Emmanuel Dreyfus est chargé de mission junior chez CEIS depuis mars 2013. Il y mène des activités d’analyse et de conseils sur l’espace CEI. Titulaire d’un master 2 d’histoire contemporaine consacrée à la problématique identitaire moldave (Paris IV) et d’un master 2 de relations internationales, mention UE, sécurité et défense (Paris I), il est par ailleurs licencié de russe (INALCO).
Emmanuel Dreyfus, chargé de mission junior chez CEIS, revient, dans cette note stratégique, sur l’Union douanière réunissant la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan et plus généralement sur les dynamiques d’intégration économique, politique et militaire actuellement déployées dans l’espace post-soviétique. Cette étude soulève notamment l’attention sur la possible émergence d’un nouveau bloc géopolitique structuré autour de la Russie, s’inscrivant dans un mouvement général de retour de Moscou sur la scène internationale.
Cette note coordonnée par Bertrand Slaski, consultant senior chez CEIS, est proposée par le pôle Etudes et Solutions Stratégiques.
Cette note a été initialement publiée par la CEIS en octobre 2013, sous le titre "De l’Union douanière à l’Union eurasiatique - Etat et perspectives d’intégration dans l’espace post-soviétique". Elle ne peut donc tenir compte des événements postérieurs, notamment en Ukraine depuis le mois de novembre. Ce tableau sera cependant très utile pour mettre en perspective l’actualité, ses ruptures et ses zones d’incertitudes.
LA présente note est consacrée à l’Union douanière (UD) formée par la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, qui représente à ce jour l’expérience la plus aboutie d’intégration dans l’espace post-soviétique. Conçue en 2007 et mise en place à partir de 2010, l’UD, tant dans la forme que dans le fond, présente de réelles innovations par rapport aux multiples et infructueuses tentatives qui l’ont précédée. Un double processus d’évolution la caractérise : d’une part, elle pourrait bientôt s’ouvrir à d’autres États issus de la décomposition du bloc soviétique ; d’autre part, elle pourrait connaître d’importantes évolutions à court terme sur le plan de son organisation interne.
Patronnée par la Russie et soutenue par la Biélorussie et le Kazakhstan, l’Union Douanière pourrait en effet représenter la première étape d’une nouvelle entité régionale en construction, (« l’Union eurasiatique »). La portée de cette structure dépasserait alors de loin, tant quantitativement que qualitativement, tous les mécanismes mis en œuvre jusqu’à ce jour dans le même espace.
Après avoir rappelé les grandes étapes de la mise en place de l’UD, ainsi que son fonctionnement, nous examinons le bilan de cette entité, trois ans après sa fondation. La seconde partie de cette note s’intéresse aux possibles évolutions de l’UD. Quels seraient les pays susceptibles de se porter candidats à une intégration ? Sur quels critères l’Union eurasiatique, prônée par V. Poutine, pourrait-elle se substituer à l’UD ? La conclusion traite des perspectives de réussite de ce projet, pris dans son ensemble.
Cette note attire ainsi l’attention sur la portée internationale de ce projet, en étudiant les fondements, les réalités et les perspectives de la dynamique actuelle d’intégration eurasiatique.
Contexte général : une volonté de réaffirmation de la Russie envers un « étranger proche » qui s’éloigne.
Le projet ayant abouti à l’Union douanière (UD), rassemblant autour de la Russie plusieurs Nouveaux Etats Indépendants (NEI), a été mis en place à partir de 2008. Il s’inscrit dans un processus général de réaffirmation de la Russie sur la scène internationale, notamment au sein de son « étranger proche ». Cette tendance est l’une des caractéristiques majeures du second mandat de V. Poutine (2004-2008).
L’espace post-soviétiqueconnaît effectivement à partir du début des années 2000 d’importantes évolutions, qui peuvent laisser penser que la Russie y perd de d’influence. A cet égard, l’adhésion en 2004 de trois anciennes Républiques soviétiques, les pays baltes, à l’Union européenne et surtout à l’OTAN, est significative. Avec ces intégrations, le territoire russe est pour la première fois directement frontalier de pays membres de l’organisation nord-atlantique. Quoique les États baltes n’aient jamais caché leur volonté d’intégrer les structures euro-atlantiques, et se soient montrés dès 1991 déterminés quant à leur refus de participer à toute organisation postsoviétique, ce rapprochement de l’UE et de l’OTAN a été perçu fort négativement par Moscou.
L’espace CEI (Communauté des Etats Indépendants) à proprement parler connaît lui aussi d’importantes évolutions. Plusieurs NEI (Nouveaux Etats indépendants) sont ainsi touchés par des vagues inédites de contestation contre leurs dirigeants, généralement issus de l’appareil soviétique, et qui ont souvent conservé des liens forts avec Moscou. La révolution des roses, la révolution orange et celle des tulipes, ponctuent respectivement l’actualité politique en Géorgie (2003), en Ukraine (2005) et au Kirghizstan (2005).
Ces révolutions, au moins celles d’Ukraine et de Géorgie, partagent certains traits communs, directement liés aux rapports entre la Russie et ses voisins de l’ « étranger proche ». Elles ont eu comme effet de chasser du pouvoir des proches de Moscou (Eduard Chevardnadze en Géorgie, Leonid Koutchma en Ukraine), pour y installer des équipes à l’orientation euro-atlantiste prononcée. La Moldavie n’a pas connu de révolutions de couleur, car le président communiste, candidat heureux à sa réélection, s’était lui-même emparé des thèmes pro-européens des manifestants ukrainiens et géorgiens. Élu en 2001 sur un programme d’intégration à l’Union Russie-Biélorussie, Vladimir Voronine s’est fait réélire en 2005 sur un programme d’adhésion à l’Union européenne, sur fond de tension avec la Russie.
L’influence de Moscou paraît donc décliner dans les années 2000 dans plusieurs pays de l’espace CEI, au profit d’un horizon euro-atlantique qui devient le cheval de bataille de certains gouvernements, particulièrement ceux de Kiev et de Tbilissi. De véritables bras de fer vont alors surgir entre la Russie et les États cherchant à se rapprocher de Bruxelles et de Washington. Ces épreuves de forces se manifesteront de différentes façons, aussi bien sur le plan économique - ainsi les guerres du gaz entre l’Ukraine et la Russie - que sur le plan militaire, comme en témoigne la guerre russo-géorgienne de l’été 2008.
Dans ce contexte, les différentes structures d’intégration ou de coopération post-soviétiques sont des échecs globaux. La CEI, fondée en 1991, et regroupant à partir de 1994 l’ensemble des NEI (avec l’adhésion de la Géorgie et de la Moldavie) ne parvient pas à générer une dynamique commune à l’ensemble des États qui la composent. Ces derniers, parfois en situation de conflits ouverts ou larvés (c’est par exemple le cas entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan), poursuivent des buts économiques et politiques souvent différents, allant en tout cas à l’encontre d’un quelconque processus intégrateur, à tel point que la CEI est souvent davantage perçue comme une structure permettant plutôt de faciliter la désintégration des républiques post-soviétiques (« un instrument du divorce » dira même l’homme politique moldave Marian Lupu) que d’œuvrer réellement à leur rapprochement. En 1995, les chefs d’État russe, biélorusse et kazakh s’associent en vue de former une coopération douanière, initiative rejointe par la suite par le Tadjikistan et le Kirghizstan, et qui aboutit à la création de la Communauté économique eurasiatique (Eurasec) en 2000. Si les objectifs de l’Eurasec présentent des synergies avec ceux de l’actuelle Union Douanière, les moyens qui sont donnés à cette nouvelle organisation ne lui permettent pas d’atteindre ses visées. Comme la CEI, l’Eurasec adopte un certain nombre de traités qui ne sont pas concrétisés. La zone douanière entre la Russie et la Biélorussie, lancée en 1995, présente un degré d’intégration poussée. Les deux pays ont ainsi adopté un tarif douanier commun, mais qui se solde également par un échec, du fait de nombreux différents survenus, relatifs par exemple aux restrictions imposées par Minsk à l’égard de nombreux produits importées de Russie, ou à la contrebande de marchandises provenant de ou transitant par la Biélorussie à destination de la Russie [1].
Ainsi, les différentes initiatives d’intégration post-soviétique apparues au cours des années 1990 n’aboutissent pas, ou peu. Il convient de souligner que ces échecs sont également liés à la situation intérieure des NEI, et notamment de la Russie durant la décennie 1990. Il est ainsi possible de penser à des faits marquants comme la crise constitutionnelle russe de 1993, l’éclatement de la guerre de Tchétchénie en 1994, la fronde des régions qui remet en question l’autorité de Moscou sur l’ensemble du territoire de la Fédération et plus généralement les bouleversements générés par la chute du système soviétique. La priorité des États de la CEI, Russie en tête, est, durant les années 1990, davantage tournée vers leur propre stabilisation que vers leur intégration mutuelle.
La remise en cause de la Russie au sein de son étranger proche est également attestée par l’apparition d’organisations rassemblant plusieurs NEI, mais dans lesquelles la Russie n’est pas partie, comme le GUAM, fondée en 1996 et rassemblant la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et la Moldavie, ou encore l’Organisation de coopération centre-asiatique, rassemblant à sa fondation en 2002 les 5 pays d’Asie centrale.
Face au morcellement de son influence dans l’espace post-soviétique, les réactions de Moscou sont diverses. D’une part, pour contrer les révolutions de couleur, la Russie développe un certain « soft power » visant à maintenir ou à retrouver la présence qu’elle avait auparavant dans les pays de la CEI : création de structures de promotion de la langue et de la culture russe, multiplication des initiatives de rapprochements interparlementaires, apparition de mouvements de jeunesse (Proriv, Nachi) calqués sur le mode de fonctionnement de ceux ayant contribué aux mouvements de contestation en Géorgie ou en Ukraine. Mais de manière générale, le « hard power » reste de mise, comme en témoignent les embargos « sanitaires » décrétés en 2006 contre la Moldavie et la Géorgie, en réalité pris par Moscou pour dénoncer les orientations pro-européennes de ces deux États. Les guerres du gaz qui ont marqué les relations entre Kiev et Moscou sous la présidence Ioutchenko s’inscrivent dans le même registre. Ces initiatives russes s’avèrent globalement peu productives : l’embargo sur les vins moldaves en 2006 n’a pas empêché le rapprochement de Chisinau avec Bruxelles, notamment à propos du conflit transnistrien. Celui sur les vins géorgiens n’a pas infléchi l’orientation euro-atlantique de Tbilissi. Enfin, les guerres du gaz avec l’Ukraine n’ont pas empêché l’ouverture en 2008 entre Kiev et Bruxelles des négociations relatives à l’accord d’association.
Le projet d’UD est donc mis en place dans un contexte post-soviétique de relâchement des liens entre Moscou et les NEI, que ni les différentes structures d’intégration post-soviétique, ni les initiatives menées bilatéralement par la Russie à l’encontre de ses voisins ne semblent pouvoir enrayer. Cette tendance, associée à une volonté réaffirmée de la Russie poutinienne de rétablir son influence au sein de son étranger proche, permet notamment de comprendre l’ambition qui caractérise le projet d’UD, et a fortiori le projet d’Union eurasiatique, tant dans la forme que dans les visées.
Les grandes dates de la mise en place de l’UD.
Le projet d’UD « rénovée », ayant abouti à la structure réunissant actuellement la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, a été de nouveau suggéré lors du sommet tripartite CEI-OTSC-Eurasec, tenu à Douchanbé en octobre 2007. Conscient de l’inefficacité de l’ensemble des accords de facilitations douanières existants au sein de l’Eurasec ou de la CEI, les chefs d’État russe, biélorusse et kazakh prennent finalement la décision de créer, au sein de l’Eurasec, une union douanière les rassemblant.
Il convient d’insister sur le fait que le retour à l’idée d’UD était partagée tant par Moscou que par Minsk et Astana.
Pour la Russie, la perspective de pouvoir raffermir son influence sur ses voisins postsoviétiques est déterminante. Cet aspect prend encore plus d’importance après le lancement en juin 2009 du programme de Partenariat oriental, proposé par Bruxelles à destination de six anciennes républiques soviétiques, la Biélorussie, l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Si ce partenariat ne propose pas de perspectives d’intégration à ses associés, il envisage néanmoins un rapprochement dans de nombreux domaines, et constitue le projet de loin le plus accompli de pénétration européenne au sein de l’étranger proche de la Russie. C’est dans le cadre du Partenariat oriental que sont actuellement négociés les accords d’association entre l’UE et plusieurs NEI, accords en concurrence frontale avec l’intégration à l’UD de ces pays proposée par la Russie : le cas ukrainien, qui sera abordé ultérieurement, est éloquent.
Sur un plan économique, l’UD avec la Biélorussie et le Kazakhstan doit permettre à la Russie de réduire l’accès de son marché aux produits européens ou chinois, transitant dans le premier cas via la Biélorussie, dans le second cas via le Kazakhstan. Cette structure donne également la possibilité aux entrepreneurs russes de disposer d’un accès facilité aux marchés biélorusse et kazakh. Si elle est étendue à d’autres pays centrasiatiques - cette perspective est d’actualité au moins pour le Kirghizstan et le Tadjikistan - l’UD peut permettre à la Russie d’avoir de facto un meilleur contrôle des frontières de ces pays d’Asie centrale. Cet enjeu est double. Sur le plan sécuritaire, le développement de l’intégration douanière entre Moscou, Bichkek et Douchanbé peut notamment créer les conditions d’une lutte plus efficace contre le trafic de stupéfiants en provenance d’Afghanistan, transitant via les États d’Asie centrale et à destination de la Russie, premier consommateur d’héroïne au monde en 2010. [2] Par ailleurs, l’intégration des pays d’Asie centrale à l’UD peut potentiellement permettre à Moscou de contrebalancer la présence économique et commerciale croissante de Pékin dans cet espace.
L’intérêt de la Biélorussie pour l’UD s’explique tant par des motifs d’ordre politique, tenant essentiellement à la nature du régime d’Alexandre Loukachenko, que par des considérations d’ordre économique. Au vu du système économique biélorusse, largement basé sur l’importation à bas prix de matières premières russes, l’intégration à l’UD paraît logique : elle doit permettre de faciliter d’une part l’accès aux énergies russes, d’autre part l’export des produits biélorusses, non compétitifs sur le marché mondial, vers les autres pays de l’UD. Plus généralement, il convient de souligner que la marge de manœuvre de Minsk est en réalité étroite : la survie du régime d’A. Loukachenko, dépend notamment de l’accès aux ressources énergétiques russes bon marché. Tout refus de la part de Minsk aurait effectivement entraîné la fin des régimes préférentiels accordés par Moscou, et aurait mis en péril le maintien du système politique et économique biélorusse actuel.
En ce qui concerne le Kazakhstan, il faut rappeler que l’idée d’Union eurasiatique avait été évoquée pour la première fois par Astana en 1994, et qu’in fine, la paternité de ce projet revient au Président de ce pays, Noursoultan Nazarbaev. Si la volonté personnelle de N. Nazarbaev est capitale pour comprendre le souhait d’Astana de participer dès le début à l’UD, force est de constater que les cercles économiques kazakhs se sont montrés assez réticents envers ce projet, bénéficiant d’ailleurs d’un soutien limité de la part de la population kazakhe, qui en 2011 ne se prononçait qu’à 48% en faveur de l’UD, contre 55% en Russie [3]. En dépit de perspectives prometteuses portées par le projet d’UD, comme une meilleure protection face aux produits chinois, ou un accès facilité et sans taxes aux oléoducs et aux gazoducs russes et biélorusses menant vers l’Europe occidentale, l’UD paraissait économiquement peu rationnelle pour le Kazakhstan. En effet, les tarifs douaniers kazakhes étaient globalement peu élevés, et les opérateurs économiques de ce pays, tout comme la population, ont craint, à juste titre, que l’entrée dans l’UD n’amène à un renforcement des taxes douanières et conséquemment à une augmentation générale des prix. Par ailleurs, avec la suppression des barrières douanières, de nombreux entrepreneurs kazakhs se sont retrouvés exposés à une concurrence accrue de marchandises en provenance de Russie. Pour conclure, il apparaît que la participation du Kazakhstan à l’UD était la moins justifiée économiquement, ce qui se constate d’ailleurs aujourd’hui de façon évidente.
Les présidents russe, biélorusse et kazakhe soutiennent ainsi tous trois, en vertu d’intérêts divers, la mise en place de l’UD. Deux caractéristiques majeures de cette structure apparaissent dans les propos tenus par V. Poutine lors du sommet de Douchanbé :
« En ce qui concerne l’Eurasec, les résultats sont révolutionnaires ; nous nous sommes mis d’accord sur la création d’une union douanière et d’un organe transnational, une Commission qui aura en charge les régulations douanières. […] D’ailleurs, si l’Union douanière est initialement composé de trois États, la Fédération de Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, tous les autres membres de l’Eurasec ont montré leur intérêt pour cette structure. C’est pour cette raison que nous avons décidé de mener toutes les négociations dans le cadre de l’Eurasec, et de ne pas fonder une autre organisation au sein de l’espace post-soviétique » [4].
Tout d’abord, le Président russe insiste sur l’existence d’un organe transnational propre à l’UD, la Commission, qui sera chargée de « s’occuper des régulations douanières ». L’existence de cet organe laisse supposer que les mécanismes de l’UD ne soient pas le fait d’accords intergouvernementaux mais d’une structure « supérieure ». Cela amène à deux présupposés : d’une part, la perspective d’une intégration plus poussée, dans la mesure où les États de l’UD sont désormais membres d’une organisation qui subsume certaines de leurs prérogatives. D’autre part, l’existence d’un organe transnational laisse supposer, au moins formellement, qu’il y aura plus d’équité entre les États au sein de l’UD, puisque cet organe sera censé représenter l’ensemble des intérêts des pays membres.
Le second point important sous-entendu dans les propos de V. Poutine est que l’UD formée au sein de l’Eurasec et initialement composée de la Russie, du Kazakhstan et de la Biélorussie est ouverte à d’autres États, ce qui laisse à penser que le projet nourrit en fait une ambition d’intégration régionale plus conséquente.
Lors du sommet de Douchanbé d’octobre 2007, les dirigeants russe, biélorusse et kazakh parviennent donc à un accord prévoyant la création de l’UD, dotée d’un organe décisionnel supranational, la Commission de l’UD. Celle-ci est créée le 12 décembre 2008. Les instigateurs du projet prévoient alors d’échelonner son lancement sur trois ans, afin de laisser aux Parlements des pays membres le temps de ratifier les accords passés.
Le 25 janvier 2008, des agréments supplémentaires sont conclus, ayant principalement trait au calcul des tarifs douaniers applicables aux pays tiers à l’Union douanière, aux taxes à l’exportation vers ces Etats ainsi qu’aux mesures particulières de protection à prendre face aux importations en provenance du reste du monde. A la suite de ces accords, un tarif douanier commun est finalisé à l’été 2009.
Il convient de souligner que ce tarif douanier commun était en très grande partie inspiré de celui en vigueur en Russie, et de facto en Biélorussie, dans la mesure où les deux pays avaient harmonisé une majeure partie de leurs tarifs (95%), dans le cadre de la zone douanière lancée en 1995. Ainsi, après l’adoption du tarif douanier de l’UD, Moscou a dû, par rapport à sa tarification nationale, augmenter ses tarifs sur 14% de ses lignes douanières et les baisser sur 4% de ces dernières.
Pour sa part, Minsk a dû augmenter 7% de ses tarifs et baisser 18% de ces derniers.
Mais c’est bien au Kazakhstan que l’adoption du tarif douanier de l’UD a provoqué le plus de remous. Astana a dû réviser à la hausse 45% de ses tarifs, et à la baisse seulement 10% de ces derniers [5].
Cette forte adéquation entre les tarifs douaniers russes et ceux adoptés dans le cadre de l’UD s’explique bien évidemment par la prééminence économique de la Russie au sein de l’UD. Par ailleurs, et ce point mérite d’être mentionné, le code et le tarif douanier commun qui seront en vigueur au sein de l’UD étaient globalement en adéquation avec les standards de l’OMC. Rappelons que la Russie négociait son entrée à l’OMC tout en menant les travaux de lancement de l’UD, et que l’appartenance à ces deux structures était, selon Moscou, non pas contradictoire mais complémentaire. Par ailleurs, du point de vue de Moscou, l’entrée de la Russie dans l’OMC pourrait faciliter celles du Kazakhstan et de la Biélorussie. L’OMC considère d’ailleurs que l’intégration de la Russie favorisera celle de Minsk et d’Astana. A cet égard, on pourra citer les propos tenu par le directeur du département des accessions à l’OMC, Chiedu Osakwe, qui le 9 novembre 2011 déclarait à Genève que « la finalisation de l’accord sur l’adhésion de la Russie aura des conséquences positives, y compris en terme d’adhésion pour la Biélorussie et le Kazakhstan » [6].
La mise en application d’un tarif douanier commun au 1er janvier 2010 marque le lancement effectif de l’UD, laquelle couvre un territoire représentant 82% de l’ancienne Union soviétique, 170 millions d’habitants et un PIB global de 2280 Md$, soit 83% du potentiel de l’ex-URSS. Il convient de souligner la prééminence occupée par Moscou dans cette structure. D’une superficie (17M km2) représentant 85% de celle de l’UD (20Mkm2) et comptant 143,5M d’habitants (84% de la population de l’UD), la Russie représente 88% du PIB de l’Union douanière (soit 2015Md$ [7]). Cette asymétrie, dont nous abordons plus loin les conséquences, pourrait constituer l’un des obstacles majeurs à la pleine réalisation du projet eurasiatique.
Le calendrier de mise en place a été relativement rapide. L’adoption d’un tarif douanier unique a été suivie par celle d’un code douanier commun, qui entre en vigueur le 1er juillet 2010. Au même moment, les postes de contrôles douaniers existant entre la Russie et la Biélorussie sont fermés, et redéployés vers les frontières externes à l’UD de la Biélorussie. Un an plus tard, le 1er juillet 2011, les contrôles douaniers sont supprimés entre la Russie et le Kazakhstan. Une partie importante du personnel des douanes kazakhes travaillant aux frontières terrestres avec la Russie a d’ailleurs été redéployée aux frontières avec la Chine, afin de prévenir un éventuel afflux clandestin de produits chinois sur le territoire de l’UD.
L’espace économique commun (EEC) rentre enfin en vigueur le 1er janvier 2012. Suite à ce lancement, l’organe supranational de l’UD, désormais officiellement EEC, est rebaptisé Commission Économique Eurasiatique (CEEA) et connait d’importants changements.
Contrairement aux précédentes structures d’intégration post-soviétique, l’UD est doté d’un système de décision et de contrôle transnational, cherchant à se rapprocher de celui à l’œuvre en Union européenne. La Commission Économique Eurasiatique (CEEA) représente ainsi une forte innovation : on passe de mécanismes selon lesquels l’exécution des traités est fondée sur la volonté propre des pays et se fait le plus souvent sur la base du bilatéralisme, à une structure dans laquelle, du moins en théorie, les États délèguent leurs compétences à une entité qui les dépasse.
Fonctionnement de la Commission Economique Eurasiatique
Le conseil suprême économique eurasiatique
Le conseil suprême économique eurasiatique est constitué des Chefs des États membres ou de leur gouvernement. Se réunissant deux fois par an, cet organe fixe les grandes orientations de la CEEA. C’est également lui qui tranche lorsque la Commission doit adopter des décisions de nature politique.
La CEEA
En novembre 2011, les membres du Conseil suprême économique eurasiatique s’entendent sur la création de la CEEA. Elle remplace la Commission de l’Union douanière et a commencé à fonctionner le 2 février 2012, comme on l’a vu. Basée à Moscou et employant quelques 1 000 personnes ne travaillant que pour cet organe, la CEEA est actuellement le noyau de l’Union douanière. Les cadres de son activité sont régis par un traité fondateur et basés sur des accords internationaux ainsi que sur les décisions du conseil économique suprême eurasiatique.
Concrètement, la CEEA est composée de deux organes. Tout d’abord, le Conseil de la Commission, dans lequel siègent trois Vice-premiers ministres de chacun des États-membres. Le conseil est actuellement dirigé par le vice-premier ministre biélorusse, Sergei Roumas. En cas de désaccord relatif à une régulation prise par la CEEA ou à son application, un État peut s’adresser à cette instance qui statuera par consensus.
On trouve ensuite le collège de la commission, qui est composé de huit membres et d’un président, actuellement l’ancien ministre russe du Commerce et de l’Industrie, Victor Kristenko. Chacun des membres du collège occupe la fonction de ministre de la CEEA dans des domaines divers : ministre en charge de l’Intégration et du Développement économique, ministre en charge de l’Economie et des Finances, ministre en charge du Commerce...
Ces deux organes sont dotés de pouvoirs décisionnels. Les membres du conseil et du collège de la commission sont nommés par le conseil suprême économique eurasiatique, pour une durée de quatre ans, susceptibles d’être prolongée.
La commission dispose en outre de 23 départements (dans lesquels siègent les 9 membres du collège) dotés de fonctions plus techniques, dont le rôle est de proposer des mesures au conseil et au collège de la CEEA. Ces départements sont en charge de questions variées, ayant par exemple traits aux règles phytosanitaires, aux politiques en matière de commerce avec l’extérieur, de propriété intellectuelle...
Après que l’un des départements a élaboré une nouvelle proposition, celle-ci est soumise pour consultation aux États-membres, puis pour approbation au conseil et au collège de la Commission. Les décisions les plus importantes de la CEEA sont approuvées par le Conseil économique suprême eurasiatique, c’est à dire par les chefs d’États des pays membres de l’UD, ce qui limite le caractère supranational de la prise de décision au sein de l’UD.
A ce jour, plus de 900 régulations ont été adoptées par la CEEA.
La Cour de la CEEA
Les décisions prises par la CEEA ont force de loi (toutefois, aucune sanction financière ou autre n’est pour l’instant prévue [8]), et en cas de litige portant par exemple sur leur non-application ou sur leur contestation, un instrument légal, la Cour de la communauté économique eurasiatique (Cour de l’Eurasec) peut être saisi.
Basée à Minsk, dirigée par la biélorusse Anna Sokolovskaya et composée de 10 juges (deux par pays membres de l’Eurasec) dotés d’un mandat de 6 ans, la Cour a commencé à fonctionner le 1er janvier 2012. Chargée de l’application des mesures prises dans le cadre de l’Eurasec, elle est à ce titre compétente pour traiter des litiges surgissant dans l’UD et l’espace économique eurasiatique. Cette juridiction peut être saisie tant par les États membres de l’Eurasec (notamment ceux de l’UD), les différents organes de l’Union douanière et de l’espace économique commun, ainsi que par les opérateurs économiques basés dans les pays membres de l’Eurasec ou commerçant avec des pays membres de l’Eurasec. La Cour a ainsi déjà été saisie à plusieurs reprises, tant par des opérateurs économiques contestant des décisions de la CEEA que par des entités étatiques des pays membres de l’UD [9].
Schéma du processus décisionnel au sein de l’UD [10] :
L’UD de l’Eurasec comprend donc actuellement trois pays, partageant un tarif douanier commun depuis le 1er janvier 2010 et un code douanier commun depuis le 1er juillet 2010, entre lesquels les contrôles douaniers ont été abolis le 1er juillet 2011, pour être relégués aux frontières extérieures de l’UD. Les revenus douaniers de l’UD, collectés par chacune des douanes des pays membres sont mutualisés et répartis comme tel : 88% reviennent au budget russe, 7,3% au budget kazakh et 4,7% au budget biélorusse. Si l’adoption d’un code douanier commun avait déjà été expérimentée entre au moins deux pays de l’espace post-soviétique, la Russie et la Biélorussie, l’UD présente une importante innovation vis à vis des précédentes tentatives, dans la mesure où elle est dotée d’un organe de décision, la CEEA, dans lequel la logique supranationale et consensuelle est censée l’emporter sur la logique bilatérale. Comme on l’a vu, la Cour de l’Eurasec, est pour sa part chargé de veiller à l’application des différents traités constituant la base de fonctionnement de l’Eurasec et de l’UD, et de régler les litiges relatifs à la mise en place des dispositions de la CEEA.
L’UD constitue actuellement la structure post-soviétique dans laquelle les mécanismes d’intégration ont été les plus poussés, tant dans la forme que dans le fond. Pour autant, que peut-on dire des conséquences exactes de la mise en place de l’UD sur ses États membres ?
C. Quels impacts l’UD a-t-elle eu sur ses membres, trois ans après son lancement ?
Le développement de l’UD s’est accompagné d’un net développement des échanges entre les États-membres, ainsi que d’autres éléments positifs. Cet accroissement ne doit toutefois pas masquer plusieurs difficultés survenues et qui se devront d’être résolues afin de donner à l’UD une existence pérenne et cohérente. Au-delà de ces difficultés, plusieurs interrogations, plus générales, méritent d’être posées sur la pertinence de l’Union douanière.
Un accroissement de l’intégration entre les pays membres de l’UD.
La mise en place de l’UD a permis un renforcement de l’intégration entre ses pays membres, s’exprimant surtout par un développement des échanges commerciaux entre Minsk, Astana et Moscou. Entre 2010 et 2012, leur volume a ainsi augmenté de 87%, alors que ceux enregistrés avec le reste du monde représentaient une croissance de 50%. Plus précisément, en 2010, le volume des échanges, d’un montant de 47Md$, accuse un accroissement de 29% par rapport à 2009. En 2011, le volume des échanges totalise 63Md$, soit une amplification de 33% par rapport à 2011. En 2012, la somme atteint 68,5Md$, soit une progression de 8,7% par rapport à l’année précédente [11].
De meilleures conditions de commerce
La dynamisation du commerce intra-UD s’explique notamment par la suppression des taxes douanières entre les pays membres : si de facto (du fait des accords de libre-échange déjà existants), ces taxes étaient déjà très faibles entre les pays, leur suppression a permis un accroissement des échanges dans certains secteurs. Les exportations de pétrole et de gaz en provenance de Russie et du Kazakhstan (jusqu’en 2011), et à destination de la Biélorussie ont ainsi fortement augmenté. Minsk profite à ce titre de sa localisation géographique : en effet, une grande partie du pétrole russe (61% des exportations russes vers la Biélorussie en 2012 [12]) qui lui est vendue est raffinée en Biélorussie puis vendue aux pays de l’Union européenne. Un accord a d’ailleurs été trouvé entre les deux pays : l’ensemble des taxes à l’exportation réalisées sur les produits issus du pétrole russe raffiné en Biélorussie est reversé directement au budget russe. Cette suppression des taxes (et en contrepartie l’augmentation des taxes à l’importation depuis les pays tiers) a également généré une croissance des exportations biélorusses et russes vers le Kazakhstan, les premières étant notamment composées de véhicules et machines-outils (respectivement 22,3 et 20% des exportations biélorusses au Kazakhstan en 2012) [13], les secondes de carburant, machines-outils et de métaux (respectivement 23,6%, 15,2% et 11,7%) [14].
Outre la suppression de taxes douanières et la disparition des contrôles douaniers, la baisse des barrières non tarifaires entre les pays membres de l’UD a également influé sur le développement des échanges commerciaux. Certains problèmes anciens, sans disparaître, sont en effet moins aigus. Corruption des douaniers, temps d’attente parfois très long pour l’exécution des formalités douanières, ou encore infrastructures de transport différentes entre deux pays : les opérateurs économiques russes, biélorusses ou kazakhs associaient souvent le passage de frontière à une pénible épreuve.
Il faut avoir vu les files de camions, stationnant parfois depuis plusieurs semaines dans les terminaux douaniers situés entre les différents pays de la CEI, pour comprendre à quel point cet aspect du problème est fondamental. De façon générale, la suppression des contrôles douaniers entre les pays de l’UD a été perçue de façon positive par les entrepreneurs, et est souvent considéré comme l’un de ses avancées les plus bénéfiques.
Le développement des échanges commerciaux au sein de l’UD tient également du fait que les entrepreneurs russes, biélorusses et kazakhes, outre le fait de disposer d’un marché élargi, peuvent désormais s’enregistrer et opérer dans les trois pays de l’UD sans discrimination, avec, en théorie, un accès égal aux appels d’offres tant publics que privés.
Cette disposition a notamment profité au Kazakhstan, où de nombreux entrepreneurs russes se sont établis, ainsi que des opérateurs venus de pays tiers et commerçant avec la Russie depuis le Kazakhstan, notamment du fait que la TVA y est plus faible qu’en Russie (respectivement 12 et 18%). Par ailleurs, elle pourrait avoir à terme des conséquences structurellement positives sur l’attractivité économique et commerciale des pays membres de l’UD. Dans la mesure où ils disposent de climat d’affaires différents, dans le classement Doing Business 2013 de la Banque Mondiale, sur 185 pays, le Kazakhstan est classé 49ième, la Biélorussie 58ième et la Russie 112ième [15], on peut supposer que les États de l’UD, mis en situation de concurrence, prennent chacun des mesures pour améliorer leur climat d’affaires, afin de demeurer ou de devenir les plus attractifs économiquement de la structure dans laquelle ils sont intégrés.
Le renforcement et la création d’autres mécanismes d’intégration aux côtés de l’UD.
Le renforcement de l’intégration depuis la mise en place de l’UD se manifeste également par l’apparition ou le développement de structures annexes à l’UD/CEEA, mais qui témoignent clairement d’une dynamique en marche.
L’activité de la Banque eurasiatique de développement (EDB) atteste de ce mouvement [16]. Cette institution a certes été fondée en 2006, par la Russie et le Kazakhstan, c’est à dire avant la mise en place de l’UD, et comprend aujourd’hui plusieurs membres qui ne sont pas parties de cette organisation, comme le Tadjikistan, le Kirghizstan ou l’Arménie. Des développements récents au sein de cette structure tendraient néanmoins à montrer que la mise en place de l’UD à renforcer son activité : c’est ainsi l’EDB qui gère le fond anticrise de l’Eurasec, et qui pour le moment a alloué deux crédits d’un montant de 1,24Md$ à Minsk en 2011, et la même année de 70M$ à Douchanbé. L’EDB semble ainsi appelée à jouer un rôle moteur dans le processus eurasiatique ; en témoigne le travail de vulgarisation qu’elle propose, via la publication d’un extensif périodique trimestriel consacré à l’actualité des mécanismes d’intégration post-soviétiques.
D’autres initiatives attestent d’un renforcement de l’intégration eurasiatique, dans la foulée de la mise en place de l’UD. Ainsi, la mise en place par les trois opérateurs ferroviaires des pays de l’UD d’une société conjointe de transport, l’United Transport Logistics Company (UTLC). Selon un accord signé en juin 2013 à Saint-Pétersbourg, les pays membres de l’UD puiseront dans les réserves de leurs opérateurs ferroviaires historiques respectifs afin de doter cette nouvelle société en matériel, qui fonctionnera ensuite en fonds propres. La UTLC, dont les investissements atteindront 6,2Md$ d’ici 2020 pourrait, selon plusieurs estimations, contribuer à une croissance de 11,3Md$ du PIB de l’espace économique commun (à l’horizon 2020), dont un apport de 5Md$ au PIB russe, de 5,3Md$ au PIB kazakhe (cette société devrait notoirement permettre à Astana de renforcer ses exportations à destination de l’Europe) et de 1Md$ à la Biélorussie. [17]
Par ailleurs, les pays membres de l’UD ont mis en place en janvier 2013 un centre pour l’innovation, nommé « centre conjoint de l’Eurasec pour l’innovation technologique », dont les fonctions seront notamment de favoriser les activités de recherche et de développement, la commercialisation des différentes innovations et les transferts de technologies. [18]
L’UD est-elle rationnelle économiquement ?
Une croissance des échanges qui coïncide avec la mise en place de l’UD, mais qu’il faut replacer dans un contexte mondial.
La forte progression du commerce entre Minsk, Moscou et Astana constitue pour l’heure la réalisation la plus significative de l’UD. Comme constaté précédemment, entre 2010 et 2012, le volume des échanges intra-UD avait augmenté de 87% (tandis que les échanges avec le reste du monde accusaient une progression de 50%). Si plusieurs mesures importantes de l’UD ont joué un rôle certain dans cette dynamique, il semblerait que cette dernière soit aussi et surtout liée à un contexte mondial de reprise de l’activité économique et commerciale, après la crise de 2008.
La progression des échanges intra-UD par année montre effectivement que la croissance est forte en 2010 et 2011, respectivement 29% et 33%, mais moins significative en 2012, où elle n’atteint que 8,7%. Dit autrement, la croissance du commerce intra-UD, si elle coïncide avec la mise en place de l’UD, n’est pas uniquement (et de loin) une conséquence des dispositions de cette structure. Le futur le dira, mais il se pourrait fort que la croissance des échanges commerciaux soit une conséquence de court terme, aussi bien due à une facilitation des échanges entre les pays qu’à une dynamique mondiale de retour à la croissance. De nombreux indicateurs montrent d’ailleurs un ralentissement général des échanges entre les pays de l’UD.
Une forte asymétrie économique et politique.
Contrairement à l’Union européenne, l’UD comporte un pays dépassant de loin, ne serait-ce que sur le plan démographique et économique, les autres parties la constituant : alors que la population et le PIB kazakhs (respectivement 16,8 millions de personnes et 202Md$) représentent 1/10 de leurs équivalents russes (143,5 millions de personnes et 2015Md$), la disproportion est encore plus forte pour la Biélorussie, d’une population de 9,464 millions de personnes et d’un PIB de 63,27Md$. [19]
Ainsi, en 2012, alors que la Russie représente 65% du volume commercial de l’UD, la part du Kazakhstan n’y est que de 25% et celle de la Biélorussie de 10%.
Cette asymétrie, inexistante à un tel niveau dans les autres regroupements douaniers mondiaux, pourrait à terme créer un problème de fonctionnement.
Tout d’abord, elle induit arithmétiquement une forte disproportion des échanges entre les membres de l’UD. Dans ce cadre, Astana a ainsi vu le déficit de sa balance commerciale vis à vis de Moscou s’aggraver, cette dernière passant de 8,5Md$ en 2011 à 11Md$ en 2012 [20].
Par ailleurs, il est à supposer qu’eu égard à la prééminence économique de la Russie au sein de l’UD, et malgré les volontés affichées d’équité entre les États membres prévalant à la formation de ses structures décisionnelles, les grandes orientations de l’UD soient avant tout dirigées vers la préservation des intérêts russes. C’est notamment ce qu’il s’est passé lors du calcul du tarif douanier unique, largement inspiré sur celui en vigueur en Russie.
Certaines difficultés qu’éprouve le Kazakhstan suite à son entrée dans l’Union douanière semblent directement liées cette asymétrie.
Le relèvement des tarifs douaniers a ainsi conduit à une forte inflation des prix au Kazakhstan, de l’ordre de 7% en 2011 et 6% en 2012, directement ressentie par la population : certains produits de première nécessité comme le sucre, l’huile végétale ou encore la viande et les produits laitiers auraient ainsi vu leur prix presque doublé, ce qui a notamment amené le gouvernement à augmenter le salaire des fonctionnaires et les pensions des retraités [21].
L’Union douanière et plus généralement l’Union eurasiatique se heurteraient donc à ce premier problème : le poids incontournable de la Russie. Outre les inégalités dans les relations économiques et commerciales, cette asymétrie pourrait également avoir des conséquences politiques. En fait, elle constitue l’une des difficultés récurrentes des processus d’intégration post-soviétique, parfois perçus par les NEI comme des tentatives russes de recréation d’un empire.
Une intégration économique faible
Une autre interrogation pouvant être posée à l’égard de l’Union douanière concerne l’intensité de l’intégration économique de ses pays membres : chacun de ces derniers commerce effectivement davantage avec les pays tiers qu’avec ceux de l’Union douanière : en 2012, le montant des échanges internes à l’UD atteignent 68,6MD$, alors que ceux réalisés avec le reste du monde représentent 939,3MD$. Seuls 10% des exportations réalisées dans l’UD ont comme destination l’UD. En ce qui concerne les importations, ce taux est de 17%. Alors qu’en 2012 les échanges avec la Biélorussie et le Kazakhstan ne comptent que pour 8,3% du commerce extérieur russe, les échanges avec la Russie et la Biélorussie ne représentent que pour 19,6% du commerce extérieur kazakh. Si le volume des échanges avec les autres pays de l’UD est plus élevé pour la Biélorussie, il demeure inférieur à ses échanges avec le reste du monde, dans la mesure où il représente 48% du commerce extérieur biélorusse (dont 47% avec la Russie) [22].
Ainsi, en comparaison des autres grands regroupements douaniers mondiaux, l’UD est celui dans lequel le degré d’intégration commerciale est le moins fort, comme le montre le document suivant [23] :
Un autre indicateur témoignant de la faible intégration économique intra-UD est la part des investissements directs à l’étranger (IDE) réalisés entre les pays membres : Moscou et Minsk ne représentent que 5% des IDE réalisés au Kazakhstan (les principaux investisseurs dans ce pays en 2012 étant les Pays-Bas, la Chine, le Canada et le France), alors que la Biélorussie et le Kazakhstan ne comptent que pour 0,5% des IDE réalisés en Russie (les principaux investisseurs dans ce pays en 2012 étant Chypre, les Pays-Bas, Luxembourg et la Chine).
Ces constations amènent à l’interrogation suivante : quel est le sens de promouvoir une intégration douanière et économique entre des pays qui commercent davantage, et de loin, avec des pays tiers ? D’aucuns répondront que l’UD a notamment été conçue pour renforcer les échanges entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, et que cet objectif a pour l’heure été rempli. Mais au vu du ralentissement des échanges observé depuis 2012, il convient de se demander si cette croissance s’inscrira dans la durée, ou si elle n’était qu’une conséquence de court-terme, tant liée à une embellie mondiale qu’à une facilitation des échanges entre pays membres.
Des échanges peu diversifiés.
La structure des échanges commerciaux au sein de l’UD suscite également certaines interrogations. Ces derniers sont en effet majoritairement constitués de ventes de matières premières et de produits issus de l’industrie lourde. Ainsi, au titre de l’année 2011-2012, la répartition des produits est la suivante : les hydrocarbures représentent 37% des échanges, les véhicules, camions et autres moyens de transport 21%, les métaux et produits sidérurgiques 13% [24].
Certaines catégories de produits à hautes valeurs ajoutés, comme les technologies de pointe, sont donc grosso modo absents des échanges intra-UD, alors que des biens non compétitifs (en terme de qualité et/ou de coût) sur le marché mondial remplacent les produits auparavant importés d’Europe ou de Chine. C’est par exemple le cas au Kazakhstan où certains produits russes, comme les voitures, remplacent progressivement les produits européens, souvent de meilleurs qualité mais devenus trop onéreux du fait du relèvement des tarifs douaniers.
Les échanges intra-UD paraissent donc pour le moment peu diversifiés, ce qui pourrait être problématique à moyen terme, car les systèmes économiques et productifs des trois pays membres ont tous besoin de modernisation, ce que la nature protectionniste de l’UD pourrait ralentir. Cela pourrait laisser supposer que l’innovation dans certains secteurs, et notamment ceux de la haute technologie, ainsi que le processus de modernisation du secteur industriel, soient ralentis, puisque davantage protégés de la concurrence mondiale.
Le bilan de ces trois années d’existence de l’UD est donc mitigé. Modèle d’intégration post-soviétique le plus poussé, l’UD, par sa structure décisionnelle partiellement supranationale, présente une grande nouveauté par rapport aux tentatives qui l’ont précédée. Ce mode de fonctionnement témoigne entre autre d’une réelle volonté de donner une légitimité à l’Union. Économiquement parlant, l’UD a permis un net développement des échanges commerciaux entre ses pays membres et avec le reste du monde. La suppression des taxes douanières (notamment pour les hydrocarbures) et des contrôles douaniers a ainsi eu un effet positif sur cette croissance. Outre le renforcement des échanges entre Moscou, Minsk et Astana, le développement de l’UD s’est accompagné d’un renforcement de la dynamique intégratrice dans le domaine économique et commercial, par la mise en place de diverses initiatives. Les négociations en cours relatives à l’instauration de zone de libre-échange entre l’Union douanière et des pays comme l’Inde ou le Vietnam montrent par ailleurs que d’une part, l’existence de l’UD en tant qu’entité propre est reconnue par des États tiers, d’autre part que cette structure peut être considérée comme attractive [25]. Ces réussites doivent être soulignées : elles attestent de la crédibilité de l’UD envers des pays qui n’en sont pas membres, et de la volonté de ses dirigeants à l’inscrire sur la scène économique mondiale.
Toutefois, en dépit de ses succès initiaux, la modération semble devoir s’imposer : d’une part, l’augmentation initiale des échanges au sein de l’UD doit être placée dans un contexte mondial de reprise de la croissance suivant la crise de 2008. Si leur croissance se maintient, elle a néanmoins fortement baissé, et la majorité des indicateurs montrent clairement un vif ralentissement du commerce intra-UD. Par ailleurs, toujours sur le plan économique, l’UD témoigne d’une faible intégration économique entre ses pays membres, ce qui appelle à des doutes quant à sa rationalité. Enfin, et cet aspect est aussi bien politique qu’économique, l’asymétrie existante dans l’UD entre la Russie et ses deux autres membres pourrait compromettre la viabilité de cette structure.
La dynamique d’intégration post-soviétique, renforcée avec la mise en place de l’UD et de l’espace économique commun, pourrait encore se développer dans les années à venir, à la fois quantitativement et qualitativement. D’une part, d’autres pays pourraient rejoindre l’UD. D’autre part, cette dernière, encore de nature essentiellement économique, serait appelée à devenir une véritable union politique, c’est en tout cas le souhait de son partisan principal, V. Poutine. Cette partie sera ainsi consacrée à la dynamique de renforcement des processus d’intégration post-soviétique, devant mener à l’Union eurasiatique à partir de 2015.
Le premier sous-ensemble sera dédié à la possible extension géographique de l’UD. A l’heure actuelle, trois États, d’ailleurs déjà membres de l’Eurasec, pourraient rejoindre l’UD : il s’agit du Kirghizstan, du Tadjikistan et de l’Arménie (membre observateur de l’organisation). Pour le moment, l’entrée d’autres anciennes républiques soviétiques dans l’UD semble plus hypothétique. Le cas de l’Ukraine sera cependant abordé, tant ce pays est fondamental dans le projet poutinien d’intégration eurasiatique.
Une seconde partie sera consacrée aux fondements du projet d’Union eurasiatique censé se substituer à l’UD et à l’espace économique commun à partir de 2015.
Le dernier sous-ensemble évaluera les limites pouvant affaiblir la réalisation du projet d’Union eurasiatique.
Lors du sommet de Douchanbé de 2007, durant lequel l’idée d’UD avait été remise sur la table, V. Poutine avait clairement indiqué que si cette structure était initialement limitée à 3 pays, elles pourraient en accueillir d’autres par la suite.
Des adhésions probables : Kirghizstan, Tadjikistan et Arménie.
Le Kirghizstan.
A l’heure actuelle, le Kirghizstan est le seul État se trouvant dans des négociations avancées pour son intégration à l’UD. Dès 2010, Bichkek a manifesté son intérêt pour l’UD. En décembre 2010, Almazbek Atambaiev, alors Premier-ministre kirghize, avait déclaré que « Le Kirghizstan et la Russie partagent un passé commun, et avec optimisme, un avenir commun. Nous considérons le Kirghizstan comme un membre de l’UD et de l’EEC. […] La Russie est le principal partenaire stratégique du Kirghizstan. Nous serons des amis avec tous les pays dans le monde, mais la Russie est un partenaire stratégique, et il n’y aucune alternative. » [26]
Le 19 octobre 2011, dans le cadre d’un sommet de la CEI organisé à Saint-Pétersbourg, un groupe de travail pour l’accession du Kirghizstan à l’UD a été fondé. Depuis, les consultations se poursuivent entre Bichkek et la CEEA : une feuille de route pour l’adhésion du Kirghizstan à l’UD devrait être adoptée d’ici la fin 2013, et de façon vraisemblable, son intégration pourrait avoir lieu en 2015. [27]
Sur le plan économique, l’intégration du Kirghizstan pourrait permettre aux pays de l’UD, Russie et Kazakhstan surtout, d’avoir un meilleur contrôle sur les frontières kirghizes et ainsi de limiter l’entrée de marchandises chinoises dans le territoire douanier commun : l’une des bases sur laquelle repose l’économie kirghize est effectivement la réexportation de produits chinois (qui représentaient 55,8% du total des importations kirghizes en 2012 [28]) vers le Kazakhstan et la Russie. Au-delà de cette considération, cette adhésion représente essentiellement un gain politique et « arithmétique » : l’extension de l’UD à un autre État.
Du point de vue kirghize, l’entrée dans l’UD procède surtout d’une absence de choix. Vu sa dépendance multiple à l’égard de la Russie et du Kazakhstan, le Kirghizstan n’a guère d’alternatives. A titre informatif, il est possible de rappeler qu’en 2012, l’UD représentait 26% du commerce kirghize [29] et que selon plusieurs estimations, près de 800 000 citoyens kirghizes travailleraient à l’étranger (en Russie et Kazakhstan essentiellement), soit 1/3 de la population active. Les transferts d’argents de ces travailleurs migrants contribueraient à près de 30% du PNB du pays [30] (6,5Md$ en 2012). Plusieurs perspectives proposées, comme la liberté de mouvements des personnes, joueraient de fait un rôle majeur dans la volonté de Bichkek à rejoindre l’UD.
Tadjikistan.
Le Tadjikistan pourrait également à moyen terme rejoindre l’UD.
En décembre 2012, au cours d’un sommet de la CEEA, le Président tadjik aurait fait montre de l’intérêt de son pays à rejoindre l’UD [31]. La motivation du Tadjikistan pour l’UD est globalement la même que celle du Kirghizstan, à ceci près que la dépendance économique de Douchanbé à l’égard des pays de l’UD est encore plus forte que celle de Bichkek. Si Moscou, Minsk et Astana représentent quelques 25% du commerce extérieur du Tadjikistan, le poids de la Chine dans l’économie de ce dernier est moindre que pour le Kirghizstan (respectivement 34,5% et 50,3%), et surtout, l’économie tadjike est encore plus basée sur le transfert de fonds des migrants travaillant en Russie. Sur ce point précis, l’agence RIA Novosti indique qu’en 2012, près de 800 000 travailleurs tadjiks (soit plus de 15% de la population active du pays) ont envoyé de Russie et du Kazakhstan quelques 3,8Md$ au Tadjikistan, une somme qui représenteraient la moitié du PIB du pays (7Md$ en 2012). Ces travailleurs feraient vivre plus de 50% des familles tadjikes [32].
Comme pour le Kirghizstan, les perspectives d’une libre circulation des travailleurs avec les pays membres de l’UD jouent un grand rôle dans l’intérêt de Douchanbé pour l’UD. Et encore une fois, du point de vue russe, l’intégration du Tadjikistan, si elle peut indirectement permettre un meilleur contrôle des frontières de ce pays, notamment celles avec l’Afghanistan (Douchanbé et Kaboul partagent une frontière longue de 1 700km), constitue surtout un gain politique.
Il semble nécessaire d’attirer l’attention sur les problèmes sécuritaires et économiques posés par l’éventuelle entrée du Kirghizstan et du Tadjikistan dans l’UD, et plus précisément par l’incapacité de ces pays à gérer efficacement leurs frontières. Pour le Kirghizstan, le problème principal a trait à un possible afflux de produits chinois sur le territoire de l’UD. Un grand nombre de marchandises y rentrent illégalement puis sont redirigées vers les pays de l’UD en tant que marchandises kirghizes. Vu la différence globale de prix des produits fabriqués en Chine de ceux au sein de l’UD, et notamment en Russie, cela risquerait de créer une situation de forte concurrence.
En ce qui concerne le Tadjikistan, les appréhensions viennent surtout du trafic de stupéfiants, héroïne notamment, en provenance d’Afghanistan et transitant notamment par ce pays d’Asie centrale avant d’atteindre la Russie. Il convient d’insister sur l’ampleur des problèmes posés par la consommation d’héroïne en Russie. Elle représente 20% de la consommation mondiale de cet opiacé. Selon plusieurs sources officielles russes, il y aurait près de 8,5 millions de personnes dépendantes à la drogue en Russie (soit 6% de la population totale du pays), dont 90% d’entre eux à l’héroïne. Ce stupéfiant, dont le marché représenterait annuellement le montant de 6Md$, entrainerait ainsi la mort de 30 à 40 000 Russes par an [33]. Les jeunes sont particulièrement touchés, avec les conséquences induites sur le renouvellement de la population en Russie, un sujet risquant fort de devenir une question de sécurité nationale à l’avenir. Dans la perspective d’une intégration du Tadjikistan dans l’UD, ces chiffres pourraient prendre une proportion encore plus dramatique, du fait de la suppression des contrôles douaniers, et possiblement, à terme, des contrôles migratoires.
Il incomberait ainsi à la Russie soit de financer la sécurisation des frontière tadjikes et kirghizes, soit de participer directement à leur surveillance, ce qui dans les deux cas implique des coûts supplémentaires pour Moscou, et ce qui dans au moins un cas, revient à une baisse relative de souveraineté pour Bichkek et Douchanbé. Il faut observer ici que la Russie semble pousser ses intérêts sécuritaires via l’OTSC (ODKB). Elle multiplie en effet les initiatives pour donner une nouvelle existence et consistance à cette organisation militaire régionale, notamment via des actions dans le domaine de la sécurité aux frontières. Ce choix permet certainement à Moscou d’éviter certaines critiques de ses anciens satellites d’un retour hégémonique du grand frère.
Arménie.
Cet État du Caucase entretient depuis la chute de l’Union soviétique des relations fortes avec la Russie, tant pour des raisons historiques que pour des motifs plus pragmatiques. En situation de conflit avec son voisin azerbaidjanais, l’Arménie est un pays enclavé. Ses frontières sont fermées avec deux de ses quatre voisins, l’Azerbaïdjan et la Turquie. Ne disposant que de peu de ressources naturelles, sans accès à la mer et placé dans une situation géopolitique problématique, Erevan a depuis son indépendance en 1991 systématiquement favorisé une politique d’amitié à l’égard de la Russie, très présente en Arménie. Moscou y dispose d’une importante base militaire, celle de Gyumri, forte de 5 000 hommes et dont la présence a en 2010 été prolongée jusqu’en 2044 [34]. La Russie est le premier partenaire commercial de l’Arménie (en considérant les données par pays, non par bloc), représentant 21,7% de ses échanges extérieurs. Elle est de manière générale fortement impliquée dans de nombreux secteurs cruciaux de l’économie arménienne. Par ailleurs, Erevan dépend intégralement de Moscou pour son approvisionnement en gaz, dont le réseau de distribution, Armrosgazprom, est détenu à 80% par Gazprom, qui souhaite d’ailleurs racheter les 20% restant détenus par l’État arménien [35]. Enfin, de la même façon que pour le Kirghizstan et le Tadjikistan, de nombreux immigrés arméniens travaillent en Russie (qui attire toujours la majorité des migrants arméniens). La relation de dépendance de l’Arménie à l’égard de la Russie est donc forte et multiple, concernant aussi bien les domaines commerciaux qu’économiques, énergétiques et sécuritaires.
En dépit de cette relation, l’Arménie, membre actif de l’OTSC et disposant du statut d’observateur de l’Eurasec, avait jusqu’alors montré un intérêt limité envers l’Union douanière et le projet d’Union eurasiatique, et s’était engagé avec Bruxelles pour la signature d’un accord d’association. Les négociations pour la signature de cet accord ayant été finalisées en juillet dernier [36], celui-ci aurait logiquement dû être signé en novembre prochain à Vilnius, lors du sommet du Partenariat oriental. En signant l’accord de libre-échange complet et approfondi (DCFTA), Erevan cherchait notamment à réduire la tutelle qu’exerce Moscou à son égard, tout en restant par ailleurs un fort allié, notamment sur le plan politique et militaire, du grand frère russe. Le Président Serge Sarkissian a provoqué la surprise en déclarant contre toute attente lors d’un entretien avec son homologue russe à Moscou le 3 septembre dernier que son pays avait finalement choisi d’intégrer l’Union douanière et à terme l’Union eurasiatique [37]. Si l’Arménie maintenait effectivement ce nouveau cap, l’accord d’association avec l’UE, se trouvant pourtant à un point de négociations avancées ne pourrait être signé, ce qui constituerait une victoire symbolique importante pour la Russie.
Un pays fondamental dans le processus eurasiatique, mais qui semblerait privilégier Bruxelles à Moscou : l’Ukraine.
[NDLR : Rappel, ce texte a été initialement publié en octobre 2013, il ne pouvait donc pas tenir compte de la prise de distance de Kiev à l’égard de l’UE en novembre 2013] L’Ukraine est de loin le pays envers lequel Vladimir Poutine a déployé le plus d’énergie pour le pousser à intégrer l’UD. Outre son intérêt économique (dépassant de loin celui du Kirghizstan, du Tadjikistan, de l’Arménie ou de pays déjà membres de l’UD comme la Biélorussie et le Kazakhstan), l’adhésion de Kiev à l’UD, et plus généralement au projet d’Union eurasiatique, donnerait à cette initiative un sens qui lui manque présentement à de nombreux égards. L’’intégration de ce pays européen, berceau historique de la nation russe, au potentiel économique fort, constituerait une justification de poids à l’entreprise eurasiatique envers la population russe, se montrant bien plus indifférente, voire franchement hostile à l’intégration des républiques d’Asie centrale, musulmanes, et faibles économiquement. Sur le plan extérieur, l’adhésion à l’UD et au projet eurasiatique de l’Ukraine constituerait une victoire de taille de Moscou vis à vis de Bruxelles et de Washington, engagés depuis plusieurs années, et à des degrés différents en faveur d’un arrimage de cet État aux structures occidentales.
Si sous la présidence de Viktor Ioutchenko (2005-2010), la potentialité d’un tropisme ukrainien envers l’UD en construction semblait exclue, l’élection de Victor Ianoukovitch en janvier 2010 a ouvert une période d’incertitude quant aux choix que fera Kiev entre Bruxelles et Moscou. Hâtivement présenté en Occident comme pro-russe, V. Ianoukovitch a effectivement été élu sur la base d’un programme de rapprochement avec la Russie, dont les relations avec l’Ukraine s’était fortement distendues sous la présidence de son prédécesseur. Il est vrai que certaines promesses symboliques du candidat Ianoukovitch, comme celle de faire du russe la seconde langue officielle d’Ukraine, partiellement réalisée par l’adoption d’une loi à portée régionale à l’été 2012, a renforcé l’image pro-russe du nouveau Président.
Plusieurs événements liés à l’actualité ukrainienne ont, de façon directe et indirecte, pu faire suggérer que l’Ukraine se tournait vers l’Est. Un exemple significatif est la prorogation pour une durée de 25 ans du bail de la flotte russe basée à Sébastopol, en Crimée, qui pourra ainsi y demeurer jusqu’en 2042. Cette prolongation, fixée selon les termes de l’accord de Kharkov, signé dans la ville du même nom en avril 2010, a été acceptée en échange d’une réduction de l’ordre de 30% du tarif du gaz vendu par la Russie. L’accord de Kharkov lui-même a suscité des réactions globalement négatives en Union européenne, où la crainte d’un retour de Kiev dans le giron russe s’est particulièrement faite entendre.
Par ailleurs, le procès puis la condamnation en octobre 2011 de l’ancienne Première-ministre ukrainienne Ioulia Timochenko à 7 ans de prison a contribué à un net refroidissement des relations entre Bruxelles et Kiev, entre autres illustré par l’appel de nombreuses personnalités européennes à suspendre les négociations sur l’accord de libre-échange [38].
Parallèlement à ce contexte de ralentissement des relations UE-Ukraine, la Russie a fait montre d’une grande insistance pour attirer son voisin slave dans l’UD. De façon positive tout d’abord, Moscou a vanté à de maintes reprises les avantages dont bénéficierait Kiev en intégrant l’UD : réduction substantielle du prix des hydrocarbures, gains significatifs de croissance du PIB, développement des partenariats russo-ukrainiens dans certains domaines comme l’industrie, l’aéronautique ou les technologies. Il est également plausible que la structure décisionnelle prévalant au sein de l’UD ait été pensée et mise en œuvre afin de rassurer l’Ukraine : dans l’UD, dont les décisions et les politiques sont adoptées a priori sur un mode consensuel et de façon transnationale, Kiev serait un associé de Moscou participant pleinement aux orientations de cette structure, et non un vassal.
Conjointement à cette promotion de l’UD, la Russie a signalé à l’Ukraine qu’en cas de signature de l’accord d’association, l’ensemble des accords de libre-échange liant Moscou (et à fortiori les autres pays signataires des accords de libres échanges de la CEI, pays de l’UD en tête) à Kiev seraient rompus, l’argument principal étant qu’il faudrait prendre des mesures protectionnistes contre les marchandises importées des pays de l’UE par l’Ukraine. La Russie a même récemment, vraisemblablement à titre d’avertissement, décrété des embargos sanitaires sur les produits ukrainiens, le dernier datant du mois d’août 2013 et interdisant provisoirement l’importation des célèbre confiseries de la marque ukrainienne Roshen [39]. Au vu du caractère politique des embargos « sanitaires » décidés par Rospotrobnadzor (les précédents moldave et géorgien de 2006 sont éloquents), il est possible qu’ils ont été émis afin de montrer à l’Ukraine les mesures que prendront la Russie (et à fortiori l’UD) en cas de signature par Kiev d’un accord d’association avec l’UE. Le 21 août 2013, Sergei Glaziev, le conseiller du Président russe, a ainsi indiqué que l’UD devrait probablement mettre fin à son accord de libre échanges avec l’Ukraine si ce pays signait l’AA avec l’UE, arguant de problèmes liés à la réexportation de produits européens via l’Ukraine vers l’UD, et à la non-adéquation entre les règlements phytosanitaires en vigueur en UE et au sein de l’UD [40].
Kiev a longtemps cherché un compromis lui permettant de bénéficier des avantages de l’AA et de ceux de l’UD et a ainsi tenté de négocier une participation simultanée dans ces deux entités. Sans vouloir remettre en cause le processus de rapprochement avec Bruxelles, fondamental pour l’économie ukrainienne, en grand besoin d’investissements et de modernisation, Kiev visait une forme de participation à l’UD. Cette intégration duale a été rejetée par les deux blocs : alors que Bruxelles indiquait que l’instauration d’une zone de libre-échange avec l’Ukraine était incompatible avec son intégration dans l’UD, Moscou insistait pour une participation entière de l’Ukraine à l’UD, et non un format spécifique de type « 3+1 » proposé à plusieurs reprises par Kiev.
De récents développements montreraient qu’a priori, Kiev a finalement fait le choix d’un rapprochement avec l’UE, au détriment de son intégration eurasiatique. Après de longues tergiversations, il semblerait bien que l’accord d’association soit signé au sommet à venir du Partenariat oriental, qui se tiendra en novembre 2013 à Vilnius. Du fait de la densité de cet accord, sa signature aurait notamment pour effet de rendre impossible toute participation poussée de l’Ukraine à l’UD-Union eurasiatique, et surtout de rapprocher très fortement l’Ukraine de l’Union européenne. Ce rapprochement substantiel de Kiev avec Bruxelles, avec en corollaire son éloignement de Moscou sera lourd de conséquences sur le processus d’intégration eurasiatique. [NDLR. Au vu des développements de novembre-décembre 2013 et janvier 2014, ce point est à reconsidérer].
L’Union eurasiatique selon V. Poutine
D’ici quelques années, l’UD pourrait être assimilée à une structure plus vaste et aux compétences beaucoup plus importantes : il s’agit de l’Union eurasiatique, que V. Poutine évoque pour la première fois dans un programme publié par le journal Izvestia en octobre 2011 [41]. Dans cet article, V. Poutine revient tout d’abord sur les réalisations de l’UD, près de deux après son lancement et quelques mois avant sa transformation formelle en espace économique commun. Soulignant les nombreux impacts positifs qu’aurait suscités la mise en place de l’UD sur ses membres, V. Poutine met en exergue la grande innovation qui la caractérise par rapport aux structures qui l’avaient précédée, comme la CEI ou l’Eurasec : la présence d’organes transnationaux. Par ailleurs, le Président russe fait à plusieurs reprises références à l’UE, qui aurait, de façon non exclusive, servi de modèle à la construction de l’UD. Il déclara ainsi « Il a fallu 40 ans aux Européens pour passer de la CECA à l’Union européenne. La mise en place de l’UD et de l’espace économique commun est bien plus rapide, car elle s’inspire de l’expérience de l’UE et d’autres organisation régionales, en prenant en compte leur réussites et leurs échecs ».
Dans un second temps, le chef d’État russe indique que le processus ne s’arrêtera pas à l’UD, et qu’il s’agira désormais de poursuivre « un but plus ambitieux, c’est à dire passer à l’étape suivante, plus profonde d’intégration : l’Union eurasiatique ». Se défendant d’emblée de vouloir restaurer l’Union soviétique, V. Poutine affirme qu’il s’agira de créer une intégration forte reposant sur de « nouvelles valeurs et de nouvelles bases politiques et économiques ». L’Union eurasiatique serait ainsi appelé à devenir un nouvel acteur mondial, jouant notamment le rôle de pont entre l’Europe et l’Asie pacifique. Ouverte à tous les États, et avant tout à ceux issus de la décomposition du bloc soviétique, la participation à l’Union eurasiatique ne serait pas, toujours selon V. Poutine, contradictoire avec l’intégration à d’autres structures régionales, UE notamment : cette précision semble notamment adressée à l’Ukraine, qui n’a pas arrêtée de façon définitive son choix entre rapprochement avec Bruxelles ou participation au projet eurasiatique. Il convient par ailleurs de souligner qu’elle est démentie par la réalité : Moscou a clairement fait savoir à Kiev que l’intégration à l’UD ne serait pas possible si l’Ukraine se rapprochait de l’UE en signant le DCFTA.
Le programme d’Union eurasiatique annoncée par V. Poutine en octobre 2011 marque par l’étendue de son ambition, et témoigne de la volonté du Président russe de créer un nouveau pôle d’influence mondiale qui serait structurée autour de la Russie. Quoique plusieurs aspects de ce projet doivent être pour l’heure considérés comme purement déclaratifs, le processus initié par la mise en place de l’UD est appelé à se renforcer de façon concrète dans un futur proche, les membres de cette structure ayant effectivement décidé de passer d’ici 2015 au quatrième stade de leur intégration, c’est à dire l’union économique. Après la conclusion d’accords de libre-échange (stade 1), puis d’union douanière (stade 2) puis d’espace économique commun (stade 3, stade actuel), apparaitrait donc le quatrième stade de l’intégration, celui d’une union économique, en occurrence l’Union économique eurasiatique.
Schéma récapitulatif des 4 stades de l’intégration économique : [42]
Le passage de l’Union douanière à l’Union eurasiatique.
L’Union économique eurasiatique présentera une étape de plus dans le processus d’intégration économique comparativement à l’Union douanière et à l’espace économique commun en ce sens qu’elle envisage l’instauration des fameuses « 4 libertés » sur son territoire. Ces dernières, fondamentales dans l’histoire de la construction européenne sont la liberté de mouvement des marchandises, des services, des capitaux et des personnes. Si la liberté de circulation des marchandises existe déjà au sein de l’espace économique commun, avec de nombreuses limites, les trois autres ne sont pas encore développées. La CEEA travaille actuellement à la mise en place totale de ces quatre libertés pour l’horizon 2015.
Liberté de mouvements des marchandises
Quoiqu’elle soit censée être totale depuis la mise en place de l’espace économique commun en janvier 2012, de nombreuses limites grèvent encore sa pleine réalisation [43].
La CEEA envisage ainsi que d’ici 2015, l’ensemble des barrières au mouvement des marchandises soient levées. Il s’agit des barrières dites « physiques », en l’espèce, les entraves posées par les États membres et limitant le mouvement de certains bien particuliers comme les médicaments, le matériel médical et certaines matières premières. Cette catégorie comprend également les barrières posées par les États contre un accès égal au marché à tous les opérateurs économiques de l’UD, qu’ils soient résidents de l’État dans lequel ils tiennent leur activité ou non. Autrement dit, la préférence nationale existe encore au sein de l’UD, et la CEEA se fixe le but de la faire disparaitre d’ici 2015.
Les barrières dites « techniques » devront aussi être supprimées d’ici 2015 : concrètement, la CEAA pousse à l’adoption de règlements sanitaires et phytosanitaires communs à l’ensemble des pays de l’UD, afin de faciliter le commerce entre les Etats membres. L’adoption de standards unifiés de qualité permettrait également de faire l’économie de certaines entraves à la liberté des marchandises, jaillissant par exemple lorsqu’un pays A considère que le produit d’un pays B ne respecte pas les normes du pays A. Cette entrave à la liberté des marchandises surgit souvent entre la Russie et la Biélorussie. Généralement pour des raisons d’ordres politiques, Moscou bloque, au motif de manquements à ses propres règlements sanitaires, l’importation de produits biélorusses. Le dernier exemple en date remonte au 28 août dernier : Rospotrobnadzor a annoncé que des produits laitiers biélorusses ne respectaient pas les normes russes, et que leurs importations pourraient être suspendues. La cause réelle de ces menaces d’embargos serait plutôt liée à l’emprisonnement par les autorités biélorusses d’un grand capitaine d’industrie russe, Vladislav Baumgertner, survenu quelques jours plus tôt [44].
Enfin, la CEEA s’engage pour la suppression des barrières dites fiscales, encore existantes du fait que certaines catégories de produits ne sont pas soumis au tarif douanier commun, mais au tarif douanier des États-membres. C’est par exemple le cas pour le Kazakhstan, qui a pu maintenir de façon transitoire ses tarifs sur plusieurs catégories de marchandises.
Liberté de mouvements des services.
La CEEA compte également prendre des mesures afin de dynamiser le commerce des services entre les États membres, fortement à la traîne par rapport au commerce des marchandises, alors même que la part des services dans les PIB des États-membre oscillent entre 55 et 60%.
Liberté de mouvements des capitaux.
La CEEA cherche également à renforcer les mouvements de capitaux entre les pays membres, et ce notamment dans le but de favoriser les investissements directs étrangers réciproques, qui demeurent faibles, ne représentant que 9,36% de l’ensemble des IDE réalisés sur le territoire de l’UD.
A cet effet, plusieurs initiatives devraient être prises prochainement, visant notamment à réduire les entraves monétaires en se dirigeant vers une politique monétaire commune, et en développant l’usage de la monnaie régionale « la plus forte », comprendre le rouble russe, dans les échanges financiers entre pays membres.
La CEEA propose également d’instituer un système de reconnaissance mutuelle des autorisations administratives délivrées pour l’exercice d’activités professionnelles dans le domaine de la finance.
Liberté de mouvements des personnes
La quatrième liberté que la CEEA compte mettre en place dans le cadre de l’Union eurasiatique économique est la liberté de mouvements des personnes. La CEEA insiste sur le besoin d’une harmonisation de la politique de visa entre les pays membres, en vue de supprimer les contrôles migratoires entre les frontières internes de la future Union économique eurasiatique.
Parallèlement à ces innovations majeures, deux autres mesures peuvent être évoquées. Si ces dernières doivent pour le moment être considérées comme hypothétique, elles sont régulièrement évoquées et leur mise en place constitueraient une étape décisive dans le processus d’intégration post-soviétique.
Il s’agit tout d’abord de l’idée d’instaurer une monnaie commune au sein de la future Union économique eurasiatique, notamment exprimée par le président du collège de la CEEA, Victor Kristenko, le 19 novembre 2011, au lendemain de l’accord sur la création de l’espace économique commun [45].Si l’ensemble des dirigeants concernés admettent que cet horizon n’a rien d’immédiat, et que N. Nazarbaev a fait montre à plusieurs reprises de sa réserve quand à cette idée, et de son refus que cette monnaie commune puisse être le rouble, elle revient régulièrement lors de divers sommets consacrés à l’intégration eurasiatique. Elle peut ainsi être considérée comme une perspective de long terme pour les États de l’UD.
Parallèlement à cette éventualité, l’idée d’un Parlement eurasiatique, qui se substituerait à l’Assemblée inter-parlementaire de l’Eurasec (appelé quant à elle à devenir assemblée inter-parlementaire de la CEEA avec la possible intégration du Kirghizstan et du Tadjikistan) a également été mentionnée.
Évoquée par le Président de la Douma, Sergei Narishkine, lors d’un déplacement à Astana en avril 2012 [46], cette perspective, qui fait l’objet de discussions régulières entres des groupes de parlementaires russes, biélorusses et kazakhs demeure pour le moment dans le registre hypothétique. Toutefois, elle pourrait être étudiée plus sérieusement à l’avenir, si les résultats de l’Union économique eurasiatique s’avèrent concluant.
Vers un possible renforcement de l’intégration militaire.
Il est nécessaire d’attirer l’attention sur le fait que parallèlement au développement d’une union d’abord économique puis politique, la dynamique intégratrice n’échappe pas au domaine militaire : l’ensemble des membres actuels et à venir (au moins pour le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Arménie) de l’UD sont également membres de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC).
Fondée en 2002 à Chisinau, cette structure, reconnue à l’ONU comme organisation internationale, promeut un rapprochement des instances militaires des États y participant, notamment pour faire face aux menaces communes auxquels ils sont exposés, comme le terrorisme, le trafic de stupéfiants et surtout les problèmes inhérents au retrait des troupes américaines d’Afghanistan en 2014.
L’OTSC a ainsi organisé à Bichkek en mai dernier un sommet informel consacré à l’Afghanistan, au cours duquel V. Poutine a notamment déclaré que les États membres devront suivre « l’évolution de la situation en Afghanistan pour décider de ce que nous devrons faire ensemble afin de réagir à un changement de la situation et d’assurer inconditionnellement la sécurité de nos peuples et de nos pays" [47]. Les mesures que devrait prendre l’OTSC pour contenir les dangers suscités par la situation en Afghanistan seraient, selon les dires de son secrétaire général Nikolai Bordiouja de deux types. D’une part, l’organisation intensifierait sa coopération avec les autorités afghanes, dans des domaines tels la formation du personnel ou encore la mise en place de projets conjoints. D’autre part, un net renforcement de l’OTSC aussi bien capacitaire que décisionnel serait mis en œuvre [48].
Les résolutions prises au cours du dernier sommet de cette organisation à Bichkek en mai dernier, attestent de cette volonté de consolidation. Lors de cet événement, il a ainsi été décidé que, dans le cadre de l’OTSC, la Russie aiderait le Kirghizstan à procéder à la modernisation de ses équipements militaires. [49]. Douchanbé devrait également profiter de cette dynamique. L’OTSC soutiendra effectivement le Tadjikistan dans le développement de ses possibilités de défense, notamment le long de sa frontière avec l’Afghanistan, en fournissant entre autres des armes et du matériel aux troupes chargées de la protection frontalière. [50].
Il faut donc s’attendre à un développement de l’OTSC dans les années à venir, procédant tant des menaces auxquelles les États de cette organisation sont confrontés que du processus intégrateur actuellement à l’œuvre dans l’espace CEI.
Les perspectives de la présente dynamique d’intégration post-soviétique dépassent pour le moment toutes celles qui avaient été entreprises précédemment. À un projet d’union économique eurasiatique, déjà partiellement réalisé, se rajouterait celui d’une union politique entre ses États membres. Ces derniers pourraient éventuellement être liés par une instance transnationale, le Parlement eurasiatique, semblable à celui existant en Union européenne, le Parlement européen, et gage d’un processus décisionnel auquel les citoyens des États membres participeraient.
En parallèle à ce renforcement de l’intégration économique et potentiellement politique, un approfondissement des synergies dans le domaine de la défense est également à prendre en compte. Si l’ensemble de ces ambitieux projets était pleinement réalisé, il signifierait que la Russie est parvenue à structurer autour de son territoire un ensemble régional cohérent, puissant économiquement (sur le plan des ressources naturelles notamment) et situés entre deux pôles majeurs des relations internationales contemporaines que sont l’UE et la Chine. Il montrerait également que la Russie est parvenue à devenir un modèle attractif, envers des voisins auparavant réticents à toute tentative d’intégration structurelle avec Moscou, souvent perçue comme une manifestation cachée et supplémentaire d’un néo-impérialisme russe ne cherchant à asseoir que ses propres intérêts.
Plusieurs réserves peuvent être formulées envers les projets d’intégration eurasiatique. Elles tiennent d’une part du problème récurrent posé par le poids de la Russie. D’autre part, il convient de se demander dans quelle mesure le projet d’intégration est soutenu par les élites, mais aussi par les populations des pays intéressés. Enfin, plus concrètement, il faut s’interroger sur les possibilités réelles d’extension de l’Union eurasiatique, qui paraissent en définitive limitées.
Une union ou une fédération d’États vassaux autour de la Russie ?
La réserve la plus évidente pouvant être prononcée vis à vis du projet d’Union eurasiatique est la même que celle constatée pour l’UD : le profond déséquilibre existant entre la Russie et les autres membres, effectifs ou à venir de l’Union. Ce problème, fondamental dans l’intégration post-soviétique, pourrait menacer l’avenir du processus de construction eurasiatique, fortement promu par V. Poutine. Représentant, de ses propres dires, l’une des priorités absolues de son troisième mandat [51], il semblerait susciter moins d’enthousiasme parmi les autres parties intéressés. Si Minsk et Astana sont favorables au volet économique de l’intégration, leur regard envers d’autres développements de ce processus, notamment sur le plan politique et monétaire, est beaucoup plus mesuré.
En ce qui concerne le Kazakhstan par exemple, la crainte d’une perte de souveraineté au profit d’une ingérence russe de facto dans ses affaires est forte. Le fait que l’UD est peu prise en compte les points de vue kazakhs dans l’élaboration du tarif douanier commun, ou encore que le siège de la CEEA soit situé à Moscou, alors que N. Nazarbaev insistait pour qu’il soit à Astana (ce qui semble d’ailleurs plus cohérent dans une perspective eurasienne) a contribué à alimenter ces réticences.
Plusieurs personnalités politiques kazakhes ont ainsi rejeté l’hypothèse de la création d’un Parlement eurasiatique, évoquée par S. Narishkin. Le conseiller du Président kazakh a ainsi déclaré en septembre 2012 que cette perspective était pour le moment hors de propos, et que S. Narishkin n’avait exprimé qu’une opinion personnelle [52].
Plus récemment, N. Nazarbaev a réitéré qu’il n’était pas question de donner à la CEEA des compétences de nature politique, déclarant à l’issue d’une rencontre avec ses homologues russe et biélorusse à Astana en mai 2013 : « Je souhaiterais une fois de plus mettre l’accent sur le fait qu’il n’y a aucun plan qui, envisageant le transfert de compétences politiques à des instances supranationales, remettraient en cause l’indépendance des États. Il ne s’agit que d’intégration économique » [53].
Le Président biélorusse a également fait montre de sa volonté de temporisation vis à vis de la création d’un Parlement eurasiatique indiquant en décembre 2012 à Minsk que « la création d’une assemblée interparlementaire, comme celle existante au sein de la CEI était envisageable, mais qu’il faudrait d’abord voir quels seraient les bénéfices d’une nouvelle structure. Pour le moment, aucun » [54].
Cette méfiance des leaders kazakh et biélorusse procède essentiellement de la peur d’une perte de souveraineté. En effet, il parait pertinent de se demander comment la prise de décisions pourrait être réellement consensuelle et intégrer les intérêts de tous les participants dans une union où un pays, la Russie, joue un rôle surdimensionné sur tous les plans. Ainsi, contrairement à l’UE, où le transfert de certaines compétences a été possible, notamment du fait de l’absence d’un État surpassant tous les autres dans les domaines économiques, politique, démographiques et militaires, il est à craindre que l’Union eurasiatique, si elle est créée, soit en fait une fédération de vassaux regroupés autour de la Russie, sans réel autre contrepouvoir décisionnel que Moscou.
Un projet durable ?
Il est nécessaire de se demander si le projet de formation d’Union eurasiatique survivra aux évolutions des pouvoirs actuellement en place dans les pays de la CEEA.
Le régime d’A. Loukachenko se maintient tant que ce dernier peut garantir le pacte social le liant à son peuple, reposant sur une économie de facto largement subventionnée par la Russie. Si pour une raison ou pour une autre, Minsk n’était plus en mesure de maintenir ce système, il y a fort à parier que des changements politiques majeurs pourraient intervenir. Sans parler de révolutions de couleur, il est possible qu’avec un changement de régime, la Biélorussie se montrerait moins tournée vers l’intégration eurasiatique et privilégierait une politique davantage multivectorielle. D’ailleurs, l’intégration eurasiatique ne bénéficie pas d’un soutien massif de la part de la population biélorusse. Celle-ci est partagée à égalité entre partisans d’une intégration avec l’UE et partisans d’une intégration avec la Russie (selon les données recueillies en juin 2013 par le Belarus Independant Institute of Socio-Economic and Political Studies) [55].
En ce qui concerne le Kazakhstan, cette question semble plus concrète. N. Nazarbaev est âgé, d’une santé déclinante, et la question de sa succession est ouvertement posée. Il semble vraisemblable que les nouvelles élites de cette République, souvent formées en Occident, soient animées d’un tropisme post-soviétique moins fort que celui du Président actuel, et que le pragmatisme puisse l’emporter sur l’idéologie. Aussi, lorsqu’il quittera le pouvoir, il est possible qu’Astana s’associe avec moins de vigueur (et encore, les réserves kazakhes sont déjà existantes face à une intégration politique ou monétaire) au projet poutinien d’Union eurasienne. D’ailleurs, une partie de l’opposition kazakhe a lancé en avril 2013 l’idée d’un référendum pour la sortie du pays de l’UD [56]. L’adhésion des Kazakhs au projet d’Union eurasiatique doit donc être considérée comme une question ouverte : alors que l’entrée dans l’UD a eu des conséquences négatives sur le quotidien de la population (augmentation des prix), les perspectives d’une intégration monétaire, voire politique, sont rejetées par la majorité de la classe politique locale, N. Nazarbaev en tête.
L’adhésion à l’idée d’UD doit aussi être posée du point de vue russe. Là encore, il semblerait que l’évidence ne soit pas de mise. Le projet d’Union eurasiatique, évoqué par V. Poutine avant sa réélection pour un troisième mandat en 2012, est l’un des axes majeurs de sa politique, et il pourra éventuellement le rester s’il est réélu en 2018. Cette option demeure hypothétique : la côte de popularité de V. Poutine, quoique persistante, est en baisse et les Russes sont en majorité opposés à sa réélection pour un quatrième mandat [57].
Par ailleurs, au vu des conséquences qu’il pourrait entrainer, le projet d’Union eurasiatique peut être dur à défendre auprès de l’opinion publique. Si les Russes sont attachés au maintien des intérêts et de la présence de leur pays dans les États de l’étranger proche, il ne sont pas forcément disposé à « payer » pour des voisins plus pauvres et moins développés, comme c’était le cas durant la période soviétique vis à vis des Républiques d’Asie centrale.
Il est d’ailleurs pertinent de s’interroger sur les capacités de la Russie à supporter quasiment à elle seule le fardeau économique représenté par les Républiques d’Asie centrale potentiellement membres (Kirghizstan et Tadjikistan), mais aussi par la Biélorussie, dont le système économique ne se maintient que grâce à la « générosité » russe. Cette question mérite effectivement d’être posée alors même qu’une partie non négligeable de la population et de la classe politique se prononce en faveur d’un abandon par le centre de certaines périphéries trop coûteuses, comme les régions du Caucase du Nord [58]. Plus généralement, la Russie demeure marquée par de profondes inégalités économiques et sociales entre ses différentes régions, inégalités qu’elle doit corriger prioritairement pour s’assurer un développement solide et pérenne. Dès lors, peut-elle se permettre, à l’heure actuelle, de soutenir financièrement la participation d’États peu développés à la dynamique eurasiatique ? A cet égard, il est possible d’établir une comparaison avec les réactions qu’a a suscité le soutien de certains États comme la France et l’Allemagne à d’autres pays européens en crise comme la Grèce. La dénonciation de ces mécanismes de solidarité, constaté par une partie des opinions publique et de la classe politique européenne pourrait bien se répéter dans le contexte de l’Union eurasiatique.
Il est également opportun de se demander comment réagirait la population russe face aux conséquences de la mise en place d’une des quatre libertés, la liberté de mouvement des personnes. Si d’importants flux migratoires n’ont pas été enregistrés en provenance de Biélorussie ou du Kazakhstan (selon la CEEA, en 2011, le nombre de migrants économiques allant d’un pays de l’UD à l’autre représentait 60 000 personnes, soient 1% du chiffre total de migrants économiques dans les pays de l’UD [59]), il en va autrement du Tadjikistan et du Kirghizstan, où une grande partie de la population travaille déjà en Russie. En cas de participation de ces pays à l’Union eurasiatique, une augmentation du nombre de migrants est ainsi à anticiper, ce que ni la population russe (surtout celle de Moscou et de Saint-Pétersbourg, principales villes concernées par l’immigration centrasiatique), ni les élites ne soutiennent. Des durcissements des conditions d’entrée et de séjours en Russie pour ces migrants sont d’ailleurs à prévoir, et font partie du programme de l’ensemble des candidats aux élections municipales de Moscou de septembre 2013), dont celui de l’opposant russe le plus médiatisé, Alexei Navalnyi [60]. Dans ce contexte, on peut raisonnablement douter du succès de la mise en application en 2015 de la liberté de mouvements des travailleurs au sein de l’Union eurasiatique économique
En définitive, une union eurasiatique avec quels pays ?
Une question doit enfin être posée sur l’étendue que pourrait réellement avoir l’Union eurasiatique. En considérant que les trois pays formant l’UD demeurent associés à ce projet, il n’y aurait pour le moment que trois autres États dont l’adhésion peut être qualifiés de probable, et non de certaine : le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Arménie. Il a déjà été montré précédemment que si leur intégration avait surtout une valeur politique pour les promoteurs de l’Union eurasiatique, V. Poutine en tête, elle est d’un intérêt économique objectivement douteux, et le soutien dont elle pourrait bénéficier de la part de la population russe semble limité.
Mis à part l’adhésion potentielle de ces trois États, il n’est pour le moment pas possible de se prononcer au sujet d’une adhésion d’autres anciennes républiques soviétiques au projet d’union eurasiatique, du moins sur une base volontaire.
L’Ukraine semblerait in fine avoir choisi le rapprochement avec Bruxelles. [NDLR : Rappel, cette étude est antérieure au revirement de novembre 2013] La Moldavie, dirigée depuis 2010 par une coalition pro-européenne, est également en négociation avec l’UE pour la signature d’un accord de libre échange et devrait, au moins à moyen terme, maintenir une orientation pro-européenne. Quoique l’opposition communiste, puissante, et qui milite désormais pour une participation de Chisinau au projet d’union eurasiatique, puisse éventuellement reprendre le pouvoir aux prochaines élections parlementaires en 2014, la perspective d’une volteface de Chisinau vers Moscou paraît peu probable. Le parti communiste moldave avait ainsi déjà fait campagne en 2001 pour une adhésion à l’Union Russie-Biélorussie, avant de se faire réélire en 2005 sur un programme tourné vers l’intégration européenne.
Mise à part l’Ukraine, l’Arménie et la Moldavie, il paraît pour l’heure inopportun d’évoquer la participation d’autres NEI aux projets eurasiatiques. Ni le Turkménistan, ni l’Ouzbékistan, ni au Caucase la Géorgie et l’Azerbaïdjan n’ont effectivement fait part de leur volonté de rejoindre ce processus d’intégration.
Selon nos pronostics, l’Union eurasiatique, si elle était réalisée, comprendrait 6 États postsoviétiques. Il manquerait à cet ensemble des régions stratégiques comme l’Ukraine pour être vraiment cohérente, tant politiquement qu’économiquement.
Plus de 20 ans après la chute de l’Union soviétique, faisant suite à plusieurs tentatives qui se sont dans l’ensemble toutes soldées par des échecs, une nouvelle dynamique intégratrice a vu le jour dans l’espace CEI. Nourrissant le but de rassembler des États qui n’en formaient qu’un auparavant, afin de créer un nouveau pôle économique, politique et militaire faisant le pont entre l’Europe et le Pacifique et axé autour d’une Russie de retour sur la scène internationale, le processus eurasiatique a déjà abouti à certaines réalisations qu’il convient de reconnaître à leur juste valeur. Novatrice dans sa forme, l’UD, trois ans après sa mise en place, a ainsi contribué à renforcer les échanges commerciaux de ses États membres, tant entre eux qu’avec le reste du monde. En parallèle de l’UD, d’autres initiatives économiques intégratrices se sont développées. Censée subir d’importantes évolutions dans un futur proche, l’actuelle UD deviendrait d’ici 2015 une véritable union économique, l’Union économique eurasiatique (UEE), dont les perspectives ambitieuses ont été présentées. Sur un plan quantitatif, elle pourrait de façon probable être rejointe par plusieurs pays. Sur un plan qualitatif, elle devrait, selon les vœux de V. Poutine, son promoteur et artisan principal, se transformer en une union politique, qui disposerait par ailleurs d’un pendant militaire déjà existant, l’OTSC. Si, contrairement aux précédentes expériences, l’UD et d’autre part le projet d’Union eurasiatique sont basés sur des volontés nationales plus fortes et des systèmes de fonctionnement mieux élaborés, plus complets, consensuels et in fine plus efficaces, de nombreux défis se dressent aujourd’hui sur la route de leurs pleines réalisations.
Sur le plan économique, tout d’abord, l’ensemble des pays composants ou qui composeront vraisemblablement l’UEE souffrent de sérieux retards qui devront rapidement être rattrapés. Si les volontés de modernisation sont suffisamment fortes et que ses pays parviennent à devenir réellement attractifs, l’UEE pourrait être un cadre positif, qui contribuerait à leur développement économique. Mais si les nombreux blocages constatés demeurent, l’UEE risque de devenir un carcan renforçant la stagnation de ces membres, pour peu à peu perdre de sa substance puis disparaître. Les profondes inégalités existantes entres les membres actuels et à venir du projet constituent une autre faiblesse : une union économique digne de ce nom ne peut fonctionner sur des bases saines lorsque le PIB par habitant de l’un de ses membres est 15 fois plus élevé que celui d’un autre membre.
Sur le plan politique, les pronostics paraissent plus hasardeux à engager. Quoique de réels efforts aient été entrepris pour faire de l’UD et de l’UEE à venir une plateforme où le processus décisionnel tient a priori compte de l’ensemble des membres et ce de façon équitable, il semble clair que c’est Moscou qui donnera les grandes orientations à suivre au sein de l’hypothétique Union eurasiatique. Les leçons de l’Histoire, ainsi que des facteurs objectifs et des éléments concrets amènent à la supposition suivante. La structure qui apparaîtra, peut être, du processus d’intégration eurasiatique ressemblera davantage à une fédération de vassaux gravitant autour de la Russie et au service de ses intérêts qu’à une véritable union d’États égaux. Les pays voisins de la Russie semblent conscients de cette dimension, et chercheront à priori à maintenir une indépendance et une autonomie somme toute récemment acquises, ce qui limite les possibilités d’une intégration politique poussée.
En définitive, au vu de la centralité de Moscou dans la dynamique actuelle d’intégration eurasiatique, la réussite ou l’échec de ce projet sera un excellent indicateur de l’image que donne la Russie d’elle-même au reste du monde, et à son étranger proche en particulier. L’intérêt manifesté par plusieurs États envers l’UD, qu’ils en soient déjà membres ou qu’ils soient appelés à le devenir rapidement serait à nos yeux un intérêt par défaut, voire contraint. La stratégie actuellement employée par Moscou pour associer d’autres États, Ukraine notamment, au processus eurasiatique va d’ailleurs dans ce sens : elle procède davantage d’une démonstration des risques qu’encourent ces pays à ne pas rejoindre le navire plutôt qu’à une promotion des bénéfices durables dont ils profiteraient en s’y associant. Si la Russie parvient à devenir, comme elle l’a été à d’autres époques pour une partie du monde, un réel modèle économique, social, politique et culturel, alors elle pourra prétendre à devenir un nouveau pôle majeur des relations internationales, attirant sur une base libre et consentie des États, qui seront peut-être situés au-delà des frontières de son étranger proche.
Copyright Dreyfus-octobre 2013/CEIS
Plus
[1] « Union douanière de l’Eurasec : début difficile », Russian Higher School of Economics, 2010 (publications.hse.ru)
[2] « Production et consommation d’opium et d’héroïne dans le monde », RIA Novosti, 30/06/10
[3] « Nombreux sont ceux qui critiquent l’UD », article paru dans le quotidien Vzgliad, 18/11/11 (vz.ru/politics/2011/11/18/539817.html)
[4] Discours prononcé par V. Poutine lors du sommet de Douchanbé, 6/10/07 (archive.kremlin.ru/text/appears/2007/10/147269.shtml)
[5] « Union douanière : premiers résultats et perspectives de développement », 20/01/12, Institut kazakh de recherches économiques (economy.kz/files/vse%20stati/56%20toxanova.pdf)
[6] « Russia blazes WTO trail for Kazakhstan and Belarus », KyivPost, 11/11/11 (kyivpost.com/content/russia-and-former-soviet-union/russia-blazes-wto-trail-for-kazakhstan-and-belarus-116734.html)
[7] « Countries profile », Worldbank (worldbank.org/en/country)
[8] Interview de Tatiana Valovaia, membre du collège de la CEEA, 31/05/12, Rossiskaia Gazeta (rg.ru/2012/05/31/eep.html)
[9] En avril 2013, la Cour a ainsi reçu la plainte d’une entreprise ukrainienne contestant la décision de la Commission de l’Union douanière du 9 décembre 2011 No. 904 « Sur les mesures visant à protéger les intérêts économiques des producteurs de cylindres en acier forgés pour trains de laminoir dans l’Union douanière ».) En mai 2013, la cour économique suprême de la République du Bélarus d’interprétation des dispositions de la décision de la Commission de l’Union douanière du 15 juillet 2011 No. 728 « Sur la procédure de franchise douanière pour certaines catégories de marchandises importées sur le territoire douanier commun de l’Union douanière ».
[10] « Eurasian Economic Commission », United Nations Economic Commission for Europe Committee on Trade, Fifht Session, Geneva, 18-19 June 2012.
[11] Rapport annuel de la Commission économique eurasiatique, 2012 (eurasiancommission.org/ru/Documents/EEC_AR2012.pdf)
[12] « Structure du commerce entre les pays membres de l’UD en 2012 », 22/06/13, Proved (провэд.рф/economics/customs-union.html)
[13] Idem
[14] Idem
[15] Classement Doing Business 2013, World Bank (doingbusiness.org/rankings)
[16] Site internet : eabr.org/e/
[17] « Agreement about launching United Transport and Logistics Company », 20/06/13, RZD-Partner (rzd-partner.com/news/logistics/agreement-about-launching-united-transport-and-logistics-company/)
[18] « Russia, Belarus and Kazakhstan set up interstate high-tech center », 29/07/13, Marchmont (marchmontnews.com/Finance-Business/Central-regions/19808-Russia-Belarus-and-Kazakhstan-set-up-interstate-high-tech-center-.html)
[19] Selon la Banque Mondiale, en 2012 (worldbank.org/en/country)
[20] Will Ukraine Join (and Save) the Eurasian Customs Union ?, Arkady Moshes, 04/13 (ponarseurasia.org/sites/default/files/policy-memos-pdf/pepm_247_Moshes_April2013.pdf)
[21] « Inflation rate reaches 7% for 11 months in Kazakhstan », Export.by, 07/12/11 (export.by/en/ ?act=news&mode=view&id=38323), “Kazakhstan inflation rate is 6% in 2012”, 03/01/13 (bnews.kz/en/news/post/117929/) et “Salary raise for public sector employees may affect inflation”, 11/07/11 (en.tengrinews.kz/kazakhstan_news/Salary-raise-for-public-sector-employees-may-affect-inflation-Kazakhstans-3062/)
[22] Selon la direction générale pour le commerce de la Commission européenne, 2012 (ec.europa.eu/trade/policy/countries-and-regions/)
[23] « Quelle est l’efficacité de l’UD », 03/13, Da Vinci Analytical Group (davinci.org.ua/docs/CU140313.pdf)
[24] Structure du commerce entre les pays membres de l’UD en 2012, 22/06/13, Proved (провэд.рф/economics/customs-union.html)
[25] « India to commence negociations with Customs Union of Belarus, Kazakhstan and Russia », 02/04/13, India Briefing et « Vietnam-Customs Union FTA negotiations see progress », 14/09/13, Vietnam+
[26] « Le Kirghizstan est disposé à adhérer à l’Union douanière avec la Russie », 29/12/10, Xin Hua (colisee.org/article.php ?id_article=3463)
[27] « Kirghizstan/Union douanière : une feuille de route adoptée en 2013 », 03/04/13, RIA Novosti (fr.rian.ru/world/20130403/197977865.html)
[28] Selon la direction générale pour le commerce de la Commission européenne, 2012 (ec.europa.eu/trade/policy/countries-and-regions/)
[29] Idem
[30] « Kyrgyzstan : Labor Migrants Grapple with Russian-Language Requirement », 1/02/13, Eurasia.net (eurasianet.org/node/66491)
[31] « Union douanière : le Tadjikistan prêt à s’engager dans la procédure d’adhésion », 19/12/12 (fr.ria.ru/world/20121219/196988835.html)
[32] “Tajik Migrants in Russia Send $3.8 Bln Home”, 25/01/13, RIA Novosti (en.rian.ru/world/20130125/179026395/Tajik-Migrants-in-Russia-Send-38-Bln-Home.html)
[33] “Over 8 Mln Russians are drug addicts”, 17/09/13, RIA Novosti (en.rian.ru/russia/20130917/183511725/Over-8-Mln-Russians-Are-Drug-Addicts—Govt-Report.html)
[34] “Russie-Arménie : prolongation de l’accord sur la base russe”, 20/08/10, RIA Novosti (fr.rian.ru/ex_urss/20100820/187267572.html)
[35] “Gazprom planning to increase its stake in ArmRosgazprom to 100 per cent”, 17/06/13, site de Gazprom (gazprom.com/press/news/2013/june/article164617/)
[36] “EU-Armenia free trade area negotiations successfully concluded” ,24/07/13, Arka (arka.am/en/news/economy/eu_armenia_free_trade_area_negotiations_successfully_concluded/ ?sphrase_id=806583)
[37] « L’Arménie adhérera à l’Union douanière Biélorussie-Kazakhstan-Russie », 03/09/13, RIA Novosti (fr.rian.ru/world/20130903/199197624.html)
[38] “Tymoshenko jailing hits EU agreement”, 10/11, UkraineBusiness insight (http://www.ukrainebusinessinsight.com/news/153/Tymoshenko_jailing_hits_EU_agreement)
[39] “Russia Bans Imports From Ukrainian Candy Maker Roshen”, 30/07/13, RIA Novosti (en.ria.ru/russia/20130730/182498506.html)
[40] « Les personnes opposées à l’UD sont loin de la réalité », 21/08/13, Vesti (vesti.ua/politika/13773-glazev)
[41] « Le nouveau projet d’intégration pour l’Eurasie, un futur qui commence aujourd’hui », 03/10/11, Izvestia
[42] Eurasian Economic Integration : facts and figures (eurasiancommission.org/ru/Documents/broshura26Body_ENGL_final2013_2.pdf)
[43] « La CEEA va publier un livre blanc sur les mouvements des marchandises et des services au sein de l’UD », 03/06/13, Finance.obozrevatel (finance.obozrevatel.com/analytics-and-forecasts/31407-eek-sozdaet-beluyu-knigu-tovarov-i-uslug-dlya-ts.htm)
[44] “Russia hints at ‘milk war’ after Belarus takes ‘potash war’ hostage”, 28/08/13, Russia Today (rt.com/business/russia-belarus-potash-milk-108/)
[45] « Selon V.kristenko, une union monétaire pourrait être introduite au sein de l’espace économique commun », 19/11/11 (newsru.com/finance/19nov2011/evrazes.html)
[46] « Naryshkin Calls for Establishment of Eurasian Parliament » ; 25/04/12, RIA Novosti (en.ria.ru/russia/20120425/173043817.html)
[47] « Afghanistan : l’OTSC devra assurer sa sécurité suite au retrait de la coalition », 28/05/13, RIA Novosti (fr.rian.ru/world/20130528/198410499.html)
[48] « Pourquoi tant d’hésitations à l’OTSC ? », 02/07/13, RIA Novosti. (fr.rian.ru/presse_russe/20130702/198675902.html)
[49] « Russie : une arme secrète de défense collective », 24/05/13, RIA Novosti. (fr.rian.ru/presse_russe/20130524/198380525.html)
[50] « L’Afghanistan : une priorité pour l’OTSC », 19/09/13, La voix de la Russie (french.ruvr.ru/2013_06_19/Nikolai-Bordiouja-le-probleme-afghan-est-l-un-des-principaux-pour-l-OTSC-8407/)
[51] « La coopération eurasiatique, priorité de la Russie », 19/10/11, RIA Novosti (fr.rian.ru/world/20111019/191578027.html)
[52] « Speaking about creation of Eurasian Parliament is premature : Yertysbayev », 20/09/12, TengriNews. (en.tengrinews.kz/politics_sub/Speaking-about-creation-of-Eurasian-Parliament-is-premature-Yertysbayev-13123)
[53] « Nazarbayev : Customs Union stands only for economic integration », 29/05/13, Interfax (interfax.co.uk/ukraine-news/nazarbayev-customs-union-stands-only-for-economic-integration-2/)
[54] « No need to hurry with Eurasian parliament, Lukashenko says », 11/12/12, Belta (news.belta.by/en/news/president ?id=701433)
[55] « Belarus Independant Institute of Socio-Economic and Political Studies » (www.iiseps.org/)
[56] « Opposition starts collection of signatures for withdrawal of Kazakhstan from Customs Union », 04/04/13, GlobalPost (globalpost.com/dispatch/news/asianet/130404/opposition-starts-collection-signatures-withdrawal-kazakhstan-customs-u)
[57] « Sondage : les Russes fatigués de Poutine », 11/04/13, RIA Novosti (fr.rian.ru/presse_russe/20130411/198049533.html)
[58] « Le Caucase sous perfusion », 14/03/12 (lecourrierderussie.com/2012/03/14/caucase-sous-perfusion/).
[59] « Rapport annuel de la CEEA, 2012 (en russe) », Eurasiancommission.org (eurasiancommission.org/ru/Documents/EEC_AR2012.pdf)
[60] « Navalny Rises as Head of Post-Soviet Generation », 05/08/13, The Moscow Times (themoscowtimes.com/opinion/article/navalny-rises-as-head-of-post-soviet-generation/484031.html)
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