Géopolitique de l’Afrique du Sud. Plus de dix après la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud est, à de nombreux titres, considérée comme un modèle pour les peuples africains. Dotée d’une économie dynamique et d’un poids politique renouvelé, elle peut désormais s’appuyer sur la légitimité morale que lui confère une transition démocratique exemplaire pour étendre son influence à travers le continent et faire entendre sa voix dans le concert des nations. Quelle force représente véritablement l’Afrique du Sud ? De quelles faiblesses souffre-t-elle ? Peut-elle prétendre à un réel leadership en Afrique ? Quels sont les mécanismes de son émergence ? Ce mémoire s’efforce d’aborder ces questions en évoquant d’abord l’histoire succincte des peuples sud-africains, élément indispensable à l’appréhension de la force morale du pays, avant de présenter les ressorts de son économie et d’évoquer ses velléités de puissance, contrariées aujourd’hui par une situation intérieure délicate.
Mémoire rédigé au CID dans le cadre du séminaire « Les pays émergeants dans un monde multipolaire » dirigé par Xavier de Villepin.
SITUÉE À à l’extrémité du continent africain, l’Afrique du Sud est « le monde dans un seul pays » [1] ; formule qui annonce ses différents visages. Celui de Johannesburg, mégalopole du tiers-monde où les banlieues huppées côtoient les ghettos les plus pauvres. Celui du Cap, à l’architecture anglaise et hollandaise issue du temps des colonies et celui de Durban marqué par l’influence indienne. Celui des paysages contrastés, des contreforts du désert du Kalahari aux côtes taillées par les tempêtes en provenance des quarantièmes rugissants, en passant par les sommets neigeux du Drakensberg et le refuge animalier du parc Kruger. Enfin, surtout, ceux de la mosaïque humaine qui occupe le territoire sud-africain. Mosaïque rassemblée, après trois siècles d’une histoire tumultueuse, dans la métaphore de la « nation arc-en-ciel » [2], qui représente le nouveau contrat social conclu par l’ensemble des populations du pays, que l’on dit réconciliées et animées par la volonté commune de construire un projet politique associant l’ensemble des sud-africains. Cette idée est d’abord un défi à relever, celui de l’invention d’une nation sud-africaine.
Pour appréhender le rôle nouveau de l’Afrique du Sud, il faut d’abord s’intéresser au fonctionnement du moteur de l’émergence du pays sur la scène mondiale. Si ses mécanismes s’appuient sur des atouts géographiques et économiques, son essence même réside dans le formidable élan qui a permis la métamorphose politique de la dernière décennie, comme sur la légitimité que lui donne aujourd’hui une société multiraciale qui a été capable de dépasser les souffrances et les haines pour décider de proposer un avenir commun à ses enfants.
Depuis la fin de l’apartheid, la République d’Afrique du Sud (Republic of South Africa – RSA) est, à de nombreux titres, considérée comme un modèle pour les peuples africains. Dotée d’une économie dynamique et d’un poids politique renouvelé, elle peut désormais s’appuyer sur cette légitimité morale pour étendre son influence à travers le continent et faire entendre sa voix dans le concert des nations.
Quelle force représente véritablement l’Afrique du Sud ? De quelles faiblesses souffre-t-elle ? Peut-elle prétendre à un réel leadership en Afrique ? Quels sont les mécanismes de son émergence ? Cette étude s’efforce d’aborder ces questions en évoquant d’abord l’histoire succincte des peuples sud-africains, élément indispensable à l’appréhension de la force morale du pays, avant de présenter les ressorts de son économie et d’évoquer ses velléités de puissance, contrariées aujourd’hui par une situation intérieure délicate.
Si Desmond Tutu, prix Nobel de la Paix en 1984, a surnommé l’Afrique du Sud « la Nation Arc en Ciel », c’est pour évoquer l’extrême diversité de sa population qui, selon le vœu de l’ancien archevêque du Cap, doit désormais vivre en harmonie, laissant dans son sillage la longue histoire de ségrégation et de souffrances dans laquelle s’inscrit cette diversité. La société sud-africaine souffre encore et pour longtemps, nous le verrons plus loin, de l’existence en son sein de nombreuses fractures. Cependant l’évolution qu’elle a connu au long des quinze dernières années semble presqu’inespérée au regard de la situation qui était la sienne à la fin des années 1980. Elle représente, à travers le monde et particulièrement en Afrique, l’exemple, porteur d’espoir, de la capacité d’un peuple à prendre en main son destin et à dépasser, avec sagesse et pragmatisme, les difficultés anciennes pour tenter de construire une société nouvelle et harmonieuse et la doter d’un futur viable. Et si la RSA possède de nombreux autres atouts, notamment géographiques et économiques, le rôle grandissant qu’elle joue sur la scène internationale est fortement facilité par la légitimité qu’elle tire d’une métamorphose politique réussie après les années d’apartheid. Métamorphose qui a libéré le formidable potentiel du pays. Ses élites, qu’elles soient blanches ou noires, anglophones ou afrikaner, métisses ou d’origine asiatique, professent désormais avec un égal enthousiasme la vocation naturelle de leur pays à se poser en guide et en modèle du sous-continent noir en particulier, et de l’Afrique en général [3].
Ce messianisme géopolitique, signe de l’émergence de l’Afrique du Sud, ne peut se comprendre sans avoir abordé l’histoire des peuples de ce pays aux multiples apparences. Elle tient de l’épopée, avec ses exploits et ses horreurs. Marquée par les émancipations successives de la tutelle coloniale, elle se caractérise par une forte influence européenne, elle-même très largement soumise aux réalités africaines. C’est l’histoire de la création d’une véritable mosaïque, aujourd’hui constitutive de la « Nation Arc en Ciel » que Desmond Tutu appelle de ses vœux.
CONSTITUTION D’UNE MOSAIQUE
Le particularisme de la République d’Afrique du Sud réside aujourd’hui en grande partie dans son extraordinaire diversité humaine [4]. En ce début de XXIème siècle, le pays compte 47,5 millions d’habitants [5] répartis sur 1 220 000 kilomètres carrés (le double de la superficie de la France). La population peut être schématiquement répartie en quatre grands groupes : Noirs (76% divisés en une dizaine d’ethnies), Blancs (13%), Métis (8,5%) et Indiens (2,5%). Classification –discutable et incomplète- qui tire ses origines dans la politique d’apartheid mise en place au milieu du XXème siècle. Cette diversité est issue de trois siècles d’interaction entre populations d’origine européenne, peuples noirs et travailleurs issus du continent asiatique.
Naissance d’un pays
Ce sont les navigateurs portugais Bartolomeu Dias puis Vasco de Gama qui, en 1488 et en 1497, découvrent les terres australes du cap des Tempêtes, rebaptisé ensuite cap de Bonne-Espérance, et la future province du Natal. L’implantation des Blancs débute véritablement au XVIIème siècle avec la fondation de la ville du Cap en 1652 par les hommes de la Compagnie des Indes orientales hollandaise (VOC). La mise en valeur des terres arables de la région leur vaut le surnom de « Boers » (paysan). La colonie grandit rapidement, renforcée notamment par l’arrivée de réfugiés huguenots, dont la trace demeure au travers de nombreux patronymes d’origine française.
Les besoins en main d’œuvre entraînent par ailleurs l’importation d’esclaves à partir de l’Orient (Malaisie, Java, Inde), de l’océan indien (Madagascar) et d’Afrique. Dans la région du Cap vivent également les Khois (ou Hottentots). Des relations ancillaires entre les premiers Blancs et ces populations émerge un groupe ethnique distinct, celui des Métis, les Coloured, qui sont aujourd’hui environ 4 millions, parlent l’afrikaans et sont majoritairement chrétiens.
Au début du XIXème siècle, les guerres napoléoniennes confèrent une dimension stratégique au Cap. Les Pays-Bas cèdent la colonie à l’Angleterre qui y installe une forte communauté. Deux idéologies antagoniques s’affrontent : les Boers s’attachent à des convictions héritées du XVIIème siècle (prééminence de la religion, suprématie de l’homme blanc). Les Britanniques défendent les idées plus libérales qui prévalent alors en Europe, l’abolition de l’esclavage et l’instauration d’un régime démocratique. Les relations entre les deux communautés s’enveniment et les Boers quittent en masse la province du Cap, fuyant la tutelle britannique pour ériger un Etat indépendant. C’est l’épopée du Grand Treck, mythe fondateur qui façonne un pilier du nationalisme afrikaner : celui du peuple à la recherche de sa terre promise ; celui du « paysan courageux, d’une piété sans faille, armé, pour se défendre, d’une bible et d’un fusil » [6]. L’antagonisme entre Afrikaners et Anglophones est aggravé par la découverte de colossaux gisements diamantifères et de filons d’or qui provoque un nouvel afflux britannique. Il aboutit à deux guerres qui renforcent ce nationalisme afrikaner, un sentiment profond de peuple élu, façonné dans la douleur, qui alimente plus tard l’idéologie de l’apartheid.
Afrikaners et Anglophones se réconcilient après la guerre des Boers (1899-1902). L’adoption en 1925 de l’afrikaans (proche du néerlandais) comme langue officielle au même titre que l’anglais raffermit la cohésion d’une communauté blanche forte aujourd’hui de 5,9 millions de personnes, dont 40% sont anglophones. L’accord tacite entre les deux communautés abouti finalement à une forme de partage du pouvoir jusqu’en 1994 : la politique aux Afrikaners, l’économie aux Anglophones.
Mais la mosaïque sud-africaine est également dessinée par d’autres évènements.
Un réceptacle humain
Parallèlement à l’arrivée par le Sud des populations blanches originaires d’Europe, on assiste en effet au XIXème siècle à l’implantation de peuplades noires issues du Nord. Elle se fait dans un climat d’une extrême violence, au gré des secousses d’une histoire particulièrement troublée. Les Khoisans demeurent les seuls véritables autochtones d’une région qui se présente comme un réceptacle humain [7], creuset ethnique diversifié composé des communautés noire, blanche et métisse auxquelles viennent s’ajouter les coolies indiens engagés par les Britannique dès 1860.
L’expansion afrikaner et britannique se heurte aux tribus qui descendent de la région des Grands Lacs et se sédentarisent. Parmi elles, les Xhosas sont rapidement alphabétisés. L’ouverture en 1916 de l’université de Fort Haré favorise leur occidentalisation. Leur instruction leur permet plus tard de jouer un rôle important au sein des organisations politiques et syndicales, à l’instar de Nelson Mandela et de Thabo Mbeki.
Les Zoulous, eux, affrontent violemment les colons blancs à de nombreuses reprises, ainsi que d’autres ethnies comme les Ngwanes, les Tswanas, les Sothos ou les Xhosas. Ces guerres bouleversent la géographie humaine de la région et la forte expansion zouloue du XIXème siècle contribue à la construction d’un mythe aujourd’hui encore profondément scellé dans la conscience collective d’une population qui, avec 12,5 millions de personnes, forme le peuple le plus important d’Afrique du Sud.
Les 32,8 millions de personnes qui constituent aujourd’hui la société noire forment un ensemble extraordinairement complexe et multiforme. Les dissimilitudes sont saisissantes dans la dizaine d’ethnies, chacune composée d’une myriade de clans et de tribus aux coutumes et aux dialectes différents et aux mentalités souvent antagonistes [8]. La communauté noire demeure fissurée par des rivalités intestines héritées du passé ; notamment par celles qui ont longtemps opposées Zoulous et Xhosas et que l’on retrouve dans l’opposition entre le parti zoulou Inkatha Freedom Party (IFP) et l’African National Congress (ANC).
Si la population blanche est initialement marquée par les antagonismes entre Afrikaners et Anglophones, elle a accueilli une forte communauté juive dès le milieu du XIXème siècle. Celle-ci devient le principal gestionnaire de la puissance économique, en dépit de l’antisémitisme notoire des Afrikaners. La communauté juive sud-africaine possède aujourd’hui une aura qui dépasse largement le sous-continent austral et a joué un rôle crucial dans le maintien des liens entre la République d’Afrique du Sud et Israël pendant les années d’apartheid [9].
Aux grands ensembles de peuples issus des mouvements succinctement décrits plus haut viennent s’ajouter, dans la communauté blanche, les émigrés portugais qui ont rejoint l’Afrique du Sud dans les années 1970 à partir des anciennes colonies lusophones (Angola et Mozambique) et les émigrés en provenance des pays de l’ancien bloc de l’Est, notamment de Pologne, de Hongrie, de Roumanie et de Tchécoslovaquie.
La communauté indienne, quant à elle, est issue d’une société de castes établie massivement, nous l’avons vu, dans la région de Durban entre 1860 et 1911. Les descendants des travailleurs des plantations de canne représentent aujourd’hui 2,6% de la population sud-africaine et sont pour la plupart Hindous (70%) ou musulmans (20%).
La société sud-africaine forme donc un étonnant kaléidoscope ethnique. Il s’est constitué au gré d’affrontements sanglants et de luttes sans merci, qui ont durablement marqué les esprits et les cœurs des peuples. Il est longtemps dominé politiquement et socialement par la minorité blanche, essentiellement afrikaner, qui, pour maintenir sa prééminence mais aussi pour des raisons socio-culturelles et religieuses, met en place au début du XXème siècle puis à partir de 1948 les principales mesures de l’apartheid, basées sur la ségrégation raciale (Land Act, Immorality Act, Population Registration Act, Group Area Act, etc). Pour perpétuer la domination blanche, « les idéologues de la seconde moitié du XXème siècle [vont] jusqu’à sacrifier à l’ordre racial l’intégrité territoriale » [10] (création des Bantoustan). Mesures qui conduisent à l’isolement progressif de l’Afrique du Sud sur la scène mondiale, la plongeant dans un tourbillon de condamnations internationales et de contestation noire dont elle met près d’un demi-siècle à se dépêtrer.
LA METAMORPHOSE POLITIQUE
L’institutionnalisation de la ségrégation raciale est mise en place progressivement. Le 10 mai 1961, l’Afrique du Sud devient une république. La même année, elle quitte le Commonwealth. Les deux décennies suivantes sont marquées par les émeutes noires [11], par la contestation politique et par le repli du pays sur lui-même sous la pression internationale [12]. En 1964, les principaux chefs de l’ANC, Walter Sisulu, Nelson Mandela et Govan Mbeki (le père du président actuel) sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Ces arrestations ne découragent pas les opposants de l’apartheid qui entament au début des années 1970 une véritable guerre contre Prétoria. De son côté, le gouvernement n’hésite pas à développer un impressionnant appareil répressif pour lutter contre ces mouvements de contestation.
Ces combats politiques, le sentiment d’humiliation ressenti pas les communautés non-blanches victimes de la ségrégation, qui se heurtent à la fermeté d’afrikaners viscéralement attachés à une terre conquise au prix du sang, laissent craindre une explosion de violence et le plongeon dans le chaos quand, en 1989, sont esquissées les premières réformes. C’est pourtant à une métamorphose politique que, dans ce contexte, on peut qualifier d’exemplaire et totale, à laquelle on assiste dans les années qui suivent. Cette mutation donne aujourd’hui à la République d’Afrique du Sud une véritable légitimité sur la scène internationale. Elle n’hésite d’ailleurs plus à dispenser conseils et leçons de morale à travers le continent noir et à prendre la tête, forte de l’exemple qu’elle offre, de mouvements ambitieux comme le nouveau partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD). La transformation qui est aux sources de cette émergence dans le concert des nations mérite donc d’être rapidement étudiée.
La prise de conscience du pouvoir blanc
Si l’abandon de l’apartheid et la mise en place, en quelques années, d’un système démocratique nettement plus égalitaire que celui qui a prévalu pendant près d’un siècle tient de la révolution, celle-ci trouve son origine dans la prise de conscience du pouvoir blanc, qui n’a pas vraiment abdiqué sous la pression de la violence mais a plutôt réalisé l’impérieuse nécessité de faire évoluer le système politique. « S’adapter ou mourir », selon la formule de Piether Botha, chef du gouvernement des premières réformes (1983).
Un rempart devenu inutile
Aux yeux de ses défenseurs, l’apartheid trouve, au cours de la Guerre Froide, une justification dans la situation de citadelle assiégée que connaît l’Afrique du Sud, régionalement confrontée à des régimes soutenus par l’URSS (notamment en Angola). Le gouvernement se pose en rempart austral du camp occidental et la collusion patente entre l’ANC et le parti communiste sud-africain (SACP) fournit au régime une raison supplémentaire au maintien d’une politique de ségrégation. Mandela, qui fut avant tout un militant nationaliste, avoue combien pour lui « l’appel du marxisme à l’action révolutionnaire était comme une musique aux oreilles d’un combattant de la liberté » [13]. La chute de l’empire communiste en 1991 retire donc à l’apartheid une de ses principales justifications.
Lassitude et évolution sociologique
Le rôle des sanctions internationales dans l’abandon de l’apartheid réside principalement dans la prise de conscience par les populations blanches de l’isolement idéologique de leur pays, qui provoque chez elles une certaine lassitude. Dans ce domaine, l’exclusion de l’Afrique du Sud des grandes manifestations sportives (Jeux Olympiques, compétitions de rugby, coupe du monde de football) frappe les esprits d’une société où le sport tient une place particulièrement importante.
Avec la priorité qui leur était accordé à l’embauche, l’apartheid a longtemps été un instrument de la préservation de l’emploi des Blancs. Elle permet ainsi l’émergence dans les années 1980 d’une classe moyenne et supérieure. Celle-ci réalise alors qu’il lui vaut mieux préserver son niveau de vie dans un Etat qu’elle ne contrôle plus, mais qui est libéré des sanctions internationales, plutôt que gouverner un pays en déclin [14]. Dès lors, les slogans boers ségrégationnistes perdent de leur force et Afrikaners et Anglophones s’accordent en une alliance tacite pour modifier les institutions et mettre ainsi fin à l’ostracisme de l’Occident.
L’évolution démographique
Aux raisons politiques et sociologiques de la prise de conscience de la communauté blanche vient s’ajouter l’évolution démographique du pays. Celle-ci se manifeste par la marginalisation des Blancs [15] et par l’urbanisation anarchique des quartiers noirs, les townships, véritables ghettos et lieux d’émeutes qui déstabilisent le pays.
Si le régime demeure fort et peu sensible aux actions de déstabilisation, il se sait impuissant face à de telles évolutions et réalise l’absurdité d’exclure une majorité noire de plus en plus enfiévrée [16].
La sagesse de Mandela
Soumis à ce mélange de force et d’impuissance, le régime de Pretoria peut (il est conscient de sa stabilité), doit (il ne peut empêcher les évolutions), engager un processus de négociation qui sera majoritairement approuvé en 1992 par les électeurs blancs et mènera au transfert du pouvoir à la majorité noire. Le premier ministre Frederik de Klerk trouve en la personne de Nelson Mandela, libéré en 1990, l’interlocuteur idoine qui, en excluant d’emblée le terme de « vengeance » de son vocabulaire politique, sait donner les garanties nécessaire à l’aboutissement des négociations. Au terme de 27 années d’emprisonnement, Mandela exprime ce qui devient le fondement de la mutation politique exemplaire de son pays : « L’oppresseur doit être libéré tout comme l’oppressé. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité ». Après avoir reçu avec Frederik de Klerk le prix Nobel de la Paix en 1993, il est élu président de l’Afrique du Sud en 1994 lors du premier scrutin multiracial de l’histoire du pays et fait adopter une nouvelle Constitution très inspirée par la déclaration des Droits de l’Homme. Refusant tout autant l’amnésie que le principe d’un procès vengeur, il confie en 1996 à Desmond Tutu la mise en place de la commission Vérité et Réconciliation. Celle-ci, en proposant l’amnistie en échange de leurs aveux aux auteurs des crimes politiques des deux bords, permet surtout aux victimes, longtemps privées de paroles, de témoigner.
En quelques années, l’Afrique du Sud a donc opéré un chambardement politique exemplaire, passant, sans sombrer dans une spirale de vengeance source de nouvelles oppressions, d’une organisation sociale et politique ouvertement injuste et inéquitable à une société « arc en ciel » où chacun jouit –en théorie- des droits légitimes inhérents à toute démocratie. Ce changement pour le meilleur a « racheté le siècle » [17] et fait souffler un vent de détente et d’espoir en Afrique. La route d’une nouvelle influence sud-africaine s’est ouverte avec le franchissement de « ce cap de Bonne-Espérance [qui] a forgé le socle du défi sud-africain » [18].
Après l’élection de Thabo Mbeki à la présidence de la république en juin 1999, suivie de sa réélection en avril 2004, la République d’Afrique du Sud peut désormais s’appuyer sur la légitimité qu’elle tire de l’expérience de cette transition démocratique -qu’elle n’hésite pas à ériger en modèle- pour conforter une émergence qui bénéficie du dynamisme économique du pays.
Une des premières données générales importantes à analyser sur l’Afrique du Sud est sa place dans les rapports de forces économiques mondiaux.
Jusqu’au démantèlement de l’apartheid, l’Afrique du Sud a souffert d’un ensemble de sanctions internationales, appelées de leurs vœux par l’ANC dès les années 1950 et mises en place au milieu des années 1970, après les émeutes de Soweto. Cependant, l’embargo sur les ventes d’armes issu de la résolution 418 de l’ONU, la politique de désinvestissement des années 1980 appliquée par les pays occidentaux sous impulsion américaine ou le boycott partiel des produits sud-africains n’ont pas toujours réussi à affecter le dynamisme d’une économie forte de nombreux atouts. Les difficultés rencontrées ont même parfois servi de stimulant à la créativité sud-africaine, incitant le pays à développer lui-même les capacités qui lui étaient refusées et à contourner les sanctions imposées.
Cependant, « après tant d’années d’autarcie, l’Afrique du sud a fait le pari de la mondialisation. La reconversion de l’appareil productif – au prix de centaines de milliers de licenciements visant à le rendre plus compétitif – et la libéralisation des échanges ont favorisé son intégration dans l’économie mondiale » [19]. Le pays se positionne désormais comme un des premières puissances économiques d’Afrique, avec le PIB le plus élevé du continent (274 milliards de dollars en 2007, le quart du PIB africain, deux fois celui du Nigeria). Depuis plusieurs années la RSA fait même preuve d’un expansionnisme économique continental qui alimente les soupçons d’hégémonisme chez ses voisins.
A l’instar de l’ensemble du pays, l’économie sud-africaine présente de forts contrastes. Elle apparaît comme celle d’un pays développé par son PNB, la taille et le dynamisme de ses entreprises, sa puissance financière et la qualité de ses infrastructures. D’autres facteurs, comme le PNB par habitant [20], l’inégale répartition des richesses ou la nature des exportations (forte part des matières premières) la classent dans la catégorie des économies des pays émergents.
Quelle que soit sa classification, la crédibilité et la puissance économique de l’Afrique du Sud constituent un indéniable facteur de puissance. L’économie sud-africaine, qui est de loin la plus avancée d’Afrique, s’appuie sur les atouts naturels du pays pour assoir son influence sur le continent et s’intégrer dans le concert mondial.
D’INDENIABLES ATOUTS
Les atouts de l’économie sud-africaine reposent sur l’exploitation intelligente d’une géographie parfois contraignante, sur une agriculture diversifiée, sur d’importantes ressources minières, sur un tissu industriel solide, sur un secteur de services dynamiques [21] et sur un effort notable en recherche et développement. Autant de caractéristiques qui attirent les investisseurs étrangers.
Contraintes et atouts de la géographie - Infrastructures
La réussite significative de l’Afrique du Sud peut faire oublier les multiples handicaps d’une région qui offre peu de conditions propices au développement économique. Notamment par son relief parfois escarpé, par l’aridité qui règne sur une grande partie du territoire, par la faiblesse du réseau hydraulique ou encore à cause des tempêtes de l’Atlantique sud qui viennent battre ses côtes (le cap de Bonne-Espérance était baptisé « cap des Tempêtes » par les navigateurs portugais de la fin du XVIème siècle). Le désert qui s’étend dans toute la partie ouest du pays et le massif montagneux du Drakensberg réduisent l’espace habitable au tiers de la superficie totale du pays, la surface agricole ne dépassant pas 11% du territoire et les forêts n’en recouvrant que 4% [22]. Enfin, plus de 60% du territoire est fréquemment soumis à la sécheresse. Cependant, la position de la RSA à l’extrémité du cône sud du continent africain lui offre également quelques atouts.
Au large de ses côtes passe, en effet, un axe majeur du commerce international. Les conditions météorologiques particulièrement instables des 40èmes rugissants forcent les 27 000 navires qui transitent chaque année dans la zone (le tiers du commerce maritime mondial) à serrer les rivages sud-africains. La fréquentation de cette route permet au pays de disposer des installations portuaires les plus grandes et les plus modernes d’Afrique. Sept ports de commerce jalonnent les 2 900 km de côtes sud-africaines : Richards Bay (vraquier) et Durban (plurifonctionnel) dans la province du KwaZulu-Natal, East London et Port Elizabeth dans la province orientale du Cap, Mossel Bay, Cape Town et Saldanha Bay dans la province occidentale du Cap. Au service d’un vaste et riche arrière-pays et connectés à des routes maritimes fréquentées, ils forment une véritable « façade portuaire » [23] dont le trafic total équivaut à celui de Singapour, premier port du monde.
Les voies de communication les plus performantes de l’Afrique australe traversent le pays. L’Afrique du Sud contrôle ainsi 60% du réseau ferroviaire de la région et près du quart de celui du continent. Le réseau routier, d’une qualité souvent comparable aux standards occidentaux, est également le meilleur d’Afrique. Ces voies aboutissent aux ports sud-africains, points d’entrée et de départ de l’essentiel des échanges entre la région et le reste du monde. Par ces infrastructures, dignes de celles des pays développés, transitent également les produits d’un secteur agricole particulièrement dynamique.
Une agriculture diversifiée
A la grande diversité du climat en Afrique du Sud répond celle de son agriculture, qui, grâce à un ambitieux programme de recherche agronomique et d’irrigation, a connu la plus importante réussite en Afrique et fait du pays le grenier alimentaire du continent [24].
Dans la région du Cap, le blé, la vigne (6ème production viticole mondiale), les agrumes, les légumes et les fruits bénéficient d’un climat méditerranéen. Le climat tropical des côtes du Natal favorise la culture des avocats, des bananes, des mangues et de la canne à sucre. L’intérieur des terres est dévolu à l’agriculture intensive de légumes et de céréales, quand les régions semi-arides des hauts plateaux du Veld sont exploitées par les éleveurs d’ovins et de bovins.
Le pays est non seulement auto-suffisant, mais il se place dans le monde parmi les six premiers exportateurs nets de produits alimentaires. Sa situation dans l’hémisphère sud lui permet de profiter de l’inversion des saisons pour répondre à la demande hivernale des marchés européen et américain et occuper la troisième place mondiale des exportateurs de fruits. C’est également le 5ème exportateur de pâte à bois, le 6ème de maïs, le 8ème pour la laine et le 15ème pour le sucre (la société Illovo Sugar est la premier producteur de sucre en Afrique) [25].
A ces ressources agricoles habilement exploitées vient s’ajouter, dans la liste des atouts sud-africains, une généreuse géologie.
La manne minière
L’Afrique du Sud bénéficie, en effet, d’une manne minière qui, à l’heure de la course mondiale aux matières premières, est une véritable bénédiction pour son économie et contribue pour près de 10% au revenu national. Son sous-sol recèle une importante partie des réserves planétaires de titane (30%, 1er rang mondial), d’or (40%, 1er rang mondial), de chrome (54%, 1er rang mondial), de platine (70%, 1er rang mondial), de vanadium (45%, 1er rang mondial), de diamant (24%, 2ème rang mondial), ou encore de manganèse (82%, 1er rang mondial), ainsi qu’une multitude d’autres produits plus ou moins rares et précieux (uranium, fer, plomb, zinc, charbon, argent, étain, zirconium, vermiculite, etc.) qui lui confèrent une importance stratégique et constituent un atout de taille sur le plan économique.
Ces ressources lui ont permis de fonder plusieurs multinationales comme la De Beers, leader sur le marché des diamants, Goldco (or), ou encore l’Anglo American plc, qui est le deuxième groupe minier mondial. A leur tour, ces grandes entreprises ont contribué au développement industriel du pays dans tous les secteurs.
Dynamisme de l’industrie et des services
Une politique orthodoxe
En dépit d’une idéologie à dominante initialement marxiste, le gouvernement de l’ANC a mené depuis son arrivée au pouvoir une politique économique orthodoxe d’inspiration libérale saluée par le FMI. Pour la première fois en soixante ans, le pays a connu une croissance économique continue sur dix ans avec un record à 5,1% en 2005. L’abaissement du coût des facteurs de production (énergie, transports, rigidité du marché du travail) est une priorité affichée du second mandat de Thabo Mbeki, de même que l’intégration de l’économie informelle dans le circuit de la première économie.
Une industrie dynamique
Depuis la fin de l’apartheid, l’industrie sud-africaine confirme son dynamisme dans de nombreux secteurs comme, nous l’avons vu, la production de métaux de base et de leurs dérivés, mais aussi la chimie, le papier, la téléphonie (sociétés MTN et Neotel), les composants automobiles ou encore l’énergie, avec la société Eskom qui produit plus de la moitié de l’électricité consommée en Afrique. Aspen Pharmacare, le plus grand groupe pharmaceutique côté à la bourse de Johannesburg (2 milliards de rands de capitalisation) [26], est le premier producteur de médicaments génériques et d’antirétroviraux de l’hémisphère sud.
L’industrie d’armement n’est pas en reste et demeure - de loin - la plus puissante du continent. Le complexe militaro-industriel sud-africain fait preuve d’une étonnante modernité, malgré la pression exercée pendant des années par la communauté internationale. Celle-ci a paradoxalement poussé le régime ségrégationniste de Pretoria à développer lui-même les moyens qu’il jugeait indispensables à sa survie, de l’hélicoptère de combat à la bombe atomique en passant par le missile antichar. Les gouvernements post-apartheid ont confirmé le maintien d’une industrie forte, incarnée aujourd’hui par le missilier Denel Aerospace Systems.
Attrait touristique
Forte de ses paysages et de sa faune (dix-huit parcs nationaux, plus de 300 réserves naturelles), l’Afrique du Sud est le pays le plus visité du continent et l’industrie touristique, secteur en plein essor marqué par l’empreinte du groupe Sun International dont le rayonnement est mondial, dépasse aujourd’hui 5% du PIB sud-africain. Les 10 aéroports internationaux participent à cette croissance en accueillant 23 millions de passagers chaque année.
Créativité
De nouveaux secteurs d’activité se sont également développés au cours de la dernière décennie. Le Cap est ainsi devenu l’un des principaux pôles mondiaux de la création publicitaire et artistique. L’absence de fuseaux horaires avec l’Europe, l’inversion des saisons, la diversité des populations constituent de précieux atouts en termes de créativité et de communication [27].
Des services efficaces
Enfin, le secteur des services se caractérise par son haut niveau de développement. Les marchés financiers et monétaires sont solidement établis autour d’une banque centrale basée à Pretoria (la SA Reserve Bank), de dix grandes banques nationales et d’une cinquantaine d’établissements internationaux. Avec une place financière référencée dans les marchés émergents (Johannesburg figure parmi les dix premières places mondiales) et un marché de capitaux ouvert, la RSA fait, dans ce domaine également, figure de locomotive en Afrique [28].
L’Afrique du Sud conforte ces atouts en fournissant un effort significatif en matière de recherche et de développement.
Recherche et développement
La puissance sud-africaine réside en effet également dans la maîtrise des technologies de pointe et dans un potentiel scientifique pour partie hérité des années d’apartheid, qui ont poussées Pretoria à développer ses propres savoir-faire afin de limiter l’impact des sanctions internationales. La haute qualité de l’enseignement scientifique s’allie à d’importants investissements publics et privés (1% du PNB en 2008, de loin les plus élevés d’Afrique) pour attirer des savants du monde entier (notamment de l’ex bloc de l’Est). Elle permet aux organismes de recherche sud-africains de rayonner aujourd’hui bien au-delà des frontières du pays et de se distinguer par de nombreuses découvertes, notamment dans les domaines hydraulique, alimentaire, de la radiation cosmique ou de la géophysique. L’Atomic Energy Corporation (AEC, équivalent du Commissariat à l’énergie atomique français) a permis à la RSA de devenir - avec l’aide d’Israël - une puissance nucléaire dans les années 1970, avant de démanteler sa filière militaire en 1996. Le pays possède à Koeberg une centrale nucléaire et envisage de se doter d’un nouveau parc pouvant atteindre douze centrales en 2025. La médecine sud-africaine est, quant à elle, la meilleure d’Afrique. Après s’être distinguée par la première transplantation cardiaque du monde (professeur Barnard en 1967), elle fait bénéficier l’ensemble du continent de ses recherches sur la malaria ou sur la maladie du sommeil. En outre, grâce à son expérience dans l’extraction, le pays est le leader mondial dans l’aménagement de l’environnement souterrain. Il a également investit dans le domaine spatial (suivi de satellites et interprétation de données).
Investissements étrangers
La crédibilité et la puissance économiques de la République d’Afrique du Sud constituent un indéniable facteur de sa puissance et contribuent à son assise sur la scène internationale. Elles se mesurent également à l’aune des investissements directs étrangers (IDE) au sein de l’économie.
S’agissant des relations franco-sud-africaines, le président Jacques Chirac expliquait, à l’occasion du Forum économique franco-sud-africain de 1998, que la France, dont l’approche était « emprunte de confiance », était prête à « constituer pour l’Afrique du Sud un partenariat privilégié ». Lors de sa visite au Cap le 28 février 2008, le président Nicolas Sarkozy a évoqué des « relations exemplaires, équilibrées,…décomplexées » qui font de la RSA le premier partenaire économique de la France en Afrique. Visite durant laquelle le chef d’Etat français a signé avec Thabo Mbeki des accords dans les domaines de l’énergie, des transports, de la science et du tourisme.
La France n’est pas le seul Etat à faire ainsi confiance à l’Afrique du Sud. Dès l’an 2000, le pays figurait au troisième rang des IDE en Afrique, avec 961 millions de dollars, précédé par l’Angola et le Nigéria dont le volume des IDE était démesurément gonflé par l’apport massif de capitaux pour l’exploitation du pétrole. Dopée par ses ressources en matière première, par sa compétitivité et par la croissance mondiale, elle occupait la première place en 2005 avec 6,4 milliards de dollars [29] et dépassait les IDE en Inde.
A bien des égards, l’économie sud-africaine soutient la comparaison avec celle des pays les plus développés. Elle présente aussi les défauts d’une économie de pays émergent (fortes distorsions sociales, main d’œuvre noire peu qualifiée, population autochtone peu solvable). Pour autant, elle demeure de loin la plus forte du continent africain et ses fondamentaux économiques globalement sains font d’elle une porte d’accès privilégiée des capitaux vers le reste de l’Afrique sub-saharienne. Phénomènes qui expliquent son hégémonie régionale et ses ambitions d’expansion continentale.
UN GEANT EN SON CONTINENT
L’Afrique du Sud, dont le territoire ne recouvre que 3,75% de l’Afrique et dont la population n’en représente que 6%, fait figure de géant économique à l’échelle du continent. Son PIB représente en effet 25% de celui de l’ensemble de l’Afrique, 33% de celui de l’Afrique subsaharienne et 75% de celui d’Afrique australe. La RSA s’appuie sur sa prééminence régionale pour étendre sa suprématie à l’ensemble du continent. Actrice de premier plan, elle se trouve aujourd’hui face au paradoxe de la méfiance des pays d’Afrique qui la soupçonnent de visées hégémonique, tout en cherchant à s’associer avec elle.
Hégémonie régionale
« L’intégration économique en Afrique est asymétrique et polarisée autour l’Afrique du Sud » [30]. Le pays entretient d’étroites relations économiques avec ses voisins, mais celles-ci sont, à bien des égards, à sens unique. La force de l’économie sud-africaine et l’étroite dépendance dans laquelle elle les tient n’est pas sans créer tensions et inquiétudes parmi ses partenaires africains.
Intégration ou domination ?
La zone d’échange d’Afrique australe ressemble aujourd’hui, pour l’Afrique du Sud, à un confortable pré-carré. Les relations économiques et commerciales privilégiées que l’Afrique du Sud entretient avec ses voisins s’inscrivent dans des organisations régionales qu’elle domine largement.
Relations privilégiées avec ses voisins directs d’abord, comme la Namibie, le Bostwana et les Etats enclavés du Lesotho et du Swaziland. Ces quatre pays forment avec la RSA la Southern African Customs Union (SACU), dont l’objectif est d’abolir les droits de douane entre les pays membres. L’organisation constitue en fait un marché captif entièrement dominée par l’Afrique du Sud, qui représente 90% du PNB de l’ensemble et lui dicte sa politique commerciale. Les capitaux sud-africains contrôlent les mines de diamant et d’uranium namibiennes ou encore celles du deuxième producteur mondial de diamant, le Bostwana. Les fonds d’Afrique du Sud tiennent des pans entiers des économies de ces pays, dont la dépendance se manifeste dans de multiples secteurs : approvisionnement en produits alimentaires, en produits manufacturés, ou encore sur le plan monétaire, avec l’intégration de la Namibie, du Lesotho et du Swaziland dans la zone monétaire commune (Common Monetary Area – CMA), l’indexation de leur monnaie sur le rand [31] et leur soumission à la politique monétaire et de taux de change imposée par la Banque centrale d’Afrique du Sud.. Le Lesotho et le Swaziland, pays enclavés dans le territoire sud-africain, en sont réduits à l’état de quasi-colonies.
Les relations avec le Zimbabwe et le Mozambique, si elles sont plus récentes, n’en sont pas moins intenses. Elles s’inscrivent dans le cadre de la Southern Africa Development Coordination Conference (SADC) [32] qui regroupe 200 millions d’habitants, sur 7 millions de kilomètres carrés. Par la fluidification des échanges commerciaux, la SADC a pour but l’accélération de la croissance économique de la région, notamment avec l’instauration d’une zone de libre-échange [33] entre les membres. Initialement créée en 1980 sous le nom de Southern African Development Coordination Conference (SADCC) par neuf Etats d’Afrique australe [34] qui cherchaient à réduire leur dépendance économique vis-à-vis de l’Afrique du Sud ségrégationniste, la SADC est devenue un organe de coopération régionale fort de quinze pays [35]. Deux ans après sa création en 1992, elle a accueilli la RSA, lorsqu’il est apparu qu’elle n’aurait pas les moyens de lui faire contrepoids autrement qu’en l’intégrant à part entière. Il est d’ailleurs significatif qu’à l’époque, l’organisation régionale a cru devoir prévenir qu’elle ne tolérerait aucun hégémonisme de la part du plus récent de ses membres, fût-il celui d’un gouvernement démocratique postapartheid [36]…La présence sud-africaine au sein de la SADC a dopé les relations commerciales dans la région et constitue un atout de taille pour son désenclavement, en lui permettant de bénéficier de la qualité des infrastructures du pays et de sa position sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde. 85% du commerce extérieur du Zimbabwe et du Botswana transitent ainsi par le territoire de leur voisin, tout comme la moitié des minerais de la République démocratique du Congo (RDC). Le poids économique de l’Afrique du Sud (80% de l’économie des pays de la SADC) induit également un fort déséquilibre, notamment dans le domaine alimentaire. Ainsi, 90% des importations agricoles du Swaziland et 70% de celles de la Zambie, du Zimbabwe ou du Malawi proviennent du pays de N. Mandela. Et si la SADC lui permet aussi d’augmenter ses exportations de biens manufacturés, celui-ci s’approvisionne très peu chez ses partenaires (ses exportations dans la région représentent le quintuple de ses importations).
L’Afrique du Sud attire prioritairement les investisseurs étrangers, qui regardent peu au-delà, si ce n’est pour les opérations à haute intensité de main d’œuvre (le salaire moyen en Afrique du Sud est plus du double de celui de ses voisins) et dans le domaine minier. Et même dans ces cas, la qualité des infrastructures de la RSA joue le rôle d’aimant et en fait une base arrière privilégiée pour l’assaut des marchés régionaux [37].
Résistances
Ces déséquilibres ne sont pas sans créer quelques tensions et inquiétudes parmi les partenaires du « géant » austral, qui jugent sa politique d’exportation parfois trop agressive et l’accusent de pratiquer un nouvel impérialisme. Accusation récusée en 2003 par Thabo Mbeki : « Je tiens à assurer les pays voisins et les peuples d’Afrique que le gouvernement sud-africain n’a pas de prétention de domination. Nous ne revendiquons pas le droit d’imposer notre volonté à des pays indépendants, quels qu’ils soient ».
Si les Etats de la périphérie immédiate, à l’exception du Zimbabwe, paraissent se résoudre à la tutelle économique et politique de Pretoria, les pays de la SADC de l’Afrique centrale (Angola, RDC, Tanzanie) accueillent avec beaucoup plus d’inquiétude la pénétration sud-africaine dans la région. Ils s’efforcent de lui résister, en pariant notamment sur les dynamiques économiques et démographiques de long terme qui, a priori, leur seront plus favorables [38]. En outre, quelques initiatives concrètes sont apparues pour limiter l’influence sud-africaine.
Certains pays d’Afrique australe, à l’initiative de la Namibie, tentent ainsi de contrer l’hégémonie économique de leur voisin par l’ouverture de voies commerciales alternatives, notamment en reliant les principaux axes économiques aux ports de Mozambique ou de Namibie. Cette dernière s’oppose clairement, avec la Zambie et le Zimbabwe, à la projection économique de l’Afrique du Sud dans la région. La crainte est vive, en effet, de voir l’augmentation des exportations sud-africaines de biens manufacturés s’accompagner de la désindustrialisation significative des économies. Phénomène qui ne ferait qu’accroitre les dépendances.
Après la transformation de la SADCC en SADC et l’affirmation en son sein du leadership de la RSA, une autre initiative a vu le jour, avec pour objectif avoué de contrer la domination de l’Afrique du Sud [39]. Le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) [40] rassemble 20 pays, de la Lybie au Zimbabwe, et a pour but la suppression des droits de douane entre ses membres, avec l’obligation pour chacun d’eux de venir s’approvisionner au sein de la communauté. Cette finalité semble impossible à atteindre du fait de l’hétérogénéité de l’association, de la faiblesse de ses infrastructures, de son capital humain sous-qualifié et des conflits qui opposent certains de ses membres (Ethiopie et Erythrée par exemple). Malgré ces difficultés, l’Afrique du Sud perçoit le COMESA comme un obstacle à sa volonté d’expansion. Celle-ci s’applique en effet aujourd’hui au-delà de son habituel pré-carré austral et s’élargit au continent africain.
Expansion continentale
L’extension du champ d’influence sud-africain s’appuie sur la présence consolidée du pays dans tous les secteurs économiques. La RSA engendre plus de 40% de la production industrielle du continent, fabrique 70% de son électricité, 65% de son acier, assure la moitié de son trafic ferroviaire et recèle 50% de son parc automobile, 45% de ses minéraux et près de la moitié de son réseau téléphonique.
Des investissements et des exportations en hausse
Les investissements sud-africains ont su profiter de la vague de libéralisation imposée en Afrique par les programmes de réajustement structurels et l’ouverture de nouveaux marchés, rendue possible par la fin des conflits touchant la région (RDC, Angola). Avec près de 14 milliards de dollars d’investissements entre 1995 et 2005, l’Afrique du Sud est aujourd’hui le premier investisseur sur le reste du continent. Loin devant les États-Unis (moins de 10 milliards), la France (6 milliards), le Royaume-Uni (4,5 milliards), l’Allemagne (2,5 milliards), le Portugal (1,8 milliard) et les Pays-Bas (1 milliard). Les exportations de la RSA vers le marché africain ont considérablement augmenté. De 5 milliards de rands sud-africains en 1991, elles ont réalisé un bond vertigineux pour passer à 43 milliards en 2002. À ce jour, elles comptent pour environ 19% du volume global des exportations sud-africaines, toutes destinations confondues et ont pour la première fois dépassé celles destinées aux États-Unis et à la plupart des pays de l’Union européenne. Le gros de ces investissements est intervenu au cours d’une période d’intense activité diplomatique de l’Afrique du Sud, qui cherchait à rassurer tant les marchés que ses nouveaux partenaires économiques.
Dynamisme des entreprises
Tirant partie de l’intégration à la SADC de pays n’appartenant pas géographiquement à la sphère de l’Afrique australe ou pouvant revendiquer une double appartenance géographique, c’est en fait à l’ensemble de l’Afrique subsaharienne que les entreprises sud-africaines s’intéressent. Elles y sont en première ligne. Les sept seules compagnies africaines parmi les cinquante plus importantes multinationales basées dans les pays en voie de développement sont sud-africaines. Parmi elles, la compagnie papetière Sappi, la compagnie pétrochimique Sasol, la compagnie de télécommunication MTN, les brasseries SAB Miller (2ème mondiale) et le géant minier Anglogold (1er producteur mondial).
Servie par son avance technologique, l’Afrique du Sud vend surtout des produits finis à forte valeur ajoutée à ses partenaires économiques africains : 70 % du volume global des exportations, essentiellement des machines-outils, engins mécaniques, produits chimiques ou en acier, matériel de transport, armes. Ce qui traduit corrélativement la faiblesse du tissu industriel de ces économies. Les exportations progressent en direction des pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest, avec une percée significative dans le golfe de Guinée, offrant des débouchés à l’industrie pétrolière et gazière du pays. Au Nigeria, au Gabon et en Angola – les trois principaux producteurs d’or noir africain –, les entreprises sud-africaines sont à pied d’œuvre pour satisfaire les besoins à la fois en ingénierie et en construction mécanique.
Les compagnies investissent également le secteur minier (notamment au Ghana, Mali, Burkina Faso et Guinée) et consolident, par l’intermédiaire de l’électricien Eskom, le leadership de leur pays dans le domaine hydroélectrique, notamment avec le projet Grand Inga sur le fleuve Congo. « …projet pharaonique, évalué à 50 milliards de dollars…[qui] devrait générer quelques 40 000 Mégawatts, soit deux fois la capacité du barrage chinois des Trois Gorges, une production suffisante pour satisfaire les besoins de l’ensemble du continent… » [41].
La pénétration du marché nord-africain -où le Maroc et l’Algérie sont les deux premières destinations des exportations sud-africaines– s’effectue plus timidement, pour des raisons tenant tout à la fois aux différences culturelles, aux divergences politiques et aux pesanteurs liées à la réglementation économique et douanière des pays concernés. En outre, la reconnaissance de la République arabe sahraouie par Pretoria affecte indéniablement ses relations avec Rabat.
En Algérie, l’Afrique du Sud est engagée dans des projets touchant à des secteurs aussi variés que les mines, le raffinage de pétrole, la pétrochimie, les transports, les télécommunications ou le traitement des eaux.
Tout en consolidant sa place en Afrique, la RSA s’intègre aussi résolument dans l’économie mondiale.
INTEGRATION DANS L’ECONOMIE MONDIALE
Si l’Afrique du Sud occupe, dans de nombreux domaines, la tête de la liste des fournisseurs des pays africains, moins de 20% de ses exportations leur sont en fait destinés et nous avons vu qu’elle s’approvisionne très peu chez eux. Situation qui trouve sa principale explication dans l’absence de complémentarité commerciale entre la RSA et ses partenaires du continent [42]. Les intérêts sud-africains ne s’inscrivent donc pas seulement en Afrique. Ils se traduisent par l’existence d’étroits partenariats avec les principaux pays industrialisés mais aussi par le développement de nouvelles relations avec les pays du Sud et les pays émergents.
De forts liens occidentaux
Les liens entre les économies sud-africaine et occidentales remontent pour partie aux relations établies au cours de la Guerre froide. Ils ont été renforcés par l’implication occidentale dans les transformations qu’a connues le pays après le démantèlement de l’apartheid. Première puissance de l’Afrique sub-saharienne, engagée dans la stabilisation du continent et rayonnant au-delà, ayant su préserver un environnement stable et propice aux investissements, la RSA est aujourd’hui courtisée par les principaux Etats occidentaux.
Le pays entretient notamment d’étroites relations avec l’Union européenne, qui a conclu avec lui un accord de libre–échange en 2002. Ses principaux clients, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas achètent le quart de ses exportations. De son côté, la France a fait de la RSA son premier partenaire africain. Le groupe Alstom a ainsi signé en février 2008 un contrat de 1,36 milliards d’euros avec la compagnie sud-africaine d’électricité Eskom pour une centrale à charbon pulvérisé. Areva est de son côté bien placée dans la compétition liée à la construction en RSA de nouvelles centrales nucléaires. De son côté, Renault s’est lancée à l’assaut du marché sud-africain, en annonçant la construction en 2009 de son dernier modèle à bas coût, la Sandero, dans l’usine Nissan implantée près de Pretoria.
A l’instar de Renault, les industriels occidentaux ne s’intéressent pas seulement au marché intérieur de l’Afrique du Sud. Le pays représente également un point d’entrée privilégié en direction du reste du continent ; le moyen pour eux d’y pénétrer et d’y imposer leur normes et leurs produits.
Enfin, les économies occidentales dépendent largement des matières premières sud-africaines, notamment pour leur industrie aéronautique (titane). De nombreux minerais nécessaires à la fabrication des composants électroniques sont extraits par des entreprises de la RSA, qui se trouve ainsi en situation de quasi-monopole. Ce phénomène confère une importance stratégique au pays. Ainsi, la part modeste du commerce réalisé par les Etats-Unis avec l’Afrique du Sud (1,5% de l’ensemble des activités américaines) ne doit pas masquer la dépendance de la superpuissance vis-à-vis des matières premières sud-africaines. La RSA participe par exemple à hauteur de 90% des importations américaines de chrome. Le pays fournit par ailleurs 50% de la consommation de manganèse et de chrome de l’UE.
Ces relations Sud-Nord, auxquelles vient s’ajouter une coopération grandissante avec la Chine et la Russie, ne constituent cependant pas le seul axe de l’effort économique sud-africain.
Les relations Sud-Sud et les pays émergents
L’Afrique du Sud privilégie en effet de plus en plus la consolidation d’un axe Sud-Sud pour la défense de ses intérêts.
Le front IBSA
En juin 2003, elle a ainsi créé le G3 [43] avec le Brésil et l’Inde, un forum de dialogue entre grands pays émergents dont le but est de développer des échanges commerciaux mutuels, mais aussi de présenter un front commun dans les négociations internationales, notamment au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et de provoquer la mise en place de nouvelles règles du jeu dans les échanges commerciaux. La même année au sommet de Cancún, le G3 a pris la tête d’un groupe plus important, le G20, afin de faire pression sur les pays industrialisés et de les contraindre à réduire leurs subventions agricoles.
Vers l’Est
La RSA est à l’origine de la fondation en 1997 de l’Association de la couronne de l’océan Indien pour la coopération régionale (IOR-ARC), qui rassemble 18 pays riverains de l’océan Indien [44] et dont le but est de développer investissements et échanges commerciaux et culturels entre ses membres.
La Chine, de son côté, n’hésite pas à utiliser l’Afrique du Sud, son premier partenaire en Afrique, pour asseoir sa position dans le continent et y trouver une partie des ressources indispensables à la réalisation des objectifs de croissance économique qu’elle s’est fixés. « Les échanges entre les deux pays représentent 20% des échanges sino-africains. Les importations chinoises de Pretoria, outre le fer et le cuivre, sont l’or, le diamant, la platine, l’acier, l’aluminium. Environ 100 000 chinois vivent en Afrique du Sud » [45]. Les deux pays ont signé en 2004 un accord de partenariat stratégique, qui a été renforcé en 2006. Le président Hu Jintao s’est rendu deux fois en visite en RSA, signe de l’importance que revêt le pays aux yeux de l’Empire du Milieu qui voit le solde des échanges s’établir nettement en sa faveur. L’insistance chinoise à consolider ses relations avec l’Afrique du Sud ne laisse d’ailleurs pas dupe les élites sud-africaines : « En échange des matières premières que nous leur vendons, nous achetons leurs produits manufacturés. Et cela ne peut qu’avoir un résultat prévisible : une balance commerciale négative. N’assiste-t-on pas à la répétition d’une vieille histoire ? » [46]. Thabo Mbeki considère d’ailleurs la présence chinoise comme une « mauvaise chose à long terme pour l’Afrique », du fait de son attitude peu regardante sur les questions de gouvernance et de son absence de réelle prise en compte du développement africain.
Enfin, l’Afrique du Sud et la Russie ont établi en 2006 de nouvelles relations avec la visite de Vladimir Poutine au Cap. Les deux pays sont surtout exportateurs de produits primaires (or, diamant). L’entreprise russe ALROSA et la De Beers représentent ainsi 75% du marché du diamant. On observe toutefois des complémentarités dans certains domaines : les technologies spatiales et nucléaires, les usines de montage d’automobiles, le pétrole et le gaz. Le groupe russe RENOVA a décidé d’investir en 5 ans 1 milliard de dollars dans l’exploitation du manganèse sud-africain dans la Province du Cap-du-Nord [47].
Forte d’un dynamisme qui s’adosse à d’immenses ressources en matières premières, l’Afrique du Sud a émergé depuis 1994 comme la principale puissance économique africaine et a vu son rôle s’élargir au-delà du continent. Elle a su tirer profit de son retour sur la scène internationale pour s’inscrire avec un certain succès dans la mondialisation et nouer des alliances qui y renforcent son rôle et son influence. Si son hégémonie régionale et ses velléités d’expansion continentales suscitent quelques résistances parmi ses partenaires et concurrents africains, la RSA n’hésite pas à agir - non sans une certaine audace - sur la scène politique et diplomatique pour affermir son leadership sur le continent, faire porter sa voix dans le concert des nations et alimenter ainsi ses rêves de puissance.
La mise en place de l’apartheid en 1948 a marqué le début d’une longue période d’isolement diplomatique de l’Afrique du Sud, qui a limité ses visées géopolitiques à la préservation de ses frontières sur la « ligne de front » avec l’Angola, le Mozambique et le Zimbabwe, suspectés de « visées communistes ». Attitude qui s’est traduite, vers l’extérieur, par la constitution d’un glacis sécuritaire et de fréquentes incursions de l’armée sud-africaine (les South African National Defense Forces - SANDF) dans les pays limitrophes (notamment en Angola) et, sur le plan intérieur par le repli autour du Laager (camp défensif – expression héritée de l’épopée Boer du Grand Treck). Une politique toute entière dévolue à la sécurisation des populations blanches.
Tournant le dos à cet héritage, l’Afrique du Sud de Nelson Mandela et de Thabo Mbeki a effectué un impressionnant retour sur la scène internationale. Forte de l’expérience d’une transition démocratique à de nombreux titres exemplaire, de la légitimité qu’elle en tire et du statut de puissance tutélaire régionale que lui confère son économie, elle se pose en contre-exemple d’une Afrique à l’abandon et nourrit des ambitions qui s’étendent au-delà de sa sphère traditionnelle d’influence, se faisant le chantre du multilatéralisme au sein d’organisations internationales où elle est désormais très présente. Ce messianisme géopolitique suscite, cependant, en Afrique une certaine méfiance et n’est parfois pas sans provoquer l’agacement des grandes puissances. Le bilan de l’activisme sud-africain est aujourd’hui mitigé au regard des hautes ambitions affichées par la nation arc-en-ciel, qui se déclinent en quatre maîtres mots : coopération régionale et internationale, compromis, démocratie et développement [48]. Il n’empêche, le dynamisme de la politique internationale de l’Afrique du Sud donne la mesure de ses ambitions de puissance et souligne le rôle clé qu’elle entend jouer sur la scène mondiale.
RETOUR DIPLOMATIQUE
Les autorités de la nouvelle Afrique du Sud ont fait montre d’un volontarisme diplomatique qui a rapidement replacé le pays à une place privilégiée sur la scène internationale. Sa politique étrangère, initialement très imprégnée de l’héritage de la lutte menée par l’ANC, a subi depuis une réorientation marquée par une approche plus pragmatique des problématiques. Elle se caractérise par une certaine audace diplomatique.
Réinsertion
Dès la fin de l’apartheid, Nelson Mandela s’est employé à réinsérer son pays au sein de la communauté internationale. L’Afrique du Sud a pu à nouveau faire entendre sa voix au sein de l’ONU, du FMI, de la Banque mondiale, de l’UNESCO ou du Commonwealth. Cette réintégration lui a permis d’accueillir de nombreux évènements d’ordre mondial, comme la conférence des Nations unies sur le sida en 2000, la conférence mondiale sur le racisme en 2001, la première session de l’Union Africaine (UA) en 2002, le sommet de la terre de Johannesburg la même année, ou encore des manifestations sportives comme la coupe du monde rugby de 1995, que son équipe, les Springboks - longtemps symbole de l’apartheid - a remportée sous les yeux de Nelson Mandela.
Une politique étrangère redéfinie
Sous l’impulsion de l’ex-prisonnier de Robben Island, la politique étrangère sud-africaine a subi une véritable redéfinition. Se refusant à devenir un relais de l’Occident en Afrique, Mandela a développé une diplomatie « morale » - également baptisée « idéaliste » - s’appuyant sur les principes qui avaient guidé la lutte anti-apartheid (respect des droits de l’homme, solidarité avec les pays africains et non alignés, fidélité aux soutien de l’ANC). Cette politique, souvent marquée par un discours moralisateur diversement apprécié, n’est pas toujours parvenue à masquer la volonté sud-africaine de se poser en puissance continentale, développant simultanément persuasion et volonté de coercition. L’attitude parfois arrogante de la RSA a pu provoquer méfiance et incompréhension en Afrique. Dans leur majorité, les dirigeants africains ont modérément apprécié les leçons données par le gouvernement de Pretoria, accusé de tomber dans le moralisme facile après avoir hérité d’une « entreprise » en bon état.
Si Nelson Mandela bénéficie toujours d’une aura qui lui permet de se poser en brillant avocat du continent noir, les objectifs de son pays ont évolué depuis son départ de la présidence. Les velléités sud-africaines de se poser en puissance continentale ayant suscité la méfiance d’une partie des classes dirigeantes africaines, le pays a du opérer une sensible réorientation de sa politique étrangère. L’école « réaliste », à laquelle s’est rallié Thabo Mbeki dès 1999, cherche désormais à concilier solidarité africaine et politique de puissance sur le modèle du soft power prôné par Joseph Nye [49]. Cette nouvelle politique, plus pragmatique, tend à remplacer la contrainte par l’attraction et l’influence. La persuasion et la volonté de coercition de la période post-apartheid évoquées plus haut, qui se voulaient l’attribut de la puissance, commencent à se dissoudre dans une nouvelle trajectoire qui se caractérise par l’aspiration à créer l’adhésion autour d’elle. Ce sont dès lors plus les relations d’interdépendance que les relations de domination qui prévalent et s’expriment dans une rhétorique et un programme politique « panafricanistes » qui s’efforcent de rallier sceptiques et hésitants.
Cette attitude trouve sa traduction dans la realpolitik que mène aujourd’hui la RSA en Afrique.
INITIATIVES AFRICAINES
Nous avons vu plus haut comment, géant économique en son continent, elle a bénéficié de son intégration au sein de la SACU et de la SADC pour y imprimer sa marque. Son influence s’étend au-delà des structures purement économiques. Après son intégration à l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1994, elle a activement œuvré à la transformation de cette dernière en Union Africaine (UA) et se trouve à l’origine d’un véritable programme politique pour la reconstruction et le développement du continent. La RSA déploie de nombreux efforts au service de la paix et de la stabilité en Afrique, non sans se heurter parfois à la concurrence de certains Etats du continent.
« Renaissance africaine » et NEPAD
« L’Afrique du Sud ne peut être un îlot de prospérité dans une mer de misère » [50]. A la faveur de l’adhésion de son pays à l’OUA à Tunis en 1994, Nelson Mandela a lancé le concept de « Renaissance africaine ». Cette expression, initialement destinée essentiellement à l’électorat noir de l’Afrique du Sud, a été reprise et étoffée par Thabo Mbeki et veut marquer une volonté africaine de prendre en main le destin du continent, avec le soutien, certes indispensable, de la communauté internationale, mais en proposant des solutions africaines à des problèmes africains. Dans cette démarche de responsabilisation, le continent accepte d’assumer une part de responsabilité dans ses drames, au même titre que l’héritage colonial, et se veut acteur plus que spectateur de la mondialisation [51]. Cette rhétorique, qui met en avant les principes de bonne gouvernance et de création de richesses par la libéralisation des marchés, a suscité des réactions diverses en Afrique. Certains y ont vu le signe d’une « volonté sud-africaine d’imiter l’Occident et d’asseoir ainsi son hégémonie » [52]. Mais en y associant les dirigeants du Sénégal, de l’Algérie, du Nigéria et de l’Egypte, Thabo Mbeki a pu faire traduire son discours en un véritable programme économique et social à l’échelle du continent, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NOPADA ou NEPAD - New Partnership for Africa’s Development), présenté au sommet de l’OUA de Lusaka, en juin 2001.
La RSA a pris une part active dans la transformation de l’OUA en UA, Thabo Mbeki inaugurant en 2002 la première présidence de l’organisation. Le gouvernement sud-africain s’efforce de promouvoir l’idée d’un continent uni, la constitution d’un continuum africain créant les conditions favorables à l’implémentation des ambitieuses réformes préconisées par le NEPAD. Ce dernier, qui veut fonder une nouvelle relation de partenariat entre l’Afrique et la communauté internationale, pose les clauses fondamentales du développement du continent : initiatives pour la paix, bonne gouvernance, libéralisation des échanges (favorisant les IDE), choix de la région comme cadre de développement. S’il est parfois désigné comme une initiative de la dernière chance, le lancement du NEPAD n’en constitue pas moins une indéniable réussite pour la diplomatie sud-africaine. Cependant, ses progrès sont aujourd’hui limités. Son succès est étroitement lié au financement qu’il parviendra à recevoir des pays développés, mais aussi à la stabilité intérieure du continent africain.
L’Afrique du Sud y œuvre, déployant de nombreux efforts au service de la paix.
Un pays « faiseur de paix »
Implication diplomatique
Avec un bonheur variable mais non sans faire montre d’un certain pragmatisme, la RSA joue en effet, depuis la fin des années 1990, un rôle grandissant dans la résolution des conflits, notamment en Afrique sub-saharienne : médiation de Mandela au Burundi, intervention militaire au Lesotho en 1998 suite à un coup d’état, conférence inter-congolaise de Sun City aboutissant à la signature d’un accord entre les partis en juin 2002, puis accord de Pretoria signé entre la RDC et le Rwanda le mois suivant. En décembre 2003, l’Afrique du Sud a également pris la tête des initiatives régionales et de la délégation de l’UA en faveur de la mise en œuvre de l’accord transitionnel aux Comores. Ces premiers succès - parfois précaires - de la diplomatie de Thabo Mbeki marquent le rôle clé que la RSA entend désormais occuper sur la scène diplomatique africaine. Le bilan demeure cependant mitigé. Ainsi, malgré sa volonté de participer à la résolution de la crise ivoirienne, qui s’est traduite par sa nomination comme médiateur de l’Onu et de l’UA en 2005, le président sud-africain a vu sa marge d’action limitée par la France et les autorités ivoiriennes et a finalement jeté l’éponge en 2006.
Opérations extérieures et défense
L’implication croissante de l’Afrique du Sud dans les opérations de paix tient autant à une volonté nationale de s’imposer sur le continent comme un membre responsable et respecté de la communauté internationale, qu’aux attentes internationales croissantes nées de l’avènement du régime démocratique sud-africain. Pretoria est aujourd’hui le dixième contributeur pour les opérations de paix de l’ONU et le premier participant africain, avec 1900 hommes en opération extérieure, notamment au Darfour, en Erythrée et en RDC.
La RSA ambitionne, en outre, de jouer un rôle clef dans la force d’alerte panafricaine de l’UA ainsi que dans la force régionale envisagée dans le cadre du pacte de défense de la SADC. Elle peut s’appuyer pour cela sur une armée de taille modeste mais efficace, héritée du régime d’apartheid, dotée de troupes aguerries et bien équipées. Sa qualité est comparable à celle des forces européennes. Avec la multiplication des déploiements ordonnés par le gouvernement, les SANDF ont cependant atteint leurs limites capacitaires. Signe des ambitions réelles de la RSA, la révision du dernier Livre blanc sur la défense prévoit le passage du budget défense de 1,5% à 2% du PNB et une augmentation des effectifs de 63 000 à 85 000 hommes. Cet effort se traduit également par l’achat à l’Allemagne de quatre corvettes Meko 200 et de trois sous-marins de type U 209, qui donnent à la marine sud-africaine une réelle capacité océanique.
Cependant, l’interventionnisme diplomatique de l’Afrique du Sud est en partie contraint par les nombreux actes d’ingérence militaire et économique qu’elle a commis du temps de l’apartheid. Les initiatives sud-africaines soulèvent en outre de fortes réticences régionales et le pays se heurte à l’hostilité de ses concurrents, agacés par l’arrogance de Pretoria et par certains de ses choix.
Les entraves à l’action diplomatique de la RSA
Freins africains
La RSA butte parfois sur la concurrence de certains Etats aux fortes ambitions africaines. Le Nigéria, le plus peuplé d’entre eux (140 millions d’habitants), observe ainsi avec méfiance les médiations conduites par Thabo Mbeki dans ce qu’il considère comme sa sphère d’influence et se pose, lui-aussi, en héraut de la cause africaine sur la scène internationale. L’Angola, qui apprécie peu les leçons de bonne gouvernance de Pretoria, affiche de son côté des ambitions alimentées par la manne financière du pétrole et soutenues par une armée sophistiquée et aguerrie par plus de 20 ans de conflit. Enfin, la Lybie de Kadhafi renâcle devant l’activisme sud-africain et affiche un enthousiasme très modéré pour le NEPAD, « qu’elle juge trop empreint de canons libéraux et occidentaux, lui préférant ses chimériques « Etats-Unis d’Afrique » » [53].
Si, du fait de leurs moyens économiques ou politiques limités, ces concurrents africains semblent incapables de contrecarrer les projets sud-africains, la diplomatie de la RSA, qui soutient une politique de puissance régionale tout en se défendant d’hégémonisme, souffre des contradictions entre les idées professées dans des discours qui fustigent et moralisent et la réalité de son action [54].
Contradictions
La politique sud-africaine est, en effet, encore marquée par l’influence idéologique de l’ANC et sa fidélité à ses anciens soutiens du temps de l’apartheid. Dans ses relations avec le Zimbabwe, l’Afrique du Sud, qui n’hésite pas à user par ailleurs d’un discours moralisateur, fait preuve d’une extrême prudence et d’une évidente mansuétude envers Robert Mugabe. Pretoria n’hésite pas non plus à fréquenter des régimes mis au banc de la communauté internationale, comme la Syrie et Cuba, ou à soutenir des mouvements révolutionnaires dont elle assimile la lutte à celle de l’ANC, comme le Front Polisario.
Puissances occidentales
Les initiatives sud-africaines ne laissent pas non plus indifférents les puissances occidentales.
Les relations entre les Etats-Unis et la nouvelle Afrique du Sud sont qualifiées de « très bonnes », même si elles ont d’abord été empreintes de méfiance du fait de soutien tardif et timoré de Washington aux sanctions contre le régime de l’apartheid. La ferme opposition de la RSA à l’invasion de l’Irak et ses relations avec les régimes parias évoquée ci-dessus ont cependant alimenté un désaccord qui trouve également son expression dans la méfiance affichée envers le projet américain d’une force africaine d’interposition (African Crisis Response Force), certes placée sous le pavillon onusien, mais financée par Washington. Pretoria a, en outre, clairement exprimé son opposition à l’implantation sur le continent d’un centre de commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom).
La France, de son côté, a pris acte du nouveau rôle joué par la RSA, notamment au sein de l’UA, et semble vouloir désormais intégrer Pretoria dans son action en Afrique, en témoignent les propos tenus par Nicolas Sarkozy lors de sa visite au Cap en février 2008 [55] et l’envoi d’une délégation commune au Soudan pour aborder la question de la crise du Darfour. Elle soutient en outre la candidature sud-africaine à l’accession à un siège permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. De son côté, l’Afrique du Sud fait état de « fortes convergences » et voit en la France un partenaire privilégié, après que l’Hexagone a largement exprimé son soutien aux projets de l’UA en matière de stabilisation. Aux yeux des diplomates sud-africains, l’implication française dans la résolution des crises africaines lui confère une « qualité » particulière.
Malgré les difficultés que la confrontation de ses idéaux à la réalité internationale révèle, la RSA, présente sur tous les fronts en Afrique, bénéficie désormais d’une grande visibilité sur la scène mondiale.
VISIBILITE INTERNATIONALE
S’élargissant au-delà du continent africain, la dialectique de la RSA trouve une nouvelle expression dans son implication dans les forums internationaux. Les ambitions mondiales de la nation arc-en-ciel ont été clairement affichées dès 1995 par Nelson Mandela devant l’Assemblée générale des Nations unies, au travers de sa proposition d’élargissement des membres du Conseil de sécurité. Le président sud-africain offrait alors de porter de cinq à dix le nombre de membres permanents, deux sièges étant notamment dévolus à l’Afrique. L’Afrique du Sud en revendiquait un, laissant le second à l’Egypte ou au Nigéria. La réforme n’a pas abouti comme elle le souhaitait, mais la RSA occupe, depuis le 1er janvier 2007, un siège non-permanent au Conseil. Elle a pu ainsi jouer un rôle clé en mars 2008 dans l’adoption d’une nouvelle résolution imposant des sanctions à l’Iran dans le cadre de son programme d’enrichissement d’uranium. L’essentiel de ses prises de positions au Conseil de sécurité se caractérise par une démarcation quasi-systématique des positions occidentales, dans le but de ne pas s’alénier ses concurrents directs et de consolider sa prétention à parler au nom de tous les pays africains. Les prétentions sud-africaines se heurtent cependant à l’opposition du « coffee club », groupe informel de pays favorables au statu quo par crainte de voir émerger un éventuel concurrent parmi leurs voisins.
Profitant de la tribune que lui offre le Conseil de sécurité, l’Afrique du Sud plaide la cause africaine avec vigueur et continue de faire pression pour une meilleure intégration des pays en voie de développement aux instances de décision mondiales, montrant clairement du doigt les institutions de Bretton Woods pour leurs insuffisances dans ce domaine. Cette ambition à jouer un rôle politique mondial en se faisant le porte-parole des pays du Sud explique également la constitution du forum IBSA et la création du G3 et du G20 (voir plus haut). Forte de cette nouvelle visibilité, l’Afrique du Sud s’est vue inviter aux sommets du G8, où elle s’est s’efforcée de faire mieux prendre en compte les besoins africains, se posant en médiatrice des pays en voie de développement auprès des pays industrialisés.
Autre donnée significative, elle est le premier pays d’Afrique à avoir été désigné pour l’organisation de la coupe du monde de football, qui aura lieu à Johannesburg en 2010. Cette désignation, qui stimule des investissements records de 61 milliards de dollars dans les infrastructures du pays, traduit la confiance qu’il inspire.
La République d’Afrique du Sud a parcouru un impressionnant chemin depuis 1994. Sortant de décennies d’isolement diplomatique, elle a rapidement imprimé sa marque en Afrique, qu’elle a utilisée comme tremplin pour afficher des ambitions mondiales, se posant en exemple de réussite démocratique, en porte-parole des pays les moins favorisés et en conscience morale du continent africain. Se voyant parfois taxer d’arrogance, elle n’a pas toujours su échapper à ses contradictions et a développé une politique étrangère sinueuse, louvoyant entre amitiés anciennes, impératifs d’exemplarité et realpolitik régionale. Le futur est malgré tout propice à la consolidation de ses rêves de puissance, tant ses concurrents africains semblent aujourd’hui distancés. Elle peut compter sur les atouts de son économie, sur sa force diplomatique ainsi que sur sa capacité à imposer ses vues politiques et à créer des alliances. Elle bénéficie en outre d’une force militaire efficace, dont la crédibilité est renforcée par une capacité –à laquelle elle a cependant renoncée- à redevenir une puissance nucléaire.
Mais ces atouts permettront-ils de contrebalancer les graves faiblesses qui assombrissent le futur de la Nation Arc-en-ciel ?
Sa relative réussite économique et son activisme diplomatique donnent la mesure du chemin parcouru par l’Afrique du Sud depuis 1994, tant sur le plan démocratique que politique. Cependant, l’émergence spectaculaire de l’ex-nation de l’apartheid ne peut entièrement voiler les fragilités dont elle souffre et qui laissent planer le doute sur les réelles capacités du pays à concrétiser ses ambitions.
Malgré sa forte activité diplomatique, la RSA est paradoxalement soumise à quelques facteurs d’isolement en Afrique. Si l’accès au pouvoir des représentants de la majorité noire a suscité une véritable espérance à travers le continent, l’histoire de l’Afrique du Sud influence encore la perception des peuples africains. Quatorze années après sa chute, le passé raciste et l’agressivité du régime de l’apartheid demeurent présent dans les mémoires africaines. La RSA souffre, en outre, de sa position intermédiaire entre pays développés et pays en voie de développement. N’appartenant à aucun camp, elle peine parfois se faire accepter des uns ou des autres.
L’essentiel des difficultés du pays réside surtout dans une situation intérieure caractérisée par la persistance d’une profonde fracture sociale, en grande partie héritée du système injuste de l’apartheid. Jugée à l’aune de sa situation sanitaire et sociale ou de son indice de développement humain (121ème sur 177), l’Afrique du Sud montre une grande fragilité et les indicateurs sociaux la projettent dans la catégorie des pays sous-développés. La pauvreté, qui frappe majoritairement la communauté noire, trouve son triste prolongement dans une violence endémique et une dramatique épidémie de Sida. Celle-ci affecte durablement la démographie du pays.
UNE FRACTURE SOCIALE PERSISTANTE
Une quinzaine d’années après sa disparition, la politique de « développement séparé » laisse encore de douloureuses traces au sein de la mosaïque sud-africaine. L’apartheid, qui s’était érigé en un véritable système économique et politique, s’est longtemps inscrit dans le sol et dans les structures sociales, à toutes les échelles du pays. Si, avec la chute de l’ancien régime de Pretoria, le lieu de la fracture sociale s’est sensiblement déplacé, cette dernière demeure malgré tout. Elle provoque tensions, crainte et exaspérations dans les différentes communautés et alimente le malaise général qui règne au sein de la population. L’euphorie des années de libération s’est éteinte et on assiste à un certain désabusement, traduit par l’abstention d’un quart des votants à l’élection présidentielle de 2004 et l’éviction de Thabo Mbeki de la tête de l’ANC fin 2007. Son remplaçant Jacob Zuma, possible futur président, est perçu comme plus proche des populations défavorisées.
Les frustrations de la communauté noire
D’importantes inégalités frappent en effet la société sud-africaine, dont les communautés semblent parfois durablement séparées. La frustration de la grande partie de la communauté noire qui n’a pu recueillir les « dividendes de la liberté » [56] traduit la déception de l’immense espoir né en 1994. On ne peut cependant résumer la situation sociale à une simple confrontation Noirs-Blancs. Si l’ANC a partiellement échoué à effacer les stigmates sociaux du règne afrikaner, les mesures correctives sont nombreuses et se traduisent notamment par l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie noire.
De graves inégalités
Les inégalités caractéristiques de la société sud-africaine d’avant 1994 n’ont pas véritablement disparu. La RSA est un des pays où la répartition de la richesse est une des plus inégales au monde. Le fossé entre riches et pauvres est toujours aussi large et souligne le chemin qui reste à parcourir pour faire de l’utopique société arc-en-ciel une harmonieuse mosaïque. Près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et le chômage touche près de 27% des actifs (40% si on y intègre ceux qui ont renoncé à chercher du travail dans l’économie formelle), contre 17% il y a vingt ans. Le quart des Sud-Africains (12 millions de personnes) ne dispose pas d’eau courante, près de 20% est illettré [57].
Cette misère frappe inégalement les communautés et, malgré ses fortes aspirations, la majorité des principales victimes du système apartheid n’a pas vu ses conditions matérielles s’améliorer de façon substantielle. Ainsi, le taux de chômage élevé est tiré vers le haut par la communauté noire, qui compte près de 50% de sans-emplois, pour 30% chez les Métis, 20% chez les Sud-Africains d’origine indienne et seulement 8% chez les Blancs. De même, la mortalité infantile, qui atteint le chiffre dramatique de 50‰ en RSA (moins de 4‰ en France), n’est que de 12‰ chez les Blancs mais monte à 70‰ chez les Noirs et 40‰ chez les Métis. Le revenu moyen est douze fois moins élevé chez les Noirs que chez les Blancs et les inégalités dans l’accès au logement, à l’eau (le quart de la population ne dispose pas de l’eau courante), à l’électricité ou à l’éducation (20% de la population est illettré) restent très marquées.
Si ces inégalités persistent, elles ont été atténuées par une politique de discrimination positive mise en place dès 1994.
Discrimination positive et mesures incitatives
Afin d’accélérer le comblement du fossé et de réduire les inégalités sociales, le premier gouvernement post-apartheid a instauré une politique de quota, l’Affirmative Action, visant à privilégier l’accès au travail des populations non-blanches. Ce système de discrimination positive auquel on a reproché, de manière peu surprenante, de favoriser le recrutement sur des critères de race et non de mérite, a été particulièrement appliqué dans la fonction publique. Les armées ont notamment servi d’intégratrices sociales plus que de véritables forces de défense pendant quelques années.
Parallèlement, le gouvernement a mené une politique de transfert du pouvoir économique en faveur de la communauté noire. Par des mesures fiscales et financières, le Black Economic Empowerment incite les grands groupes industriels à céder une partie de leurs filiales à des investisseurs non-blancs [58].
L’ensemble de ces mesures a eu des résultats mitigés : les 12% de Blancs représentaient encore en 2003 25% des salariés du secteur privé et occupaient 80% des postes de direction. Ce qui incita le puissant syndicat Cosatu à comparer le monde du travail sud-africain à un cappuccino : « noir en bas, blanc en haut, avec un peu de chocolat saupoudré sur le dessus » [59].
L’émergence d’une bourgeoisie noire favorisée par cette politique a provoqué le déplacement de la fracture sociale. Les « nouveaux riches » noirs ont épousé le mode de vie occidental et sont taxés d’égoïsme et de manque de solidarité sociale par les miséreux des bidonvilles qui demandent plus de réformes.
La bombe à retardement de la question foncière
L’inégale répartition des terres arables représente une véritable bombe à retardement. Conséquence des lois foncières de l’apartheid, près de 90% de la surface exploitée est détenue par 13% de la population, principalement des fermiers blancs. Une partie significative du reste de la superficie est occupée illégalement ou selon des principes coutumiers. La redistribution, question éminemment symbolique envisagée dès 1994, s’avère extrêmement délicate à mener. La terre, âprement gagnée pendant l’épopée Boer et parfois conservée au prix du sang sous les poussées zoulous, représente un patrimoine sacré pour les Afrikaners. Isolés dans de vastes zones rurales, les exploitants blancs sont soumis à une forte pression, qui s’est traduite par l’assassinat de 600 d’entre eux en quinze ans. Le (mauvais) traitement infligé par Robert Mugabe à leurs homologues du Zimbabwe est observé de près en RSA et laisse augurer d’immenses difficultés, devant lesquelles le gouvernement sud-africain a préféré pour l’instant reculer.
Ces fractures qui traversent la société viennent nourrir deux des principaux fléaux qui frappent le pays. La violence endémique demeure plus que jamais l’une des tristes caractéristiques de la RSA et l’épidémie de sida pèse lourdement sur son avenir démographique.
Une société violente
L’Afrique du Sud est l’un des pays les plus violents du monde. À l’époque de l’apartheid, la population des ghettos voyait une forme de protestation politique dans tout acte contribuant à rendre un township ingouvernable, un acte qui serait maintenant jugé criminel. « Si l’apartheid criminalisait toute forme de manifestation politique, la lutte pour la libération politisait les actes criminels » [60]. Les inégalités sociales et les profondes difficultés rencontrées par une partie de la population qui se sent totalement exclue du système prolongent aujourd’hui ce phénomène et la violence criminelle prend le relais de la violence politique [61]. La criminalité a explosé en Afrique du Sud, qui enregistre l’un des taux de meurtre les plus élevés au monde. Ces violences ont fait 22 000 victimes en 2000, davantage que les accidents de la route. La population souffre et 70% des sud-africains réclament le rétablissement de la peine de mort. Les vols qualifiés, les détournements et les cambriolages sont également nombreux. Quant au nombre de viols recensés, il a atteint en 2004 le chiffre astronomique de 50 000 (1 700 en France) et bien d’autres ne sont pas déclarés. L’ampleur sociale de ces violences sexuelles, qui alimentent l’épidémie de sida, est immense.
L’hypothèque du sida
L’Afrique du Sud ne se démarque malheureusement pas de ses voisins subsahariens dans sa résistance à une épidémie de sida dont l’empreinte ressemble fort à celle de l’apartheid. A Soweto, 60% des habitants –dont le nombre est estimé entre 2 et 3 millions- sont contaminés. Fin 2003, le nombre de personnes porteuses du VIH/sida en Afrique du Sud était de 4,9 millions. Il avait augmenté à 5,5 millions en 2006, soit environ 8,5% de la population.
L’épidémie fait peser une lourde hypothèque sur la démographie sud-africaine. La maladie poursuit sa progression, touchant en priorité les hommes et les femmes en âge de procréer (20% de la population de la tranche 15-50 ans) et la natalité, affectée par un taux de mortalité infantile élevé, ne suffit pas à compenser les pertes dues au sida. L’espérance de vie a chuté de 10 ans entre 1995 et 2002, passant de 61 ans à 51 ans. Les projections démographiques pronostiquent un déficit de 45 millions de personnes en 2025, avec une population estimée à 35 millions d’habitants (80 millions sans le sida) [62].
L’expansion de l’épidémie est favorisée, nous l’avons vu, par le nombre effroyable de viols mais aussi par le coût important des soins pour la majorité de la population. Le gouvernement de Thabo Mbeki a tardivement réagi, après s’être longtemps vu accusé de sous-estimer la menace et de remettre en cause l’efficacité des traitements antirétroviraux (ARV). Ceux-ci sont désormais produits sous forme générique, après une longue bataille juridique contre les grands laboratoires occidentaux.
IMMIGRATION-EMIGRATION
L’Afrique du Sud, terre d’asile
Malgré ces difficultés et grâce à ses nombreuses richesses, l’Afrique du Sud fait figure d’eldorado auprès de ses voisins et accueille 1,5 millions de travailleurs immigrés sur son territoire, dont le quart vient du Lesotho, auxquels viennent s’ajouter entre 3 et 8 millions d’immigrés illégaux [63]. L’arrivée de ressortissants de « l’autre Afrique » et le gonflement des flux de migrants issus des pays de la région (en particulier du Zimbabwe), sources traditionnelles de l’immigration en Afrique du Sud, suscitent des sentiments d’hostilité générale : considérés comme des intrus venant profiter indûment des fruits d’une libération chèrement acquise, assimilés dans leur ensemble à des immigrants illégaux, objets d’une répression policière appuyée sur une législation toujours largement héritée de l’apartheid, les migrants d’Afrique australe, centrale, occidentale et orientale, ou encore d’Afrique du Nord, deviennent les boucs émissaires des frustrations engendrées par les limites de la transition [64].
Cet afflux, qui fait peser un poids difficilement supportable sur des services sociaux déjà très sollicités, favorise en outre l’émergence d’organisations criminelles transfrontalières. On assiste notamment à des attaques ultraviolentes pratiquées par des groupes d’ex-soldats zimbabwéens.
Fuite des cerveaux et départ des Blancs
Parallèlement, l’économie sud-africaine souffre d’un manque de main d’œuvre qualifiée dans certains secteurs, phénomène aggravé par la fuite des cerveaux : 20 000 à 40 000 diplômés émigrent chaque année, notamment vers le Canada, la Grande-Bretagne ou l’Australie. Conséquence de la violence et de la discrimination positive qui ne leur permet plus d’accéder à un emploi, de nombreux Blancs quittent le pays. Leur population, qui regroupe une partie des élites, a baissé de 15% en 10 ans.
Le reste de la communauté blanche se dit prêt à payer le prix de la transition en subissant les mesures de rééquilibrage. Pour autant, le sentiment d’être une génération « sacrifiée » est répandu chez les 35-45 ans, principale tranche d’âge touchée par cette politique. L’inquiétude sur les opportunités qui seront offertes à leurs enfants est réelle dans cette catégorie.
DIFFICULTES ENERGETIQUES
L’ensemble de ces phénomènes provoque inévitablement de nombreuses tensions sociales. Elles ont été récemment aggravées par une pénurie d’électricité surprenante dans un pays qui est le premier producteur d’énergie électrique en Afrique. Le mauvais entretien du réseau de production et d’alimentation, ajouté à une certaine obsolescence des centrales, a provoqué des coupures à répétition qui ont alimenté l’exaspération populaire. Le gouvernement porte une part importante de responsabilité dans ce qui est considéré comme une grave erreur de planification. La pénurie limite la production minière, empêche l’Afrique du Sud de profiter à plein de la hausse du prix des matières premières et affecte son économie, très dépendante des exportations de minerais. Ce phénomène participe au ralentissement de la croissance continue qu’a connu le pays au cours des dix dernières années.
Le premier pays d’Afrique par sa richesse et son dynamisme doit donc faire face à d’immenses défis. L’apartheid a laissé des traces durables dans la société, les contrastes sociaux sont immenses et la nation « arc-en-ciel » que Desmond Tutu appelle de ses vœux ressemble plus aujourd’hui à une mosaïque désordonnée qu’à une harmonieuse alliance. La frustration des laissés pour compte est grande et fragilise le pouvoir. Si la pauvreté et ses tristes corollaires, violence et sida, assombrissent l’avenir de l’Afrique du Sud, les progrès réalisés depuis la fin de l’apartheid sont significatifs. Quinze années seulement se sont écoulées, au cours desquelles le pays a réussi à préserver, parfois même à faire fructifier, l’essentiel de ses atouts. Le chemin vers une réelle prospérité est encore très long et devra passer par un vaste effort en matière d’éducation. L’Afrique du Sud a prouvé qu’elle a les ressources morales pour relever le défi.
“Ndotsheni is still in darkness, but the light will come there also. For it is the dawn that has come, as it has come for a thousand centuries, never failing. But when that dawn will come, of our emancipation, from the fear of bondage and the bondage of fear, why, that is a secret”. Alan Paton [65]
LA TERRE de contrastes située à l’extrême sud du continent africain recèle encore bien des interrogations. Son histoire s’est longtemps écrite dans la souffrance. Et l’espoir semblait bien ténu, lorsqu’en 1990 ont commencées d’âpres négociations entre l’ANC et le régime blanc, de voir l’Afrique du Sud connaître une transition réussie, en permanence inspirée par l’idée de réconciliation. L’aube qu’évoque l’écrivain sud-africain Alan Paton s’est pourtant levée et le pays est aujourd’hui une véritable démocratie, où la presse est libre, la justice indépendante et le débat politique permanent et fructueux. Symbole d’espérance pour l’Afrique, exemple de réussite démocratique pour le reste du monde, la République d’Afrique du Sud occupe désormais une place à part dans le concert des nations.
Les défis qu’il lui reste à relever demeurent nombreux. Sur le plan intérieur, le premier est celui de l’éducation de la majorité de sud-africains qui n’est pas aujourd’hui préparée à participer à la vie d’une économie moderne. De la vitesse d’absorption de ce vaste groupe dépend en grande partie l’avenir du pays.
Le deuxième, qui rejoint le premier, est l’éradication d’une pauvreté qui est d’autant plus criante qu’elle est « industrialisée » et se situe plus dans les ghettos insalubres des townships que dans l’immense arrière-pays.
Le troisième consiste à lutter efficacement contre la violence qui ravage le pays et à endiguer la dramatique épidémie de sida qui en décime les forces vives.
L’Afrique du Sud doit, enfin, corriger les défauts d’approvisionnement électrique qui affectent l’esprit du pays et viennent obérer une croissance économique qui a accumulé les records en dix ans. C’est la condition sine qua non pour bénéficier à plein de la conjoncture favorable crée par la course mondiale aux matières premières dont le sous-sol du pays regorge.
Ces difficultés n’ont pas empêché l’Afrique du Sud de développer une politique extérieure qui, soutenue par une économie dynamique, a participé à l’établissement d’un indéniable leadership régional. La domination de la nation arc-en-ciel s’étend désormais sur le continent et lui permet de jouer un rôle important sur la scène internationale. La RSA s’est fait le héraut de la « Renaissance africaine » et consacre à cette question une grande part de son énergie diplomatique. Son interventionnisme a pu parfois paraître en contradiction avec son discours moralisateur, ses dénégations d’ambitions hégémoniques se heurter à sa puissance économique : parfois prisonnière de ses paradoxes, l’Afrique du Sud suscite une certaine méfiance chez ses voisins, qui pourtant envient sa réussite économique et jalousent son influence.
A l’échelle mondiale, le poids de l’Afrique du Sud serait en fait modeste si celle-ci n’était pas située…en Afrique. Elle bénéficie d’indéniables atouts, dont la valeur relative est décuplée par une position géographique et politique qui lui confère un « poids disproportionné par rapport à sa taille » [66]. Les difficultés de ses concurrents africains lui laissent pour l’instant le champ libre et, appuyée sur la légitimité d’une transition démocratique exemplaire, elle peut désormais jouer une importante partition dans le concert des nations. L’émergence de l’Afrique du Sud se traduit déjà par son rôle dans la défense des intérêts des pays en voie de développement. Elle pourrait à plus long terme trouver une nouvelle expression dans l’aboutissement de la croisade sud-africaine pour l’accès permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais les rêves de puissance de l’Afrique du Sud ont un prix : celui de la réduction d’une fracture sociale qui tend à devenir explosive ; celui, aussi, d’une maturité politique que le pays semble en passe d’acquérir. Les élections présidentielles de 2009, qui pourraient voir l’élection du nouveau chef de l’ANC, Jacob Zuma, marqueront pour cela une nouvelle et importante étape.
Manuscrit clos le 21 mars 2008
Copyright 2008-Merveilleux du Vignaux/diploweb.com
Plus
. Voir tous les articles sur l’Afrique publiés sur le Diploweb.com
. Voir toutes les cartes sur l’Afrique publiées sur le Diploweb.com
. L. Chamontin, "Ukraine et Russie : pour comprendre"
. A. Degans, "Réussite aux concours 2018 ! La synthèse de l’actualité internationale 2017"
. G-F Dumont, P. Verluise, "The Geopolitics of Europe : From the Atlantic to the Urals"
[1] François Lafargue, Géopolitique de l’Afrique du Sud, Editions complexes, 2005, p. 55
[2] Mgr Desmond Tutu, ancien archevêque du Cap, prix Nobel de la paix 1984.
[3] Jean-Baptiste Onana, L’Afrique (du Sud) colonisateur de l’Afrique ?, Outre-Terre 2005- 2
[4] Michel Klen Le défi Sud-Africain, France Europe Editions 2004, p. 37.
[5] Source FMI, 2006.
[6] Géopolitique de l’Afrique du Sud, op.cit. p. 55.
[7] Le défi Sud-Africain, op.cit. p. 20.
[8] Ibid p 43
[9] Ibid, p 50
[10] François-Xavier Fauvelle Aymar, Histoire de l’Afrique du Sud ; Seuil, 2006, p. 359-360.
[11] Notamment à Sharpeville en 1960, à Paarl en 1962 puis à Soweto en 1976.
[12] Géopolitique de l’Afrique du Sud op.cit. p. 44.
[13] Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté, Fayard, 1995.
[14] Géopolitique de l’Afrique du Sud op.cit. p48
[15] Les projections les font passer de 20% de la population d’Afrique du Sud en 1946 à 6% en 2035
[16] Le défi Sud-Africain op.cit. p11
[17] Discours du Président Sarkozy devant le Parlement Sud-Africain, le Cap, 28 février 2008.
[18] Le défi Sud-Africain op.cit. p.12.
[19] Augusta Conchiglia, L’Afrique du sud, puissance hégémonique ?, Géopolitique Africaine, n°18, avril 2005, p. 171.
[20] 5390 $/hab , 102ème mondial, 7ème africain.
[21] Jean-Christophe Victor, Le dessous des cartes 2 – Atlas d’un monde qui change, Arte Editions -Tallandier, p26
[22] Géopolitique de l’Afrique du Sud, op.cit p 11
[23] R. d’Angior, J. Mauduy, Les Rivages asiatiques du Pacifique, Armand Colin, 1997, p. 144.
[24] Le défi Sud-Africain, op.cit. p. 32.
[25] Site de l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris. www.afriquesud.net.
[26] Industrie Pharmaceutique en Afrique, Revue Marchés Tropicaux, octobre 2002.
[27] Géopolitique de l’Afrique du Sud, op.cit. p. 84.
[28] Journal Les Afriques, Les 10 champions d’Afrique, 2007.
[29] Rapport CNUCED 2006 sur les Investissements Directs Etrangers.
[30] Michel Foucher, Dominique Darbon, L’Afrique du Sud, puissance utile ? Belin 2001, p 107
[31] Philippe Hugon, Les économies en développement à l’heure de la régionalisation, Editions Karthala, 2003, p 229
[32] SADC : Communauté de développement de l’Afrique australe
[33] Géopolitique de l’Afrique du Sud, op.cit p. 92.
[34] Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Swaziland, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe
[35] Les neuf de la SADCC plus l’Afrique du Sud, Namibie, Maurice, RDC, Madagascar, Seychelles
[36] L’Afrique (du Sud) colonisateur de l’Afrique ? op.cit.
[37] Claudine Justafre, La SADC et la République Sud-Africaine, UE-ACP, 1999.
[38] L’Angola peut compter sur une armée pour partie maintenue à un haut niveau technologique et sur une aviation de transport qui lui assure une capacité de projection inégalée. Sa croissance économique est dopée par la mise en valeur de ses ressources pétrolières. Voyant que l’espace de la SADC est actuellement occupé par la RSA, elle tente aujourd’hui de se faire admettre dans la Communauté Économique des États d’Afrique Centrale (CEEAC) francophone. La RDC, actuellement très affaiblie politiquement, devrait voir sa population dépasser les 150 millions d’habitants d’ici 2050, soit plus du double de la population sud-africaine à la même époque, alors que pour l’instant, les deux pays sont dans une situation de quasi-parité.
[39] Géopolitique de l’Afrique du Sud, op.cit p. 93.
[40] COMESA : Marché commun des Etats d’Afrique orientale et australe.
[41] L’Afrique du Sud, puissance hégémonique ? op.cit.
[42] Géopolitique de l’Afrique du Sud, op.cit. p. 94.
[43] G3 également baptisé commission trilatérale IBSA (India, Brasil, South-Africa).
[44] Australie, Bangladesh, Inde, Indonésie, Iran, Kenya, Madagascar, Malaisie, Maurice, Mozambique, Oman, Singapour, RSA, Sri Lanka, Tanzanie, Thaïlande, Emirats Arabes Unis et Yémen.
[45] Barthélémy Courmont,, IRIS, décembre 2006
[46] Moeletsi Mbeki, vice-président de l’Institut sud-africain des affaires étrangères de l’université de Witwatersrand, à Johannesburg
[47] Philippe Hugon, La « visite historique » de Vladimir Poutine en Afrique du Sud, IRIS, septembre 2006
[48] L’Afrique (du Sud) colonisateur de l’Afrique ? op.cit.
[49] Joseph S. Nye, Bound To Lead : The Changing Nature Of American Power. Basic Books, 1990.
[50] Thabo Mbeki.
[51] William Gumede, Thabo Mbeki et la renaissance africaine, Africultures n°66, janvier-mars 2006, p. 61.
[52] Sébastien Cornu, La politique extérieure de l’Afrique du Sud, Revue Défense Nationale, janvier 2007, p. 91.
[53] La politique extérieure de l’Afrique du Sud, op.cit. p. 94.
[54] Anatole Ayissi, L’Afrique du Sud, une puissance régionale ?, Questions internationales n°4, novembre-décembre 2003.
[55] Déclaration conjointe de Nicolas Sarkozy et Thabo Mbeki, le Cap, 28 février 2008
[56] Desmond Tutu.
[57] Géopolitique de l’Afrique du Sud, op.cit. p.15.
[58] Géopolitique de l’Afrique du Sud, op.cit. p. 83.
[59] Fabienne Pompey, le Monde, 26 juin 2006.
[60] Graeme Simpson, directeur général du Centre for the Study of Violence and Reconciliation (CSVR) de Johannnesburg
[61] Myriam Houssay Holzchuch, La violence sud-africaine. Essai d’interprétation, revue Etudes 2002/7-8 tome 397
[62] Le dessous des cartes 2, op.cit. p.30
[63] Géopolitique de l’Afrique du Sud, op.cit. p 82
[64] D. Kadima, A. Morris, A. Maliq, S. et C. Vigouroux, Immigration africaine en Afrique du Sud, Editions Karthala 1999.
[65] Alan Paton, Cry, the Beloved Country, 1948.
[66] Marius Conradie, Premier secrétaire de l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris.
SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.
Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés
| Dernière mise à jour le dimanche 1er décembre 2024 |