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Retour sur le voyage de François Mitterrand à Sarajevo, le 28 juin 1992,

par Mathieu Braunstein, journaliste

Un geste médiatique fait-il une politique étrangère ? Réponse par l'auteur de "François Mitterrand à Sarajevo, le rendez-vous manqué", éd. L'Harmattan, coll. Aujourd'hui l'Europe, janvier 2001.

Biographie de l'auteur en bas de page

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Pourquoi cette enquête ?

Etudiant à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris à la fin des années 1980, j'assiste à des débats dans lesquels il n'est question que de la construction européenne. Survient la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Muni d'une carte Interrail, je passe l'été 1990 à parcourir l'Europe centrale, de Karlovy Vary jusqu'à la côte dalmate, en passant par Zagreb, Sarajevo et Dubrovnik.

De cette trop courte première visite en Bosnie, je garde le souvenir d'une ville écrasée de poussière dans la chaleur du mois d'août et d'un bazar déserté par les touristes. En 1992, la chance me vaut d'être nommé coopérant à l'Institut français de Prague, dans ce qui est encore la Tchécoslovaquie. La guerre a éclaté au nord de la Yougoslavie depuis juin 1991. Sans en avoir conscience, je me rapproche du cadre du conflit. En effet, la petite République tchèque et la Slovaquie accueillent autant de réfugiés ex-yougoslaves que la France : respectivement 3 300 et 1 900, contre 5524 pour la "patrie des droits de l'homme" (1). Le président tchèque, Vaclav Havel, autorité morale de la nouvelle Europe, désigne clairement les responsables du conflit et se prononce pour une intervention militaire.

La visite

Et la présidence française ? Le 28 juin 1992, François Mitterrand, est le premier chef d'Etat à briser l'encerclement de Sarajevo. Celle-ci, assiégée depuis trois mois est chaque jour soumise aux tirs des snipers serbes. A la suite de cette visite, les soldats français forment l'effectif le plus nombreux au sein du contingent des Casques bleus sous commandement de l'Onu: 7 500 sur 20 000. La position française, telle qu'elle s'énonce dans les premières années de la guerre, est celle du non-engagement et du tout-humanitaire : les belligérants sont renvoyés dos à dos. L'agresseur - Belgrade - n'est jamais désigné. On préfère parler d'ethnies et d'antagonismes ataviques.

Quelle politique ?

Ce que j'essaye de démontrer dans ce livre, c'est qu'un geste ne fait pas une politique. En 1992, les objectifs de la politique française ne sont d'ailleurs pas très clairs. S'agit-il d'apporter un soutien aux populations civiles ou de geler les positions acquises dans les premiers mois de la guerre et largement favorables aux sécessionnistes serbes ? Ce déplacement a-t-il pour but d'attirer l'attention du monde sur Sarajevo ou au contraire d'éviter une intervention militaire américaine ? Une hypothèse tenue pour crédible en Bosnie mais qu'aucun élément ne vient étayer, à ma connaissance.

Un lien existe

Parallèlement à la rédaction de ce livre, j'ai mené ce travail dans le cadre d'un Diplôme d'Etudes Approfondies en Histoire contemporaine, à l'université de Nanterre. Ce qui frappe l'historien, en revoyant les séquences de l'été 1992, c'est la juxtaposition de deux événements : le geste courageux de François Mitterrand, le 28 juin, et les premières images de prisonniers décharnés, dans les camps du nord de la Bosnie, après l'intrusion d'une équipe de télévision britannique et l'enquête d'un journaliste américain, Roy Gutman. Or, entre ces deux événements, le lien existe… Le président français, François Mitterrand, a été averti de l'existence de camps de prisonniers civils par son homologue bosniaque, Alija Izetbegovic. Dans les semaines qui ont suivi son voyage, et en dépit des télégrammes ultérieurs envoyés de Zagreb par l'ambassadeur de France Georges-Marie Chenu, présent lors de la rencontre de Sarajevo, rien n'a été fait pour vérifier ces informations ou pour alerter l'opinion publique.

Dès lors, c'est toute la légitimité de ce déplacement présidentiel qui peut être mise en doute. Le chef de l'Etat est-il seul fondé à conduire la politique étrangère - une pratique accréditée par la doctrine du "domaine réservé" - s'il ne rend pas compte des informations recueillies à la nation et à ses représentants? Telle est la réflexion dans laquelle s'inscrit cet ouvrage.

Quelles ont été les difficultés rencontrées ?

Les difficultés rencontrées sont celles de l'historien travaillant sur la période contemporaine. Les archives restent inaccessibles ou fermées. Obligation est donc faite de recourir aux témoignages oraux ou écrits (mémoires), avec toute la prudence requise face à ce genre d'exercice. J'ai donc multiplié les sources et ai réalisé une vingtaine d'interviews entre Paris, Sarajevo, Banja Luka, Split et Milan. En dépit de mes demandes, je n'ai pas été autorisé à rencontrer le président bosniaque A. Izetbegovic.

A Paris, une difficulté particulière a surgi avec l'Institut François Mitterrand. Sa direction a affirmé n'a voir conservé aucun document relatif au voyage du 28 juin 1992. Un doute a même été émis sur le fait que le président F. Mitterrand ait été nommé à cette occasion citoyen d'honneur de la ville de Sarajevo… Or cet événement m'a été confirmé par plusieurs témoins et in fine par des images d'archives. Les droits de la photo "choc" - montrant François Mitterrand et Bernard Kouchner en compagnie de Radovan Karadzic et Ratko Mladic à l'aéroport de Sarajevo - ne sont pas négociables. Telles sont les difficultés auxquelles se heurte l'enquêteur qui soulève des points qui, comme me l'a confié un interlocuteur, ne seraient pas en accord avec "la philosophie de ce voyage".

Ce qui a changé depuis 1992

Le temps est loin où le ministre des Affaires étrangères, Hubert Vedrine, et celui de la Défense, Alain Richard, joignaient leurs efforts pour refuser que les officiers français ayant servi en ex-Yougoslavie viennent témoigner devant le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye. C'était en décembre 1997.

Une véritable justice internationale s'est mise en place dans la deuxième moitié des années 1990. Les principales étapes de sa structuration ont été :

1/ l'inculpation des chefs de guerre Radovan Karadzic et Ratko Mladic, en juillet 1995;

2/ la reddition de Biljana Plavsic, ancienne vice-présidente de la République serbe de Bosnie, que j'ai pu rencontrer à Banja Luka, en novembre 1999;

3/ et surtout l'arrestation et le tranfert à La Haye de l'ex-président yougoslave, Slobodan Milosevic, le 28 juin 2001. Une date symbolique s'il en est, anniversaire de la défaite de Kosovo Polje en 1389 et de la visite de François Mitterrand à Sarajevo en 1992. La justice internationale suit son cours - assez lent - et la France n'y fait semble-t-il pas obstruction.

Un dogme battu en brèche

En France, cette période a été marquée par la fin d'une certaine "irresponsabilité" dans le domaine de la politique étrangère. Le dogme du "domaine réservé", dont la justification résidait moins dans la Constitution que dans la volonté du général de Gaulle et de ses successeurs d'avoir les coudées franches dans la gestion de notre action diplomatique, était encore largement accepté en 1992.

Ce dogme a été battu en brèche pendant la troisième cohabitation (1997-2002). Quoique controversée, la "sortie" du Premier ministre Lionel Jospin à Jérusalem, en février 2000, a eu le mérite de poser publiquement la question du rôle du gouvernement et de son chef, dans la conduite de la politique étrangère.

Ce débat a trouvé un écho, lors des campagnes présidentielle et législatives de 2002. C'est toute l'orientation "présidentialiste" de la Ve République qui a été mise en question, notamment par le député Arnaud Montebourg et sa Convention pour la VIe République.

Pour revenir à l'ex-Yougoslavie, la mission d'information parlementaire sur les massacres de Srebrenica en juillet 1995, représente une avancée vers davantage de démocratie. Cette évolution doit être saluée, même si les résultats de la dite commission ont été jugés décevants.

Mathieu Braunstein, journaliste

Auteur de "François Mitterrand à Sarajevo, le rendez-vous manqué", éd. L'Harmattan, coll. Aujourd'hui l'Europe, janvier 2001.

Note:

(1) Source : HCR, ONU, chiffres cités par Le Monde diplomatique, janvier 1994.

NDLR : L'Université Monstequieu-Bordeaux IV abrite un Centre d'Etudes et de Recherches sur les Balkans (CEREB) offrant une large documentation sur cette zone.

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  Date de la mise en ligne: février 2003
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Biographie de Mathieu Braunstein, journaliste

   
    Expérience professionnelle

Depuis 1999: Secrétaire de rédaction à Télérama, magazine et hors-séries: Verdi, Dubuffet, Chaplin, Hergé. Contributions rédactionnelles pour Télérama, Ulysse et Beaux-Arts Magazine.

1998-2000: Rédacteur du cahier architecture et design à la Vie du Rail.

1997-1998: Responsable d'édition pour les cahiers ville et transport, ville, industrie, fret (24 pages hebdomadaires) de la Vie du Rail, édition professionnelle.

1996-1999: Contributions rédactionnelles pour l'Expansion, le Nouvel Economiste, Enjeux les Echos, Enfant d'abord, Libération et les éditions Autrement. (Seine-Saint-Denis, les acteurs de la culture, mai 1998).

1994-1995: Secrétaire de rédaction à Libération (services éco, TV, étranger et 2e édition).

1993-1994: Coopérant. Responsable des publications de l'Institut français de Prague et de Stepanska 35, revue franco-tchèque, sous la direction d'Olivier Poivre d'Arvor.

1992: Journaliste stagiaire à Ouest-France, à Rennes, service économique.

1991: Journaliste stagiaire à Paris-Normandie, à Rouen, pages locales.

1989: Stage l'Agence France Presse, services économie et audio.

1989: Vendeur à la librairie Robertson Mc Carta, à Londres.

Publications

- Guide Odessa, Yalta et la Crimée, éditions Autrement, 1er trimestre 1997.

- François Mitterrand à Sarajevo, le rendez-vous manqué, éditions L'Harmattan, coll. Aujourd'hui l'Europe, janvier 2001. Postface de Georges-Marie Chenu.

Formation

1999: Diplôme d'Etudes Approfondies d'Histoire de la France contemporaine, Université Paris X Nanterre, mention très bien.

1992: Diplômé du Centre de formation des journalistes (CFJ), spécialisation presse écrite.

1989: Diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, section économique et financière.

1988: Cambridge Certificate of Proficiency.

   
         

 

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