11/2015 Actualité internationale
Synthèse de l’actualité internationale de novembre 2015

Par Axelle DEGANS, le 30 novembre 2015  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Membre du laboratoire HABITER (EA 2076) de l’Université Reims Champagne-Ardenne. Elle est notamment co-auteure chez Ellipses de Histoire, Géographie, Géopolitique. Concours d’entrée aux grandes écoles, Coll. Atout concours, Paris, 2015 ; et Un monde multipolaire. Géopolitique et géoéconomie, Coll. CQFD, Paris, 2014.

Voici une synthèse de l’actualité internationale de novembre 2015 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique ou préparent des concours. Pour ne rien manquer, le mieux est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information.

Elections historiques en Birmanie

Les premières élections libres depuis 1990 sont organisées en Birmanie. Le taux de participation est d’environ 80%, c’est déjà en soi un succès. L’opposition, la Ligue pour la démocratie (NLD) d’Aung San Suu Kyi, a gagné ces élections et doit être majoritaire. Cette dernière ne peut devenir chef d’Etat car la législation birmane empêche toute personne ayant épousé un étranger ou ayant eu des enfants d’un étranger d’être élue à la magistrature suprême. Son parti a remporté 255 des 440 sièges de la chambre basse du parlement, le parti au pouvoir n’en conserve que 29, par ailleurs 25% des sièges sont d’office réservés à des militaires. L’armée affronte des groupes rebelles au nord du pays, quelques jours après les élections.

Elections en Turquie : victoire de l’AKP

Le pari du président R. Erdogan a remporté les élections législatives du 1er novembre 2015 organisées en Turquie après que celles de l’été n’aient pas donnée les résultats escomptés par le pouvoir. Cette victoire n’était pas attendue, la politique de plus en plus autoritaire du président suscitant des résistances toujours plus fortes. Le tragique attentat du 10 octobre 2015 – qui a frappé une manifestation massivement composée de Kurdes – et la promesse du « chaos » en cas de défaite électorale de l’AKP dans un pays qui accueille 2 millions de réfugiés syriens expliquent peut-être cette victoire surprise des islamo-conservateurs. Une « victoire de la peur » donc. L’AKP bénéficie désormais de 316 sièges sur les 550 du parlement turc.

Election en Argentine : fin du Kirchnerisme

Les élections argentines ont vu la défaite du candidat soutenu par Cristina Kirchner, Daniel Scioli, au profit de Mauricio Macri, le maire conservateur de Buenos Aires. Il est élu avec 51,4% des voix, mettant fin ainsi à 12 années de pouvoir Kirchner. Si les milieux d’affaire lui sont favorables, la tâche est rude tant la situation économique de l’Argentine est difficile.

En Azerbaïdjan, le pouvoir est conforté par les élections.

Les élections ont conforté le parti Yeni « Nouvel Azerbaïdjan » du président Ilham Aliev, au pouvoir depuis 2003.

Le temps des attentats

Beyrouth est victime en novembre 2015 d’un double attentat suicide qui frappe le quartier chiite de Bourj el-Barajneh. Il est revendiqué par Daesh, et provoque la mort d’une quarantaine de personnes, en blessant près 200 autres.

Paris, de nouveau frappée par des attentats

Le 13 novembre 2015, la capitale française a été frappée par des attentats coordonnés : au niveau du grand stade de France où deux kamikazes ont fait sauté leur ceinture d’explosifs, des fusillades dans les rues très fréquentées du 10 et 11ème arrondissements, et dans la salle du Bataclan où d’autres kamikazes ont tiré à l’arme de guerre avant de se faire exploser. Le bilan est dramatique, 130 morts et plus de 350 blessés. Jamais la capitale n’avait été frappée de la sorte. Cette fois-ci ce n’est pas la liberté d’expression qui est visée, comme en janvier 2015, mais l’art de vie français avec tout ce qu’il représente ; la dimension de plaisir et de légèreté de la vie pour reprendre les mots de Stefan Zweig, et de liberté diamétralement opposés au modèle totalitaire porté par Daesh qui revendique ces odieux attentats. Les nombreuses réactions internationales ne s’y sont pas trompées.

Ces attentats sont aussi un miroir de nos faiblesses et de nos contradictions.

Les mesures immédiates sont la mise en place de l’état d’urgence, que le parlement prolonge pour trois mois, le rétablissement des frontières et donc la mise entre parenthèses de la libre circulation des personnes (principe Schengen), le renforcement de l’opération Sentinelle appliquée depuis janvier 2015, 30 000 militaires et policiers sont désormais affectés à la surveillance de sites publics « sensibles », la demande du renforcement de la coopération policière et judiciaire interne à l’Union européenne, pourtant un des piliers de Maastricht.

L’aviation française a aussi mené des frappes contre Raqqa, fief de Daesh. Le président F. Hollande essaie de fédérer une vaste coalition internationale pour éradiquer Daesh. Les obstacles sont pourtant nombreux, tant les différents acteurs n’ont ni les mêmes intérêts – la Turquie est plus attachée à circonscrire les Kurdes qu’à lutter contre Daesh, le Qatar et l’Arabie saoudite n’ont pas n’ont plus les mêmes intérêts soutenant des groupes salafistes concurrents et que dire des Etats-Unis ou de la Russie ?- ni la même vision sur le devenir du régime de Bachar el-Assad. Aucune action militaire, sérieuse, contre Daesh ne peut être envisagée sans buts bien déterminés et sans solution politique pour la région... là aussi les intérêts sont bien plus contradictoires qu’il n’y parait.... Il faut éviter de reproduire les désastres des interventions en Irak (2003) – dont nous vivons aujourd’hui largement les conséquences – en Afghanistan (2001) ou en Libye (2011).

Ces attentats sont un miroir de nos faiblesses et de nos contradictions. Nos faiblesses sont nombreuses... et partagées quand on voit la réaction des autorités belges aux menaces terroristes, Bruxelles a cessé de vivre pendant plusieurs jours, après s’être aperçu que la ville de Molenbeek abrite depuis 1995 des filières jihadistes... Le temps de l’angélisme est-il enfin révolu, alors que le continent européen est le seul qui, à l’échelle mondiale, s’est démilitarisé autant par pression budgétaire que par dogme de l’impossibilité de la guerre ? La question de la pérennité de Schengen est directement posée. Celle de la prise de mesures exceptionnelles – et qui doivent donc impérativement le rester – soulève la question de pas dénaturer ce qui fait notre spécificité, et donc ce qui a été visé par ces attentats islamistes : la démocratie doit se montrer forte, comme elle a su la faire dans le passé, en préservant son ADN : la liberté, l’état de droit par exemple. Enfin, le fait quela majorité des terroristes soit de nationalité française, qu’ils aient grandi en Europe, pose d’autres questions bien plus dérangeantes.

L’Union européenne de défis en défis

Les récents attentats sont aussi le moment de s’interroger sur l’œuvre et l’action communautaires. La France vient d’obtenir de ne pas devoir respecter la discipline budgétaire en raison des nouvelles dépenses pour la sécurité, la justice dont les effectifs seront étoffés, l’aide aux victimes (physiques mais aussi les activités économiques très perturbées). La discipline budgétaire est une obligation dans la zone euro, elle conduit à l’adoption de politiques plus ou moins poussées d’austérité pour parvenir à une convergence économique indispensable quand on partage une monnaie unique. Or cette politique a amené à diminuer les dépenses publiques dans des secteurs jugés non stratégiques hier et dont on mesure mieux l’importance aujourd’hui... et la convergence économique n’existe pas, la menace du Grexit nous l’a montré. Les implications de cette crise sont donc nombreuses. L’Europe de Schengen est aussi mise à mal. Le choix d’abaisser ses frontières internes au profit du renforcement des frontières extérieures – ce qui implique une perte consentie de souveraineté - est clairement remis en question : face au défi migratoire l’Europe de Schengen se hérisse de murs, quand La France ou l’Allemagne restaurent le contrôle aux frontières. Les Pays-Bas proposent de créer un mini-Schengen à six avec l’Allemagne, la Belgique, Suède, Autriche et Luxembourg, c’est-à-dire d’y maintenir la libre-circulation tout en se protégeant des flux migratoires à l’extérieur de ces six pays. L’autre défi, en effet, de l’Union est de gérer une crise migratoire qui n’a rien perdu de son ampleur, mais qui est désormais vécue de façon bien plus anxiogène. La coopération judiciaire et policière, pourtant prévue par Maastricht, a largement montré ses limites. Bruxelles n’est pas non plus force de proposition face à la gravité de la crise que traversent ses membres : crise migratoire, crise sécuritaire, crise monétaire... et désir britannique de quitter l’Union. L’Union européenne est confrontée à l’une des crises les plus graves de sa courte histoire car elle est globale. Elle a su, par le passé, les dépasser en se renforçant. Toute la question est de savoir s’il en sera de même aujourd’hui...

En Syrie, la situation reste confuse

Les bombardements menés par les Russes, en appui du gouvernement de Bachar El-Assad, a permis à l’armée syrienne de reprendre une partie d’Alep. Ces bombardements jettent par contre sur les routes des civils toujours plus nombreux. L’armée syrienne a par ailleurs perdu le contrôle de Morek, sur la voie antre Alep et Hama.

La Turquie a abattu un avion de chasse russe qui aurait violé son espace aérien, alors qu’il menait des bombardements su les positions turkmènes, que protège Ankara. La situation se complexifie et les tensions montent d’un cran, même si Moscou annonce son intention de ne pas faire la guerre à la Turquie. Cela éloigne le projet d’une vaste coalition anti-Daesh voulu par Paris.

L’Union européenne face à la pire crise migratoire de son histoire

Le contexte géopolitique à ses frontières, les révoltes arabes depuis 2011, la guerre civile en Syrie et en Irak, l’impasse de l’Afghanistan et la Libye qui ne joue plus un rôle de verrou migratoire, explique en l’importance de la crise migratoire. La seule Allemagne s’attend à accueillir 800 000 réfugiés pour la seul année 2015, l’Union devrait au moins accueillir 1 millions de migrants en 2015 et probablement plus de 3 millions d’ici 2017. ...bien loin du plan de répartition des 160 000 migrants. Le président du Conseil européen Jean-Claude Juncker estime que « la crise va durer des années ». L’Allemagne et la Suède sont devenues les destinations privilégiées de ces flux. La réunion de l’Union à Malte n’a pas abouti à des mesures concrètes. L’Union avait mis sur pied en juin 2015 la force Eunavfor Med dont le mandat lui permet de lutter contre les trafiquant au large des côtes libyennes. Cette mission « Sophia » s’exerce aux côtés de la mission « Triton » de secours en mer.

Un accord Tunisie-UE

Bruxelles annonce un accord de 23 millions d’euros pour améliorer le recrutement et la formation de forces de sécurité, dans un pays qui vit sous la menace du terrorisme islamiste.

Une Afrique des grands lacs sous tension

Au Rwanda, le Sénat modifie la constitution pour que l’actuel président – Paul Kagamé au pouvoir depuis 1994 – puisse rester jusque 2034 à la tête de son pays... une présidence à vie !

La capitale du Burundi, Bujumbura, est le siège de nouvelles violences (elles durent depuis cet été) contre le président récemment réélu – Pierre Nkurunziza – après avoir modifié la constitution pour se représenter à la présidence.

Les attentats continuent en Afrique

La Somalie a été visée par un attentat dans l’hôtel Shafi de Mogadiscio, il a fait une douzaine de morts, les shebabs somaliens – islamistes qui ont fait allégeance à Al-Qaida -l’ont revendiqué.
Le Tchad qui mène des offensives militaires contre Boko Haram a lui aussi été visé par deux attaques de cette organisation terroriste.

Le Mali a été victime d’une attaque terroriste, revendiqué par Al Mourabitoune qui a fait allégeance à Al Qaida , qui a frappé l’hôtel Radison Blu de la capitale, faisant 19 morts. L’opération Barkhane –menée notamment par les troupes françaises - gêne de manière significative tous les trafics organisés par les groupes salafistes dans le Sahel, cet attentat est une réaction à cette situation.

11/2015 Actualité internationale
Carte. L’opération Barkhane, une régionalisation des moyens engagés face à une régionalisation du terrorisme
Cliquer sur la vignette pour agrandir la carte. Conception : Nicolas Desgrais pour Cassini/Diploweb.com

La Tunisie est de nouveau la victime d’un attentat salafiste qui a fait 12 morts dans un convoi présidentiel. Daech a de nouveau revendiqué ce terrible geste qui destabilise ce pays qui se démocratise tant bien que mal après les révoltes arabes de 2011. Un symbole qui gêne les salafistes.

La Chine marque des points

Une entreprise chinoise, la CNNC vient de signer un protocole d’accord avec Areva qui lui ouvre le capital de la société française, de façon minoritaire. Il faut y voir les conséquences des déboires financiers du fleuron français du nucléaire, mais aussi une montée en puissance des firmes chinoises dans le nucléaire, y compris français. En octobre 2015 EDF a déjà signé un partenariat avec l’entreprise chinoise CGN pou construire deux réacteurs EPR à Hinkley point en Grande-Bretagne. La filière nucléaire est pourtant considérée comme « stratégique », comme est sensible la filière aéronautique. Airbus annonce l’ouverture d’une ligne d’assemblage d’hélicoptère en Chine – après l’avoir fait pour les avions – quand Pékin montre au grand jour son tout nouveau C919, un rival sérieux pour l’’A320 et le Boeing 737.

Le Japon entre en récession

Le Japon, est entré en récession technique depuis le mois d’avril 2015 (-0.2% du PIB entre avril et septembre). Le gouvernement Abe – déçu par la politique des Abenomics qui n’a pas tenue ses promesses – envisage un nouveau plan de relance. L’archipel déjà en hiver démographique doit se préparer à un vieillissement et une contraction de sa population comme de sa main d’œuvre.

Helmut Schmidt est mort

L’ancien chancelier ouest-allemand H. Schmidt est décédé à 96 ans. Entré au SPD – le parti social démocrate – en 1946, il est proche de Willy Brandt Ministre à plusieurs reprises, il devient chancelier en 1974, fonction qu’il conserve jusque 1982. Le tandem qu’il forme avec Valéry Giscard d’Estaing est à la base de la création du système monétaire européen (SME) qui crée en Europe une zone de stabilité monétaire, préalable à la marche vers la monnaie unique. Il est à l’origine, avec le président français, de l’élection au suffrage universel direct du parlement européen. Il est à la tête de la RFA lors de la crise des euromissiles des SS20 russes qui la menacent et acceptent le déploiement des missiles américains Pershing sur son sol, ce qui lui coûte le pouvoir. Il demeure une importante figure politique allemande, un Européen convaincu.

Le pape François en visite en Afrique

Le pape François a décidé de rendre une visite très importante en Afrique où les catholiques sont très nombreux et qui fournit toujours plus de cadres au clergé. Son périple le mène au Kenya où il a décidé de visiter un quartier pauvre de Nairobi, il rencontre les autorités religieuses musulmanes sous tension depuis l’attaque de l’université Garisa par les shebabs somaliens, avant de se rendre en Ouganda et en Centrafrique déchirée depuis deux ans dans une guerre civile qui se teinte de religion. Il se présente comme un messager de la paix, et comme aussi peut être de la dernière chance pour la Centrafrique. Il condamne avec vigueur l’extrémisme religieux.

L’art de vivre français fait toujours recette

Le chef français Joël Robuchon va ouvrir près de Poitiers une école de cuisine ouverte aux professionnels comme aux amateurs. Elle va voir le jour grâce à un investissement chinois de 65 millions d’euros car Pékin espère y former de milliers futurs chefs.

Les entreprises françaises sont innovantes

Thomson Reuters, un cabinet américain, dresse le tableau du « Top 100 Global Innovators » où figurent 10 groupes français (seulement 7 l’année passée). Ce classement valorise les groupes qui déposent des brevets dont l’influence est réelle. On y retrouve ainsi : Alcatel-Lucent, Arkema, le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique, Saint-Gobain, IFP Energie nouvelle, Safran Thalès, Valeo et Alsthom. Le Japon arrive en tête de ce classement, suivi par les Etats-Unis et la France. La Chine n’y figure pas.

Copyright Décembre 2015-Degans/Diploweb.com


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