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« Royaume-Uni, les années Blair », 

par François-Charles Mougel,

professeur d'histoire contemporaine à l'IEP de Bordeaux

 

A travers les évolutions de la conjoncture et de l’opinion publique, François-Charles Mougel parvient à définir la continuité de l’action et des idées politiques du Premier ministre, dans des domaines aussi variés que la modernisation sociale et économique du pays, la place de la Grande Bretagne dans la géopolitique mondiale et la réforme des structures nationales et étatiques. Ce livre  reste accessible tout en constituant une véritable référence dans la compréhension des « années Blair » et de la société britannique dans son ensemble.  

Mots clés - Key words: royaume-uni, les années blair,  françois-charles mougel, documentation française, 2005, premier ministre, grande-bretagne, angleterre, libéralisme, socialisme, troisième voie, histoire contemporaine, relations internationales, politique intérieure, société britannique, opinion publique, modernisation sociale, modernité économique, géopolitique mondiale, géopolitique européenne, politique blairiste, pragmatisme politique, citoyenneté, démocratie, libéralisme thatchérien, socialisme syndicaliste, états-unis, relations spéciale entre le royaume-uni et les états-unis, commonwealth, réforme des institutions du royaume-uni, chambre des lords, 11 septembre 2001, attentats,  terrorisme, guerre en irak, chômage, cartes, chronologie.

 

 

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Paris, documentation Française, 2005, 160 p.

Tony Blair entame son troisième mandat en tant que Premier ministre. Cet homme atypique et charismatique a accompagné la Grande-Bretagne dans le tournant du XXI° siècle en s’attirant alternativement louanges et  critiques. Dans son pays comme au niveau de la communauté internationale, ce « radical consensuel » intrigue au point qu’il semble parfois difficile de mesurer l’ampleur de la « Troisième voie » qu’il a ouverte.

Un livre solide

François-Charles Mougel nous offre, dans Royaume-Uni, les années Blair, des éléments de réponse forts convaincants en retraçant l’action de l’homme dans une vision morale de la politique, située entre libéralisme et socialisme. Ce professeur d’histoire contemporaine à l’IEP de Bordeaux, connu pour être un spécialiste de l’histoire du Royaume-Uni après sa publication d’un grand nombre d’ouvrages phares tels que l’Histoire du Royaume-Uni au XX° siècle ou encore La Grande-Bretagne contemporaine, offre ici une analyse fine et détaillée de la politique, voire de la personnalité de Tony Blair. Il brosse un tableau de chaque mandat, opposant le premier, placé sous le signe de « l’élan des réformes », au deuxième qui est celui « d’une délicate consolidation » de sa politique. Cependant, il ne faut pas oublier que, à travers la description de l’homme d’Etat, c’est la société britannique toute entière qui est mise en exergue. Effectivement, à travers les évolutions de la conjoncture et de l’opinion publique, François-Charles Mougel parvient à définir la continuité de l’action et des idées politiques du Premier ministre, dans des domaines aussi variés que la modernisation sociale et économique du pays, la place de la Grande Bretagne dans la géopolitique mondiale et la réforme des structures nationales et étatiques. C’est pour montrer cette cohérence, que j’ai choisi de contourner la structure chonologico-thématique de l’auteur par une version plus directe et plus globale de l’ouvrage  en retraçant les grandes lignes de la politique blairiste d’une part, et les résultats de cette politique au regard des circonstances conjoncturelles d’autre part. 

Modernisateur

Tony Blair incarne l’homme de la « Troisième voie » et de la « Révolution tranquille » qui se caractérise par une démarche souple, cherchant plus le consensus et les résultats concrets que l’idéologie rigide. Dans une période de « présidentialisation de la fonction de Premier ministre », il s’assume pleinement comme modernisateur du pays, quitte à jouer sur différents tableaux. Il inaugure ainsi « un nouveau style en politique » alliant « une relation directe entre le pouvoir et l’opinion publique », une vision morale de sa fonction, et une démarche résolument pragmatique. Cette manière d’aborder la politique, lui permet de mettre de côté les différentes rivalités théoriques et de rechercher la voie la plus efficace dans l’apologie du centrisme et d’une « éthique de l’optimisme ». Il se donne, durant chacun de ses mandats, des objectifs clairs qu’il énonce aux citoyens avant de mettre en place les politiques les plus appropriées pour les réaliser. Cette méthode nouvelle, parfois incomprise, est utilisée autant au niveau interne que sur la scène internationale, créant ainsi une véritable politique globale, voire un modèle de société novateur.

T. Blair. Crédits: Ministère des Affaires étrangères, F. de la Mure

 

"Ce qui compte c’est ce qui marche"

Au niveau interne, il cherche le compromis entre libéralisme thatchérien et socialisme syndicaliste de l’ "Old Labour".  Pour lui, « La politique n’est ni de gauche ni de droite, elle est bonne ou mauvaise ; ce qui compte c’est ce qui marche ». Ainsi, il mêle une certaine continuation néo-libérale de flexibilité de l’emploi, de poursuite des privatisations et de réduction de la dette publique avec une volonté socialisante de créer un « Etat providence régénéré », aidant tous ceux qui veulent améliorer leur condition. En ajoutant à cela une volonté morale de « créer une société globale fondée sur le mérite et le travail » et une volonté de démocratisation du royaume, Tony Blair parvient à donner un sens à sa démarche et à ainsi rallier une grande partie de l’opinion.

Au niveau international, le but affiché de Tony Blair est de valoriser son pays au niveau diplomatique. Pour cela, il s’engage sur de nombreux domaines, avec une volonté d’afficher un projet démocratique et humaniste. Dans la continuité de sa visée radicale, il refuse de choisir entre les Etats-Unis et l’Union européenne, en tentant de faire coïncider les deux visions de la géopolitique mondiale. Dans le même temps, le Premier ministre souhaite conserver ses liens avec le Commonwealth, facteur indéniable du rayonnement britannique, mais aussi d’apparaître comme un des instigateurs de la paix au Proche-Orient, notamment dans le règlement du conflit israélo-palestinien. Ces larges ambitions, leitmotiv de la politique étrangère de la Grande-Bretagne, sont teintés d’un certain optimisme caractéristique de la politique blairiste.  

Pourtant, dans le domaine international plus encore que dans les autres domaines, ces visées seront mises à mal par les circonstances changeantes puisque la réalité de sa politique, et surtout la perception qu’en ont les différents observateurs dépend fortement des conjonctures.  

Réformes et tensions

Son arrivée au pouvoir d’abord,  « après 18 ans de thatchérisme » lui ouvre la voie des réformes. Ainsi, il réalise lors de son premier mandat de réelles performances politiques. Au niveau institutionnel, il s’attire la sympathie des quatre nations en leur permettant une plus grande autonomie grâce à une certaine régionalisation du royaume. D’autre part, il réforme les structures étatiques elles-mêmes, notamment la Chambre des Lords jugée archaïque et anti-démocratique. Ces mesures consensuelles s’accompagnent d’autres actions concrètes au niveau économique, social, budgétaire et diplomatique qui permettent à Tony Blair de remporter un second mandat en 2001 malgré les crises significatives qui ont touchées le pays à la fin du siècle (Vache folle, OGM, affaire Ecclestone, crise des carburants…).

Cette seconde période de gouvernement a été influencée par les crises internationales et les problèmes conjoncturels. A ce niveau, ce sont surtout les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak qui ont le plus porté atteinte à la politique de Tony Blair, le faisant passer pour le « caniche de Bush », altérant l’image pacificatrice du pays, et créant une rupture avec la « vieille Europe ». Dans le même temps, ce deuxième mandat marque une phase de « piétinements » au niveau institutionnel, et un durcissement draconien au niveau sécuritaire et juridique. Pourtant, malgré ce contexte alarmant, le Royaume-Uni conserve son développement économique dynamique dans le respect de la protection sociale et de « la sauvegarde des services publics ». Surtout, Tony Blair parvient à conserver une certaine majorité de soutien qui lui permet de remporter son troisième mandat en mai 2005, lançant, sans doute, sur une nouvelle « séquence de relance et d’innovations ».

Troisième mandat

Ce dernier mandat s’ouvre effectivement sur « toute une série d’évènements, positifs ou dramatiques », qui va « relancer la donne et rendre à Tony Blair l’initiative qui semblait lui échapper ». Son bilan est celui d’un pays parvenu à un stade de développement inégalé, ayant descendu son taux de chômage à 4% selon les critères du BIT, largement ouvert sur l’extérieur et présent sur la scène internationale. Ces réussites exceptionnelles en Europe sont à nuancer par les différents problèmes qui subsistent, voir qui ont augmenté dans le pays (différences territoriales et sociales, petite criminalité, intolérances communautaires, image ternie au niveau international…).  Pourtant, ces incertitudes, loin de relever d’un fatalisme, mettent en valeur un pays « qui s’interroge sur son avenir » ; ce qui pourrait mener à « créer une forme de quatrième voie, proche du modèle scandinave actuel », dont Tony Blair sera retenu comme instigateur. 

Au final, il faut retenir que Tony Blair, par son action politique, tout comme par sa vision globale et du monde britannique, restera assurément « comme une référence et sa trace ne sera pas mince ».

C’est toute la force de François-Charles Mougel que de mettre en valeur les caractéristiques de cette « ère blairiste ». Cependant, au travers cette version condensée de sa pensée, il ne faut pas omettre les autres éléments qui contribuent à la valeur de cet ouvrage. Il s’agit de saluer les nombreux éléments factuels qu’il contient, mais aussi la clarté de sa rédaction ainsi que les nombreuses illustrations cartographiques et chronologiques. Tout cela fait que ce livre sait rester accessible tout en constituant une véritable référence dans la compréhension des « années Blair » et de la société britannique dans son ensemble.  

Pauline Prodhome

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Date de la mise en ligne: juin  2006

 

       

 

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