L’évolution du nombre de naissances peut-il avoir des conséquences d’ordre géopolitique ? L’étude a pour cadre les pays aux naissances les plus élevés de l’Union européenne, et de son environnement proche : la Turquie, la Russie et l’Ukraine, et les pays riverains de la Méditerranée, du Maroc à la Syrie.
Les trois pays qui ont et auront le nombre de naissances le plus important à l’horizon 2030 se trouvent en dehors de l’Union européenne, et donc s’ils entrent dans cette dernière auront forcément la première place, qu’ils voudront légitimement traduire sur le plan politique.
LE NOMBRE DE NAISSANCES en France a dépassé celui de l’Allemagne en 2000, or ce fait est passé totalement inaperçu à l’INSEE[1] et donc dans la presse, qui s’est essentiellement satisfaite de la hausse de la fécondité, mais sans interrogation sur cette question. D’ailleurs, cette ignorance d’un fait aussi important s’est traduite politiquement au traité de Nice lors de la réforme du nombre de voies au Conseil européen par le maintien du statu quo entre les quatre pays les plus peuplés, alors que cette pondération ne se justifiait plus complètement au regard des chiffres de population[2]. L’objectif de cet article est de montrer en quoi l’évolution du nombre de naissances peut avoir des conséquences d’ordre géopolitique, en faisant un retour sur les cinquante dernières années (depuis 1948) et en se projetant dans le futur (jusqu’en 2030). L’étude a pour cadre les pays aux naissances les plus élevés de l’Union européenne, et de son environnement proche : la Turquie, la Russie et l’Ukraine, et les pays riverains de la Méditerranée (du Maroc à la Syrie).
Le lien entre évolution de la population et géopolitique a fait l’objet de diverses études[3], et surtout du livre de référence de Gérard-François Dumont sur « les lois de la géopolitique des populations »[4]. Néanmoins, le lien entre nombre de naissances et géopolitique justifie des analyses complémentaires. En effet, parmi les quatre facteurs d’accroissement de la population (avec les décès, l’immigration et l’émigration) se trouve le nombre de naissances. Or, le volume de naissances d’un pays d’une année donnée correspond, ceteris paribus, approximativement[5] à la main-d’œuvre qui sera sur le marché du travail trente ans après (sauf migration massive), la mortalité infantile étant résiduelle dans les pays développés et faible dans la majorité des pays émergents (par exemple, elle est de 31 décès de nouveaux-nés pour mille naissances en 2006 en Algérie[6]), à l’exception des pays les moins avancés. En conséquence, le nombre de naissances est souvent un indicateur plus pertinent pour déterminer la puissance future d’un pays que le nombre d’habitants qui peut être élevé essentiellement par héritage ou phénomènes migratoires. Il fournit l’information la plus actualisée possible, contrairement à la population totale d’un pays qui est un mélange d’héritages diversifiés. Par exemple, deux pays peuvent avoir la même population, mais, si l’un a deux fois plus de naissances que l’autre, leur population respective future ne sera certainement pas la même, comme leur poids géopolitique.
Un nombre plus élevé de naissances en volume peut être lié à plusieurs facteurs :
. l’héritage démographique d’où résulte un certain effectif de femmes en âge de procréer,
. l’indice de fécondité,
. l’immigration de personnes en âge de procréer, qui entraîne un niveau plus élevé de naissances, phénomène qui a joué et continue de jouer un rôle considérable dans le volume des naissances aux États-Unis[7] ou en région Île-de-France.
Un volume de naissances plus élevé présente plusieurs avantages pour un pays développé :
. une augmentation du nombre de consommateurs,
. une main-d’œuvre future importante,
. un potentiel plus important d’innovations, plus il y a de jeunes, plus le nombre de personnes innovantes augmente[8],
. une réserve militaire…
En conséquence, à niveau de développement équivalent, l’évolution de la natalité peut avoir des conséquences importantes sur la hiérarchie des pays. Un pays qui dépasse en nombre de naissances un autre a de fortes chances d’avoir trente ans après un PIB plus élevé, si les écarts de développement n’évoluent pas de manière significative pour d’autres raisons.
Un volume de naissances plus élevé pour un pays pauvre peut avoir les mêmes conséquences, mais aussi plusieurs conséquences négatives si les politiques obèrent la dynamique économique en n’améliorant pas l’État de droit ou en privilégiant une économie de rente :
. il peut être favorable aux mouvements de contestations sous toutes leurs formes (démocratiques comme ultra-conservatrices ou socialistes) et donc entraîner des révolutions, surtout quand le gouvernement est autoritaire,
. il peut entraîner des mouvements d’émigration vers des pays qui offrent de meilleures opportunités,
. il peut conduire à l’appauvrissement de la population, les revenus devant être partagés entre plus de personnes.
Il apparaît donc nécessaire d’étudier concrètement le lien entre l’évolution du volume des naissances et la géopolitique, même s’il faut se méfier d’un déterminisme absolu, l’évolution des naissances étant un facteur explicatif parmi d’autres des évolutions géopolitiques, mais qui ne doit pas être sous-estimé ou tout simplement ignoré, comme l’a démontré Gérard-François Dumont.
Étudions, pour l’Europe et son environnement proche, l’évolution des naissances depuis 1948, date des premières données démographiques internationales fournies par l’ONU[9], et ses conséquences géopolitiques.
En 1948, le classement général des pays étudiés selon leur nombre de naissances est conforme à celui de la première moitié du XX° siècle, l’ensemble des pays européens (aussi bien d’Europe occidentale que orientale) connaissant un baby boom concomitant après la Seconde Guerre mondiale. Le nombre de naissances augmente immédiatement du tiers en moyenne[10]. Le nombre de naissances est maximum en Russie, du fait de l’héritage historique, 2,7 fois supérieur au pays suivant, sans compter le reste de l’URSS (dont l’Ukraine), même si la mortalité infantile y est encore relativement forte. La prédominance démographique de la Russie n’a pas été sans importance dans le rôle de ce pays pendant la Seconde Guerre mondiale. L’Allemagne, qui se classe deuxième en 1948 par le nombre de naissances, bénéficie ainsi d’un facteur favorable au redressement spectaculaire de l’Allemagne de l’Ouest pendant les Trente Glorieuses[11]. En Italie, qui se situe au même niveau de naissances que l’Allemagne en 1948[12], le fort potentiel de main-d’œuvre joue aussi un rôle important dans le décollage économique du pays dans les années 1960-1970. Par contre, le Royaume-Uni ne se retrouve qu’en quatrième position, ce qui concoure à son affaissement économique relatif dans l’après-guerre par rapport aux autres pays européens. La France arrive seulement en cinquième position, notamment du fait de l’héritage d’une fécondité très abaissée depuis la fin du XVIIIe siècle[13], qui a obéré fortement son positionnement sur la scène internationale[14]. Parmi les pays en voie de développement étudiés, seules l’Egypte et la Turquie se situent au niveau de la France, mais leur nombre de naissances est à relativiser car la mortalité infantile est beaucoup plus importante, donc un nombre égal de naissances constituait en fait un déséquilibre en faveur des pays développés. L’Algérie compte 2,5 fois moins de naissances que la France.
Suite au renouveau démographique suivant la Seconde Guerre mondiale, la natalité se maintient à un niveau élevé pendant plus de vingt ans en Europe occidentale. Les variations inégales du nombre de naissances entre 1948 et 1970 proviennent essentiellement de l’héritage historique, les écarts de fécondité ne se faisant sentir que partiellement[15]. Il se constate une légère hausse en Allemagne (les générations nombreuses des années 1930 arrivent en âge de procréer) et en Espagne (qui a une fécondité plus élevée). Le Royaume-Uni stable passe devant l’Italie en baisse. La France est en légère hausse. En Europe de l’Est, les naissances diminuent. La forte baisse de la Russie, et à un degré moindre de l’Ukraine, est liée à une pyramide des âges déséquilibrée du fait des purges staliniennes puis de la seconde guerre mondiale, donc de générations en âge de procréer beaucoup moins nombreuses, et à une baisse précoce de la fécondité (en 1970, elle est déjà sous le seuil de remplacement des générations). La même situation se retrouve en Pologne[16]. Parallèlement dans les pays du tiers-monde proche, le nombre de naissances augmente considérablement grâce aux progrès médicaux apportés par les occidentaux, qui entraînent une réduction des mortalités maternelle et infantile. Par exemple, sur 100 000 femmes, seulement 50 000 arrivaient en âge de procréer avant la transition démographique (car un enfant sur deux décédait avant d’atteindre cet âge), dorénavant 80 000 arrivent à cet âge, même à fécondité égale le volume des naissances augmente mécaniquement. L’Algérie constitue un cas typique, les naissances doublent presque en une vingtaine d’année, le pays bénéficiant plus tôt des progrès de la médecine occidentale, à travers la colonisation française[17]. En Egypte, les naissances progressent d’un tiers. En Turquie, le phénomène est identique, mais nous ne disposons pas de chiffres fiables pour le mesurer à cette période.
En 1970, au classement général selon le nombre de naissances des pays étudiés la Russie demeure en tête, mais dorénavant devant l’Egypte, qui a cependant un taux de mortalité infantile encore très élevé, la plaçant dans les faits au niveau de l’Allemagne (Ouest et Est). Parmi les pays d’Europe occidentale, la puissance allemande est évidente. Elle devance sensiblement en nombre de naissances le Royaume-Uni et l’Italie qui sont au coude à coude, la France suivant légèrement derrière. Plus loin, se trouve l’Ukraine (qui fait alors partie de l’URSS), devant l’Espagne et l’Algérie (mais sa position est à relativiser pour les mêmes raisons que l’Egypte).
Sous l’effet de plusieurs phénomènes concomitants : libéralisation de la contraception, légalisation de l’avortement, crise économique, montée de l’individualisme…, la fécondité de l’Europe occidentale s’effondre en une dizaine d’années[18], passant sensiblement sous le seuil de remplacement des générations, entraînant parallèlement une chute importante des naissances, surtout que dans certains pays arrivent en âge de procréer les classes creuses nées pendant la Seconde Guerre mondiale. La chute est très forte dans les deux pays d’Europe du Sud (Italie, Espagne), avec une diminution du tiers. Elle est moindre en Allemagne, Royaume-Uni et France, trois pays qui bénéficient pendant cette période il est vrai d’une immigration sensible. Ces évolutions divergentes ne sont pas sans conséquences sur les performances économiques de ces pays. Par exemple, les faibles performances économiques de l’Italie, par rapport à la France et au Royaume-Uni depuis une dizaine d’années peuvent s’expliquer en partie comme étant les premières manifestations de naissances sensiblement moins élevées par rapport à ces deux pays depuis trente ans. Par contre, le lien ne se vérifie pas pour l’Espagne, dont le dynamisme économique, lié à un effet de rattrapage et à un boom immobilier alimenté en partie de l’étranger, a largement compensé les effets négatifs de la chute démographique, confirmant qu’il n’existe pas un déterminisme absolu.
Dans les années 1970 et 1980, la chute des naissances ne concerne pas aussi fortement les pays communistes du fait d’une politique nataliste. En effet, ces pays, touchés par une chute de leur fécondité comme en Europe de l’Ouest à partir des années 1960, réagissent dans les années 1970 par des politiques plus ou moins coercitives qui permettent le maintien de la fécondité au niveau du seuil de remplacement des générations et donc assurent approximativement le maintien du volume des naissances. En Russie, le nombre de naissances progresse légèrement[19], grâce aux populations non russes à la fécondité plus élevée, alors qu’en Ukraine, où la fécondité était déjà plus basse, les naissances diminuent de 9 %.
Dans les pays du tiers-monde étudiés, le nombre de naissances continue de progresser, malgré l’amorce de la baisse de la fécondité du fait d’une structure par âge extrêmement jeune. L’Egypte est le pays qui augmente le plus, avec 1 200 000 naissances en 1970, et 1 700 000 en 1990, soit une hausse de 45 %. L’Algérie progresse aussi sensiblement avec 600 000 naissances en 1970, et 775 000 en 1990, soit une hausse de près du tiers. On constatera une certaine corrélation entre les générations nombreuses nées dans les années 1980 et deux phénomènes géopolitiques actuels : la montée de l’islamisme et l’augmentation de l’émigration dans les pays concernés. En effet, étant donné l’insuffisance de développement économique, ces pays sont incapables de fournir un avenir à ces générations nombreuses qui ont deux choix : l’exil ou la contestation.
En 1990, si la hiérarchie globale ne change quasiment pas, par contre les écarts entre pays évoluent. Comme en 1948 et en 1970, la Russie continue de dominer devant l’Egypte, mais l’écart s’est fortement resserré, la Turquie distance fortement le quatrième l’Allemagne, qui faisait encore jeu égal avec elle en 1970. Cette dernière devance un groupe de trois pays qui se situent au même niveau. Le Royaume-Uni arrive en cinquième position comme en 1970, ayant une position stable. L’Algérie se trouve en sixième position, devançant légèrement la France. L’Ukraine se situe 100 000 naissances derrière et devance l’Italie qui rétrograde de trois places, talonnée dorénavant par la Pologne et le Maroc.
En Europe occidentale, les évolutions 1990-2005 apparaissent inégales selon les pays dans un contexte général de persistance d’une faible fécondité. Les naissances diminuent sensiblement au Royaume-Uni et en Allemagne, sous l’effet de la baisse de la natalité et de l’arrivée de générations moins nombreuses en âge de procréer, plus légèrement en Italie du fait de l’immigration massive. Par contre, les naissances sont en légère hausse en France, qui connaît un regain de sa fécondité[20], et en forte croissance en Espagne, lié à une immigration massive[21] et à l’arrivée en âge de procréer des dernières générations nombreuses. Dans les ex-pays communistes (en Russie, en Ukraine comme en Pologne ou en Bulgarie[22]), se constate un effondrement généralisé des naissances, lié à l’effondrement politique et économique, à la fin des aides sociales, à la peur de l’avenir… Ce déclin devrait obérer les perspectives de rétablissement au niveau de seconde superpuissance de la Russie[23]. Dans les pays du Sud étudiés, se produit une stabilisation, voire un léger déclin du nombre de naissances, car la fécondité a continué de chuter fortement, mais le phénomène est inégal selon les pays. En Algérie, les naissances passent de 775 000 à 703 000, du fait de l’effondrement de la fécondité. Dans les deux autres grandes puissances démographiques, les naissances restent stables, progressant légèrement en Egypte, car la fécondité diminue plus lentement encore à 3 enfants par femme (de 1,7 millions à 1,8 millions), et se stabilisant en Turquie (passant de 1,4 million à 1,36 million), où la fécondité a plus baissé.
Le classement général des naissances en 2005 montre que les trois poids lourds sont aujourd’hui en-dehors de l’Union européenne, et dominent largement le premier pays de cette dernière, la France, qui a plus de 600 000 naissances d’écart avec le troisième la Turquie pourtant guère plus peuplée, les cocoricos français à l’issu de chaque bilan démographique annuel apparaissant un peu déplacé[24]. L’Egypte est aujourd’hui le poids lourd de la région, devant la Russie et la Turquie, qui sont au coude à coude. Cette situation signifie que l’entrée de la Turquie[25], voire de la Russie dans l’Union européenne ferait de ces pays le leader de facto du continent. En outre, deux de ces pays sont musulmans, sous-entendant qu’en l’absence de développement économique, le réservoir islamiste, surtout en Egypte, demeure très important pour les prochaines décennies. Derrière, la France s’est imposée face au Royaume-Uni et surtout l’Allemagne qui n’arrive plus qu’en septième position, et est dorénavant dépassée par l’Algérie, pourtant 2,5 fois moins peuplée, montrant l’ampleur de la dénatalité allemande depuis trente ans. Ce déclin de la natalité allemande pourrait contribuer dans une trentaine d’années au passage des économies françaises et du Royaume-Uni devant l’Allemagne, ce qui serait un retournement majeur, et un retour à la situation du XIX° siècle[26]. Pour l’Algérie, la décrue constatée montre que, normalement, le réservoir d’immigration et les candidats potentiels pour les islamistes devraient se réduire légèrement dans les prochaines décennies. L’Italie arrive en huitième position, et reste au même niveau que le Maroc, dont le potentiel d’immigration devrait demeurer identique dans les prochaines décennies.
L’exercice de prospective en démographie apparaît toujours risqué et à prendre avec prudence car par définition les comportements de fécondité futurs ne sont pas totalement prévisibles, en particulier les ruptures. Néanmoins, nous disposons de certains éléments, qui eux sont déjà sûrs : le nombre de femmes en âge de procréer, le taux de fécondité actuel, le schéma de la transition démographique, et qui permettent d’estimer le nombre de naissances futures par pays, en fonction de différentes hypothèses de fécondité, à moyen terme.
Étant donné les écarts du nombre de naissances en 2005 entre les trois premiers et le quatrième, il y a peu de chances qu’à moyen terme (2030), un nouveau pays vienne s’inviter dans le haut du classement. Par contre, le classement actuel pourrait évoluer et surtout les écarts augmenter.
Il apparaît probable que l’Egypte va voir son nombre de naissances se stabiliser au fur et à mesure de la poursuite de la diminution de sa fécondité, mais il devrait rester à un niveau élevé, étant donné l’acquis des trente dernières années, à moins d’une réduction drastique de la fécondité. En conséquence, elle pourrait se situer en première ou en seconde position en 2030, tout dépendra de l’énigme russe.
La Russie pourrait même pointer en tête, car les générations qui vont arriver en âge de procréer sont plus nombreuses (la pyramide des âges étant bancale). Tout dépendra de l’évolution de la fécondité, si elle se maintient au niveau actuel, le nombre de naissances sera plus important qu’en France ou au Royaume-Uni, mais de peu, passant sous la barre du million. Par contre, si elle se redresse (le gouvernement Poutine ayant voté en 2006 des lois pour augmenter la natalité), la Russie restera le géant démographique européen (avec près de deux millions de naissances). La situation russe tient donc à sa natalité héritée qui est beaucoup plus importante que dans les autres pays.
La Turquie, par contre, sera vraisemblablement troisième, voire pourrait s’inviter à la deuxième place (comme entre 1993 et 2003 ou les naissances russes avaient atteint le fond, et celles turques étaient à leur maximum), tout dépendra de savoir jusqu’où la fécondité va s’abaisser. Pour l’instant elle est de 2,2 enfants par femme, soit au niveau du seuil de remplacement des générations, étant donnée une mortalité infantile plus élevée que dans le reste de l’Europe. Si la Turquie adopte les comportements de fécondité des pays méditerranéens, en l’occurrence de son voisin grec, le plus proche historiquement et culturellement, son nombre de naissances pourrait s’effondrer assez rapidement, passant en-dessous du million de naissances.
Derrière, la quatrième place devrait se jouer entre la France et le Royaume-Uni. Si la France maintenait une fécondité proche du seuil de remplacement des générations, chemin qu’elle semble prendre, elle pourrait compter plus de 800 000 naissances et donc voir ses naissances légèrement augmenter, grâce à l’impact de l’immigration, devançant légèrement le Royaume-Uni. En conséquence, il ne serait pas surprenant que ces deux pays distancent définitivement par leur PIB l’Allemagne à moyen terme. En effet, l’Allemagne, à moins d’une progression immédiate et spectaculaire de sa fécondité, devrait être définitivement distancée, avec 600 000 naissances, se trouvant au même niveau que l’Algérie qui, étant donnée la baisse de la fécondité, verrait ses naissances se stabiliser puis se réduire, autour de 650 000 naissances.
Enfin, la Syrie pourrait bien s’imposer derrière devançant les quatre autres pays européens (Italie, Espagne, Pologne, Ukraine) dont il est difficile de prévoir le classement, leur nombre de naissances étant assez proche et leur fécondité équivalente (1,2 enfant par femme) même si la Pologne et l’Ukraine ont un héritage historique qui en cas de hausse de leur fécondité, pourrait les faire passer devant les deux autres, qui se maintiennent pour l’instant grâce à l’immigration.
Il existe bien un lien entre l’évolution du volume des naissances et la géopolitique. A niveau de développement équivalent, l’évolution du nombre de naissances peut modifier la hiérarchie entre pays. Dans les pays en voie de développement subissant une mauvaise gouvernance, elle peut être source de troubles géopolitiques quand elle est trop élevée, et surtout d’émigration. Sur divers territoires, comme l’a montré Gérard-François Dumont[27], l’évolution du nombre de naissances, et plus précisément l’existence de familles nombreuses, peut-être un des facteurs facilitateurs de la montée de l’islamisme terroriste. Dans le cadre du champ géographique de cette étude, les trois pays qui ont et auront le nombre de naissances le plus important se trouvent en dehors de l’Union européenne, et donc s’ils entrent dans cette dernière auront forcément la première place, qu’ils voudront légitimement traduire sur le plan politique.
Pour la mise en perspective des élargissements de l’Union européenne, voir aussi le livre de Pierre Verluise, Fondamentaux de l’Union européenne. Démographie, économie, géopolitique. Préface du recteur G.-F. Dumont. 10 cartes, 28 graphiques, bibliographie, index. Coll. Référence géopolitique. Paris : Ellipses, décembre 2008, 160 p. Voir
Notes
[1] « Bilan démographique 2000. Une année de naissances et de mariages ». INSEE Première, n° 757, février 2001. 4 pages.
[2] Dumont, Gérard-François, « La constitution européenne suspendue à une querelle démographique », Population & Avenir, n° 666, janvier-février 2004.
[3] Cf. différents dossiers parus dans la revue Population & Avenir. Lien.
[4] Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Ellipses, Paris, 2007.
[5] Notamment à taux d’activité constant.
[6] « La population des continents et des États », Population & Avenir, n° 680, novembre-décembre, 2006.
[7] Chalard, Laurent, Dumont, Gérard-François, « États-Unis : la montée des hispaniques ». Population & Avenir. N°678. Mai-Juin 2006.
[8] Cf ; par exemple Alfred Sauvy dans : Dumont, Gérard-François et alii, La France ridée, Paris, Hachette, seconde édition,1986.
[9] Le premier Annuaire Démographique a paru en 1949.
[10] Avec des variations selon les pays, la hausse des naissances étant par exemple plus forte en France qu’en Italie.
[11] Rappelons que la forte natalité allemande était l’un des arguments utilisés par les Nazis pour justifier leur politique expansionniste.
[12] La forte émigration italienne dans la première moitié du XX° siècle était due à ses générations nombreuses qui ne trouvaient pas d’emplois sur place, le pays étant alors pauvre.
[13] Dumont, Gérard-François, La population de la France, des régions et des DOM-TOM, Paris, Éditions Ellipses, 2000.
[14] La timidité de la politique étrangère de la France dans les années 1930 est attribuée en partie à sa faible natalité. Comme l’a dit Aristide Briand répondant aux critiques de ceux qui lui reprochent de promouvoir la Société des Nations et de tenter une réconciliation franco-allemande : « je fais la politique (étrangère) de notre natalité ». Cité par Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Ellipses, Paris, 2007, P. 235.
[15] Mais parfois nettement comme entre la France et l’Italie, et sachant que le renouveau démographique est d’inégale longueur suivant les pays. En 1970, la fécondité varie de 2,03 enfants par femme en Allemagne à 2,88 en Espagne.
[16] Dumont, Gérard-François, Flament, Régis (2004), « La Pologne, le « géant » de l’élargissement », Population & Avenir, n° 667, mars-avril 2004.
[17] Cela ne préjuge en aucun cas du caractère positif ou négatif de la colonisation française.
[18] Avec un calendrier différencié selon les pays. Cf. Dumont, Gérard-François, Les populations du monde, Paris, Éditions Armand Colin, deuxième édition, 2004.
[19] Ceci peut expliquer un certain redressement russe dans la seconde partie des années 2000, car le pays dispose encore pour quelques années de générations en âge de procréer relativement nombreuses. La Pologne s’inscrit dans la même logique avec une légère augmentation.
[20] Chalard, Laurent, « La démographie de la France en 2006 : pourquoi une hausse des naissances ? » Population et Avenir, n° 682, mars-avril 2007.
[21] Dumont, Gérard-François, « Natalité et immigration en Espagne », Population & Avenir, n° 679, septembre-octobre 2006.
[22] Dumont, Gérard-François, Sougareva Marta Tzekov Nikolai, « La Bulgarie en crise démographique », Population & Avenir, n° 671, janvier-février 2005.
[23] Dumont, Gérard-François, « La Russie : des évolutions démographiques inédites », dans : Wackermann, Gabriel (direction), La Russie, Paris, Ellipses, 2007.
[24] Par exemple, dans le quotidien Les Echos du 17 janvier 2007 : « Le record de naissances devrait placer la France en tête des pays européens ».
[25] Étaix, Jacques, « La Turquie et l’Union européenne », Population & Avenir, n° 674, septembre-octobre 2005.
[26] Schmid, Joseph, avec le concours de Chalard, Laurent, « L’Allemagne encore divisée… démographiquement », Population & Avenir, n° 678, mai-juin 2006 ; Dumont, Gérard-François, Zaninetti, Jean-Marc « Perspectives démographiques de la France et de l’Europe à l’horizon 2030 : analyse économique », dans : Faire face au vieillissement démographique et à la stagnation démographique : une responsabilité politique d’aujourd’hui, rapport d’information n° 2831 de l’Assemblée nationale de Madame Béatrice Pavy, députée, Documents d’information de l’Assemblée nationale, Paris, mars 2006.
[27] Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Op. cit.
[27] Notamment à taux d’activité constant.
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