Barthélémy Courmont est chercheur associé à l’IRIS et directeur associé, sécurité et défense, à la Chaire Raoul Dandurand (UQAM, Montréal). Il est également co-rédacteur en chef de Monde chinois, nouvelle Asie. Emmanuel Lincot est fondateur de la Chaire des Etudes Chinoises Contemporaines (CECC) et Vice Doyen à l’Institut Catholique de Paris. Rédacteur en chef de la revue Monde Chinois, nouvelle Asie (éd. Eska).
Début septembre 2013 s’est tenue à l’université d’Oxford une rencontre rassemblant vingt-huit universitaires chinois, avec pour objectif de réfléchir sur le présent et l’avenir de la Chine et de débattre sur les différentes orientations à suivre. Evènement important et dont l’impact dans les milieux intellectuels mais aussi la société civile en Chine pourrait être majeur, cette rencontre aborde de fronts les défis auxquels est confrontée la Chine, et rassemble les différents courants de pensée qui se penchent sur la Chine de demain.
Où va la Chine ? Quels changements peut-elle apporter au monde à venir ?
Voici le communiqué produit à l’issue de cette rencontre, traduit du chinois par Michel Masson et François Hominal [1], et ses différents points désormais connus sous le nom de « consensus d’Oxford » :
"Dans le contexte de l’essor rapide de la Chine, la manière dont la Chine voit le monde et celle dont le monde voit la Chine est en train de changer. En même temps, les problèmes de la société chinoise sont de plus en plus manifestes. Où va la Chine ? Quels changements peut-elle apporter au monde à venir ? Telle est la question qui préoccupe d’une manière urgente de plus en plus de personnes en Chine et dans le monde.
Nous sommes un groupe d’intellectuels chinois qui font des recherches dans divers univers académiques et idéologiques (libéralisme, nouvelle gauche, néoconfucianisme contemporain et recherches sur le christianisme), nous aimons beaucoup cette terre qu’est la Chine et nous sommes tous loyaux envers notre peuple. Nous apprécions la réflexion sur la société que développent les intellectuels et leur rôle de veilleurs ; nous espérons, en ces temps importants dans le développement de la Chine et du monde, diffuser les préoccupations morales et l’esprit rationnel dont notre groupe est riche, de sorte que cette force culturelle et intellectuelle promeuve des changements pour le plus grand bien de notre pays et notre société.
Nous reconnaissons que, dans ces grands changements de la Chine et du monde, l’idéologie sociale de toute école, de tout groupe a ses limites, qu’un projet de société future attrayant et crédible ne peut être atteint que par les efforts communs de tous. Aussi, les intellectuels doivent tous mener des échanges francs sur la base du respect des points de vue des autres, s’encourager les uns les autres, pour qu’il en sorte le consensus intellectuel dont nous avons si besoin quant au présent et à l’avenir de la Chine.
Au cours de nos discussions et échanges sincères, nous avons atteint un consensus sur quelques points :
1. Nous espérons que la Chine maintiendra la conception de gouvernance du pays « s’enracinant dans le peuple », c’est-à-dire dont la source du pouvoir est l’acceptation du peuple, dont le fondement du système est le pouvoir du peuple et dont le but du pays est le bien-être du peuple.
2. Nous espérons que la Chine maintiendra le principe social d’« équitabilité et justice », c’est-à-dire qui, dans les domaines (politique, social, culturel, identité nationale et genres), à toutes les étapes (législatif, judiciaire, administratif) mais aussi dans ces aspects (éducation, santé, logement, travail, congés et retraite), prendra comme principe fondamental le traitement égal de tous les citoyens chinois et l’exercice d’une justice dans la vie sociale, de sorte que la vie de tout le peuple ne jouisse pas seulement d’une assurance matérielle, mais aussi d’un respect spirituel.
3. Nous espérons que la Chine, tout en transmettant sa remarquable culture, mettra l’accent sur un objectif culturel pluraliste et libre, avec la condition préalable d’un équilibre raisonnable des relations groupe-individu, avec le principe d’un exercice de la légalité équitable et juste, garantira à toutes les nationalités, toutes les classes, toutes les régions, tous les groupes professionnels, tous les groupes sociaux, ainsi qu’à tous les individus que la recherche de valeurs, les orientations intellectuelles, les tendances académiques, les styles artistiques, les croyances religieuses et les opinions de toutes sortes, de jouir toutes, dans une diversité harmonieuse, d’un environnement de coexistence pacifique et d’occasions de se développer librement.
4. Nous espérons que la Chine, dans son désir de construire un ordre international plus équitable et plus juste, traitera les dissensions internationales de nature politique, économique, culturelle, militaire ou environnementale suivant les principes d’interdépendance et d’avantages mutuels, c’est-à-dire d’une manière qui soit utile à tout le peuple chinois ainsi qu’à toute l’humanité, qu’elle promeuve le développement de la coexistence pacifique et le développement harmonieux de tous les pays et de toutes les nationalités du monde et pour atteindre finalement à la paix universelle."
Si le constat des défis auxquels la Chine fait face ne manque pas de pertinence, et les attentes à la fois en Chine et dans le reste du monde sont évoquées avec raison dans le préambule de la déclaration, il convient ici de reprendre les quatre éléments de ce consensus afin de voir dans quelle mesure ils s’inscrivent dans les débats intellectuels et politiques en cours en Chine. De même, si les ambitions de ce texte sont élevées, quelles sont les chances de voir aboutir chacun de ces objectifs ?
Que sera la Chine lorsque cet enfant sera adulte ? ©Courmont. Photographie extraite d’une reportage de B. Courmont
Le premier des points sur lequel les intellectuels présents à Oxford sont parvenus à un consensus concerne la gouvernance de la Chine. Un texte assez flou, presque creux, qui reflète les différentes sensibilités présentes et n’énonce qu’un projet très général.
Dans la réalité et au-delà de ce texte, la question de la gouvernance est au cœur de toutes les réflexions et débats politiques dans la Chine contemporaine. Elle cristallise également les rivalités entre différents courants intellectuels et politiques au sein du parti communiste. Ainsi, pour résumer ces oppositions dans le domaine politique, la fracture principale se situe entre les libéraux qui veulent fixer des limites à la puissance de l’Etat, soit par le biais des élections, de l’Etat de droit, ou de la participation de la population ; et les néo-autoritaires qui craignent que ces mesures conduisent à un gouvernement bureaucratique incapable de prendre des décisions fermes ou de disputer les intérêts d’une classe capitaliste corrompue. Les réformateurs considèrent que la démocratisation du pays est inéluctable, et qu’elle devrait dès lors être considérée comme un objectif politique [2]. Qu’elle soit considérée comme « adaptée » ou non au monde chinois (l’exemple taiwanais démontre avec force qu’elle l’est), la démocratie est l’objet de réflexions et de multiples interprétations [3], le régime maintenant pour sa part ce que le sinologue de Columbia University Andrew Nathan qualifie de « résilience autoritaire » depuis le départ de Deng Xiaoping. De son côté, Jiang Qing a publié un ouvrage remarqué dans lequel il soutient l’idée que la démocratie n’est pas la seule voie, et propose à la place une adaptation du confucianisme afin de définir un nouveau mode de gouvernance [4].
La question de l’ombre du prix Nobel de la paix 2010, Liu Xiaobo, sur les discussions de la rencontre d’Oxford reste en suspens. Portant un regard toujours lucide sur la société chinoise, Liu se méfie d’une occidentalisation poussée à l’extrême aux conséquences incertaines. Homme de modération, il plaide en faveur de la démocratisation et la modernisation des institutions chinoises, mais ne manque pas une occasion non plus de critiquer les sociétés occidentales. Inlassable pacifiste, il ne prône pas une révolution dont il mesure les risques, mais une réforme du système politique. Sa charte 08, calquée sur le modèle de la charte 77 de Vaclav Havel et des militants de la démocratie en Tchécoslovaquie, n’est pas un pamphlet mais un texte mesuré et adapté aux réalités de la Chine [5]. Il n’en demeure pas moins que le texte est plus ambitieux que celui d’Oxford, et offre de véritables propositions aux dirigeants chinois, ce qui explique sans doute en grande partie son funeste destin. Doit-on considérer que les participants à la rencontre d’Oxford ont préféré la mesure, au point de tomber d’accord sur un texte assez creux, afin d’éviter un traitement comparable à celui des auteurs de la charte 08 ? Compte-tenu de l’écho médiatique de cette rencontre, cela semble assez peu probable, les réactions de la société civile et des milieux académiques pouvant devenir incontrôlables. Par ailleurs, les participants à la rencontre d’Oxford sont de sensibilités différentes, tandis que les auteurs de la charte 08 partageaient des objectifs communs et une volonté de réforme clairement affichée. A Oxford, la présence de groupes aux idées très éloignées leur « permet » de ne pas apparaître comme un groupe de dissidents. Ce sont ces deux réalités qui expliquent sans doute en grande partie le ton très neutre et consensuel, et un appel à « maintenir » le cap, en d’autres termes tout sauf une remise en cause des pratiques de l’Etat-parti au cours des dernières décennies.
Voilà un autre sujet, proche du précédent et qui y est intrinsèquement lié, qui fait couler de l’encre en Chine [6]. Elle est également au cœur de l’actualité nationale, soit au registre des grands procès, soit dans la participation de plus en plus active des citoyens aux forums sociaux et à leur rôle grandissant – et difficilement contrôlable – dans la société chinoise.
En mars 2012, le « petit prince » Bo Xilai a été évincé de son poste à Chongqing, avec au passage une mise en garde contre toute tentation de retour à la Révolution culturelle. Derrière le procès médiatisé et le spectacle d’un parti désireux de redorer son image en luttant contre la corruption et les abus de pouvoir, c’est aussi la lutte entre deux modèles qui est révélée, et est incarnée par les trajectoires différentes de deux provinces, le Guangdong et le Chongqing. Le Guangdong, province prospère du littoral au sud du pays, incarne un modèle axé sur une croissance rapide de l’économie tout en utilisant des médias libres, la société civile et une politique d’ouverture pour apaiser les tensions sociales. Le Chongqing, à l’inverse, était sous Bo sur le point de passer d’une province de l’intérieur du pays à un laboratoire de politiques sociales égalitaires et de consommation intérieure. Au niveau des idées et au-delà des arcanes du parti, la fracture sur la politique économique et sociale oppose une nouvelle droite social-darwiniste qui veut stimuler l’énergie entrepreneuriale en privatisant toutes les entreprises publiques, et une gauche égalitaire qui estime que la prochaine vague de croissance sera stimulée par une planification étatique intelligente.
Si la société chinoise est sensible au thème de la justice sociale, elle aspire avant tout à l’ordre. Plus qu’une révolution, cette société souhaite la poursuite des réformes, à condition que celles-ci lui soient profitables. L’imaginaire politique chinois demeure obsédé par le chaos de la Révolution culturelle d’une part, la dislocation de l’Union soviétique et la paupérisation de l’espace russe qui s’en est suivie durant les années Elstine, de l’autre. De ce point de vue, à l’exception de quelques grands noms de la dissidence tels que l’artiste Ai Wei Wei ou l’universitaire Liu Xiaobo, il existe un consensus entre la société et le pouvoir [7].
Si la liberté n’est pas mentionnée, sans doute pour éviter aux auteurs du consensus d’Oxford un destin comparable aux auteurs de la Charte 08, l’égalité et la fraternité sont au cœur du deuxième point du consensus.
Ce qui, entre l’idéologie du régime et la réalité, pourrait s’apparenter à une forme de discordance, est, dans les faits, un dépassement des contradictions. Ces dernières, sans anicroche, demeureront admissibles tant qu’il y aura une croissance économique. Cette dernière est absolument nécessaire pour maintenir la cohésion sociale. Les dirigeants chinois en sont conscients. C’est la raison pour laquelle ils prônent désormais un « nouveau modèle de développement » et un « développement scientifique ». Au-delà des formules et slogans, le XIIème plan quinquennal « pour le développement social et économique de la République populaire de Chine » a marqué un tournant décisif en consacrant, à côté de l’économie, des chapitres entiers aux programmes sociaux et à l’environnement. Est-ce un premier pas vers une ouverture à un développement plus équilibré et à des débats d’idées dans tous les domaines ? Difficile de croire le parti sur la base de ses promesses. C’est dans la société civile que pourrait se trouver la clef de réformes profondes, et le développement des réseaux sociaux, l’arrivée de générations de « netizens » décidés à ne rien laisser passer – notamment en matière de corruption – ou encore l’apparition de milieux intellectuels plus disposés que par le passé à réfléchir et faire des propositions concrètes pour l’avenir de la Chine – le consensus d’Oxford – est à cet égard un évènement, compte-tenu de la rareté d’initiatives de la sorte et le silence des milieux intellectuels depuis les évènements de la place Tian Anmen et la chasse sans merci aux voix dissonantes qui s’ensuivit.
La Chine s’affirme de plus en plus comme une puissance de premier plan, et revendique même aujourd’hui ouvertement sa place dans le concert des nations. « Une Chine plus développée apportera une plus grande contribution au monde, et offrira plus d’opportunités au monde », a ainsi déclaré Hu Jintao lors de son discours à l’Assemblée générale de l’ONU le 23 septembre 2009. Les « opportunités » sont un signe avant-coureur des modèles de développement que la Chine pourrait désormais proposer aux pays émergents, mais également des solutions que Pékin pourrait apporter aux problèmes internationaux [8]. Ajoutons à cela, comme l’indique très justement Samuel Kim, qu’« une grande puissance est et devient ce qu’elle accomplit » [9]. Ces accomplissements passent nécessairement par une grande responsabilité sur la scène internationale. L’ancien ministre des Affaires étrangères Yang Jiechi s’en faisait d’ailleurs l’écho lors d’un discours prononcé à Munich en 2010 : « Une Chine plus développée prendra plus de responsabilités sur la scène internationale et ne poursuivra jamais ses intérêts au détriment des autres. Nous savons très bien que dans ce monde interdépendant, le futur de la Chine est étroitement lié à celui du monde. Nos propres intérêts et ceux des autres seront servis au mieux si nous travaillons ensemble pour les faire avancer, partager les responsabilités, et trouver des compromis gagnant-gagnant. C’est pourquoi, en marge des efforts sur son propre développement, la Chine assume de plus en plus de responsabilités avec la force et le statut qui sont les siens » [10]. Reste que la réalité de cette responsabilité est soumise à interrogations. Le journaliste américain Fareed Zakaria notait en 2011 que « ce qui est inquiétant est que la Chine semble se satisfaire d’un engagement minime et exclusivement pour répondre à ses intérêts, sans se soucier de maintenir des règles mondiales » [11].
A cela s’ajoute une série de divisions sur la marche à suivre, les stratégies d’expansion et la formulation de nouveaux objectifs après le soft power, officiellement adopté en 2007. Dans le domaine de la politique étrangère, la fracture principale oppose les internationalistes défensifs qui veulent jouer un rôle dans les institutions mondiales existantes ou agir avec prudence ; et les nationalistes qui veulent que la Chine s’affirme sur la scène internationale. Comme le résume très bien Jean-Luc Domenach, « la ‘montée en puissance pacifique’ oppose au sein du régime ceux qui ne retiennent que le mot ‘puissance’ à ceux qui ne perçoivent que le terme ‘pacifique’ » [12]. La politique étrangère chinoise porte en elle ces divisions, que reflète l’interprétation très différente qu’on peut lui faire. Les fondements de la nouvelle doctrine extérieure chinoise, notamment les concepts de « développement pacifique » (heping fazhan) et de « monde harmonieux » (hexie shijie), qui privilégient la coopération internationale et le règlement pacifique des différends, relèvent ainsi de principes essentiellement multilatéraux, mais qui servent les intérêts nationaux de la Chine. Difficile de s’y retrouver, et de savoir exactement en quoi consiste une plus grande responsabilité de la Chine sur la scène internationale, d’autant que les débats sont intenses dans les milieux académiques, entre soft power, smart power, consensus de Pékin et autres stratégies de puissance. Certains comme le souvent décrié professeur Yan Xuetong de l’université Tsinghua à Pékin voient dans les normes morales une composante indispensable de la politique étrangère chinoise [13]. Dans ce décor, les appels du consensus d’Oxford à la « coexistence pacifique », au « développement harmonieux » et à la « paix universelle » peuvent être interprétés selon les choix soit comme une affirmation d’un multilatéralisme dans lequel la Chine jouerait un rôle parmi d’autres puissances, soit comme la reproduction à échelle mondiale de préceptes bien connus de l’empire du milieu. La question de l’usage de la puissance chinoise, autant que celle de se trajectoire, restent posées. En guise de réponse, nous pouvons considérer que la volonté de mettre en avant un développement pacifique se poursuivra pendant encore quelques décennies, la Chine n’ayant pas d’autre alternative. Comme le résume Zheng Bijian, « selon les plans stratégiques de la Chine, il faudra encore 45 ans – jusqu’en 2050 – avant que la Chine puisse être définie comme un pays développé et moderne » [14]. Il est en revanche permis de s’interroger sur les attitudes de Pékin une fois cette « modernité » consommée. A ce titre, si le texte d’Oxford se veut plein d’espoir et contient des slogans pouvant faire rêver les uns, sourire ou grincer des dents les autres, il ne définit pas de feuille de route de la politique étrangère chinoise.
Les quatre points du communiqué d’Oxford nous invitent à tirer des enseignements qui peuvent être très contradictoires, voire totalement opposés. Au point que nous proposons ici sur la base de leur analyse sept conclusions, totalement différentes, qui marquent chacune à sa manière les possibles conséquences de ce consensus d’Oxford. Sans doute méritent-elles les unes comme les autres d’être prises en compte.
C’est l’un des participants à la rencontre, He Guanghu, qui offre une conclusion pour le moins pessimiste : « Les diverses écoles de pensée ne portent pas le même diagnostic sur le « mal » à l’origine des problèmes de la Chine ». S’ils ont unis leurs efforts pour produire un texte ambitieux, il convient de s’interroger sur sa portée réelle, et sur l’absence de consensus sur la manière de mener à bien ce vaste projet consistant à imprimer une nouvelle politique chinoise. On sent ainsi dans le texte un consensus par le vide, un refus d’entrer dans les débats de la méthode, qui oppose si radicalement les différents courants à l’intérieur du parti, et plus encore en dehors. Chen Ming, un autre participant, fait même mention d’un « consensus minimum », même s’il y voit un « fondement, un point de départ qui permet d’aller plus avant ». Qin Hui estime de son côté que le texte « ne contient que des propos sur lesquels presque tout le monde peut tomber d’accord », et la déclaration elle-même mentionne que « nous avons atteint un consensus sur quelques points », comme une confession sur les multiples dissensions qui ne sont pas mentionnées, mais ont certainement été omniprésentes lors des débats. Chacun à sa manière, ces intellectuels reprennent en écho le ton du communiqué et se montrent optimistes sur leur capacité à se regrouper pour discuter des défis auxquels la Chine fait face. Mais ils ne parviennent pas à masquer une certaine inquiétude quant à la difficulté à tomber d’accord sur la marche à suivre. Les dissensions restent donc plus fortes que le consensus, et au-delà des promesses et grands défis, nous ne trouvons pas la trace d’un réel accord et de propositions concrètes. A titre de comparaison, nous pouvons mentionner différents partis politiques qui, dans une démocratie, inscrivent dans leur programme l’urgence d’inverser la courbe du chômage, ce qui les rapproche, mais proposent dans le même temps des solutions radicalement différentes pour y parvenir…
Lors de sa première sortie en 2010, l’ouvrage de Martin Jacques au titre volontairement provocateur, When China Rules the World, suscita un immense intérêt [15]. L’analyse du chercheur britannique fut également fortement controversée, en particulier en ce qu’elle annonce la fin du monde occidental et la naissance d’un nouvel ordre mondial au centre duquel se positionnera, si ce n’est déjà le cas, la Chine. Nombreux furent les détracteurs de Jacques, qui lui reprochèrent notamment de glorifier le modèle de gouvernance chinois, et de critiquer implicitement le modèle occidental. Mais force est de constater que l’argumentaire part d’une intuition juste que le cas du développement chinois, dans lequel la croissance économique ne s’accompagne pas (encore en tout cas) d’une démocratisation, est à la fois unique et bouleverse notre vision des équilibres internationaux, et d’un modèle occidental souvent qualifié de « consensus de Washington ». Jacques insiste également dans son livre sur la possibilité de voir les capacités hégémoniques grandissantes de la Chine se traduire en une posture plus ferme, et l’affirmation progressive d’un véritable modèle de développement. La Chine se servirait donc de l’association habile de son rôle croissant sur la scène internationale et des déboires rencontrés par les pays occidentaux pour avancer ses pions, et s’imposer comme une véritable alternative. C’est là la base du « consensus de Pékin », et l’écho favorable que reçoit Pékin dans les pays en développement et les puissances émergentes semblent en partie confirmer cette orientation. La conclusion de Jacques est implacable, la Chine est désormais en mesure d’imposer son modèle et de prendre les commandes du monde, qu’on l’accepte ou non. Jacques n’est pas le seul à faire mention d’un « consensus de Pékin ». De Joshua Cooper Ramo [16] à Stefan Halper [17] ou l’idéologue Pan Wei [18], les succès de la Chine se résumeraient en une thèse : la Chine prouverait qu’un système de parti unique et de libre entreprise sans libertés publiques peut être une alternative viable et vigoureuse au modèle américain. On y voit la martingale gagnante pour les pays du Sud, la panacée d’un décollage économique conciliant un autoritarisme politique au service d’un capitalisme où l’Etat resterait un acteur économique prépondérant contre la démocratie et la libre entreprise telles qu’on les pratique à l’Ouest. Monde chinois, nouvelle Asie consacra de son côté en 2011 un numéro spécial à ce consensus si souvent cité, mais dont les contours restent décidément à définir [19]. Le consensus de Pékin pose cependant de multiples questions à la fois en matière d’objectifs et de méthodes, mais également en ce qui concerne les rivalités qu’il risque de générer, et la remise en cause d’un système économique et monétaire international qui, à défaut d’être parfait, a assuré des équilibres au cours des dernières décennies. En ce sens, et parallèlement à la montée en puissance de la Chine, le consensus de Pékin, en traduisant la stratégie, s’imposera comme l’un des principaux sujets – sinon le principal – des études de relations internationales dans les prochaines années, tant sur les questions politiques qu’économiques, sociales ou même culturelles. Gageons à cet égard que le consensus d’Oxford aura un impact sur ces réflexions, et pourrait même avoir un effet accélérateur.
[20]
Très différents dans leur démarche des trois cent signataires de la Charte 08, les signataires du « Consensus d’Oxford » ne se prononcent pas ouvertement en faveur des droits de l’homme. Toutefois, les deux manifestes sont le fait exclusif d’une majorité d’intellectuels Hans. On n’y trouve ni le nom de Tibétains ni de Ouïghours. Dans les faits, les signataires du manifeste du « Consensus d’Oxford » adhèrent largement à une phraséologie empruntée au legs néo-confucéen du pouvoir. Au-delà de ce constat, ces intellectuels - et quelles qu’en soient les obédiences - partagent également un fonds de culture hérité des schémas de l’Occident. Beaucoup, tel le libéral Qin Hui, optent pour un langage humaniste et civique. Ils s’inscrivent dans une continuité intellectuelle initiée par Machiavel qui récuse la réduction de la politique au droit et prend en compte l’importance des mœurs dans la préservation de la liberté [21]. C’est une synthèse libérale qui tente d’instaurer dans le temps un universel de valeur. D’autres, s’inspirant de Carl Schmitt [22] - et notamment les tenants de la nouvelle Gauche - considèrent l’Etat total comme une entité souveraine qui garantit l’unité et la paix entre les nations, dans un rapport irréductible et schématique de l’ami / ennemi. Entre ces deux courants, Zhao Tingyang [23], promoteur d’un confucianisme politique, réhabilite une notion empruntée à la pensée antique chinoise, le « Monde » ou Tianxia. Ce concept cosmopolite envisage une mondialisation transcendant les clivages afin de construire un espace politique universel. Pour ses détracteurs, le concept de Tianxia n’est qu’un puissant levier du nationalisme chinois. Il exclut de facto la reconnaissance d’une responsabilité citoyenne décentralisée et la participation dynamique des minorités ethniques à un débat national qui engage pourtant leur avenir. Un texte, quelle qu’en soit la nature, révèle autant que ce qu’il ne dit pas. Le concept de Tianxia tel que le défend Zhao Tingyang n’est à aucun moment explicitement mentionné par les auteurs du « Consensus d’Oxford ». Ils ne s’y réfèrent pas moins implicitement en ce que la relation schmittienne et absolue de l’ami / ennemi est remplacée par la notion chinoise et relative de proximité et d’éloignement : la Chine et le monde. Il est par ailleurs question de « paix universelle ». Notion vague qui évoque autant une référence à Kant qu’aux grands aînés que furent successivement Kang Youwei, Liang Qichao et Zhang Pengchun [24].
Les auteurs de ce manifeste semblent animés par le minben sixiang, la pensée qui conçoit le peuple comme fondement de l’ordre politique.
Dans le premier point du « Consensus d’Oxford », le mot « peuple » est mentionné quatre fois. Les auteurs de ce manifeste semblent animés par le minben sixiang, la pensée qui conçoit le peuple comme fondement de l’ordre politique. Sous la dynastie Qing, alors déclinante, elle a nourri nombre de réflexions selon lesquelles le peuple devait être choyé, non opprimé, car c’est lui qui constitue les fondements du pouvoir [25]. Mencius était un référent important dans ce contexte. Les principes affirmés par les auteurs de ce document entrent en résonnance avec celle du Sage. Dans une phrase célèbre – « C’est le peuple qui a le plus de valeur ; viennent ensuite les autels des dieux du Sol ; le prince est ce qui a le moins d’importance » [26] - Mencius insiste sur la primauté du bien-être du peuple, la souveraineté ne devant être qu’une manifestation des vertus nécessaires pour assurer la stabilité et la prospérité du corps social. C’est le critère du minben qui a prévalu chez tous les critiques du pouvoir autocratique, depuis Mencius jusqu’à Huang Zongxi (1610-1695) et Tang Zhen (1630-1704) à l’ère prémoderne. Continuité d’un phénomène autant que, pour parler le langage d’un Eric Hobsbawm, « tradition réinventée » [27]. En cela le « Consensus d’Oxford » n’est pas sans rappeler Le Manifeste de 1958 émanant des tenants du confucianisme regroupés à Hong Kong où ils fondèrent le New Asia College. Signé par des intellectuels les plus en vue, en dehors de la Chine communiste (Mou Zongsan, Xu Fuguan, Tang Junyi et Zhang Junmai), dans La Tribune démocratique, ce manifeste réhabilitait le confucianisme dans son rapport au pouvoir [28]. Contre l’opinion la plus répandue, Xu Fuguan en particulier, montrait que, loin d’être une idéologie légitimatrice du pouvoir despotique, le confucianisme jouissait au départ de la faveur du peuple parce qu’il plaçait celui-ci au premier rang de ses préoccupations (minben) et pratiquait un gouvernement par la vertu (dezhi). Mais de quel peuple nous parle-t-on ici ? Le peuple est-il aujourd’hui un terme neutre, comme tant d’autres vocables du lexique politique ? Ou doit-il susciter de la méfiance en ce qu’il est suivi, dans l’alinéa quatre du « Consensus d’Oxford », d’un adjectif à la fois identitaire et national ? Les auteurs de ce document semblent renoncer à l’héritage marxisant d’un peuple considéré comme universel, celui du prolétariat, mais la notion d’« humanité » est présente et replace d’emblée l’enjeu du débat dans un contexte, comme nous le verrons, moins idéologiquement défini [29].
L’un des aspects sinon les plus radicaux tout au moins des plus originaux de ce document est le rappel d’un équilibre dans les relations entre groupe et individu. Tout en affirmant la nécessité d’une diversité harmonieuse de ces relations, les signataires, dans la continuité d’un Liang Qichao, ne semblent pas moins attachés au fait que la politique, tout en se fondant sur l’exigence éthique, prenne le relais de l’éthos ; sorte de révolution morale qui doit avoir pour effet de transférer l’autonomie morale des individus à la liberté de la nation. On ne peut qu’être frappé par l’absence d’analyse des signataires du « Consensus d’Oxford » concernant le fonctionnement des institutions chinoises. Ils semblent tout simplement ne pas accorder la moindre importance à ce sujet. En apparence seulement car cette diversité des opinions, des croyances religieuses et des « styles artistiques » (sic) qu’ils appellent de leur vœu, pose implicitement la question de la représentation. Or, la représentation comme le peuple est aussi hétérogène que multiple et complexe. Le peuple « introuvable », pour reprendre une expression chère à Pierre Rosanvallon [30], est à trouver aussi bien dans la crise de sa « figuration » que celle de son mandat. Autrement dit, le peuple devrait être rendu représentable en jouissant, comme le rappelle l’alinéa deux, d’« un respect spirituel » ; respect que l’on peut librement interpréter comme la possible figuration de ce qui se trouve être réprimé dans sa représentation traditionnelle. Ce qui est réprimé dans une telle représentation concerne non seulement le statut d’invisibilité sociale - ce que Hannah Arendt, par exemple, a voulu étudier dans La Tradition cachée, à travers la figure du paria [31], qui n’est pas sans entrer en résonance avec, en Chine, le problème des mingong ou celui - encore récent - des révoltés de Wukan [32] -, mais encore ce que Hegel avait nommé la « façon inorganique dont un peuple fait savoir ce qu’il veut et ce qu’il pense » en exprimant des affects par gestes du corps et par motions de l’âme interposées [33]. Ces gestes du corps, dans le contexte de la Chine, sont ceux, affectifs et affectés, des opprimés. D’un point de vue théorique, si l’heure n’est plus à la remise en cause des « grands récits » en appelant aux « lois de l’histoire », dans un climat encore influencé par les diverses moutures de la pensée post-moderne [34], elle n’en a pas moins changé dans l’élaboration, au niveau du discours, de ce qu’il conviendrait d’appeler un rendu sensible, qui traverse aujourd’hui l’ensemble du champ politique en Chine. En effet, chaque terme dans le « Consensus d’Oxford » semble avoir été choisi dans le sens d’une considération partagée, d’un respect mutuel qui aurait pris le temps de s’instaurer.
Au lieu d’être rejetées, les traditions éthiques doivent être cultivées : la « conception de gouvernance du pays ‘s’enracinant dans le peuple’ », c’est-à-dire dans un rapport interactif entre gouvernants et gouvernés, suit un principe qui n’est pas sans rappeler l’une des modalités de l’Etat, sur la longue duréeen Chine, connue sous l’appellation paradigmatique de jiaohua (« transformer en éduquant »). Principe confucéen s’il en est qui, pour les auteurs du « Consensus d’Oxford » affirment, d’une manière récurrente, leur attachement au caractère médian d’une commune position, tant pour la politique (un « juste milieu » s’attachant à clore la révolution en instituant un Etat non démocratique) que sur le front culturel. Ce remède conservateur du « juste milieu » (au sens classique : zhongyong) est ainsi prôné contre toute radicalisation politique et culturelle que la Chine a connu dans un passé encore récent. Ainsi, les signataires du « Consensus d’Oxford » s’inscrivent dans la continuité non pas de la tradition en tant que telle, mais du syncrétisme culturel qui était l’horizon de la culture nationale née avec la mise en place de l’Etat-nation, sous la première République, il y a plus d’un siècle. Cette perspective revient à inscrire la tradition elle-même dans l’histoire, sans effacer sa valeur ni son rôle spécifique, mais en pensant la possibilité de l’évolution moderne en continuité avec une évolution du passé. Cet axe redécouvert s’inscrit dans le droit fil d’une histoire du politique qui est, sous nos yeux, en train d’être repensée en dehors du paradigme révolutionnaire. Aussi, assistons-nous à l’exhumation, pour parler le langage d’un Li Zehou, d’une dimension « non révolutionnaire » de l’histoire chinoise [35]. Corollaire de cette observation : avec elle se trouve de nouveau pensable un rapport libre et partagé entre la politique et la religion, sur un terrain où la première briguait le seul monopole de la loi morale. Sous couvert d’une défense de la laïcité, l’amoralisme sans frein que tant de voix dénoncent a été « de toute évidence la rançon d’une telle transformation » [36].
En ce sens, le « Consensus d’Oxford » opérerait un tournant. Celui d’une révolution conservatrice.
L’alinéa quatre du « Consensus d’Oxford » met implicitement le doigt sur la célèbre distinction entre libertés formelles et libertés réelles. Dans une société inégalitaire, la bataille pour les seules libertés formelles consolide la formation et le pouvoir d’une élite ; mais l’égalité sous la tyrannie n’est que nivellement forcé et asphyxie. C’est bien dans ce contexte que s’inscrivent par ailleurs les réflexions d’un Wang Hui [37]. Ce dernier souligne l’urgence de « donner la parole à ceux qui sont sans voix » et a montré les pièges dans lesquels nous risquons de tomber à ne défendre que la seule liberté négative : par exemple, la dénonciation de l’emprise excessive de l’Etat peut aussi faire le jeu des grands intérêts privés ; de même, à stigmatiser les mouvements sociaux au prétexte qu’ils seraient animés par des utopies aux relents totalitaires, on s’expose aussi à réduire les exclus au silence. « La diversité des opinions dans l’espace public – où l’on s’accorde à reconnaître un critère de la démocratie – suppose l’existence de groupes sociaux politisés et mobilisés, faute desquels l’harmonie deviendrait uniformité et conformisme. Bref, nous dit Wang Hui, pas de liberté sans justice » [38]. Changement d’époque : tandis que les contemporains de Wei Jingsheng et des partisans du Mur de la démocratie en 1978 associaient le plus souvent la notion de la démocratie (minzhu) à celle de la légalité (fazhi), les signataires du « Consensus d’Oxford », très significativement, éludent la première au profit de la seconde. Il y a près de quarante ans, au sortir de la Révolution culturelle, les intellectuels aspiraient à une vie politique plus rationnelle et mise au service de leurs intérêts concrets. Une « liberté moderne » au sens de Benjamin Constant ou la « liberté négative » dont parlait Isaiah Berlin [39]. En ce sens, le « Consensus d’Oxford » opérerait un tournant. Celui d’une révolution conservatrice.
Copyright Mars 2014-Courmont-Lincot/Diploweb.com
Bibliographie sélective
Arsène Séverine, Internet et politique en Chine, Paris, Karthala, 2011.
Béja Jean Philippe, A la recherche d’une ombre chinoise : le mouvement pour la démocratie en Chine (1919-2004), Paris, Le Seuil, 2004.
Cheng Anne (dir.), La pensée en Chine aujourd’hui, Paris, Folio, 2007.
Courmont Barthélémy, Chine, la grande séduction. Essai sur le soft power chinois, Paris, Choiseul, 2009.
Courmont Barthélémy et Emmanuel Lincot, La Chine en défi, Paris, Erick Bonnier éditeur, 2012.
Delmas-Marty Mireille et Pierre-Etienne Will (dir.), La Chine et la démocratie, Paris, Fayard, 2007.
Halper Stefan, The Beijing Consensus. How China’s Authoritarian Model Will Dominate the 21th Century, New York, Basic Books, 2010.
Howell Jude (dir.), Governance in China, Oxford, Rowman & Littlefield, 2004.
Jacques Martin, When China Rules the World : The Rise of the Middle Kingdom and the End of the Western World, Londres, Penguin, 2010.
Jiang Qing, A Confucian Constitutionnal Order. How China’s Ancient Past Can Shape Its Political Future, Princeton, Princeton University Press, 2013.
Lai Hongyi, The Domestic Sources of China’s Foreign Policy. Regimes, Leadership, Priorities and Process, New York, Routledge, 2010.
Li Zehou « Lun shiyong lixing yu legan wenhua (Sur la raison pratique et la culture de l’optimisme) » dans : Shiyong lixing yu legan wenhua Pékin : Sanlian shudian, 2005
Liu Xiaobo, Vivre dans la vérité, Paris, Gallimard, Collection Bleu de Chine, 2012.
Merle Goldman et Elizabeth Perry (dir), Grassroots Political Reform in Contemporary China, Cambridge, Harvard University Press, 2007.
Puel Caroline, Les trente ans qui ont fait la Chine, Paris, Buchet-Castel, 2011.
Thireau Isabelle et Hua Linshan, Les ruses de la démocratie. Protester en Chine, Paris, Seuil, 2010.
Wang Gungwu et Zheng, Yongnian (ed.), China and the New International Order, New York, Routledge, 2008.
Yan Xuetong, Ancient Chinese Thought, Modern Chinese Power, Princeton, Princeton University Press, 2011.
Ye Zicheng, Inside China’s Grand Strategy : The Perspective from the People’s Republic, The University Press of Kentucky, 2010.
Yong Deng, China’s Struggle for Status : The Realignment of International Relations, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.
Yu Keping (dir.), The Chinese Model and Beijing Consensus, Pékin, Social Sciences Press, 2006.
Yu Xintian, Wenhua, ruanshili yu zhongguo duiwai zhanlue [Culture, soft power et la stratégie étrangère de la Chine], Shanghai, Shanghai Renmin Chubanshe, 2010.
Zhao Tingyang, Tianxia tixi : shijie zhidu zhexue daolun (Système Tianxia : introduction de la philosophie de l’institution mondiale), Nanjing, Jiangsu jiaoyu chubanche, 2005.
[1] Texte traduit et publié dans Le coin des penseurs, n° 27, Institut Ricci, Paris, février 2014. La traduction contient également des entretiens avec quatre participants à la rencontre, dont certains passages sont cités à la fin de cet article. Pour revenir au texte en version originale publié sur le site du Financial Times consulter le site suivant : rujiazg.com/article/id/3734/
[2] Sur ce point, lire l’excellent article de Yu Liu et Cheng Dingding, “Why China Will Democratize”, The Washington Quarterly, Vol. 35, n°1, hiver 2012, pp. 41-63. Les deux auteurs sont universitaires, à Pékin et à Macao. Cet article s’appuie essentiellement sur la croissance de la richesse par habitant en Chine, et sur l’émergence d’une classe moyenne, prélude à un processus de démocratisation.
[3] De nombreux travaux ont été consacrés à la question de la démocratie en Chine. Parmi les ouvrages récents, lire Mireille Delmas-Marty et Pierre-Etienne Will (dir.), La Chine et la démocratie, Paris, Fayard, 2007 ; Li Cheng (ed.), China’s Changing Political Landscape : Prospects for Democracy, Washington, Brookings Institution Press, 2008 ; et Isabelle Thireau et Hua Linshan, Les ruses de la démocratie. Protester en Chine, Paris, Seuil, 2010.
[4] Jiang Qing, A Confucian Constitutionnal Order. How China’s Ancient Past Can Shape Its Political Future, Princeton, Princeton University Press, 2013. Le texte de Jiang est suivi de quatre commentaires, auxquels il apporte une réponse.
[5] Les différents textes de Liu sur la Chine et la question de la gouvernance sont rassemblés et traduits en français dans un ouvrage magistral : Liu Xiaobo, Vivre dans la vérité, Paris, Gallimard, Collection Bleu de Chine, 2012.
[6] Lire notamment Zheng Gongcheng, ‘‘Zhongguo shehui gongping zhuankuai fenxi’’ (Une analyse de l’équité sociale en Chine), Journal of Renmin University of China, n°2, 2009, pp. 2-11.
[7] Cette situation est d’ailleurs très sévèrement dénoncée par Liu Xiaobo, qui accuse ouvertement les autorités chinoises d’avoir instauré un consensus non seulement avec la société mais également avec les intellectuels, qui assure la pérennité du pouvoir.
[8] Sur la question des opportunités que l’ONU offre à la Chine, lire Michael Fullilove, “China and the United Nations : The Stakeholder Spectrum”, The Washington Quarterly, Vol. 34, n°3, été 2011 pp. 63-85.
[9] Samuel S. Kim, “China as a Great Power”, Current History, vol. 96, septembre 1997, p. 246.
[10] Yang Jiechi, “A Changing China in a Changing World”, intervention lors de la “Munich Security Conference”, Munich, 5 février 2010, fmprc.gov.cn/eng/wjdt/zyjh/t656781.htm
[11] Fareed Zakaria, “How to Be a Real Superpower”, Time, 28 novembre 2011, p. 22.
[12] Jean-Luc Domenach, « Le revers de la médaille. La Chine saisie par la mondialisation », Questions internationales, n°32, juillet-août 2008, p. 51.
[13] Yan Xuetong, Ancient Chinese Thought, Modern Chinese Power, Princeton, Princeton University Press, 2011.
[14] Zheng Bijian, “China’s ‘Peaceful Rise’ to Great-Power Status”, Foreign Affairs, vol. 84, n°5, septembre-octobre 2005, p. 21.
[15] Martin Jacques, When China Rules the World : The Rise of the Middle Kingdom and the End of the Western World, Londres, Penguin, 2010.
[16] Joshua Cooper Ramo a forgé, en 2004, la formule « Consensus de Pékin » en opposition à ce que l’on a appelé vers la fin des années 1980 le « Consensus de Washington » (gouvernance la plus démocratique possible, libéralisme économique et libre entreprise que le Trésor américain et le FMI ont vanté au lendemain de l’effondrement du bloc soviétique).
[17] Stephan Halper, ex-diplomate, devenu professeur à Cambridge est l’auteur de The Beijing Consensus. How China’s authoritarian model will dominate the twenty first century, New York, Basic Books, 2010.
[18] Pan Wei est Professeur au département des études internationales de l’Université de Pékin. Il a prononcé une conférence à l’Université de Nottingham en 2010 (Western system versus Chinese system) qui a eu un très large écho parmi les intellectuels britanniques.
[19] « Le consensus de Pékin », Monde chinois, nouvelle Asie, n°25, printemps 2011.
[20] The New York Review of Books (traduction Perry Link) – January 15, 2009 (http: //www.nybooks.com/articles/22210).
[21] J. G. A. Pocock, Le Moment machiavélien, Paris, Puf, 1997.
[22] Jan-Werner Müller, Carl Schmitt. Un esprit dangereux, Paris, Armand Colin, 2007 ; Sandrine Baume, Carl Schmitt, penseur de l’Etat. Genèse d’une doctrine, Paris, Les Presses Sciences Po, 2008.
[23] Zhao Tingyang, Tianxia tixi : shijie zhidu zhexue daolun (Système Tianxia : introduction de la philosophie de l’institution mondiale), Nanjing, Jiangsu jiaoyu chubanche, 2005.
[24] Lire à ce sujet de Pierre-Etienne Will, La contribution chinoise à la Déclaration universelle des droits de l’homme dans : La Chine et la démocratie (dir. Mireille Delmas-Marty et Pierre-Etienne Will), Paris, Fayard, 2007, pp. 297-366.
[25] « The concept of people’s rights (minquan) in the Late Qing” in Wm. Theodore de Bary et Tu Weiming (éd.), Confucianism and Human Rights, New York, Columbia University Press, 1998, pp. 193-208.
[26] Mengzi VII B 14.
[27] Eric Hobsbawm et Terence Ranger (dir°), L’Invention de la tradition, Paris Éditions Amsterdam, 2006.
[28] Il existe du Manifeste une version en anglais reproduite dans l’ouvrage de Carsun Chang (nom sous lequel Zhang Junmai est connu dans les milieux anglophones), The Development of Neo-Confucian Thought, Vol. 2, New York, Bookman, 1957, rééd. Westport (Conn.), Greenwood Press, 1977, pp. 471-472.
[29] Lire le développement d’Alain Badiou autour de l’assertion, cruciale dans le contexte qui est le nôtre, de Karl Marx – « Les prolétaires n’ont pas de patrie » dans : ‘Vingt-quatre notes sur les usages du mot « peuple »’ dans : Qu’est-ce qu’un peuple ? (dir° Alain Badiou, Pierre Bourdieu, Judith Butler, Georges Didi-Huberman, Sadri Khiari, Jacques Rancière), Paris, La Fabrique éditions, 2013, p. 11.
[30] Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, Paris, Gallimard, 1998.
[31] Hannah Arendt, La Tradition cachée. Le Juif comme paria (1944-1948), Paris, Christian Bourgois, 1987.
[32] Wukan : gestion d’une crise et laboratoire sociopolitique dans : Barthélémy Courmont et Emmanuel Lincot, La Chine en défi, Paris, Erick Bonnier éditeur, 2012, pp. 71-91.
[33] Lire le développement de Georges Didi-Huberman, Rendre sensible dans : Qu’est-ce qu’un peuple ? (dir. Alain Badiou, Pierre Bourdieu, Judith Butler, Georges Didi-Huberman, Sadri Khiari, Jacques Rancière), Paris, La Fabrique éditions, 2013, p. 90.
[34] CHEN YAN, L’EVEIL DE LA CHINE, LA TOUR D’AIGUES, L’AUBE, 2002.
[35] Li Zehou « Lun shiyong lixing yu legan wenhua (Sur la raison pratique et la culture de l’optimisme) » dans : Shiyong lixing yu legan wenhua Pékin : Sanlian shudian, 2005.
[36] Emmanuel Terray, La démocratie et ses limites dans : Regards sur le politique en Chine aujourd’hui, (dir. Sébastien Billioud et Joël Thoraval), Paris, Presse Universitaires de Vincennes, Extrême-Orient-Extrême-Occident, n° 31, p. 182. Lire en complément le numéro spécial de Monde chinois Nouvelle Asie (dir. Emmanuel Lincot et Barthélémy Courmont) : A propos de la sortie de la religion en Chine…, n° 35, 2013.
[37] « ‘Politique de déépolitisation’ et ‘caractère public’ des médias de masse » dans : Regards sur le politique en Chine aujourd’hui, (dir. Sébastien Billioud et Joël Thoraval), Paris, Presse Universitaires de Vincennes, Extrême-Orient-Extrême-Occident, n° 31, pp. 155-179.
[38] Emmanuel Terray, La démocratie et ses limites dans : Regards sur le politique en Chine aujourd’hui, (dir. Sébastien Billioud et Joël Thoraval), Paris, Presse Universitaires de Vincennes, Extrême-Orient-Extrême-Occident, n° 31, p. 183.
[39] Isaiah Berlin, Four Essays on Liberty, Oxford, Oxford University Press, 1969.
SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.
Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés
| Dernière mise à jour le dimanche 8 décembre 2024 |