Cette émission [1], Qu’apporte la cartographie à la connaissance du terrorisme ? Avec H. Théry, sur RCF – RND

Lien direct vers cette émission sur RCF – RND, avec possibilité de récupérer l’iframe

Cette émission, Planisphère, sur Spotify

Qu’apporte la cartographie à la connaissance du terrorisme ?

LA CARTOGRAPHIE, souvent perçue comme un simple outil de représentation géographique, révèle des dynamiques complexes et des informations cruciales sur des phénomènes aussi sensibles que le terrorisme. Contrairement à l’idée reçue que le terrorisme relève uniquement des domaines de la police et du renseignement, la cartographie démontre que la géographie peut éclairer de manière unique les stratégies, les déplacements et les schémas d’opérations terroristes. À travers les travaux de géographes comme Daniel Dory et Hervé Théry, nous découvrons que la représentation spatiale des données terroristes permet de révéler des éléments ignorés des analyses classiques. Ce podcast explore comment la cartographie enrichit notre compréhension du terrorisme mondial, régional et local, et met en lumière les spécificités géographiques des actes terroristes.

L’intérêt de la cartographie du terrorisme

Une idée reçue commune est que la géographie n’a rien à voir avec le terrorisme, laissant cette question exclusivement aux experts de la sécurité. Cependant, les géographes Daniel Dory et Hervé Théry ont démontré que la cartographie peut dévoiler des tendances et des schémas insoupçonnés en visualisant les données sous forme de cartes. La cartographie statistique, qui consiste à représenter les données telles que le nombre d’attentats, les victimes et les méthodes utilisées, permet de voir des structures spatiales qui restent invisibles dans des tableaux de données. Elle offre une vision immédiate et globale, compréhensible non seulement pour les experts, mais aussi pour le grand public.

Distribution mondiale des actes terroristes

Depuis les années 1970, la Global Terrorism Database (GTD) a catalogué plus de 250 000 incidents considérés comme des actes terroristes. À l’échelle mondiale, la cartographie de ces données révèle des concentrations spécifiques d’actes terroristes dans certaines régions à des moments donnés, indiquant des "centres de gravité" en mouvement. Les foyers du terrorisme se sont déplacés au fil du temps, de l’Europe à l’Amérique latine, puis vers le Moyen-Orient et l’Asie centrale, notamment en Irak, Syrie et Afghanistan. L’analyse spatio-temporelle montre aussi des "creux", tels que l’Europe, qui est devenue plus calme, ou à l’inverse l’Afrique, autrefois peu concernée mais qui voit une montée des actes terroristes.

Différence entre guérillas et terrorisme

Une distinction essentielle à faire est celle entre la guérilla et le terrorisme, deux formes de violence politique aux objectifs et méthodes différents. Les guérillas visent des cibles gouvernementales comme l’armée, la police ou le gouvernement et cherchent à renverser le pouvoir en place. Le terrorisme, en revanche, cible principalement les civils, les touristes ou les religieux pour inspirer la terreur et envoyer un message. Par exemple, en Afghanistan, les Talibans cherchaient à prendre le pouvoir, tandis que l’État Islamique attaquait les mosquées pour faire valoir leur interprétation de la foi.

Spécificités régionales et locales du terrorisme

À l’échelle régionale, la cartographie permet d’identifier les particularités des configurations géographiques qui influencent le terrorisme. Par exemple, dans la région du Sahel, à la frontière triple entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, les cartes montrent un déplacement du centre de gravité du terrorisme vers le sud. Ce déplacement est lié à la proximité des parcs nationaux, qui offrent un refuge, et des zones d’orpaillage, sources de financement. Ces cartes révèlent des schémas de mouvements et d’implantations que seule une analyse géographique peut détecter, même si elles nécessitent une interprétation contextuelle pour comprendre leurs significations.

À l’échelle nationale ou locale, la cartographie permet de comprendre les dynamiques spécifiques des actes terroristes. En Égypte, par exemple, les attaques terroristes des années 1990 ciblaient principalement les touristes, mais aujourd’hui, les actions sont centrées dans le Sinaï avec des messages politiques dirigés contre Israël ou les États-Unis. En France, l’alignement des attaques du 13 novembre 2015 le long d’une frontière socio-économique montre une sélection ciblée des victimes. À Gaza, le Hamas a changé ses tactiques, passant des attaques contre des villes israéliennes à des cibles plus proches, comme les kibboutz voisins.

Cartographie et prédiction : interprétation et limites

L’observation des tendances à travers l’analyse spatio-temporelle permet de détecter des régularités et de potentiellement prédire de futurs schémas terroristes. Les données collectées à partir de sources ouvertes, souvent américaines, sont précieuses pour ces analyses. Toutefois, l’abondance de données peut devenir un obstacle, et c’est là que la cartographie prend tout son sens en offrant une représentation claire, hiérarchisée et concise de l’information. Cependant, bien que les cartes soient des outils puissants pour révéler des schémas et des dynamiques, elles nécessitent souvent une explication contextuelle. Les cartes ne parlent pas toujours d’elles-mêmes, et tout le monde n’a pas la même culture géographique pour les interpréter correctement. Expliquer les sources et les choix de représentation est crucial pour une compréhension claire et honnête des informations présentées.

Encore plus

Tous les podcasts géopolitiques de l’émission Planisphère depuis septembre 2024, en un clic. Et avec en bonus une synthèse rédigée, c’est possible ? Oui, ici.

Ressources pour approfondir la cartographie du terrorisme

Pour approfondir la compréhension de la cartographie du terrorisme et des méthodes géographiques appliquées à ce domaine, plusieurs ressources sont recommandées. La revue Conflits offre des analyses détaillées et des articles de fond sur le sujet. Un article essentiel, intitulé "L’approche géographique du terrorisme : questions de méthode", publié dans L’Information Géographique (3/2022, éd. Armand Colin), explicite les méthodes utilisées pour cartographier et analyser les dynamiques du terrorisme. La revue MappeMonde est également une source précieuse pour ceux qui s’intéressent aux aspects cartographiques et géopolitiques du phénomène. Enfin, les ouvrages de Daniel Dory, spécialiste reconnu du terrorisme, apportent une perspective géographique unique et enrichie sur la question. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici deux références : Daniel Dory, « Étudier le terrorisme : Leçons de l’histoire et retour aux fondamentaux », éd. VA, 2024 ; Sécurité globale, X. Rauffer et Daniel Dory (dir.), « Crises, Guerres, Terreur : En sortir, mais comment ? », n°33, éd. Eska, 2023.

Copyright pour la synthèse juin 2025-Bourgoin/Diploweb.com

Parce que l’information est un – précieux - bien public

A condition de ne rien modifier et de faire un lien vers la page source du Diploweb.com de chaque émission, il est autorisé de reprendre sur des sites académiques ou institutionnels les codes des fichiers son et / ou vidéo ainsi que les biographies et la synthèse rédigée d’une ou de plusieurs émissions Planisphère.