20 000 lors de la restructuration de 1999-2000. Quant à l’organisation du fonctionnement de forces armées, elle semble bien articulée et annonce déjà le développement de partenariats ouverts de l’OTAN avec des pays non membres, pour des missions ponctuelles : ainsi le Maroc participe à la SFOR. Sur le terrain, trois divisions multinationales qui comprennent chacune quatre groupements tactiques commandés par des généraux de division. La brigade russe de maintien de la paix est sous le contrôle des Américains, responsables du commandement de la Division multinationale nord. Des forces de réserve opérationnelles ont, de plus, été mises en place. Elles sont capables d’intervenir n’importe où sur le théâtre des opérations et sont principalement composées d’un bataillon portugais et d’hélicoptères américains.

Au dire officiel, des informations lisses pour un bilan lisse, au fil des mois et des chiffres. En 2003 par exemple, plus de 11 000 pistolets, et fusils et 45 000 grenades ont été collectées lors de l’opération dénommée « Harvest » (moisson) : à cette date, les autorités locales participent à 20% des opérations de collecte. Les caches de munitions abondent, restes de l’armement de l’ex - Yougoslavie pour sa défense territoriale. Les opérations se poursuivent : empêcher la reprise des hostilités, promouvoir un climat dans lequel le processus de paix peut continuer d’évoluer, offrir une aide aux organisations internationales, l’OSCE, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, et le Tribunal pénal International pour l’ex - Yougoslavie. L’appréciation des résultats varie selon les acteurs : l’OTAN est officiellement satisfaite, amélioration de la circulation des personnes au fil du démantèlement des barrages illégaux, reconstruction des routes, du pont de Mostar. Concernant le retour des réfugiés, le Haut - Commissariat des Nations -Unies est très dubitatif. Quant à eux, les responsables du TPIY reprochent à la SFOR son peu d’engagement : Louise Arbour, procureur du TPIY se plaint en 1998 de la tiédeur de la SFOR, surtout dans le secteur du commandement français.

La chaîne de commandement est complexe : elle relève certes de la hiérarchie OTAN, mais parallèlement chaque gouvernement national entend contrôler les actions de ses troupes sur le terrain. Les politiques, aux échelons nationaux, sont impliqués dans l’action spécifique de leurs forces dont il leur faut rendre compte à leurs électeurs. L’objectif du zéro mort n’est pas clamé à tue - tête mais il est présent au cours des opérations. A Bruxelles, le Conseil de l’Atlantique nord réaffirme régulièrement sa volonté de poursuivre et arrêter les inculpés. Sur le terrain, la SFOR hésite à se confronter en violence à des groupes armés - policiers ou extrémistes se revendiquant comme policiers - subversifs. La SFOR considère que certaines interventions musclées relèvent de la police établie par l’ONU, selon les accords de Dayton, l’ « International Police Task Force » (IPTF) : sa mission n’est-elle pas de faire respecter la loi et de contrôler les organisations judiciaires et leurs procédures ?

L’architecture des accords de Dayton est ambitieuse, les rapports entre les missions militaires, policières et civiles de la SFOR, la distribution des compétences entre ONU, commandement de l’OTAN à Bruxelles et partenaires membres de l’OTAN et non - membres, complexe. Le terrain à pacifier, reconstruire, éclaté en intérêts communautaires hostiles ou concurrents… Ces années « d’évitement » de la guerre s’écoulent alors qu’au Kosovo voisin, la situation de tension s’exaspère. Holbrooke et ses partenaires occidentaux n’ont pas traité à Dayton de l’avenir du Kosovo : non par ignorance, mais par pragmatisme, dans l’urgence. Milosevic serait-il resté à la table des négociations dans l’Ohio si le sort du « berceau » de sa nation, si le respect des droits des Albanais majoritaires en cette province avait été évoqué ?

Pour Madeleine Albright, secrétaire d’Etat en 1997, le vrai problème auquel la communauté internationale est confrontée, est Milosevic au pouvoir à Belgrade. La dame de fer est hantée comme le fut Margaret Thatcher face à Saddam Hussein en 1990, par la mémoire honteuse de la faiblesse des démocraties à Munich face à Hitler. Elle pose trois axes clairs de la stratégie des Etats - Unis en Europe : affirmer son autorité personnelle et la faire respecter, imposer la puissance de l’OTAN et assurer le leadership américain. Elle ne s’en cache pas. Holbrooke qu’elle rappelle à ses côtés comme diplomate responsable des contacts avec les dirigeants des Balkans, et le général Wesley Clark en poste de Suprem Allied Commander Europe (Saceur) à l’OTAN, partagent son engagement.

KOSOVO, OTAN et réserves françaises

La crise kosovare est bien antérieure aux années 1995 et suivantes. Elle est le fait de l’évolution de deux communautés serbe et albanaise qui, chacune, revendique le même territoire comme le berceau de la nation. Les exactions inter - communautaires s’égrènent au cours des mois de 1996 et 1997. Les responsabilités des exactions sont partagées. La voie négociée, réformatrice de l’intellectuel albanais Ibrahim Rugova, voie de la patience pour accéder à l’indépendance de la province avec son parti la Ligue démocrate du Kosovo est contestée par les militants en armes de l’ Armée de libération du Kosovo (UCK). Parmi les leaders de l’UCK, Hashim Thaci et son clan. Pour Milosevic à Belgrade, l’indépendance du Kosovo ou la mise sous contrôle de la province par des forces étrangères de l’OTAN est inadmissible et impensable. Pour les opinions publiques occidentales, la réalité de l’épuration ethnique sur le sol européen est difficilement supportable. Quel écart entre le projet européen fondé sur la réconciliation franco-allemande et les révélations des médias qui mettent en scène des populations qui s’entretuent.

Alors, de nouveau, faudra-t-il partir en guerre pour séparer les combattants, punir les coupables désignés, les Serbes en l’occurrence, et imposer une paix armée ? Lors de la séance du Sénat du 26 mars 1999 consacrée à la situation de la France au Kosovo, Xavier de Villepin, Président de la commission des Affaires étrangères, déclare : « Ne l’oublions pas, au travers et au-delà du Kosovo, ce qui est aujourd’hui en cause, ce sont la paix sur notre continent et le respect des droits de l’homme en Europe ».

La logique de guerre, soldée par une intervention de frappes aériennes de l’OTAN contre la Serbie, était-elle inéluctable ? En d’autres termes, Milosevic voulait-il et pouvait-il négocier un accord avec les Européens, Washington, les Russes et l’ONU sur un statut du Kosovo qui devrait évoluer à terme vers l’indépendance ? Le débat reste ouvert aujourd’hui. Des analyses proposées et des conclusions tirées, guerre inéluctable du fait de l’obstination des Serbes, ou guerre précipitée par Washington suivie par ses Alliés qui aurait pu être évitée, sort une vision contrastée de l’OTAN : outil militaire au profit de l’ingérence humanitaire, ou outil militaire d’affirmation et de confirmation du « leadership » américain ?

Le scénario est connu, impliquant les acteurs en jeu en 1994-1995 déjà, en Bosnie - Herzégovine : l’ONU, les décideurs de poids à Washington, la Russie directement concernée - au nom de la représentation de sa puissance et des solidarités slave et orthodoxe - et impliquée en ce dossier depuis 1994, les Européens conscients de n’avoir pas été opérationnels entre 1992 et 1995. Autour de ce qui va devenir un théâtre de guerre, des spectateurs indirectement embarqués – ils auront à accueillir des réfugiés ou à céder l’usage de leur espace aérien durant les bombardements, les Albanais, les Roumains, les Bulgares et les Macédoniens.

Le temps presse. L’Armée de libération du Kosovo attaque des civils et des postes de police serbe. De son côté, la police serbe conduit des raids au Kosovo, en février-mars 1998. Au Kosovo, les villages albanais sont frappés. Le 31 mars, le Conseil de Sécurité de l’ONU adopte une première résolution, bientôt suivie de deux autres, les 23 septembre et 24 octobre 1998. Madeleine Albright s’agace de cette immixtion de l’ONU. Elle souhaite, à tout prix, éviter que l’OTAN, pour intervenir, n’ait besoin du feu vert de l’ONU. Elle le dit explicitement dans ses Mémoires. [6] Il lui faut convaincre le Pentagone réticent, les Européens, dont certains comme les Français opteraient, en 1998 encore, plutôt pour une politique de sanctions, l’anglais Robin Cook qui entend faire passer un projet pour demander de l’ONU un mandat d’usage de la force. Madeleine Albright se doit de rassurer les Européens sur le fait que Washington ne tient pas les Russes à l’écart et donc, réunir le Groupe de contact dont les Russes font partie. Mais Albright demeure persuadée que la diplomatie sans la force ne viendra pas à bout de Milosevic. Durant le printemps et l’été 1998, Milosevic en dépit des pressions exercées par la Russie et par le Groupe de contact en vue d’un retrait des forces supplémentaires qu’il a expédiées au Kosovo, poursuit ses actions autour de la frontière entre la province du Kosovo et la Serbie.

Bousculer le calendrier et recourir à la force sans ultime tentative de négociations, Albright n’a pas la sottise d’en prendre le risque : le Pentagone est en désaccord avec elle, il y a déjà des troupes américaines dans les Balkans, en Bosnie. Une campagne conduite par l’OTAN suppose un objectif politique qui ne peut se limiter au renversement de Milosevic. A la Maison Blanche, Sandy Berger désapprouve Albright : frapper au cœur de l’Europe ! Quelles cibles ? Et vous faites quoi ensuite ! Pure folie. Mais Albright a des alliés : Richard Holbrooke hait Milosevic. Elle lui confie la mission de négocier avec Milosevic à Belgrade en octobre 1998, Wesley Clark au commandement suprême de l’OTAN, l’ambassadeur Will Walker à la tête de l’OSCE. Elle a une vision de la région : aucune démocratisation ne sera possible avec un Milosevic à Belgrade. Contrairement au russe Primakov qui analyse la crise du Kosovo comme une affaire intérieure à la Serbie, elle y voit un cas d’éthique internationale. Les pourparlers entre Milosevic et Holbrooke piétinent : pour Milosevic, la responsabilité de la violence incombe à l’Armée de libération du Kosovo. Le 8 octobre 1998, un pas est franchi à Bruxelles où Albright et Holbrooke réussissent à convaincre les Alliés de l’OTAN qu’il est urgent d’agir, que la survie des populations albanaises du Kosovo, alors que s’annonce l’hiver, est en jeu. Le 13 octobre, l’OTAN, après avoir entendu Holbrooke, autorise l’utilisation de la force, c’est-à-dire, une campagne de frappes aériennes.

Milosevic plie momentanément, réduit ses forces de police au Kosovo ; deux mille observateurs de l’OSCE se déploient sur le terrain, et l’OTAN met en place une force militaire spéciale destinée à l’évacuation d’urgence de ces envoyés de l’ OSCE, en cas de nécessité. Cette force, déployée en Macédoine, est placée sous le commandement suprême de l’OTAN. Dans les milieux diplomatiques, circulent des plans pour le futur du Kosovo, un « deal  » serait possible avec Belgrade : le Kosovo demeurerait dans les frontières de la Yougoslavie, les forces de police seraient restructurées. Reste à savoir qui, ONU, OSCE ou OTAN contrôlerait l’application du nouveau statut ? La mise en œuvre de ce projet est-elle possible ? Les Albanais, Rugova et ses partisans, l’ Armée de Libération du Kosovo sont sceptiques, ils veulent l’indépendance, et divisés. Les forces serbes se heurtent aux groupes armés albanais de l’UCK.

Pour l’OTAN : la guerre, laquelle ?

La célébration du cinquantième anniversaire de l’OTAN doit avoir lieu, le 24 avril 1999, à Washington. Une OTAN élargie aux partenaires d’Europe centrale qu’a soutenus Albright et à laquelle aspirent les gouvernements de Bucarest et de Sofia, en particulier. L’Alliance peut-elle, à la veille de ses cinquante ans, baisser les bras face à ces exactions d’épuration ethnique, sur le sol européen ? Quelle autre force militaire, quelle force de police disposerait – elle alors, hors de l’Alliance, des moyens d’agir ? Que proposer aux Kosovars serbes et albanais, que proposer aux Serbes de Belgrade ? Hubert Védrine proclamera lors d’une séance au Sénat, le 26 mars : « Au service du droit, le recours à la force était devenu inévitable (…) Il nous fallait agir avant qu’il ne soit trop tard. L’intervention militaire s’imposait. Parce que l’irrationalité du régime yougoslave ne laissait pas d’autre choix ; parce que nous ne pouvions pas nous résoudre à l’impuissance. » [7] Le propos est beau, l’orateur brillant. En arrière plan, demeure la question des objectifs de guerre, question à laquelle le ministre français répond clairement ! « L’action militaire n’est pas une fin en soi. » Les objectifs ont été posés par le Groupe de contact : la mise en place d’un statut intérimaire d’autonomie substantielle au Kosovo dans le cadre des frontières existantes de la Yougoslavie garantie par une présence internationale civile et militaire.

Hubert Védrine a nommé le facteur responsable de l’échec du projet : l’irrationalité des Serbes. « Les autorités de Belgrade portent seules la lourde responsabilité de la crise actuelle », affirme Hubert Védrine qui prend soin de séparer le régime de Belgrade coupable, du peuple et de la nation serbe. De cette responsabilité serbe déterminante du passage à la guerre, tous les observateurs et analystes ne sont pas convaincus…

Au commencement était l’émotion et bientôt, naquit le doute…
Puis vint la conférence réunie à Rambouillet pour laisser à la négociation une dernière chance. Soudain, l’annonce du massacre de 45 civils à Racak, village situé au sud de Pristina, des paysans, des villageois, le 15 janvier 1999, soulève une émotion légitime. Reporter pour BBC News, Jackie Rowland témoigne : « Je n’étais pas au Kosovo depuis longtemps et je n’avais rien vu de semblable avant, les corps raides et pris dans la glace, les visages et les mains gelés avec des expressions de peur et de panique ». L’Américain Willy Walker, à la tête de l’OSCE, se serait rendu sur le lieu, quelques heures plus tard : il fait une déclaration très dure qui accuse et blâme les Serbes. Belgrade le déclare sur le champ persona non grata. [8] La chronologie établie dans les fichiers du Département d’ Etat, publiée le 24 mai 1999 sur ce site, ne reprend pas l’horaire indiqué dans le reportage de la journaliste de la BBC. En effet, on lit ceci : 15 janvier 1999, les corps de 45 personnes - vraisemblablement d’ethnie albanaise - sont découverts dans le village de Racak. Dès le 16 janvier, Walker attribue le massacre de Racak aux forces serbes. La communauté internationale condamne le massacre. [9] Une enquête conduite par l’UE, à la traîne, et des experts finlandais complique ce qui semblait si clair à Willy Walker : les morts retrouvés à Racak sont-ils des civils ? Alors massacres ou provocation ? Le rapport d’expertise de l’équipe UE est daté du 17 mars 1999 ! Les experts expliquent avec beaucoup de précautions qu’ils ont été réduits à opérer une analyse médico - légale à la morgue de l’hôpital de Pristina : ils n’ont pas pu couvrir l’ensemble de l’enquête. Aucune possibilité de revenir sur le terrain : ils ont travaillé sur des autopsies, plus d’une semaine après la découverte des corps, en coopération avec des spécialistes en pathologie, yougoslaves et biélorusses. La conclusion ? « Il faut souligner que les investigations médicales entreprises par les experts Forensic de l’UE ne constituent qu’une partie d’une investigation concernant des crimes supposés. Une vision globale de la séquence des évènements de Racak ne peut être réalisée qu’en combinant les résultats médico - légaux de l’équipe UE Forensic avec d’autres informations possibles émanant de différentes sources éventuellement disponibles, plus tard ». [10] Trop tard !

Wesley Clark et le général Naumann qui préside le comité militaire de l’OTAN, rencontrent Milosevic à Belgrade : ce 19 janvier 1999, le Serbe se met à crier : « Ce n’est pas un massacre. C’est une mise en scène. Ces gens sont des terroristes ». Depuis le 17 janvier, le côté serbe attaquait William Walker : il était arrivé sur le terrain accompagné de journalistes albanais. Clark fait savoir à Milosevic que l’OTAN va donner l’ordre de frapper. Milosevic le traite de criminel de guerre. [11] Le ton monte.

Les décisions s’enchaînent en ce climat de réprobation et d’indignation humanitaires : le Groupe de contact, réuni à Londres le 29 janvier 1999, lance un ultimatum aux Serbes et aux Albanais leur enjoignant d’assister à des négociations de paix qui débuteront à Rambouillet, le 6 février suivant. A Washington, Clinton se bat contre une procédure « d’impeachment », pour cause de l’affaire Monica Lewinsky votée par le Congrès le 16 décembre 1998. Il est acquitté par le Sénat, le 12 février.

A la veille de la conférence de Rambouillet, qui croyait encore à une issue négociée pour le Kosovo ? Mi - juin 1998 déjà, le Conseil de l’Atlantique Nord avait donné mandat aux autorités militaires de l’Alliance de conduire, en accord avec les gouvernements concernés, un « exercice aérien approprié » en Macédoine et en Albanie visant à démontrer la capacité des Alliés à se projeter rapidement dans la région. L’ordre d’activation des forces aériennes a été adopté, le 13 octobre 1998. Alors même que s’organisent les préparatifs de la conférence de Rambouillet, le secrétaire général de l’OTAN franchit un pas de plus : l’OTAN pourrait autoriser des frappes aériennes contre des objectifs situés sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie. Pour les Serbes, la rencontre de Rambouillet se déroule donc sous la menace d’une intervention de l’OTAN. Ont-ils cru à la détermination des Alliés ? Ont-ils cru que le jeu diplomatique initié en 1998 pourrait se poursuivre et traîner ? Ont-ils cru que les conclusions des observateurs de l’ OSCE sur le terrain allaient les innocenter pour accuser l’ Armée de libération albanaise ? Milosevic connaissait bien la raideur de Madeleine Albright, la ténacité de Holbrooke soutenu par l’ambassadeur des Etats - Unis en Macédoine, Christopher Hill. Christopher Hill était présent auprès de Holbrooke, pour les négociations de Dayton, il partageait sa fermeté. Milosevic mesurait le rôle dirigeant de Washington auprès des Alliés européens. Le travail juridique sur la teneur de l’« autonomie substantielle » émanait des experts américains. Milosevic a-t-il pensé que Bill Clinton allait privilégier l’entente avec Moscou aux dépens de la crédibilité de l’OTAN ? C’était ne pas mesurer la faiblesse de la Russie. Les analystes de la CIA sous la direction de George J. Tenet, sont persuadés que Milosevic ne veut pas d’une guerre qu’il ne peut pas gagner… que face à la menace de frappes aériennes, Milosevic reculera. Bill Clinton couple donc menaces de frappes et négociations.

A Rambouillet, le 6 février 1999, la conférence s’ouvre sous l’égide d’Hubert Védrine et du britannique Robin Cook. Les Etats - Unis, l’Union européenne et la Russie sont présentes. Les délégations serbe et kosovare ont répondu à l’invitation. Albright qui n’apprécie pas le cadre de ce château non fonctionnel, qui se défie autant des Serbes qui ne traiteraient pas la négociation avec sérieux que des Albanais, trop intellectuels comme Rugova, ou trop jeunes comme Thaci, « problématique » selon ses propres termes, l’un des représentants de l’ Armée de libération du Kosovo, se montre très nerveuse. Elle se heurte au représentant serbe, le Président Milan Milutinovic. Albright s’adresse essentiellement à Thaci, le radical. Chacun sait que tous les Kosovars modérés ou guérilleros aspirent à l’indépendance, à terme. Chacun sait aussi que Belgrade n’acceptera pas la présence de troupes de maintien de la paix de l’OTAN, au Kosovo. Et pourtant, les deux délégations serbe et albanaise laissent confusément entendre aux membres du Groupe de contact qu’elles acceptent globalement la formule « d’autonomie substantielle » proposée mais qu’il faut en référer à Belgrade et à Pristina. Le texte des annexes militaires de l’accord demeure rejeté par Belgrade. Quelques jours après, le 15 mars 1999, la phase des négociations s’achève à Paris sous l’égide du ministère des Affaires étrangères, au Centre Kléber : sans surprendre personne, la délégation albanaise accepte le cadre négocié, les Serbes refusent, se montrant plus radicaux qu’à Rambouillet : il leur est impossible d’accepter qu’une force de l’OTAN contrôle l’application de l’accord au Kosovo. D’autant plus que l’annexe militaire au protocole final prévoyait que les forces de l’OTAN auraient un passage libre et illimité et un accès sans contrainte à travers la République fédérale de Yougoslavie. Le 18 mars 1999, l’armée ex yougoslave et les forces spéciales de police se massent aux frontières du Kosovo. L’offensive serbe lancée le 20 mars 1999 commence à faire fuir et à jeter sur les routes de l’exode des milliers d’Albanais. Les observateurs de l’OSCE se sont retirés dans la nuit du 19 au 20 mars.

L’inéluctable leadership américain ?

Le choix des frappes aériennes de l’OTAN qui débutent le 24 mars 1999, la question de la légitimité de l’entrée en opération de 1999, car la guerre n’est pas déclarée, a suscité et suscite toujours des questions et des débats. L’échec de la négociation de Rambouillet est troublant. En revanche, le choix stratégique de guerre aérienne a été compris à l’Ouest alors qu’il a généré un sentiment d’injustice due à la disproportion des forces auprès des opinions publiques d’Europe orientale, même au sein des pays candidats à l’intégration. Les peuples des Balkans, qu’elles qu’aient été les positions de leurs gouvernements, ont vécu les frappes de l’OTAN comme l’expression de la puissance du Nord contre un Sud pauvre.

Pour les uns, céder à la Serbie et désarmer l’UCK, c’est un retour à Munich. Pour les autres, la référence à Munich n’est qu’un alibi, Madeleine Albright, Christopher Hill et Holbrooke ont bousculé les réunions de Rambouillet et de Kléber pour manifester la puissance de l’OTAN avant le sommet anniversaire de l’Alliance qui allait se tenir à Washington, en avril 1999. Les opinions divergent quant aux responsabilités et au calendrier d’épuration ethnique. Quel bilan faire des pertes humaines ? Ont-elles été dues aux exactions serbes perpétrées au Kosovo avant l’intervention de l’OTAN ou à l’exode massif des populations civiles albanaises lors des frappes ? Un livre choc sorti aux Etats - Unis en juin 2009 dénonce la guerre voulue par Madeleine Albright. « Madam Secretary » rejette ces thèses qu’elle qualifie de révisionnisme. Universitaire, historien, professeur à l’université d’Arizona, David N. Gibbs, dans l’étude intitulée « First Do Not Harm : Humanitarian Intervention and the Destruction of Yugoslavia » (Avant tout, ne faites pas de mal ; l’intervention humanitaire et la destruction de la Yougoslavie) s’emploie à détruire trois mythes. En premier lieu, il conteste le fait que Milosevic ait résisté à toute solution négociée. En octobre 1998, après une négociation avec Holbrooke, Milosevic avait replié ses forces du Kosovo. L’UCK, profitant de cette retraite, a repris l’offensive. En second lieu, le conflit du Kosovo n’est pas un cas simple en noir et blanc où les Serbes seraient des oppresseurs et les Albanais, des victimes : la nature terroriste des pratiques de l’UCK était connue des Occidentaux. Madeleine Albright admet elle-même que l’UCK semblait déterminée à provoquer une riposte serbe massive de façon à rendre l’intervention internationale inéluctable. En troisième lieu, les bombardements n’ont pas fait cesser les atrocités, au contraire, les forces serbes ont tué environ 10 000 Albanais durant la campagne… [12] L’auteur se fonde largement sur les témoignages à posteriori des acteurs civils et militaires.

Les propos organisés, argumentés de l’historien américain, dix ans après la guerre de l’OTAN au Kosovo aident à mieux entendre les doutes, les réticences, les divergences qui se sont fait jour, au moment de la prise de décision et de la mise en action. Dès la fin de l’année 1999, certains politiques, le journaliste Eric Rouleau pour le Monde Diplomatique avaient déjà pris la plume pour interroger « la discrétion » des autorités françaises sur le déroulement de la conférence de Rambouillet et sur la divulgation très tardive des observations de terrain avant les frappes. [13] Le 15 décembre 1999, la Commission de la Défense nationale et des Forces armées dépose son rapport d’information au Sénat : elle avance que le conflit était inévitable, que le compromis impossible est « essentiellement imputable à l’attitude des dirigeants de Belgrade qui semblent avoir considéré qu’ils pouvaient régler la question du Kosovo par les armes ». La conclusion insiste sur la légitimité de l’intervention, sur les dangers que courait la stabilité de l’Europe du sud - est, et sur le fait que la crédibilité de l’OTAN était en jeu. [14] Le rapport ajoute : « L’échéance des négociations sur le nouveau concept stratégique de l’OTAN avait été fixée au sommet de Washington des 23 et 24 avril 1999. Les Américains avaient fait de la tenue de ce sommet une de leurs priorités, quand bien même elle était susceptible de contrarier la Russie et de nuire par la même occasion aux efforts diplomatiques en faveur d’un règlement politique du conflit par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. » [15] Cette information laisse ouverte une question de poids ! Pourquoi la France s’est - elle alignée sur l’argument clef de Washington, c’est-à-dire, l’affirmation de la crédibilité de l’OTAN ? Paris a laissé l’OTAN s’affranchir de l’autorité des Nations - Unies.

Le rapport au Sénat évoque Washington comme si l’administration américaine avait été unie et unanime en faveur du déclenchement des opérations aériennes. Ce fut loin d’être le cas. Les tiraillements se sont exercés à propos de la décision d’engagement et des modalités concrètes des opérations. Démocrates et Républicains se sont divisés. Sans cesse revient la hantise de l’enlisement et la mémoire du Vietnam. De plus, se pose le choix des priorités : la guerre dans les Balkans détourne des budgets et des forces qui pourraient être nécessaires en Irak. On voit Henry Kissinger s’opposer à l’administration Clinton et la républicaine Jeanne A. Kirkpatrick lui apporter son soutien. Au final, le Sénat vote son accord.

Le débat se poursuit quant à la tactique employée : frappes aériennes, oui, elles vont durer 78 jours, mais avec quel volume, c’est-à-dire quel objectif ? Faut-il repousser les Serbes du Kosovo ou au - delà anéantir la Serbie ? Wesley Clark gère un difficile consensus entre les 19 membres de la coalition alliée. Dans la mesure où la légitimité de cette opération est incertaine, la légalité finasse et chaque frappe est négociée, renégociée entre Clark, Bill Clinton, Xavier Solana et les juristes de Washington et de Bruxelles. De ces opérations, le commandant suprême a tiré une leçon amère dans ses mémoires. [16]

Quant aux Alliés, fut - ce un bon point pour la crédibilité de l’OTAN ?, ils se montrent ambivalents et désunis. Les dissensions s’expriment par un droit de veto, parfois au dernier moment : alors un avion en cours de mission se voit rappelé ! Washington, l’Allemagne et la Grande -Bretagne plaident pour la radicalisation, l’élargissement des cibles, Paris et Rome restent en retrait…A Paris, dans les couloirs du ministère de la Défense, l’ambiance est étrange et quasiment schizophrène : dans les bureaux, la tension et l’application à la réalisation optimale des frappes sont intenses, dans les couloirs, certains officiers disent à voix haute leur colère contre une politique de suivisme de Washington. Les Etats - Unis conservent sous leur autorité des moyens clés : les bombardiers lourds B 52, les bombardiers furtifs, les appareils de reconnaissance U2 et les missiles de croisière Tomahawk.

Six semaines après le début de l’offensive de l’OTAN, Milosevic ne plie pas…Hubert Védrine, pour le quotidien l’ Humanité du 29 avril 1999 expose : il faudrait « européaniser les Balkans ». Etrange moment, quel espoir et quel défi, à l’heure où les opérations aériennes se poursuivent et où l’OTAN confirme, lors du sommet de Washington, son expansion européenne. Védrine reconnaît : « Mais il faut être bien conscient que nos partenaires européens considèrent que l’Europe est déjà bien défendue… par l’OTAN et ne ressentent pas aussi vivement que nous la nécessité de doter l’Europe de capacités propres ni ne sont pressés de la voir en mesure de prendre ses propres décisions dans ce domaine ».

1999 au Kosovo, une nouvelle page de l’histoire de l’OTAN s’est ouverte. Au nom de l’humanitaire, l’ Alliance s’est engagée massivement hors de l’espace de ses membres. La Russie a réussi à ne pas être éliminée du jeu, mais elle n’a que très peu de maîtrise sur la situation que Washington tient en mains. A Paris, experts militaires et civils vont bientôt plancher sur les leçons du Kosovo. Les Balkans ont-ils pour destinée de figurer comme laboratoire ? L’OTAN a-t-elle pour mission, sous leadership américain, de faire régner l’ordre dans les banlieues de l’UE ?

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Voir l’introduction et le sommaire de l’ouvrage de Catherine Durandin, OTAN, histoire et fin ?


Plus ... la suite

. Catherine Durandin, Sommet de l’OTAN, New Port, 2014
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[1Bill Clinton, Ma vie, op.cit.p.728.

[2Le terme renvoie aux combattants serbes durant la Seconde Guerre mondiale sous les ordres de Draza Mihailovic.

[3Philippe Guillot, « Impressions d’un superviseur électoral de l’OSCE en Republika Srpska », Bulletin du CREDHO, n°6 – décembre 1996.

[4La population de Brcko est de 37 619 habitants en 2010.

[5Richard Holbrooke, To end a war, op.cit. p. 97.

[6Madeleine Albright, Madam Secretary, op. cit. p. 384.

[7Sénat, travaux- séance du 26 mars 1999.

[8Death in Kosovo, BBC News from our correspondant, By Jackie Rowland, January 27, 1999.

[9state.go/www/regions/eur/fs kosovo timeli,e.html

[10The Kosovo Conflict and International Law, An analytical Documentation 1974- 99, Cambridge International Documents Series, volume 11, Cambridge University Press, 2001, REPORT OF THE UE FORENSIC EXPERT TEAM on the RACAK I NCIDENT, 17 March 1999, p. 199.

[11The New York Times, april 18, 1999, Crisis in the Balkans : The Road to War- a special report ; How a President, distracted by Scandal, entered Balkan War by Elaine Sciolino and Ethan Bronner.

[12David N Gibbs, First Do Not Harm, Humanitarian Intervention and the Destruction of Yugoslavia, Nashville Vanderbilt University Press, 2009.

[13Eric Rouleau, Les leçons d’une guerre, Errements de la diplomatie française au Kosovo, Le Monde Diplomatique, décembre 1999.

[14Assemblée Nationale, Rapport d’ Information déposé par la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées en conclusion d’une mission d’information sur le conflit du Kosovo et présenté par Paul Quilès.

[15Ibidem

[16Foreign Affairs, July/August 2001, Compromised Command, Richard K. Betts


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