02/2013 Actualité internationale

Par Axelle DEGANS, le 27 février 2013  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Agrégée d’histoire, co-auteure de Les grandes questions internationales, éd. Studyrama 2013 et auteure du livre Les pays émergents : de nouveaux acteurs, Ed. Ellipses, collection CQFD, 2011. Professeure d’histoire, de géographie et de géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales au Lycée Dessaignes (Blois).

Synthèse de l’actualité internationale de février 2013 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique ou préparent un concours. Bonne lecture.

L’Afrique sur les devants de la scène géopolitique

L’OFFENSIVE militaire au Mali a rapidement progressé. Les villes de Gao et Tombouctou ont ainsi été libérées du joug islamiste et les troupes françaises sont même arrivées à Kidal, bastion d’Ansar Dine. Les rebelles n’ont pourtant pas été réellement battus mais plutôt repoussés quand ils ne se sont pas fondus dans la population locale. Cette donnée explique l’envoi de renfort aux 3500 soldats français déjà présents, comme les combats à Gao à la fin du mois de février 2013.

Le Nord du Cameroun a été le lieu de l’enlèvement de 7 Français (3 adultes et 4 enfants) par le groupe islamiste Boko Haram originaire du Nigeria. Au total 15 Français sont détenus ans cette région du monde. La sécurité devient un enjeu majeur en Afrique de l’Ouest où opèrent aussi de nombreuses firmes transnationales.

En Tunisie, un leader de l’opposition à Enahda - Chokri Belaïd- est assassiné ; le premier assassinat politique depuis le début des années 1960. La coalition au pouvoir éclate au lendemain de l’enterrement, le président Moncef Marzouki à la tête du parti laïc maintient son alliance avec Ennahda mais peine à reconstituer un nouveau gouvernement.

L’UE d’un scandale à l’autre…

Ce 12 février 2013, près de 27 ans après le 26 avril 1986, le toit du bâtiment voisin du sarcophage de la centrale de Tchernobyl s’est effondré sous le poids de la neige. S’il n’y a pas de nouvelle fuite radioactive, cela rappelle la nécessité de construire une nouvelle enceinte, de la hauteur d’un immeuble de 30 étages, autour du sarcophage actuel. Ce projet, d’un coût d’environ 1 milliard d’euros, est financé par les pays européens, il devrait voir le jour en 2015

Un scandale de la viande de cheval, vendue comme de la viande de bœuf, éclabousse la filière agroalimentaire européenne. C’est au détour du scandale né au Royaume-Uni à propos de plats surgelés de marque Findus, que l’on apprend que les grandes marques agroalimentaires sous-traitent toute une partie de leurs activités auprès de fournisseurs qui achètent leur viande auprès de traders chypriote et néerlandais qui eux-mêmes font découper leur viande en Roumanie pour la réexpédier en France... L’enquête menée par The Observer fait même mention d’abattoirs liés à la mafia italienne et polonaise… cela laisse pour le moins rêveur ! Cette affaire soulève de nombreux problèmes : elle est basée sur la fraude qui s’exerce dans un espace où les frontières internes se sont effacées, la mondialisation « grise ». Elle laisse aussi éclater au grand jour la cupidité qui préside à ce montage : les grandes sociétés agroalimentaires n’ont rien à envier aux Firmes transnationales qui ont externalisé leur production et multiplié ce que P. Veltz nomme les « relations mercenaires » basées sur la baisse des coûts et non plus la confiance et la fidélité au sein de l’entreprise, c’est un drame de la mondialisation libérale. Elle révèle aussi la faiblesse des politiques, aussi bien au niveau national qu’au niveau communautaire, un espace réputé exigeant pour ses normes… Comment améliorer la traçabilité des produits dont l’élaboration est devenue des plus complexes ? Les consommateurs peuvent-ils encore avoir confiance ? Un enjeu majeur pour ce secteur.

Au moment où l’UE affronte une conjoncture économique (crise de la zone euro) et politique (menaces multiples dont celle du retrait britannique) dégradée le budget des 27 est en baisse : 960 milliards d’euros pour la période 2014-2020 contre 994 pour la précédente 2007-2013. On peut y voir une victoire de David Cameron, dont l’engagement communautaire est des plus tièdes, et une défaite pour l’Europe. Ce budget trahit le manque d’ambition de l’UE, car les pays membres ont laissé un Royaume-Uni, qui menace de les quitter, imposer son rythme dans les négociations. Aucune priorité n’a pu être définie, même pas celle d’un plan ambitieux pour préparer l’avenir et trouver des solutions communes pour faire face au marasme actuel.

…une Europe en berne à l’image d’une France en panne de croissance

Selon une étude de l’INSEE, la croissance française a été nulle en 2012, en raison notamment d’un mauvais dernier semestre (-0,3%), mauvais résultats partagés par nos voisins (-0,6% en Allemagne ou -0,3% pour le Royaume Uni). La zone euro sombre lentement mais surement dans le marasme économique (une moyenne de -0,6%). Le Portugal affronte une terrible récession (-3,2% en 2012), l’Italie est elle aussi en récession (-2,2%). Même l’Allemagne a perdu de sa superbe, son économie peine à exporter vers ses partenaires européens en crise. Ces piètres résultats économiques ne permettent plus vraiment d’espérer une croissance française de 0,8% pour 2013 et donc une diminution de l’endettement national sous la barre de 3% du PIB. Bruxelles ne manquera pas d’exercer une pression pour que Paris diminue ses dépenses. C‘est dans ce contexte dépressif que l’Italie, sévèrement brocardée dans un film de Bill Emmott « Girlfriend in Coma » où des Italiens expliquent qu’ils ne retourneront pas dans leur patrie, vote fin février 2013. Le résultat inquiète les marchés.

La crise ne fait pas plonger la Chine…

Pékin annonce être en mesure d’exporter des réacteurs nucléaires de la génération de l’EPR, grâce à l’exploitation de la technologie de Westinghouse… pour un prix défiant toute concurrence. Paris s’alarme aussi de l’accord passé entre EDF et Areva avec l’entreprise chinoise CGNPC pour la conception d’un nouveau réacteur, et surtout des transferts de technologie qu’il pourrait occasionner. Cette nouvelle année du calendrier chinois est, pourtant, sous le signe du serpent (d’eau) considéré par certains comme le pire signe lors desquels ont eu lieu des désastres comme l’attaque de Pearl Harbor ou le soulèvement de Tienanmen et sa répression. C’est ainsi que la très sérieuse maison de courtage hongkongaise CLSA publie un indice Feng Shui des marchés financiers, or les années du serpent sont rarement favorables…

La France a perdu plus d’un millier d’usines sur les trois dernières années et prend douloureusement conscience de la réalité de la désindustrialisation de son territoire. Ce phénomène alimente la hausse du chômage (la France a perdu ainsi 800 000 emplois industriels en 10 ans) et le déficit de notre balance commerciale, deux maux quasi structurels. Un constat inquiétant à plus d’un titre, car il n’est pas forcément partagé par nos partenaires. Ainsi la Chine, atelier du monde, a engrangé des excédents commerciaux records ce qui lui permet aujourd’hui une remontée en gamme et de devenir un des laboratoires de notre planète. Nos voisins allemands ont confirmé leur vocation industrielle en misant sur la qualité de leurs produits et la baisse de leurs coûts de production. Au delà des Pyrénées, Madrid mise sur une déflation des coûts salariaux pour relancer l’économie par la production industrielle. La France se trouve dans une situation délicate qu’illustre douloureusement la sidérurgie lorraine et plus généralement la perte de quelques 120 000 emplois industriels depuis janvier 2009. Les Français attendent que l’Etat interviennent pour enrayer cette hémorragie, d’où la création d’un ministère du Redressement productif. La faute à des entreprises dont la taille est trop modeste pour conquérir le marché mondial ? La faute à des produits de moyenne gamme qui attirent moins les consommateurs qui préfèrent ou des produits de meilleure qualité (et plus cher) ou des produits bien moins cher (et de moindre qualité) ? La faute à un euro trop fort pour le tissu productif français ?

… mais l’Asie renoue avec une situation proche de la guerre froide…

La Chine est aujourd’hui au cœur de conflits frontaliers avec ses voisins et unifie sa population autour du nationalisme. La revendication des iles inhabitées Senkaku (nommées Diaoyu en Chine) contre Tokyo provoque une escalade de tension depuis la fin de l’année 2012. Pékin teste en fait la résolution de Washington qui renégocie ses accords militaires avec Tokyo. Cette dernière annonce sa volonté de renforcer son armée et de tisser des liens « antichinois » en Asie. Les Senkaku ne sont, en effet, pas le seul objet de litige en Asie. Les tensions se cristallisent en mer de Chine méridionale où Pékin conteste à Manille les hauts fonds de Scarborough conduisant cette dernière à faire des achats militaires, comme Pékin conteste au Vietnam les îles Paracels et surtout les îles Spratleys (pourtant éloignées du rivage chinois). Ces iles sont revendiquées aussi par 4 pays plus proches (le Vietnam, la Malaisie, Brunei et les Philippines). Il s’agit de maitriser des voies maritimes stratégiques du commerce mondial et des zones potentiellement riches en hydrocarbures. Enfin, Pékin est le dernier allié de la Corée du Nord qui déstabilise encore davantage une Asie sous tension.

... Alors que l’Inde est en transition.

Le président François Hollande s’est déplacé en Inde pour des raisons diplomatiques et économiques, il espère signer quelques contrats. L’Inde émergente un relai d’une économie française essoufflée ? Ce pays est pourtant traversé par de nombreuses lignes de fractures. Une grève nationale de deux jours dénonce l’ouverture de l’économie indienne à des investisseurs étrangers. Un triple attentat, au lendemain de l’exécution d’un séparatiste du Cachemire, a causé la mort d’au moins 20 personnes à Hyderardad.

Une nouvelle guerre des changes ?

Nous assistons à une course à l’affaiblissement des monnaies, pour exporter davantage et conjurer la faiblesse de la croissance économique. Le Japon et la Suisse sont à la pointe de la lutte contre l’appréciation de leur monnaie. Cette situation monétaire est au programme de la réunion à Moscou des ministres des finances du G20. L’appréciation de l’euro a des effets négatifs sur des économies européennes déjà affaiblies, Tokyo décide une dévaluation compétitive d’une monnaie déjà légèrement sous-évaluée alors que les monnaies sud-américaines ont connu une appréciation de plus de 20% de leur valeur vis-à-vis du dollar américain depuis 2009. Le Brésil dénonce la politique monétaire des pays riches. Le Royaume-Uni comme les Etats-Unis laissent leur monnaie glisser vers le bas pour retrouver une dynamique interne. Tokyo encourage la dépréciation de sa monnaie, qui a perdu 20% de sa valeur face au dollar et à l’euro en moins de trois mois, et pénalise les économies asiatiques concurrentes. Il faut se souvenir que le retour au protectionnisme et les dévaluations des différentes monnaies expliquent en partie le long marasme de la dépression des années 1930.

Nouvelles d’Amérique

Hugo Chavez est rentré de Cuba, il pourra être prochainement investi président du Venezuela. En Equateur, autre pays de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), le président Rafael Correa a été réélu, pour la deuxième fois, avec près de 56% des voix. Il est à la tête d’un pays qui espère plus de 4% de croissance cette année, mais où plus du quart de la population est pauvre, population dont la première préoccupation est l’insécurité générée par les trafics de drogue de ses voisins.

La démission du Pape

Benoît XVI annonce qu’il n’a plus la « vigueur du corps et de l’esprit » pour continuer sa mission. Après presque huit ans à la tête de la hiérarchie catholique cette annonce pontificale est un vrai coup de tonnerre. Agé de 85 ans, il ne souhaite peut-être pas mettre en lumière les difficultés physiques liées à un âge avancé et donner l’image d’une papauté affaiblie. Une décision, qui si elle n’est pas unique dans l’histoire, n’en est pas moins originale et courageuse. A l‘heure où le dynamisme de l’Eglise catholique se situe davantage en Afrique et en Amérique latine, le prochain pape pourrait bien être, pour la première fois, non-européen.

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