Ancien haut fonctionnaire du Ministère de la Défense (France). Pierre Conesa est l’auteur de « La fabrication de l’ennemi ou comment tuer avec sa conscience pour soi », Paris, éd. Robert Laffont, 2011. Un livre recommandé par le Diploweb.com.
« Quelle politique de contre-radicalisation en France ? », c’est le titre d’un rapport remis par Pierre Conesa en décembre 2014 à la Fondation d’aide aux victimes du terrorisme. Compte tenu de l’attentat du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo et de la prise d’otages du 9 janvier Porte de Vincennes, Pierre Conesa, membre du Conseil scientifique auquel est adossé le Diploweb.com, offre à ses lecteurs les extraits suivants, issus de la troisième partie du rapport, intitulée : Que faire ?
LA POLITIQUE de contre radicalisation comporte trois volets :
. La politique de prévention qui doit agir en amont sur une population large. Les autorités européennes ont beaucoup investi au début dans des initiatives visant des segments potentiellement à risque (principalement de jeunes musulmans). Cet axe a finalement été réduit car mélangeant des discours différents sur d’hypothétiques populations à risque, son efficacité était difficile à prouver.
. La dé-radicalisation, qui consiste à faire changer un individu déjà radicalisé pour lui faire abandonner ses vues.
. Le désengagement consiste à convaincre un individu inclus dans un groupe à abandonner ses activités et si possible sa vision du monde. Mais le retrait du groupe ne signifie pas la déradicalisation. Ce concept beaucoup employé par les Britanniques est très difficile à évaluer.
Les exemples étrangers associent souvent les trois aspects autour d’une organisation, d’un document stratégique énonçant des buts des méthodes, et associant des initiatives privées ou publiques. On touche là à une des difficultés du sujet : la spécificité de chaque société dans ses rapports avec sa communauté musulmane. Il faut donc réfléchir sur des politiques, des acteurs et des discours spécifiques.
Trois types de pays différents mènent des politiques de contre-radicalisation
: a) les pays de religion musulmane : Algérie, Bangladesh, Egypte, Jordanie, Malaisie, Maroc, Arabie saoudite, Indonésie, Irak, Pakistan, Afghanistan et Yémen… Les méthodes et les principes sont peu transposables.
Le débat théologique est central sur l’interprétation correcte de l’Islam. La légitimité religieuse permet aux oulémas (théologiens de l’islam) d’apporter des lectures contradictoires au jihadisme. « Les salafistes piétistes se réclament des mêmes sources que les djihadistes, cela permet donc la création d’un espace de discussion et une base d’argumentation. Néanmoins, ils rejettent certaines choses comme le djihad car il n’a pas été décrété par un leader politique », explique Stéphane Lacroix avec contrôle strict des lieux de culte (Arabie saoudite, Maroc, Algérie…). Le postulat idéologique des programmes est la pathologie psychique : « Les djihadistes sont souvent dans un complexe identitaire. Ils sont frustrés économiquement et possèdent une blessure narcissique qui les pousse à la réaction. » (Liogier). La différenciation entre « Bons et mauvais musulmans » suffirait à faire dériver le traitement : « Les djihadistes réhabilités peuvent partir en mission sur ordre du monarque afin de lutter contre leurs ennemis chiites comme le font les membres des mouvements djihadistes financés par l’Arabie Saoudite pour combattre l’Iran (pays chiite) en Irak, en Syrie... » dit Antoine Basbous, président de l’Observatoire des Pays Arabes.
Le rôle de la police est central, qui tente d’amener les prisonniers à renoncer à la violence et à devenir des informateurs. Les policiers apportent une aide financière aux détenus qui se sont amendés et à leur famille, et s’efforcent parfois de négocier des libérations anticipées, mais il y a peu d’actions pour modifier les positions religieuses radicales.
Les critères de la déradicalisation ne sont pas transposables, par exemple la haine des Américains n’est pas toujours regardée comme un critère de radicalisation . Le but du programme est prioritairement de renoncer à la violence pas à la radicalisation politique. Dans une entrevue sur Al Jazeera, Patrialis Akbar, le ministre de la justice d’Indonésie et responsable du programme déclarait qu’il « encouragerait les radicaux à plutôt commettre des attentats à la bombe en Israël, et qu’il serait même prêt à les financer, à les armer et à s’occuper de leurs familles »...
Les initiatives d’amnistie, décrétées soit par le président (Algérie par exemple), ou des grâces partielles décrétées (Ben Ali ou roi du Maroc) consistent à libérer les prisonniers et ensuite à effectuer un suivi de leur réintégration économique et sociale.
Les programmes visent donc à faire des radicaux de « bons musulmans » selon la conception de chaque pays. Le rôle joué par les leaders religieux y est central. Enfin l’évaluation officielle des programmes est difficile à établir dans des régimes autoritaires : sont-ils excellents pour l’Arabie saoudite ? Bons pour le Maroc ? Faibles ou décevants pour l’Indonésie ?
B) Pays multiconfessionnel sans majorité musulmane : (Singapour, Thaïlande, Philippines…). Le but du programme est d’éviter une rupture du fragile équilibre entre les différentes religions et il y a un fort investissement de tous les leaders religieux. A Singapour, les Interracial Confidence Circles (IRCC), mêlent des citoyens de confession musulmane et d’origine indienne ou chinoise. L’objectif principal est de bâtir un « filet de sécurité » entre communautés au cas où une attaque terroriste toucherait Singapour. Le travail de déradicalisation repose principalement sur le Groupe de réhabilitation religieuse (RRG : Religious Rehabilitation Group), réunissant une vingtaine d’érudits musulmans. Le Groupe de réhabilitation religieuse a étendu ses sessions de conseil religieux aux femmes et aux enfants pour prévenir tout développement d’une seconde génération de terroristes. Le prisonnier étant très souvent l’unique source de revenu pour la famille, sa détention risquait d’affecter durement les revenus de sa famille, dorénavant concernés par des programmes « aftercare » incluant une aide financière, psychologique et éducative pour les enfants du détenu. En lançant l’Initiative de « Paix à Singapour » et le forum « P4peace », les autorités ont pu cibler censurer l’outil Internet et atteindre la jeunesse en faisant usage des technologies modernes.
C) Les Pays occidentaux : officiellement une quinzaine de pays ont des programmes mais pour conduire des programmes de nature très différente. Les 4 premiers pays sont Hollande, Danemark, Norvège et Grande Bretagne qui ont visé des cibles individuelles et mené simultanément des actions larges de prévention.
a)La Grande-Bretagne :
Le choc des attentats de Londres a suscité une réaction rapide des autorités. Au départ inclue dans « la stratégie de contre-terrorisme » puis appelé Prevent , le programme d’abord à champ large, a fait l’objet d’une réflexion critique destinée à le rendre plus effectif et plus lié à la prévention du terrorisme. Dans un document de 2011, le programme insiste plus particulièrement sur :
. La prévention générale pour contester l’influence des idées extrémistes promouvoir la tolérance et les principes démocratiques, et contrer les facteurs qui accroissent la vulnérabilité aux discours radicaux.
. Des interventions ciblées sur les individus avec comme objectif optimal l’aide des anciens terroristes qui ont abandonné la violence : encore en prison, Andrew Ibrahim, qui avait prévu une attaque suicide à Bristol, a même accepté de participer à la réalisation d’une vidéo dénonçant la violence terroriste.
En termes institutionnels le programme est organisé autour d’un Channel co-ordinator, dans chaque district qui le plus souvent, a un background policier. Il peut être saisi par n’importe quelle structure d’alerte (école, voisins, service de protection de la jeunesse, services de santé, travailleurs sociaux, offices de logement ou officiers de probation. Il décide des suites à donner.
L’association d’acteurs privés comme la Quilliam Foundation fondée au Royaume-Uni en 2008 et se définit comme le « premier think tank contre l’extrémisme », « en particulier…. islamiste », dédiée à « relever les défis uniques de la citoyenneté, de l’identité et de l’appartenance dans un monde globalisé ». Elle « défend la liberté religieuse, l’égalité, les droits de l’homme et la démocratie ». Promouvant l’Islam modéré, la fondation s’est d’abord fait connaître par des stages de « déradicalisation » auprès des jeunes, notamment via les témoignages d’« extrémistes repentis ». Elle réalise en outre un travail d’alerte et de recherche sur le phénomène de la radicalisation et propose des formations pour les étudiants et les travailleurs sociaux.
Tout en restant adeptes du communautarisme, les Britanniques procèdent à des évaluations régulières du programme. Les principales critiques sont venues des autres communautés (Sikh) qui firent remarquer que les programmes centrés exclusivement sur les Musulmans, plutôt que de réduire les tensions, accentuaient leur sentiment de stigmatisation et de victimisation, et suscitaient le ressentiment des autres communautés…
b) la Hollande :
L’assassinat de Theo van Gogh fut un « 11 septembre hollandais ». Le Document de Stratégie nationale de contre-terrorisme (2011) définit la radicalisation comme « le processus qui peut conduire à l’extrémisme violent et même au terrorisme ». Dès 2005 des villes (Rotterdam, Amsterdam, La Haye avaient lancé des initiatives. Le programme originel incluait action contre la radicalisation et ciblage de radicaux violents, partant du constat que si tout radical ne passe pas à la violence, tout terroriste a été radicalisé et que les théories radicales ont un effet dévastateur sur la cohésion sociale. Certains critiques firent remarquer que l’objectif était trop large et que des terroristes étaient correctement intégrés dans la société (pratique de langue, niveau d’éducation, contacts avec des non musulmans…). D’autre part, des études ont montré que la bipolarisation de la société s’accroissait en particulier lors des succès électoraux de Gurt Wielder alors que le nombre de terroristes potentiels diminuait. Les autorités réduisirent le champ d’action. L’objectif est de chercher à prévenir la radicalisation (isolement, polarisation, radicalisation) par réintégration de personnes à risque. Cette étape s’appuie sur un processus d’alerte précoce qui doit permettre de lutter contre le discours radical en développant un contre argumentaire adapté à différentes situations (politique, moral, religieux, etc.), au contexte (local, régional) et à la cible (groupe ou individu, etc.). Le Plan concerne 8 ministères mais insiste sur le rôle primordial des municipalités et des études locales sur la radicalisation furent menées (140 sur 400 cités), l’Etat central se limitant à distribuer les fonds. Les réticences aux actions ciblées de détection précoce d’individus, ont rendu nécessaire beaucoup d’explications notamment auprès des travailleurs sociaux qui ont reçu une formation. Trois ou quatre axes de travail sont particulièrement intéressants :
. Les femmes
. Les débats ouverts avec des associations privées comme FORUM, COT ou Nuansa,
. Les élites musulmanes.
Amsterdam
Dans son programme local, la ville a insisté sur les « théoriciens » de l’action violente, c’est à dire « ceux qui ne veulent pas employer la violence, mais contribuent à former des radicaux en propageant des idées radicales ». Cette distinction entre acteurs et disséminateurs définit la limite entre l’action de la ville (action curative) et des services de renseignement et de police. Après 2004, les expulsions de prédicateurs radicaux étrangers allèrent bon train. Ceux-ci menèrent alors une action plus discrète et surtout engagèrent avec les autorités un dialogue direct et discret qui trouva son utilité lors de la diffusion du film de Geert Wilders, Fitna. On évita ainsi les manifestations publiques violentes. La ville a créé une Maison d’information sur la Radicalisation relevant du service d’ordre public et en particulier des Equipes de gestion (Case Management Team (CMT) composées d’experts pour gérer les cas signalés.
c) le Danemark
L’Affaire des caricatures a démontré qu’il y avait des noyaux radicaux parmi les 250.000 Musulmans du pays. Trois cas particulièrement graves : en 2007, 9 personnes préparant un attentat contre le Parlement à Vollsmose ; en 2008 attaque prévue contre le journal Glasvej ; enfin en 2010, un Somalien né au Danemark et depuis longtemps intégré, Mohammed Gelle, préparait l’assassinat du dessinateur Kurt Westergaard. La stratégie fut définie par un groupe de travail interministériel après une consultation associant 74 entités sélectionnées. En 2009 fut publié le document : “A common and safe future : An action plan to prevent extremist views and radicalisation among young people.”
2 originalités :
. Parmi les principes retenus une Action de contact (PET) continu avec les élites musulmanes quelles que soient leurs vues, qui se sont parfois chargés de faire comprendre les avantages d’être musulmans au Danemark en situation de crise.
. Les « Exit Talks » confidentiels avec des radicaux qui veulent quitter
d) la Norvège
Le pays d’Anders Behring Breivik, connut peu de menace terroriste venant des 150.000 musulmans (Somalis, Pakistanais…) mais le pays avait offert l’asile politique depuis 1991, à Najmuddin Faraj Ahmad (Mullah Krekar), fondateur d’Ansar al Islam. Il avait brièvement été arrêté en 2012 pour des menaces contre des officiels norvégiens. L’axe principal de la politique norvégienne s’appuie sur la police de proximité et les excellents contacts avec la communauté musulmane devenus active dans la lutte contre la radicalisation. Les Conversations de responsabilisation (Empowerment Conversations) confiées à la police, semblent avoir été efficaces.
e) la Belgique : c’est un cas particulièrement intéressant car son taux de recrutement au Jihad serait le plus élevé d’Europe (27 par million d’habitants, contre 15 au Danemark, 9 aux Pays Bas et 6 en France).
Le Programme de prévention de la radicalisation violente (2013) vise à intervenir de manière précoce dans le processus de radicalisation, par le biais d’une orientation positive et sociale. Ce programme exécute la stratégie et le plan d’action dans la lutte contre la radicalisation, approuvés en décembre 2005 par le Conseil de l’Union européenne, élaboré sur la base de recherches scientifiques, d’expériences et de consultations avec des partenaires étrangers. Les objectifs stratégiques du programme se focalisent sur le renforcement de la cohésion sociale et sur le développement de mesures spécifiques avec un enracinement au niveau local.
Le programme s’articule autour de 6 axes :
. connaissance et sensibilisation collective sur la radicalisation violente et son impact sur la société ;
. plan d’action contre les frustrations susceptibles de déboucher sur la radicalisation ;
. accroissement de la résistance morale des individus, groupes et communautés vulnérables ;
. identification et soutien aux autorités locales dans la prévention de la polarisation et de la radicalisation violente ;
. implication des communautés de la diaspora ;
. lutte contre le radicalisme sur Internet et l’organisation des contre-discours
. Enfin des actions de déradicalisation en prison.
f) L’Allemagne :
Un centre de documentation avec publication de guides et manuels divers par le “Radicalization Advice Center” relevant de l’Office des Migrations and Réfugiés, en contact avec tous les acteurs, offre des conseils et des avis gratuits, notamment aux familles d’enfants convertis qui n’ont pas les connaissances indispensables, Le travail de sensibilisation et de détection est mené avec les proches qui sont souvent les premiers détecteurs
Une campagne d’affichage a fait débat : elle montre des images de jeunes gens avec la mention MISSING en gros caractères et le commentaire suivant : « C’est mon fils Ahmad. Nous ne le reconnaissons plus, il est de plus en plus absent devenant plus radical chaque jour. Nous craignons de le perdre dans des groupes fanatiques terroristes ».
Conclusions partielles :
Les expériences des pays mentionnés ci-dessus démontrent d’abord l’adaptation de chaque programme aux réalités nationales. Il apparait cependant des caractéristiques communes dans les pays démocratiques : une organisation centrale (information, publication, conseils…) en liaison avec des acteurs locaux, publics et privés, l’importance donnée à la formation des acteurs et d’autre part à la communication publique. L’approche théologique a également été valorisée et les Salafistes quiétistes en ont été exclus (sauf cas exceptionnels). Les discours sur la cohésion et les valeurs sociales ont été déconnectés du discours anti-radical. L’évaluation constante des choix et des actions a conduit rapidement à une réduction des ambitions premières très larges pour se concentrer sur le noyau dur des radicaux à risque.
Une philosophie commune de la contre radicalisation devrait être énoncée au niveau des pays de l’Union qui affrontent les mêmes problèmes (voir ci-après l’exemple de la Burqa). C’est l’objet du programme Radicalisation Awareness Network (RAN) auquel la France n’a peut-être pas apporté toute l’attention nécessaire.
3.2.1 Une politique globale : une parole publique, une cible, une organisation d’ensemble
La lutte contre le radicalisme, tel que nous l’avons décrite ici, devrait relever d’une politique et non se limiter à un dispositif centralisé et descendant associé à la délinquance sous l’égide du Comité interministériel de Prévention de la délinquance (CIPD). La politique déjà menée porte ses premiers fruits mais il faudrait simultanément modifier l’organisation administrative et la tonalité générale de la politique.
. La parole publique
Les autorités doivent désigner précisément la cible : non pas le « terrorisme global », comme cela a été énoncé pour justifier l’intervention en Afghanistan ou au Mali. Bien que le Salafisme soit la matrice principale du recrutement, il n’est pas le seul vivier, c’est pourquoi nous proposons le terme de « Mouvance radicale salafiste » voire le « Salafisme Jihadiste ». Il nous parait maladroit de parler de « Mouvance radicale islamiste » car le terme « islamiste », trop vague et trop connoté par rapport à l’Islam est rejeté par certaines organisations). Le Salafisme n’est pas un parti ; tous les interviewés ne se disent pas toujours « salaf », et ne présentent pas une carte d’adhérent. Bien au contraire, les nouveaux comportements de dissimulation notamment en milieu carcéral, rendent les signes visibles de radicalisation moins détectables. Il reste que si le salafisme n’est pas le seul vivier des radicaux violents, c’est une idéologie dangereuse qu’il faut cibler et dénoncer nommément.
Les termes sont importants. La polysémie des termes guerriers qui opposent monde occidental et monde arabo-musulman mérite qu’on s’y attarde : l’islamisme est un mot générique qui a recouvert plusieurs sens et conceptions politiques qui vont depuis la révolution iranienne, jusqu’à la démocratie turque d’Erdogan, en passant par les assassins de la guerre civile algérienne. Il ressort dans son pire sens aujourd’hui avec les horreurs de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (qui ressemble étrangement aux pratiques de l’Arabie saoudite wahhabite). Il choque les musulmans toutes catégories confondues qui considèrent non sans raison qu’ils n’y reconnaissent pas « leur Islam ».
De la même façon, le terme de Laïcité renvoie pour beaucoup de Musulmans aux heures sombres des répressions antireligieuses d’Ataturk abolissant le Califat, de Nasser emprisonnant les Frères musulmans, de Hafez el Assad les massacrant en Syrie ou de Saddam Hussein. Pour la France, la laïcité est le principe légal de la tolérance religieuse.
Le terme de Croisade, si malencontreusement employé par G W Bush, pris dans une signification morale est valorisant pour les Occidentaux, il est par tradition historique, structurellement agressif et négatif pour le monde arabo-musulman. N’en est-il pas de même du terme Jihad, vu par les décideurs du monde occidental mais pas par les théologiens musulmans qui y voit l’effort individuel de rectitude morale et religieuse ? Il est donc essentiel de pondérer les termes et de désigner la cible de la politique contre-radicale.
« La république doit être sereine et pas médiatique dans l’application de la loi » remarque un journaliste, entendant par-là, que la médiatisation de quelques rares cas ne doit pas faire sur-réagir. Les lois de 2004 et de 2011 existent : « il faut les appliquer de manière sereine et apaisée contre des situations qui restent extrêmement minoritaires ». Le rapport d’étape de l’Observatoire de la Laïcité de Juin 2013, rappelle qu’en 2004-2005, 639 cas d’élèves en infraction était constaté, ils n’étaient plus que 3 (dont un Sikh) l’année suivante. Depuis 2008 ; les recours contre les décisions d’exclusion ont quasi-disparus. Ces chiffres tout à la fois, l’utilité de la loi républicaine et le respect de la règle légale.
Certains des interlocuteurs dans le cadre de cette étude, souhaitent tout d’abord que le débat sur le radicalisme soit « désidéologisé » et « deséthnicisé ». Un des interlocuteurs (du Conseil général 93) a employé l’expression « d’hystérisation du débat ». En effet la radicalisation est un prurit de la crise que traversent toutes les grandes démocraties dont certaines formes sont logiquement plus préoccupantes que le Jihadisme. Le Rapport Europol 2012 recense 219 attentats (+26% par rapport à 2011) et 17 victimes civiles (dont 7 pour Mohamed Merah) et 37 attentats religieux seulement (contre 16 en 2011). Autre critère : l’Education nationale qui recense les incidents dans les lycées et collèges s’inquiète beaucoup plus des violences faites aux filles et de la cyber-violence que des refus de scolarité liés à la pratique religieuse.
Le marché de l’angoisse auquel contribue nombre de personnalités, n’a pas besoin de nouvelles analyses sur des sujets déjà largement explorés (ex le récent rapport « explosif » de M. Larrivé sur la radicalisation en milieu carcéral). La modération et le calme manifesté par le ministre de l’Intérieur ont été largement appréciés chez tous les interlocuteurs rencontrés lors de cette étude.
L’organisation dédiée doit contribuer à rassurer la communauté.
Le Bureau des Cultes qui apparait comme la cheville ouvrière du dispositif administratif, doit expressément quitter le ministère de l’Intérieur et être rattaché à Matignon ou au ministère de la Justice. C’est un préalable indispensable pour conduire avec les élites musulmanes, une action qui ne les fasse pas considérer par leurs coreligionnaires, comme des auxiliaires de police. Les accusations volent bas dans le monde virtuel du militantisme musulman, émanant parfois de responsables qu’on pourrait considérer comme sérieux et posés (ex attaque de Youssouf Leclerc contre Tareq Oubrou . Le monde des représentants officiels et autres entrepreneurs politiques qui prétendent parler au nom des Français Musulmans, doivent se demander ce que le reste de la communauté nationale pensent de termes comme « traitre enjuivé » ou « majordome tout juste bon à régenter les domestiques ». La tolérance et le respect réclamés du gouvernement français n’a semble-t-il pas place entre Musulmans.
Le numéro vert organisé autour des préfets apparait comme une réponse extrêmement utile mais il agit comme réseau d’appel d’urgence et qui donne à nouveau un tour policier à la politique publique.
Il est indispensable, comme cela se fait déjà, d’y adjoindre un réseau d’alerte avancé agissant comme détecteur.
Coordonner l’action avec les autorités locales qui sont les plus au contact du problème, au front en quelque sorte : « avec ses différents services, un maire peut tout savoir » déclarait un magistrat soucieux de bien détecter les évolutions de sa communauté musulmane. Dès 2004, Éric Raoult, maire du Raincy, « attirait l’attention du ministre de l’intérieur sur les difficultés rencontrées par les communautés musulmanes pour la réalisation de lieux de culte, dignes et adaptés. Nombre de collectivités locales concernées gèrent, sans conseil, ni expertise, de manière très empirique, ce genre de dossiers sensibles... Ces situations donnent encore lieu à des polémiques locales très vives et dommageables. Les pouvoirs publics devraient donc permettre à ces interlocuteurs communautaires et élus locaux d’affronter des scénarii de sortie de crise, pour qu’un schéma de solution concrète soit mis en place dans ce genre de situations conflictuelles ». Le texte de la réponse du ministre de l’époque est intéressant : « En raison du principe de laïcité posé par l’article 1er de la Constitution et l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905…, il est interdit aux personnes publiques de subventionner la construction ou l’aménagement d’édifices du culte. L’intervention des communes dans le type de situation évoquée … a été ouverte par l’article 11 de la loi de finances du 29 juillet 1961 qui permet aux départements et communes de garantir les emprunts contractés par les associations cultuelles pour la construction des édifices du culte dans les agglomérations en voie de développement ». Bref la loi, rien que la loi, là où devait naitre une politique et une prise de parole publique, et une coopération ouverte avec les collectivités locales. La question reste d’actualité aujourd’hui pour ce qui concerne la radicalisation. Les élus locaux sont le centre d’un réseau qui regroupe les Services sociaux, les écoles, la police municipale formée à une fonction diplomatique et pas répressive (UTEC formés en ethnopsychiatrie) ; les Centres de réussite éducative, 25 en Seine Saint Denis… Mais la réforme Borloo les a limités aux ZEP, ce qui mérite peut être d’être revu.
Les autorités locales sollicitées parfois avec succès parfois sans, n’osent souvent pas prendre position publique faute de politique sur le sujet. Chaque édile gère sa collectivité en fonction de la situation locale. On retrouve parfois l’isolement constaté auprès des enseignants par le rapport Obin. Pourtant avec les travailleurs sociaux et les milieux éducatifs, les polices municipales, un maire peut savoir beaucoup de choses, aider s’il faut fournir une grille de lecture nouvelle. Les familles restent souvent le dernier contact du jeune avec son ancien monde.
Les acteurs associatifs qui se sont investis sur le sujet du terrorisme, de la déradicalisation, de l’intégration des musulmans, de la défense et l’aide aux victimes du terrorisme sont nombreux : quelques exemples Madame Ibn Ziaten et son association IMD, Mme Dounia Bouzar avec son CPDSI, Mr Camel Bechikh avec l’association Fils de France, Mr M’hamed Henniche avec l’UAM 93, Mr Anouar Kbibech et le RMF, Mr Guillaume Denoix de Saint Marc avec l’Association française d’Aide aux Victimes du Terrorisme (AfVT)… Le réseau se densifie mais les acteurs sont nombreux et dispersés. Disposés à contribuer à la politique publique, ils doivent constituer un tissu plus coordonné, générateur d’idées et d’initiatives relayées par l’organisme central chargé de la politique publique.
Qui peut agir et comment ?
Mener une politique sollicitant tant d’acteurs de la société civile musulmane et non musulmane, doit avoir la dimension d’une politique interministérielle. La multiplicité des questionnements comme : quels messages concevoir, comment diffuser des discours contre radicaux, sur quels média, quelle contribution attendre des théologiens, peux-t-on collaborer avec des communicants spécialistes d’Internet, peut-on attendre une aide de salafistes quiétistes, Si oui, sous quelle forme… ? Ce sont les initiatives privées coordonnées qui donneront sa véritable dimension à la politique de contre radicalisation.
La législation antisectes a fini son cycle biologique concernant le phénomène sectaire dans son ancienne mouture. La Miviludes existe mais elle ne souhaite pas par tradition interférer dans la gestion du culte d’un des grands monothéismes qui a fortiori ne parvient pas à s’unir. Est-ce d’ailleurs son rôle, tant les caractéristiques du salafisme ne prêtent pas le flanc à son intervention dans le champ d’application de la Loi ? Il reste que la structure interministérielle existe, a un savoir-faire certain, des équipes et une association avec différents acteurs de la société civile musulmane peut se concevoir.
Le recours à une fondation constituée à cet effet, peut aussi se concevoir. La FAVT qui a permis cette étude, a pour vocation de financer des projets mais n’est pas un opérateur, elle ne comporte que des bénévoles et n’est pas dotée d’une structure opérationnelle. Faut-il revivifier la « Fondation pour les œuvres de l’Islam de France » qui a le mérite d’exister en tant que Fondation reconnue d’Utilité publique. Il faudrait probablement en changer la mission et l’organisation.
Faut-il concevoir un nouvel outil ? Il s’agit là d’un choix politique qui doit être tranché dans un débat public.
3.2.3 Approfondir les connaissances :
En l’état du dossier, il nous semble qu’il faut sans tarder dresser un recensement aussi complet et actualisé que possible des lieux et modalités de radicalisation (écoles, internet, mosquée, associations ; prison…). Si le phénomène des conversions est préoccupant, il reste d’ampleur limitée bien que très médiatisé et mal connu. Excepté une étude non publique menée par le bureau des Cultes, aucun ouvrage ne dresse une étude un peu construite de l’argumentaire quotidien des sites salafistes. Or l’ambiance et les orientations qui vont mobiliser un loup Solitaire, motivé par la future intervention française en Irak, y trouvera sa légitimité. Le Jihad terroriste de Merah et de Nemmouche dont l’amateurisme facilite l’arrestation, n’a pas d’importance aux yeux de leurs commanditaires puisque le seul but réel de leur action est le sacrifice public sur le bûcher médiatique. Quand on sait que certains sites salafistes comptent près de 43 millions de consultations, il y a là matière à connaissances.
A cet égard, il peut paraitre étonnant que les ressources académiques et les budgets publics de recherche soient divisés entre les spécialistes du monde arabe (financés par le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Défense) et les sociologues qui analysent l’évolution de la communauté nationale (relevant du maigre budget de recherches du ministère de l’Intérieur). Le continuum intellectuel est pourtant patent : preuve en est l‘impossibilité de trouver une analyse systématique des thématiques géopolitique des sites radicaux. L’étude en cours menée par Mr Khosrokavar pour la FAVT sur « l’écho des crises du monde arabo-musulman dans la communauté française musulmane » devrait permettre de largement débroussailler le sujet.
Le rapport du Professeur Messner sur « la formation des cadres religieux musulmans » qui vient d’être déposé sur les bureaux du ministre de l’intérieur et de celui de l’enseignement supérieur, propose d’ailleurs « la création de pôles d’excellence bien identifiés et structurés en sciences humaines et sociales de l’Islam, et en capacité de mobiliser les unités et les formations existantes à Paris et en province », s’impose comme une urgence. Son objectif serait de fédérer les meilleurs spécialistes français de ce champ d’études tout en développant des réseaux associant des enseignants chercheurs et des chercheurs d’universités étrangères. Les recherches menées s’appliqueraient à toutes les facettes du fait religieux musulman : histoire de l’Islam, droit musulman, finance islamique, fondements doctrinaux, culture arabo-musulmane, approches des sources fondatrices, courants de pensée dans l’Islam, sciences sociales de l’Islam.
Ces pôles d’excellence, bien que généralistes, pourraient être mobilisés pour mener des recherches … (entre autres) sur le statut des établissements de formation des imams dans une perspective comparatiste, en pays musulman et dans les pays où l’islam est minoritaire… et sur la radicalisation religieuse, qui reste un sujet peu étudié. Les parcours de radicalisation relèvent d’une adhésion à une idéologie relevant d’une sous-culture religieuse complexe qu’il conviendrait d’explorer, en analysant notamment les idéologies sous-jacentes et leurs liens avec l’élaboration des doctrines.
Ces pôles de compétence pourraient être mobilisés par le biais d’un Groupement d’intérêt public (GIP) dont l’objectif serait de financer des projets relatifs à la thématique Islam, Etat, Société et Formation des cadres religieux ».
3.2.4. Définir le Jihadisme avec les élites de la communauté
Il est suffisamment évident que les actions violentes des Jihadistes qui en tirent l’essentiel de leur légitimité, doivent obliger les élites de la communauté à tracer une claire ligne de démarcation. Aucun responsable ne peut se décharger de la question en se contentant d’opposer les « bons musulmans » et les autres, ou en se bornant à déclarer que cela n’a rien à voir avec l’Islam. « Si l’Islam ne doit pas être diabolisé, il reste qu’il est largement responsable de son propre procès par la passivité de ses élites » constate Abdennour Bidar dans « l’Islam face à la mort de Dieu » . Nombre d’intellectuels rappellent que les accusations d’Islamophobie ne suffiront pas à se défaire de cette lancinante question. Le Salafisme n’est qu’une des multiples versions vaguement islamisée des sectes de l’Apocalypse, une sorte de « No-future » des punks d’autres temps, une nouvelle mode qui succèdent aux Grunge et autres Gothiques en offrant une perspective transcendante. Il faut ramener cette pseudo-théologie à sa juste réalité. Les élites de la communauté musulmane, en particulier religieuses, doivent être sollicitées pour participer à la définition de ce qu’il convient d’appeler le radicalisme et borner clairement la foisonnante revendication religieuse par rapport à la laïcité. Une politique de contre-radicalisation qui ne fait pas appel aux élites de la communauté, entretient le sentiment de stigmatisation. A l’inverse le reste de la collectivité nationale peut légitimement avoir le sentiment de revendications sans fins, implicitement acceptées par tous les musulmans français. Les entretiens menés dans le cadre de cette étude montrent que les élites françaises musulmanes peuvent et veulent contribuer à définir ce qu’on va appeler la « radicalisation », c’est-à-dire selon une approche assez consensuelle, d’une part les attitudes ouvertement antirépublicaines (voile intégral, refus de l’école…) et d’autre part l’inadmissible légitimation religieuse de la violence. Le débat sur la nécessité d’une loi semble aujourd’hui dépassé. Par contre le débat public parait plus adapté.
Les élites musulmanes ressentent tout à la fois la montée du communautarisme (sans obligatoirement en trouver certains critères inquiétants (ex : marché du Hallal, port du voile pour les femmes…) mais aussi la montée d’un salafisme de plus en plus intolérant dont le seul souci est de contester leur représentativité et d’enclaver la communauté autour de demandes religieuses clivantes afin de la couper de la communauté nationale.
Les plus exposés sont les Imams prêchant la tolérance et le respect de la République, qui se heurtent de front aux Salafistes sur certains lieux de culte (refus de suivre la prière conduite par l’Imam, menaces de mort…). Ils se disent peu ou pas sollicités sur les conversions qui se font hors de l’espace de la Mosquée. Ces leaders religieux qui ne sont que désignés par les fidèles, ont besoin de se sentir adossés aux pouvoirs publics.
Ces élites sont prêtes à ouvrir un débat public afin de définir ensemble une « Charte de l’Islam Français » qui donnerait une caution communautaire et religieuse à la politique publique de contre-radicalisation. Ce débat (des « Etats Généraux » selon l’expression d’un interlocuteur) doit se tenir dans un espace de neutralité, pas au ministère de l‘intérieur ou sous la forme d’un rapport parlementaire sans suite. Le CFCM vient d’ailleurs de publier un remarquable texte intitulé Convention Citoyenne des Musulmans de France pour le vivre‐ensemble (Juin 2014) qui démontre l’urgence de la démarche.
Certains théologiens vont plus loin, estimant que dans certaines mosquées se tiennent des discours contraires à la loi (racisme, intolérance religieuse, appel au meurtre…) et proposent de lancer une Fatwa délégitimant le Jihad contre la France et les Français. En Islam, c’est le théologien qui seul peut légitimer le Jihad (contrairement aux appels de Ben Laden et Al Zawahiri sur le petit et le grand Jihad). La Grande Bretagne a obtenu de ses responsables religieux une Fatwa condamnant le départ en Syrie.
Un contre-discours offensif articulé sur les différents aspects du problème :
Un contre-discours doit se construire à partir du discours et non pas comme une leçon d’instruction civique.
D’abord la manière : les fondamentalistes et surtout les Salafistes adorent donner le sentiment qu’ils sont persécutés, ce serait la preuve de leur rectitude morale et une promesse de victoire future. Or leur idéologie, mélange de merveilleux, d’annonce de l’Apocalypse de « No Future » et de garantie multirisque du Paradis, entourée de règles de comportement d’une extraordinaire banalité, est tout à fait identique à celles qu’on retrouve dans les dérives sectaires de tous les grands monothéismes juif, évangéliste, ou adventiste. Dès lors quel crédit religieux lui accorder sauf celui d’une escroquerie intellectuelle comparable à toutes celles qu’on peut trouver dans les « Supermarchés de la Foi » ? Désigner la cible ne signifie pas à lui donner de la consistance et du sérieux. Il est aussi important de la banaliser en le comparant mot pour mot à d’autres offres identiques (y compris aux propos de G W Bush). L’objectif des radicalismes surtout religieux, est transcendant et il est difficile de faire redescendre sur terre un transcendant. Négliger l’impact de la dérision comme méthode de contre discours serait se priver d’un formidable outil (voir la lettre du ministre canadien en Annexe).
Le contre discours ne doit pas se limiter à valoriser les avantages de la tolérance mais démontrer le caractère profondément dangereux surtout pour la communauté musulmane du Jihadisme. Les Salafistes sont aujourd’hui responsables du Takfir, la pire des divisions, partout où ils se sont implantés. La machine infernale s’est aujourd’hui déréglée et le terrorisme tue dix fois plus de musulmans que de non-musulmans à la surface de la planète. Les élites de la communauté peuvent-elles se désintéresser de ce phénomène ? Les théologiens musulmans se doivent de se prononcer sur ces différents sujets.
Le Salafisme est une idéologie raciste en crise qui a généré partout où il s’est implanté, à la plus grande guerre de religion que le monde arabo-musulman a connue dans son histoire. Qu’on en juge : ils se sont opposés à tous les Printemps arabes en particulier contre les Frères musulmans démocratiquement élus en Egypte. Ils sont en état d’insurrection en Tunisie. La Guerre de religion sunnite-chiite fait rage dans 9 pays (Afghanistan, Pakistan, Irak, Syrie, Liban, Malaisie, Yémen, Somalie, et Bahrein ). Les Salafistes dénoncent et menacent physiquement les élus et représentants de la communauté en France. De quelle Oumma se réclament-ils donc ? Le rite malikite majorit aire au Maghreb, a directement été visé au Mali par la destruction des sites maraboutiques qui comptent parmi les plus anciens et les plus remarquables de l’Islam.
Les départs en Syrie
Les départs en Syrie doivent être condamnés mais par une loi nouvelle plus générale qui interdise également tout départ de citoyens français pour combattre vers des zones de guerre qui ont fait l’objet de résolutions de l’ONU. Les cas se multiplieront tant les guerres civiles deviennent une constante des crises actuelles (militants d’extrême droite partant combattre en Croatie ou islamistes en Bosnie ; jeunes d’origine arménienne vers le Haut Karabakh ; binationaux vers l’Algérie des années noires hier ; Juifs français servant Tsahal dans les territoires occupés, ou aujourd’hui Français partant en Ukraine). Inutile de relever la multiplicité des opportunités de mercenariat idéologique ou religieux à venir.
On ne peut toujours détecter les départs soudains au Jihad en Syrie, mais par contre on peut les traiter plus efficacement au retour. Rien ne permet de penser que tous les jihadistes rentreront aussi convaincus qu’au départ. Il y aurait en ce moment, 350 individus concernés par des procédures, 113 ont déjà été arrêtés, 51 sont écroués, et 74 mis en examen (dont 20% concernent des convertis. L’apport des différents acteurs privés évoqués plus haut peut s’avérer extrêmement utile dans ce cas (théologiens, acteurs associatifs, édiles locaux…). Le classement sans suite par le parquet reste très exceptionnel (2 cas concernant un faux départ et un départ dans l’Armée régulière). Mais il reste que dans des cas plus difficiles, des classements associés à des stages de suivi organisés par des associations citoyennes venant en appui aux Préfets (exemples l’AFVT, Solidarité citoyenne) permettraient de mieux appréhender le profil et les risques que présenterait le jeune qui revient. La judiciarisation, si elle échoue, fait apparaitre le jeune homme un héros dans son quartier.
Enfin les mesures de retrait du passeport pour empêcher des candidats au Jihad de partir vers le Moyen Orient, présentent un effet pervers qui s’est manifesté aux Etats-Unis et au Canada. Michael Zehaf Bibeau l’auteur de l’attaque du Parlement s’était vu retirer son passeport. Il a retourné ses armes contre son propre pays.
Une urgence : la formation des Imam et surtout la question des aumôniers en milieu carcéral
Tous les observateurs et les experts reconnaissent le rôle particulier joué par la prison dans le processus de radicalisation. L’offre religieuse musulmane est visible dans l’espace public alors qu’elle est insuffisante en milieu carcéral. Les aumôniers sont rarement présents dans les institutions pénitentiaires. Les lacunes sont notamment dues à un manque d’encadrement, un problème institutionnel et peut-être à une certaine inertie de la part de l’administration. L’aumônier musulman est « manifestement comme tous les autres sans être tout à fait comme eux », il n’échappe pas au contexte international qui met à mal ses interventions du fait de la suspicion de part et d’autre. Il doit être le garant d’une offre religieuse « modérée » ; or s’il permet aux détenus l’accès à certaines ressources (biens matériels, culte etc.), il réduit l’islam à un simple ensemble de codes et de normes. Aujourd’hui le problème n’est plus seulement intellectuel : il n’y a que 167 aumôniers musulmans dans les 190 prisons françaises, là où il en faudrait trois fois plus, formés, rémunérés et dotés d’un statut. Bien plus après l’affaire Nemmouche, dont la dangerosité était signalée par l’administration pénitentiaire, nombre de journalistes ont assiégé de question les Imams pénitentiaires comme s’ils en indirectement étaient responsables. Ils refusèrent finalement de répondre aux questions de la presse. Les aumôniers travaillent dans un contexte particulièrement difficile qu’il faut contribuer à apaiser.
3.2.6 Prendre la mesure géopolitique du problème :
La France a pu mesurer, avec les manifestations de soutien à la population de Gaza, les risques que la permanence du conflit israélo-palestinien fait peser sur la communauté nationale, surtout après des déclarations officielles d’une incroyable maladresse. Après le naufrage des régimes de Ben Ali et de Moubarak, les seules épaves flottantes de la politique arabe de la France restent aujourd’hui les relations ambigües avec les pays du Golfe. C’est un chantier menaçant ruine dont les débris risquent de retomber sur le pays. L’envoi de forces armées n’est pas une politique et ses effets sont plus dramatiques que les causes qui le justifieraient. Les responsables français semblent avoir été pris de court par l’écho rencontré par la crise syrienne dans la communauté salafiste. D’abord parce que personne n’assure un suivi de ce qui se dit sur leurs sites, ensuite parce que les déclarations intempestives d’intervention militaire non suivies d’effets sont mises au passif de la France, accentuant encore l’effet de mobilisation chez les Radicaux.
« Trop de Jihad tue le Jihad » constate Gilles Kepel. La critique de l’islam politique dressé par Olivier Roy sur l’Iran en d’autres temps est aujourd’hui reprise y compris par le grand Imam irakien Al Sistani. Contrairement à ce que pourrait laisser penser les postures bravaches des Jihadistes, leur cause s’est mise elle-même en grande difficulté. La proclamation du Califat par Abou Bakr Al Baghdadi, chef de l’EIIL, désavoué par Ayman Al-Zawahiri chef désigné d’Al Qaida, en lutte contre Al Nosra, autre faction jihadiste dans des combats qui aurait déjà fait près de 6000 morts, devrait se terminer par « une balle dans la tête » promise aux traitres par la porte-parole du nouveau Califat. Les serments d’allégeance à EIIL qui se multiplient en Afghanistan, en Algérie, au Pakistan, aux Philippines, etc. fragilise Al Qaida qui ne se laissera pas faire. On assiste à une transformation de ces radicalismes religieux, comme le préfigurent les cas de l’Iran et de l’Algérie ou récemment de la Tunisie, où l’on peut déjà parler du désenchantement de l’utopie religieuse radicale (mais les spasmes de l’agonie à venir seront encore douloureux).
Dans la guerre de religion qui déchire le monde arabo-musulman, la France doit-elle prendre position entre les extrémistes sunnites et les extrémistes chiites ? En d’autres temps, l’Empire ottoman avait soutenu les Protestants contre les Catholiques. Cela ne lui a pas apporté un gain diplomatique significatif. Personne ne regardera jamais une intervention d’une puissance occidentale comme neutre, bien au contraire, elle sera dénoncée par les deux parties. Et l’Alliance en cours de constitution contre l’EIIL ressemble fort à une nouvelle Croisade puisqu’aucun des pays musulmans de la région n’engage des troupes combattantes a fortiori au sol.
Enfin il reste l’incroyable mutisme à l’encontre de l’Arabie Saoudite. Le Frankenstein que Riyad a créé en lançant ses prédicateurs salafistes se retourne aujourd’hui contre son maitre. Dans le roman de Mary Shelley, le créateur meurt avec le monstre. Faut-il aujourd’hui défendre le Docteur Frankenstein ? Si tout homme politique peut se permettre de rappeler les droits de l’homme à Beijing ou à Moscou, aucun n’a jamais exprimé la moindre critique à l’encontre de Riyad, sorte de Corée du Nord de l’intolérance religieuse, et qui plus est longtemps propagandiste du salafisme qui maintenant se retourne contre elle. Un dignitaire religieux chiite, Nimr Baqer al-Nimr, et « bête noire » des dirigeants saoudiens, vient d’être condamné à mort mercredi pour « sédition » par un tribunal religieux de Riyad spécialisé. Il a aussi été condamné pour « désobéissance au souverain » et « port d’armes ». Y a-t-il donc une conditionnalité politique à l’intervention occidentale contre l’EIIL ? Si oui, quelle est-elle ? La tolérance religieuse ? La signature du traité international contre la Torture ? L’envoi de troupes au sol pour défendre le régime chiite de Bagdad ?
3.2.7 : La politique répressive peut s’enrichir de quelques avancées nouvelles :
Près de 200 imams auraient été expulsés depuis 2001 selon le journal Marianne (15 mai 2004) pour avoir prôné le Jihad, la violence contre les femmes, ou la lapidation. De même certains musulmans français s’étaient insurgés lorsque le président de la République, Nicolas Sarkozy, avait refusé le visa au Cheikh Sheikh Yousuf Al-Qaradhawi, regardé comme un des plus grands théologiens. Cela faisait suite aux propos négationnistes tenus par le Cheikh dans un meeting en soutien à Roger Garaudy, lui aussi ancien grand intellectuel condamné pour négationnisme concernant la Shoah. Les mêmes causes doivent produire les mêmes effets. Dès lors, il appartient aux élites musulmanes françaises d’inviter de grands savants qui ne se mettent pas en porte à faux par rapport à la législation nationale.
La politique du droit d’asile devrait donc être harmonisée en Europe. Les fondamentalistes poursuivis dans les pays arabes pour fait de terrorisme, ne sont pas « des combattants de la liberté ». L’exemple du Londonistan qui accueillait dès les années 90 des prédicateurs islamistes, vient de fermer ses dernières boutiques.
Le droit d’asile dont l’Europe est si fière est né de la Convention de Genève sur les réfugiés de Juillet 1951 pour protéger « Toute personne qui (…) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. » Le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (art 711-1) français reconnait : « La qualité de réfugié (...) à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ». Ces dispositions permirent de sauver nombre de militants persécutés par les régimes communistes ou autoritaires qui cherchaient à développer les droits de l’homme. Est-ce le cas en l’espèce ?
Donnons quelques contre exemples d’application aberrantes de ces normes juridiques : Abou Qatada, célèbre prédicateur raciste du Londonistan, condamné par la cour jordanienne de sûreté de l’État à deux reprises, en 1998 et 2000, à 15 ans de travaux forcés, pour « financement d’un groupe interdit », « liens avec Al Qaida », et « préparation d’attentats visant des objectifs américains et juifs et des visiteurs chrétiens en Terre sainte », obtient le statut de réfugié politique en Grande Bretagne en 1994 alléguant des persécutions pour raisons religieuses (sic !). Selon le maire de Londres, Boris Johnson, Abu Qatada, sa femme et ses 5 enfants auraient coûté aux contribuables britanniques £ 500,000 en 2012. Le journal Daily Telegraph a certainement exagéré en estimant ce coût à 3 millions £. Le cas judicaire d’Abou Qatada est un cas d’école. Qualifié dès 2004 par la Commission d’appel spécial des affaires d’immigration anglaise, d’« individu réellement dangereux » « au centre d’activités terroristes associés à Al-Qaïda », il introduit un recours, faisant valoir qu’en cas d’expulsion vers la Jordanie, il craignait d’être torturé ou maltraité. Il est arrêté par la police britannique après les attentats de Londres de 2005 en vue de son extradition, mais libéré en juin 2008 sur décision d’une commission spéciale. Il est à nouveau arrêté et Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) enlève quatre touristes britanniques au Mali pour obtenir sa libération en janvier 2009. Dans un jugement rendu le 17 janvier 2012, la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’oppose à son extradition qui violerait le droit fondamental à un procès équitable, car des « aveux obtenus sous la torture seraient retenus comme preuve ». Le 6 février, il est placé en liberté conditionnelle, assigné à résidence et soumis à un contrôle des visites. Le 7 juillet 2013, il est finalement expulsé vers la Jordanie.
Autre exemple : Abou Hamza, autre figure du Londonistan, lui aussi réfugié politique. Les attentats de Londres auraient-ils changé la philosophie britannique ?
Prenons un cas français : Said Arif, terroriste algérien, condamné par la justice française en 2007, pour des actes de terrorisme perpétrés sur le sol français en 2002 dont l’attentat avorté contre le marché de Noël de Strasbourg, sort de prison en décembre 2011 avec obligation de quitter le territoire français, obligation jamais mise à exécution. La Cour d’appel européenne des droits de l’homme s’oppose à son extradition vers l’Algérie en raison des menaces qui pèsent sur lui. Saïd Arif est alors assigné à résidence à Millau où il viole son assignation en s’enfuyant. Il est retrouvé en Suède et extradé de nouveau vers la France où il est alors condamné à 6 mois de prison ferme. Saïd Arif est une nouvelle fois assigné à résidence à Langeac puis à Brioude, en octobre 2012. En avril 2013, l’homme refait parler de lui en tenant des propos faisant l’apologie du terrorisme dans les colonnes d’un hebdomadaire de la Haute Loire. Il s’est à nouveau enfui à l’été 2013 (en volant la voiture de l’hôtelier) et court toujours.
Accorder l’asile politique ne protège pas des attentats terroristes, la France lors de la guerre Iran Irak, la Grande Bretagne en 2004, l’ont appris aux dépends de leurs concitoyens. La conception juridique du droit d’asile dans les grandes démocraties ne pose que des limites très formelles et peu respectées aux activités de ses bénéficiaires. Le refus d’extradition se borne finalement à protéger et ne jamais poursuivre des individus dont la responsabilité n’est pas contestable, mais qui ont eu la prudence de ne jamais commettre d’acte illégal dans le pays d’accueil. En termes de droit d’asile, il vaut mieux être un terroriste prétendant lutter contre une dictature arabe qu’un lanceur d’alerte comme Julian Assange. Une fois le statut obtenu, liberté alors est donnée de tenir les discours les plus haineux et racistes qui soient. L’expulsion ou si cela est impossible l’assignation à résidence hors du territoire métropolitain parait une solution possible.
Nicolas Sarkozy avait proposé de retrait de la nationalité française « à toute personne d’origine (étrangère) » coupable de certains crimes (en particulier des crimes et délits liés au terrorisme ou qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation). Il semble que la mesure proposée, n’aurait pas été conforme à la Constitution. L’article 25 du code civil encadre très strictement cette procédure :
« L’individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :
1° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;
2° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;…
4° S’il s’est livré au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France »
On ne peut donc retirer la nationalité française qu’à une personne qui a une autre nationalité. Ensuite, que si elle l’a acquise depuis moins de dix ans. Enfin un avis conforme du Conseil d’Etat.
Dans la mesure où la loi autorise le retrait de la nationalité dans les cas de terrorisme, il est inutile d’annoncer la simple mise en œuvre d’une disposition législative existante, ce qui n’aurait pour simple résultat que de déclencher une polémique (voir les prises de position du PS lors de l’annonce de l’annonce de Brice Hortefeux). La loi doit être appliquée. Les entretiens menés avec les 11 terroristes ou délinquants incarcérés laissent penser que le maintien sur le territoire présente une dangerosité avérée que les mesures de suivi de réinsertion ne détecteront pas.
3.2.8 La France, un pays musulman qui ne dit pas son nom
.Affirmer la France comme puissance du renouveau théologique arabo-musulman :
Il a été rappelé plus haut l’importance que revêtait aux yeux de Mohamed Arkoun le projet de Faculté de théologie musulmane en France. Il réfléchissait en tant qu’intellectuel à la nécessité de reprendre l’Ijtihad, la réflexion critique sur l’adaptation des principes islamiques au monde moderne. Le rite malikite au Maghreb a souffert de la clôture idéologique imposée par les régimes dictatoriaux. Il y aurait 3000 Jihadistes tunisiens, et 1500 marocains en Syrie en ce moment. C’est un dossier toujours ouvert.
Il conviendrait également de renverser les termes du procès en Islamophobie dressé contre les pays occidentaux en demandant un siège à l’Organisation de la Conférence des Etats Islamiques. Créée en septembre, l’OCI a vocation à défendre les intérêts moraux et religieux des musulmans. Avec plus de six millions de musulmans, la France peut se considérer comme le porte-parole d’une communauté plus significative qu’un tiers des Etats membres de cette organisation. Il est peut-être temps pour les musulmans français de représenter eux-mêmes la République dans des enceintes où ils pourraient s’exprimer sans caricatures. L’OCI paraît la bonne tribune. Ce n’est pas une organisation strictement religieuse, ses buts étant politiques, économiques, sociaux et culturels. Elle regroupe aussi des Etats laïcs comme la Syrie, l’Irak, la Tunisie ou la Turquie. Des pays n’ayant qu’une minorité de musulmans en sont membres, comme le Guyana, l’Ouganda ou le Surinam. Des Etats comptant des dizaines de millions de musulmans comme l’Inde, la Russie ou la Chine, en revanche, ne sont pas membres ou ne sont que membres observateurs. La France se contente pour le moment d’y faire participer en qualité d’observateur, son consul général à Riyad. C’est insuffisant ! Une participation d’un représentant français de plein droit offrirait plusieurs avantages : d’abord assurer une prise de parole de la défense. Il n’est en effet pas évident que les autorités des pays musulmans s’assurent toujours du bien-fondé des accusations lancées contre la France . Quelles sont leurs élucubrations à propos du débat sur le hijab ou du Niqab ? Les communautarismes minoritaires réclament des droits qu’ils ne respectent jamais quand ils accèdent au pouvoir.
D’autre part, cette enceinte permettrait de confronter les différentes façons de concevoir la tolérance. Les pays occidentaux seront amenés à réexaminer le droit d’asile politique accordé à des djihadistes poursuivis pour crimes de sang dans leur propre pays et dont l’extradition est refusée parce qu’ils risquent la peine de mort. De leur côté, les pays musulmans devraient expliquer pourquoi des Fatwa devraient s’appliquer dans des pays non musulmans comme ce fut le cas avec la condamnation du livre de Salman Rushdie « Les Versets sataniques » considéré l’auteur comme « hérétique », l’abandonnant à la mort promise aux renégats de la religion musulmane en Europe. Ils ont signifié leur refus d’admettre que la loi de l’islam ne puisse s’appliquer dans les Etats non musulmans.
On pourrait aussi aborder la question de l’article 12 du deuxième projet de « Déclaration islamique des droits de l’homme », qui parle de la liberté de croyances, mais interdit de profiter « de la pauvreté de l’individu… de sa faiblesse ou de son ignorance pour le convertir à une autre religion ». L’entrée de la France dans l’Organisation permettrait donc une réelle avancée du débat.
Une fois de plus l’Occident va partir en « croisade » (car c’est comme cela que l’intervention militaire contre l’EIIL sera présentée sur les sites radicaux), pour défendre l’Arabie saoudite (qui a donné naissance au Salafisme) et peut être aux côtés de l’Iran (qui a fait naitre l’extrémisme chiite). Il semble difficile que cette coalition militaire majoritairement occidentale tienne très longtemps. La sécurité intérieure passe aussi par une diplomatie plus en rapport avec les différentes sensibilités de la société civile. Il est d’autant plus urgent de construire un lien durable avec les élites de la communauté musulmane française, car le risque terroriste sur le territoire passera du rouge à l’écarlate. Et Dieu sait que les opportunités d’attentats extrêmement meurtriers, sont nombreuses dans une société ouverte.
Samir Amghar le meilleur spécialiste français du Salafisme pense que "Le courant salafiste fonctionne comme une multinationale du religieux... C’est aujourd’hui et pour les années à venir un acteur incontournable de l’islam occidental. » Mais le sociologue constate que « plus le salafiste s’enracine en Occident, plus il s’occidentalise et perd de sa verve ». Par conséquent, « l’attaquer de front c’est le renforcer, le traiter comme un interlocuteur est le meilleur moyen de le contenir pour faire émerger un salafisme assagi ». Mais quelques évènements internationaux récents montrent que le discours salafiste notamment dans sa version jihadiste n’est pas en voie d’apaisement. Il ne suffira pas de le dénoncer dans procéder à quelques révision importantes de notre politique extérieure.
Copyright Décembre 2014-Conesa-Fondation d’aide aux victimes du terrorisme. Extrait publié sur le Diploweb.com avec l’autorisation de l’auteur.
Mise en ligne initiale sur le Diploweb.com : 9 janvier 2015, 11 heures.
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