Comment la géopolitique éclaire-t-elle les immenses espaces maritimes ? Pourquoi sont-ils de plus en plus importants et stratégiques ? Comment la puissance et la sécurité maritime s’articulent-elles ? Quels sont les atouts et les faiblesses structurelles de la France en matière maritime ? Sylvain Domergue répond aux questions de Pierre Verluise pour Diploweb. Sylvain Domergue vient de publier « Géopolitique des espaces maritimes », éd. Armand Colin.
Pierre Verluise (P. V. ) : Le titre de votre ouvrage, « Géopolitique des espaces maritimes », fait explicitement référence à la géopolitique. Pourquoi et comment la définissez-vous ?
Sylvain Domergue (S. D. ) : La géopolitique est en effet un terme aujourd’hui très galvaudé, trop souvent confondu avec celui de relations internationales. Je garde un souvenir précieux de mon maître et ami Yann Richard qui, lorsque nous étions étudiants à la Sorbonne, nous disait avec facétie que « la géopolitique, ça n’existe pas, mais il y a des situations géopolitiques ».
La géopolitique doit en effet, je crois, être d’abord comprise comme une méthode d’analyse. Elle repose sur une approche multiscalaire, diachronique, multifactorielle et contextualisée des rivalités de pouvoir sur les territoires, selon la définition désormais classique d’Yves Lacoste. Elle s’intéresse ainsi à des situations données, dont les analyses ne sont pas nécessairement transposables. Les réflexes du géographe y sont centraux : identifier précisément l’objet étudié (« quoi ? »), le localiser dans l’espace et le temps (« où ? »), comprendre pourquoi il s’exprime ici et pas ailleurs, puis analyser les raisons et les modalités de cette expression. La transcalarité, c’est-à-dire le va-et-vient constant entre le général et le particulier, entre le local et le global, ainsi que l’attention aux acteurs en présence, constituent la trame de cette lecture. Comme le souligne mon formidable co-directeur de thèse Frédéric Lasserre, la géopolitique n’est pas l’apanage des géographes, mais il est impossible de la pratiquer sans recourir à l’approche géographique.
Par sa démarche, la géopolitique peut avoir une valeur prédictive, et elle ne saurait se limiter à l’étude des rivalités et des conflictualités. J’adhère pleinement, en cela, à la définition qu’en ont donnée Michel Foucher puis Amaël Cattaruzza : une méthode d’analyse critique des interactions socio-politiques dans l’espace (Foucher, 1988 ; Cattaruzza, 2021). Cette acception élargie permet d’intégrer les logiques de coopération, les interdépendances et les mécanismes de régulation. C’est précisément dans cette perspective que s’inscrit la « Géopolitique des espaces maritimes » (éd. A. Colin). L’ouvrage ne s’intéresse pas seulement aux tensions, qu’il s’agisse de la militarisation des îles et détroits, de la compétition pour les ressources halieutiques ou de la sécurisation des câbles sous-marins, mais aussi aux interactions plus discrètes de coopération et de régulation, comme la gestion collective des pollutions, la délimitation négociée des frontières maritimes ou les initiatives de protection environnementale, questionnant en cela le concept de gouvernance.
P. V. : En ce début de XXIe s. pourquoi les enjeux maritimes deviennent-ils de plus en plus importants ?
S. D. : Il serait tentant de dire que tous les siècles, depuis l’Antiquité, ont été maritimes : des thalassocraties athénienne et vénitienne à l’expansion ibérique, des expéditions vikings aux grandes navigations de Zheng He sous les Ming, les mers furent toujours des vecteurs de puissance, de développement et d’ouverture. Mais notre époque marque une rupture : jamais la dépendance des sociétés humaines à l’océan n’a été aussi forte. Depuis la Renaissance, la « première maritimisation » avait déjà fait de la mer un support essentiel du commerce et de la puissance. L’ère industrielle a accéléré ce mouvement, avec la vapeur puis la conteneurisation.
Mais depuis la fin du XXᵉ siècle, nous avons franchi une nouvelle étape. La dépendance s’accroît d’abord quantitativement : la quasi-totalité des économies, même enclavées, sont intégrées aux chaînes d’approvisionnement maritimes, plus de 80 % du commerce mondial en volume transitant par la mer. La mer fournit aussi près de 20 % des apports en protéines animales de l’humanité, avec une consommation de produits halieutiques qui a plus que doublé depuis les années 1960, devenant un pilier de la sécurité alimentaire mondiale.
Elle s’accroît aussi qualitativement, au sens de diversification des usages. L’océan assure près d’un tiers de la production mondiale d’hydrocarbures et concentre l’essentiel du développement des énergies renouvelables en mer : éolien offshore, énergie thermique des mers, énergies houlomotrices. Il constitue l’ossature matérielle des communications internationales, 95 % des flux de données transitant par des câbles sous-marins, dont la vulnérabilité a été rappelée par les sabotages en mer Baltique depuis 2022. À ces fonctions vitales s’ajoutent des opportunités émergentes : exploitation des nodules polymétalliques et autres encroûtements cobaltifères, extraction annuelle de 6 milliards de tonnes de sable marin, ou encore essor des biotechnologies marines, déjà fortes de plus de 20 000 molécules identifiées.
Parallèlement, les rivalités de puissances se déplacent de plus en plus vers le large : le Guyana et le Venezuela s’opposent sur l’Essequibo maritime [1], la Grèce et la Turquie sur les droits d’exploration en Méditerranée orientale, tandis qu’en mer de Chine méridionale, dans le golfe Persique, dans l’Arctique ou en mer Noire, des tensions anciennes se réveillent et des conflictualités nouvelles s’affirment, avec des répercussions menaçant les équilibres à l’échelle mondiale.
Enfin, les enjeux environnementaux et climatiques confèrent à l’océan une importance politique inédite. Il absorbe environ un quart des émissions anthropiques de CO₂ et plus de 90 % de l’excédent de chaleur lié à l’effet de serre, au prix d’une acidification, d’une désoxygénation et d’un réchauffement rapides. Les récifs coralliens connaissent des épisodes de blanchissement de plus en plus fréquents, tandis que la montée du niveau marin accroît les risques de submersion et d’érosion pour certaines îles, estuaires et littoraux. L’intensification des cyclones fragilise des sociétés littorales déjà vulnérables. Les mangroves [2], indispensables à la reproduction halieutique et à la séquestration du carbone, ont perdu plus de 30 % de leur surface depuis le milieu du XXᵉ siècle. Enfin, les pollutions, plastiques notamment, forment de véritables gyres dans le Pacifique et s’ajoutent aux marées massives de sargasses [3] qui affectent depuis 2011 l’Atlantique et les Antilles, avec de lourdes conséquences économiques et sanitaires. Cette liste, non exhaustive, d’altération nombreuses et de plus en plus intenses se sont pas sans conséquences sur les activités économiques, les populations et donc plus largement, les équilibres politiques à différentes échelles.
P. V. : Comment la puissance et la sécurité maritime s’articulent-elles ?
S.D. : La puissance et la sécurité maritime sont liées réciproquement dans un rapport étroit, presque consubstantiel. D’abord autour de ce que l’on appelle aujourd’hui le hard power, c’est-à-dire la capacité de contraindre. Cette intuition est ancienne : Athènes, après la bataille de Salamine en 480 av. J.-C., voyait dans sa flotte un « rempart de bois », garant de sa survie face à l’ennemi. Tandis qu’au XVIIIᵉ siècle, l’écrivain écossais Alexander Webster affirmait qu’« une flotte constitue la sécurité de la Grande-Bretagne ». Dans les deux cas, la Marine apparaît comme l’outil premier de protection du territoire, de sécurisation des approvisionnements et d’affirmation de souveraineté. A la fin du XIXᵉ siècle, cette intuition a trouvé sa formulation théorique avec l’Amiral Alfred T. Mahan. Dans son œuvre majeure, il ne parle pas encore de « sécurité maritime », mais démontre que la maîtrise des mers par la force navale constitue la garantie primordiale de l’indépendance stratégique et conditionne la puissance mondiale des nations, son fameux hegemon. Ce lien reste pleinement actuel : la défense du territoire national, la sécurité des routes maritimes, des détroits stratégiques ou des infrastructures critiques repose toujours sur des moyens militaires, car l’Etat est le seul acteur en capacité de déployer des moyens d’action publique en mer. C’est d’ailleurs l’un des slogans de la Marine nationale : « Votre défense commence en mer » ! Ainsi, comme le souligne Pierre Royer, « loin d’être un luxe hors de prix, la puissance navale est une condition impérative de la liberté : liberté de commercer, d’agir pour protéger ses intérêts, de résister aux chantages sur l’accès aux ressources ». Les définitions classiques, de Raymond Aron — la puissance comme capacité « d’imposer sa volonté à d’autres unités politiques » (1962) — jusqu’à Geoffrey Till — insistant sur les fonctions militaires et « constabulaires » (c’est-à-dire de police des mers, de maintien de l’ordre et de protection des activités) des marines — rappellent que la sécurité maritime ne peut exister sans des flottes crédibles. La présence française dans l’océan Indien, ou les coalitions déployées depuis 2023 pour contenir les attaques houthies en mer Rouge ou lutter contre la pêche illégale dans les eaux australes illustrent cette diversité et permanence du rôle militaire : sans protection, pas de liberté de navigation, donc pas de mondialisation possible.
Mais la puissance maritime ne se réduit pas à cette seule dimension. Elle est aussi affaire de soft power, c’est-à-dire d’influence, pour reprendre l’expression de Joseph Nye. Gérard Dorel rappelait que la puissance réside dans la capacité à « assurer une influence durable en termes économiques, culturels et diplomatiques » (1998). En mer, cela passe par la diplomatie navale : évacuations humanitaires (comme celle des Arméniens du Musa Dagh en 1915 par la flotte française, ou encore l’évacuation en 2023 de ressortissants par des bâtiments européens, chinois et indiens au Soudan), assistance après catastrophes (à l’image du rôle joué par les marines américaine et australienne après le tsunami de 2004 en Indonésie, ou celui de la marine japonaise aux Philippines en 2013 après le typhon Haiyan), mais aussi coopération avec des partenaires régionaux, comme les opérations multinationales Atalanta et Ocean Shield contre la piraterie au large de la Somalie.
La puissance maritime s’exprime par la capacité à projeter la force pour protéger ses intérêts vitaux.
Ainsi, l’influence témoigne de la capacité d’un État à assumer des responsabilités internationales : surveillance des espaces communs, participation à la lutte contre la piraterie, protection de l’environnement marin. Elle se nourrit encore d’atouts scientifiques (IFREMER, universités, centres de recherche), industriels (Naval Group, CMA CGM, Technip Energies), et normatifs, grâce au rôle joué par la France dans les institutions spécialisées comme l’OMI ou l’AIFM. Autant de ressources qui permettent d’exister sur la scène internationale en contribuant à une sécurité maritime prise au sens large, mêlant stabilité économique, protection environnementale et résilience technologique.
C’est pourquoi certains États peuvent aller plus loin et combiner ces registres. Le smart power désigne cette articulation étroite entre hard et soft power, rendue possible par des moyens et une stratégie cohérente. La puissance maritime s’exprime alors par la capacité à projeter la force pour protéger ses intérêts vitaux, tout en mobilisant l’influence culturelle, scientifique et diplomatique pour agréger des partenaires et instaurer des normes.
P. V. : Dans une approche géopolitique qui croise généralement les échelles, comment la gouvernance sécuritaire des espaces maritimes impose-t-elle justement un nécessaire dialogue des échelles ?
S. D. : Comme le soulignait Jean Gottman, « le fait fondamental de notre univers est qu’il bouge, que tout y est mouvement, fluidité : l’atmosphère, les eaux, les hommes, la pensée. C’est pourquoi la circulation est à la base de toute géographie et de toute politique ». Or, « les océans, les mers constituent des milieux naturels indiscutables, mais ils présentent à l’analyse géographique des spécificités déroutantes. La surface des eaux, mobile, changeante, est une étendue sans repères géographiques fixes, indescriptible si ce n’est par ses limites continentales ». La mer est donc un espace instable, que certains auteurs qualifient de « monde de l’éphémère » (Augustin, 1994) ou de « l’impermanence » (Royer, 2014). Cette nature mouvante, conjuguée à la transnationalité des flux, complexifie l’appréhension des risques et menaces, qui franchissent sans effort les frontières (piraterie, trafics divers, pêche illégale, pollution, risques naturels, etc.) et échappent aux schémas traditionnels de la souveraineté étatique. Dans ce contexte, la sécurité maritime ne peut être pensée à la seule maille nationale. Elle suppose un emboîtement des échelles, du mondial au local.
À l’échelle mondiale, des institutions intergouvernementales comme l’Organisation maritime internationale (OMI), le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ou l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) posent des règles communes, mais sans véritable « chef d’orchestre », pour reprendre le mot de Jean-Pierre Fillon. Leur efficacité dépend de leur articulation avec les réalités macro-régionales et nationales.
À l’échelle macro-régionale, des accords, centres de fusion d’informations ou patrouilles conjointes permettent de réduire le nombre d’acteurs impliqués, et de traduire ces normes dans des bassins spécifiques — qu’il s’agisse du bassin caribéen, de l’Arctique, du golfe de Guinée ou du Pacifique insulaire.
À l’échelle nationale, les États demeurent des acteurs cardinaux : ils produisent le droit, déploient des moyens militaires et civils (marines, garde-côtes, administrations), et structurent la surveillance par leurs dispositifs locaux (préfectures maritimes, autorités portuaires). Ils sont en particulier responsables de l’animation du réseau des MRCC (Maritime Regional Coordination Center, traduit en français par CROSS : Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage), acté au niveau mondial par la convention SAR de Hambourg de 1979, et donc déclinée à l’échelle macrorégionale et surtout nationale en mer.
Enfin, le dialogue des échelles concerne aussi la gestion des usages à une échelle locale. La planification de l’espace maritime (MSP) permet d’arbitrer entre activités concurrentes — routes commerciales, pêches, énergies marines, câbles, aires protégées. En 2024, plus de cent plans couvraient déjà près d’un quart des ZEE mondiales, illustrant une co-gouvernance inédite où pêcheurs, industriels, ports, scientifiques et administrations élaborent ensemble des règles applicables du local à l’international.
P. V. : Quels sont les points forts et les points faibles de la France métropolitaine et de la France d’outre-mer en matière maritime ? Sommes-nous aujourd’hui à la hauteur de notre ZEE ? Dans le cas contraire, comment l’expliquer ? Et que faire pour optimiser nos atouts ?
S. D. : La France est une puissance maritime inachevée plus qu’une grande nation océanique accomplie. Avec près de 11 millions de km² de ZEE, la deuxième du monde derrière les États-Unis, elle dispose d’une assise géographique considérable, dont 97 % se trouve en outre-mer. Ces emprises lui offrent près de 23 000 km de frontières maritimes avec 30 États, un record mondial qui en fait le pays ayant le plus de voisins au monde. Ce maillage lui assure une présence planétaire mais aussi une responsabilité singulière. Car, contrairement à une idée reçue, la ZEE ne confère pas automatiquement la puissance : elle constitue un potentiel , dont la valorisation dépend des moyens, des capacités et d’une stratégie cohérente.
Ce qui fonde la puissance, c’est la capacité à connaître, exploiter, protéger et contrôler ces espaces.
D’abord parce que la souveraineté en mer ne se transpose pas symétriquement avec celle sur terre. Le gradient de souveraineté est inversement proportionnel à la distance de la côte : la souveraineté est importante dans les eaux territoriales, mais limitée à des droits économiques limités dans la ZEE, où demeurent la liberté de navigation et la possibilité, pour les marines étrangères, d’y réaliser toutes formes d’activités militaires. Ensuite parce disposer d’une assise sur de vastes espaces ne suffit pas : plusieurs États insulaires du Pacifique possèdent d’immenses ZEE sans y exercer de réelle influence. Ce qui fonde la puissance, c’est la capacité à connaître, exploiter, protéger et contrôler ces espaces.
Sur ce plan, la France dispose d’atouts indéniables. Sa Marine nationale est l’une des rares marines véritablement mondiales, tant par sa spatialité que ses capacités : force aéronavale, sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, présence quasi-permanente et points d’appui dans tous les océans, capacités de guerre des mines et d’opérations humanitaires. Son modèle, bien qu’échantillonnaire, lui permet de couvrir l’ensemble du spectre opérationnel, à la différence d’autres marines plus spécialisées. À cette puissance navale s’ajoute une base industrielle et technologique de rang mondial : Naval Group (construction navale), CMA CGM (3ᵉ armateur mondial), Technip Energies, ou encore ASN/Orange Marine, qui gèrent près de 30 % de la flotte mondiale de maintenance des câbles sous-marins. Sur le plan scientifique, l’IFREMER et plus de 7 000 chercheurs répartis dans 222 unités mixtes de recherche font de la France un acteur majeur de la connaissance des océans. L’ensemble de ces atouts permet à notre pays d’exister et de peser de manière particulièrement significative sur la scène internationale, en particulier dans les instances régionales et mondiales comme l’OMI et le Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Sommes-nous à la hauteur de notre géographie maritime ? Pas encore.
Cette situation s’accompagne toutefois de faiblesses structurelles. La surveillance reste disproportionnée face à l’immensité des espaces : seuls quelques patrouilleurs et avions assurent par exemple la couverture de la Polynésie française. Le pavillon français, qualitatif mais limité, se classe seulement au 30ᵉ rang mondial en volume. Les ports métropolitains demeurent vulnérables à la concurrence internationale, un conteneur sur deux destiné à la France transitant par des terminaux étrangers. Enfin, la culture maritime reste insuffisamment ancrée : comme le rappelait Thomas Gomart (IFRI), la France demeure « un pays d’ambition maritime mais de tradition continentale », marqué par une forme d’inconscience maritime qui confine encore l’océan à un impensé collectif.
Sommes-nous à la hauteur de notre géographie maritime ? Pas encore. La France dispose bien des instruments doctrinaux, militaires, industriels et diplomatiques, mais leur mise en cohérence reste un défi majeur. Des signaux positifs émergent toutefois : les réformes récentes — Stratégie nationale pour la mer et le littoral, développement de la planification de l’espace maritime — traduisent une volonté politique plus affirmée, tandis que les efforts en matière d’éducation sur ces enjeux se sont accrus ces dernières années. À ces dynamiques s’ajoute la mobilisation croissante des technologies spatiales, qui renforcent la connaissance et la surveillance de nos espaces maritimes, y compris les plus éloignés. Mais comme l’écrivait déjà le prince de Joinville en 1853, « en Marine, rien ne s’improvise, pas plus les bâtiments que les hommes. Pour avoir une Marine, il faut la vouloir beaucoup, et surtout la vouloir longtemps ». Transposée à la puissance maritime, sa maxime conserve toute sa pertinence : seule la constance et une vision de long terme permettront de faire de notre géographie un atout stratégique pleinement assumé.
Copyright Septembre 2025-Domergue-Verluise/Diploweb.com
Plus
. Sylvain Domergue, « Géopolitique des espaces maritimes », éd. Armand Colin
4e de couverture
L’actualité internationale ne cesse de rappeler une évidence : qu’il s’agisse
de la perturbation des exportations de blé en mer Noire, de l’accident de
l’Ever Given dans le canal de Suez, des attaques houthies contre le trafic
maritime en mer Rouge ou de l’assèchement des écluses du canal de
Panama, la mondialisation est intrinsèquement liée aux espaces maritimes.
Cette dépendance dépasse largement le seul cadre économique
et commercial. Les mers et les océans sont au coeur des enjeux de
préservation, tant ils sont essentiels aux équilibres climatiques et
environnementaux dont dépendent de nombreuses activités humaines.
Ils constituent également un théâtre majeur de rivalités entre puissances
étatiques, soulevant des problématiques structurantes en science politique
et relations internationales.
Comment en sommes-nous arrivés à une telle dépendance envers les
espaces maritimes ? Quels défis soulèvent-ils en matière d’appropriation,
de sécurité maritime et de gouvernance environnementale ? Dans quelle
mesure présentent-ils, en parallèle, des opportunités uniques d’échange
et d’intégration ?
En adoptant une approche géopolitique solidement ancrée dans la
géographie, cet ouvrage propose un voyage à travers les mers et les
océans, sur fond de crises environnementales, de rivalités entre États
et de menaces transnationales.
Agrégé et docteur en géographie, Sylvain Domergue enseigne la Géopolitique, et notamment les enjeux de sécurité maritime, depuis 2015 à Sciences Po Bordeaux. Il est également Officier de Marine (ministère des Armées, Paris). Sylvain Domergue publie « Géopolitique des espaces maritimes », éd. Armand Colin.
Propos recueillis par Pierre Verluise, docteur en géopolitique de l’Université de Paris IV – Sorbonne, Pierre Verluise est fondateur du premier site géopolitique francophone, Diploweb.com. Auteur ou co-auteur ou directeur d’une trentaine d’ouvrages sur la géopolitique de l’Europe et la géopolitique mondiale.
[1] NDLR : Le fleuve Essequibo prend sa source au Brésil, coule du sud vers le nord sur près de 1 000 kilomètres avant de se jeter dans l’océan Atlantique. L’Essequibo, est aussi le nom de la région comprise entre le fleuve du même nom et la frontière entre le Guyana et le Venezuela. Ce territoire comporte une dimension hautement stratégique car il est riche en ressources énergétiques et minières : pétrole, or, diamant, cuivre, bauxite, fer… Source : Patrick Blancodini, Essequibo : crise géopolitique entre le Guyana et le Venezuela, Géoconfluences, 2024. Disponible à l’adresse https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/essequibo-crise-geopolitique-entre-le-guyana-et-le-venezuela
[2] NDLR : Mangroves, extrait de la définition du glossaire de Géoconfluences : « La mangrove est une formation végétale des littoraux intertropicaux, constituée par l’association de plantes arborescentes ou arbustives halophiles regroupées sous le terme de palétuviers et qui se développent dans la zone de balancement des marées (l’estran) ». Disponible à l’adresse https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/mangrove
[3] NDLR : « Les sargasses sont des algues flottantes regroupées en radeaux pouvant s’étendre sur plusieurs kilomètres ». Source Géoconfluences https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/sargasses
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,Date de publication / Date of publication : 21 septembre 2025
Titre de l'article / Article title : Quelle géopolitique des espaces maritimes ? Entretien avec S. Domergue
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Comment la géopolitique éclaire-t-elle les immenses espaces maritimes ? Pourquoi sont-ils de plus en plus importants et stratégiques ? Comment la puissance et la sécurité maritime s’articulent-elles ? Quels sont les atouts et les faiblesses structurelles de la France en matière maritime ? Sylvain Domergue répond aux questions de Pierre Verluise pour Diploweb. Sylvain Domergue vient de publier « Géopolitique des espaces maritimes », éd. Armand Colin.
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