Avant que la crise économique ne la frappe en 2009, la Russie affiche une croissance économique insolente. Grâce à l’exploitation de ses ressources en hydrocarbures (pétrole et gaz), elle dispose de réserves financières importantes. Par ailleurs, le gouvernement a repris en main le pays à travers la nationalisation des entreprises du domaine énergétique, la nomination de guébistes aux postes clés et le contrôle des oligarques. Les investissements russes à l’étranger s’inscrivent de fait dans la stratégie économique et politique du Kremlin. Ils permettent « d’ancrer » la Russie au sein de l’Union européenne. Ils sont choisis pour consolider la position déjà forte de la Russie dans le domaine énergétique, ou bien pour acquérir des savoir-faire dans des domaines stratégiques.
De son côté, l’Union européenne est attirée par ce grand voisin qui offre des perspectives de croissance intéressantes, mais elle se heurte à un cadre réglementaire de plus en plus strict vis-à-vis des investisseurs étrangers. Face à leur interdépendance, notamment dans le domaine énergétique, elle prône la mise en place d’un partenariat, mais les difficultés sont nombreuses. Tout en cherchant la voie qui mène à une coopération croisée, l’Union européenne et la Russie investissent pour gagner en autonomie et élargir leur sphère d’influence.
Mémoire de géopolitique rédigé au Collège interarmées de défense dans le cadre du séminaire « L’Union européenne et le lien transatlantique » dirigé par Pierre Verluise.
INTRODUCTION
APRES l’effondrement de l’URSS en 1991, la Fédération de Russie doit faire face à une crise économique sans pareil. Son produit intérieur brut (PIB) s’effondre, ses dettes augmentent et ses capitaux sont en fuite [1]. Pourtant, quinze ans plus tard, ses indicateurs économiques sont « au vert » et les prises de participation dans les entreprises de l’Union européenne sont régulières. Un renversement de situation qui mérite intérêt.
D’abord, il s’agit de comprendre comment la situation économique s’est assainie et le rôle important qu’a joué Vladimir Poutine à compter de son accession au pouvoir, en 2000. Qu’il s’agisse de fonds souverains, d’entreprises publiques, d’investisseurs privés ou même d’oligarques, les investissements à l’étranger semblent au service des intérêts et de la politique du gouvernement. Il faut dire que le Kremlin est omniprésent dans le domaine économique et qu’il a reconstitué « la verticale du pouvoir [2] ». Les domaines d’investissements visés dans l’Union européenne permettent à la Fédération de Russie soit de consolider sa position déjà forte dans le domaine énergétique, soit d’acquérir des compétences ou des savoir-faire dans des domaines de grande technologie et des secteurs stratégiques.
Dans le même temps, l’Union européenne a tout de suite exprimé son intérêt pour la Fédération de Russie. Elle a multiplié les initiatives pour établir des cadres de coopérations et d’échanges ; elle a cherché à établir des liens privilégiés. Il faut dire qu’il existe une réelle interdépendance entre l’Union européenne et la Russie qui justifie la recherche d’un partenariat. Mais au fur et à mesure que la Russie assainit sa situation économique, elle impose son rythme et ses méthodes. Elle durcit son cadre réglementaire et juridique vis-à-vis des investisseurs étrangers. Alors tout en affichant la volonté d’établir un partenariat et des coopérations croisées, l’Union européenne et la Russie investissent également pour réduire leur interdépendance et gagner en autonomie, voire pour élargir leur sphère d’influence.
Après des années 1990 particulièrement difficiles, la Russie affiche jusqu’en 2008 une reprise économique insolente. Pour une large part, les bons résultats proviennent du secteur énergétique, en particulier de l’augmentation du volume des exportations et de la hausse des cours du pétrole. La Russie a réussi la prouesse de rembourser ses dettes et de se doter de réserves financières qui lui permettent d’investir de plus en plus à l’étranger, notamment dans l’Union européenne.
Force est de constater que cette réussite s’est accompagnée d’un renforcement du pouvoir présidentiel et d’une reprise en main par l’Etat des structures administratives comme des grands groupes industriels. Les choix « corporatistes » des patrons d’entreprises, la relation avec les oligarques et les déclarations du Président russe – ou de son premier ministre Vladimir Poutine – montrent combien l’Etat est présent, voire omniprésent. L’infiltration de guébistes aux plus hauts postes de la Russie suscite de nombreuses questions et réserves quant aux investissements russes à l’étranger.
L’Union européenne (UE) est la première visée par la stratégie d’investissements de la Russie. En bon joueur d’échec, cette dernière conclut de nombreux accords bilatéraux avec différents Etats membres de l’UE qui lui permettent de renforcer sa place dans le domaine énergétique et de développer des pans d’activités stratégiques. Les investissements russes au sein de l’Union européenne, par leur importance et les domaines couverts, semblent répondre directement à des objectifs économiques, stratégiques, voire politiques du Kremlin.
1. LA REPRISE ECONOMIQUE DE LA RUSSIE ET LA FORTE PROGRESSION DE SES INVESTISSEMENTS A L’ETRANGER
1.1. Après des années 1990 difficiles, la Russie affiche une croissance économique, grâce notamment à ses ressources importantes en hydrocarbures
La reprise économique de la Russie
Après la disparition de l’URSS en 1991, la Russie est confrontée, sous la présidence de Boris Eltsine, à une crise financière qui s’accompagne d’une grave récession économique et d’un « pillage » de ses ressources. Au plan international, elle perd son rang de « grande puissance » qu’elle occupe depuis des décennies.
A partir de 2000, et plus précisément avec l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, la Russie connaît un net redressement économique, grâce notamment à l’exploitation et à l’exportation de ses hydrocarbures. Son produit intérieur brut (PIB) augmente considérablement pour atteindre en 2007 plus de 1 290 milliards de dollars, ce qui la place au 9ème rang mondial, juste derrière la France (avec 1 800 milliards de dollars) et l’Italie [3]. Sa croissance économique est soutenue, avec un rythme annuel supérieur à 6 % depuis 1999. En 2007, elle est de 8,1% (+6,4% en 2005 ; +7,1% en 2006). Le budget de l’Etat est excédentaire depuis 2000, avec un excédent de 8,7% du PIB en 2007 (7,3% en 2006) [4].
En ce qui concerne son endettement, la Russie est parvenue à réduire considérablement sa dette extérieure en procédant à des remboursements anticipés. De l’Union soviétique, elle hérite de plus de 70 milliards de dollars de dettes [5], dettes qui s’alourdissent dans les années 1990 pour atteindre environ 160 milliards de dollars à la fin de 1998. En février 2004, le président russe annonce lors d’un discours : « Le problème de la dette extérieure est pratiquement résolu. […] Au total, nous avons remboursé 50 milliards de dollars de notre dette extérieure, intérêts compris [6] ». Début 2005, elle poursuit en s’acquittant par anticipation de toute sa dette envers le Fonds monétaire international (FMI). A l’été 2005, elle rembourse, également par anticipation, 15 milliards de dollars au Club de Paris [7], remboursement le plus important jamais proposé par un pays créancier du Club de Paris. La dette publique totale est estimée à 3,6% du PIB en 2008 (11% fin 2005) [8].
Dans le même temps, la Russie réussit à constituer des réserves, notamment grâce aux exportations de produits énergétiques. En septembre 2007, elle dispose des troisièmes plus importantes réserves de change du monde après la Chine et le Japon. D’un montant d’environ 500 milliards de dollars, les réserves permettent d’alimenter les fonds souverains russes.
Face à cette reprise économique, et sachant que l’objectif affiché par le gouvernement russe est de multiplier par deux le PIB en volume en 10 ans [9], la question de la géopolitique des investissements russes présente un intérêt majeur, en particulier pour les zones telle que l’Union européenne qui recoivent ces masses financières importantes.
Le rôle clé de l’énergie
L’énergie a joué un rôle clé dans la reprise économique de la Russie. Entre 2001 et 2004, 70 % de la croissance de sa production industrielle proviennent du secteur des ressources naturelles, et le secteur pétrolier représente à lui seul environ 45 % [10].
La Russie est en 2009 le premier producteur et exportateur mondial de gaz naturel. Elle détient environ 30% des réserves mondiales ce qui la place au premier rang devant l’Iran et le Qatar (avec chacun près de 15%), et loin devant les autres pays. Elle est aussi le deuxième producteur et exportateur mondial de pétrole, derrière l’Arabie Saoudite, avec 6% des réserves mondiales. Elle dispose également de 20% des réserves mondiales de charbon, de 14% des réserves mondiales d’uranium et elle est le premier producteur mondial de titane. Au total, la Russie est le premier exportateur mondial d’énergie [11].
Durant cette période de forte reprise économique, la croissance du PIB russe repose essentiellement sur les ressources naturelles, en particulier le pétrole. Selon le ministre russe des finances, les taxes sur les exportations energétiques ont représenté, en 2003, 40% des recettes du budget fédéral [12].
Disposant de ressources naturelles importantes, la Russie a su en tirer profit dès les années 2000 pour s’engager sur la voie de la croissance économique et revenir au premier plan de la scène internationale.
1.2. Des investissements à l’étranger en forte progression qui placent la Russie en tête des pays émergents
Des montants d’investissements encore modestes mais en forte progression
En 2007, Rosstat a enregistré le chiffre de 74,6 milliards de dollars pour les investissements russes à destination des pays étrangers, soit une croissance de 43,6% par rapport à 2006. En ce qui concerne la part des investissements directs à l’étranger [13] (IDE), les montants - en sorties - de la Fédération de Russie restent encore modestes au niveau mondial, comparés aux montants constatés aux Etats Unis (314 milliards de dollars en 2007) ou même en France (225 milliards de dollars en 2007). Cependant, d’environ 18 milliards de dollars en 2006, les flux ont plus que doublé pour atteindre 45 milliards de dollars en 2007. Proche de zéro il y a dix ans, le stock d’IDE est estimé à 157 milliards de dollars fin 2006 pour l’ensemble des groupes russes. La progression de ces dernières années est parmi les plus rapides du monde.
En termes de destinations, les flux d’IDE sont concentrés pour les 2/3 sur deux pays : Chypre et Luxembourg. Ces deux pays sont considérés comme des pays offshore au plan financier c’est-à-dire qu’une part de ces flux financiers repart soit directement vers la Russie, soit vers d’autres pays. Il est donc difficile de déterminer la véritable destination finale. Toutefois, une étude récente montre que l’Europe de l’Ouest est la principale destination, comptant pour 52% d’actifs à l’étranger, suivie par la Communauté des Etats Indépendants (CEI) avec 22% et l’Europe de l’Est avec 11% [14].
Une progression des IDE qui positionne la Russie en tête des pays émergents
Plus que le montant, c’est la forte progession des IDE (en sorties) de la Fédération de Russie qui est intéressante et qui la place depuis 2002 en tête des pays émergents. Dernière des pays BRICs (Brésil, Russie, Inde, Chine) en 2000, la Russie dispose en 2006, avec 157 milliards de dollars, du niveau le plus important de stocks d’IDE. Et l’année 2007 confirme cette tendance [15].
Les montants d’IDE, et surtout leur croissance régulière, révèlent une nouvelle stratégie d’investissements russes à l’étranger. Après avoir exporté du pétrole, du gaz, des armements,… la Russie exporte maintenant des capitaux et s’installe ainsi dans l’économie des pays étrangers, en particulier ceux de l’Union européenne.
2. DES INVESTISSEMENTS RUSSES SOUS CONTROLE DU KREMLIN
2.1. L’importance des fonds souverains et la stratégie associée
La stratégie double du gouvernement russe en matière de fonds souverains
Les fonds souverains appartiennent à des États disposant d’excédents de balances des paiements grâce à des exportations soit de ressources énergétiques – pays du Golfe, Russie, Norvège – soit de biens et services dont les prix sont très compétitifs – Chine, Singapour. Ils permettent à ces pays de réaliser des investissements de long terme en vue de faire face au tarissement de leurs ressources ou au renchérissement de leurs coûts de production [16]. Jusqu’à présent le montant global des investissements au travers des fonds souverains n’est pas aussi important que ceux réalisés par les compagnies d’assurance, les banques ou les fonds de pensions. Ils méritent toutefois une attention particulière car ils sont en forte augmentation, et également très liés à la politique du gouvernement qui investit. Fin 2008, l’ensemble des fonds souverains est estimé à 3 000 milliards de dollars [17].
En ce qui concerne la Russie, la stratégie en matière de fonds souverains est double. Le 1er janvier 2004 a été créé, à partir de taxes prélevées sur les compagnies pétrolières nationales, le fonds souverain de stabilisation russe (SFRF, Stabilization Fund of the Russian Federation). D’un montant d’environ 150 milliards de dollars, il devait prémunir la Russie des crises financières à venir. Début 2008, ce fonds a été divisé en deux entités distinctes : le « Fonds de réserve » (Reserve Fund) qui doit continuer à investir dans des actifs peu risqués avec pour objectif d’aider le pays à faire face aux fluctuations des prix du pétrole et du gaz ; et le « Fonds pour le bien-être national » (National wealth fund), fonds plus « agressif » qui doit effectuer des investissements plus diversifiés et plus risqués [18]. Les montants de ces deux fonds sont respectivement d’environ 125 miliards de dollars et 32 milliards de dollars début 2008. Au 1er janvier 2009, il est intéressant de noter que le « Fonds pour le bien-être national » a augmenté considérablement pour atteindre 88 milliards de dollars [19], à la différence du fonds de réserve qui est resté stable (137 milliards de dollars).
Malgré la crise financière, la Russie dispose donc de fonds lui permettant d’investir hors Russie. « La crise financière actuelle ayant fait baisser les cours de nombreux actifs occidentaux, ceux-ci se retrouvent désormais à la portée du gouvernement russe et des plus grandes entreprises du pays [20]. »
Des facteurs qui dérangent
Face aux investissements russes à l’étranger, les pays occidentaux font preuve d’une certaine méfiance sur au moins deux points.
Le premièr tient au manque de transparence au sujet de l’utilisation des fonds souverains. Pour certains, « le SFRF peut être comparé aux fonds souverains du Koweït, du Qatar, ou encore de la Chine par son fonctionnement opaque » [21]. La politique d’investissement associée à son nouveau fonds souverain manque de clarté. Il semble qu’il doit permettre d’investir, sous l’égide du ministre des Finances, en actions dans des projets pétroliers et dans des secteurs stratégiques pour la Russie, tels la défense, les technologies de l’information, l’aérospatial, l’aéronautique et les matières premières. « Alimentés par les réserves, les fonds souverains russes ne sont donc pas uniquement destinés à optimiser des capitaux disponibles, mais aussi à mettre un pied dans les secteurs stratégiques afin d’y exercer une influence davantage politique qu’économique, ce que redoute justement le G7 [22]. »
Le second tient au passé des investisseurs. De nombreux spécialistes de la Russie pointent du doigt la forte présence de guébistes (anciens membres des services de sécurité) et de « siloviki » (« hommes de forces ») non seulement au sein du gouvernement mais également à la tête des grandes entreprises et des régions. Il n’est pas nécessaire de rappeler que Vladimir Poutine a servi longtemps au KGB avant de devenir, en 1998, directeur du FSB (Service fédéral de sécurité, principal successeur de l’ancien KGB) [23]. Spécialiste des élites à l’Institut de sociologie de l’Académie des Sciences de Russie, Olga Kryshtanovskaïa « observe que, depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin, militaires, kagébistes et anciens des services secrets ont infiltré tous les cercles du pouvoir : l’administration présidentielle, les ministres de la capitale et les institutions des régions de Russie. [24]" Cette infiltration des tchékistes, kagébistes,… aux postes clés de la Russie est relayée par de nombreux spécialistes de la Russie. Lorraine Millot [25] écrit « Au moins un quart des hauts fonctionnaires sont des siloviki (membres des structures de forces c’est-à-dire l’Armée, les services secrets et la police). […] Depuis que la Russie est passée au capitalisme, et même à l’ultra capitalisme, les tchékistes se sont aussi lancés dans le business. »
Dans le cas de la Russie, les fonds souverains ne répondent pas uniquement à une logique de placement à long terme. Avec le « fonds pour le bien-être national », une part importante des investissements à l’étranger sert directement les objectifs économiques et politiques du gouvernement. Le réseau constitué par une forte proportion d’anciens membres des services de sécurité au niveau des postes clés (premier ministre, membres du gouvernement, chefs d’entreprises,…) suscitent alors des interrogations quant aux objectifs « à long terme » des investissements russes à l’étranger.
2.2. Une reprise en main des structures industrielles et étatiques par le Kremlin
Fin des privatisations et retour au nationalisme
Alors que le secteur énergétique a été largement privatisé dans les années 1990, sous la présidence de Boris Eltsine (1990 – 1999), les deux mandats successifs de Vladimir Poutine (2000 – 2008) ont donné lieu à une reprise en main par l’État. En 2009, l’État contrôle environ 30 % de la production pétrolière et 87 % de la production de gaz. [26]
Selon Catherine Locatelli [27], « la volonté de Poutine de réinstaurer un strict contrôle sur des parties importantes de cette industrie notamment concernant la régulation des taxes à l’exportation, les réserves en hydrocarbures […] tout en privilégiant les compagnies dont il est l’actionnaire principal (Rosneft dans le pétrole et Gazprom dans le gaz) témoigne d’une « vision beaucoup plus nationaliste » de l’industrie pétrolière. Implicitement, l’objectif est de mettre le secteur pétrolier (et plus largement le secteur énergétique) au service des objectifs de développement de l’économie russe, voire au service de sa politique étrangère. »
Le géant Gazprom illustre à lui seul le poids de l’État dans le secteur de l’énergie. En 2005, l’Etat russe est devenu son actionnaire majoritaire avec 50,01% du capital. Sa place dans l’économie russe est primordiale. En effet, cette société produit 95% du gaz naturel russe et dispose d’une capitalisation boursière évaluée à 360 milliards de dollars, ce qui la positionne au 3ème rang mondial [28]. Gazprom possède en Russie la totalité de l’infrastructure de transport de gaz et toutes les stations de compression. Elle est aussi la seule entreprise autorisée légalement à vendre du gaz à l’extérieur de la Russie. Enfin, elle contribue à 25% du budget de l’Etat russe [29]. Au-delà de l’aspect actionnariat, Gazprom entretient des liens privilégié avec le Kremlin. Dmitri Medvedev a pendant longtemps présidé le conseil d’administration de Gazprom jusqu’à son élection à la Présidence de la Fédération de Russie, et récemment, lors d’une audition d’Andris Piebalgs, Pierre Lequiller lachait « Gazprom, c’est M. Vladimir Poutine » [30]. Pour certains, cette relation étroite conduit à faire de « Gazprom un instrument de régulation politico-sociale en Russie » [31].
Contrôle des oligarques et son soutien aux investisseurs
Au-delà de l’exemple de Gazprom, l’empreinte du politique sur l’économie est très forte en Russie. Selon Ekaterina Yakovleva, « l’économie russe est loin de fonctionner selon les règles traditionnelles en vigueur dans les pays occidentaux ». Ainsi, lorsqu’en octobre 2003, le procureur général de la Fédération de Russie ordonne l’arrestation de M. Khodorkovsky – ancien PDG de Ioukos et oligarque estimé le plus riche de Russie (en son temps) – les opinions publiques russes et internationales y voient le signe d’une reprise en main des grandes entreprises russes par le président Vladimir Poutine [32]. Certains comme Boris Berezovsky préférent l’exil aux poursuites judiciaires. D’autres, qui choisissent de rester, participent (de gré ou de force ?) au développement de la Russie. Ainsi Vagit Alekpérov – patron du géant pétrolier Lukoïl, « devenu propriétaire de 1 300 stations-services dans l’Est américain, envisage de traiter sur place le pétrole brut venant de Russie. Quant à Potanine – propriétaire de Nickel de Norilsk – il a investi près d’un milliard de dollar dans le nickel russe. En guise de mécénat, il a aussi crée 160 bourses de 1 200 roubles destinés aux meilleurs étudiants » [33].
La crise financière de 2008 - 2009 risque d’accentuer l’emprise de l’Etat sur les entreprises russes. « Le système financier russe étant mal développé, les grandes banques et entreprises russes n’ont pas trouvé en interne les finances nécessaires à leur développement. Elles ont donc emprunté sur les marchés internationaux. Dans la plupart des cas, il s’agit d’emprunts à court terme qui supposent d’être reconduits régulièrement. La crise financière actuelle ayant limité fortement cette pratique, le gouvernement russe a payé les dettes contractées par certaines entreprises (ex : Rusal, Norilsk) qui deviennent alors très dépendantes de l’Etat » [34].
Dans le même temps, la position du gouvernement russe vis-à-vis des investisseurs privés ou des oligarques a changé. En effet, il y a quelques années, la "fuite des capitaux" hors du pays était considérée par les autorités russes comme une tendance très négative. « Au contraire, les fonctionnaires gouvernementaux invitent désormais les entrepreneurs à racheter plus activement des compagnies étrangères […] Les milieux d’affaires russes doivent être certains du soutien de l’Etat sur les marchés mondiaux, en particulier dans les secteurs où la concurrence globale est la plus forte [35] ». Selon Arkady Dvorkovitch, conseiller économique du président Dmitri Medvedev, le gouvernement soutiendra – à la fois diplomatiquement et financièrement – l’expansion des entreprises russes à l’étranger. [36] Ce soutien est confirmé dans la conception du développement économique et social du pays jusqu’en 2020, rendue publique début août 2008 par ses auteurs issus du ministère du Développement économique. Ce document souligne que « la Russie a toutes les raisons de figurer parmi les plus grandes économies du monde et qu’elle jouera dans un proche avenir un rôle important dans la division internationale du travail [37] ».
Cette omniprésence de l’Etat dans l’économie et derrière chaque investisseur, en particulier les oligarques, renforce l’idée que les investissements russes à l’étranger sont ciblés et au service des objectifs politiques du gouvernement. « On peut constater […] que les décisions économiques sont dictées par une analyse politique. En Russie aussi, au moins depuis 2000, la politique est au poste de commande. [38] »
3. DES INVESTISSEMENTS DANS L’UNION EUROPEENNE CIBLES PAR PAYS ET PAR DOMAINES
3.1. Des investissements qui installent la Russie au sein de l’Union Européenne.
Une dépendance des pays de l’ex-bloc soviétique qui évolue vers une relation économique
De par leur passé commun et des liens tissés du temps de l’URSS, la Russie dispose d’investissements importants dans son « étranger proche », terminologie utilisée par Moscou pour qualifier les pays issus de l’ex URSS [39]. Toutefois, d’après les données du service analytique de M&A-Intelligence, il semble que « les investisseurs russes sont deux fois plus actifs dans les Etats d’Europe de l’Est que tous les autres étrangers réunis [40]. » Les investissements les plus significatifs restent dans le domaine énergétique, la Russie étant le principal pourvoyeur. A vrai dire, les Etats limitrophes et enclavés d’Europe de l’Est tels que la Biélorussie, la Moldavie et surtout l’Ukraine sont les plus concernés [41]. Mais les Etats baltes restent très dépendants de leur grand voisin, « liés au seul réseau russe en matière d’électricité, liés à un seul pipeline de gaz de Russie et à aucune autre source d’approvisionnement [42] ». Ces investissements anciens lient de fait les pays de l’ex-bloc soviétique à la Russie, qu’ils soient dans l’UE ou pas. Ainsi, début 2009, la Bulgarie et une vingtaine pays de l’UE, ont été privés de gaz russe suite au conflit qui a vu la Russie couper le gaz à l’Ukraine.
Depuis qu’ils sont dans l’UE, les pays de l’ex-bloc soviétique restent réticents et méfiants vis-à-vis de la Russie, sans toutefois « fermer les portes ». En Estonie, la Russie reste un fournisseur important (le troisième) avec une part de marché de 10,23%, supérieur à son niveau de 2005 (9,20%) [43]. Malgré l’animosité entre la Russie et l’Estonie, renforcée par le contentieux lié au déplacement de la statue dite du Soldat de bronze (avril 2007), il est intéressant de noter que l’Estonie a vu ses exportations à destination de la Russie progresser de 17,26%, soit 3,5 fois plus vite que le rythme global de progression des exportations du pays. Au niveau des acquisitions, le sidérurgiste russe Severstal a acheté, en Lettonie, les usines de construction de wagons de Riga et de Daugavpils.
Une multitude d’accords bilatéraux qui « ancrent » la Russie dans l’Union européenne
La Russie privilégie les accords bilatéraux avec les Etats membres, en particulier dans le domaine énergétique. L’UE n’ayant pas réussi à établir une véritable politique de l’énergie, elle laisse le champ libre à la Russie pour établir des relations privilégiées avec certains Etats membres et « s’installer » ainsi durablement en Europe de l’Ouest.
Le projet North Stream (ancien nom : North European Gas Pipeline, NGEP) illustre à la fois le manque de cohésion de l’UE et la stratégie de la Russie d’établir des liens directs avec certains Etats membres. Ce projet concerne la réalisation d’un gazoduc qui doit relier la Russie à l’Allemagne, puis d’autres pays européens, via un tube qui traversera la mer Baltique. L’accord germano-russe a été conclu en septembre 2005 malgré la forte opposition de certains Etats membres, principalement la Pologne et les Etats baltes. Le Président polonais a d’ailleurs évoqué un accord signé "par dessus leurs têtes". Il est vrai que le tracé du gazoduc vise à éviter le transit du gaz russe par la Pologne, les Etats baltes et l’Ukraine, les privant ainsi des revenus du transit par leur territoire.
Cet exemple est loin d’être le seul. Pour compléter ce tracé nord européen, la Russie et l’Italie ont décidé mi-2007 de construire un autre gazoduc, South Stream, qui pourrait acheminer 30 milliards de m3 de gaz par an. Le projet sera financé, détenu et opéré conjointement par Gazprom et le groupe pétrolier et gazier italien Eni. Ce gazoduc traversera notamment la Bulgarie, la Hongrie, l’Autriche. Autant d’accords en perspective entre la Russie et ces pays.
Plus au centre de l’Europe, la Russie dispose avec l’Autriche d’un partenaire privilégié et de longue date en matière d’énergie. Par exemple, Gazprom a racheté à l’autrichien OMV 50% des parts du terminal gazier Baumgarten qui devait servir de point d’arrivée à Nabucco, gazoduc censé contourner la Russie et considéré comme une solution alternative à la dépendance de l’UE vis-à-vis du gaz russe.
Force est de constater qu’aujourd’hui, la Russie a établi des liens solides et durables avec les Etats membres qui lui permettent de « s’installer » au nord, au sud, au centre de l’Union européenne. Comme expliqué par Pierre Verluise [44], ces investissements russes répondent à une stratégie visant à « s’ancrer à l’Europe de l’Ouest ». Le risque est de voir ces accords bilatéraux diviser encore plus l’UE et de vouer à l’échec l’élaboration d’une politique européenne dans le domaine énergétique.
3.2. Des investissements ciblés sur des domaines de l’économie russe à renforcer ou à développer
Des investissements pour consolider la position de la Russie dans le domaine de l’énergie
Consciente de l’avantage acquis avec ses richesses en hydrocarbures, la Russie investit au sein de l’Union européenne de façon méthodique et organisée pour maîtriser l’ensemble de la chaine énergétique.
Dans le transit des hydrocarbures, la Russie cherche à prendre le contrôle des infrastructures de transport, stratégie qui vise à sécuriser son exportation. L’effondrement de l’URSS a fait perdre à la Russie la maîtrise de certaines voies de transit. La construction de pipelines est une alternative à l’éventuel blocage du transit des hydrocarbures vers l’Europe occidentale, son principal client. Ainsi, le projet de gazoduc nord-européen avec l’Allemagne, ou bien celui plus au Sud avec l’Italie, participent de cette stratégie. De même un accord russo-autrichien autorise à Gazprom à assurer directement le transit de son gaz via le territoire autrichien, sachant que le volume de gaz russe transitant annuellement via l’Autriche dépasse les 30 milliards de m3. Le contrôle de voies de transit doit permettre à la Russie d’être un acteur incontournable, à la fois dans le développement de nouvelles infrastructures et dans les tarifs du transit qui constituent un poids important du coût d’exportation de la société gazière [45]. L’idée de Moscou est bien de sécuriser les voies d’exportation et de trouver de nouveaux débouchés.
Au niveau du stockage, Gazprom et la firme autrichienne OMV ont signé un accord qui porte sur la coopération pour le développement d’un pôle gazier en Europe centrale, à Baumgarten, près de la frontière slovaque. Ce pôle gazier aura une capacité de stockage de quelque 2,5 milliards de m3 ce qui devrait faire de lui, dès 2011, le deuxième plus grand centre de stockage de gaz en Europe centrale. Sa construction sera assurée par Gazprom pour un coût estimé à 260 millions d’euro [46]. Plus au nord, Gazprom Germania prévoit d’aménager le plus grand site de stockage souterrain de gaz naturel en Europe au nord de Berlin, site qui serait alimenté par le gazoduc North Stream. En Belgique, un MOU (Memorandum Of Understanding) a été signé en 2006 entre les opérateurs gaziers Fluxys (filiale de Suez-Tractebel) et Gazexport (filiale à 100% du russe Gazprom) prévoyant la création d’une co-entreprise qui étudierait le développement d’un stockage souterrain de gaz naturel dans la partie nord du pays.
Dans le domaine du raffinage, la Russie négocie en 2009 avec la Serbie pour le rachat de la raffinerie NIS. Avec l’Allemagne, Gazprom - via sa filiale Gazprom Germania dont le siège est à Berlin - a conclu, en novembre 2007, un accord avec Dow Chemical dans le domaine du traitement du gaz naturel. Au niveau pétrolier, Lukoil - second groupe pétrolier pour son activité en Russie - étudie en 2009 le rachat d’une raffinerie en Italie.
En ce qui concerne la distribution, Gazprom a été autorisé à prendre une participation importante dans les activités de distribution de gaz domestique en Autriche, et plus précisément à Salzburg et dans les provinces de Carinthie et de Styrie, ce qui représente, en termes de population, la moitié des neuf provinces autrichiennes. Gazprom vend son gaz au prix de 240 dollars les 1 000 m3 alors qu’actuellement le consommateur autrichien se voit facturer près de 1 000 dollars pour la même quantité. C’est le premier accord de ce type pour la Russie sur le marché européen. En France, Gazprom et Gaz de France ont prolongé jusqu’en 2030 leurs contrats existants de fourniture de gaz naturel, avec une augmentation du volume approvisionné à compter de la mise en service de North Stream.
Enfin, Soteg - fournisseur de gaz naturel et d’électricité du Grand Duché du Luxembourg - a annoncé en avril 2007 la signature d’un MOU (Memorandum Of Understanding) avec Gazprom Marketing&Trading visant à construire une centrale TGV (turbine-gaz-vapeur) à Eisenhüttenstadt (Allemagne). L’investissement global est évalué à 400 millions d’euros pour cette co-entreprise qui sera détenue à parts égales par les deux opérateurs.
La Russie cherche également à se diversifier en niveau des ressources et des technologies. Déficient sur la filière du gaz liquide, Gazprom est actionnaire de la société hongroise MOL et finance en Croatie une société de déliquéfaction. Une manière pour elle d’acquérir des compétences qui lui font défaut. Elle cherche également à acquérir de nouvelles technologies afin d’exploiter les gisements de ressources naturelles difficiles d’accès.
Autant d’exemples qui montrent que la Russie ne se contente plus d’être un pays producteur d’énergie et qu’elle investit, au niveau européen, dans tous les secteurs du domaine énergétique. Cela peut être vu comme un développement industriel normal. Cependant les coupures de gaz, comme par exemple en Ukraine en 2006 puis en janvier 2009, assimilent ces investissements à une « arme énergétique » au service de deux objectifs : « la défense de ses intérêts économiques et le maintien dans son orbite des Etats issus de l’Union soviétique [47] ».
Des investissements ciblés sur des domaines stratégiques à développer.
Au-delà du domaine de l’énergie, de nombreux autres secteurs font l’objet d’acquisitions par des investisseurs russes. Mais il convient de distinguer les secteurs à bonne rentabilité financière des secteurs plus stratégiques.
Outre l’achat de villas à des prix exorbitants par des milliardaires russes, telle que la villa Leopolda de Villefranche-sur-Mer achetée par Mikhail Prokhorov pour un demi-milliard d’euros, les entreprises russes investissent largement dans l’immobilier, notamment en France et en Angleterre. Ainsi, la société de bâtiment russe Stroïmontage envisage de construire en France près de 110 000 mètres carrés de logements pour un montant de 280 millions d’euros. "Paris représente un marché assez grand où la demande est prévisible et compréhensible. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Stroïmontage souhaite contrebalancer les risques que représente la construction de logements en Russie […] Elle espère que l’opération lui rapportera 341,9 millions d’euros [48] ».
Le secteur des produits de luxe est également visé. Certains y voient le désir des oligarques d’acquérir « du rêve », d’autres le moyen de camoufler divers trafics. Les exemples en France sont nombreux. En 2002, l’oligarque Nikolaï Tsvetkov, déjà propriétaire de la Manufacture impériale de Saint Pétersbourg, devenait l’actionnaire majoritaire du porcelainier Deshoulières. En octobre 2007, Sergueï Pougatchev a racheté Hédiard afin de « développer la marque à l’international et en faire un porte-parole de la gastronomie française ». En 2007, la maison de cognac charentais Croizet-Eymard ont été acquis par Russian Wine Trust, avec 59 hectares de vignoble. La filière française du cognac a alors exprimé son inquiétude quant à l’intérêt manifesté par les investisseurs russes, soupçonnés de camoufler la production de faux cognac en Russie. Alain Philippe, directeur général du BNIC (bureau national interprofessionnel du cognac), évoque "un risque que ces achats servent d’alibi pour vendre de faux cognacs" [49].
A côté de ces investissements très médiatisés et orientés principalement sur la rentabilité financière, on assiste à des acquisitions dans des domaines plus stratégiques, et les transactions font alors l’objet d’un soutien du gouvernement russe.
La haute technologie et les secteurs innovants sont particulièrement visés. Ainsi, l’ancien premier ministre russe Mikhaïl Fradkov a largement contribué à l’acquisition par le consortium russe Airbridge (KrasAir) de 99,95 % du capital du transporteur aérien hongrois Malev. En 2005, Vladimir Poutine a aidé le consortium Alfa Group à acheter des actions de Turkcell, important opérateur turc de téléphonie mobile. Dans le domaine aéronautique, la Vnechekonombank (VEB), banque de développement détenue à 100% par l’Etat et principal instrument financier public, possède désormais 5% d’EADS, depuis le rachat de ce paquet d’actions à la banque russe VTB en décembre 2007, pour environ 1 milliard d’euros. La Russie devient alors le 5ème actionnaire de référence du groupe et pour le Kremlin, elle pourrait aller plus loin et donner « au moins la minorité de blocage » à la partie russe [50]. Le pourcentage de 5%, même s’il est faible, permet de siéger au Conseil d’administration et d’avoir connaissance de la politique et de la stratégie industrielles du groupe. La Russie affiche sa volonté de redevenir un acteur de premier plan du domaine aéronautique. L’ensemble des industriels russe du domaine (Sukhoï, Mikoyan, Tupolev, Mig,… ) sont désormais regroupé au sein de OAK, Compagnie unifiée de construction aéronautique. La prise de participation d’EADS dans le même calendrier complète cette stratégie.
Les investissements dans le domaine alimentaire font également l’objet d’un soutien du gouvernement russe. Il faut dire que ces investissements contribuent à l’objectif public d’autosuffisance de la Russie. Ainsi, la société Willbin, première productrice et distributrice de produits laitiers en Russie, a bénéficié de la garantie de l’Etat lorsqu’elle s’est affrontée avec la société Danone pour acquérir des sociétés dans les pays de l’ex-bloc soviétique. Il s’agissait pour elle de récupérer le savoir-faire implanté par Danone en Europe centrale et orientale. Moyennant un salaire bien supérieur, elle a en outre « débauché » une soixantaine d’emloyés de ces entreprises.
Les investissements à l’étanger relèvent de trois logiques différentes. D’abord la stratégie d’entreprise qui cherche à développer des secteurs d’activités. Ensuite, les effets d’aubaine qui, face à une entreprise « sous-côtée », permettent d’augmenter la taille de l’entreprise ou d’acquérir des compétences techniques. Enfin, l’intérêt public qui vise le développement d’un Etat et l’accès à des compétences spécifiques. Dans le cas de la Russie, il semble que ces trois logiques convergent vers des objectifs communs et cohérents avec la stratégie politique et économique du gouvernement. Le Kremlin a en main toutes les cartes permettant de contrôler les investissements à l’étranger : reprise en main des grandes entreprises, pilotage « rênes courtes » des oligarques et soutien aux investisseurs. Pour autant, l’Union européenne a besoin de capitaux et la Russie en détient, il reste à voir quelle stratégie elle adopte en réponse.
De son côté, l’Union européenne est attirée par les atouts et les perspectives de croissance de la Russie. Dès la chute de l’URSS, elle multiplie les contacts et les investissements. Certes, elle se heurte à des difficultés au plan juridique et peine investir durablement. Néanmoins, elle poursuit ses investissements en vue « d’arrimer » ce grand voisin et construire une relation privilégiée. Conscients de leur forte interdépendance, l’UE cherchent, avec la Russie, à établir un partenariat mais le rapprochement est difficile : la première tente d’imposer ses normes et ses valeurs, la seconde n’envisage pas de se voir dicter des règles « étrangères » sur son territoire. La réglementation et la législation russes deviennent plus strictes vis-à-vis des investisseurs étrangers. Tout en cherchant la voie pour établir un partenariat, l’UE et la Russie travaillent à limiter leur interdépendance et à gagner en autonomie. L’UE est soucieuse de sécuriser ses approvisionnements, en particulier en énergie. La Russie cherche à élargir sa sphère d’influence à l’Est.
1. L’UNION EUROPENNE RESTE ATTIREE PAR UNE RUSSIE EN PLEINE EXPANSION MAIS PEINE A INVESTIR DURABLEMENT
1.1. La Russie affiche encore des montants d’investissements étrangers faibles malgré des attraits certains
Des montants d’IDE (entrants) qui restent faibles
Selon le Service fédéral de statistiques russe (Rosstat), le flux des investissements étrangers pour l’année 2007 a été multiplié par 2,2 par rapport à l’année 2006, soit 120 milliards de dollars en plus. En ce qui concerne les investissements directs étrangers (IDE) dans la Fédération de Russie, ils ont atteint 52 milliards de dollars en 2007, soit une hausse de 62 % par rapport à 2006 [51]. Ce chiffre reste faible comparé aux entrées d’IDE des USA (233 milliards de dollars), de la Grande-Bretagne (224 milliards de dollars) ou même de la France (158 milliards de dollars). Cependant, la Russie connaît depuis 2003 une des augmentations les plus fortes des flux d’IDE. Partis de zéro en 2000-2001, les investissements directs représentent 41% du total des investissements étrangers en 2007. Et le stock d’investissements directs en Russie s’élève fin 2008 à 324 milliards de dollars, soit 25% du PIB [52].
Il convient de préciser qu’une partie importante de ces investissements provient de zones offshores. Il s’agit de capitaux d’investisseurs russes qui reviennent dans le pays (les flux croisés avec les zones offshores représentent 20% de son PIB). En 2007, trois pays étaient à l’origine de 62,4% des flux entrants dans le secteur non-bancaire : Chypre (11,6 milliards de dollars), les Pays-Bas (9,4 milliards de dollars) et les Iles Bermudes (8,4 milliards de dollars) [53]. Cette particularité russe doit modérer l’analyse sur la progression des flux d’IDE qui sont, de toute évidence, surestimés.
Malgré la crise financière qui sévit depuis le deuxième semestre de 2007, les entrées d’IDE ont continué de progresser dans les pays en transition de l’Europe du Sud-Est et de la Communauté d’États indépendants (CEI), et les flux d’IDE entrants devraient encore progresser en Fédération de Russie [54].
En ce qui concerne les domaines d’investissement, 90% des IDE sont dirigés vers quatre grands secteurs économiques en 2007 : l’extraction de matières premières, la distribution, l’immobilier et la production manufacturière, dont 50% vers le seul secteur de l’extraction. Le secteur de la distribution est en pleine expansion et fait partie des premiers secteurs destinataires d’investissements directs. Au premier semestre 2008, on constate l’émergence du secteur de l’électricité (19% des IDE reçus). Le commerce et le service après vente pour des pièces automobiles sont également des destinations de plus en plus attractives pour les investisseurs étrangers, principalement à cause des faibles coûts de production, d’une main-d´œuvre très qualifiée et d’un marché intérieur en croissance. [55]
Les principaux pays investisseurs sont l’Allemagne dans le domaine énergétique (E.ON, BASF), la distribution (Métro AG) et l’agroalimentaire (Ehrmann), ainsi que le Royaume Uni et les Etats-Unis [56].
Pour un pays en pleine expansion comme la Russie, les flux d’IDE entrants restent faibles et le secteur énergétique reste encore le principal bénéficiaire. D’autres secteurs restent à investir et certains Etats membres, tels que l’Allemagne et le Royaume-Uni, sont déjà positionnés.
Des atouts qui attirent les investisseurs
Outre la croissance économique, plusieurs facteurs expliquent l’attrait des investisseurs étrangers pour la Russie.
D’abord l’importance de ses ressources naturelles, notamment pétrolières et gazières, en fait une zone particulièrement attractive. Selon les données de BP, la Russie détiendrait des réserves prouvées de pétrole de l’ordre de 48, 6 milliards de barils, soit 4,6 % du total mondial. Elles intéressent d’autant plus les investisseurs étrangers que de nombreuses zones, comme le Moyen-Orient, leur sont fermées. Or les compagnies pétrolières internationales cherchent constamment à accroître et diversifier leur portefeuille de réserves. « A l’horizon 2010, Yukos comme TNK tablent pour l’ensemble de la Russie sur une production de 11 millions de barils/jour contre 8 millions de barils/jour en 2004 » [57]. Ces perspectives d’augmentation de la production à court terme expliquent pour une partie l’attrait des principaux acteurs étrangers du marché du pétrole et du gaz. En outre, ces derniers misent sur le besoin en infrastructures lourdes et modernes nécessaires à l’exploitation des futurs gisements, Gazprom ayant concentré ses efforts sur les gisements faciles d’accès.
Ensuite, le faible coût de sa main d’œuvre et le potentiel important du marché intérieur incitent les entreprises non seulement à investir mais à s’installer (ex : Renault). Dans des secteurs tels que la distribution de détail, les rendements sont potentiellement élevés puisqu’ils visent un marché de la consommation en forte expansion en Russie.
Enfin, la perspective de l’adhésion à l’Organisation Mondial du Commerce devrait ouvrir de nouveaux débouchés, notamment dans les services financiers.
Autant d’éléments qui poussent les investisseurs à s’intéresser à la Russie malgré des difficultés constatées au quotidien.
1.2. Des investisseurs étrangers qui se heurtent à un protectionisme de l’Etat russe
Le durcissement progressif et généralisé du cadre réglementaire russe
Il convient dans un premier temps de souligner l’incertitude du cadre réglementaire russe. Dans les années 1995 – 2000, période de fortes privatisations des industries pétrolières au travers du programme Loans for shares, les modalités d’attribution des licences d’exploration et de développement n’ont a priori pas respecté les procédures légales. Il en résulte un risque sur le droit d’accès à la ressource russe. En effet, la majorité des licences n’a pas été obtenue à l’issue d’un processus d’appel d’offre comme l’exige la loi, il y a donc une incertitude forte sur la légitimité des détenteurs actuels de licences de développement et d’exploration. Depuis 2001, sur la base de ce vice de procédure, « l’Etat russe procède à des réaffectations discrétionnaires de certaines licences » [58], en particulier au profit de Rosneft et de Gazprom dont il est actionnaire majoritaire. On peut y voir une première reprise du contrôle de ce domaine par l’Etat qui ne souhaite pas voir les oligarques à la tête des grandes entreprises pétrolières faire affaire avec des investisseurs étrangers. L’affaire Youkos en est l’exemple le plus marquant.
Pour combler les lacunes du cadre réglementaire, le gouvernement propose diverses lois pour mieux reprendre en main le domaine énergétique. En 2003, la loi sur les accords de partage de production, signée en 1995, est ainsi modifiée afin de changer les conditions d’accès et de développement de la ressource pétrolière russe. La nouvelle loi établit que l’utilisation d’un accord de partage de production est limitée aux gisements pour lesquels aucun investisseur russe ne s’est déclaré prêt à assurer le développement sous le régime normal des licences. Les compagnies pétrolières internationales se trouvent obligées d’opérer dans un cadre législatif strictement russe, soit par la création d’une joint venture (comme BP le fait avec TNK), soit par l’entrée dans le capital des compagnies pétrolières russes existantes. Un autre exemple de durcissement est l’amendement apporté le 16 avril 2008 à la loi sur les sous-sols. Il est désormais écrit que, si au cours de la prospection d’un sous-sol, un investisseur étranger s’aperçoit que ce sous-sol a une valeur fédérale, le gouvernement russe peut lui retirer sa licence d’exploitation ou refuser de lui en redonner une.
Enfin, le Kremlin a récemment cadré plus fortement la possibilité d’investissement dans les industries extractives et dans d’autres secteurs stratégiques [59]. Depuis le 29 avril 2008, la Russie dispose d’une loi fédérale, votée par la Douma, qui fixe les modalités de réalisation d’investissements étrangers dans les sociétés à caractère stratégique pour la défense nationale et la sécurité de l’Etat. Cette loi définit un certain nombre de secteurs ayant une importance stratégique pour la Fédération de Russie et dans lesquels les investisseurs étrangers ne sont autorisés à prendre qu’une participation minoritaire après contrôle et autorisation du Gouvernement. Cette loi prévoit que toute entreprise étrangère privée désirant acquérir plus de 50 %, et toute entreprise étrangère publique souhaitant acquérir plus de 25 %, d’une société russe dans l’un de ces secteurs devra obtenir une autorisation spéciale auprès d’une commission présidée par le Premier ministre. La liste concerne pas moins de 42 secteurs, peu de domaines en sont exclus. On y trouve ainsi le nucléaire, l’armement, l’aéronautique, l’espace, la prospection géologique des ressources naturelles, l’extraction dans les gisements d’importance fédérale, la pêche, l’édition, les médias à grand tirage, les grands opérateurs de télécommunication, … Par ailleurs, il semble que « si la loi définit une procédure d’autorisation, elle ne définit pas véritablement une règle du jeu » [60]. On peut donc craindre que ces vides juridiques et réglementaires ouvrent la voie aux interprétations. Or, si on se réfère à la loi sur les modalités d’attribution des licences d’exploration et de développement, les interprétations ont systématiquement été arbitrées en faveur de l’Etat russe.
On constate donc une multiplication des contraintes institutionnelles et un durcissement des conditions d’accès des investissements étrangers sur le territoire russe. Si les investisseurs étrangers ont pensé un temps « faire leur marché » en Russie, le gouvernement a depuis quelques années pris les mesures nécessaires pour que ces investissements ne puissent pas aller à l’encontre des intérêts russes. Tout investissement important passera désormais par l’approbation du gouvernement russe et vraisemblablement au niveau le plus élevé. Comme l’écrit Catherine Locatelli, « Au bout du compte, les différents objectifs des acteurs russes pourraient se traduire par un seul résultat : des investissements étrangers limités, réalisés aux seules conditions des acteurs russes. [61] »
Des déconvenues pour les investisseurs en dépit d’annonces « alléchantes » du Kremlin
N’étant pas membre de l’OCDE, la Russie n’est pas soumise aux règles qui visent à assurer la liberté d’investissement et de circulation des capitaux. Au-delà du cadre législatif comportant des dispositifs faisant obstacles aux investissements étrangers dans certains secteurs, de nombreux exemples montrent que les investissements en Russie ne sont pas sans risque.
Tout d’abord, l’Etat est très présent dans les décisions d’investissements. L’exemple très médiatisé de la société Youkos en est l’illustration. Lorsque le groupe Youkos a été traîné devant les tribunaux en octobre 2003, de nombreux commentateurs ont dit que les entreprises occidentales hésiteraient davantage à investir en Russie. Certes, l’affaire Youkos a eu un impact à court terme sur les investissements, surtout dans le secteur pétrolier, et a contribué pendant quelque temps à freiner la croissance en Russie. Mais il semble que les investisseurs russes ont été plus affectés à court terme que les investisseurs étrangers. Cette affaire a montré les risques liés à l’exercice d’une activité industrielle ou commerciale en Russie. Toutefois, vu le niveau élevé des prix des produits de base et l’essor de la consommation, ceux qui sont prêts à courir ces risques peuvent encore en tirer des profits considérables.
Ensuite, le Kremlin souffle le « chaud et le froid » en faisant des déclarations pour attirer les investisseurs tout en prenant des mesures propres à les faire fuir. L’affaire TNK-BP illustre parfaitement ces aspects. A l’occasion d’un discours à la foire de Hanovre le 10 avril 2005 en présence du chancelier allemand Gerhard Schröder, Vladimir Poutine annonçait : « Les perspectives de croissance et de diversification de notre économie nationale dépendent du degré de liberté économique dont disposent les entreprises étrangères implantées sur notre territoire national, mais aussi de la capacité de l’Etat à garantir un climat des affaires favorable, transparent et prévisible. » Cette annonce pouvait laisser croire que le gouvernement russe cherchait à mettre en confiance les investisseurs étrangers. Pourtant, le lendemain même de ce discours, la compagnie pétrolière TNK-BP, détenue à hauteur de 50 % par le britannique BP, annonçait qu’elle devait débourser 936 millions de dollars pour arriérés d’impôts remontant à 2001 [62]. Le groupe britannique, qui cherchait à prendre une place importante dans le contrôle des ressources en hydrocarbures de Sibérie, se heurte régulièrement au système judiciaire et législatif russe. On peut citer le refus par l’administration russe de renouveler les visas des employés britanniques début 2008, en particulier celui du PDG Robert Dudley. En mars 2008, des perquisitions ont été conduites au siège de TNK-BP ainsi qu’au bureau de BP à Moscou. Et le PDG de TNK-BP a démissionné conformément aux souhaits exprimés par les quatre actionnaires (et oligarques) russes. Pour certains, ces pressions russes ont pour objectif de contraindre TNK-BP à ouvrir son capital à Gazprom qui ne cache pas sa volonté d’acquérir une partie de cette compagnie. Pour d’autres, elles reflètent l’état des relations entre la Russie et la Grande-Bretagne. Enfin, Jacques Sapir y voit plus un rapport de force destiné à obliger BP à renégocier les accords de production considérés comme défavorables à la Russie [63]. Quoiqu’il en soit, elles illustrent la reprise en main du secteur par le Kremlin.
Le décalage entre les annonces « à haut niveau » et les faits, le climat de tension auxquels sont soumis les investisseurs étrangers sont autant d’éléments qui suscitent la méfiance vis-à-vis du système russe dans son ensemble. Pour certains spécialistes de la Russie, cette méfiance est complètement justifiée. Ainsi, selon Hélène Blanc, « Poutine a mis en place un pouvoir fort […] mieux axé sur l’application des lois. Malgré tout, après 10 ans d’anarchie institutionnelle, il est aujourd’hui difficile de faire jouer ces lois concrètement ; par conséquent, en Russie, tout investisseur – russe ou étranger – s’inquiète toujours un peu de savoir si le contrat sera « légalement » respecté ou s’il devra faire appel à une « krycha » (protection mafieuse) [64]. » Face à un Etat en reconstruction - voire en construction – le climat d’affaires en Russie n’a pas encore atteint un niveau de stabilité et de prévisibilité tel qu’il est attendu par les pays occidentaux.
Des exemples encourageants et des gestes d’apaisements
Pourtant, dans certains domaines, l’investissement étranger se porte bien. En janvier 2005, Alcoa rachète deux fonderies d’aluminium russes pour 257 millions de dollars. En mars 2005, Coca Cola fait l’acquisition de Multon, premier producteur russe de jus de fruits, pour une valeur estimée à 600 millions de dollars. En avril 2005, une filiale de Renault ouvre une usine près de Moscou pour un coût de 230 millions de dollars. Selon Jacques Sapir, « il n’y a pas d’entreprise moderne sans chaîne de sous-traitance. Et pour que la Russie bénéficie de cette chaîne de sous-traitance, elle doit favoriser l’installation de grands-groupes, tels que Renault, qui à leur tour feront s’installer des entreprises de sous traitance. [65] » Là encore une stratégie par étapes dont doivent bénéficier, au moins dans un premier temps, les investisseurs étrangers.
Vis-à-vis des domaines dits stratégiques, et comme pour faire taire les critiques, les deux premiers dossiers examinés par la Commission gouvernementale, dans le cadre de la nouvelle loi adoptée par la Douma, ont donné lieu en octobre 2008 à des réponses positives. Ainsi Archangel Investment, filiale de De Beers, a été autorisée à racheter 49,99% des actions d’Archangelskgeoldobytcha, filiale de Loukoïl (à 99.37%). Et la Worlds Wing SA, filiale d’Alenia Aeronautica (qui fait partie du groupe Finmeccanica) a été autorisée à prendre 25% plus une action de la société Avions civils de Soukhoï (GSS).
Il semble qu’il y ait des « ouvertures » en Russie pour encourager les investisseurs étrangers. A vrai dire, la Russie a besoin de capitaux et de technologies innovantes pour se moderniser, elle doit donc veiller à se montrer plus attractive et plus prévisible.
2. FACE A LEUR INTERDEPENDANCE, L’UE ET LA RUSSIE CHERCHENT LA VOIE DU PARTENARIAT
2.1. UE – Russie, une forte interdépendance
L’UE, dépendante de la Russie en matière énergétique
Premier producteur mondial de gaz et deuxième producteur de pétrole, la Russie est un fournisseur incontournable pour une Europe qui souhaite sortir de sa dépendance à l’égard de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). En 2008, elle est le premier fournisseur d’hydrocarbures de l’Union européenne : premier fournisseur de gaz naturel des Vingt-sept (avec 40 % des importations, ce qui représente 19 % de la consommation totale de gaz de l’Union européenne) et le deuxième fournisseur de pétrole (avec 20 % des importations et 16 % de la consommation totale) [66].
La dépendance des pays européens à l’égard des hydrocarbures russes est assez variable : 55 % du gaz consommé par l’Autriche provient de Russie, contre 37 % en Allemagne, 23 % en Italie et 21 % en France. D’autres Etats affichent une dépendance moindre, tandis que l’adhésion de certains pays de l’ancien bloc de l’Est a indéniablement accru le poids de la Russie dans la consommation européenne d’hydrocarbures. Certains des nouveaux Etats membres achètent 90 % de leur énergie au voisin russe : plus de 90 % pour la Pologne, la quasi-totalité pour les Etats baltes. Et de nombreux pays d’Europe centrale ou orientale dépendent entièrement de la Russie pour leur approvisionnement en gaz, comme la Slovaquie ou les Pays Baltes, la part du gaz russe est de 94% en Bulgarie, 80 % en Pologne, 100% en Finlande. Cette dépendance énergétique de l’Union européenne vis-à-vis de la Russie devrait fortement s’accroître dans les prochaines années.
La dépendance en matière de gaz est celle qui devrait augmenter dans les prochaines décennies, compte tenu de la hausse de la consommation dans l’Union européenne et de l’épuisement du gisement gazier en Mer du Nord. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande européenne de gaz devrait augmenter de 50 % d’ici 2020 et, selon le ministère russe de l’énergie, la Russie pourrait fournir 70 % du gaz importé par les pays européens (contre 40 % aujourd’hui) [67].
Face à l’augmentation de la consommation énergétique en Europe, l’UE a jugé, lors du lancement du partenariat énergétique, qualifié à l’époque de "Plan Prodi" en 2000, qu’elle avait intérêt à augmenter ses approvisionnements en provenance de Russie. Il s’agit pour elle de s’assurer de livraisons régulières en provenance d’un pays proche et en voie de stabilisation politique. L’idée est qu’à terme la Russie subvienne à 40 % de la consommation énergétique européenne. [68]
La Russie dépendante de l’UE, son principal client
Réciproquement, l’UE est le premier partenaire commercial de la Russie, et la destination principale de ses exportations. En 2007, l’Union européenne a absorbé 56% des exportations russes [69].
En particulier, l’UE est le premier consommateur de produits énergétiques russes. Lors du Sommet de Paris, le 30 octobre 2000, la Russie estimait alors avoir besoin d’accroître ses livraisons d’hydrocarbures à l’Europe, source importante de devises pour une économie russe encore largement basée sur la rente pétrolière. Ainsi, en 2003, la Russie a dirigé vers l’UE 58 % de ses exportations de pétrole et 65 % de ses ventes de gaz.
En outre la Russie a également besoin de financement pour moderniser ses réseaux, que ce soit pour le gaz, le pétrole ou l’électricité. Elle a besoin des technologies et des investissements européens pour accroître ses capacités de production et moderniser un outil de production obsolète afin d’exploiter de nouveaux gisements, généralement difficiles d’accès, et réaliser les infrastructures nécessaires de sortie des hydrocarbures (gazoducs et oléoducs). Selon un rapport du Sénat, les besoins d’investissements sont évalués par la Commission européenne - dans le seul secteur énergétique russe - à 735 milliards de dollars d’ici 2030. Le fonds de stabilisation, créé par le gouvernement russe, ne permet pas de couvrir ce montant. La Russie va donc devoir se montrer plus attractive, plus prévisible et plus constante vis-à-vis des investisseurs étrangers si elle veut continuer à se positionner dans les premières places des pays fournisseurs d’énergie. « A l’évidence, les investisseurs européens sont nécessaires pour réussir l’adaptation des infrastructures russes. Dès lors, l’Europe n’est pas seulement un « consommateur payeur » mais un interlocuteur avec lequel la Russie doit compter [70] ».
2.2. UE – Russie : une relation de longue date mais un partenariat difficile à concevoir
Dès l’effondrement de l’URSS, l’UE a voulu établir un lien privilégié avec la Russie
Dès la chute de l’URSS, l’UE cherche à établir des coopérations avec la Russie.
En juin 1994, un accord de partenariat et de coopération (APC) est signé dans le but d’encadrer les échanges économiques et commerciaux. Entré en vigueur le 1er décembre 1997 pour une durée de dix ans reconductible, l’APC doit mettre en place les conditions pour la création d’une zone de libre-échange. Moscou doit harmoniser sa législation avec celle de la Communauté européenne en matière de normes et de droit (en particulier dans le domaine de la concurrence, de la fiscalité, de la protection de la propriété intellectuelle,…) , et renforcer la coopération avec l’UE dans les secteurs prioritaires tels que le transport, l’énergie, les télécommunications,…. Bruxelles, de son côté, accorde à la Russie un régime commercial spécial mêlant les notions de « pays à commerce d’Etat » et « pays à économie en transition ».
Pour soutenir le processus de transition en Russie, l’UE propose un programme d’aide communautaire, TACIS (Technical Assistance to the Commonwealth of Independant States-CEI). Il s’agit d’une aide financière d’assistance technique devant encourager "l’établissement de conditions favorables à l’économie de marché et renforcer la démocratie". La Russie a été le principal bénéficiaire du premier programme, TACIS I (1991 à 1999), avec 30,2 % des fonds alloués ce qui lui a permis de percevoir un montant de 1,2 milliard d’euros (hors programmes régionaux). Dans les faits, il est « l’instrument sur le terrain de la politique européenne à l’égard de la Russie ; mais il a également joué un rôle dans la définition progressive de cette politique, par la connaissance des réalités russes qu’il apportait à l’administration bruxelloise » [71].
Dès l’effondrement de l’URSS, l’UE s’est donc interessée à son « grand voisin » et a voulu établir des relations privilégiées. Consciente des atouts de la Russie dans certains domaines, comme celui de l’énergie, elle a multiplié les accords et les aides. Mais elle a constamment mis en condition le partage de ces valeurs et de ses principes (liberté, libre-échange,…). D’une certaine manière, elle a tenté un « arrimage » de la Russie.
UE – Russie, un partenariat à réussir mais qui se heurte à de nombreux différends
Le partenariat avec la Russie est « le plus important, le plus urgent et le plus lourd des défis pour l’Union européenne », a déclaré le Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, lors de sa prise de fonction en octobre 1999. Bruxelles souhaite établir un partenariat plus étroit avec la Russie afin d’obtenir une sécurité et une prévisibilité accrues. Cependant des exemples montrent que le chemin du partenariat « à l’européenne » peut être encore long.
Ainsi, en 2004, l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale constitue un premier sujet de tension. La Russie refuse par exemple l’extension automatique de l’accord de partenariat et de coopération (APC) aux futurs pays membres. Aussi, lorsqu’en 2006 l’Union européenne et la Russie expriment la volonté de lancer les travaux pour conclure un nouvel accord de partenariat en remplacement de l’APC arrivant à échéance, la Pologne, puis la Lituanie, bloquent pendant près de deux ans le mandat devant permettre le début des négociations. Il reste donc de part et d’autre des « arriérés » qui freinent la mise en place d’un véritable partenariat basé sur une confiance réciproque.
Certes, la création en mai 2003, lors du sommet de Saint-Pétersbourg, des quatre « espaces communs » peut être vue comme un nouveau départ. L’UE et la Russie ont en effet adopté une déclaration conjointe et ont convenu de renforcer leur coopération sur la base de quatre volets, baptisés « espaces communs ». Ces quatre espaces communs concernent les aspects économiques et commerciaux, les aspects « justice et affaires intérieures », les questions de sécurité internationale et les questions éducatives et culturelles. Mais les « feuilles de route » pour chacun de ces espaces, agréées au Sommet de Moscou en mai 2005, manquent de précision et n’abordent pas le différentiel de valeurs qui sépare les partenaires. Elles ne constituent pas un engagement réciproque tel qu’un partenariat l’exige et elles ne règlent pas le débat stratégique sur la place de la Russie dans l’espace européen. En particulier, les quatre espaces sont censés s’articuler avec la politique européenne de voisinage de l’UE (PEV) qui englobe, notamment, l’Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie et le Sud-Caucase. Or, il existe un vrai différend entre l’UE et la Russie sur cette question de voisinage commun ; la Révolution orange de novembre-décembre 2004 en Ukraine, et la guerre en Géorgie en 2008 ont permis d’en mesurer l’ampleur.
Enfin, la Charte européenne de l’énergie constitue un point de divergence. Elle vise à établir un cadre juridique stable de coopération énergétique entre l’UE et la Russie, en particulier la protection des investissements. Elle doit garantir un traitement équitable et non discriminatoire des entreprises européennes « pour l’accès aux ressources énergétiques russes, alors que les autorités russes veulent avoir la possibilité d’acquérir et de contrôler des entreprises européennes de gaz et d’électricité et accéder au marché européen de l’énergie.[…] Pour les membres de la délégation du Sénat, l’établissement d’un partenariat stratégique entre l’Union européenne et la Russie répond aux intérêts des deux partenaires et serait de nature à rapprocher la Russie de l’Occident » [72]. L’Union européenne souhaite donc que soient respectés les principes posés. Mais le refus répété des autorités russes de ratifier l’accord de la Charte sur l’Energie fait craindre une réticence forte du gouvernement russe vis-à-vis d’une ouverture de la Russie dans le domaine de l’Energie.
Néanmoins, un partenariat « solide » permettrait d’accompagner efficacement les relations économiques et commerciales qui se sont développées ces dernières années. A titre d’exemple, l’UE envisage de développer des moyens de stockage pour le gaz et le pétrole. Le dimensionnement de ces moyens de stockage va s’appuyer sur une évaluation du risque de rupture en approvisionnement. Ce risque est d’autant plus fort que la confiance vis-à-vis des pays fournisseurs est faible. Un contrat énergétique avec la Russie l’engageant sur une quantité annuelle permettrait ainsi de dimensionner au juste besoin ces capacités de stockage. A contrario, si l’UE manque de visibilité et de confiance dans ce fournisseur majeur, elle risque de dimensionner largement. Comme indiqué par M. Andris Piebalgs, « le mieux serait de nouer de bonnes relations avec les pays producteurs » et dans ce cadre, un système de early warning a été mis en place avec la Russie [73]. De son côté, la Russie bénéficie d’une position de choix entre deux grands « consommateurs », l’UE d’un côté et la Chine de l’autre. Selon Christophe-Alexandre Paillard, la Russie ne va pas pouvoir honorer la demande de l’UE [74]. Là encore, il conviendrait de s’y préparer ensemble et non de constater a posteriori cette incapacité. De son côté, sur la base d’un contrat, la Russie pourrait avoir l’engagement de l’UE sur une consommation annuelle et sur une progression, ce qui lui permettrait d’organiser les investissements nécessaires pour honorer la demande. Elle pourrait aussi bénéficier des technologies occidentales indispensables à l’exploitation de gisements difficiles d’accès, augmenter sa capacité de production et répondre à la demande.
Bien qu’intéressant pour les deux parties, le partenariat UE / Russie se heurte encore à des approches différentes. Dans ses relations avec la Russie, l’UE calque un modèle européen de partenariat basé sur le partage de valeurs communes. La Russie quant à elle veut être reconnue comme une puissance à part entière et n’entend pas se faire imposer les règles et directives de l’UE.
3. COMMENT L’UE ET LA RUSSIE INVESTISSENT POUR GAGNER EN AUTONOMIE ET EN INFLUENCE
3.1. La mise en sécurité de certains domaines par l’UE et certains Etats membres
La sécurité des approvisionnements dans le domaine énergétique
Dans le domaine de l’énergie, la sécurité des approvisionnements représente depuis longtemps une priorité pour l’UE. En 2000, face à sa dépendance vis-à-vis de l’OPEP, l’UE a annoncé, dans le cadre du dialogue énergétique avec la Russie, qu’elle prévoyait d’importer plus massivement des hydrocarbures russes. En 2005, la Russie est son principal fournisseur. Mais elle cherche depuis peu à mieux équilibrer ses importations pour plusieurs raisons.
D’abord, l’UE est inquiète vis-à-vis d’une rupture en hydrocarbures russes, en particulier une rupture de gaz. L’actualité de janvier 2009 a montré que l’approvisionnement des Etats membres dépend de pays de transits, tels que l’Ukraine ou la Biélorussie, avec lesquels la Russie n’hésite pas à utiliser « l’arme énergétique » pour arriver à ses fins [75], en coupant les arrivées de gaz par exemple. Même si l’ensemble des experts s’accorde à rejeter l’hypothèse d’un chantage énergétique direct de la part de la Russie vis-à-vis de l’Union européenne, cette dernière subit des dommages lorsque la Russie « se fâche avec ses voisins ». Ensuite, il existe une inquiétude réelle quant à la capacité de la Russie à honorer la demande croissante de l’UE en matière de gaz. Parmi les experts du domaine, Christophe-Alexandre Paillard démontre, en partant d’hypothèses de capacité de production de la Russie et de consommation des pays clients, qu’« il manque, pour l’hypothèse la plus optimiste, 63 milliards de m3 si la Russie veut répondre à la demande de tous ses clients. C’est pratiquement 200 milliards de m3 qui manqueraient si l’hypothèse la plus catastrophique était retenue » [76]. Autant d’éléments qui montrent que « la diversification des sources paraît constituer la clé de la sécurité des approvisionnements et la meilleure stratégie pour l’Union européenne » [77].
L’UE craint également le contrôle des voies de transit par la société Gazprom.
Face aux nombreux investissements de Gazprom dans les sociétés de transit et de distribution des pays d’Europe centrale et orientale, l’UE a annoncé en 2002 le lancement du projet Nabucco qui vise à construire un gazoduc pour accéder aux ressources des pays producteurs d’Asie centrale. Le tracé doit traverser le territoire de la Turquie et contourner celui de la Russie.
Mais le lancement du projet « South Stream » - porté par la Russie - sème la confusion au sein de l’UE, la Russie s’étant assurée le soutien de plusieurs Etats membres comme l’Italie, la Bulgarie, la Hongrie, la Grèce et l’Autriche.
La diversification ne se limite pas aux fournisseurs, elle concerne également les types d’énergie. Par exemple, l’UE étudie l’utilisation plus massive de gaz liquide. Des liens pourraient être développés avec l’Algérie, le Nigéria ou le Qatar. L’énergie renouvelable est également valorisée. L’énergie nucléaire – qui place la France dans une relative position privilégiée - suscite encore de nombreux débats, en particulier en Allemagne.
La sécurité énergétique est donc devenue un enjeu pour l’UE. Le traité de Lisbonne consacre d’ailleurs une part importante à l’énergie et évoque une nécessaire « solidarité énergétique ». Les relations de l’UE avec les pays producteurs d’énergies – OPEP, Russie, Algérie, Norvège – mais également les pays de transit tels que l’Ukraine ou la Turquie ou avec les pays consommateurs sont au cœur de la stratégie commune, l’essentiel étant de parler d’une seule voie.
Les mesures de protection établies par l’UE et certains Etats membres
Les Etats européens se classent parmi les pays les plus largement ouverts aux investissements étrangers, selon l’indice de restriction aux investissements directs étrangers conçu en 2007 par l’OCDE.
Cet indice mesure les discriminations à l’encontre des investissements étrangers. Il se base sur l’analyse des règlementations en vigueur en 2007 dans neuf secteurs économiques : transports, télécommunications, banques et assurances, électricité, construction, … dans les pays de l’OCDE et dans plusieurs pays hors OCDE (Russie, Chine, …).
Certains Etats, comme la France dès 2005 et l’Allemagne plus récemment, tentent de définir des règles de protection en matière de prise de participation.
En France, le décret du 30 décembre 2005 sur les secteurs stratégiques prévoit que les investisseurs étrangers voulant prendre le contrôle ou acquérir une minorité de blocage de 33,33 % dans des sociétés de onze secteurs d’activité considérés comme sensibles doivent solliciter au préalable une autorisation auprès des autorités françaises. Parmi les secteurs concernés, on trouve : la sécurité privée, la cryptologie, les activités exercées par les entreprises dépositaires de secrets de la défense nationale, les activités de recherche, de production ou de commerce d’armes… La Commission européenne, tout en reconnaissant la validité des objectifs de sécurité publique et de défense, a critiqué cette « liste positive » de onze secteurs. Elle a engagé en avril 2006 une procédure contre ce texte, l’estimant incompatible avec la liberté de circulation des capitaux dans l’UE.
L’Allemagne s’achemine elle aussi vers un dispositif de protection allant bien au-delà du secteur de la défense, mais en étant plus évasive et sans établir une liste précise de secteurs. Le gouvernement d’Angela Merkel a approuvé un amendement à la loi sur l’activité économique extérieure durcissant les conditions d’acquisition d’entreprises allemandes par des étrangers. Toute transaction touchant plus de 25 % du capital d’une entreprise travaillant pour la défense doit être déclarée au ministère fédéral de l’économie. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour interdire l’acquisition, dans le cas où il s’agit de préserver les « intérêts de sécurité majeurs de la République fédérale d’Allemagne ». Ce dispositif législatif qui concernait jusqu’alors strictement le secteur de la défense pourrait être considérablement élargi. Mais le gouvernement allemand doit faire face à une forte opposition des entrepreneurs qui arguent que les investisseurs étrangers permettent de faire travailler 2 millions de personnes en Allemagne. En outre, ces transactions ouvrent la voie aux hommes d’affaires allemands à des marchés très prometteurs, notamment au marché russe.
On constate donc que les Etats membres ont choisi une certaine forme de protectionnisme mais leurs initiatives se heurtent souvent aux règles européennes et internationales. Si l’OCDE s’oppose au protectionnisme à l’égard des fonds souverains, elle estime néanmoins que le projet de Berlin trouve le « juste équilibre » entre contrôle des investissements dans les secteurs stratégiques et ouverture des marchés de l’investissement [78]. C’est principalement au niveau du droit communautaire que se trouvent les obstacles juridiques à la défense des entreprises avec notamment l’interprétation de l’article 56 du traité qui pose « l’interdiction de restreindre la liberté de circulation des capitaux entre Etats membres et pays tiers ».
Toutefois, pour conserver une certaine autonomie dans le domaine énergétique, la Commission a présenté en septembre 2007 le troisième « paquet énergie » qui contient une clause de protection vis-à-vis d’acquisitions dans le domaine énergétique. Appelée « clause des pays tiers », ou « clause Gazprom » par certains experts, cette clause prévoit une réciprocité dans l’échange et l’investissement pour éviter une vente massive d’actifs énergétiques stratégiques de l’UE aux entreprises étrangères, comme le russe Gazprom. Cependant cette clause fait l’objet d’une controverse entre les Etats membres de l’UE qui ont conclu des contrats bilatéraux avec la Russie (l’Allemagne et l’Autriche y sont opposées) et la négociation est difficile.
L’équilibre au sein de l’UE entre les valeurs telles que la libre circulation des capitaux et les mesures de protection nécessaires sous peine de voir préempter des domaines stratégiques se heurte encore à des divergences d’intérêts entre Etats membres.
3.2. Une stratégie russe d’influence qui dépasse largement le cadre de l’Union européenne
Des liens tissés avec les pays disposant de ressources en énergie
L’Asie centrale post-soviétique intéresse particulièrement la Russie pour asseoir sa position dominante dans le domaine de l’énergie. Elle multiplie là-aussi les accords bilatéraux. Ainsi, « en l’espace de quelques années, Gazprom est parvenue à construire un quasi-monopole pour l’exploitation et le transport de gaz en Asie centrale. Les investisseurs occidentaux étaient parvenus à s’infiltrer dans le secteur de la production pétrolière mais ils se sont retrouvés exclus du secteur gazier. [79] » Gazprom a signé en mars 2008 des accords avec les entreprises nationales Kazmounaïgaz (Kazakhstan), Uzbekneftegaz (Ouzbékistan) et Turkmengaz (Turkménistan) qui lui permettent d’avoir une place de leader pour la fourniture de gaz centrasiatique. Certains pays affichent des ressources en hydrocarbures en quantité importante. Le Turkménistan, par exemple, dispose de réserves de gaz prouvées estimées à 3 000 milliards de m3 qui le place au 11ème rang mondial (réserves potentielles de 20 000 milliards de m3 le placerait au 4ème rang mondial) [80]. Gazprom est devenu l’opérateur de transit pour le gaz turkmène, et le Turkménistan, qui produit 60 milliards de m3 de gaz par an, en vend 42 à Gazprom [81]. Les nouveaux gisements de gaz découverts dans le Sud est du Turkménistan devrait encore resserer les liens avec la Russie. De son côté, le holding Lukoil a investi plus de 2 milliards de dollars dans l’extraction de pétrole au Kazakhstan, en y créant, avec la corporation nationale KazMunaïGaz, la Compagnie pétrolière de la Caspienne.
La Russie voit encore plus large. Vladimir Poutine a en effet multiplié les déplacements dans les autres pays fournisseurs d’énergie. Il a plusieurs fois exprimé son intérêt pour un renforcement du partenariat avec les autres pays producteurs, voire un cartel des pays producteurs, une sorte d’ « OPEP du gaz » [82].
Une volonté d’influence à l’Est
La Russie appartient à de nombreuses organisations intergouvernementales en Asie centrale et en Eurasie. Elle tient à chaque fois un rôle majeur. Ainsi, elle est l’acteur « clé » de la Communauté des Etats Indépendants et des organisations qui en découlent, comme la communauté économique eurasienne (EURASEC) [83] qui vise l’établissement d’une union douanière et la création d’un espace économique unique. En 2001, la Russie a rejoint l’Organisation de coopération de Shangaï (OCS) qui offre un lieu d’échange entre le pays le plus vaste du monde (la Russie) et le pays le plus peuplé (la Chine). En 2004, la Russie adhère à l’Organisation de coopération centre-asiatique (OCCA). La participation de la Russie à autant d’organisations intergouvernementales montre combien elle entend développer son influence dans cette région du monde.
Avec la Chine, la relation est plus complexe. Les besoins en énergie de la Chine, principalement en pétrole mais aussi en gaz, la positionnent comme un client potentiel important pour le Russie. Lors de sa visite au printemps 2006, le Président Poutine a signé avec la Chinese National Petroleum Corporation un accord pour lancer le projet Altaï dont le coût est estimé à 14 milliards de dollars. Il s’agit de construire un gazoduc depuis le gisement de Sibérie occidentale de Kovytka pour amener 30 milliards de mètres cubes de gaz russe par an vers la Chine à compter de 2010. Il est vrai que depuis plusieurs années, les dirigeants russes expriment leur volonté de réorienter les exportations de gaz de l’Europe vers les Etats Unis ou vers l’Asie (Chine, Japon, Corée du Sud). En septembre 2007, Vladimir Poutine a d’ailleurs annoncé que la Russie exporterait 30 % de ses hydrocarbures vers l’Asie d’ici dix ou quinze ans [84]. Mais la Russie, qui doit faire face à une forte dépopulation à l’est, se méfie de ce voisin dont la population, déjà nombreuse, devrait encore augmenter pendant les prochaines années. L’émergence de la puissance chinoise, le renforcement de son influence, notamment en Asie centrale, et surtout la pression démographique chinoise exercée sur les régions sous-peuplées de Sibérie suscitent une grande méfiance de la part de la Russie.
Autant d’actes et engagements qui montrent que la Russie joue sur deux tableaux : elle tisse des liens en Asie centrale pour rester maître du jeu dans la fourniture et la distribution des hydrocarbures, et elle avance quelques pions pour élargir sa sphère d’influence à l’Est.
Après des années 1990 catastrophiques, la Russie affiche une reprise économique insolente au début des années 2000, années qui coïncident avec l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Plusieurs facteurs expliquent ce retournement de situation. D’abord, l’exploitation et l’exportation de ses ressources en hydrocarbures, en particulier pétrole et gaz, lui ont permis d’assainir sa situation économique et de se doter de réserves financières importantes. Ensuite, le gouvernement s’est attaché à « reprendre en main » le pays : nationalisation des entreprises du domaine énergétique, choix judicieux de guébistes pour occuper les postes clés étatiques et industriels, contrôle des oligarques. Le Kremlin tient désormais toutes les cartes pour piloter son économie. Si les investissements russes à l’étranger peuvent être vus comme une volonté de s’intégrer dans l’économie mondiale, ils s’avèrent qu’ils répondent également à la stratégie économique et politique du gouvernement. Les différents accords bilatéraux, signés avec certains Etats membres, sont autant de liens qui permettent « d’ancrer » la Russie au sein de l’Union européenne. Les investissements sont choisis pour permettre à la Russie soit de consolider sa position déjà forte dans le domaine énergétique, soit d’acquérir des compétences et savoir-faire qui lui font défaut dans des domaines stratégiques.
De son côté, l’Union européenne est attirée par ce grand voisin qui offre des perspectives intéressantes : croissance économique, ressources naturelles à exploiter, faible coût de main d’œuvre, potentiel important du marché intérieur. Mais elle se heurte à un cadre réglementaire qui se durcit progressivement et qui réduit le champ possible d’investissements. Même si le Kremlin annonce régulièrement son intention d’établir un climat des affaires favorable, il met en place un contrôle plus strict vis-à-vis des investissements en provenance de l’étranger. L’Union européenne a cru à la démocratisation de la Russie et a cherché très tôt à établir des relations privilégiées. Face à leur interdépendance, notamment dans le domaine énergétique, elle prône la mise en place d’un partenariat. Pourtant les sujets de divergence sont nombreux et les incompréhensions mutuelles. L’ Union européenne cherche à imposer ses valeurs, tel que le libre-échange. La Russie, encore fragile au plan économique, n’entend pas se soumettre à des règles « étrangères ». En attendant qu’un partenariat ou une coopération croisée soient établis, chacun investit pour réduire son interdépendance et gagner en autonomie.
Si l’Union européenne cherche à se réformer pour être plus forte sur la scène internationale, la Russie poursuit le même objectif et souhaite à nouveau être un acteur de la décision. Les méthodes et moyens sont différents. Cependant la Russie, par sa position centrale entre Occident et Orient, est convaincue qu’elle a un rôle particulier à jouer sur l’échiquier mondial. Pour l’Union européenne, il est préférable que le débat séculaire entre « zapadnik » (pro occidentaux) et « slavianofily » (slavophiles) tourne à l’avantage des premiers [85].
Manuscrit clos en mars 2009
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[1] Lire Pierre VERLUISE, Le nouvel emprunt russe, Paris, Première Ligne, 1995.
[2] Jacques SAPIR, Le nouveau XXIème siècle, Paris, Seuil, 2008, p. 139.
[3] Rapport d’information du Senat n°416 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à la suite d’une mission en Russie effectuée du 21 au 25 avril 2008 par un délégation chargée d’étudier La situation intérieure, ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale, p. 13.
[4] Mission Economique de Moscou, La fédération de Russie : fiche signalétique, www.ubifrance.fr, 25 nov. 2008.
[5] La dette héritée de l’URSS, http://russie.net, 25 août 2006.
[6] NOUGAYREDE Nathalie, L’économie russe se refait une santé grâce aux fortes rentrées de devises, Le Monde, 1er oct. 2004.
[7] www.clubdeparis.org – Le Club de Paris est un groupe informel de gouvernements créanciers des pays industrialisés. Parmi les membres du Club de Paris, créanciers de la Russie, on trouve l’Allemagne, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Royaume-Uni,…
[8] Mission Economique de Moscou, La fédération de Russie : fiche signalétique, www.ubifrance.fr, 25 novembre 2008.
[9] Bulletin de la Banque centrale européenne, La Russie : partenaire stratégique de la zone euro, novembre 2005.
[10] AHREND Rudiger et THOMPSON William, Économie russe : comment garder le rythme ?, www.observateurocde.org, Département des affaires économiques, mai 2005.
[11] Rapport d’information du Senat n°416 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à la suite d’une mission en Russie effectuée du 21 au 25 avril 2008 par un délégation chargée d’étudier la situation intérieure, ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale - p 15.
[12] NOUGAYREDE Nathalie, L’économie russe se refait une santé grâce aux fortes rentrées de devises, Le Monde, 1er octobre 2004.
[13] On distingue en général trois types d’investissements à l’étranger : les investissements directs à l’étranger (IDE), les investissements de porte feuilles et les autres investissements (prêts ou crédits, dépots bancaires, …). Les IDE sont les plus significatifs au plan économique et politique car ils servent en général à l’acquisition ou à la création d’entreprise, ou à la prise de participations ; ils s’accompagnent d’une influence sur la gestion de l’entreprise. Ils sont un moyen d’internationaliser des firmes, en particulier les moyens de production. Pour les pays accueils, ils sont facteur de croissance. Les investissements de porte-feuille correspondent eux à des placements financiers.
[14] Deutsche Bank Research, Les investissements russes à l’étranger, www.dbresearch.com/, 30 avril 2008.
[15] CNUCED et les Services statistiques des pays concernés, Comparaison des pays élergents en 2007, 2008.
[16] GARRIGUES Daniel, rapporteur de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union Européenne, L’Union européenne et les fonds souverains, rapport n°1056, mis en distribution le 21 juillet 2008.
[17] Classement des fonds souverains, http://fonds-souverains.over-blog.com/ , 22 novembre 2008.
[18] GARRIGUES Daniel, Les fonds souverains, révélateurs de nos propres faiblesses, Rapport d’information N°963 déposé par la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juin 2008, p. 5.
[19] Sources : www.minfin.ru/en/nationalwealthfund/statistics/amount/ et www.minfin.ru/en/reservcefund/statistics/amount/
[20] GOURIEV Sergei et TSYVINSKI Aleh, Les russes arrivent - avec de l’argent, traduit de l’anglais par Bérengère Viennot, www.project-syndicate.org/, 2008.
[21] ACHOUR Anouar, COMETTO Hélène, DESCAMPS Samuel, HAMMOND Christophe, LACOYE-MATEUS Alice, Les fonds souverains : conquête de la politique par la finance, Ecole de guerre économique, Stratégie des fonds souverains offensifs, décembre 2007.
[22] ACHOUR Anouar, COMETTO Hélène, DESCAMPS Samuel, HAMMOND Christophe, LACOYE-MATEUS Alice, Les fonds souverains : conquête de la politique par la finance, Ecole de guerre économique, Stratégie des fonds souverains offensifs, décembre 2007.
[23] DUGAIN Marc, Une exécution oridnaire, Gallimard, février 2007.
[24] BLANC Hélène, KGB connexion , le système Poutine, Editions Hors commerce, mars 2004, p. 178.
[25] MILLOT Lorraine, La Russie nouvelle, Actes Sud (Questions de sociétés), février 2008, p. 265 et p. 266.
[26] Rapport d’information du Senat n°416 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à la suite d’une mission en Russie effectuée du 21 au 25 avril 2008 par une délégation chargée d’étudier la situation intérieure, ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale, p. 15.
[27] LOCATELLI Catherine, chargée de recherche CNRS, L’industrie pétrolière russe face aux investissements internationaux : contraintes et opportunités, LEPII-EPE (ex-IEPE), Université de Grenoble II, septembre 2004.
[28] Rapport d’information du Senat n°416 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à la suite d’une mission en Russie effectuée du 21 au 25 avril 2008 par une délégation chargée d’étudier la situation intérieure, ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale, p. 15.
[29] PAILLARD Christophe-Alexandre, Gazprom : mode d’emploi pour un suicide énergétique, Ifri-Russie.Nei.Visons n°17, mars 2007, p. 10.
[30] Compte-rendu n°23 de la Délégation à l’Union Européenne suite à l’audition, conjointe avec la Commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire, de M. Andris Pielags (commissaire européen chargé de l’énergie). Séance du 12 décembre 2007 sous la présidence de M. Pierre Lequiller.
[31] PAILLARD Christophe-Alexandre, Gazprom : mode d’emploi pour un suicide énergétique, mars 2007, p 11.
[32] YAKOVLEVA Ekaterina, La dimension politique des investissements directs étrangers en Russie, www.ena.fr/, mémoire individuel de master en administration publique, CIL 2004.
[33] BLANC Hélène, KGB connexion , le système Poutine, Editions Hors commerce, mars 2004, p. 198.
[34] SAPIR Jacques, Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Entretien réalisé au Centre d’études des modes d’industrialisation (CEMI), 54 Bd Raspail,75 006 PARIS, le 12 mars 2009.
[35] Investissements russes à l’étrangers, www.immobilierco.com/, du 5 septembre 2008.
[36] GOURIEV Sergei, recteur de la Nouvelle école d’économie de Moscou, et TSYVINSKI Aleh qui enseigne l’économie à l’université de Yale. Extrait de l’article de Project Syndicate traduit de l’anglais par Bérengère Viennot, www.project-syndicate.org , 2008.
[37] Investissements russes à l’étrangers, www.immobilierco.com/, du 28 août 2008.
[38] SAPIR Jacques, Le nouveau XXIème siècle, SEUIL, mars 2008, p. 144.
[39] Rapport d’information du Sénat n°416 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à la suite d’une mission en Russie effectuée du 21 au 25 avril 2008 par un délégation chargée d’étudier la situation intérieure, ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale, p. 26.
[40] KRANS Maxime, Pourquoi la Russie convoite les marchés étrangers, RIA Novosti, http://fr.rian.ru/, 28 août 2008.
[41] LIZIN Anne-Marie (dir.) et ZEISLER Nicolas Zeisler (coord.), Gazprom, stratégie de la Russie, Luc PIRE (Voix politique), octobre 2006, p 34.
[42] LIZIN Anne-Marie (dir.) et ZEISLER Nicolas Zeisler (coord.), Gazprom, stratégie de la Russie, Luc PIRE (Voix politique), octobre 2006, p 13.
[43] Mission Economique de Tallin, Le commerce extérieur de l’Estonie en 2007, www.ubifrance.fr, 1er avril 2008.
[44] VERLUISE Pierre, Une nouvelle Europe : Comprendre une révolution géopolitique, Paris, Karthala, 2006, p. 120.
[45] La documentation francaise, dossier sur La Russie et l’Union européenne - Le partenariat énergétique : un succès, www.ladocumentationfrancaise.fr/ juin 2008.
[46] FRANCOIS Renaud, Gazprom et Poutine conquièrent l’Europe, www.regard-est.com , le 1er décembre 2007.
[47] Rapport d’information du Senat n°416 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à la suite d’une mission en Russie effectuée du 21 au 25 avril 2008 par une délégation chargée d’étudier la situation intérieure, ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale. p 17.
[48] Une entreprise russe prend pied en France, http://www.immobilierco.com/ 8 février 2008.
[49] Extrait de l’article Cognac - Objet de convoitise des investisseurs russes, http://www.viti-net.fr, 15 juin 2007
[50] PRIKHODKO Sergueï, conseiller de Vladimir Poutine, déclaration du 12 septembre 2006.
[51] Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Rapport 2008 sur les investissements dans le monde : Les sociétés transnationales et leur rôle dans les infrastructures, www.unctad.org/distatistics, Genève, le 24 septembre 2008, p. 16.
[52] Mission Economique de Moscou, Les investissements directs étrangers en Russie, www.ubifrance.fr , décembre2008.
[53] Mission Economique de Moscou, Les investissements directs étrangers en Russie, www.ubifrance.fr , décembre 2008.
[54] Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Rapport 2008 sur les investissements dans le monde : Les sociétés transnationales et leur rôle dans les infrastructures, www.unctad.org/distatistics, Genève, 24 septembre 2008, p. 12 et p. 27.
[55] Mission Economique de Moscou, Les investissements directs étrangers en Russie, www.ubifrance.fr , décembre 2008.
[56] Mission Economique de Moscou, Les investissements directs étrangers en Russie, www.ubifrance.fr , décembre 2008.
[57] LOCATELLI Catherine, chargée de Recherche CNRS, L’industrie pétrolière russe face aux investissements internationaux : contraintes et opportunités, LEPII-EPE (ex-IEPE), Université de Grenoble II, sept. 2004
[58] LOCATELLI Catherine, chargée de Recherche CNRS, L’industrie pétrolière russe face aux investissements internationaux : contraintes et opportunités, LEPII-EPE (ex-IEPE), Université de Grenoble II, sept. 2004, p 6.
[59] CNUCED, Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement. Rapport 2008 sur l’investissement dans le monde – Les sociétés transnationales et leur rôle dans les infrastructures. p 16.
[60] Mission économique de Moscou, Nouvelle loi limitant les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques en Russie, www.ubifrance.fr/, octobre 2008.
[61] LOCATELLI Catherine, chargée de Recherche CNRS, L’industrie pétrolière russe face aux investissements internationaux : contraintes et opportunités, LEPII-EPE (ex-IEPE), Université de Grenoble II, septembre 2004.
[62] Les ambiguïtés du Kremlin, www.lepoint.fr/business-week-economie/investissements-les-ambiguites-du-kremlin/1022/0/109878/ , du 28 avril 2005. Il semble qu’en 2001, l’associé russe au capital a déclaré ses bénéfices dans des paradis fiscaux considérés à cette époque comme parfaitement légaux.
[63] SAPIR Jacques, Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Entretien réalisé au Centre d’études des modes d’industrialisation (CEMI), Paris, le 12 mars 2009.
[64] BLANC Hélène, KGB connexion , le système Poutine, Editions Hors commerce, mars 2004, p 161.
[65] SAPIR Jacques, Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Entretien réalisé au Centre d’études des modes d’industrialisation (CEMI), 54 Bd Raspail,75 006 PARIS, le 12 mars 2009.
[66] Union européenne - Russie : quelles relations ?, http://www.senat.fr/ , site consulté en octobre 2008.
[67] La documentation francaise, dossier sur La Russie et l’Union européenne - Le partenariat énergétique : un succès, www.ladocumentationfrancaise.fr, juin 2008.
[68] La documentation francaise, dossier sur La Russie et l’Union européenne - Le partenariat énergétique : un succès, www.ladocumentationfrancaise.fr, juin 2008.
[69] Mission Economique de Moscou, La fédération de Russie : fiche signalétique, www.ubifrance.fr/, 25 novembre 2008.
[70] LIZIN Anne-Marie (dir.) et ZEISLER Nicolas Zeisler (coord.), Gazprom, stratégie de la Russie, Luc PIRE (Voix politique), octobre 2006, p 13.
[71] La documentation francaise, dossier sur La Russie et l’Union européenne - Le programme TACIS : un instrument financier, www.ladocumentationfrancaise.fr, juin 2008.
[72] Rapport d’information du Senat n°416 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à la suite d’une mission en Russie effectuée effectuée du 21 au 25 avril 2008 par une délégation chargée d’étudier la situation intérieure, ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale, p. 50.
[73] Compte-rendu n°25 de la Commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire suite à l’audition de M. Andris Pielags (commissaire européen chargé de l’énergie). Séance du 12 décembre 2007, p. 13.
[74] PAILLARD Christophe-Alexandre, Gazprom : mode d’emploi pour un suicide énergétique, Ifri Russie.Nei.Visons n°17, mars 2007.
[75] En janvier 2006 et de nouveau en mars 2008, Moscou a exigé que l’Ukraine paie ses dettes et s’aligne sur le prix mondial du gaz et non plus sur les tarifs réservés naguère aux pays du bloc soviétique. En janvier 2007 ce fut au tour de la Biélorussie de subir la même pression. Dans les trois cas, la Russie n’a pas hésité à interrompre brutalement ses livraisons.
[76] PAILLARD Christophe-Alexandre, Gazprom : mode d’emploi pour un suicide énergétique, Ifri Russie.Nei.Visons n°17, mars 2007, p. 7.
[77] MANDIL Claude, ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie, Sécurité énergétique et Union européenne : Propositions pour la présidence française, mémorandum remis au Premier ministre, le 21 avril 2008.
[78] Les fonds souverains, révélateurs de nos propres faiblesses, rapport d’information N°963 déposé par la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union Européenne et présenté par M. Daniel GARRIGUE, le 17 juin 2008, p. 25.
[79] LIZIN Anne-Marie (dir.) et ZEISLER Nicolas Zeisler (coord.), Gazprom, stratégie de la Russie, Luc PIRE (Voix politique), octobre 2006, p. 29.
[80] Source : www.diplomatie.gouv.fr, données sur le Turkménistan.
[81] Source : www.regard-est.com, dépêche d’Hélène Rousselot publiée le 16 mars 2007.
[82] Rapport d’information du Senat n°416 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées sur la situation intérieure, ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale. Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juin 2008, p. 20.
[83] EURASEC est une organisation intergouvernementale créée en 2000. Elle est composée de six Etats membres (Bielorussie, Fédération de Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Tadjikistan) et de trois pays observateurs (Arménie, République de Moldavie et Ukraine).
[84] Rapport d’information du Senat n°416 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées sur la situation intérieure, ainsi que le rôle et la place de la Russie sur la scène internationale. Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juin 2008, p. 20.
[85] Cf. ROMER Jean-Christophe, La géopolitique de la Russie, Economica, janvier 1999.
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