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www.diploweb.com présente " Quelle France dans le monde au XXI e siècle ? ", par Pierre Verluise

2. QUELLES SONT LES IMAGES DE LA FRANCE A L'ETRANGER ?

Partie 2.5. Quels sont les domaines d'excellence reconnus à la France ?

 

Introduction - 1. Comment les Français voient-ils le monde ? - 2. Quelles sont les images de la France à l'étranger ? - 3. Quels sont les outils disponibles ? - 4. Quelle politique étrangère ? - 5. Quelle mondialisation construire ? - Conclusion - Postface de Gérard Chaliand : Stratégie d'influence
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S’il reste un domaine accolé à la France dans beaucoup de pays, c’est bien la culture. Ce qui contribue à faire de la France la première destination touristique du monde. En revanche, les compétences économiques et technologiques françaises demeurent souvent méconnues.

. Une référence culturelle... sur la défensive

En Europe centrale et orientale comme au Japon, aux Etats-Unis ou en Amérique Latine, en Afrique du Sud voire en Grande-Bretagne, la culture française héritée des siècles passés laisse généralement admiratif. Les plus grands écrivains sud-américains, par exemple, font couramment référence à la littérature française.

Pour autant, la qualité et, donc, l’attractivité de la production culturelle française contemporaine décroît au fur et à mesure qu’avance le XX e siècle. Notre influence culturelle dans le monde s’amoindrit après la Première Guerre mondiale et décline de plus en plus rapidement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, explique l’ambassadeur Francis Huré. " La France de l’entre-deux-guerres avait encore en Europe et dans le monde une place considérable. Paris était la capitale mondiale de la culture, de la littérature, de la peinture, d’une certaine forme d’architecture, etc.

L'amertume d'une génération

La victoire anglo-saxonne de 1945 marque une première mondialisation, c'est à dire une américanisation, tant sur le plan économique que culturel. Un combat à retardement a été mené et il n’a pas été inutile, mais au terme des années 1990, les hommes qui ont participé au redressement de la France après la Seconde Guerre mondiale se sentent submergés.

La culture anglo-saxonne l’a emporté et la France s'est régionalisée. Elle risque de se voir réduite au rang d’un territoire utilisant son idiome. La langue française a perdu son rang de langue véhiculaire, transportant un message dans le monde. Cette langue a cessé d’incarner pour les élites étrangères - y compris du tiers-monde - le moyen d’accession à la culture, au progrès et à la fortune. Peu à peu, on le sent devenir un objet de recherche pour spécialistes. Il serait illusoire de compter sur l’Europe pour redresser cette situation. Il faut être aveugle pour ne pas voir que le monde anglo-saxon à l’Ouest et le monde allemand à l’Est nous prennent dans des tenailles extraordinairement fortes et que nos inspirations créatrices s'étouffent du même coup.

Malheureusement, je ne discerne en France aucun souffle novateur. Même sur le terrain de la mode, qui fut longtemps notre domaine privilégié. Les Italiens, les Anglais, les Japonais et les Américains ont autant de stylistes imaginatifs que nous.

Un comportement inadéquat

Les Français ne prennent même pas suffisamment soin de leur patrimoine, alors qu’il donne du travail à plusieurs millions d’entre eux par les effets directs et indirects du tourisme. D’une part, des paysages uniques ont été dénaturés, comme la côte d’Azur. D’autre part, au lieu de dire " nous sommes dans une situation périlleuse parce que notre image de marque s’estompe" - ce qui induirait des attitudes de lutte - nous sommes bercés par une vision de notre pays ne correspondant plus à celle que se fait l’étranger. En conséquence de quoi, au lieu d’accueillir ces touristes avec une bienveillance et honnêteté, nous nous comportons trop souvent comme des gens qui pensent : " S’ils viennent chez nous, ils n’ont qu’à en payer le prix ". Si plus de soixante millions d’étrangers repartent chaque année chez eux en pensant que les Français sont des voleurs ou des mal élevés, cela ne peut que tuer la poule aux œufs d’or ". Une fois encore, les Français sont leur pire ennemi.

Dans un monde de plus en plus façonné par la commercialisation des échanges, la culture et le tourisme ne peuvent suffire à défendre son rang. En matière économique, la France se voit-elle reconnaître des domaines d’excellence ?

. Une attractivité économique concurrencée

L’étude citée de DDB Brand and Business indique que l’image économique de la France reste prisonnière des représentations plus générales de ce pays dans le monde. Résultat, la dimension économique de la France se voit minorée, réduite au luxe, à la gastronomie et au tourisme. En revanche, ses aptitudes industrielles et technologiques demeurent sous-estimées. Par ailleurs, les étrangers reprochent aux Français un manque de dynamisme commercial, d’esprit de service et de souplesse. Ce qui ne reste pas sans conséquence.

En effet, la dynamique économique d’un pays est étroitement liée à celle des investissements. Dans une économie mondiale de plus en plus ouverte, les investisseurs nationaux et étrangers cherchent à les rentabiliser en choisissant les lieux qui leur semblent promettre les plus importants profits. La localisation des investissements dépend donc étroitement de leurs représentations de l’attractivité des territoires.

De nombreux pays européens concurrents ont récemment renforcé leur attractivité. Le Royaume-Uni et l’Irlande ont pris des mesures fiscales favorables aux investisseurs et réduit les coûts et les risques. Les Pays Bas ont développé des infrastructures améliorant leur insertion dans les échanges. Les pays d’Europe centrale et orientale ont engagé des mesures de libéralisation.

Faute de mesures adéquates pour résister à cette concurrence, la France subit un temps une fragilisation relative de son attractivité. Comme en témoigne l’arrêt en 1996 de la croissance régulière des investissements extérieurs et la stagnation des investissements français dans l’Hexagone.

Faiblesses et points forts

Afin d’identifier des possibilités d’amélioration, distinguons l’attractivité  du système économique français, du territoire et de ses produits.

Roland Meyer constate que " la structure économique française est jugée peu attractive par les étrangers. D’ailleurs, la littérature économique étrangère en matière de consultance fait très peu référence à l’existence d’un " modèle français ". Alors qu’on évoque régulièrement le modèle américain, japonais, allemand, italien ou espagnol... Quand les Allemands ou les Italiens font, par extraordinaire, référence à un éventuel modèle économique français, c’est toujours avec beaucoup d’ironie. Les étrangers considèrent que les Français ne sont toujours pas sortis du modèle monarchique. En effet, les classes sociales françaises restent extrêmement cloisonnées. Dans le monde de l’entreprise, cela se traduit par des modes d’organisation marqués par une très forte distance hiérarchique entre les différents types d’acteurs ".

Par ailleurs, les étrangers reconnaissent au territoire français une localisation riche en atouts, des infrastructures performantes et un marché attractif. Mieux encore, les étrangers jugent l’environnement industriel de qualité et apprécient la productivité élevée de la main d’œuvre qualifiée (1).

Les points d’excellence reconnus à la France sont cependant facilement brouillés par des représentations défavorables du cadre politique, de la fiscalité et des relations sociales.

D’une part, les investisseurs étrangers déplorent en France la faible lisibilité de l’environnement institutionnel et le comportement généralement peu avenant de l’administration à l’égard des entreprises.

D’autre part, la fiscalité française est - dans son ensemble - jugée répulsive (2). Le niveau élevé de la taxe professionnelle et le coût des charges sociales sont stigmatisés comme des freins puissants à l’embauche.

Enfin, la complexité du code du travail, la rigidité de l’inspection du travail et le manque de flexibilité dans les usages de la main d’œuvre paraissent surréalistes.

Il existe, cependant, des marges de progression. En effet, les performances comparées de pays concurrents en terme d’attractivité du territoire prouvent que des politiques cohérentes et suivies produisent des résultats très significatifs.

Made in France

Dernier élément majeur de l’image économique du pays dans le monde, la perception de la qualité des produits français par le grand public étranger. Chef de l’Observatoire des Stratégies Industrielles au ministère de l’Economie et de l’Industrie, Grégoire Postel-Vinay note une évolution encourageante. " Aux domaines bénéficiant depuis longtemps d’une image de bonne qualité - le luxe, le tourisme et les grandes infrastructures - sont venues récemment s’ajouter quelques nouveaux points forts, comme l’automobile. Les politiques de qualité menées, notamment par Renault, ont été couronnées de succès. Les progrès d’image enregistrés résultent des politiques de qualité des entreprises et de l’image de performance induite par le solde positif répété du commerce extérieur français. Par une sorte de phénomène vertueux, un commerce extérieur régulièrement bénéficiaire depuis quelques années conduit à faire penser que la France fabrique et vend des produits de bonne qualité. Ainsi, une somme de succès ponctuels contribue à un succès plus global ".

Pour autant, la France doit mieux faire puisque les enquêtes internationales la place - seulement - au quatrième rang mondial en terme d’image de qualité de sa production industrielle. Les études montrent, notamment, un décalage entre les grandes et les petites entreprises, les premières étant plus avancées que les secondes dans leur démarche d’amélioration de la qualité.

Des performances technologiques méconnues

Surtout, il importe de mener des réflexions et des actions pour mieux valoriser aux yeux du monde la recherche et la technologie françaises. Ambassadeur de France au Japon en 1987 - 1990, Bernard Dorin a alors constaté " une extrême difficulté à intéresser les Japonais à cette dimension de la France contemporaine".

Bien que soumise à forte concurrence, il semble que la réputation culturelle de la France fait écran  et minore ses compétences économiques et technologiques. Il y aurait donc une étude à mener pour savoir comment mieux articuler ces deux dimensions des représentations de la France dans le monde. Le propos est moins d’abandonner l’une pour l’autre que d’arriver à penser et à mettre en œuvre une synergie entre ces deux facettes d’un même pays. Encore faudrait-il être conscient de la nécessité d’une politique d’image. Partie suivante>

Pierre Verluise

Notes :

1. Notamment au vu de l’étude intitulée : France industrie 2000, attractivité du territoire national et développement industriel, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Directions Générale des Stratégies Industrielles, Observatoire des Stratégies Industrielles, novembre 1997. La maîtrise d’ouvrage a été assurée par Grégoire Postel-Vinay, chef de l’Observatoire des Stratégies Industrielles.

2. La part des prélèvements obligatoires dans le Produit Intérieur Brut pèse 46,1% en France, alors que la moyenne dans l’Union européenne est de 42,4 %. En Grande- Bretagne, cette part se limite à 37,3 %. En 1998, la filiale d’un groupe pétrolier multinational souhaitant implanter une nouvelle unité de production en Europe a donc choisit pour des motifs fiscaux un site en Angleterre plutôt qu’en France. Le coût supplémentaire de l’investissement en France représentait un handicap de 150 M.F. pour un investissement de 650 M.F.

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Mise en ligne 2001
     
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