Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Membre du laboratoire HABITER (EA 2076) de l’Université Reims Champagne-Ardenne. Elle est notamment co-auteure chez Ellipses de Histoire, Géographie, Géopolitique. Concours d’entrée aux grandes écoles, Coll. Atout concours, Paris, 2015 ; et Un monde multipolaire. Géopolitique et géoéconomie, Coll. CQFD, Paris, 2014.
Que retenir de mars 2016 ? Voici une synthèse de l’actualité internationale de mars 2016 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique ou préparent des concours. Pour ne rien manquer, le mieux est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information.
Aux Etats-Unis, le « super Tuesday » a confirmé l’avance des deux favoris, Hillary Clinton pour les Démocrates et Donald Trump pour les Républicains. Il est désormais très probable qu’ils s’affronteront aux élections présidentielles de novembre 2016, même si le démocrate Bernie Sanders vient de remporter l’Alaska, l’Etat de Washington et Hawaï, en surfant sur les soupçons de collusion entre Madame Clinton et les grandes banques d’affaire qui lui ont très généreusement payé des discours. Hillary Clinton, ancienne première dame et ancienne secrétaire d’Etat, dispose d’un immense réseau pour collecter des fonds indispensables à sa campagne électorale et incarne l’establishment. Donald Trump, ce magnat milliardaire de l’immobilier, canalise la rancœur des « perdants » de la crise, ceux qui ne profitent pas de l’actuelle croissance, ces « petits blancs » qui se sentent méprisés par les élites et qui protestent en choisissant Trump. L’Amérique n’est pas la seule à connaitre un regain de populisme....
Au Bénin les élections présidentielles du 20 mars 2016 ont été remportées par Patrice Talon, avec près de 2/3 des suffrages exprimés contre Lionel Zinsou, premier ministre en exercice. L’ONU se félicite de la qualité de l’organisation du scrutin. Le Bénin, un exemple démocratique pour l’Afrique de l’Ouest...
Ce même 20 mars 2016, le Cap-Vert a organisé des élections conformes aux critères démocratiques.
Au Congo, Denis Sassou-Nguesso, après une coupure de téléphone et d’Internet de 48 heures, a été déclaré vainqueur des élections présidentielles. Il est au pouvoir depuis 1979... La démocratie doit encore progresser...
En Birmanie, Aung San Suu Kyi qui a remporté les premières élections libres de Birmanie depuis 25 ans mais où la constitution lui interdit de devenir chef de l’Etat, a choisi Htin Kyaw comme président. Celui –ci a la lourde tâche de procéder à une réconciliation nationale.
En Allemagne, la CDU a enregistré un sévère revers électoral dans trois länder, dont le riche Bade-Wurtemberg et la Saxe-Anhalt où le parti populiste AfD a remporté 23% des suffrages. Il s’agit d’une sanction électorale d’Angela Merkel pour sa politique migratoire qui est de moins en moins bien acceptée dans la population allemande.
Alors que l’Union européenne et les Etats-Unis négocient en vue d’un vaste accord transatlantique, un autre accord entre l’Europe et le Canada est sur le point d’être finalisé. Cet accord économique et commercial (AEGG) vise à éliminer toute une partie des droits de douane, ainsi 92% des produits agricoles et alimentaires européens seront exportés libres de droit. Cet accord ouvre également les marchés publics, mais protège des appellations géographiques (roquefort, piment d’Espelette, huitres Marennes-Oléron...).
Quinze années après son défaut de paiement, l’Argentine du nouveau président Mauricio Macri vient de trouver un accord avec les « fonds vautours » qui profitent de la faillite de l’Argentine. Ceux-ci ont accepté une décote de 25% des sommes dues et la fin des poursuites judiciaires contre l’Argentine. L’accord doit être maintenant entériné par le Congrès. Le président espère ainsi que son pays retrouvera une crédibilité internationale et une certaine attractivité auprès des investisseurs étrangers ; l’objectif est de créer des emplois dans un pays dont l’économie est déprimée. La facture est pourtant salée : plus de 12 milliards de dollars. Le fonds Elliot est un des grands gagnants, avec un profit de 300%, de quoi voir se multiplier les rapaces de mauvais augures.
La « route des Balkans » se ferme aux migrants, depuis l’Autriche jusqu’aux portes de la Grèce, désormais au bord de l’asphyxie. Bruxelles débloque 700 millions d’euros pour faire face aux « besoins humanitaires ». Plus de 10 000 réfugiés sont bloqués à la frontière avec la Macédoine, plus de 24 000 autres migrants sont sur le territoire grec, alors qu’Athènes s’attend à l’arrivée de 100 000 migrants supplémentaires.
Angela Merkel a réussi à imposer ses vues dans l’actuelle crise des migrants. Elle a négocié avec Ankara un accord qui troque le renvoi de migrants arrivés illégalement en Europe (en Grèce notamment) contre un réfugié syrien selon la règle du « un pour un ». Le tout avec un assouplissement des visas pour les Turcs, une aide de plusieurs milliards d’euros pour Ankara (peut-être 6) et une accélération de l’étude de la candidature turque à l’entrée dans l’Union européenne, et ce malgré les nombreuses entorses orchestrées par Erdogan à la démocratie et aux libertés, y compris de la presse. C’est un revers cinglant pour l’Union européenne, l’Allemagne négociant de façon unilatérale et s’affranchissant de plus en plus de l’esprit européen, joue souvent cavalier seul quand cela l’arrange. L’Union en sort profondément décrédibilisée et affaiblie. Certains pays, dont Chypre, dénoncent toutes ces concessions. La réouverture du processus d’adhésion de la Turquie pose aussi la question, existentielle, du projet européen zone de libre-échange ou Europe intégrée ? Cette position européenne part du postulat que les migrants – dont elle ne veut pas - passent par la Turquie, ce qui est une analyse biaisée... voire un marché de dupes. La Turquie n’est-elle pas un territoire où transitent tous les trafics : d’êtres humains, de pétrole de Daesh, d’Antiquités volées au Proche-Orient ? L’Europe et la Turquie, qui est à nouveau victime d’un attentat qui a fait plusieurs dizaines de morts revendiqué par le TAK, ont-elles les mêmes intérêts sur la question Kurde, ou au Proche-Orient ?
En Libye, pays aujourd’hui profondément divisé, près de 800 000 personnes attendent de pouvoir passer la Méditerranée pour arriver en Europe, pour la plus grande inquiétude notamment de Rome.
La Pologne annonce qu’elle n’accueillera pas de migrants...
En Tunisie, le 7 mars 2016, la ville de Ben Guardane a été la cible d’islamistes de l’EI qui voulaient en prendre le contrôle. Les forces de l’ordre sont parvenues à s’y opposer.
La Côte d’Ivoire est, le 13 mars 2016, victime d’un attentat sur la station balnéaire de Grand Bassam près d’Abidjan.
Au Mali, des jihadistes s’en prennent à un hôtel où résident les forces de l’ONU.
Au Pakistan, les Talibans revendiquent l’attentat de Lahore qui a fait le dimanche 27 mars 2016 au moins 72 morts dont de nombreux enfants, il visait la communauté chrétienne lors des fêtes de Pâques.
Après Paris (7,8, et 9 janvier 2015), Bruxelles est frappée le 22 mars 2016 par une série d’attentats meurtriers– 35 morts et plus de 200 blessés - revendiqués par Daesh.
Ces attentats interrogent les Européens dans leurs fondements. Alors que Schengen est techniquement mort, les Européens doivent repenser leurs frontières, leur politique sécuritaire, leur législation concernant les crimes terroristes... ainsi que la politique de démilitarisation. La politique de coopération et de mise en commun des fichiers de renseignement semble tomber sous le sens. Faut-il pour autant amender les constitutions ? Les mesures liberticides et de surveillance doivent–elles définitivement être adoptées ? Ne serait-ce pas en réalité une victoire de ceux que l’on combat ?
L’Amérique du Sud souffre du ralentissement de la croissance chinoise qui pèse à la fois par une diminution des investissements de Pékin et par une baisse du prix des matières premières exportées.
Le Venezuela, dont la situation économique est des plus préoccupantes, est dans une impasse politique. L’opposition réclame le départ du président Nicolas Maduro, mais son manque d’unité ne lui a permis d’y parvenir.
En Bolivie, le président Evo Morales reconnait l’échec de son referendum pour pouvoir se présenter à un quatrième mandat. Il a été rejeté par 51% des électeurs.
Au Brésil, la récession économique et le retour de l’inflation (plus de 10%) sont la toile de fond d’une crise politique grave. Un scandale politico-financier qui remonte aujourd’hui jusqu’à la présidence car Dilma Rousseff est personnellement mise en cause. Des écoutes, rendues publiques, montre qu’elle nomme Lula au gouvernement pour lui éviter des poursuites judicaires.... le scandale est énorme, et ne semble pas devoir épargner celui qui a incarné le Brésil qui « brille », le Brésil émergent qui semblait enfin devoir tenir ses promesses. Un scandale en cache un autre : alors que le scandale de corruption autour de Petrobras bat son plein, un autre apparait autour de l’entreprise de BTP Odebrecht. Son PDG, emprisonné, commence a révéler des pratiques corruptives de grande ampleur. Elles concerneraient non seulement des élus du parti des Travailleurs (PT) dont sont issus Dilma Rousseff et Lula, mais encore d’autres partis politiques comme celui d’Aecio Neves, le parti de la social-démocratie brésilienne de droite. Des pratiques de surfacturation dans le cadre de la construction d’infrastructures de la Coupe du monde (2014) et des Jeux olympiques de Rio (2016) commencent à être révélées au grand public... le début de l’hallali ? Certains experts commencent à s’interroger à propos de la patience des militaires brésiliens…
La guerre civile a commencé il y a déjà 5 ans en Syrie. Le conflit a provoqué la mort de près de 270 000 personnes, 1,5 millions de blessés, 5 millions de syriens ont fui leur pays, et environ 6 millions sont déplacées en Syrie. La situation est catastrophique, l’urgence est de plusieurs ordres : humanitaire, alimentaire, sécuritaire... Le pays est saigné par les milices jihadistes, les « seigneurs de guerre », les infrastructures sont détruites (l’eau courante est devenue un luxe dont peu profitent), le patrimoine archéologique est pillé. La Syrie est devenue un terrain d’affrontement entre les puissances régionales qui veulent imposer leur hégémonie.
Il y a 5 ans, le 11 mars 2011, le Japon était frappé par le terrible accident de Fukushima. Un séisme de magnitude 9 a entrainé un tsunami qui est à l’origine d’un accident nucléaire majeur, le plus important depuis Tchernobyl (1986). Les stigmates restent bien visibles, 15 000 morts et 160 000 personnes déplacées. La région de Fukushima-Daiichi n’a pas pu être reconquise complètement, même 5 ans après la catastrophe.
La Russie de Vladimir Poutine annonce qu’elle modifie son intervention militaire dans le cadre de la guerre en Syrie, ses objectifs ayant été atteints. La surprise est immense, comme l’avait été celle de son intervention à l’automne 2015. Vladimir Poutine montre qu’il est un vrai joueur d’échec. Son intervention en Syrie lui a permis d’affermir le pouvoir de Bachar el-Assad, son allié - dont les troupes viennent de reprendre la cité de Palmyre - et surtout de remettre la Russie au cœur d’un « grand jeu » régional et mondial.
Le président Obama s’est rendu à La Havane, la première visite officielle d’un président américain depuis la crise des missiles de Cuba (1962). Cette visite a pour objectif d’accélérer le processus de normalisation des relations entre Washington et Cuba, et probablement de libéraliser l’ile, y compris au niveau économique. Les intérêts sont immenses... Barack Obama se rendra bientôt en Argentine. L’Amérique latine semble revenir au sein des priorités de Washington.
Les chantiers navals de Saint-Nazaire, STX, viennent de lancer, pour des essais, le plus grand paquebot du monde, le Harmony of the Seas, long de 362 mètres.
En 2015, 160 000 demandes de dépôt de brevet ont été enregistrées, presque 5% de plus qu’en 2014. Un dynamisme de bon augure, en outre l’Ile-de-France est la région européenne la plus innovante à cet égard, devant deux régions allemandes dont la Bavière.
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Les synthèses annuelles des Actualités internationales
Point d’actualité internationale de février 2016
Dans un monde d’information continue où les nouvelles s’empilent, la rubrique Actualité internationale sur Diploweb.com vous propose chaque mois de décrypter le monde dans lequel nous vivons à travers le prisme de la géopolitique. Une sélection d’informations les plus marquantes pour bien saisir les grandes lignes du début du XXIème siècle, un travail issu de celui réalisé avec les étudiants préparationnaires d’ECS qui met en perspective les derniers événements non encore analysés dans les manuels. Un véritable bonus pour les concours !
Ce volume Actualité internationale rassemble les synthèses de janvier à décembre 2015.
Les références de cet ouvrage sont : Axelle Degans, Actualité internationale 2015, éd. Diploweb.com, 2016. ISBN : 979-10-92676-07-5
Bonne lecture ! Axelle Degans
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