F. Terpan réussit la gageure de présenter très clairement un sujet complexe en peu de pages et sans omission significative. Cette synthèse, aisée à lire, exacte, bien informée, sera donc d’un grand profit.
Présentation du livre de Fabien Terpan, La Politique étrangère, de sécurité et de défense de l’Union européenne, La Documentation Française, 2010, ISBN 978-2-11-005421-2, 118 p.
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LA POLITIQUE étrangère, de sécurité et de défense de l’Union européenne est notoirement difficile à présenter en peu de pages car elle « n’a aucun précédent historique » (p. 14) - ni même contemporain, ajouterions-nous - et regroupe trois champs d’activités conceptuellement séparables mais souvent entremêlés dans les faits.
D’abord, son aspect de politique étrangère inclut des politiques presque exclusivement civiles, établies depuis des décennies (commerce, développement, aide, élargissements, voisinage – cette dernière plus récente), où les institutions communautaires jouent un rôle important et généralement incontesté. Ensuite figurent des politiques intergouvernementales de sécurité développées depuis le sommet de Saint Malo de 1998 seulement, qui servent des objectifs hétérogènes et complexes - des tâches de Petersberg qui vont s’élargissant avec le temps (p. 92) - et mêlent outils militaires et civils de gestion des crises et de construction nationale - mais là aussi à l’étranger proche et lointain (Aceh, Afghanistan, Balkans, Géorgie, Bande de Gaza, RDC, Somalie, Soudan, Tchad). Enfin, pour certains acteurs (pp. 92-93), elle entendrait aussi explorer la possibilité d’une future politique de défense au sens traditionnel du terme (militaire et hard power) et en esquisser certains traits, mais dans des buts qui demeurent incertains (qui est l’ennemi militaire de l’UE ?) et dans une logique de future tension avec l’OTAN, actuellement responsable de la défense de l’Europe. Dans ces trois domaines, la combinaison des niveaux d’action nationale et européen, la multiplication des acteurs et le chevauchement des styles décisionnels, tantôt communautaires, tantôt intergouvernemental, tantôt mixtes, obscurcissent encore la perception citoyenne. On pourrait aussi mentionner une conception étendue de la politique extérieure de l’UE si on y inclut les aspects externes des politiques communes internes (environnement, agriculture, concurrence, etc.) mais c’est là une conception minoritaire. Au total, cette triple distinction (politique étrangère, de sécurité, de défense) et ce foisonnement institutionnel excitent les spécialistes mais découragent les citoyens.
C’est pourquoi, d’emblée, Fabien Terpan pose clairement son caractère hybride bien particulier : « la sécurité et la défense continuent […] à relever d’une approche particulière, qui appelle une analyse spécifique » (p. 7) et en décrit les « progrès lents, peu spectaculaires mais réguliers » (p. 13). Son ouvrage concis se concentre d’abord sur la PESD/PSDC - sans aucun doute l’aspect le plus complexe de la PESC - et offre d’abord un résumé de ses développements historiques, de l’infortunée CED des années 1950 à la CPE des années 1970 et à « la double accélération des années 1990 » (p. 10).
Le premier chapitre présente son institutionnalisation, les relations entre les acteurs et la maîtrise continue des décisions par les Etats-membres (p. 22). Le puzzle institutionnel de la PESD-PSDC - institutions politiques, technico-politiques (COREPER COPS, etc.), agences spécialisées (Centre satellitaire, Agence européenne de défense, IES, etc.) - est clairement présenté grâce à plusieurs schémas de synthèse, où l’UE apparaît bien comme un « acteur complexe en quête incessante d’unité » (p. 14). Les modifications apportées par le traité de Lisbonne au niveau du Secrétariat Général-Haut représentant et des services de représentation extérieure, sont également intégrées. F. Terpan réinsère la PESC-PSDC dans la politique étrangère générale de l’UE grâce à une réflexion sur « la nécessaire cohérence entre PSDC et relations extérieures » (pp. 40-43). Il donne leur juste part à la « diversité des modes de fonctionnement » décisionnel entre les (feu) piliers, à « l’interface entre les piliers » et à la tension entre Etats-membres résistant à toute « communautarisation rampante » de la PSDC et la Commission et le Parlement résistant à toute « dérive intergouvernementale » en matière d’action externe.
Dans le deuxième chapitre, l’auteur semble particulièrement à l’aise dans sa description des capacités – juridiques, financières, budgétaires, civiles et militaires – de la PSDC (pp. 44-60) ; et ses critiques sur l’inadéquation des moyens aux fins proclamées (notamment pp. 56-58) quoique pertinentes, restent encore, me semble-t-il, en deça de la réalité.
Le troisième chapitre de l’ouvrage élargit la perspective à la politique de voisinage, aux accords de stabilisation et d’association et à l’UPM (pp. 64-68), aux accords avec les pays ACP, les groupements régionaux, la Russie et la Chine (pp. 68-73). A cette approche géographique succède une approche des « coopérations transversales » (p. 73) notamment en terme de politique des droits de l’Homme. Et dans son quatrième et dernier chapitre, Terpan offre successivement un panorama et un bilan des opérations PSDC entre 2003 et 2009, une prospective sur « l’Europe de la défense » (pp. 92-94), et une mise en perspective de la PSDC « dans l’architecture de la sécurité internationale » (pp. 94-99). Dans cette dernière il montre la convergence entre la stratégie européenne de sécurité et « le cadre onusion » (p. 94) ainsi que la « concurrence plus forte » entre PESD-PSDC et OTAN, à cause notamment des implications de la clause de solidarité prévue par le traité de Lisbonne et de l’ambivalence continue des Américains (p. 96).
L’argument final invite à la prudence : certes, l’« Union est un acteur inhabituel, complexe, composite » et « parfois défaillant, entravé par ses problèmes internes » mais le « renforcement progressif de la politique étrangère, de sécurité et de défense » invite à une considération « sur le temps long » (pp. 101-102). En définitive, F. Terpan réussit la gageure de présenter son sujet complexe en peu de pages et sans omission significative. Cette synthèse-introduction, aisée à lire, exacte, bien informée, sera donc d’un grand profit.
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