Le défi africain : « bombe démographique » ou « dividende démographique » ?

Par Roland POURTIER, le 28 mai 2016  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Professeur émérite des Universités, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,
Laboratoire de géographie PRODIG. Président de l’Association de Géographes Français (AGF). Il a notamment publié "Afriques noires", éd. Hachette Éducation

Le « dividende démographique » ne sera qu’un mirage s’il n’y a pas une forte accélération de la baisse de la fécondité en Afrique dans les prochaines années. Pourquoi ? Voici une réponse solidement argumentée. Le Professeur Roland Pourtier partage ici sa contribution au 8e Festival de Géopolitique de Grenoble.

LA QUESTION démographique est cruciale pour l’avenir de l’Afrique. Personne n’en doute, même si les interprétations divergent. Le rythme de croissance de la population, depuis le milieu du XXe siècle, est en effet unique dans l’histoire de l’humanité à l’échelle d’un continent et dans la longue durée.

230 millions d’Africains en 1950, 1,2 milliard en 2015, peut-être 2,4 milliards en 2050. La population aura été multipliée par 10 en un siècle, contre 3 pour le reste du monde, 1,3 pour l’Europe. Conséquence : la part de l’Afrique dans la population mondiale de l’ordre de 9% en 1950 compte pour 16% en 2016 et devrait atteindre 25% en 2050.

Cette croissance hors du commun pose d’énormes défis. Défis internes d’une croissance économique confrontée au ras de marée d’une population jeune. Défis externes des relations de l’Afrique au reste du monde, forcément marquées par les conséquences d’une explosion démographique sans précédent.

Peut-on pour autant parler de « bombe démographique » ? En 1968 paraissait aux Etats-Unis «  The Population Bomb  » de Paul Ehrlich, traduit et publié par les Amis de la terre sous le titre « La bombe P  » en 1971. Ce livre s’inscrit dans un courant intellectuel néo-malthusien né aux Etats-Unis après 1945. Parmi les ouvrages fondateurs, « Our Plundered Planet  » de Fairfield Oborn, 1948, a été réédité en 2008 par Actes Sud sous le titre « La planète au pillage  », avec une préface de Pierre Rabhi. En réalité, les préoccupations humanitaires et écologiques, masquaient alors la « menace » supposée de la croissance démographique de l’Amérique latine et de l’Asie.

Y aurait-il aujourd’hui, symétriquement, un « péril africain » - un « péril noir » qui viendrait en quelque sorte en écho au « péril jaune » agité dès la fin du XIXe siècle ? La question démographique est toujours très sensible. De nombreux Africains y voient la résurgence d’un impérialisme occidental, un reliquat de néo-colonialisme. Tout ce qui peut ressembler à une ingérence démographique provoque une levée de boucliers.

En France, les interrogations sur la démographie africaine s’imbriquent étroitement avec la question des migrations ; elles suscitent compassion devant les drames qui se jouent en Méditerranée tout en alimentant des peurs. La présence au sud de l’Europe de deux milliards d’Africains dans une génération inquiète.

Dans ce contexte, l’Institut de géopolitique des populations (IGP), créé en 2000, met en exergue le rôle déterminant de la démographie sur la géopolitique, les migrations internationales, l’histoire des sociétés. Par exemple dans « L’Europe face à l’Afrique noire : du choc démographique au choc des civilisations », sous la direction d’Yves-Marie Laulan, publié par l’Harmattan en 2010. L’IGP, parfois catalogué d’extrême droite, exprime des préoccupations d’une fraction de la population française et européenne devant la « bombe démographique africaine ».

Changeons d’écurie. En 2004, un colloque organisé par Action contre la faim s’intitulait : « La bombe urbaine : comment nourrir villes en guerres et bidonvilles ?  ». La bombe était en l’occurrence appréhendée de son côté interne plutôt que de celui de ses projections externes.

Pour en terminer avec ces quelques flash historiographiques, Serge Michailof a publié en 2015 « Africanistan. L’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ? ». Au-delà du titre provocateur, des questions géopolitiques de fond, longtemps éludées, sont abordées de front.

La dramatisation des enjeux démographiques renvoie à un face à face implicite entre deux visions du monde : celle, pessimiste, des malthusiens. Celle, optimiste, des cornucopiens, en référence à la corne d’abondance. Au-delà de ces deux idéologies globales, un constat s’impose : ce qu’expérimente la démographie africaine est absolument nouveau. Et annonce des bouleversements géopolitiques que l’on pressent mais dont on a du mal à mesurer l’ampleur.

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Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler que l’Afrique n’est pas homogène. L’explosion démographique ne concerne que l’Afrique de l’Ouest, du Centre et de l’Est, pour faire simple l’Afrique tropicale. Le Maghreb est sur le point d’achever sa transition démographique, avec un nombre d’enfants par femme de 2,1 en Tunisie, de 3 en Algérie. En Afrique australe l’ISF n’est plus que de 2,7. L’Afrique tropicale est la seule grande région du monde à être restée au milieu du gué de la transition démographique. La baisse rapide de la mortalité ne s’est pas accompagnée d’une baisse significative de la fécondité. Le nombre moyen d’enfants par femme est actuellement de l’ordre de 5,5 et les scénarios n’envisagent qu’une diminution assez lente de l’ISF.

Face à ce défi majeur, que faire ? Si bombe démographique il y a, comment la désamorcer ?


Le retour depuis 2000 à un optimisme porté par les performances macroéconomiques - 5% de croissance annuelle - peut-il être durable ? Ces pourcentages doivent être relativisés car on part de très bas : la plupart des Etats africains se situent sur les échelons inférieurs du développement mesuré par l’IDH.

La vraie question est celle de l’avenir. Or la démographie ouvre une « fenêtre d’opportunité  » correspondant à une modification de la structure par âge de la population. Les projections démographiques montrent que la population en âge d’être active (15-65 ans) deviendra majoritaire. Cela réduira ce qu’on appelle le taux de dépendance, donnant accès à ce fameux « dividende démographique  » qui, depuis une douzaine d’années, a enrichi la boîte à outil de la Banque mondiale et investi le champ sémantique du développement.

Pour ne considérer que l’actualité le plus proche :
La 7ème Conférence africaine sur la population tenue à Johannesburg du 30 novembre au 5 décembre 2015 avait pour thème « Dividende démographique en Afrique : Perspectives, opportunités et défis ». La 7ème Conférence africaine sur la santé et les droits sexuels et reproductifs tenue à Accra du 10 au 12 février 2016 s’intitulait « Réaliser le dividende démographique en Afrique : l’importance cruciale de la santé et des droits sexuels et reproductifs des adolescents et des jeunes ». Enfin, le sommet de l’UA de 2017 doit porter sur le dividende démographique.

Ce paradigme à la mode ne sera-t-il, après tant d’autres, qu’une formule magique  ?

Le dividende démographique, en tout cas, n’est pas automatique comme le rappelle le FMI dans une étude d’avril 2015 « Afrique subsaharienne. Faire face aux vents contraires » : « Pour obtenir le dividende le plus élevé possible, les pays d’Afrique subsaharienne devront faire baisser plus rapidement la mortalité infantile et la fécondité et créer de nombreux emplois (18 millions par an en moyenne entre 2010 et 2035)… S’ils ne se saisissent pas de cette occasion offerte par la transition démographique, le chômage pourrait monter en flèche et entraîner des conséquences sociales et économiques potentiellement graves  ».

Le défi africain : « bombe démographique » ou « dividende démographique » ?
Carte. L’Afrique : un continent "riche" miné par les fractures économiques et sociales
Cliquer sur la vignette pour agrandir la carte. Réalisation : C. Bezamat-Mantes pour Diploweb.com

A ce stade de la réflexion, la question centrale du défi africain appelle une réponse globale articulant population et développement. Elle peut se résumer en trois points essentiels : la croissance démographique africaine est inéluctable (1) ; les économies africaines sont-elles en mesure de répondre aux défis démographiques ? (2) ; la solution migratoire et ses limites (3).

1. La croissance démographique africaine est inéluctable

La baisse de la mortalité va continuer. La mortalité infantile, de 135 pour mille en 1970, n’est plus que de 59 pour mille en 2015. Dans le même temps l’espérance de vie à la naissance est passée de 35 à 58 ans. Il reste une marge de progression importante.

La fécondité baisse lentement.
La structure par âge est telle que les classes fécondes sont très nombreuses : c’est le « momentum de population ». La question cruciale est celle du rythme de décélération de la fécondité. Dans tous les scénarios il y a croissance de la population.
Or, la baisse de la fécondité est « une des conditions nécessaires pour que l’Afrique puisse capturer à son tour un « dividende démographique » après l’Asie de l’Est  » selon John May du Population Reference Bureau. La contraception est au cœur du problème. En Afrique subsaharienne, seules 25% des femmes y ont recours, contre plus de 60% dans le monde.
Face à cet énorme retard, il faudrait impulser une «  révolution contraceptive » .
Quels sont les obstacles ?
La population demeure majoritairement rurale. L’enfant est perçu comme force de travail et assurance vieillesse. Le désir d’enfant reste puissant : la famille idéale serait de 8 à 10 enfants dans des enquêtes au Sahel. A cela d’ajoutent le retard de la scolarisation, notamment celui des filles dans le secondaire, la précocité du mariage des filles, la quasi absence de politiques publiques de population dans la plupart des pays.

La question démographique n’est entrée que tardivement dans les Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP). De plus, ces derniers s’intéressent surtout à la santé reproductive : le contrôle des naissances reste marginal. Les réticences culturelles au planning familial sont toujours très fortes. S’ajoute, plus ou moins consciemment, la notion d’une revanche historique sur l’Europe, jadis dominante, aujourd’hui en déclin démographique. La population comme constitutive de la puissance est une idée toujours actuelle. Autre argument justifiant la timidité, sinon l’absence, des politiques de population : « le développement est le meilleur des contraceptifs  ».

Cependant, des sociétés jugées bloquées il y a 50 ans, notamment en pays d’islam ont réalisé leur « révolution contraceptive » en une génération, comme l’Iran, le Bangladesh ou la Tunisie. L’engouement pour la Chine pourrait inciter à changer de sensibilité démographique. Le rôle des médias contribue à diffuser de nouveaux modèles sociaux et culturels : les blocages actuels, notamment dans le pays du Sahel, pourraient rapidement céder.

L’avenir de l’Afrique est en jeu et se joue aujourd’hui. Comme l’a déclaré en ouverture d’une conférence de l’AFD le 1er avril 2014, la Directrice générale de l’AFD, Anne Paugam, sa « situation démographique peut constituer un formidable potentiel ou, au contraire, une bombe sociale à retardement ».

2. Les économies africaines sont-elles en mesure de répondre aux défis démographiques ?

Le « dividende démographique » reste une notion abstraite s’il n’est pas mis à l’épreuve de l’économie réelle.

La question de la sécurité alimentaire est posée. Globalement, depuis 1960, la production alimentaire a suivi la croissance démographique grâce à l’agriculture familiale. Celle-ci s’est de plus en plus ouverte sur le marché. La demande urbaine et les infrastructures d’échanges ont impulsé le développement du « vivrier marchand ».

Toutefois, l’augmentation de la production agricole résulte davantage de l’extension des superficies cultivées que de gains de productivités. Cela pose inéluctablement le problème du disponible foncier. Les régions désertiques mises à part, l’Afrique dispose d’un potentiel cultivable très important. Celui-ci nourrit d’ailleurs les convoitises d’investisseurs étrangers (fonds de pension américains, fonds souverains des pays du Moyen-Orient, investisseurs asiatiques etc.). Mais cette « mise en valeur » se ferait principalement au détriment des forêts. Elle se heurterait aux lobbies écologistes occidentaux qui dénoncent le « landgrabbing » et militent pour que l’Afrique participe à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre en sanctuarisant ses forêts.

Mais là n’est pas le problème : l’Afrique n’a pas vocation à résoudre les équations écologistes des pays du nord. Le problème tient au fait que la saturation foncière peut être génératrice de conflits. Ces conflits pour la terre ou l’accès aux ressources sont de plus en plus fréquents dans les espaces de forte densité. Le génocide au Rwanda en 1994, point d’orgue de massacres récurrents depuis quelques décennies, peut se lire comme une « régulation démographique et foncière ». Il n’est pas impossible de penser qu’il ait engendré une sorte de catharsis collective : l’Indice synthétique de fécondité est tombé de 8 au moment du génocide, à 4,2 en 2015. Dans le même temps, le taux d’urbanisation a bondi de 5 à 28%.

L’explosion démographique tend à généraliser le schéma des violences associées à la compétition foncière, dans des affrontements autochtones/allochtones/étrangers. C’est le cas de la guerre sans fin du Kivu (République démocratique du Congo). Ce fut un facteurs essentiel de la guerre civile en Côte d’Ivoire, un pays comptant 25% d’étrangers. Toutefois, à l’échelle du continent, le problème fondamental est sans doute moins l’espace – ou la compétition pour l’espace – que le rythme de croissance du nombre de jeunes : près de 10 millions par an aspirant à entrer sur le marché du travail.

Or, la structure des économies africaines est peu favorable à la création d’emploi.
Les économies rentières fondées sur l’exportation de matières premières peu valorisées, restent dominantes, et contrôlées par des multinationales. Le secteur manufacturier peu présent, sauf en Afrique du Sud et Maurice, stagne autour de 7- 8% du PIB. Le made in Africa se fait attendre, même si certains pays comme l’Ethiopie adoptent semble-t-il avec succès un « modèle asiatique ».

Des obstacles culturels, les solidarités notamment qui peuvent compromettre l’accumulation de capital, ne favorisent pas l’esprit d’entreprise, quand bien même il existe de brillantes exceptions et un nombre croissant de millionnaires africains, voire milliardaires, une trentaine dont le nigérian Aliko Dangote (fortune de 15,7 milliards de $, équivalent du PIB de la Guinée).

Surtout le poids des rentes bureaucratiques entrave l’initiative privée.

Enfin la concurrence chinoise a été très destructrice (industrie textile ivoirienne sinistrée).

Tout cela se traduit par une urbanisation sans industrialisation, phénomène unique dans l’histoire de l’urbanisation, celle de l’Europe au XIXe siècle, de l’Asie au XXe siècle, qui furent accompagnés par la forte croissance de l’industrie manufacturière, grande pourvoyeuse d’emplois.

Or l’urbanisation africaine explose. Depuis 1960, la croissance démographique de l’Afrique subsaharienne a été multipliée par 4, celle des villes par près de 10. Elle s’accompagne d’une prolifération de l’informel et d’immenses quartiers d’habitat précaire : la bidonvilisation peut à tout moment amorcer la bombe urbaine.

Cependant, l’urbanisation présente de nombreux aspects positifs : baisse significative de la fécondité concomitante de la croissance des classes moyennes. Le nexus urbanisation-dividende démographique- classe moyenne est désormais au cœur du développement.

Cette fameuse classe moyenne, fait l’objet d’autant de débats que le dividende démographique - et de définitions très contrastées. Pour la BAD, Banque africaine de développement, elle comprend les individus au revenu compris entre 2 et 20 $ par jour. En deçà les pauvres, au-delà les riches. Selon ces critères, la classe moyenne compterait plus de 300 millions de personnes. Une étude récente du Cabinet Deloitte divise ce chiffre par deux. Les chiffres sont très discutables. De 2 à 4 $ la « classe flottante » (plus de la moitié de l’effectif des classes moyennes) reste très vulnérable ; de 4 à 10 la classe intermédiaire, plus régulièrement solvable, entre dans la « petite prospérité  » chère aux Chinois. De 10 à 20 dollars l’investissement (maison notamment) devient envisageable.

Les classes moyennes seraient-elles en mesure de résoudre l’équation cruciale croissance démographique-emploi  ? La BAD fait preuve d’un optimisme excessif. Certes, la classe moyenne croît deux fois plus vite que la population. Mais le nombre de pauvres vivant en ville augmente plus vite que les effectifs de la classe moyenne : que le cercle vertueux du développement repose sur les classes moyennes urbaines, ne doit pas masquer cette réalité.

Les villes sont potentiellement explosives. Les émeutes de la faim en 2008 pourraient n’être qu’un signe avant-coureur d’autres déflagrations. Quel avenir pour des jeunes sans travail, socialement marginalisés : délinquance, réseaux de la drogue, recherche du salut dans les formes extrêmes de la religion, dans l’islamisme, embrigadement dans des milices ou des mouvements terroristes ? Ou bien émigration.

3. La solution migratoire et ses limites

Les mobilités intra-africaines ont toujours été importantes : des hautes pressions vers les basses pressions démographiques, des « réservoirs démographiques  » vers les bassins d’emploi ; de l’intérieur enclavé vers les littoraux. Mais il existe un effet de seuil. Quand les autochtones se sentent submergés par les allochtones qui menacent leurs prérogatives foncières et politiques. La Côte d’Ivoire a montré comment la tradition d’accueil pouvait muter en xénophobie.

Les migrations internes à l’Afrique deviennent conflictuelles quand la compétition pour l’accès aux ressources ou à l’emploi dresse les autochtones contre les étrangers. Le remplissage en cours des espaces africains ne pourra éviter de générer des conflits violents.

Les migrations extra-africaines soulèvent d’autres problèmes. Elles sont beaucoup moins importantes en valeur absolue que les migrations intra-africaines, mais elles traduisent chez les jeunes un puissant désir d’émigrer. Les enquêtes dans les écoles disent clairement un désir de quitter l’Afrique. Le grand sondage mondial Gallup va dans le même sens : l’Afrique subsaharienne est la région du monde où le désir d’émigrer est le plus fort. Quels que soient les chiffres, l’émigration s’est installée au cœur des relations euro-africaines – et du débat politique national, notamment en France. Mellila, Lampedusa en sont les douloureux symboles. Une fois la crise syrienne terminée, l’essentiel de la pression migratoire viendra d’Afrique subsaharienne.

Les proximités continentales, la réalité géopolitique du fuseau euro-africain, imposent de dépasser les visions euro-méditerranéennes pour y intégrer l’Afrique subsaharienne. Comme le soulignent J.M. Sévérino et O. Ray, dans une réflexion sur l’avenir de l’Afrique : « le sujet n’est pas le regret historique… le sujet est ailleurs, dans la géographie : que nous le voulions ou non, le continent de deux milliards d’habitants est notre voisin, et nous sommes le sien ».

*

Peut-on être optimiste ?

Sans une diminution drastique de la fécondité, comme la Chine l’a fait, l’Afrique s’expose à de graves déboires. Or, la révolution contraceptive tarde à venir. Nonobstant le réel développement de la classe moyenne, les villes africaines ne semblent pas en état d’absorber, dans des conditions satisfaisantes, une croissance démographique inégalée, surtout si le contexte de faible industrialisation persiste. Dire qu’en 2050 il y aura plus de jeunes en Afrique qu’en Asie de l’Est, c’est ne rien dire si les conditions d’emploi et d’employabilité de ces jeunes ne sont pas réunies, ce qui suppose un niveau d’éducation beaucoup plus élevé que l’actuel.

En tout état de cause, le « dividende démographique » ne sera qu’un mirage s’il n’y a pas une forte accélération de la baisse de la fécondité.

Là se trouve la clé de l’avenir de l’Afrique subsaharienne. L’urbanisation y contribue fortement. Mais cela ne suffit pas, les masses rurales sont insuffisamment mobilisées. Il faut beaucoup de pédagogie et de volonté politique pour faire prendre conscience des risques d’une démographie incontrôlée. Or, les responsables africains renâclent à s’engager dans le combat démographique comme l’ont fait tous les pays aujourd’hui émergents.

Au Sahel, au bord d’un « effondrement malthusien  » selon l’expression de Serge Michailof. il serait plus avisé d’investir dans le planning familial, que de conduire des opérations militaires dont on sait qu’elles seront vaines. Le combat n’est pourtant pas perdu, car les prises de conscience de l’urgence démographique se multiplient.

En 2012 à Londres, la fondation Bill et Melinda Gates a relancé les efforts en faveur de la planification familiale à hauteur de 8 milliards de $ sur 8 ans. La lutte contre les fécondités excessives va peut-être prendre le relais de la lutte contre le sida.

On ne peut souhaiter qu’une chose, c’est que l’ampleur des financements internationaux conduise les responsables africains à reconnaître la légitimité d’un devoir d’ingérence démographique. Ce devoir d’ingérence démographique, est plus important que le devoir d’ingérence humanitaire car il intervient en amont, comme moyen de prévention des conflits, et non pas en aval pour en panser les plaies. Il pourrait s’exercer par une conditionnalité de l’aide

La mobilisation en faveur de l’accélération de la transition démographique est en tout cas la priorité absolue, car existe-t-il d’autre alternative en Afrique subsaharienne que le préservatif ou la Kalachnikov ?

Copyright Mai 2016-Pourtier/Diploweb.com



La vidéo de la conférence de Roland Pourtier lors du 8e Festival de Géopolitique de Grenoble, avec les Questions / Réponses du public de l’auditorium de GEM.


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