Géopolitique de la Chine. Il importe de prendre la mesure de l’importance croissante des think tanks dans la politique étrangère de la Chine. La première section de cette étude expose leur évolution historique et les motifs qui ont poussé le gouvernement chinois à les établir. La suivante se concentre sur la typologie des think tanks chinois, sur leur organisation et leurs capacités ainsi que sur leurs liens avec les structures officielles. La section suivante s’arrête sur le nouveau « département de planification politique » du ministère des Affaires étrangères (MAE). Enfin, les auteurs examinent les divers types de canaux développés par les think tanks pour influencer les décideurs chinois.
QUEL que soit l’angle de vue choisi, la Chine est devenu aujourd’hui un acteur pivot de la scène internationale. Mais au-delà des innombrables articles et des rapports consacrés à son essor économique et politique, peu d’études explorent la révolution intellectuelle qui se déploie parallèlement dans le pays. Depuis l’ouverture de la RPC au début des années 80 et la fin du modèle politique maoïste, la Chine a redécouvert sa tradition intellectuelle et bourdonne maintenant de mille nouvelles façons de penser. Avec l’accroissement exponentiel du nombre de diplômés, il n’est pas étonnant de voir de jeunes et brillants analystes, polyglottes et ayant souvent voyagé à l’étranger, rejoindre les rangs des instituts de recherche et des think tanks chinois, apportant du sang neuf et de nouvelles méthodes de travail à ces institutions. [1] Peu de personnes, aussi bien en dehors de la Chine, que dans le pays lui-même, ont réalisé à quel point la diplomatie informelle et les think tanks ont pénétré les structures de la diplomatie chinoise. La représentation de l’État chinois comme une structure monolithique gigantesque est de moins en moins conforme à la réalité alors que Pékin tente de s’adapter à la complexité des problèmes auxquels le pays est maintenant confronté et à la rapidité avec laquelle ce processus se développe. Le directeur d’un think tank chinois considère que nous sommes seulement au tout début de ce processus alors que le concept de « développement scientifique » (kexue fazhan) mis en avant par Hu Jintao au XVIIe congrès de Parti communiste chinois prend graduellement racine dans la société chinoise. Déjà visible dans l’attention accordée par Pékin aux champs de recherche requérant de la « matière grise » comme la sécurité du cyberespace (Cyber Security) ou la R&D industrielle, le recours aux scientifiques et aux experts devrait se développer en matière de politiques au cours du XIIe plan quinquennal (2011-15). [2]
La figure respectée de « l’intellectuel lettré », et par extension du professeur, remonte à l’époque de Confucius. Sans entrer dans le détail des spécificités de la culture chinoise, on peut difficilement nier le fait que les notions de « guanxi » (le réseau de relations personnelles) et de « mianzi » (la face) sont d’une grande importance pour les experts en matière de politiques dans la société chinoise. Une grande partie des interactions entre les chercheurs des think tanks et le reste de la société repose sur un système complexe de guanxi, de privilège d’ancienneté et de faveurs. Participer à des voyages d’étude à l’étranger ou à des réunions de consultation avec des officiels est considéré comme une des activités les plus gratifiantes, qui donne le plus de « face », aux chercheurs en quête d’influence et de reconnaissance. Si cette observation s’applique également dans une certaine mesure à leurs homologues occidentaux, il y a tout de même une composante sociale distincte dans le fonctionnement de la communauté chinoise de recherche en politique. Un professeur confiait par exemple que le forum des experts UE-Chine qui s’est tenu à Pékin en novembre 2009 a créé des remous parmi les experts chinois de l’« Europe » parce que nombre d’entre eux n’ont pas été invités à prendre part à la rencontre avec Wen Jiabao. [3] Les diplomates occidentaux sont pour leur part constamment confrontés à la difficulté de composer avec les subtilités complexes du symbolisme et les mécanismes destinés à « donner de la face » de la diplomatie chinoise, une constatation qui s’applique également à la communauté des chercheurs en politique. L’aspect « face » du processus décisionnel en matière de politique étrangère ne peut pas être sous-estimé et doit être gardé à l’esprit lorsque l’on examine cette question. [4]
Voir aussi Christian Lequesne, Elena Roney, Comment développer la puissance par l’image ? Entretien avec Christian Lequesne
La diplomatie publique est-elle aujourd’hui plus efficace que la diplomatie dite traditionnelle ? Une nouvelle forme de guerre, celle de l’information, remplace-t-elle la guerre “traditionnelle” caractérisée par des combats armés ? Comment la France pourrait-elle améliorer l’efficacité de sa diplomatie publique ? Voici quelques-unes des questions posées par Eléna Roney à Christian Lequesne qui vient de diriger « La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique » , Presses de Sciences Po, 2021
Il y aurait beaucoup à dire à propos du développement des think tanks en Chine, notamment ceux en charge des questions économiques et financières. Mais cette étude s’intéresse spécifiquement à la communauté des think tanks spécialisés en matière de politique étrangère, qui ont contribué à la transformation spectaculaire de la diplomatie chinoise ces dernières années. Ce qui est le plus remarquable, en dehors de la puissance économique et militaire acquise par la Chine, est la fascination qu’elle exerce sur le reste du monde. En 2006, la moitié des chefs d’État de la planète se sont rendus en visite officielle à Pékin. [5] La capitale chinoise est devenue une « plaque tournante » diplomatique globale et il est donc légitime d’essayer de découvrir ce qui se cache derrière la Grande Muraille en termes de manière de penser et de nouvelles idées. Afin de replacer cette transformation dans son contexte, nous débutons cette étude par un aperçu du développement historique des think tanks spécialisés en relations internationales en Chine. Nous présentons ensuite différentes tentatives académiques d’établissement d’une typologie des think tanks chinois. Troisièmement, nous examinons le rôle et l’importance du « Département de planification politique », le nouveau think tank du ministère des Affaires étrangères (MAE). Enfin, nous offrons quelques nouveaux éclairages sur les différents canaux par lesquels les think tanks exercent leur influence de nos jours. Ces deux dernières parties sont basées sur des entrevues réalisées avec des experts et des diplomates tant chinois qu’occidentaux à l’occasion d’une recherche de terrain menée en Chine. Un encadré spécifique offre également quelques remarques sur la place des think tanks dans les relations entre la Chine et l’Union européenne.
Les « think tanks » (zhiku ou sixiangku) ne sont pas un phénomène récent en Chine. [6] Certains auteurs rappellent l’existence de « groupes d’experts » ou de « groupes de réflexion » dès l’époque de Confucius. Ce dernier et ses disciples ne se donnaient-il pas pour rôle de conseiller le Prince. [7] A la fin du XIXe siècle, des « sociétés d’études » (Xuehui) commencent à émerger, regroupant des lettrés sous le patronage de hauts fonctionnaires. Ces Xuehui vont stimuler le développement d’une pensée moderniste, annonçant le premier mouvement constitutionnel, et la mise en place de centres de formation comme l’Institut Chinois des Études Internationales, créé en 1897. [8] A l’époque de Mao Zedong (1949-1976), des institutions de recherche créées par l’État et rattachées à différents ministères sont mises en place. C’est par exemple le cas en 1949 de l’Institut des Affaires étrangères du Peuple Chinois (CPIFA), une branche du MAE. Dans le domaine des relations internationales, une des premières initiatives de mise en place d’un « think tanks » remonte à 1956. Dans le contexte des événements en Pologne, Hongrie et Union soviétique, le Président Mao ordonne la création de l’Institut des relations internationales (Guoji Guanxi Yanjiusuo), placé sous l’autorité du MAE. Fermé pendant la Révolution culturelle, il a été réouvert en 1973 et sera rebaptisé plus tard, l’Institut chinois d’études internationales (Zhongguo guoji wenti yanjiu/CIIS) [9]. David Shambaugh, de l’Université George Washington, a relevé que jusque récemment, cet institut a joué un rôle mineur dans la formulation de la politique étrangère. L’influence du CICIR (voir infra), créé après le CIIS, a historiquement été plus importante, notamment pendant le rapprochement sino-américain sous l’administration de Nixon. Cependant, l’influence du CICIR a commencé à décroître au profit du CIIS. L’absorption en 1998 par le CIIS du China Centre for International Studies (Zhongguo Guoji wenti yanjiu zhongxin/CCIS) l’a considérablement renforcé. Shambaugh place le CIIS sur le même plan que le Royal Institute for International Affairs (RIIA/Chatham House) ou le Japan Institute for International Affairs (JIIA) de Tokyo, le plus important think tank d’Asie. [10] En 2010, le CIIS compte une quarantaine de chercheurs et ses dirigeants regroupent des personnalités académiques très connues et d’anciens diplomates. C’est le cas de son président actuel (2010), Qu Xing, qui a été en poste à l’ambassade de Chine à Paris entre 2006 et 2009. Le CIIS compte huit départements : Stratégie globale, Information et analyse des éventualités, Études américaines, Sécurité et coopération Asie-Pacifique, Études sur l’Union européenne, Études des pays en développement, Études de l’organisation de coopération de Shanghaï, Études sur l’économie mondiale et le développement ; de même que six centres de recherche spécialisés : Union europeénne, Moyen-Orient, Pacifique Sud, Sécurité énergétique de la Chine, Sécurité frontalière, Économie mondiale et sécurité. Sa revue phare, Guoji wenti yanjiu, est aussi publiée en anglais (China International Studies) depuis 2005. Le CISS occupe la cinquième place parmi les dix plus importants think tanks de Chine selon un classement publié en août 2009 par le journal Global Times. [11] Dans ce classement « officiel », il apparaît également comme le second plus important think tank de Chine en termes de politique étrangère (voir infra) derrière l’Académie des sciences sociales de Chine (CASS). Dans le Global Think Tank Index publié annuellement par l’université de Pennsylvanie, le CIIS est classé à la 14e place et derrière le CICIR parmi les think tanks en Asie. [12]
Après ces premières initiatives des années 50, le domaine des think tanks spécialisés en relations internationales a commencé à s’étendre avec la mise en place de l’Institut des études internationales de Shanghai (Shanghai guoji wenti yanjiu yuan/SIIS) en 1960, par le vice maire de Shanghai, Jin Zhonghua. Depuis, cet institut a conservé des liens étroits avec la municipalité de cette ville. David Shambaugh rapporte que les relations entre le SIIS et le MAE se sont dégradées dans les années 80. Mais selon un chercheur du SIIS, il semble que son président actuel, Yang Jiemian, qui est également le jeune frère du ministre des Affaires étrangères actuel de la RPC, Yang Jiechi, a travaillé à combler le déficit d’influence de l’institut par rapport à ceux basés à Pékin, en produisant des rapports politiques plus pointus et plus percutants, apparemment avec succès. [13] Les qualités de ses chercheurs et des analyses qu’il produit sont reconnues au plus haut niveau aussi bien en Chine qu’à l’étranger. [14] Jiang Zemin a souvent consulté l’Institut pendant son mandat de Maire et de Secrétaire du PCC de Shanghai puis ensuite comme Secrétaire général du PCC et Président de la RPC. En 2010, le SIIS emploie 80 chercheurs, nombre d’entre eux recrutés à l’université de Fudan à Shanghai ou dans des universités étrangères prestigieuses. Le SIIS est organisé en douze départements de recherche : Études américaines, Études de l’Asie et du Pacifique, Études européennes, Études du Japon, Études de la Russie et de l’Asie centrale, Études de l’Asie du Sud, Études de Taiwan, Hong Kong et Macao, Études de l’économie mondiale, Études de l’Asie occidentale et de l’Afrique, Droit international et organisations internationales, Études des femmes, Études des groupes ethniques, des religions et des cultures. Parmi ses nombreuses publications académiques, on retiendra sa revue en anglais Global Review. En 2009, le SIIS occupait la dernière place dans le classement des dix plus importants think tanks de la RPC. [15] En termes d’influence dans le domaine de la politique étrangère, il occupait la cinquième place derrière la CASS, le CIIS, le CICIR et le CNCPEC (voir infra). Dans le Global Think Tank Index, il est classé à la 34e place parmi les 50 plus importants think tanks du monde hors États-Unis. [16]
Dans le contexte du schisme sino-soviétique au début des années 60 et de la compétition que se livrent les deux États qui courtisent les pays en développement, un Institut de recherche Afro-asiatique (Ya Fei Yanjiusuo) est mis en place en juillet 1961 à la demande du président Mao. Il est rattaché au département international de liaison du PCC (Zhonggong zhongyan duiwai lianluo bu) et scindé en 1964 en deux parties : un Institut de recherche sur l’Asie occidentale et l’Afrique (Xi Ya Feizhou Yanjiusuo/IWAAS [17]) et un Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est (Dong Nan Ya Yanjiusuo), rattachés tous deux à la fois au département international de liaison du PCC et au département philosophie et sciences sociales de l’Académie des sciences de Chine (Zhongguo kexue yuan zhexue shehui kexuebu), un département inspiré du modèle soviétique. Après la Révolution culturelle, l’Institut de recherche sur l’Asie occidentale et l’Afrique (IWAAS) relance ses travaux et est placé en 1981 sous l’autorité de la nouvelle Académie des sciences sociales de Chine (CASS). [18] Créée en 1977, la CASS est le successeur direct du département de philosophie et de sciences sociales de l’Académie des Sciences de Chine. [19] La CASS est l’équivalent administratif d’un ministère et est placée sous l’autorité directe du Conseil des affaires de l’État (Guowuyuan). Une fois encore sur ordre de Mao, sont créés en 1961 un Institut de recherche sur l’Amérique latine (Lading Meizhou Yanjiusuo/ILAS [20]) et un Institut de recherche sur l’Union soviétique et l’Europe de l’Est (Sulian Dong Ou Yanjiusuo, auj. Eluosi Dong Ou Zhong Ya Yanjiusuo [21]). Tous deux sont placés sous l’autorité de la CASS en 1981. En plus de ces créations de 1961, le MAE a établi un Institut de recherche sur l’Inde en 1963 après la guerre frontalière sino-indienne de 1962.
En 1964, Zhou Enlai ordonne la mise en place de plusieurs collèges et départements de relations internationales dans diverses universités, essentiellement à Beijing daxue, Qinghua, Fudan, Renmin, Nanjing et Nankai, de même qu’à la China Foreign Affairs university/Waijiao Xueyuan/CFAU). [22] Certains de ces centres de recherche spécialisés sont aujourd’hui considérés comme des think tanks et jouissent d’une influence considérable dans la formulation de la politique étrangère chinoise. [23] C’est particulièrement vrai pour ceux qui bénéficient de la présence de chercheurs académiques internationalement reconnus comme Wang Jisi qui dirige l’École d’études internationales de l’Université de Pékin (Beijing Daxue Guoji Guanxi Xueyuan) ou de Shen Dingli de l’Institut d’Études américaines de l’Université de Fudan (Meiguo yanjiu zhongxin). Certaines universités locales et moins prestigieuses ont également établi des instituts spécialisés comme l’Institut d’Études de l’Asie du Sud-Est (Dong Nan Ya yanjiusuo) à l’Université Zhongshan à Canton ou l’Institut d’Études de Taiwan (Taiwan yanjiu zhongxin) créé à l’Université de Xiamen en 1980. [24] Leur influence, plus difficile à mesurer, ne peut cependant pas être totalement négligée.
En 1965, la section de recherche du département international de liaison du PCC (Zhonggong zhongyan duiwai lianluo bu) est élevée au rang d’Institut et devient l’Institut des relations internationales contemporaines de Chine (Institute of Contemporary International Relations/Zhongguo Xiandai Guoji Guanxi Yanjiusuo/CICIR). C’est le seul Institut qui continuera à fonctionner en partie pendant la période de la Révolution culturelle. Il est lié à la fois au Foreign Affairs Work Leading Small Group (FAWLSG), le plus important corps délibératif de la RPC en matière de politique extérieure/sécurité nationale, et au ministère de la Sécurité d’État. En 1980, il est autorisé à établir des contacts avec les étrangers. Depuis lors, il a développé ses réseaux de contacts internationaux. En 2010, il compte 150 chercheurs. Le CICIR est composé de onze instituts : Études russes, Études américaines, Études latino-américaines, Études européennes, Études japonaises, Études sur l’Asie du Sud et du Sud-Est, Études sur l’Asie occidentale et l’Afrique, Études sur l’information et le développement social, Études sur la sécurité et la limitation de l’armement, Études sur la politique mondiale, Études sur l’économie mondiale. Outre ces instituts, il compte deux divisions de recherche sur l’Asie centrale et la Péninsule coréenne ainsi que huit centres de recherche : Hong Kong et Macao, Taiwan, Questions ethniques et religieuses, Globalisation, Anti-terrorisme, Gestion des crises, Sécurité et enfin Stratégie maritime. [25] A côté de nombreuses publications en chinois, il publie la revue en anglais Contemporary International Relations (Xiandai Guoji Guanxi). Le CICIR est classé à la sixième place dans le classement des dix plus importants think tanks de Global Times [26] et à la troisième en termes d’influence en matière de politique étrangère derrière la CASS et le CIIS. James Mc Gann le classe à la 5e place parmi les plus importants think tanks en Asie dans son Global Think Tank Index. [27]
Les plus importants think tanks de RPC
Une nouvelle vague de création de think tanks coïncide avec la politique d’ouverture de Deng Xiaoping dans les années 80. Après la création de la CASS en 1977, plusieurs instituts spécialisés par région sont mis en place : un Institut de recherche sur les États-Unis (Meiguo Yanjiusuo, Institute of American Studies/IAS [28]), un Institut de recherche sur le Japon (Riben Yanjiusuo/Institute of Japan Studies/IJS [29]) et un Institut de recherche sur l’Europe occidentale (Xi Ou Zhou Yanjiusuo devenu en 1994 Ou Zhou Yanjiusuo/Institute of European Studies/IES [30]). L’Institut de recherche sur Taiwan (Taiwan Yanjiusuo/Institute of Taiwan Studies [31]), créé en 1984, est placé directement sous l’autorité du Bureau des affaires taiwanaises au sein du Conseil des affaires de l’État (Tai ban) et du Taiwan Leading Group du Comité central (Zhongyang Taiwan lingdao xiaozu). Il aurait joué un rôle majeur dans la préparation du Livre blanc sur Taiwan en 2000. [32] En 1988, l’Institut de recherche sur l’Asie-Pacifique (Ya Zhou Taipingyang Yanjiusuo/Institute of Asia-Pacific Studies IAPS [33]) est crée avec six centres de recherche : the Centre for APEC & East Asian Cooperation, the Centre for South Asian Studies, the Centre for Australian, New Zealand and South Pacific Studies, the Centre for Regional Security Studies, the Centre for East Asia Studies and the Centre for Southeast Asia Studies. L’IAPS supervise également le travail de deux associations nationales de recherche : la China Association of Asia-Pacific Studies et la China Association of South Asian Studies. Aujourd’hui, la CASS compte 31 instituts de recherche et 45 centres de recherche, travaillant dans plus de 300 disciplines différentes. Elle emploie environ 3200 chercheurs, ce qui lui permet de publier plus de cent revues académiques. La CASS dispose également de sections régionales dans les provinces et les municipalités directement contrôlées par le Conseil des affaires de l’État. Ce think tank colossal se range à la première place du classement des think tanks de Global Times, à la seconde en Asie derrière le Japan Institute of International Affairs (JIIA) et à la quinzième parmi les cinquante plus importants think tanks du monde hors États-Unis. [34]
A côté de tous ces Instituts liés à la CASS, il faut aussi mentionner le China National Committee for Pacific Economic Cooperation Council (Zhongguo Taipingyang Jingji Hezuo Quanguo Weiyuanhui/CNCPEC). [35] Cette institution est en fait le comité national chinois du Conseil de coopération économique du Pacifique (PECC) chargé de promouvoir la coopération économique dans la région. Selon ses statuts, ses membres sont sélectionnés parmi les officiels gouvernementaux, les universitaires et les entrepreneurs, en fonction de leurs capacités personnelles. Son président depuis 1994, Yang Chengxu, a été ambassadeur de Chine en Autriche et directeur du Policy Research Bureau du MAE, et aussi président du CIIS entre 1993 et 2002. Le CNCPEC a d’ailleurs installé son secrétariat dans les locaux du CIIS. Global Times classe le CNCPEC à la septième place derrière les autres think tanks semi-officiels de Pékin mais devant le SIIS. [36]
En dépit de la création de toutes ces institutions, il semble qu’en matière de prise de décision en politique extérieure, Deng Xiaoping a rarement employé l’expertise de ces divers groupes. Cheng Li rapporte qu’à la fin de sa vie, Deng préférait écouter les racontars de sa fille plutôt que les avis des experts. [37] Ce manque d’intérêt de Deng Xiaoping ne signifie pas nécessairement une absence d’influence des think tanks pendant les années 80, surtout en matière économique. Quatre importants centres de recherche ont été mis en place à ce moment par le Conseil des affaires de l’État : le Centre de recherche économique (ERC), le Centre de recherche technico-économique (TERC), le Centre de recherche sur les prix (PRC) et le Centre de recherche sur le développement rural (RDRC). L’ERC, le TERC et le RDRC fusionneront plus tard dans le Centre de recherche sur le développement (DRC), le plus important think tank de la RPC derrière la CASS. [38] Hu Yaobang, Zhao Ziyang et d’autres se sont aussi entourés d’intellectuels qui étaient étroitement associés aux groupes de recherche gouvernementaux ou au sein des structures du PCC. Dans le sillage des événements de 1989, certains think tanks seront fermés et des dirigeants de ces instituts devront se réfugier à l’étranger. Mais l’existence des think tanks en tant que tels n’a pas été remise en cause et leur expansion a repris après 1992.
Dans les années 90, Jiang Zemin et Zhu Rongji ont fréquemment consulté des experts des think tanks. Jiang Zemin a par exemple souvent cherché l’avis d’intellectuels connus affiliés à des institutions de Shanghai comme Fudan, le SIIS ou l’Académie des Sciences sociales de Shanghai (SASS). Certains spécialistes ont travaillé très étroitement avec lui dans quelques secteurs spécifiques comme la planification ou la question de Taiwan par exemple. Wang Huning, l’ancien doyen de la faculté de droit de l’Université de Fudan est devenu son assistant personnel. La théorie des « trois représentations » (Sange daibiao) qui caractérise la période Jiang Zemin est ainsi considérée par certains comme une idée de Wang. En tant qu’ancien chef de l’école centrale du Parti, Hu Jintao a lui-même recherché l’avis des experts. Cheng Li cite l’exemple de Wang Jisi ou de Zheng Bijian dans le développement de la « théorie du développement pacifique de la Chine » (Zhongguo heping jueqi/heping fazhan) au début des années 2000. Depuis le tournant du XXIe siècle, les think tanks se sont développés à la fois en termes de nombre, de professionnalisation et d’internationalisation. En 2010, James McGann en a dénombré 428 en Chine, ce qui situerait ce pays en seconde position en nombre de think tanks après les États-Unis mais devant la Grande-Bretagne et l’Inde. Une spécialiste chinoise, Lili Wang, rapporte que certaines études académiques chinoises fixent le nombre de think tanks existant en Chine à plus de mille. La plupart d’entre eux sont cependant des think tanks gouvernementaux et seulement 5% sont qualifiés d’ « indépendants ». Ces derniers sont en général des structures de petite taille, employant au maximum 20 personnes, avec un budget annuel d’environ 450 000 dollars. [39] Les nouveaux think tanks deviennent de plus en plus spécialisés dans certaines matières, avec souvent une spécialisation dans les matières économiques, environnementales ou sociales. Il faut cependant souligner qu’aucune de ces récentes additions à la scène des think tanks chinois ne figure dans la liste dressée par Global Times. En termes de politique étrangère, les plus importants think tanks demeurent ceux créés avant la Révolution culturelle ou immédiatement après.
Il n’existe pas de définition standard de ce qu’est un think tank. Une étude dirigée par Stephen Boucher en 2004 a dégagé neuf critères qu’un think tank devrait remplir : être une organisation permanente, se spécialiser dans la production de solutions de politique publique, posséder un personnel propre dédié à la recherche à plein temps, fournir une production originale de réflexion, d’analyse et de conseil, dont la vocation est d’être communiquée aux gouvernants et à l’opinion publique (et donc disposer d’un site Internet), ne pas être chargé d’accomplir des missions gouvernementales, s’efforcer de maintenir son indépendance par rapport aux intérêts privés et garder sa liberté de recherche, ne pas avoir comme fonction principale de former ni d’accorder des diplômes, et enfin, oeuvrer au bien public à travers son travail. [40] Les auteurs de la recherche soulignent à juste titre que ces critères doivent être appliqués avec une certaine flexibilité pour répondre à la pratique.
La plupart des instituts de recherche et des think tanks que nous avons mentionnés ne remplissent que partiellement cette liste de critères. Cependant, il ne faudrait pas en tirer pour conclusion hâtive que ce ne sont pas de « véritables » think tanks. En effet, en dépit de différences qui sont discutées ci-dessous, beaucoup de ces institutions sont réellement proches de leurs homologues occidentaux quand on examine de plus près les critères énumérés ci-dessus. En général, ce sont des structures permanentes orientées dans la production de solutions de politique publique avec leurs propres chercheurs qui publient régulièrement et communiquent les résultats de leurs travaux aux officiels et au public, à un moindre degré, il est vrai, que leurs équivalents occidentaux. Elles tâchent toute d’obtenir une plus grande liberté de recherche et de contribuer à l’intérêt public, mais ces orientations sont naturellement limitées par les lignes rouges fixées par le gouvernement et par la nécessité de respecter la supériorité du PCC dans leurs solutions de politique publique. Quant à savoir si elles représentent des intérêts particuliers, cela reste une question délicate à trancher avec certitude étant donné l’opacité qui entoure les budgets et le fonctionnement de la plupart de ces institutions. Finalement, aucun ou très peu de ces think tanks fournissent une formation académique ou octroient des diplômes.
Bien entendu, malgré les similitudes, les think tanks chinois, et plus spécialement ceux spécialisés en relations internationales qui nous intéressent ici, sont différents de leurs homologues occidentaux, mais pas jusqu’au point de leur dénier la qualité de « think tank ». Selon Liao Xuanli, il est difficile pour les chercheurs des « think tanks » chinois spécialisés en relations internationales de conduire des recherches totalement indépendantes sur des problèmes politiques sensibles, mais ils possèdent néanmoins une certaine marge de manœuvre dépendant du sujet et des chercheurs impliqués. [41] La diversité des opinions au sein de ces think tanks n’est pas non plus comparable à ce que l’on peut trouver chez leurs homologues occidentaux, où l’existence parmi le personnel d’un large éventail d’opinions politiques et sociales diverses est une chose commune. Une autre différence est leur proximité avec le gouvernement, qui peut offrir aux think tanks chinois une plus grande influence sur les décideurs que la plupart de leurs homologues occidentaux et européens. Comme les think tanks totalement privés et spécialisés en relations internationales sont quasi inexistants en Chine, on ne recense que quelques douzaines d’institutions spécialisés en relations internationales, qui se consacrent qui plus est majoritairement à l’étude des aires géographiques (Area Studies). Dans ces conditions, les dirigeants chinois n’ont donc qu’un choix limité pour savoir qui consulter mais aussi peu d’incitation à rechercher des spécialistes en dehors des institutions de références traditionnelles. [42] L’influence des think tanks sur le processus décisionnel en matière de politique étrangère dépend dans une large mesure de la place que leurs dirigeants et leurs figures clés occupent dans le paysage politique. Liao rapporte que la compétition entre les instituts spécialisés en relations internationales est « très limitée » parce qu’ils possèdent tous leur niche mais nous verrons un peu plus loin que c’est de moins en moins vrai car la communauté des instituts de relations internationales augmente rapidement.
Contrairement aux think tanks occidentaux qui influent sur le processus politique à travers le lobbying informel ou les recommandations de politique publique, leurs homologues chinois utilisent deux canaux principaux pour influencer les décideurs. Soit ils font circuler leurs vues par l’intermédiaire du canal bureaucratique formel : chaque think tank du gouvernement possède son propre canal pour soumettre ses rapports internes de recherche aux dirigeants via le secrétaire personnel du leader ou à travers le bureau des Affaires étrangères du Comité central. Soit ils recourent aux contacts informels et à leur réseau de relations personnelles (guanxi). Selon Liao, ce dernier mode d’influence, très flexible, permet aux membres des think tanks de contourner les canaux bureaucratiques formels. Les directeurs de think tank ou certains chercheurs prestigieux peuvent avoir des relations personnelles et directes avec les plus haut décideurs de l’État. L’ « informalité » est ainsi un facteur significatif, qui affecte l’efficacité d’un think tank, mais rend très délicate pour un observateur extérieur l’évaluation du poids et de la position d’un institut particulier parmi ses pairs. Enfin, en termes de financement, les think tanks chinois ont naturellement moins de possibilités de sources de financement que leurs pairs occidentaux. Jusque récemment, tous les think tanks étaient entièrement financés par le gouvernement et c’est encore le cas pour la majorité écrasante de ceux touchant aux relations internationales. [43]
Pour obtenir une image plus claire du monde hétérogène des think tanks chinois, quelques auteurs ont tenté de mettre en place une typologie pour les classer. Liao Xuanli a dégagé trois catégories : les think tanks gouvernementaux, les think tanks académiques spécialisés et les think tanks affiliés aux universités. [44] Sa première catégorie -les think tanks gouvernementaux- regroupe les instituts liés au Conseil des affaires de l’État ou aux différents départements et ministères du gouvernement. Quelques-uns des think tanks de cette catégorie sont parmi les plus importants de Chine comme le CICIR ou le CIIS. Ces instituts de recherche sont subordonnés et financés exclusivement par le gouvernement central et leurs chercheurs ont les mêmes salaires que les fonctionnaires du même rang, mais ils n’ont aucun pouvoir ni aucune responsabilité administrative. Leur principale mission est de fournir des expertises aux décideurs de haut niveau. Ces think tanks sont différents de leurs homologues occidentaux dans le sens où ce ne sont pas des ONG, mais en même temps, ils s’écartent aussi du canon de la tradition chinoise où les conseillers des décideurs sont des officiels du gouvernement. Selon Liao Xuanli, les think tanks gouvernementaux jouissent de nombreux avantages par rapport à leurs collègues des deux autres catégories. Leur position dans la structure bureaucratique leur permet de consulter des sources plus confidentielles. Etant proches du centre de décision, ils disposent aussi de plus de canaux à travers lesquels ils peuvent faire circuler leurs recommandations en matière de politiques jusqu’au niveau ministériel ou plus haut. Le statut semi-officiel des chercheurs de ces instituts leur permet souvent de représenter la position officielle de la Chine lors des conférences internationales par exemple. Pour toutes ces raisons, Liao Xuanli souligne que les think tanks gouvernementaux demeurent les plus influentes institutions sur la scène des think tanks chinois.
La seconde catégorie rassemble les think tanks académiques spécialisés, c’est-à-dire principalement les nombreux instituts contrôlés par la CASS. Placée sous l’autorité du Conseil des affaires de l’État, la CASS est une institution de nature académique qui ne se focalise pas spécifiquement sur les projets de recherche sur les politiques (policy research). Contrairement à leurs pairs des think tanks gouvernementaux, les chercheurs de la CASS ne sont qu’occasionnellement engagés dans des recherches ayant une implication politique immédiate. Etant donné la nature académique de leurs recherches, ces instituts exercent moins d’influence. Leurs recherches plus théoriques et orientées vers le long terme sont moins immédiatement utilisables par les décideurs qui très souvent n’ont guère de temps à consacrer à la lecture. En termes d’accès à l’information, les instituts de la CASS sont situés quelque peu en dehors des canaux gouvernementaux où l’information sensible et classifiée circule, ce qui réduit évidemment leurs capacités de recherche. Bien qu’ils bénéficient également d’un accès régulier aux hauts décideurs à travers les canaux bureaucratiques officiels, les chercheurs de la CASS reconnaissent eux-mêmes un faible niveau d’interaction réelle avec les fonctionnaires du gouvernement. [45] Liao Xuanli note cependant que grâce au développement d’un processus de consultation régulière en matière de politique étrangère dans les années 90, les instituts de relations internationales de la CASS ont vu leur influence croître graduellement, notamment parce qu’ils ont réussi à mettre en avant leurs liens avec des instituts de recherche étrangers, ce qui a accru leur crédibilité. Les relations avec ces derniers leur permettent aussi de jouer les « ponts » entre le gouvernement chinois et les représentations diplomatiques étrangères installées à Pékin, particulièrement en cas de crise.
La troisième catégorie de Liao Xuanli est celle des think tanks affiliés aux universités. C’est la moins influente en raison de leur situation géographique marginale, loin des centres de décision, et à cause de la nature académique de leurs recherches. Liao nuance cependant cette vision trop tranchée et remarque que certains think tanks de cette catégorie jouissent de plus d’influence que d’autres, en raison de leurs liens bureaucratiques particuliers. C’est le cas des think tanks affiliés au ministère des Affaires étrangères. L’influence de ces instituts sur les hauts décideurs s’est accrue du fait de leur coopération grandissante avec d’autres think tanks spécialisés en recherche sur les politiques. Comme leurs homologues de la CASS, leur impact sur les décisions politiques est devenu progressivement plus important. Ce développement est en grande partie dû au fait qu’ils ont pu utiliser l’expertise de leur réseau de plus en plus large d’associés étrangers pour renforcer leur propre position dans le système chinois. Comme nous l’avons signalé, la complexité croissante des problèmes internationaux oblige les dirigeants chinois à rechercher des avis et des expertises auprès d’un grand nombre de sources, y compris les experts étrangers. Comme nous le verrons ci-dessous, certains des chercheurs dans ces think tanks affiliés aux universités ont trouvé une place spécifique dans laquelle leur expertise est largement reconnue, même au plus haut niveau. Ils bénéficient donc d’un accès privilégié aux décideurs.
Une autre typologie, plus récente, a été développée par deux chercheurs chinois, Zhu Xufeng et Xue Lan. Elle comporte deux catégories : les instituts publics semi-officiels et les think tanks civils, c’est-à-dire les instituts de recherche liés aux sociétés, aux universités ou les fondations sans but lucratif. [46] Les think tanks semi-officiels comprennent les plus importantes composantes du système de recherche et de consultation sur les politiques en dehors des structures gouvernementales chinoises. Ils ne sont pas complètement indépendants du gouvernement, mais sont gérés de manière plus autonome que les instituts de recherche officiels. Leurs dirigeants sont nommés par le gouvernement et ils sont financés par des fonds publics alloués en raison de leurs tâches régulières de recherche pour les administrations gouvernementales. Ils bénéficient aussi de davantage de liberté parce qu’ils sont autorisés à accepter des projets de recherche avec des partenaires étrangers et même des fonds des services gouvernementaux étrangers ou d’organisations internationales. Ces instituts sont principalement apparus à la fin des années 70/début des années 80. Zhu et Xu citent comme exemples, le China Centre for Information Industry Development (CCID) créé par le ministère de l’Industrie de l’information en 2000 ou le China Development Institute/Zonghe kaifa Yanjiuyuan (CDI). Ce dernier a reçu l’approbation du Conseil des affaires de l’État et a été engagé dans des recherches sur la politique économique pour tous les niveaux du gouvernement de même que pour quelques entreprises. Il maintient des liens avec le PCC notamment à travers les membres de son conseil. En raison de ses liens étroits avec les structures gouvernementales et les membres de Parti, ce « think tank » est une forme hybride, mêlant des éléments des deux catégories des think tanks semi-officiels et civils. [47]
La seconde catégorie se compose des think tanks civils. Selon Zhu et Xue, leur relation globale avec le gouvernement est moins intense. Ils reçoivent du financement de différentes sources, principalement des entreprises ou des fondations étrangères. Ils sont souvent modestes en taille, mais sont néanmoins capables d’attirer des personnalités académiques renommées qui souvent n’hésitent pas à critiquer la politique économique du gouvernement. Ils sont surtout apparus à partir du début des années 90.
Aujourd’hui, la Chine compte également des think tanks totalement privés, principalement créés à l’initiative d’économistes, d’entrepreneurs ou d’activistes sociaux et financés par des entreprises ou des fondations privées. Leur domaine de spécialisation est principalement économique ou touche à l’environnement. C’est par exemple le cas de l’institut de recherche privé, sans but lucratif Unirule Institute of Economics (Tianze Jingji Yanjiusuo) fondé en juillet 1993 par cinq économistes. Il ne reçoit aucune aide financière du gouvernement chinois et dépend de donations privées et de subventions ad hoc pour des projets menés pour le compte d’institutions en Chine ou à l’étranger, spécialement des projets de recherche ou des programmes de formation. Il organise des séminaires périodiques, des conférences annuelles, et ne publie pas moins de sept revues. Dans le domaine de l’environnement, on peut aussi citer l’exemple des Amis de la Nature/Friends of the Nature/Fon (Ziran Zhiyou) fondé en 1994. C’est la plus ancienne ONG environnementale de Chine. Elle a accompli une tâche très importante en promouvant la conscience environnementale non seulement à Pékin mais aussi dans toute la Chine. Elle s’occupe de questions comme le recyclage ou l’efficacité énergétique et, grâce à son action de lobbying auprès des fonctionnaires du gouvernement, a réussi à faire adopter une législation condamnant le braconnage des espèces menacées. Ses efforts plus récents visent à stimuler la formation sur les problèmes environnementaux et à créer un réseau domestique d’O.N.G. environnementales. Selon Cheng Li, ces think tanks privés restent jusqu’à présent marginaux en termes d’influence en ce qui concerne l’élaboration des politiques ou d’impact sur l’opinion publique. [48]
Alors qu’une tendance allant dans le sens de la mise en place de think tanks plus indépendants dans des domaines moins politiquement délicats comme l’économie ou l’environnement peut être observée en Chine, ce n’est pas encore le cas dans le secteur des think tanks spécialisés en relations internationales. Un pionnier à cet égard est le peu connu China Think Tank (Zhongguo zhiku), établi en 2006. Il compte parmi les trois ou quatre think tanks de relations internationales en Chine sur lesquels le gouvernement exerce très peu de contrôle, mais qui possède un niveau considérable d’influence. Il rassemble environ deux cents experts de haut niveau qui contribuent de façon bénévole à ses recherches, la plupart du temps sur des questions de sécurité, de défense et des problèmes stratégiques, puisque environ la moitié de ses contributeurs ont une expérience militaire. Il est financé en partie par des subventions ad hoc du gouvernement pour des projets spécifiques mais aussi grâce à l’organisation de séminaires et de stages de formation pour de grandes compagnies chinoises. La clef de l’indépendance réside, selon le point de vue d’un de ses dirigeants, dans la capacité à fournir un appui en termes d’expertise politique au gouvernement tout en maintenant une distance critique bienveillante à son égard. [49]
Les deux organes décisionnels les plus importants de la République populaire de Chine sur les questions de politique étrangère relèvent du Conseil des affaires de l’État lui-même. Il s’agit du Groupe dirigeant restreint de travail sur la politique étrangère (Waishi gongzuo lingdao xiaozu) et du Groupe dirigeant restreint de travail sur la sécurité nationale (Guojia anquan gongzuo lingdao xiaozu) créé en 2000. Bien que ces deux groupes soient présidés par Hu Jintao, le travail est coordonné dans les faits par Dai Bingguo qui dirige le secrétariat de ces deux corps. Certains chercheurs et experts interviewés dans le cadre de cette étude ont souligné l’absence d’un concept de sécurité nationale en Chine ainsi que l’absence d’un Conseil permanent traitant des questions de sécurité nationale. Comme souvent en Chine, les structures extérieures au Parti possèdent moins de pouvoir que les organes du Parti et il est largement admis que le MAE décide seulement des sujets de deuxième et troisième catégories. [50] Il n’est pas étonnant non plus de remarquer que les quatre derniers ministres des Affaires étrangères ont été des diplomates de carrière et qu’ils ont soigneusement suivi la ligne du parti. L’ironie de la situation est que les principaux décideurs en matière de politique étrangère trouvent maintenant le MAE trop conservateur et essayent de recourir à d’autres ressources pour élaborer plus efficacement les politiques. [51] Dai Bingguo et son équipe se reposent ainsi considérablement sur le système des consultations avec les experts et les think tanks. Le problème de cette approche est que les principaux groupes dirigeants restreints ne sont pas des corps permanents. Ils traitent des questions sur une base ad hoc et le plus souvent dans des situations d’urgence. Ce déséquilibre dans les structures décisionnelles en matière de politique étrangère pourrait avoir incité les décideurs à hausser le profil du département de planification politique (Policy Planning Department/DPP) du MAE, une mise à niveau récente qui n’est pas passée inaperçue dans les cercles politique chinois. Une des caractéristiques principales du personnel du DPP est le fait qu’il rende des comptes aux structures du Parti et pas seulement aux divisions géographiques du MAE, ce qui accroît sensiblement son niveau d’accès aux décideurs. Le DPP est chargé de soutenir le travail du ministre avec des rapports et des documents d’information mais, plus important encore, il fournit directement des données aux principaux leaders et prépare leurs discours et visites. [52] On peut relever également que le responsable du DPP, Le Yucheng, était présent au dernier sommet UE-Chine à Nankin. [53] Selon un fonctionnaire de DPP, le département est également devenu plus influent depuis qu’il prend davantage en considération les attentes domestiques dans son travail touchant aux sujets internationaux. [54]
La croissance de l’importance du DPP est résumée dans le récent changement du nom de cet organe qui est passé de Département de recherche de politiques (zhengce yanjiu si) à Département de planification politique (zhengce guihua si), avec l’accent placé sur son rôle dans la planification. [55] En reconnaissance du travail accompli par Ma Chaoxu entre 2006 et 2009 pour accroître le profil du DPP, ce dernier a été promu l’année dernière à la tête du Département hautement stratégique de l’Information. [56] Alors qu’une carrière diplomatique traditionnelle vers les échelons plus élevés du MAE impliquait habituellement de passer par un poste au département des affaires nord-américaines ou dans le domaine de la gestion des crises, certains signes laissent à penser que la diplomatie publique et les positions analytiques au ministère pourraient être la nouvelle manière de faire carrière. Ceci reflète logiquement l’accent mis récemment par le leadership chinois sur le développement scientifique et, de manière plus importante, sur le besoin de renforcer la diplomatie publique de la Chine pour améliorer son image de puissance responsable sur la scène internationale. [57]
Les départements de planification politique de la plupart des ministères des Affaires étrangères sont souvent considérés comme les think tanks de politique étrangère officiels des gouvernements et leur valeur ajoutée, comparée aux analyses politiques fournies par les différents départements géographiques, est d’offrir aux hauts responsables des perspectives sur les développements futurs. Etant donné la nature semi-gouvernementale des instituts de politique en Chine, le DPP est leur interlocuteur naturel. Le niveau d’interaction entre le DPP et les think tanks semble d’ailleurs augmenter quoique ces derniers paraissent encore préférer traiter directement avec les divisions géographiques du MAE. On peut aussi relever que le programme de consultations régulières entre les fonctionnaires de DPP et les experts a été étendu au cours de ces dernières années pour inclure la plupart des think tanks, même ceux qui ne sont pas situés à Pékin, comme le SIIS [58].
La plupart des think tanks gouvernementaux chinois jouissent d’un canal privilégié d’influence sur les hauts dirigeants à travers une ou plusieurs de leurs personnalités clé. On rapporte que Ma Zhengang du CIIS, Zhou Hong de la CASS ou Yang Jiemian du SIIS, sont invités régulièrement par le conseiller d’État Dai Bingguo pour des consultations de haut niveau, soit avec d’autres experts en matière de politique et des fonctionnaires, ou lors des réunions des principaux groupes dirigeant restreint de travail. [59]
À côté de cette influence personnelle directe aux échelons les plus élevés, l’influence des experts membres des think tanks dans le processus politique est étroitement liée à l’efficacité de leurs propositions en période de tension et de crise. Ceci se reflète particulièrement dans le système d’évaluation (pishi) où les hauts fonctionnaires et les dirigeants évaluent l’intérêt et l’importance d’un rapport présenté par les échelons inférieurs. Comme les rapports et leur évaluation (pishi) circulent parmi les ministères et les agences concernés –un peu comme les télégrammes diplomatiques en Occident-, un bon pishi est un élément essentiel pour la carrière d’un expert en politiques puisqu’elle influence sa réputation parmi ses pairs et les fonctionnaires travaillant dans son domaine. [60]
À la différence des États-Unis, il n’existe aucun phénomène de « va-et-vient » entre les think tanks et la fonction publique. Mais il y a néanmoins un certain niveau d’interaction, facilité par la nature semi-gouvernementale des institutions chinoises. Beaucoup de directeurs des think tanks sont d’anciens ambassadeurs et la plupart des chercheurs du CICIR et du CIIS ont occupé des positions diplomatiques. Selon un chercheur du CIIS, ces postes sont connus sous le nom de jie diao, ce qui signifie que les experts prêtés par les think tanks au MAE travaillent dans les ambassades où ils ne remplissent pas les tâches typiques dévolues aux diplomates comme la négociation mais conseillent plutôt l’ambassadeur sur des sujets politiques. Dans ces deux think tanks les plus proches du gouvernement, le CIIS pour le ministère des Affaires étrangères et le CICIR pour le ministère de la Sécurité d’État, une importante proportion du personnel de recherche a été en poste dans une mission diplomatique à un moment de sa carrière. [61] Il est de plus en plus rare que les experts venant de l’extérieur des structures gouvernementales jouissent de ce privilège. Les membres de la CASS par exemple ne pouvaient traditionnellement pas servir à l’étranger, mais il apparaît que le gouvernement chinois a récemment reconsidéré son approche en ce qui concerne le système de jie diao et a décidé d’étendre le domaine diplomatique au-delà des sources traditionnelles de recrutement. L’exemple le plus important de cette nouvelle approche est illustré par la nomination à la mission chinoise auprès de l’Union européenne de deux professeurs de l’Université de Fudan. [62] Parmi leurs fonctions les plus importantes, ces ‘chercheurs diplomates’ agissent comme une sorte de « tampon » et présentent d’une manière différente les positions chinoises aux publics locaux. Leur travail comporte aussi la participation aux conférences organisées par les think tanks locaux et aux dialogues informels avec les institutions, ainsi que la préparation des interventions publiques de l’ambassadeur. [63] Nous pouvons certainement nous attendre à ce que le gouvernement chinois continue de recourir à l’immense réservoir d’experts en matière de relations internationale dont il dispose en Chine -plus de cinq mille selon un professeur de Fudan- pour continuer à diversifier le personnel de ses missions diplomatiques à l’étranger. [64] Pour le moment, les diplomates de ce système jie diao peuvent être personnellement choisis par l’ambassadeur ou à travers des candidatures formelles.
En dépit des relations étroites entre les think tanks chinois et le gouvernement, il y a un mécontentement global parmi les membres de ces institutions au niveau de l’interaction avec les fonctionnaires. Hormis les consultations de haut niveau entre les directeurs des think tanks et les dirigeants chinois, il semble que les relations soient le plus souvent un processus à sens unique. Les fonctionnaires du gouvernement viennent souvent en délégation pour être informés par les experts des think tanks. [65] Il semble d’autre part que le gouvernement attend de plus en plus des think tanks et essaye de profiter au maximum de leur expertise, recourrant à la méthode millénaire chinoise qui consiste à recueillir une myriade d’informations sur la situation pour dresser un tableau général. Tous les think tanks ont par exemple été chargés de rédiger un rapport destiné directement au Conseil des affaires de l’État avant la visite d’état du Président Obama en novembre dernier, chacun d’entre eux essayant de s’attirer les bonnes grâces des dirigeants en conseillant la bonne approche ou en prévoyant des développements futurs. Le vice ministre des affaires étrangères, He Yafei, aurait briefé les chercheurs au CIIS après la visite du Président Obama, mais il s’agit semble-t-il d’un événement peu fréquent -parce que les « fonctionnaires sont trop occupés » s’est plaint un chercheur du CIIS-. Un expert en affaires européennes nous a aussi rapporté qu’elle a dû insister pour obtenir une rétroaction des fonctionnaires après le sommet UE-Chine. [66]
Cela devrait changer petit à petit puisque le gouvernement chinois semble de plus en plus vouloir prendre en considération les think tanks dans le processus de formation de la politique étrangère. Le concept de développement scientifique lancé par Hu Jintao au XVIIe congrès de Parti en 2007 se répand dans toutes les couches de gouvernement chinois. Dès 2002, les analystes occidentaux ont souligné le fait qu’une politique extérieure chinoise plus pragmatique et un processus de formulation de la politique étrangère plus bureaucratique augmentaient les occasions pour les instituts de recherche d’influencer la politique extérieure. [67] En second lieu, aussi technocratiques que les différents ministères soient devenus, il y a toujours un manque sérieux de capacité du gouvernement sur quelques-unes des questions les plus complexes et les plus importantes de politique étrangère. Par exemple, une grande partie de la délégation officielle chinoise au sommet du climat de Copenhague en décembre 2009 était composée d’experts membres des think tanks. [68] Alors que les autres délégations nationales comportaient quelques experts non-gouvernementaux dans leur équipe, le fait que la délégation chinoise en a eu plus que tout autre, est parlant.
Bien qu’elle ne soit pas totalement débarrassée des dispositifs de contrôle de la propagande officielle, l’interaction entre les think tanks chinois et les médias est devenue plus intensive et les analyses publiées dans les médias sont maintenant plus nuancées que jamais auparavant dans l’histoire de la République populaire. Selon un diplomate occidental, il y a eu une véritable percée l’année dernière dans le traitement des questions de politique extérieure dans les médias et dans la place accordée aux avis donnés par les experts des think tanks. [69]
La couverture par les médias de l’essai nucléaire de la Corée du Nord en mai 2009 a été plus franche que jamais auparavant en Chine et des experts de la péninsule coréenne connus pour leur franc-parler comme Shi Yinhong de l’université Renmin ont eu la liberté de lancer une discussion sur la nécessité ou non de changer la politique officielle de la Chine à l’égard de Pyong Yang. La couverture du processus de révision du Traité de non-prolifération nucléaire a également été plus ouverte. Les commentateurs de politique extérieure dans les médias sont maintenant considérés comme le ‘troisième pouvoir’ en matière de politique étrangère en Chine après les think tanks gouvernementaux et les universités. Ce phénomène est rendu possible par le fait que le public chinois est désormais plus instruit et davantage intéressé par les relations extérieures grâce à l’Internet où les discussions sont riches et souvent animées sur les matières d’actualité touchant à la politique étrangère, allant de la critique de Sarkozy à l’Obama-mania ou à la participation militaire chinoise aux opérations maritimes dans le Golfe d’Aden. Bien que ce ne soit pas l’objet de cette étude, on ne peut guère nier le fait que l’Internet et les innombrables blogs et forums de politique extérieure sont un acteur non étatique actif, émergeant rapidement dans le processus de formation de la politique extérieure en Chine. [70]
Les débats contradictoires dans les médias restent encore rares, même si les experts des think tanks sont plus souvent sollicités pour fournir un support intellectuel aux politiques officielles du gouvernement. [71] A l’automne 2009, le journal Global Times, un des nouveaux outils de la diplomatie publique de Zhongnanhai, a publié une discussion entre experts chinois sur une possible participation de la Chine aux opérations militaires en Afghanistan, un débat qui semble avoir été largement calibré sur la ligne des rédacteurs du journal et celle de leurs maîtres politiques. [72] Mais le fait que de telles questions sont maintenant soulevées dans les médias constitue un pas en avant important. Certaines matières sensibles de politique extérieure demeurent toutefois toujours absentes de la presse et les experts des think tanks sont enjoints de ne pas les commenter ouvertement. Celles-ci incluent la cause du Tibet et des Ouïgours, les problèmes de frontières -particulièrement avec l’Inde- ou les revendications en mer de Chine du Sud.
Interrogés sur la stratégie de leurs instituts dans les médias, la plupart des chercheurs des think tanks chinois sont incertains sur la réponse à donner. Premièrement, parce que leurs tâches principales sont de conseiller le gouvernement et de conduire des études confidentielles ou non-publiques, non d’exprimer leurs idées dans les médias. Deuxièmement, ils ne sont pour la plupart pas formés et pas habitués à parler aux journalistes. Les think tanks chinois n’ont pas été jusqu’ici confrontés à la nécessité de lutter pour obtenir de l’influence politique de la même manière que leurs homologues occidentaux. Les relations entre les experts en matière politique et les journalistes restent toujours, dans une certaine mesure, de nature professeur-étudiant, les premiers acceptant de partager un peu de leur expertise pour permettre aux seconds de faire leur travail. La plupart des experts sont encore payés environ 100 $ pour leurs interviews ou leurs contributions aux articles de presse. Dans le cas des interviews avec un chercheur des think tanks, le rédacteur en chef décide toujours si le contenu restera interne (neibu) ou s’il peut être publié (waibu), le rapport étant d’environ 20 pour 80. [73] Récemment, on a pu noter que les journaux et les magazines sont de plus en plus réceptifs aux idées innovatrices des experts en matière de politique, qui sont alors présentées dans les éditoriaux ou les colonnes d’expert. De plus en plus d’articles ne sont plus censurés dans leur ensemble. Seul le contenu considéré comme interne ‘neibu’ est retiré. [74]
Comme la concurrence entre les experts en matière de politique s’accroît et que les acteurs des médias deviennent de plus en plus audacieux, la relation entre les experts et les journalistes est destinée à devenir beaucoup plus fluide et interactive. Déjà, certains think tanks basés hors de la capitale s’appuient de plus en plus sur leurs contacts avec les médias pour essayer de compenser le manque d’attention qu’ils reçoivent de la part des décideurs de Pékin. Certains des observateurs chinois les plus judicieux de la scène domestique des think tanks précisent néanmoins qu’il est peu probable qu’une interaction sur le modèle occidental entre les experts en matière de politique et les journalistes se développe dans un environnement secret tel que l’est celui de la Chine, pour des raisons à la fois politiques et culturelles. Les experts en politique les plus avisés cultivent leur guanxi avec les fonctionnaires et savent quand employer un mélange d’éloge et de conseil pour que leur message soit entendu. [75] Cette approche fine s’applique également à l’utilisation des déclarations publiques dans la presse, un outil employé parcimonieusement et souvent stratégiquement par les fonctionnaires et les diplomates chinois.
Une concurrence plus dure entre experts en matière de politique étrangère et la compétition pour la reconnaissance pousseront par ailleurs très probablement un nombre croissant d’entre eux à chercher des contacts avec les médias étrangers. Alors que cet instrument d’influence a longtemps été une mesure du prestige pour les think tanks occidentaux, les experts chinois hésitent toujours à parler aux journalistes étrangers ou même aux journalistes des médias plus libéraux basés à Hong-Kong. [76] Tandis que la plupart d’entre eux évoque des difficultés d’expression en anglais et dans les autres langues étrangères, certains admettent également des limitations politiques évidentes. [77] Sur des questions considérées à haute valeur en termes de diplomatie publique par Pékin, les experts sont autorisés, voire encouragés, à diffuser la bonne parole chinoise dans les médias occidentaux. Désireux d’apparaître comme un acteur responsable de la scène mondiale, Pékin essaye par exemple activement de promouvoir ses efforts pour atténuer les effets du changement climatique à travers la voix de ses experts autorisés en matière de politique. [78] En parallèle, il y a également eu une petite mais visible augmentation en Chine de la couverture dans les médias du travail des experts étrangers.
Les experts en matière de politique des universités sont considérés comme étant en dehors du centre d’influence sur les questions de politique étrangère mais certaines personnalités jouissent cependant à la fois d’un niveau élevé de reconnaissance et d’un accès aux décideurs. Chen Jian de l’École pour les études internationales de l’université de Renmin et Shen Dingli de l’École pour les études américaines à l’université de Fudan sont devenus des références incontournables respectivement sur les Nations Unies et dans les études sur les États-Unis et réunissent autour de leur nom des douzaines de chercheurs et de diplômés des universités qui espèrent tirer bénéfice de la réputation de leur mentor. En dehors de ces quelques noms provenant des cinq universités chinoises spécialisées dans les questions de politique extérieure -Beida, Qinghua, Renmin, Fudan et Nankai- qui commencent à bénéficier d’une reconnaissance internationale, les centaines d’autres universités dispersées dans le pays peinent toujours pour se faire un nom sur la scène domestique. Des départements à l’Université du Yunnan et à l’Université du Sichuan investissent dans l’expertise sur l’Asie du Sud-Est et sur le Tibet par exemple, mais ils ne sont pas encore intégrés dans les réseaux et n’ont pratiquement aucune visibilité à Pékin.
Comme nous l’avons déjà remarqué, la figure « du professeur » est forte en Chine, peut-être davantage encore maintenant que les traditions confucéennes sont revenues de mode. De nombreux experts membres des think tanks seraient réellement plus intéressés par le professorat. [79] Le prestige potentiel de cette fonction surpasserait pour eux la perspective d’acquisition d’une plus grande influence en matière politique en travaillant dans les instituts semi-gouvernementaux. Cet état de fait provient également d’un biais très répandu dans les cercles académiques qui considèrent que le travail des think tanks, tourné vers les politiques, a moins de valeur que la véritable recherche académique. Ce phénomène n’est pas spécifique à la Chine et il faut relever que beaucoup de think tanks d’Europe continentale, soit souffrent de la comparaison avec les établissements académiques, soit luttent pour trouver leur place dans le processus politique entre les universités et le gouvernement. [80]
Remarques sur les think tanks et les relations UE-Chine L’établissement de la confiance est un objectif clé de la politique européenne du gouvernement chinois et les think tanks y jouent un rôle de plus en plus important. En 2009, le pouvoir chinois a étonné l’Europe avec une vague d’initiatives provenant des think tanks, comme le Forum global des think tanks sur la crise économique en juillet ou le Forum sur le partenariat stratégique UE-Chine en novembre. De nombreux commentateurs ont déclaré que ces initiatives montrent que le pouvoir chinois considère que ses relations avec l’Europe sont aussi importantes que celles qu’il entretient avec les États-Unis. Cependant, les experts chinois ont au contraire insisté sur le fait que ces initiatives manquaient de substance. Alors que les Américains et les Chinois rassemblent des experts dans des domaines spécialisés (désarmement, stratèges en matière navale, économistes, etc.) pour discuter de ces questions, les Européens se contentent de tenir des réunions entre experts chinois de l’« Europe » et experts européens de la « Chine ». De nombreux experts chinois blâment le fait que l’Union Européenne et la Chine manquent d’intérêts stratégiques communs réels. Ils considèrent que davantage d’attention pourrait être accordé à l’organisation de véritables réunions d’experts, qui pourraient discuter en profondeur des problèmes et renverser la tendance croissante au désenchantement mutuel. Pour la plupart des observateurs chinois cependant, il n’y a guère de raison de s’attendre au développement de dialogues sérieux (Track II) avec l’Europe. Ils considèrent qu’il incombe aux think tanks européens de dissiper le scepticisme répandu actuellement en Chine au sujet de la capacité de l’UE à formuler finalement une politique unifiée cohérente à l’égard de la Chine et de l’Asie. |
D’autre part, à côté des « commentateurs vedettes » provenant de quelques universités choisies, il semble que la majorité des chercheurs en politique extérieure des universités rêvent d’avoir davantage d’influence en politique mais manquent de ressources financières, d’un bon niveau d’accès et d’incitations. Même les universités prestigieuses comme l’Université de Fudan font face à un problème considérable de financement. Dans la plupart des cas, les facultés doivent organiser leur propre collecte de fonds pour leurs activités de recherche et leur budget annuel couvre uniquement leurs activités d’enseignement. [81] Avec seulement trente appels annuels au niveau national pour des projets de recherche pour une communauté spécialisée en relations internationales comptant des milliers d’experts, la concurrence entre les universités pour l’attribution des fonds est féroce, d’autant plus que le Comité national des sciences sociales essaye de répartir ses contrats de recherche d’une manière géographiquement plus équilibrée.Exceptés ces quelques « commentateurs vedettes » en politique extérieure, les professeurs d’université se plaignent du très bas niveau d’interaction avec les fonctionnaires de gouvernement. Les professeurs d’université chinois, à la différence de leurs homologues occidentaux, sont parfois invités à rédiger des rapports de politique (zhengce baogao) pour les décideurs, qui sont alors évalués selon le même système de pishi que celui appliqué dans les think tanks semi-gouvernementaux. Mais le pishi reçu de ces rapports – si important fût-il pour la réputation d’un chercheur - ne compte pas pour sa promotion de carrière, ce qui limite la motivation des praticiens académiques à dépenser du temps et des ressources de recherche à produire des rapports (policy reports), alors qu’ils peuvent préparer des publications pour les revues académiques. Selon certains chercheurs d’université, le gouvernement se rend lentement compte que ce système le prive d’expertises potentielles de haute valeur et une sorte de réforme serait envisagée.
Même si les think tanks chinois ont évidemment des caractéristiques spécifiques qui les différencient de leurs homologues occidentaux, ils ont considérablement évolué au cours de ces dernières années, notamment en termes d’ouverture au public et de contacts avec leurs homologues étrangers.
Parallèlement au développement d’autres composantes de la société civile chinoise -les O.N.G. environnementales ou spécialisées dans la défense des droits sociaux par exemple- les think tanks spécialisés en relations internationales contribuent également de plus en plus à la formation de la politique extérieure chinoise. Cette tendance va probablement s’accélérer étant donné la complexification des questions internationales auxquelles la Chine est confrontée. Les think tanks spécialisés en matière de politique étrangère les plus influents demeurent ceux qui sont les plus proches du gouvernement. Leur marge de manoeuvre tend aussi à augmenter vu le besoin d’idées originales ressenti plus intensément aux échelons les plus élevés de la structure de l’État chinois. L’empreinte de la Chine sur la scène internationale s’accroissant de jour en jour, nous serions avisés de ne pas ignorer cette révolution intellectuelle.
Cet article a cherché à montrer que l’étude des think tanks chinois ouvre de nouvelles possibilités pour la recherche dans le domaine des relations internationales. En termes de typologie par exemple, un examen attentif de ce secteur de la société civile pendant la prochaine décennie nous indiquera probablement si une nouvelle catégorie de think tank « indépendant » voit le jour dans le sillage des quelques exemples que nous avons donnés. En termes de structures de décision politique, nous verrons si la transformation lente du département de planification politique (DPP) en un organe-clé de décision en termes de politique étrangère aura pour conséquence une plus grande influence des analystes et des think tanks sur la formation de la politique extérieure de la Chine. De nombreux diplomates, responsables politiques et chercheurs occidentaux sous-estiment toujours le potentiel et l’apport des think tanks chinois. Nous avons brièvement montré qu’ils ont une influence considérable dans les structures de prise de décision chinoises en matière de politique extérieure. Il serait cependant utile d’approfondir notre connaissance théorique et empirique de cette zone « grise » existant entre le milieu académique et les décideurs en matière de politique extérieure. Pour les observateurs occidentaux, une étude plus approfondie des réseaux formels et informels des think tanks fournira sans doute de nouvelles perspectives sur la formation, les initiatives et les décisions de politique extérieure, ainsi que sur la révolution intellectuelle plus large qui se déploie dans le pays.
Manuscrit clos en mars 2010, Bruxelles
Copyright mars 2010-Bondiguel-Kellner/Diploweb.com
More : Brussels Institute of Contemporary China Studies (BICCS)
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[1] Pour information, le nombre de diplômés des universités en Chine est passé de 10 900 par an en 1978 à presque 1,7 million par an en 2009. D’après le site internet du Ministère de l’éducation chinois.
[2] Lam, Willy (2010), China bones up its cyberwarfare capacity, China Brief, vol. 10, Issue 3.
[3] Comme l’a cependant précisé ce professeur, personne n’avait « aucune illusion (sur le fait) que quelque chose de significatif pouvait être discuté à un ‘si haut niveau’ ». Toutes les personnes interviewées dans les think tanks chinois, les universités et les ambassades occidentales ont généreusement contribué à la recherche des auteurs mais sous condition expresse d’anonymat.
[4] Voir Gries, Peter Hays (2004), China’s New Nationalism : Pride, Politics and Diplomacy, Berkeley, University of California Press, ix-215p.
[5] Voir Leonard, Mark (2008), What does China think ?, London, Fourth Estate, 164p.
[6] En français, il n’y a pas de traduction universellement adoptée de ce terme. Au sens littéral, on parle de « réservoir de pensées », ou, dans une version un peu plus réductrice de « laboratoire d’idées ». En France, les expressions souvent utilisées sont « cercles de réflexion », « groupes de réflexion » ou « groupes de réflexion et d’influence ». On trouve aussi le terme d’« institut indépendant de recherche sur les politiques ».
[7] Voir Meidan, Michal (2007), Les think tanks chinois, conseillers du roi, China Analysis/Les Nouvelles de Chine, n°16, pp. 10-11.
[8] Bessard, Amaury (2009), La production collective de la connaissance en Chine : des Xuehui traditionnels aux think tanks modernes, OFTT, voir : http://www.oftt.eu/horizons/article/la-production-collective-de-la-connaissance-en-chine-des-xuehui-traditionnels-aux-think-tanks-modernes
[10] Shambaugh, David (2002), China’s International Relations Think Tanks : Evolving Structure and Process, The China Quarterly, vol. 171, p. 585.
[11] Zhang, Yuchen (August 10, 2009), Think tank scholar has more fresh ideas than old shoes, Global Times.
[12] McGann, James G. (2010), The Global ‘Go-To’ Think Tanks, The Think Tanks and Civil Societies Program 2009, Think Tanks and Civil Societies Program, International Relations Program University of Pennsylvania, Philadelphia, p. 40 voir : http://www.sas.upenn.edu/irp/documents/2009GlobalGoToReportThinkTankIndex_1.31.2010.02.01.pdf
[13] Entretien avec un expert du SIIS. Shanghai, décembre 2009.
[14] En 2008, le SIIS a été classé parmi les dix plus influents think tanks du monde hors États-Unis par le Think Tanks and Civil Societies Program, Foreign Policy Research Institute de Philadelphie. Voir http://www.fpri.org/research/thinktanks/mcgann.globalgotothinktanks.pdf.
[15] Zhang, Yuchen (August 10, 2009), op. cit.
[16] Voir McGann, James G. (2010), op. cit., p. 31.
[18] Zhang, Hongming (2007), Feizhou yanjiu zai Zhongguo, Papers for the Conference on « Perspectives Growing Africa : From Japan and China, IDE-JETRO, voir : http://swww.ide.go.jp/Japanese/Publish/Download/Kidou/pdf/2007_03_03_2_zhang_c.pdf (en chinois)
[22] Cette université a été fondée en 1955 à l’initiative de Zhou Enlai. Voir le site de cette université www.cfau.edu.cn
[23] Voir Glaser, Bonnie S., Saunders, Phillip C. (2002), Chinese Civilian Foreign Policy Research Institutes : Evolving Roles and Increasing Influence, The China Quarterly, vol. 171, p. 604.
[24] Cabestan, Jean-Pierre (2009), China’s Foreign and Security Policy Decision-making Processes under Hu Jintao, Journal of Current Chinese Affairs, 3, p. 86.
[25] Voir détails pour chacun de ces centres dans http://www.cicir.ac.cn/tbscms/html/jgsz_en.asp?rid=jigou_en
[26] Zhang, Yuchen (August 10, 2009), op. cit.
[27] McGann, James G. (2010), op. cit., p. 40.
[32] Shambaugh, David (2002), op. cit., p. 589.
[34] McGann, James G. (2010), op. cit., p. 40 and p. 30.
[36] Zhang, Yuchen (August 10, 2009), op. cit..
[37] Cheng, Li (2009), China’s New Think Tanks : Where Officials, Entrepreneurs, and Scholars Interact, China Leadership Monitor, n°29, p. 3.
[38] Voir http://www.drc.gov.cn/
[39] Lili Wang, The Brookings Institution (2008), Think Tank in China : Growing Influence and Political Limitations, Washington DC, p. 36.
[40] L’Europe et ses think tanks : un potentiel inaccompli, sous la direction de Stephen Boucher, Etudes & Recherches n°35, Notre Europe, octobre 2004, p. 4 (www.notre-europe.eu/uploads/tx.../etude35-fr_01.pdf)
[41] Cette partie s’appuie essentiellement sur Liao, Xuanli (2006), Chinese foreign policy think tanks and China’s policy towards Japan, Hong Kong, Chinese University Press, passim.
[42] Ibid. p. 60.
[43] Ibid. p. 61.
[44] Ibid. p. 56 et pp. 240-242.
[45] Entretien avec un chercheur de la CASS. Pékin, décembre 2009.
[46] Zhu, Xufeng, Lan, Xue (2007), Think tanks in Transitional China, Public administration and development, vol. 27, Issue 5, p. 454.
[47] Details dans Ibid. p. 456.
[48] Cheng, Li (2009), op. cit., p. 3.
[49] Entretien avec un expert de Chinathinktank.cn. Pékin, décembre 2009.
[50] Entretien avec un expert occidental des think tanks. Pékin, décembre 2009.
[51] Entretien avec un diplomate britannique. Pékin, décembre 2009.
[52] Du personnel du DPP a par exemple accompagné le Premier ministre Wen Jiabao lors de sa tournée européenne en janvier 2009.
[53] Entretien avec un fonctionnaire européen de haut niveau. Pékin, décembre 2009.
[54] Entretien avec un fonctionnaire du DPP. Pékin, décembre 2009.
[55] Entretien avec un expert en politique du SIIS. Shanghai, décembre 2009.
[56] Voir le site Web du ministère des Affaires étrangères de la RPC.
[57] Voir la déclaration du Premier ministre Wen Jiabao : « We should conduct public diplomacy in a more effective way » cité dans d’Hooghe, Ingrid (July 2007), The Rise of China’s Public Diplomacy, Clingendael Diplomacy Papers, n°12, Clingendael Institute, The Hague, p. 4. Voir la déclaration du membre du Politburo et responsable de la Propagande, Li Changchun, lors de la cérémonie du 50e anniversaire de la fondation de CCTV en décembre 2008 : « In this modern era, whichever nation has advanced means of communication and powerful communication capability, it is that nation whose culture and values can spread more widely, and who can more effectively influence the world », cité par Lu Yiyi (2009), Minutes de Regard prospectif sur la Chine- une diplomatie en mutation ?, séminaire sur la Chine, ministère français de la Défense.
[58] Le SIIS a accueilli en 2009 pour la première fois un membre du DPP pour un séjour de deux semaines. Entretien avec un expert du SIIS. Shanghai, décembre 2009.
[59] Entretien avec un expert d’un think tank à Pékin, décembre 2009.
[60] Entretien avec un chercheur du CIIS à Pékin, décembre 2009. Il a été rapporté au cours de l’entretien que quelques membres du think tank ont reçu un très bon pishi après avoir soumis des rapports avec des recommandations politiques pendant la crise UE-Chine à la fin de 2008.
[61] Par exemple, le président actuel du CIIS, Ma Zhengang, a été ambassadeur de Chine au Royaume-Uni.
[62] Selon un chercheur du CIIS, l’ambassade chinoise à Berlin -désireuse d’imiter l’expérience de Bruxelles- a demandé à Pékin l’autorisation d’employer un chercheur de la CASS.
[63] Cette « offensive de charme » (soft power) a si bien fonctionné, que de nombreux diplomates occidentaux ont remarqué que Song Zhe, l’ambassadeur chinois auprès de l’Union européenne, est certainement le représentant d’un pays non membre de l’Union européenne le plus visible à Bruxelles ! Entretiens à Bruxelles, juillet 2008.
[64] Il est également intéressant de noter que cette « offensive de charme » a aussi agi en sens inverse puisqu’un ‘chercheur diplomate’ revenant de Bruxelles aurait convaincu ses collègues de l’importance de l’Union européenne dans les affaires mondiales ! Entretien à Shanghai, décembre 2009.
[65] Le ‘haute saison’ de ce type d’activités est sans surprise située entre mai et octobre. Entretien avec un chercheur du SIIS à Shanghai, décembre 2009.
[66] Entretien avec un chercheur du CIIS à Pékin, décembre 2009.
[67] Glaser, Bonnie S., Saunders, Phillip C. (2002), op. cit., p. 616.
[68] Entretien avec un professeur de Fudan. Shanghai, décembre 2009.
[69] Entretien avec diplomate britannique. Pékin, décembre 2009.
[70] Il est peut-être utile de rappeler au lecteur que la Chine compte la plus grande cyber-communauté du monde avec 384 millions d’internautes et plus de 100 millions de blogs. Site Web du China Internet Network Information, accédé le 5 mars 2010.
[71] Comme le remarque un haut fonctionnaire de l’UE, les think tanks qui critiquaient durement la politique de l’Union à l’égard de la Chine jusqu’au début de l’année dernière participent maintenant à la politique officielle de ‘réconciliation’ et font l’éloge des vertus d’une relation stable et harmonieuse.
[72] Entretien avec un diplomate français. Pékin, décembre 2009.
[73] Entretien avec un journaliste chinois. Bruxelles, été 2008.
[74] Entretien avec un professeur de Fudan. Shanghai, décembre 2009.
[75] Entretien avec un des principaux experts de la plateforme en ligne China Think Tanks – www.chinathinktank.cn – qui se présente comme un des rares think tanks de politique extérieure indépendants en Chine. Pékin, décembre 2009.
[76] Une journaliste du South China Morning Post nous a exprimé sa frustration dans son travail quotidien face au fait que les chercheurs semblent avoir été priés de ne pas échanger leur carte de visite professionnelle avec des membres de son journal. Entretien avec une journaliste du SCMP. Pékin, décembre 2009.
[77] Entretien avec un chercheur du CICIR. Pékin, décembre 2009.
[78] On peut par exemple se référer à Jiang Kejun, responsable de recherche à l’institut de recherche en matière d’énergie du NDRC. Entretien pour l’hebdomadaire français largement diffusé, Le Nouvel Observateur, voir Le Nouvel Observateur (December 3-9th, 2009), « Dix nouvelles centrales par an ».
[79] Entretien avec un diplomate français et un expert membre d’un think tank. Pékin, décembre 2009. Bien que nous manquions des données sur ce phénomène, il semblerait que beaucoup d’experts renommés des think tanks passent dans les universités vers la fin de leur carrière.
[80] Entretiens à Bruxelles, avril 2009. Voir aussi BOUCHER, Stephen, ROYO, Martine (2006), Les think tanks : cerveaux de la guerre des idées, préface de Pascal Lamy, Paris, le Félin-Kiron, 118p. et The Economist (June 7th, 2007), « Not enough thinking on Europe. Charlemagne column ».
[81] Entretien avec un professeur de Fudan. Shanghai, décembre 2009. Il est saisissant de voir la différence en termes de travaux et de niveau d’ambition à l’université de Fudan entre le Centre d’études américaines bien dotée financièrement et politiquement influent d’une part et le Centre d’études européennes d’une part. Plus important encore, les chercheurs travaillant au Centre d’études américaines sont exemptés en réalité de leurs charges d’enseignement.
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