"La politique étrangère de la Croatie, de son indépendance à nos jours, 1991-2006", par le Pr. R. Lukic (dir.)

Par Georges-Marie CHENU , le 1er février 2008  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Ministre plénipotentiaire

Presses Universitaires de Laval (Canada), 2007. Cet ouvrage collectif présente la politique étrangère de la Croatie, un pays naissant et sans tradition diplomatique, comme une quasi “success story”. En s’appuyant sur des événements peu connus , R. Lukic et ses collaborateurs décrivent une Croatie plus complexe que ses clichés. Un livre à lire dans la perspective de l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne.

LE BUT de cet ouvrage collectif dirigé par le Professeur Renéo Lukic est de montrer comment un pays, la Croatie, né de l’implosion de la Yougoslavie de Tito et récemment admis à l’ONU ( 22 mai 1992 ), a élaboré, adopté et mis en œuvre une politique étrangère qui, avant la fin de cette décennie, fera d’elle un membre de l’UE et de l’OTAN ; un État européen et atlantique.

Ce résultat, qui couronne une ancienne aspiration collective et populaire, est du à l’obstination du premier président de la Croatie, l’ancien général des Partisans, Franjo Tudjman ( aux affaires de 1985 à 2000 ), à un apprentissage assez rapide de la société internationale par les dirigeants croates, à une mise en harmonie de la politique intérieure avec les aspirations européennes proclamées, à des décisions impopulaires (TPIY) et à une active persévérance.

Renéo Lukic est Professeur titulaire des relations internationales au Département d’histoire de l’Université de Laval (Québec, Canada). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles sur l’Europe centrale et orientale. Dans ce nouvel ouvrage, il a fait appel à 5 spécialistes canadiens des relations extérieures, à un historien, Miro Kovac, diplomate croate et à un juriste et historien, Joseph Krulic, magistrat français, qui analysent les relations de la Croatie avec les grands décideurs dans l’affaire yougoslave, l’Allemagne, la France, l’UE et les États-Unis et avec ses voisins immédiats, la Serbie (à l’époque , la République Fédérale de Yougoslavie) la Bosnie-Herzégovine et la Slovénie. Les données rapportées sont abondantes, pertinentes et référencées.

Tensions

Paradoxalement le principal obstacle à cette politique, à savoir : libération des territoires occupés, soutien aux Croates de B-H et entrée dans l’Europe et l’OTAN - fut celui qui l’avait conçue et lancée, le président Tudjman lui même, dont le comportement politique fut jugé , par des capitales occidentales, peu démocratique et ses initiatives en B-H. incompatibles avec la paix recherchée.

Si l’Allemagne, celle du chancelier Kohl et de Hans Gencher, fut le principal soutient de Zagreb en Europe, les pressions les plus constantes et les plus fortes pour que Tudjman conforme son action intérieure et extérieure aux critères européens , vinrent de la diplomatie et des hommes politiques allemands.

Dés 1991, les a priori anti croates et pro serbes des dirigeants français - François Mitterrand et Roland Dumas - , partagés par une partie de la droite et de la gauche , découragèrent les indispensables explications avec les autorités croates . Ces fautes graves furent corrigées par le président Chirac. C’est à son initiative, que les 15 annoncèrent, au sommet de Zagreb, que tous “ les Balkans occidentaux “, et donc la Croatie, pourraient rejoindre l’Europe s’ils remplissaient certaines conditions ( 24 nov. 2000).

Washington se tint en retrait jusqu’en 1994, lorsqu’il fut patent que les Européens ne parvenaient pas à mettre fin à la guerre en B-H et à l’occupation d’une grande partie de la Croatie. Son rôle politique et militaire fut décisif. Pourtant, la reconnaissance n’aveugla pas Zagreb . Grâce au bon sens et à la crânerie de l’actuel président, Stipe Mesic - fils de partisans - la Croatie ne s’aligne pas systématiquement sur les positions des États -Unis ( Irak et Cour pénale internationale ). Zagreb démontre ainsi que s’ils en ont la volonté politique, les “Petits Pays “ peuvent faire entendre leur voix.

Relations avec les voisins

Des relations de la Croatie avec ses voisins, on retiendra que si les échanges officiels entre Zagreb et Belgrade sont paisibles, la société croate et la société serbe peinent à échanger entre elles. En B-H, la minorité croate se méfie toujours des Bosniaques musulmans, mais elle ne met pas en péril l’existence même du pays comme l’autre minorité, celle de la Republika Srpska.

Quant à la “picrocholine “dispute frontalière entre la Croatie et la Slovénie, elle confirme que les 15 ne devraient ouvrir leur porte qu’aux seuls candidats ayant réglé leurs différents territoriaux car ceux-ci ne sont pas solubles dans l’ Union. L’ erreur commise , en 1981, avec la Grèce, a été répétée avec Chypre et la Slovénie en 2004. Le problème se posera bientôt avec la Serbie et le Kosovo.

La politique étrangère de la Croatie, un pays naissant et sans tradition diplomatique , est une quasi “ success story”. En s’appuyant sur des événements peu connus, R. Lukic et ses collaborateurs décrivent une Croatie plus complexe que ses clichés. De plus , ils expliquent pourquoi l’Union européenne avec ses capacités culturelles , politiques , diplomatiques , économiques et financières et aussi avec ses ignorances, ses divisions et les alternances de son engagement européen, séduit et attire, irrite et souvent décourage.


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