Thaïlande : en avant toute, vers le passé

Par Arnaud DUBUS, le 28 octobre 2014  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Journaliste en poste en Thaïlande, Arnaud Dubus contribue notamment à Radio France Internationale et au quotidien Libération. Chercheur associé à l’Institut de recherches sur l’Asie du Sud-Est contemporaine (Irasec)

Géopolitique de la Thaïlande. Avant d’esquisser avec prudence les possibles trajectoires que pourrait suivre la Thaïlande dans les prochaines années, il convient de retracer les événements politiques de cette année mouvementée que fut 2014 et surtout d’essayer de remettre ceux-ci dans un contexte de longue durée. Journaliste, Arnaud Dubus, vit depuis plusieurs années en Thaïlande.

LE coup d’Etat qui a renversé, le 22 mai 2014, le gouvernement dirigé par Yingluck Shinawatra diffère de ses nombreux prédécesseurs – 19 coups d’Etat en 82 ans – en ce qu’il n’est pas une simple réaction à des interférences politiques dans les remaniements de l’appareil militaire ou même une volonté de renforcer le poids des militaires au sein des instances dirigeantes du royaume.

En pied de page, un portrait de Prayuth Chan-ocha, un officer conservateur et ultra-royaliste

Le putsch de 2014 vise à ramener le pays plusieurs décennies en arrière à l’époque où, dans les années 1980, une oligarchie bénie par le palais royal et soutenue par l’armée et la bureaucratie civile dirigeait la Thaïlande sous l’égide de Prem Tinsulanonda, ancien chef des armées. A cette époque, on qualifiait la Thaïlande de « démocratie à demi-cuite ». Des élections avaient lieu régulièrement pour élire une assemblée nationale, mais celle-ci n’avait qu’une influence limitée sur la direction du pays et, en tout état de cause, le premier ministre n’était pas issu de cette assemblée.

Thaïlande : en avant toute, vers le passé
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Des militaires occupent un quartier de Bangkok après le coup d’Etat du 22 mai 2014 (Photo par Arnaud Dubus).

Des militaires occupent un quartier de Bangkok après le coup d’Etat du 22 mai 2014 (Photo par Arnaud Dubus).

Mais le temps est irréversible et les retours nostalgiques à un passé révolu sont lourds de dangers par ce qu’ils entrainent forcément de déceptions et de désillusions. Avant d’essayer d’esquisser avec prudence les possibles trajectoires que pourrait suivre la Thaïlande dans les prochaines années, il convient de retracer les événements politiques de cette année mouvementée que fut 2014 et surtout d’essayer de remettre ceux-ci dans un contexte de longue durée.

Sous les effets de la croissance économique, une nouvelle classe de « paysans urbanisés » ou « d’entrepreneurs ruraux » a émergé

Depuis le début des années 1980 et durant un quart-de-siècle,la Thaïlande a connu une croissance économique très forte, laquelle a profité avant tout à la portion de la population qui se trouvait en bas de l’échelle sociale. En moyenne, le revenu par tête a été multiplié par trois. La vie économique dans les provinces rurales a été bouleversée. D’une économie en presque totalité agricole, les ruraux thaïlandais sont passés à une économie diversifiée, où dès la fin du XXème siècle, le plus gros des revenus n’étaient plus issu du travail des rizières et des vergers. L’argent ramené par les provinciaux qui avaient migré en ville ou parfois à l’étranger pour y travailler a été réinvesti non dans l’agriculture, mais dans des petites entreprises – magasins de vente de téléphones portables, petits restaurants, ateliers de réparations, salons de beauté -, ainsi que dans l’éducation des enfants. Une proportion de plus en plus importante des « fils de paysans » sont partis étudier dans des écoles professionnelles ou dans des universités, acquérant dès lors une vision du monde et des ambitions que n’avaient pas leurs parents.

En somme, une nouvelle classe de « paysans urbanisés » ou « d’entrepreneurs ruraux » a émergé, bouleversant la notion traditionnelle d’une masse paysanne docile, peu intéressée par les enjeux nationaux. Car parallèlement aux transformations sociales, ces nouveaux paysans ont progressivement pris conscience du rôle qu’ils pouvaient jouer en politique. La mise en place de la décentralisation dans les années 1990 puis l’arrivée sur la scène politique de Thaksin Shinawatra leur a donné conscience que leur participation en politique pouvait déboucher sur des bénéfices concrets. Elu en 2001, Thaksin a tenu ses promesses de campagne, établissant des fonds de micro-crédits villageois, exonérant les paysans de leurs dettes et instaurant un système universel de couverture sociale. Sa période à la tête du pays fut toutefois très controversée. Intimidation des médias, confusion entre les intérêts privés de sa clique et ceux du pays, déstabilisation du sud à majorité musulmane du pays, multiples violations des droits de l’homme… Dès 2004, 2005, Thaksin s’était mis à dos une part importante des classes moyennes urbaines et de l’élite du pays.

La transformation du paysage rural a échappé à l’attention d’une grande partie des habitants des zones urbaines, lesquels se sont accrochés à l’image dépassée de paysans « ploucs et ignares », peu informés et enclins à vendre leur droit de vote au plus offrant. Aux yeux de ces citadins, en majorité sino-Thaïlandais, les mesures socio-économiques prises par Thaksin envers les ruraux n’étaient qu’une version un peu plus sophistiquée du système d’achats des votes. Au lieu de vendre leur voix pour quelques billets, les ruraux la vendaient désormais contre des programmes sociaux. Le « populisme » de Thaksin était, selon eux, la nouvelle forme de corruption politique qui menaçait de saper les bases du statu quo, selon lequel le triumvirat formé par le palais royal, les militaires et les fonctionnaires civils contrôlaient le système politique, avec l’assentiment d’une grande partie des classes moyennes urbaines.

Les péripéties politiques de 2013-2014

C’est sur cette toile de fond que se sont déroulées les péripéties politiques de 2014 qui ont abouti au limogeage le 7 mai 2014, par la cour constitutionnelle, de Yingluck Shinawatra – sœur cadette de Thaksin – de son poste de première ministre, à l’imposition de la loi martiale par l’armée le 20 mai 2014 et au coup d’Etat deux jours plus tard.

En coulisse, une stratégie se met en place.

Une relecture attentive des événements depuis la fin de 2013 suggère qu’au-delà du désordre apparent, une stratégie cohérente mise en place par les forces conservatrices du pays a été suivie même si le degré de coordination entre les différents acteurs – mouvement d’opposition dans les rues mené par l’ancien député du parti Démocrate Suthep Thaugsuban, militaires, conseil privé du roi – est difficile à déterminer. Lors d’un discours devant ses partisans après le coup d’Etat du 22 mai 2014, Suthep Thaugsuban, qui avait dirigé durant sept mois d’importantes manifestations pour réclamer la démission du gouvernement de Yingluck Shinawatra, a expliqué que le chef de l’armée, le général Prayuth Chan-ocha, l’avait consulté de manière régulière durant cette période sur la manière de renverser l’administration.

D’autres indices tendent à renforcer la thèse selon laquelle l’armée avait préparé longuement à l’avance le putsch, comme la tenue de consultations entre Prayuth et des généraux anti-Thaksin et le fait que l’armée se soit opposée à la mise en vigueur de la loi sur la sécurité intérieure et du décret d’urgence, lesquels auraient peut-être permis à la police de contrer efficacement les manifestants. Contrairement à la répression très sévère par les militaires des manifestations des Chemises rouges (i.e. les partisans de Thaksin Shinawatra) en mai 2010, l’armée, sous la direction de Prayuth, s’est montrée plus que réticente à lancer la moindre action contre les manifestants anti-Thaksin de 2014, abandonnant un gouvernement qui se trouvait le dos au mur. Le général Prayuth a été jusqu’à dire qu’il était « peiné » de voir la police utiliser des gaz lacrymogènes contre les manifestants qui avaient encerclé le siège du gouvernement.

Parallèlement à cette attitude de l’armée, les tribunaux et les agences dites indépendantes, établies par la constitution, ont pris une série de décisions défavorables au gouvernement en place. Les élections générales du 2 février 2014, fortement perturbées par les manifestants anti-gouvernementaux, ont pâti également du peu d’enthousiasme de la Commission électorale à les organiser de manière ferme et efficace. Le blocage des bureaux de vote par les manifestants anti-gouvernementaux et la rétention des urnes et des bulletins ont empêché entre quatre et huit millions de personnes de voter sur l’ensemble du territoire.

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Une manifestation à l’université Thammasat de Bangkok dans les minutes qui ont suivi le coup d’Etat du 22 mai 2014 (Photo par Arnaud Dubus).

Une manifestation à l’université Thammasat de Bangkok dans les minutes qui ont suivi le coup d’Etat du 22 mai 2014 (Photo par Arnaud Dubus).

Le 22 février 2014 un tribunal civil a interdit au gouvernement « d’utiliser la force pour disperser les manifestants », car « ceux-ci ne font qu’utiliser leur droit de se rassembler pacifiquement ». Le 21 mars 2014, la cour constitutionnelle a annulé les élections – une décision qui a ravi les manifestants anti-gouvernementaux. Un autre scrutin est alors planifié pour juillet de la même année, mais la Commission électorale manifeste le même manque de volonté pour l’organiser. Réticence compréhensible : les six scrutins organisés depuis 2001 ont tous été remportés par des partis pro-Thaksin – et l’establishment militaro-bureaucratique veut éviter une nouvelle consécration électorale de ses ennemis politiques. Le principal parti d’opposition, le parti Démocrate, n’a pas remporté de façon convaincante les élections depuis plus de vingt ans.

Dès janvier 2014, la Commission anti-corruption avait lancé une enquête pour vérifier les accusations de « négligence dans l’exercice de ses fonctions » lancées par l’opposition à l’encontre de la première ministre Yingluck en liaison avec un désastreux programme de subvention à la culture du riz. L’enthousiasme de la commission à poursuivre Yingluck contrastait fortement avec son immobilisme sur d’autres dossiers de corruption concernant l’armée ou le parti Démocrate. Enfin, le 7 mai 2014 la cour constitutionnelle destituait Yingluck ainsi que neuf de ses ministres pour la mutation « illégale » d’un haut-fonctionnaire. Cette série de décisions allant dans le même sens a tendu à décrédibiliser ces tribunaux, particulièrement la cour constitutionnelle, et ces agences dites « indépendantes », censées exercer la justice en fonction du droit et non d’objectifs politiques.

La loi martiale a été déclarée le 20 mai 2014 par l’armée

Il est aussi difficile de comprendre la justification du coup d’Etat. La loi martiale a été déclarée le 20 mai 2014 par l’armée, sans consultation du gouvernement civil, afin de « protéger les vies humaines et les biens des Thaïlandais ».

Deux jours après, le général Prayuth a perpétré le coup d’Etat apparemment parce que le gouvernement ne voulait pas démissionner.

Toutes les parties au conflit politique ont alors suivi les consignes du chef de l’armée et se sont engagées dans des négociations sous son égide. Deux jours après, le général Prayuth a perpétré le coup d’Etat apparemment parce que le gouvernement ne voulait pas démissionner. Mais peut-on qualifier de négociations des « pourparlers » dont le seul but est de renverser un gouvernement élu ? Après le coup d’Etat, la junte militaire a repris la substance du programme du mouvement anti-gouvernemental : mise en place d’un conseil de réforme non élu pour réformer le système politique de manière à marginaliser le parti pro-Thaksin. La boucle était donc bouclée : les manifestants menés par Suthep qui réclamaient un coup d’Etat l’ont obtenu, et le régime putschiste a commencé mettre en place le programme de ce mouvement.

Dès les premiers jours suivant le putsch, la junte dirigée par le général Prayuth s’est affirmée comme un régime dur, ne tolérant aucune contradiction et entendant être obéie aux doigts et à l’œil par l’ensemble des Thaïlandais. Des centaines de militants politiques, d’universitaires et d’intellectuels critiques ont été convoqués et beaucoup d’entre deux détenus pendant plusieurs jours dans des camps militaires. La constitution provisoire, mise en vigueur le 22 juillet 2014, a donné le ton, notamment dans son article 44, lequel stipule que la junte, officiellement dénommée le Conseil national pour la paix et l’ordre, détient l’autorité ultime, au-dessus des pouvoirs exécutif, législative et judiciaire.

Peut-on tenter une typologie ?

Ce coup d’Etat présente de notables différences avec les coups de février 1991 et de septembre 2006. En 1991, la junte, dirigée par le général Sunthorn Kongsompong, avait rapidement mis en place un gouvernement essentiellement composé de technocrates et dirigé par un diplomate respecté et indépendant d’esprit, Anand Panyarachun. Le gouvernement avait pris des mesures importantes pour maintenir la croissance économique et limité l’impact du coup sur l’image internationale de la Thaïlande. La politique menée par le gouvernement d’Anand, lequel tenait tête à la junte, avait en quelque sorte « dilué » l’autoritarisme du régime militaire et l’avait rendu plus supportable pour la population.

En 2006, la junte avait également mis en place un gouvernement, certes dirigé par un ancien chef de l’armée de terre, le général Surayudh Chulanont, mais, là aussi, composé en majorité de technocrates. Surayudh, lui aussi, ne s’était pas laissé dicter toutes ses actions par la junte, laquelle s’était d’ailleurs rapidement auto-dissoute.

La junte de 2014 a choisi une voie différente en mettant en place un gouvernement composé pour plus d’un tiers de militaires d’active et dirigé par le chef de la junte lui-même, Prayuth, cumulant donc les deux fonctions. Quelques technocrates ont bien été nommés à des postes de conseillers, mais même le ministre des affaires étrangères est un militaire – ce qui est pratiquement sans précédent dans la longue histoire des coups thaïlandais. Les dictateurs avaient toujours considéré qu’il fallait nommer un technocrate respecté ou un diplomate professionnel pour atténuer l’impact négatif du coup sur l’image internationale du pays.

De plus l’assemblée nationale mise en place, pour tenir le rôle du législateur d’ici des élections hypothétiquement prévues pour la fin de 2015 (mais qui seront vraisemblablement repoussée à la mi-2016 au moins), est composée pour plus de la moitié d’officiers militaires – ce qui n’est guère étonnant car elle a été nommée entièrement par la junte. Enfin, la junte va aussi sélectionner les 250 membres du Conseil de réforme en charge de transformer le système politique avant les élections.

Pour retrouver une telle concentration de pouvoirs dans les mains de l’armée, il faut remonter à l’époque de la dictature du maréchal Sarit Thanarat, entre 1957 et 1963. Mais la Thaïlande de cette période n’a que peu à voir avec celle de 2014 : elle était alors un royaume qui amorçait son développement économique et était peuplé d’une population essentiellement paysanne presque totalement coupée des réalités du monde politique. De plus, le contexte international de Guerre froide et d’engagement américain en Indochine incitait les pays occidentaux à fermer les yeux sur l’autoritarisme du régime militaire thaïlandais. Espérer reproduire un tel régime en 2014, dans une Thaïlande beaucoup plus complexe où de multiples groupes d’intérêt sont en compétition et où la société civile est particulièrement dynamique peut sembler absurde.

Et demain ?

Cette situation ambigüe d’un régime autocratique voulant forcer un retour au passé rend les prédictions – exercice toujours délicat – d’autant plus incertaines. Les militaires thaïlandais, Prayuth en tête, ont une vision pour le pays qu’ils veulent imposer. Cette vision est celle d’uneThaïlande unifiée, sans divisions, ordonnée et où régnerait une harmonie sociale rêvée sous la bienveillance du roi Bhumibol Adulyadej. Les militaires disent vouloir rénover le système politique pour faire de la Thaïlande une « démocratie fonctionnant pleinement ». Et, insiste Prayuth, tant que ce nouveau système démocratique ne sera pas totalement prêt et que le climat dans le pays ne sera pas favorable à sa mise en place, les élections n’auront pas lieu.

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Une manifestation dénonçant le coup d’Etat dans le centre de Bangkok, le 25 mai 2014 (photo par Arnaud Dubus)

Une manifestation dénonçant le coup d’Etat dans le centre de Bangkok, le 25 mai 2014 (photo par Arnaud Dubus)

Toute l’histoire politique de la Thaïlande depuis l’abolition de la monarchie absolue en 1932 est celle d’une démocratisation avortée à de multiples reprises par des coups d’Etats, perpétré à chaque fois que les militaires estimaient que l’état politique de la société ne les satisfaisait pas.

L’idée que la démocratisation est un long processus d’apprentissage qui souffre de retours en arrière et de brusques avancées, qui peut errer avant de retrouver la bonne route, paraît étrangère à ces hommes en uniformes. Toute l’histoire politique de la Thaïlande depuis l’abolition de la monarchie absolue en 1932 est celle d’une démocratisation avortée à de multiples reprises par des coups d’Etats, perpétré à chaque fois que les militaires estimaient que l’état politique de la société ne les satisfaisait pas. Ce cycle incessant, alternant périodes de gouvernement civil et régimes militaires, explique le manque de maturité politique de la Thaïlande d’aujourd’hui.

Pour tenter de réaliser cette vision d’une nouvelle société ordonnée et unifiée, les militaires disposent de leur système de commandement clos sur lui-même, basé sur l’obéissance aveugle, la loyauté, le dévouement, la répression et la non-transparence. Ils font face à une Thaïlande en ébullition, où les groupes sociaux sont culturellement mobiles et où l’énorme majorité de la population vit à l’heure de la globalisation et s’informe sur l’internet et les réseaux sociaux. Il n’est pas difficile de voir ici une contradiction entre ces dirigeants passéistes et rétrogrades et une population qui ne rêve que d’aller de l’avant.

A partir de quand cette contradiction pourrait-elle devenir suffisamment intenable pour que le régime militaire soit mis en difficulté ? On peut imaginer que c’est au moment où le gouvernement et le conseil de réforme dominé par les militaires vont mettre en place effectivement les réformes touchant au système politique (système électoral, libertés publiques), mais aussi au domaine social (éducation) que les Thaïlandais, même parmi ceux qui ont soutenu le coup à l’origine, vont se mettre à réagir parce qu’ils sentiront leurs libertés menacées de manière concrète. Les premières réformes dans le domaine de l’éducation, renforçant l’endoctrinement « patriotique » et étouffant le peu de créativité qui avait pu exister dans le système, inquiètent d’ores et déjà nombre de parents. L’atmosphère de répression du monde intellectuel et universitaire, laquelle semble viser à bannir toute pensée critique, commence aussi à inquiéter une portion croissante de la population.

En l’absence de tout arbitre – le roi, âgé de 87 ans, étant marginalisé et en mauvaise santé - et les tribunaux étant déconsidérés, la réaction des militaires devant une forte résistance des citoyens risque d’être un recours à la répression. Mais à terme, les transformations sociales et de mentalité qu’a subis le pays ces dernières décennies ne pourront être effacées. Et ces transformations favoriseront le renforcement démocratique. Les militaires mènent un combat d’arrière-garde et l’establishment conservateur exhale son dernier soupir. La question est de savoir combien de temps et à quel prix humain va s’effectuer cette douloureuse transition.

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Poster. Thaïlande. Une manifestation dénonçant le coup dans le centre de Bangkok, le 25 mai 2014 (photo par Arnaud Dubus)
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Portrait. Prayuth Chan-ocha, un officer conservateur et ultra-royaliste

Le général Prayuth Chan-ocha, qui s’est emparé du pouvoir le 22 mai 2014 et qui est devenu chef de la junte puis premier ministre de la Thaïlande, est un officier d’infanterie au caractère bouillant, d’une nature autoritaire et qui se positionne en défenseur farouche de la monarchie thaïlandaise. Né dans la province de Nakhon Ratchasima, dans le nord-est de la Thaïlande, Prayuth, âgé de 60 ans, est issu d’un régiment des Gardes de la Reine basé dans l’est, à Prachinburi et surnommé les « Tigres de l’Est ». Les officiers supérieurs de ce régiment sont connus pour leur forte loyauté vis-à-vis de la famille royale. Depuis le coup d’Etat de septembre 2006, ils dominent les postes de commandement des forces armées – la plus longue période de monopolisation de ces postes par une caste militaire de mémoire récente.

Alors chef-adjoint de l’armée de terre, Prayuth avait été l’artisan en avril-mai 2010 de la répression contre les manifestations des Chemises rouges – les partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra -, laquelle avait causé la mort de plus de 90 personnes, en très grande majorité des manifestants désarmés. Une série de décisions judiciaires a confirmé que ces personnes avaient bien été tuées par l’armée, ce qui avait provoqué une réaction de vif mécontentement de Prayuth. Cela explique peut-être en partie sa relative prudence quand les manifestations anti-gouvernementales, cette fois-ci contre la première ministre Yingluck Shinawatra, sœur cadette de Thaksin, ont repris en novembre 2013. Mais le facteur dominant semble plutôt avoir été la sympathie de Prayuth pour ces Chemises jaunes, dont les objectifs politiques – établissement d’un système où les élections ne joueraient qu’un rôle marginal – recoupent les siens.

Depuis le coup d’Etat du 22 mai 2014, le général Prayuth a révélé un pragmatisme qui le distingue positivement des lourds dictateurs du passé, comme Sunthorn Kongsompong en 1991 et Sonthi Boonyaratklin en 2006. Toutefois, sa propension à vouloir tout superviser en détail (il cumule quinze postes officiels), sa tendance à ne faire confiance qu’à un cercle restreint d’officiers fidèles et son inconfort face à la contradiction pénalisent son programme de « remise en ordre » du pays.

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